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LE MONDE DU NOUVEAU
TESTAMENT, par Dr. Wilbert Kreiss
Index
Préface
CHAPITRE 1: LA PERIODE GRECQUE (332-167 av. J.-C.)
Les conquêtes d’Alexandre le Grand
Les diadoques
Les juifs sous la dynastie des Ptolémées (305-198 av. J.-C.)
Les juifs sous la dynastie des Séleucides (198-164 av. J.-C.)
o Questions de révision et exercices
CHAPITRE 2: LA REVOLTE DES MACCABEES ET LA PERIODE
ASMONEENNE (167-63 av. J.-C.)
La révolte des Maccabées (167-142 av. J.-C.)
La domination asmonéenne (142-63 av. J.-C.)
o Questions de révision et exercices
CHAPITRE 3: LA PERIODE ROMAINE AVANT JESUS-CHRIST (63-4
av. J.-C.)
o Questions de révision et exercices
CHAPITRE 4: LA PALESTINE AU TEMPS DU CHRIST ET DES
APOTRES (4 av. J.-C. - 70 apr. J.-C.)
Les successeurs d'Hérode le Grand
La Judée sous les procurateurs romains
o Questions de révision et exercices
CHAPITRE 5: LE JUDAISME
Origine et développement
Particularités du judaïsme
o Questions de révision et exercices
CHAPITRE 6: LES PARTIS ET LES DOCTRINES DU JUDAISME
Les sadducéens
Les pharisiens
Les zélotes
Les esséniens
Les doctrines du judaïsme
o Questions de révision et exercices
Préface
Ce fascicule fait suite à celui que nous avons publié sur le monde de l’Ancien
Testament. Il reprend l’histoire de la Palestine à l’endroit où nous l’avions laissée
et la poursuit jusqu’à l’écrasement de Jérusalem par les armées romaines et
l’extinction de la nation d’Israël,... en attendant sa réapparition le 14 mai 1948.
Mais cela, c’est une autre histoire.
Notre propos était de présenter la Palestine à l’époque du Christ et de ses
disciples. Donc un brin de géographie, pas mal d’histoire et surtout des
informations détaillées sur la situation politique et religieuse de la Palestine à
l’époque où Jésus et ses apôtres foulèrent son sol pour annoncer que le plan de
Dieu s’était accompli et que son Royaume était venu.
Nous espérons fournir des renseignements permettant de mieux comprendre ce qui
s’est passé, quand le Messie d'Israël est venu chez les siens et que les siens ne l'ont
pas reçu, ouvrant à l’Evangile la porte du monde païen.
Comme toujours, une leçon après l’autre, sans oublier les questions et les
exercices...
Châtenay-Malabry, avril 1993
W. Kreiss
CHAPITRE 1: LA PERIODE GRECQUE
(332-167 av. J.-C.)
Les conquêtes d’Alexandre le Grand:
Philippe II (382-336 av. J.-C.), roi de Macédoine (356-336 av. J.-C.), voulait une
Grèce unifiée. Ayant affermi ses positions du côté de l'Illyrie et de la Thrace, il se
tourna vers la Grèce. La victoire de Chéronée en 339 av. J.-C. faisait du lui le
maître du pays. Pendant 23 ans, il s'efforça de reprendre les villes grecques à la
domination perse et de mobiliser une armée qui lui permettrait un jour d'écraser la
Perse. Il s'apprêtait à lui déclarer la guerre, quand il fut poignardé en 336 av. J.-C.
au cours d'une procession, à l'instigation de sa femme Olympias. On soupçonna
celle-ci, mère d'Alexandre, d'avoir commandité l'assassinat pour empêcher la
naissance d'un fils par une autre épouse.
Alexandre (356-323 av. J.-C.) devint empereur à l'âge de 19 ans. Aristote lui avait
inculqué une grande soif de connaissance, l'amour de la culture et des idées
grecques, l'art de gouverner un pays, la philosophie, la métaphysique, l'éthique, la
science et la médecine. Il eut l'idée d'établir un empire universel où régnerait la
culture grecque. Pour cela, il l'implanta en établissant des colonies partout où il se
rendit.
Ayant soumis les Thraces au-delà du Danube, il franchit l'Hellespont (détroit des
Dardanelles) en 334 av. J.-C. pour livrer combat aux Perses. Il vainquit Darius III à
Issus, sur le chemin conduisant de Cilicie en Syrie, s'empara de Tyr qui lui opposa
pendant sept mois une résistance farouche (332 av. J.-C.), de Gaza, puis de
Jérusalem. Ayant vaincu l'Egypte, il établit des plans pour une grande ville qui
devait porter son nom, puis se rendit par Damas sur les rives du Tigre où il régla
son sort à l'empire perse en conquérant Babylone, Suse la capitale, et Persépolis.
Les butins de ces villes prospères lui permirent de payer les dettes qu'il avait
contractées pour mobiliser son armée et financer ses campagnes.
Ses conquêtes amenèrent Alexandre dans le pays des Parthes, puis à Bactriane, à
l'est de la mer Caspienne, et enfin sur les rives de l'Indus. Arrivées là, ses troupes
refusèrent d'aller plus loin. Il décida de rentrer, en prenant la route du sud, et
mourut d'une fièvre à Babylone (323 av. J.-C.), à l'âge de 33 ans, après avoir
parcouru plus de 25.000 km. En moins de 14 ans, il avait fondé un empire plus
grand que celui des Perses, y avait propagé la culture grecque et établi un nouveau
genre de gouvernement. Il avait aussi employé à la construction de villes les
soldats blessés ou trop vieux pour combattre. Ceux-ci épousaient des femmes du
pays et formaient ainsi le noyau de la population de ces cités nouvelles. Ces
mariages mixtes aidèrent à unifier les différentes cultures. Un an avant sa mort, en
324 av. J.-C., fut publié un édit de déification visant à donner à Alexandre le rang
d’un fils de dieu et à asseoir ainsi son autorité sur l’empire.
Les diadoques:
Alexandre ne laissa aucun héritier au trône, bien que ses généraux l’aient
encouragé à se marier avant d’aller envahir l’Asie. Son successeur devait être son
demi-frère, Philippe, un malade mental, ou l’enfant qu’il attendait de Roxanne, son
épouse. Philippe fut tué par sa mère Olympias, qui avait déjà assassiné son père
Philippe II. Finalement tout ce monde fut mis à mort et quatre généraux
s’emparèrent du pouvoir en 315 av. J.-C. On les appela les diadoques, ce qui
signifie les successeurs. Ainsi fut morcelé l’immense empire fondé par Alexandre.
Le destin des juifs allait se jouer entre Seleucus Nicanor qui avait reçu en partage
la Babylonie, la Syrie et l’Asie Mineure, et Ptolémée qui régnait sur l’Egypte et la
Palestine.
Les juifs sous la dynastie des Ptolémées (305-198 av. J.-C.):
On sait peu de choses de la Palestine pendant la période des Ptolémées qui vit se
succéder Ptolémée I Soter (323-285 av. J.-C.), Ptolémée II Philadelphe (285-246
av. J.-C.), Ptolémée III Evergète I (246-221 av. J.-C.), Ptolémée IV Philopator
(221-203 av. J.-C.) et Ptolémée V Epiphane (203-181 av. J.-C.). Le premier
souverain de cette dynastie, Ptolémée I Soter, avait déporté 100.000 juifs en
Egypte. D’autres s’y rendirent de leur propre gré. Une forte colonie alla s’intaller à
Alexandrie, dans un quartier situé à l’écart, près de la côté, où ils purent vivre,
semble-t-il, en toute tranquillité et pratiquer leur religion. Beaucoup de ces juifs
furent fortement influencés par l’environnement grec. Ils développèrent avec le
temps un type de judaïsme qui incorporait les idées nouvelles disséminées par les
Grecs. C’est pendant cette période que fut entreprise la traduction grecque de
l’Ancien Testament appelée les Septante (LXX).
Quant aux juifs restés en Palestine, ils payaient un tribut au souverain égyptien,
mais jouissaient d’une certaine autonomie sous la direction du souverain
sacrificateur. Mais ils supportaient mal la domination étrangère et se réjouirent
quand ils apprirent que Ptolémée V Epiphane avait été vaincu par Antiochus III
(198 av. J.-C.). Ils ignoraient alors les difficultés auxquelles ils auraient à faire face
sous le règne des Séleucides.
Les juifs sous la dynastie des Séleucides (198-164 av. J.-C.):
En 217 av. J.-C. déjà, Antiochus III (198-187 av. J.-C.) avait tenté à deux reprises
de s'emparer de la Palestine, mais fut chassé par Ptolémée IV Philopator. Le
successeur de ce dernier était un enfant de cinq ans, quand il monta sur le trône
égyptien. Antiochus en profita pour lui ravir la terre des juifs. Dès lors, c'en fut fait
de leur paix et de leur tranquillité. Ils allaient devoir affronter d'énormes
difficultés.
Le Carthaginois Hannibal réussit à entraîner Antiochus dans un conflit avec Rome.
Il fut vaincu en 202 av. J.-C. et alla se réfugier en Syrie, à la cour d'Antiochus.
Celui-ci décida d'envahir la Grèce à qui Rome avait donné sa liberté. Alors les
Romains lui déclarèrent la guerre en 192 av. J.-C.. Antiochus fut vaincu au col des
Thermopyles et à Magnésie, dut abandonner tous ses territoires sauf la Cilicie et
verser aux Romains un fort tribut de guerre. Il augmenta donc les impôts des juifs.
Les exigences croissantes des Séleucides à ce sujet ne firent que multiplier les
problèmes.
Par ailleurs, depuis l'époque des Ptolémées, le souverain sacrificateur de Jérusalem
devait s'acquitter d'un impôt annuel lui garantissant la reconnaissance royale. Le
souverain sacrificateur Onias II s'y refusa. Son neveu Joseph, dirigeant d'une
faction rivale, décida de le payer pour empêcher Ptolémée de placer la Judée sous
contrôle militaire. Il fut alors nommé collecteur d'impôts pour tout le pays, ce qui
fit de lui un haut fonctionnaire et de sa famille une des plus riches de la Palestine.
Malgré l'augmentation des taxes, les juifs jouirent pendant 22 ans d'une prospérité
indéniable.
Pour s'acquitter de l'énorme tribut de guerre imposé par les Romains, Antiochus III
avait, en plus des impôts prélevés sur les juifs, confisqué le trésor du temple de
Jérusalem. Son fils Séleucus IV Philopator (187-175 av. J.-C.) poursuivit cette
même politique. Trois des fils de Joseph, connus sous le nom de "fils de Tobias",
soulevèrent la foule et fomentèrent des révoltes. Onias II, grand-prêtre depuis 174
av. J.-C., décida d'aller trouver Séleucus pour implorer son secours. Mais celui-ci
fut assassiné.
Son frère Antiochus IV (175-164 av. J.-C.) lui succéda. Il avait vécu 12 ans à
Rome comme otage, après la défaite de Magnésie en 190 av. J.-C., et avait eu
l'occasion d'admirer la culture hellénistique et le pouvoir romain. Il chercha à
poursuivre la politique d'expansion de son père Antiochus III et à promouvoir la
culture hellénistique, se donna le titre d'Epiphane, ce qui veut dire "illustre", se
proclama divin et exigea qu'on lui rendît un culte (2 Maccabées 6:2).
Les juifs se révoltèrent contre les prétentions et le style du nouveau régime. Mais
Antiochus IV était déterminé à helléniser son royaume à tout prix. Convaincu que
la religion des juifs était le ferment de leur révolte, il résolut de l'anéantir et de la
remplacer par les dieux grecs. Il interdit l'observance du sabbat, la pratique de la
circoncision et la possession de la Torah, introduisit les rites païens et l'adoration
des dieux grecs et punit de mort les rebelles. Il commit même ce que la Bible
appelle "l'abomination de la désolation" (Daniel 11:21-35), fit ériger un autel à
Zeus dans le temple de Jérusalem.
Il suscita ainsi trois types de réactions: l'acquiescement de ceux qui sympathisaient
avec l'hellénisme ou craignaient de s'opposer au roi, la résistance passive et la
résistance active, surtout dans les campagnes. Antiochus ne s'attendait pas à une
opposition aussi farouche. Loin de résoudre le problème palestinien, il incita de
nombreux juifs à se révolter ouvertement en 168 av. J.-C.
Les juifs, ayant perdu leur indépendance politique en partant en exil à Babylone,
reconstituèrent leur nation autour de leur religion. Ceux de la diaspora avaient
compromis leurs croyances en assimilant des éléments de la civilisation grecque,
mais ceux de la Palestine entendaient, au moins dans leur majorité et surtout dans
les campagnes, rester fidèles à la religion de leurs pères.
Onias III, souverain sacrificateur jusqu'en 174 av. J.-C., entra en conflit avec
Simon, commandant de la garde du Temple, parce qu'un civil collectait les impôts
à sa place. Quant à Séleucus, il fit piller le trésor du temple pour payer l'impôt à
Rome. La tension entre les juifs orthodoxes et ceux favorables à l'hellénisme
s'accrut. Onias III était fidèle au mouvement orthodoxe, mais son frère Josué, qui
avait adopté le nom de Jason, dirigeait le parti helléniste de Jérusalem. Quand
Onias III fut démis de ses fonctions par Antiochus, il devint souverain sacrificateur
à sa place. Il est probable qu'il ait monnayé cette charge au roi. Cependant les juifs
orthodoxes trouvèrent intolérable qu'un souverain sacrificateur fût nommé à ce
poste par un païen. Le fait que Jason fût de famille sacerdotale les retint de se
révolter.
Jason fit construire un gymnase et encouragea l'hellénisation de la ville. Sous son
sacerdoce, des conflits éclatèrent entre les hellénisants conduits par les prêtres et
les juifs orthodoxes appelés hassidim. La jeunesse acceptait les idées nouvelles,
adoptait le costume grec (tunique attachée aux épaules par des broches, chapeau à
larges bords et bottes lacées). Comme les athlètes évoluaient nus dans le stade,
bien des jeunes gens firent "réparer" leur circoncision pour ne pas être l'objet des
moqueries de la foule. Courses de chevaux, théâtre, jeux divers et langue grecque
attirèrent de plus en plus de juifs. Jason non seulement ne fit rien pour interdire le
culte d'autres dieux, mais semble même l'avoir encouragé.
En 171 av. J.-C., Ménélas, frère d'un personnage haut placé du temple, offrit à
Antiochus une somme d'argent supérieure à celle de Jason et fut nommé souverain
sacrificateur. A la différence de ce dernier, il n'appartenait pas à la famille
sacerdotale et encouragea une hellénisation plus radicale encore. Il était détesté de
tous les juifs qui respectaient la Loi. Il organisa l'assassinat d'Onias III, le
souverain sacrificateur légitime. Jason échappa à la mort en s'enfuyant chez les
Ammonites. Quand la rumeur courut qu'Antiochus IV avait été tué, il rentra de son
exil et chassa Ménélas de Jérusalem. Mais Antiochus était encore en vie. Il revint à
Jérusalem, neutralisa Jason, confisqua les trésors du temple et établit des magistrats
sur la ville.
L'année suivante, il organisa une campagne contre Alexandrie en Egypte. Les
Romains débarquèrent (peut-être les "navires de Kittim" de Daniel 1:30), et le légat
romain Laenas lui ordonna de se retirer. Antiochus obéit, mais se vengea de
l'affront subi et libéra sa colère en s'en prenant à nouveau à la Palestine.
Il fit périr des milliers de gens en représailles pour avoir permis que Ménélas fût
démis de son sacerdoce et chassé hors de Jérusalem, et décida d'anéantir le
judaïsme et de coloniser le territoire en y installant des gens à tendances
hellénistiques. Un détachement de 20.000 hommes conduit par Apollonius entra
dans la ville le jour du sabbat, sachant que les juifs orthodoxes ne combattraient
pas ce jour-là, et commença son oeuvre de destruction. De nombreux hommes
furent exécutés, des femmes et des enfants emmenés en esclavage. Toute pratique
religieuse fut supprimée, le temple profané, les livres sacrés brûlés. En 167 av. J.-
C., des décrets vinrent interdire la circoncision, l'observance du sabbat et la lecture
de la Bible. En décembre de la même année, on offrit de la viande de porc sur
l'autel de Zeus érigé dans le sanctuaire (2 Maccabées 6:2). Des orgies indécentes
accompagnèrent les cultes idolâtres. On obligea les gens, sous peine de mort, à
participer aux nouveaux rites religieux. Certains juifs choisirent de mourir plutôt
que de se souiller en mangeant les mets du roi (1 Maccabées 1:63; cf. Daniel 1).
Des mères qui avaient circoncis leurs nouveau-nés furent exécutées (1 Maccabées
1:60.61). Beaucoup de hassidim résistèrent jusqu’à la mort (2 Maccabées 6:18-31;
2 Maccabées 7), tandis que d’autres choisirent de s'enfuir de la ville. Les vieux
murs de la ville, construits par Néhémie, furent détruits. On bâtit l’Acre, citadelle
flanquée de murs solides et d'énormes tours. La ville de David fut ainsi
transformée en une forteresse syrienne.
Les hassidim furent les précurseurs des pharisiens de l’époque du Christ, tandis
que les prêtres sympathisant avec l’occupant et favorables à l’hellénisation firent
naître le mouvement des sadducéens connu pour son engagement politique en
faveur du pouvoir impérial et la tolérance dont il faisait preuve à l’égard des idées
importées du paganisme. L’Acre continua à abriter des soldats étrangers pendant la
période romaine. L’araméen persistait en Palestine, mais le grec était devenu la
langue officielle et culturelle, celle qu’utiliseront les auteurs du Nouveau
Testament. Du temps de Jésus, la traduction de l’Ancien Testament appelée les
Septante était répandue non seulement dans la diaspora, mais dans toute la
Palestine.
Questions de révision et exercices:
1) Quel fut le rôle militaire et culturel d’Alexandre le Grand?
2) Qu’appelle-t-on l’hellénisme?
3) Qui étaient les Ptolémées et les Séleucides?
4) Pourquoi les juifs ne pouvaient-ils pas accepter la nomination des
souverains sacrificateurs par les souverains régnant sur eux?
5) Quelles furent les différentes façons dont les juifs réagirent à
l’hellénisation de leur pays?
6) Quelles furent les atrocités commises par Antiochus IV Epiphane?
7) Qu’est-ce que les Septante?
CHAPITRE 2: LA REVOLTE DES
MACCABEES ET LA PERIODE
ASMONEENNE (167-63 av. J.-C.)
La révolte des Maccabées (167-142 av. J.-C.):
En 167 av. J.-C., des agents du gouvernement syrien arrivèrent à Modin et
exigèrent des villageois qu'ils offrent des sacrifices sur les autels païens.
Mattathias, un prêtre et responsable de la communauté, refusa d'obtempérer. Lui et
ses fils s'enfuirent dans les montagnes de la Judée et organisèrent la résistance,
bientôt rejoints par les hassidim. Il mourut en 166 av. J.-C. et son fils Judas
Maccabée lui succéda. Il fut le chef de la révolte de 166 jusqu'à sa mort en 161 av.
J.-C. On décida que la loi du sabbat n'interdisait pas la légitime défense et instaura
une guérilla qui s'avéra efficace contre les forces syriennes. Judas remporta des
victoires à Beth-horon, Emmas, Beth-zur qui encouragèrent d'autres volontaires à
se joindre à lui dans la défense de la liberté. Il parvint à occuper Jérusalem et
purifia le temple, rétablissant le 25 décembre de l'an 164 av. J.-C. le culte lévitique
et les sacrifices. L'événement est commémoré chaque année par la Fête de la
Dédicace (ou Fête des Lumières). Pour assurer désormais la sécurité de la ville, on
l'entoura de grands murs flanqués d'énormes tours.
Satisfaits des résultats obtenus sur le plan religieux, les hassidim décidèrent de
cesser le combat. Mais Judas voulait obtenir aussi la liberté politique. Antiochus
mourut en Perse, en 164 av. J.-C. Ayant besoin de ses troupes ailleurs, il n'avait pu
les envoyer en Judée pour mater la révolte. Mais des juifs hellénistes dévoilèrent à
Lysias, régent et tuteur du jeune Antiochus V, les plans de Judas Maccabée. Il vint
alors en Palestine à la tête d'une grande armée et assiégea Jérusalem. Obligé de
repartir, il signa un traité de paix aux termes duquel Judas céda les fortifications
autour du temple et obtint en contrepartie une amnistie générale et la révocation
des décrets par lesquels Antiochus IV avait institué le culte des dieux païens. Les
juifs continuèrent donc à vivre sous la domination syrienne, tout en jouissant de la
liberté religieuse.
Judas Maccabée, puis ses frères Jonathan et Simon poursuivirent le combat, dans
l'espoir de conquérir l'indépendance politique. On leur donna le nom de
Maccabées, ce qui signifie "marteau". Ils perdirent cependant le soutien des
hassidim. Lysias profita de cette division interne pour nommer Alcimus, membre
de la famille sacerdotale, mais sympathisant helléniste, souverain sacrificateur. Les
Maccabées s'opposèrent à cette nomination. Alcimus en appela à Démétrios I (162-
150 av. J.-C.). Une armée fut envoyée sous le commandement de Nicanor, pour
capturer Judas et confirmer Alcimus dans ses fonctions. Judas la vainquit, tua
Nicanor et obligea Alcimus à s'enfuir en Syrie. Mais des troupes de renfort
envoyées de Syrie écrasèrent ses forces. Judas Maccabée mourut, non sans avoir
pu auparavant envoyer une délégation à Rome pour tenter d'établir une alliance et
chercher du secours. Rome envoya un avertissement à Démétrios et sut préserver
les juifs de toute nouvelle agression syrienne.
Jonathan, le cinquième fils de Mattathias et le cadet de la famille, prit la direction
du mouvement de résistance et fut le chef de la Judée de 160 à 142 av. J.-C. Quand
Alcimus mourut en 159 av. J.-C., on ne lui trouva pas de successeur qualifié. Le
poste de souverain sacrificateur resta donc vacant pendant sept ans.
Une rivalité d'intérêts concernant la succession au trône syrien dressa Démétrios I
et Alexandre Balas l'un contre l'autre. Alexandre Balas reçut l'appui du sénat
romain. Les deux hommes recherchèrent la faveur de Jonathan, le reconnurent
comme chef du peuple juif et retirèrent leurs troupes de la Judée. Alexandre Balas
offrit à Jonathan le poste de souverain sacrificateur et le titre d'"ami du roi", tandis
que Démétrios I lui proposa une exemption d'impôts, la restitution de l'Acre et des
territoires cédés, des subsides pour le temple et de l'argent pour reconstruire les
murs de la ville. Mais Jonathan décida de soutenir Alexandre Balas qui, ayant tué
Démétrios I, le traita avec le plus grand respect et le nomma général et gouverneur
de la Judée.
Quand Balas fut assassiné en Arabie, Jonathan négocia avec Démétrios II qui le
confirma dans sa position de souverain sacrificateur. Mais il fut infidèle à ses
promesses, incitant Jonathan à se tourner vers son rival Tryphon qui soutenait
Antiochus VI, fils d'Alexandre Balas. Mais Tryphon, qui complotait le meurtre
d'Antiochus VI et projetait de s'emparer du trône en personne, décida d'éliminer la
menace que représentait Jonathan. Il l'arrêta, massacra ses hommes et, par la suite,
le tua.
La domination asmonéenne (142-63 av. J.-C.):
Simon, deuxième fils de Mattathias, fut nommé successeur de Jonathan, devint
souverain sacrificateur et dirigea la nation juive pendant la période d'indépendance,
de 142 à 134 av. J.-C. Il offrit sa loyauté à Démétrios II dans sa lutte contre
Tryphon et fut, en échange, exempté d'impôts, ce qui constituait une
reconnaissance de la Judée comme Etat indépendant. Deux de ses exploits les plus
notables furent la capture de l'Acre à Jérusalem et l'écrasement du parti hellénisant.
L'hellénisme continua cependant à jouer un rôle important dans la vie culturelle du
peuple juif.
Simon était un chef plein de sagesse et un homme de paix, dévoué au respect de la
Loi. Sa nomination comme souverain sacrificateur, général et ethnarque annonça la
montée de la dynastie des Asmonéens, quand ses successeurs réclamèrent le titre
de rois. L'appellation vient sans doute d'Asmon, nom du grand-père de Mattathias.
A un banquet près de Jéricho, en 134 av. J.-C., un des gendres de Simon
l'assassina, ainsi que deux de ses fils. Jean Hyrcan I, deuxième fils de Simon,
échappa au massacre et se réfugia à Jérusalem où il hérita de son père la fonction
de souverain sacrificateur et le pouvoir civil. Mais la Judée, quoique indépendante,
était un Etat vassal de la Syrie, comme l'atteste le raid par lequel Antiochus VII
envahit la Judée, assiégea Jérusalem et soumit Hyrcan I à un impôt. Cependant des
guerres civiles en Syrie empêchèrent celle-ci d'aller plus loin dans ses
revendications sur la Palestine. Hyrcan connut un moment de répit et en profita
pour élargir ses frontières. Il conquit Sichem et détruisit, vers 108 av. J.-C., le
temple samaritain sur le Mont Garizim, puis Samarie, ville grecque.
Pharisiens et sadducéens prospérèrent pendant le règne d'Hyrcan I. Un incident lors
d'un banquet causa un schisme entre les deux partis. Hyrcan se déclara soumis à la
Loi et invita ses convives à le corriger, s'il avait mal agi en quoi que ce soit. Alors
le pharisien Eléazar se leva et laissa entendre qu'il était un détenteur illégitime du
sacerdoce, sa mère ayant été captive du temps d'Antiochus Epiphane. Les femmes
captives en effet étaient généralement violées, ce qui signifiait qu'elle était impure
et que son fils Hyrcan était, par conséquent, inapte au sacerdoce. Les sadducéens
profitèrent de la situation pour insinuer que cette suggestion calomnieuse avait
l'approbation de tous les pharisiens. Ils surent ainsi à leur avantage créer une
dissension entre Hyrcan et la secte rivale.
Hyrcan avait décrété que sa veuve lui succéderait comme "maîtresse du royaume"
et que l'aîné de ses fils, Jeahuda, serait souverain sacrificateur. Mais celui-ci
convoitait le pouvoir religieux et le pouvoir civil. Il emprisonna donc sa mère et
ses frères et régna sous le nom d'Aristobule I (104-103 av. J.-C.). Il annexa la
Galilée à la Judée et imposa à ses habitants la circoncision et l'observance de la
Loi, bien qu'ils fussent pour la plupart des païens. L'acceptation du judaïsme par
les Galiléens fut facilitée par l'installation de familles juives dans la région, le
dynamisme des pharisiens et la construction de synagogues. Sans le savoir,
Aristobule prépara ainsi la Galilée au ministère de Jésus et de ses disciples.
Il mourut un an après ses cruelles actions envers sa mère et ses frères. Sa veuve,
Salomé Alexandra, libéra ses frères emprisonnés et épousa Jonathan (Jannée, en
grec). Alexandre Jannée (103-76 av. J.-C.) succéda ainsi à son frère comme
souverain sacrificateur et s'appropria le titre de roi. Il fut impitoyable, mais
compétent. Cependant ses exactions, sa débauche et son ivrognerie le rendirent
impopulaire. Un jour qu'il officiait lors de la Fête des Tabernacles, la foule lui
lança une volée de citrons et réclama sa démission comme souverain sacrificateur.
Il entra dans une violente colère et fit massacrer 6.000 personnes. Les pharisiens
profitèrent d'un moment propice pour fomenter une révolte. Il s'ensuivit une guerre
civile qui coûta la vie à environ 50.000 hommes. A l'occasion d'une fête en
l'honneur de ses concubines, il ordonna que 800 de ses ennemis assistent au
massacre de leurs femmes et enfants avant d'être eux-mêmes crucifiés. Beaucoup
d'entre eux s'enfuirent de nuit et s'exilèrent. Certains historiens associent cette fuite
à l'organisation de la communauté de Qumrân.
Après le départ de ses adversaires, le règne d'Alexandre Jannée connut la paix. Il
en profita pour conquérir les territoires voisins et étendre son royaume. Quand il
mourut en 76 av. J.-C., sa veuve Alexandra lui succéda et régna pendant dix ans
(76-67 av. J.-C.). Elle fit de son fils Hyrcan II le souverain sacrificateur, mais
garda le pouvoir politique. Suivant le conseil de son époux défunt, elle s'allia aux
pharisiens qui obtinrent le contrôle du Conseil suprême qui détenait le pouvoir
législatif et judiciaire, et surent imposer leur doctrine et leurs idées. Aristobule, le
frère d'Hyrcan II, prit le parti des sadducéens et organisa la résistance. Quand la
mère mourut en 67 av. J.-C., à l'âge de 73 ans, Hyrcan II monta sur le trône, mais
Aristobule décida tout de suite de se battre contre son frère aîné et le vainquit à
Jéricho.
Tout aurait bien marché sans l'intervention d'Antipater dont le père avait été
nommé gouverneur d'Idumée par Alexandre Jannée et dont le fils allait devenir
célèbre sous le nom d'Hérode le Grand. Il décida d'aider Hyrcan II et incita les juifs
influents à s'opposer à Aristobule. Il complota ensuite avec Arétas, le roi nabatéen,
qui vint en aide à Hyrcan. Aristobule II (67-63 av. J.-C.) fut vaincu et s'enfuit à
Jérusalem. Les prêtres et les sadducéens lui restèrent fidèles, mais les pharisiens et
les masses soutenaient Hyrcan II.
L'armée romaine, avec à sa tête le général Pompée, arriva en Syrie avec l'intention
d'imposer son autorité jusqu'à l'Euphrate. Trouvant la guerre civile en Palestine
intolérable, il envoya Scaurus, légat romain de Syrie, à Jérusalem résoudre le
problème. Aristobule II sut gagner ses faveurs et fut confirmé dans sa fonction de
roi. Mais apparemment Pompée se méfiait de lui. Un jour il pénétra dans Jérusalem
dont les adeptes d'Hyrcan II lui ouvrirent les portes. Il mit le siège devant l'enceinte
fortifiée du temple. La résistance dura trois mois. Finalement, le mur s'effondra et
le temple fut pris. Douze mille juifs, y compris des prêtres en train d'officier dans
le sanctuaire, périrent dans un effroyable massacre. Pompée et ses hommes
commirent le sacrilège d'entrer dans le lieu très saint, mais ne pillèrent pas les
trésors du temple. Le lendemain, le général romain permit la purification du temple
et rendit le poste de souverain sacrificateur à Hyrcan. Celui-ci était devenu
ethnarque. Il avait perdu le titre de roi. Scaurus, le légat de Syrie, exerça le pouvoir
à ses côtés. Aristobule fut arrêté et emmené à Rome avec ses deux filles et ses deux
fils, Alexandre et Antigone. La victoire de Pompée avait mis fin à la domination
des Asmonéens.
Questions de révision et exercices:
1) Qui furent les Maccabées? Nommez les principaux d’entre eux.
2) Quelle est l’origine de la Fête de la Dédicace?
3) Qu’appelle-t-on les Asmonéens?
4) Quel fut le statut politique de la Judée pendant le règne des Asmonéens?
5) Que penser, sur la base de l’Ecriture Sainte, du cumul des fonctions
politiques et sacerdotales pratiqué par eux?
6) Pourquoi Hyrcan I cessa-t-il de favoriser les pharisiens et leur préféra-t-il
les sadducéens?
7) Que fit Aristobule I concernant la Galilée?
8) Dans quelles circonstances prit fin l’indépendance de la Palestine?
CHAPITRE 3: LA PERIODE ROMAINE
AVANT JESUS-CHRIST (63-4 av. J.-C.)
La Judée était devenue en 63 av. J.-C. une province romaine de la Syrie. Le
territoire gouverné par Hyrcan comprenait la Judée, la Galilée, la Pérée et l'Idumée.
Les territoires hellénistes, y compris les villes côtières, la Samarie et la Décapole
(dix villes de la Transjordanie et la vallée du Jourdain) furent placés, quant à eux,
directement sous le gouvernement syrien. Quant aux territoires juifs, gouvernés par
Hyrcan, ils n'étaient plus un royaume, mais une communauté religieuse avec pour
centre cultuel Jérusalem. Le souverain sacrificateur et ethnarque Hyrcan était
personnellement responsable devant le gouverneur romain à qui il payait un tribut
annuel.
Mais en réalité, c'est Antipater qui dirigeait le pays, grâce à l'autorité qu'il exerçait
sur Hyrcan. La paix régna pendant sept ans, jusqu'en 57 av. J.-C. Après de
nouveaux troubles dus au mécontentement général que suscitait le sacerdoce
d'Hyrcan II, le territoire juif fut divisé en cinq districts indépendants placés sous le
contrôle direct du gouverneur syrien. Antipater fut nommé en 55 av. J.-C.
procurateur romain à Jérusalem.
Jules César devint empereur, après avoir vaincu Pompée en 48 av. J.-C. Il relâcha
Aristobule pour l'envoyer combattre les partisans de Pompée en Syrie. Antipater
qui avait soutenu son rival fit allégeance à César. Il fut nommé procurateur romain
de la Judée et nomma ses fils, Phasaël et Hérode, gouverneurs militaires de la
Judée et de la Galilée. Les juifs, qui avaient aidé César dans sa lutte contre
Pompée, en furent récompensés par une réduction d'impôts, l'autorisation de
reconstruire les murs de Jérusalem et l'annexion de quelques villes de la vallée de
Jizréel. Ils pleurèrent César, quand il mourut en 44 av. J.-C.
En 40 av. J.-C., Antigone, le dernier fils vivant d'Aristobule II, chercha encore une
fois à reprendre le trône avec l'aide des Parthes. Il fit prisonniers Hyrcan et Phasaël
et coupa l'oreille d'Hyrcan, le disqualifiant ainsi pour le sacerdoce (Lévitique 21:17
ss.). Les Parthes l'emmenèrent captif à Babylone. Hérode qui avait échappé à
l'arrestation retourna à Rome.
En 42 av. J.-C., lorsqu'Antigone eut mené une révolte contre Hyrcan II, Hérode se
porta à son secours en massacrant les rebelles. Quoiqu'il se méfiât de lui, Hyrcan II
lui en fut reconnaissant et lui donna en mariage Mariamne, sa petite-fille et fille
d'Alexandra qui avait épousé Alexandre, fils d'Aristobule II. Il devint ainsi beau-
frère d'Aristobule III. Lorsque le roi asmonéen Antigone fut expulsé de Jérusalem
et exécuté à Antioche, Hérode le Grand (37-4 av. J.-C.), à qui le sénat romain avait
déjà donné le titre de roi, monta sur le trône. Du fait de son mariage avec
Mariamne, petite-fille d'Hyrcan, il détenait aussi le sacerdoce. Les juifs cependant
lui étaient hostiles, en raison de ses origines iduméennes.
Alexandra, sa belle-mère, ne lui pardonna jamais d'être devenu roi à la place de son
fils Aristobule III. Elle sut cependant le convaincre de lui confier la prêtrise. Mais
Hérode la soupçonnait de vouloir renverser le gouvernement. Pendant une
réception organisée pour les jeunes gens de la cour, il fit noyer Aristobule dans une
piscine. Alexandra en appela à Cléopâtre d'Egypte, qui incita Antoine à convoquer
Hérode à Rome pour rendre compte de cet incident. Hérode, comprenant qu'il ne
reviendrait peut-être pas de ce voyage, confia Alexandra et sa femme Mariamne à
son oncle Joseph, en donnant cependant des ordres secrets pour que Mariamne soit
tuée, s'il ne revenait pas de Rome.
Quand Octave vainquit Antoine à Actium, en 31 av. J.-C., Hérode, qui avait été
loyal à Antoine, se demanda s'il resterait roi de la Judée. Pour assurer ses arrières,
il fit accuser Hyrcan, seul prétendant vivant, de trahison par le sanhédrin, le fit
condamner à mort et exécuter, puis promit son amitié à Octave. Celui-ci le
confirma sur son trône et lui donna les possessions de Cléopâtre en Palestine, en
plus des territoires de la Samarie et de la Transjordanie.
Quand il revint en Judée en 29 av. J.-C., Hérode soupçonna sa femme Mariamne et
son garde Soème d'adultère. Sa soeur Salomé insinua que Mariamne avait
l'intention de l'empoisonner. Il ordonna alors sa mise à mort et celle de son amant
supposé. L'année suivante, il fit exécuter sa belle-mère Alexandra, qui avait
participé à un nouveau complot contre lui. D'autres exécutions eurent lieu trois ans
plus tard, en 25 av. J.-C.
Malgré tous ses efforts pour apaiser les juifs et les Grecs vivant dans son royaume,
Hérode était méprisé par eux. Les Grecs ne voulaient pas d'un roi à moitié juif, et
les juifs d'un souverain à moitié iduméen. Les nombreuses exécutions auxquelles il
avait fait procéder le rendaient détestable aux uns et aux autres. Juif de religion,
Hérode favorisait les pharisiens qui s'occupaient moins de politique que les
sadducéens, mais qui, par contraire, se méfiaient de lui. C'est qu'il gouvernait la
Judée pour le compte de Rome. Il avait par ailleurs rejeté la nomination héréditaire
et à vie du souverain sacrificateur, pour nommer à ce poste des hommes de son
choix. Centralisant le pouvoir, il avait limité les attributions du sanhédrin aux
questions religieuses. Les affaires civiles et politiques étaient traitées par un
conseil royal séculier nommé par lui. Bien qu'il eût adopté la religion juive, il était
un partisan fervent de l'hellénisme. On comprend donc la méfiance et l'opposition
des pharisiens et de tous ceux qui voulaient préserver un judaïsme orthodoxe.
Le règne d'Hérode amena un temps de paix et de prospérité qui lui permit de se
livrer à d'importants travaux de construction: le port de Césarée, l'expansion de la
Samarie avec la construction d'un temple en l'honneur d'Auguste, des forteresses
militaires comme Massada près de la Mer Morte, et, à Jérusalem, un théâtre, un
amphithéâtre, un hippodrome, le renforcement de l'ancienne forteresse de l'Acre
qu'il nomma Antonia en l'honneur d'Antoine, et enfin la restauration du temple.
Celle-ci commença en 20 av. J.-C. et n'était toujours pas achevée 46 ans plus tard,
quand Jésus accomplit son ministère. Les travaux ne furent terminés qu'en 63 apr.
J.-C.. Sept ans plus tard, il fut détruit par les Romains. Il était deux fois plus grand
qu'à l'époque de Zorobabel. Un mur continu entourait l'enceinte, avec des portiques
soutenus par d'imposants piliers. La porte d'entrée avait été couronnée d'un aigle
doré représentant à la fois le dieu-soleil et le gouvernement impérial de Rome. A
part cela, Hérode respectait les croyances du peuple. Helléniste convaincu, il
envoya plusieurs de ses fils à Rome pour y faire leurs études.
La vie privée d'Hérode fut dominée par d'incessantes querelles de famille. La
jalousie et la suspicion régnaient parmi ses dix épouses et leurs quinze enfants. Sa
première femme était l'Iduméenne Doris, dont le fils était Antipater. Salomé, soeur
d'Hérode, protégea Antipater contre les revendications d'Alexandre et d'Aristobule,
fils de Mariamne I laquelle était de lignée asmonéenne. Elle les accusa de
comploter contre Hérode. Ces accusations les amenèrent devant l'empereur qui
prononça un non-lieu. Là-dessus, Hérode désigna Antipater comme son successeur
principal et, après lui, les fils de Mariamne I, au cas où Antipater ne resterait pas
fidèle. Cette décision ne fit qu'accroître les intrigues et les complots. Antipater
craignait aussi les revendications de ses demi-frères Archéla•s et Antipas (fils de
Malthace, femme samaritaine d'Hérode), Philippe (fils de Cléopâtre de Jérusalem)
et Hérode (fils de Mariamne II).
En l'an 5 av. J.-C., Hérode envoya l'héritier présomptif Antipater à Rome. Pendant
son absence, il découvrit un complot qui visait à l'empoisonner et dans lequel
trempaient Antipater lui-même, Doris et Mariamne II. Hérode le condamna à son
retour, modifia son testament et nomma comme successeur Antipas, fils cadet de
Malthace. Peu avant sa mort, il changea une troisième fois son testament et nomma
Archéla•s roi de Judée, Antipas tétrarque de la Galilée et de la Transjordanie, et
Philippe tétrarque de la Gaulanitide, de la Trachonite et de Panéas. Il ordonna enfin
la mise à mort d'Antipater.
Hérode souffrait d'une cruelle maladie qui lui causait de grands tourments
physiques et mentaux, partiellement responsable sans doute des atrocités dont il se
rendait coupable envers son entourage. C'est peu avant sa mort en 4 av. J.-C. qu'il
fit mourir les enfants de Bethléhem. Dernier crime commandité par lui: le massacre
des rabbins Judas et Matthias et de quarante de leurs élèves pour avoir détruit
l'aigle au-dessus de la grande porte du temple, un jour que circulait la rumeur de sa
mort. Ils furent jugés devant le roi mourant. Les deux rabbins furent brûlés vifs et
leurs élèves supprimés par le glaive.
Selon Matthieu 2:1, Jésus naquit à Bethléhem au temps d'Hérode. Selon Luc
1:5.26, sa naissance eut lieu six mois après Jean-Baptiste, probablement du vivant
du même roi. L'empereur romain César Auguste avait édicté un recensement et
Quirinius était à cette époque gouverneur de la Syrie (Luc 2:2 ss.). Ce recensement
n'est pas attesté ailleurs. On se demande donc s'il eut lieu sous le règne d'Hérode le
Grand. Si tel est le cas, Jésus serait né au plus tard en l'an 4 av. J.-C., puisque c'est
cette année-là que mourut Hérode. Il avait environ 30 ans, quand il commença son
ministère public (Luc 3:23), la quinzième année du règne de Tibère (14-37 apr. J.-
C.), c'est-à-dire en l'an 28 de notre ère. Ponce Pilate était procurateur de la Judée
(26 à 36 apr. J.-C.), quand Jésus mourut, sans doute peu après l'an 30.
Questions de révision et exercices:
1) Quelle était la différence entre pharisiens et sadducéens en matière de
religion et de politique?
2) Voici cinq fonctions politiques dans le Proche-Orient de l’époque: roi,
gouverneur, ethnarque, proconsul, tétrarque. Lesquelles étaient exercées par
des dirigeants de la Palestine et lesquelles l’étaient par des Romains,
représentants du pouvoir impérial?
3) Quels étaient les sentiments de Jules César à l’égard des juifs?
4) Caractérisez le règne d’Hérode le Grand sur les plans politique, culturel,
religieux et personnel.
5) Quelle fut sa contribution architecturale à la ville de Jérusalem?
6) Quelle est la date approximative de la naissance de Jésus?
CHAPITRE 4: LA PALESTINE AU
TEMPS DU CHRIST ET DES APOTRES
(4 av. J.-C. - 70 apr. J.-C.)
Les successeurs d'Hérode le Grand:
Selon Josèphe, l’historien juif de l’époque, Hérode le Grand donna à Archélaos le
titre d'ethnarque et la moitié de son royaume, soit la Judée, l'Idumée et la Samarie.
L'autre moitié fut partagée entre ses deux autres fils, qui furent nommés tétrarques:
Hérode Antipas reçut la Galilée et la Pérée et Philippe la contrée à l'est de la
Galilée englobant la Batanée, l'Auranitide, la Trachonite, Panéas et la Gaulanitide.
Trois autres fils d'Hérode avaient été exécutés en raison de leurs ambitions
politiques. Quant aux plus jeunes, ils n'entraient pas en ligne de compte pour la
succession.
Quant à Varus (6-3 av. J.-C.), il était le gouverneur romain de la Syrie quand
mourut Hérode. Il eut à réprimer une révolte, lorsque le procurateur romain par
intérim à Jérusalem chercha à confisquer les biens d'Hérode. Un certain Judas, fils
d'Ezéchias, déclara être le Messie et prit la tête du mouvement, mobilisant des
troupes en Judée, en Pérée et en Galilée. Varus vint en Judée avec ses troupes et
écrasa la révolte, exécutant environ deux mille juifs. D'autres soulèvements
populaires eurent lieu sous la direction des zélotes en l'an 6 av. J.-C., puis de 66 à
70 de notre ère.
Les fils d'Hérode désignés pour régner se rendirent à Rome pour obtenir
l'approbation du gouvernement impérial. Malgré l'opposition d'une délégation de
nobles juifs désireux de se débarrasser de la maison d'Hérode et de se placer
directement sous l'autorité de l'empereur, ils l'obtinrent. On refusa cependant à
Archélos le titre de roi et lui donna celui d'ethnarque, c'est-à-dire de responsable de
toute une province. Antipas et Philippe furent nommés tétrarques, gouverneurs
d'un "quart de région". Ils étaient de ce fait subordonnés à l'ethnarque. Ces termes
étaient d'origine grecque, mais les Romains les avaient conservés pour désigner
ceux qui gouvernaient les provinces de l'empire. Les proconsuls étaient les
gouverneurs choisis par le sénat pour gérer les provinces en temps de paix, alors
que les procurateurs étaient nommés par l'empereur pour gouverner les provinces à
problèmes. Ils étaient directement responsables devant l'empereur et bénéficiaient
de l'appui de l'armée.
Lorsque Joseph et Marie rentrèrent d’Egypte avec Jésus, ils s’installèrent en
Galilée et non en Judée, car ils avaient appris qu’Archélaos régnait sur cette région
(Matthieu 2:22). L’ethnarque Archélaos (4 av.-6 apr. J.-C.) régnait en fait sur deux
pays bien différents: la Samarie dont la population était mixte depuis la déportation
en Assyrie des habitants du l’ancien royaume du Nord, et que les juifs méprisaient
pour cette raison, et la Judée qui entretenait des relations avec la Galilée et la
Pérée, mais qui était géographiquement et politiquement séparée de ces deux
provinces, puisqu'elles dépendaient d'Hérode Antipas.
Le règne d'Archélaos fut marqué par l'opposition des sadducéens et des pharisiens
qui revendiquaient plus de liberté que ne leur en octroyait le fils d'Hérode, lequel
était en revanche soutenu par les hérodiens. Certains de ces derniers cependant lui
préféraient son frère Antipas de Galilée. Archélaos offensa les juifs en déposant
des souverains sacrificateurs et fit beaucoup pour les irriter. Il épousa notamment
la veuve de son demi-frère Alexandre qui avait été exécuté en 7 av. J.-C. Accusé
devant l'empereur, il fut exilé à Vienne, en Gaule, et remplacé par un procurateur
romain.
Le tétrarque Hérode Antipas (4 av.-39 apr. J.-C.) régnait sur la Galilée et la Pérée
(Transjordanie du sud), deux régions séparées par la Samarie et la Décapole. Les
deux pays avaient embrassé le judaïsme à la suite de la conversion des habitants et
de la réinstallation de juifs en Galilée, sous le règne d'Aristobule I et d'Alexandre
Jannée. Les ancêtres de Jésus faisaient partie de ces émigrés venus de Judée.
La Galilée était un pays prospère. Hérode Antipas y construisit une nouvelle
capitale qu'il appela Tibériade en l'honneur de l'empereur régnant Tibère (14-37
apr. J.-C.). Mais les juifs refusèrent pendant un certain temps d'aller vivre à
Tibériade, disant que la ville était impure, parce que construite sur un ancien
cimetière (Nombres 19:16). Elle était habitée essentiellement par des Gentils
d'origine araméenne. Mais l'opposition des juifs finit cependant par diminuer. On y
construisit des synagogues. Tibériade devint même le centre du grand sanhédrin.
Les zélotes étaient très actifs en Galilée. Ils s'opposaient aux impôts et à la
domination romaine. Pharisiens et scribes, par contre, y étaient moins nombreux
qu'en Judée.
Antipas était un fervent helléniste. Mais il respectait la religion des juifs et régna
en paix pendant une trentaine d'années, jusqu'à son mariage avec l'ambitieuse
Hérodias, laquelle avait divorcé d'avec son premier mari, Hérode Philippe (Marc
6:17). Elle fut l'instigatrice de l'exécution de Jean-Baptiste. Petite-fille d'Hérode et
de Mariamne I, elle avait hérité des ambitions politiques qui caractérisaient la
famille. Elle était si avide de pouvoir qu'elle amena son mari à prétendre au poste
de son frère Agrippa II, roi de la tétrarchie nouvellement indépendante de Philippe.
L'empereur Caligula jugea qu'Antipas était trop ambitieux et l'exila en Gaule en 39.
Agrippa I, petit-fils d'Hérode le Grand et de Mariamne I et frère d'Hérodias, fut
nommé roi de la tétrarchie d'Antipas en l'an 40.
Le règne du tétrarque Philippe (4 av.-34 apr. J.-C.) dans la Transjordanie du nord
fut caractérisé par la paix. On parlait dans son territoire l'araméen et le grec.
Philippe construisit deux villes: Césarée de Philippe (sur le site de Panéas, siège
favori de Pan, dieu grec et romain de la nature, et des déesses cananéennes de la
fécondité). Il appela la ville Césarée en l'honneur de l'empereur de l'époque,
Tibère. "Philippe" fut ajouté au nom de Césarée, pour la distinguer de la Césarée
qu'Hérode le Grand avait bâtie sur la côté et pour honorer son architecte. C'est là
que Jésus demanda à ses disciples qui il était et que Pierre fit sa célèbre confession
(Matthieu 16:13-20). Philippe agrandit aussi Bethsaïda-Julias, à l’endroit où le
Jourdain se jette dans la Mer de Galilée. La ville reçut son nom en l'honneur de
Julia, fille de l'empereur.
Philippe épousa Salomé, la fille d'Hérodias dont la danse avait entraîné la mort de
Jean-Baptiste. Quand il mourut en l'an 34, sa tétrarchie fut ajoutée à la province de
Syrie et placée en 37 sous l'autorité d'Agrippa I.
La Judée sous les procurateurs romains:
Quand Archélaos eut été exilé en Gaule, la Judée fut placée sous le contrôle direct
de l'empereur et gouvernée par des procurateurs. Le pays devint une partie de la
Syrie sous le légat syrien Quirinius (6-9 apr. J.-C.). Celui-ci organisa en l'an 6 un
recensement pour les impôts en Judée et en Samarie. Ses réformes en matière
fiscale poussèrent les pharisiens à encourager le mouvement nationaliste des
zélotes.
Le procurateur avait pour mission de percevoir l'impôt pour l'empereur et de
maintenir l'ordre. Il déléguait généralement la perception des impôts à des
compagnies ou des particuliers qui travaillaient sous contrat. Ces collecteurs
d'impôts pouvaient être des Romains ou des juifs qui collaboraient avec eux, d'où
leur mauvaise réputation (Matthieu 5:46).
Le procurateur avait à sa disposition un groupe de soldats pour maintenir l'ordre et
réprimer d'éventuels soulèvements. L'armée romaine était divisée en légions et en
cohortes, mais aucune légion n'était cantonnée en Palestine. Chaque cohorte était
placée sous le commandement d'un officier appelé tribun. Sous les ordres des
tribuns il y avait les centurions ou centeniers. Une cohorte se tenait en permanence
à Jérusalem, dans la forteresse de l'Acre. Chaque cohorte se composait de 500
fantassins et de 100 cavaliers. Une escorte de soldats accompagnait toujours le
procurateur, quand il se rendait dans la ville. Lui et ses gardes du corps habitaient
dans le palais construit par Hérode à qui on avait donné le nom romain de prétoire
(Matthieu 27:27).
Le procurateur avait autorité sur les soldats romains, présidait le tribunal militaire
et avait seul qualité pour faire exécuter les sentences de mort prononcées à
l'encontre de civils (Jean 18:31). C'est la raison pour laquelle Jésus fut conduit
devant Ponce Pilate et Paul mené devant Félix pour être jugé (Actes 23:24).
Du temps des procurateurs, les juifs avaient gardé une certaine autonomie.
L'empereur respectait leur religion et leurs traditions. Il avait fait ôter l'effigie
impériale qui se trouvait sur les étendards militaires de Palestine. Par ailleurs, les
juifs étaient exemptés du culte impérial et du service militaire.
Pour les juifs, l'autorité suprême s'incarnait dans le sanhédrin dont l'origine
remonte à l'époque d'Esdras et de Néhémie. Il était composé de soixante-dix ou
soixante et onze anciens dont la majorité appartenait aux familles sacerdotales, et
présidé par le souverain sacrificateur. Anne occupa le poste de 6 à 15 apr. J.-C.
Sadducéen riche et favorable au gouvernement romain, il continua à dominer le
conseil après sa destitution en 35. Il exerçait son influence par le truchement de son
gendre Caïphe et, plus tard, de ses quatre fils qui occupèrent le poste. Caïphe fut
souverain sacrificateur de 18 à 36, donc à l'époque du procès du Christ. Les
Romains se réservaient le droit de nommer et de déposer les souverains
sacrificateurs qui avaient pour autre fonction de veiller au culte et à l'observance
des fêtes annuelles et de représenter les juifs devant le procurateur.
Le conseil se réunissait dans l'enceinte du temple, ce qui permettait d'y assister à
tout juif désireux de mieux comprendre les détails compliqués de la loi juive. Lors
d'un procès, les membres du sanhédrin revêtaient de longues robes et s'asseyaient
en demi-cercle autour du souverain sacrificateur. Les plaignants et les défenseurs
se tenaient debout devant le président. On faisait intervenir les témoins, écoutait les
plaignants et la défense, puis le procès avait lieu à huis clos. Tous les membres du
sanhédrin étaient appelés à voter à main levée.
Le sanhédrin avait à l'époque du Christ un consistoire formé du souverain
sacrificateur, du capitaine des gardes du temple, de cinq prêtres et de trois ou
quatre trésoriers. Il exerçait ses compétences dans les affaires religieuses. Mais
puisque la Loi de Moïse touchait à tous les aspects de la vie, il gérait les affaires
courantes de la société. Rares étaient les cas qui ne tombaient pas sous sa
juridiction.
La garde du temple était composée de juifs faisant fonction de vigiles et contrôlant
les mouvements populaires. Ils participèrent à l'arrestation de Jésus et montèrent la
garde devant sa tombe (Jean 18:3; Matthieu 27:65).
En l'an 26, Ponce Pilate fut nommé procurateur de Judée. Son insistance sur la
suprématie romaine fut à l'origine de bien des conflits. Les procurateurs
dépendaient de leurs supérieurs pour leurs promotions. Ils devaient donc chercher à
leur plaire, ce qui rendait très difficile une politique et une administration
objectives. Ils nommaient et destituaient les souverains sacrificateurs selon leur
humeur du moment, suscitant mécontentement et colère. Pour démontrer la
suprématie romaine, Ponce Pilate eut la malencontreuse idée de faire défiler sa
cohorte dans Jérusalem, pendant la nuit, en portant des étendards impériaux à
l'effigie de l'empereur. Une autre fois, il prit de l'argent du temple pour financer un
chantier. Mais il savait aussi, sous la pression du moment, céder aux juifs. Il le fit
quand ceux-ci lui demandèrent de relâcher Barabbas et de crucifier Jésus.
Cependant l'impopularité de Ponce Pilate devint telle que Vitellius, le nouveau
légat de Syrie, le destitua. Le souverain sacrificateur fut également démis de ses
fonctions et remplacé par Jonathan, un fils d'Anne.
C'est sans doute sous le sacerdoce de Jonathan, en 36, que le sanhédrin condamna
Etienne à mort et l'exécuta, sans consulter les autorités romaines. Un an plus tard,
Vitellius remplaça Jonathan par son frère Théophile (37-41 apr. J.-C.). L'empereur
Tibère mourut en 37 et fut remplacé par Caligula, fervent helléniste qui plaça le
gouvernement de la Judée sous l'autorité d'un procurateur impérial, Maurulus (37-
41).
Hérode Agrippa I devint roi de la tétrarchie de Philippe en 37. La tétrarchie
d'Antipas y fut ajoutée en 40. Il avait été éduqué à Rome, avec les fils de
l'empereur, et sut dissuader Caligula d'ériger en 39 une statue de lui-même dans le
temple de Jérusalem. Caligula fut assassiné en 41 et eut pour successeur Claude
qui régna jusqu'en 51. Agrippa avait été son camarade de classe, aussi Claude lui
confia-t-il le gouvernement de toute la Palestine qui fut sous son autorité de 41
jusqu'à sa mort en 44.
Agrippa I chercha à gagner l'estime des pharisiens en observant tous les rites du
judaïsme. Pour leur plaire, il persécuta les chrétiens et fit tuer l'apôtre Jacques et
emprisonner Pierre (Actes 12). Deux ans plus tard, il mourut (Actes 12:19-23).
Ce fut alors le retour des procurateurs. L'empereur Claude décida en effet de mettre
un terme au royaume de Judée et de placer à nouveau la province sous contrôle
romain. Il y adjoignit la Galilée et la Samarie et fit d'Agrippa II, fils d'Agrippa I, le
chef des territoires avoisinants de 50 à 94. Drusille, troisième fille d'Agrippa I,
épousa le procurateur Félix. Bérénice, première fille d'Agrippa I et veuve d'Hérode
II, fut soupçonnée d'avoir des relations incestueuses avec son frère Agrippa II
(Actes 25:13.23). Celui-ci étant conseiller romain pour les affaires juives, on lui
demanda son avis dans le procès de Paul à Césarée (Actes 25:13-26:32).
Le premier procurateur que Claude chargea de gouverner la Palestine fut Cuspius
Fadus (44-46). Un magicien nommé Theudas, voulant se faire passer pour le
Messie, mena une révolte contre les Romains en 45. Il tenta en vain de partager les
eaux du Jourdain en marchant sur Jérusalem et fut décapité par Fadus. Le
procurateur suivant fut Tibère Alexandre (46-48), juif d'Alexandrie et neveu du
philosophe Philon. Peu aimé des juifs, il fit exécuter plusieurs rebelles. Puis ce fut
Ventidius Cumanus (48-52). Il dut faire face aux soulèvements des juifs qui
suivirent leur expulsion de Rome en 50. Une guerre civile éclata par ailleurs entre
les zélotes et les Samaritains.
Antoine Félix fut nommé procurateur en 52. Bien que déjà marié à une princesse
romaine, descendante d'Antoine et de Cléopâtre, il épousa la belle princesse juive
Drusille (Actes 24:24). Le fait qu'Agrippa II ait permis à sa soeur d'épouser un
Romain incirconcis révèle l'intérêt qu'il portait à l'hellénisme et ses ambitions en
matière de politique. Félix fit assassiner Jonathan, l'ancien souverain sacrificateur,
et d'autres juifs. L'agitation nationaliste ne cessa d'augmenter, surtout quand Néron
accéda au pouvoir (54-68).
L'apôtre Paul, emprisonné à Césarée, comparut devant Félix dont le mandat prit fin
en 60, et devant son successeur Festus (60-62). Celui-ci fut remplacé par Albinus
(62-64), puis par Florus (64-66), dernier procurateur de Judée.
Avec l'intensification du nationalisme juif et les agitations des zélotes, les chrétiens
de Palestine commencèrent à émigrer de Jérusalem, ceci avant la révolte juive
contre Rome (66-70). Beaucoup s'installèrent à Pella, sur le plateau transjordanien,
à l'est du Jourdain. La plupart des communautés chrétiennes de Jérusalem, de
Judée et de Galilée semblent s'être dispersées ailleurs en Orient. Il est probable que
le fanatisme des zélotes les y ait contraintes, ce qui entraîna aussi le départ de
Pierre pour Rome en 63. Paul et lui furent exécutés sans doute en 65, sous le règne
de Néron, pendant les persécutions déclenchées par le grand incendie de Rome
(64) dont on accusa les chrétiens.
Le patriotisme des zélotes parvint à son paroxysme en 66. Les deux derniers
gouverneurs avaient appauvri la Palestine pour faire face aux dépenses de leur
armée. La lutte culturelle entre Grecs et juifs à Césarée de Palestine déboucha sur
des combats de rues. Le procurateur Florus avait réclamé dix-sept talents au trésor
du temple, provoquant une manifestation antiromaine. Zélotes et patriotes de
l'aristocratie dirigeaient la révolte.
Gallus, le légat syrien, se souleva contre Jérusalem en novembre 66, mais dut
abandonner le siège du temple. Les rebelles juifs surprirent les légions romaines
qui battaient en retraite, ce qui obligea le légat à réclamer l'aide de l'empereur. Au
printemps 67, Vespasien vint avec 60.000 hommes. Les juifs rebelles se
retranchèrent derrière leurs fortifications et lui résistèrent. Mais quelques mois plus
tard, en automne 67, Vespasien avait pris le contrôle de la Galilée. Au printemps
suivant, il vainquit la Pérée et le Judée. Les défaites des juifs étaient dues pour une
large part aux luttes internes qui opposaient leurs différents partis.
L'armée romaine monta le siège de Jérusalem. L'assaut final fut entravé à deux
reprises par des révoltes parmi les troupes dues à la mort de Néron et à l'accession
au trône de Vespasien. Le nouvel empereur envoya son fils Titus parachever la
défaite des juifs. Titus entama un nouveau siège en avril 70 et réussit à prendre le
temple qui fut incendié, ainsi que la plus grande partie de la ville. Quand il
retourna à Rome, il confia son rôle de commandant en chef à Vettenius Cerialis.
Ce jour-là, la nation juive cessa d'être une entité politique. La Judée ne fut plus
administrée par un procurateur placé sous l'autorité du gouverneur de la Syrie, mais
gouvernée par un légat ayant rang de sénateur, directement responsable devant
l'empereur. D'importantes troupes y tenaient garnison. C'étaient d'abord des
détachements de la 10° légion (Fretensis), auxquels se joignirent entre 120 et 130
des éléments de la 6° (Ferrata). Le siège du gouvernement était à Césarée, devenue
colonie romaine.
Les trois premiers légats furent Vettenius Cerialis, commandant de la 5° légion qui
avait pris d'assaut Jérusalem, Lucius Bassus qui s'était emparé des forteresses
d'Herodium et de Machaerus, et Flavius Silva qui prit Massada. Puis ce fut le tour
de Lusius Quietus qui sut réduire une rébellion en Mésopotamie en 115, de Tineius
Rufus, qui fut légat quand éclata la révolte de Bar-Kochba, et de Julius Severus qui
l'écrasa en 135. Mais la liste des légats de la Palestine est incomplète. La province
reçut par la suite le nom de Syria Palestina. Jérusalem était maintenant une ville
païenne que les Romains détenaient envers et contre les juifs, ce qui suscita la
révolte de Bar-Kochba (132-135 apr. J.-C.). La reconstruction, momentanément
interrompue, fut achevée et la ville appelée Colonia Aelia Capitolina. Colonia, car
c'était une colonie romaine. Aelia, en l'honneur de l'empereur Hadrien dont le
prénom était Aelius. Et Capitolina, parce que la cité avait été dédiée à Jupiter
Capitolin. Jérusalem avait joué le rôle que Dieu lui avait assigné. Il l'avait châtiée
pour son incrédulité et n'avait plus à la préserver des vicissitudes de l'histoire.
Questions de révision et exercices:
1) Quel sont les noms des trois successeurs d’Hérode et sur quels pays
régnèrent-ils?
2) Quelle est la différence entre un ethnarque et un tétrarque, entre un
proconsul et un procurateur ou gouverneur?
3) Quelle était la différence entre la Judée, la Galilée et la Samarie à
l'époque du Christ?
4) Quels étaient les sentiments des empereurs romains à l’égard des juifs?
5) Qu'était le sanhédrin et quelles en étaient les attributions?
6) Nommez les souverains sacrificateurs qui exercèrent leurs fonctions à
l'époque du Christ.
7) Les soldats qui arrêtèrent Jésus à Gethsémané et ceux qui gardèrent sa
tombe étaient-ils juifs ou romains?
8) Expliquez le comportement de Ponce Pilate dans le procès de Jésus.
9) Lequel des Hérode fit exécuter l'apôtre Jacques (Actes 12)?
10) Qui était Drusille?
11) Quel parti juif fut responsable de la révolte et de la destruction de
Jérusalem?
12) Racontez les péripéties de la prise de Jérusalem.
13) Beaucoup de chrétiens périrent-ils avec les juifs pendant la révolte de
66-70?
CHAPITRE 5: LE JUDAISME
Origine et développement:
Ce qu'on a coutume d'appeler le judaïsme prit naissance pendant l'exil à Babylone.
Aujourd'hui, en utilisant l'adjectif "juif" on ne désigne généralement que la race
d'une personne. A l'époque du Nouveau Testament, la religion et la nationalité
aussi bien que la race caractérisaient les descendants d'Abraham. Avant l'exil on
les appelait enfants d'Israël, puis, le royaume de Juda ayant seul survécu à la
déportation, le terme juif désigna les exilés au retour dans le pays.
L'exil leur fit perdre leur identité nationale et les éloigna du temple, deux éléments
qui contribuèrent à modeler le judaïsme pour l'adapter aux nouvelles conditions
d'existence. Les Israélites formaient le peuple de l'alliance, le peuple élu. Bien
souvent, ils imaginèrent que leur élection les exempterait du châtiment divin, ce
contre quoi des prophètes comme Amos durent protester avec fermeté. Les faux
prophètes prêchaient que Dieu délivrerait son peuple sans tenir compte de ses
péchés, que l'alliance conclue était pour lui une sorte de sauf-conduit. Mais la
captivité à Babylone donna raison aux vrais prophètes de Yahvé.
Israël avait à répondre à deux questions: Pourquoi Dieu avait-il laissé le peuple
partir en exil, lui retirant ses bénédictions, et comment celui-ci pourrait-il
maintenant accomplir sa destinée? La réponse à la première question était simple:
le châtiment était une conséquence directe de sa désobéissance. Il fallait se repentir
et observer scrupuleusement la Loi. Ainsi naquit le courant légaliste des hassidim
qui eut son prolongement dans la secte des pharisiens. La réponse à la seconde
question était dans l’attente patiente du secours divin. Yahvé délivrerait son peuple
en son temps.
Deux commandements prirent une importance particulière, celui interdisant
l’idolâtrie, le culte des dieux païens, et le précepte concernant le sabbat. Pour se
protéger contre le péché, Israël se sépara des nations païennes considérées comme
impures, et pour assurer l’observance du sabbat, il multiplia les règles et les
instructions le concernant. Ajoutons à cela l’importance attachée à la circoncision,
signe visible de l’alliance. Ainsi naquit la "tradition des anciens" que Jésus
dénonça avec tant de vigueur pour ce qu’elle avait de légaliste. Loin du temple,
Israël ne pouvait apporter de sacrifices. Il chercha donc de nouvelles formes de
piété et vit dans l’observance scrupuleuse de la Loi la condition de la délivrance
divine.
Les exilés rentrés de Babylone n’avaient pas le zèle et la fermeté de conviction
nécessaires pour sauvegarder les clauses de l’alliance. Les mariages mixtes
contractés avec les païens venus habiter dans le pays les exposaient à l’idolâtrie. Il
fallait l’oeuvre de redressement d’un Esdras pour juguler le danger. Ce n’est pas
pour rien qu’on l’a appelé parfois le "père du judaïsme".
On sait peu de choses sur le développement du judaïsme pendant la dernière partie
de la période perse et la première phase de la période grecque (400-200 av. J.-C.).
Zorobabel avait refusé l'aide des Samaritains pour rebâtir le temple (520 av. J.-C.),
suscitant leur antipathie pour les juifs. Le schisme fut consommé quand les
Samaritains construisirent vers 300 av. J.-C. leur propre temple sur le Mont
Garizim. Ils adoptèrent le Pentateuque et lui seul comme Saintes Ecritures, en en
modifiant certains textes, et rejetèrent les Prophètes et les Ecrits. A l'époque du
Christ, les juifs continuaient à n'avoir aucun rapport avec eux.
D'autre part, la prophétie cessa progressivement au cours de l'exil: "Nous ne
voyons plus nos signes. Il n'y a plus de prophète, et personne parmi nous qui sache
jusqu'à quand..." (Psaume 74:9). 1 Maccabées 9:27 reconnaît le fait. Du coup,
l'oeuvre des scribes prit de l'ampleur. Comme aucun prophète ne se levait plus pour
parler au nom de Dieu et que celui-ci ne donnait plus de révélations, on s'appliqua
à commenter et expliquer sa Parole.
Particularités du judaïsme:
Trois facteurs caractérisent le judaïsme postexilique: 1) Le canon, c'est-à-dire
l'ensemble des livres reconnus comme divinement inspirés. 2) La synagogue, lieu
de réunion, de méditation et de prière pour un peuple privé des cérémonies du
temple. 3) Les rabbins, docteurs de la Loi et, de ce fait, nouveaux responsables
religieux en Israël.
Deux partis importants virent le jour, les pharisiens qui s'occupaient de la Loi, et
les sadducéens dont faisaient partie beaucoup de membres de la classe sacerdotale.
Quant aux notions fondamentales qui caractérisent le judaïsme de l'époque, ce sont
les suivantes:
1) La foi en un Dieu unique, Créateur de toutes choses et qui seul a droit à
l'adoration. On le concevait si saint que son nom ne devait pas être prononcé
à haute voix. Aussi lorsque le nom Yahvé apparaissait dans les Ecritures, lui
substituait-on le terme Adonaï (Seigneur). La coutume apparut au III° siècle
av. J.-C.
2) L'élection, la certitude, avec pour gage la circoncision, de faire partie du
peuple élu, ce qui entraîna un sentiment de supériorité envers les païens
accusés d'idolâtrie et d'immoralité. Il n'y avait pour eux d'espérance de salut
que s'ils devenaient prosélytes en acceptant la Loi et, si possible, la
circoncision.
3) Enfin la Torah interprétée de façon sourcilleuse et légaliste comme un
chemin du salut. D'une façon générale on attachait plus d'importance à sa
lettre qu'à son esprit, à la conformité extérieure à ses exigences qu'à son sens
profond.
La construction du temple fut achevée en 515 av. J.-C., alors que Josué était
souverain sacrificateur et Zorobabel, petit-fils du roi Jéchonias, gouverneur de la
Judée. Il fallut les encouragements répétés et les avertissements des prophètes
Aggée et Zacharie, pour que sa reconstruction fût menée à bonne fin. Les travaux
du sanctuaire lui-même furent achevés en dix-huit mois (20-19 av. J.-C.), mais la
construction des bâtiments annexes et de l'enceinte requit plusieurs décennies.
Les païens avaient l'autorisation de pénétrer dans le parvis extérieur, parfois utilisé
comme place de marché. Le temple proprement dit était au fond de la cour, avec à
droite le parvis des femmes et à gauche le parvis d'Israël. Au milieu de ce dernier
se trouvait le sanctuaire où officiaient les sacrificateurs. Le tout était surélevé par
rapport au parvis extérieur. Un double rideau très épais séparait le lieu saint long
d'environ vingt mètres du saint des saints, où seul le souverain sacrificateur
pénétrait une fois par an, au jour des expiations.
Les prêtres étaient seuls qualifiés pour apporter les sacrifices prescrits et officier
dans le temple, tandis que les scribes, qui étaient des laïcs, les avaient remplacés
dans leur rôle de maîtres de la Torah. Le souverain sacrificateur régnait à vie et sa
fonction était héréditaire dans la maison de Tsadoq, descendant direct d'Aaron. Il
exerçait à la fois une autorité politique, même limitée, et l'autorité religieuse. La
fonction tomba en discrédit, quand Antiochus IV Epiphane nomma à ce poste des
gens lui versant d'importants pots-de-vin. Les Maccabées étaient des descendants
d'Aaron, mais pas de la famille de Tsadoq. Simon cependant fut reconnu comme
souverain sacrificateur en 142 av. J.-C. Hérode le Grand et les Romains ne
reconnaissant pas le caractère héréditaire de la fonction, s'arrogèrent le droit de les
nommer et de les destituer.
Sacrificateurs et lévites étaient répartis en 24 groupes (1 Chroniques 24:1-19) qui
servaient dans le temple pendant une semaine, et cela deux fois par an. Chaque
groupe comprenait environ un millier de personnes. Ceux qui habitaient près du
temple s'acquittaient de leurs fonctions dans le sanctuaire de Jérusalem, tandis que
ceux vivant dans les villes lointaines ou à la campagne officiaient dans les
synagogues. Leurs responsabilités (récitation du Shema, Deutéronome 6:4-9,
lecture des Commandements, offrande de l'encens, libations et sacrifices) étaient
définies par un tirage au sort, tandis que les Lévites accomplissaient des tâches
subalternes et que leur chorale interprétait les psaumes du jour.
Les Juifs célébraient sept fêtes par an:
1) Le rosh hasch-schana, la fête du Nouvel An, célébrée le premier tishri
(septembre/octobre). On sonnait des trompettes dans le temple du matin au
soir. La fête étant aussi célébrée dans les synagogues, peu de juifs se
rendaient à Jérusalem à cette occasion.
2) Le yom kippour, jour des expiations, le 10 tishri. C'était un jour de
repentance et de jeûne, où le souverain sacrificateur procédait à l'expiation
annuelle des péchés du peuple, en aspergeant le sang du sacrifice sur l'arche
de l'alliance dans le lieu très saint.
3) La fête des tabernacles, soukkoth, le 15 tishri et les jours suivants. C'était
la commémoration, sous des huttes de branchages, de la traversée du désert
et l'action de grâces à la fin de la moisson. La fête se terminait par le grand
jour de la sainte convocation (Jean 7:37).
Ces trois premières fêtes marquaient le début de l'année civile. L'année religieuse
débutait avec la quatrième:
4) La fête de la Pâque, pèsach, le 14 nisan (avril), qui se poursuivait pendant
sept jours sous le nom de "fête des pains sans levain". De nombreux pèlerins
se rendaient à Jérusalem pour commémorer l'Exode.
5) La fête des semaines, jour des prémices ou Pentecôte, cinquante jours
après la Pâque. Le peuple louait Dieu pour ses bénédictions dans les récoltes
futures.
6) La fête de la dédicace, hanoukah, le 25 kisleu (décembre),
commémoration de la purification, par Judas Maccabée, en 164 av. J.-C., du
temple profané par Antiochus IV Epiphane. Les juifs illuminaient leurs
maisons et on racontait l'histoire des Maccabées.
7) La fête de Purim, les 14 et 15 adar (mars), fête nationale instituée d'après
le livre d'Esther pour célébrer la victoire des juifs sur leurs ennemis.
L'origine de la synagogue est obscure. On sait cependant qu'elle remonte à l'époque
de l'exil, quand les juifs expatriés désirèrent se réunir pour célébrer leurs cultes. La
construction de temples hors de Jérusalem était interdite par la Loi et aurait été
financièrement impossible. Privés de la possibilité d'apporter des sacrifices, ils ne
pouvaient célébrer leurs cultes qu'en écoutant et méditant la Parole que Dieu leur
avait donnée. L'observance correcte de la Loi exigeait qu'elle fût bien connue et
comprise. Il fallait donc se réunir pour l'étudier. Le culte était fait de prières, de la
lecture de textes de la Loi et des prophètes, de leur commentaire et du chant de
psaumes.
Pour établir une synagogue, il fallait au minimum dix hommes. Un groupe
d'anciens en dirigeait les activités. Ils avaient le pouvoir d'excommunier. Parmi
eux, certains étaient nommés à des fonctions spéciales. Le chef de la synagogue
était sans doute un de ces anciens élu à ce poste. Il dirigeait le culte en nommant
ceux qui devaient lire les Ecritures, prêcher et prier. Un autre était chargé de la
préparation du lieu. Il annonçait aussi les sabbats et les fêtes en sonnant de la
trompette sur le toit de la synagogue, allait chercher les rouleaux nécessaires pour
le service, puis les rangeait. D'autres proclamaient le shema, recevaient ou
distribuaient les aumônes. Les synagogues étaient disséminées dans tout l'empire
romain, partout où vivaient des juifs. Au temps de Jésus, chaque village palestinien
possédait la sienne.
Questions de révision et exercices:
1) D'où vient le mot "juif" et que signifie-t-il?
2) Quelle différence peut-on faire entre la religion d'Israël et le judaïsme?
3) Quels étaient pour le judaïsme postexilique les deux commandements les
plus importants?
4) Quels sont les signes extérieurs de la piété juive?
5) Pourquoi les juifs considéraient-ils les païens comme impurs, alors que
l'Ancien Testament ne le fait pas?
6) Pourquoi les scribes, puis les rabbins prirent-ils une telle importance dans
le judaïsme?
7) Qu'est-ce qu'une synagogue?
CHAPITRE 6: LES PARTIS ET LES
DOCTRINES DU JUDAISME
Il y avait quatre partis relativement importants dans le judaïsme à l’époque du
Christ, bien que la majorité des juifs n'adhérât à aucun d'eux: les sadducéens, les
pharisiens, les zélotes et les esséniens.
Les sadducéens:
L'origine de la secte et son nom sont obscurs. Le terme provient peut-être de
Tsadoq, nom d'un souverain sacrificateur sous le règne de David, ou de tsadiq,
adjectif hébraïque qui signifie juste. A l'époque d'Esdras, des prêtres et même des
souverains sacrificateurs avaient épousé des femmes étrangères, d'où une certaine
ouverture au monde païen que n'appréciaient pas les scribes et spécialistes de la
Loi. L'antagonisme s'intensifia à l'époque d'Antiochus IV Epiphane: un parti
hellénisant chercha à importer des idées et des pratiques grecques, suscitant les
protestations des hassidim, les "pieux", ancêtres spirituels des pharisiens.
Les sadducéens soutenaient les Asmonéens, chefs qui cumulaient les fonctions
politique et sacerdotale et occupaient les postes les plus importants dans le temple,
les cours de justice et le sanhédrin. Ils dominaient ce dernier qui fonctionnait sous
l'autorité du souverain sacrificateur connu pour ses sympathies pour la culture
hellénistique et le pouvoir impérial. Selon Josèphe, ils étaient puissants et
jouissaient "de l'appui des riches plutôt que du peuple" (Antiquités juives, XIII, 10,
6). Ils séparaient politique et religion, tandis que les pharisiens pensaient que Dieu
interviendrait sur un plan politique pour déterminer l'avenir de son peuple.
Leurs doctrines et pratiques étaient les suivantes:
1) Ils acceptaient la Loi écrite, mais rejetaient les traditions orales adoptées
par les pharisiens.
2) Ils niaient la résurrection du corps et l'immortalité de l'âme, ne trouvant
pas ces doctrines clairement enseignées dans le Pentateuque. L'au-delà, du
reste, les préoccupait peu et ils étaient plutôt portés sur le monde matériel.
3) Grands partisans du libre-arbitre, ils soutenaient que Dieu n'intervient pas
dans le monde et les affaires des hommes, mais qu'il a donné à ceux-ci le
libre-arbitre nécessaire pour diriger leur vie et régler leurs problèmes.
4) Ils niaient le jugement après la mort et croyaient que la récompense et le
châtiment étaient des conséquences naturelles de nos actions.
5) Ils n'étaient pas aussi scrupuleux que les pharisiens concernant les lois sur
la pureté.
6) Ils étaient par contre beaucoup plus sévères que les pharisiens pour juger
les affaires criminelles, à l'exception des faux-témoins pour lesquels ils
faisaient preuve de clémence. Ils pensaient que beaucoup de lois de l'Ancien
Testament devaient être interprétées littéralement et appliquées sans
indulgence.
Les pharisiens:
Le nom provient sans doute d'une racine verbale qui signifie "être à part". Il fut
employé pour la première fois sous Jean Hyrcan et donné à ceux qui s'opposèrent à
ce qu'un Asmonéen occupât le poste de souverain sacrificateur. Les pharisiens
avaient pour ancêtres les hassidim, groupe de juifs pieux luttant contre la
pénétration de l'hellénisme dans la culture hébraïque. Ils étaient héritiers des idées
d'Esdras et luttaient pour une interprétation rigoureuse de la Loi et de ses
exigences. Moins influents que les sadducéens sur le plan politique, ils étaient
soutenus par le peuple et orientaient la vie cultuelle des juifs.
Leurs grands principes étaient les suivants:
1) Une religion basée sur la Loi et une observance stricte de la circoncision,
du sabbat et des fêtes annuelles.
2) Le légalisme, c'est-à-dire l'affirmation que le salut réside dans
l'accomplissement des commandements divins. Ils insistaient plus
particulièrement sur la purification et la séparation à la fois des personnes et
des objets employés dans le culte, pratiquaient l'exclusivisme et évitaient
tout contact avec les impurs.
3) Les traditions ancestrales, sorte de loi orale interprétant la loi écrite et
permettant d'appliquer les commandements aux détails de l'existence
quotidienne et d'ajuster les pratiques religieuses à des situations nouvelles.
Pour ce qui est des doctrines des pharisiens, on retiendra les idées maîtresses
suivantes:
1) La Torah et les traditions: les deux ont valeur normative, alors que les
sadducéens rejetaient la loi orale. Les pharisiens les considéraient comme
nécessaires pour empêcher que la Loi soit transgressée. Ils allaient jusqu'à
enseigner que Dieu avait révélé à Moïse sur le Sinaï non seulement le
contenu du Pentateuque, mais aussi tous les préceptes véhiculés par la
tradition.
2) L'existence d'un Dieu unique et souverain dominant le monde entier et
qui devait seul être adoré. Quoique transcendant, il était présent dans le
temple. Sa toute-puissance assurait aux pharisiens que rien ne pourrait
résister à son jugement ni déjouer ses desseins.
3) Le péché est conçu comme une désobéissance à Dieu. Il est l'expression
d'une tendance au mal que Dieu a créée chez l'homme. Mais celui-ci a reçu
aussi dans la création une tendance au bien. D'où la nécessité d'utiliser son
libre-arbitre pour faire le bien.
4) La croyance en l'immortalité de l'âme et en des récompenses et des
châtiments dans l'au-delà. Les pharisiens croyaient aussi en une résurrection
des morts qui permettrait aux fidèles défunts de goûter aux joies d'un paradis
terrestre à venir. Ils s'attendaient également à ce que de nombreux païens se
convertissent et participent au salut d'Israël.
5) Le Messie attendu serait fils de David et un roi politique. Il délivrerait
Jérusalem des nations païennes qui l'oppriment. L'attente messianique prit
deux formes: a) la vision nationaliste d'un âge glorieux comprenant le
rétablissement de l'indépendance et de la puissance juives, b) la vision
eschatologique de la catastrophe mondiale et l'établissement d'un monde
nouveau. Le règne rétabli de David apporterait une ère de paix et de
prospérité, d'équité et d'amour fraternel parmi les hommes. Mais pour cela il
fallait que vienne un descendant de David désigné par Dieu, un libérateur
humain héroïque, le "fils de l'homme" de Daniel 7:13. Jérusalem serait le
siège de son royaume. Cependant certains pharisiens militant pour une
attente messianique plus religieuse que politique, se contentaient d'annoncer
que la suprématie de Dieu serait établie et que le judaïsme deviendrait la
religion universelle.
6) A l'inverse des sadducéens, les pharisiens croyaient en l'existence et en le
ministère des anges, intermédiaires entre Dieu et les hommes et médiateurs
de ses bénédictions.
Les zélotes:
C’était une secte consacrée à la défense de la Loi et de la vie nationale juives. Ils
avaient beaucoup d'influence en Galilée et plus tard à Jérusalem, de l'époque
d'Hérode jusqu'à la chute de la ville en l'an 70. S’opposant à la domination de
Rome, ville idolâtre, ils fomentèrent maintes révoltes. Leur dessein était de lutter
farouchement contre toute domination étrangère.
Un jour, dix zélotes, dissimulant des poignards, pénétrèrent dans le théâtre de
Jérusalem dans le dessein de tuer Hérode qui assistait à un spectacle. Le roi eut
vent du complot et les fit exécuter, mais le peuple réagit avec colère et lapida
l'espion qui l'avait informé. Plus tard, sur son lit de mort, il fit arrêter et mettre à
mort une quarantaine de jeunes gens qui, sous la direction de deux rabbins, avaient
décidé d'enlever le grand aigle d'or qu'il avait placé sur la porte du temple. Il avait
aussi fait décapiter sans procès le zélote Hezekias. Les fils de ce dernier
rassemblèrent les rebelles en un parti politique agressif qui s'engagea dans la
révolte galiléenne menée en l'an 6 par Judas de Gamala pour protester contre
l'impôt des propriétés décrété par Quirinius, gouverneur de Syrie.
Les zélotes s'étaient engagés à assassiner tout païen pénétrant dans le sanctuaire.
Une inscription placée sur le mur séparant le parvis des Gentils de celui d'Israël
mettait les incirconcis en garde contre le châtiment infligé pour toute intrusion.
Bien que leur origine soit obscure, ils perpétuaient l'esprit des Maccabées. Les plus
extrémistes d'entre eux étaient connus sous le nom de "sicaires" (assassins).
Dissimulant de petits poignards sous leurs manteaux, ils frappaient les traîtres juifs
qui collaboraient avec les Romains.
Les esséniens:
Les esséniens apparurent peut-être vers la fin de la révolte des Maccabées, quand
le sacerdoce exercé par les sadducéens dégénéra en raison de leurs compromissions
avec l’hellénisme. Certains juifs pieux se retirèrent du monde et fondèrent des
communautés monastiques d'où les femmes étaient généralement exclues. Ils
mettaient leurs biens en commun et menaient une vie austère, pourvoyant à leurs
besoins par le travail manuel, généralement l'agriculture. Le temps qui leur restait
était consacré à l’étude de la Loi. Selon le philosophe juif Philon d’Alexandrie, ils
ne furent jamais très nombreux. Beaucoup de savants ont identifié les esséniens à
la communauté de Qumrân.
Dans leurs doctrines et leurs pratiques, ils étaient plus proches des pharisiens que
des sadducéens. Ils rejetaient cependant la doctrine de la résurrection des morts,
tout en croyant en l’immortalité de l’âme. Ils s’appliquaient par ailleurs à observer
strictement les préceptes de la Loi, surtout ceux concernant la pureté rituelle.
Curieusement, les esséniens ne sont pas mentionnés une seule fois dans le Nouveau
Testament, bien que leur existence à l’époque du Christ soit clairement attestée. De
nombreux commentateurs pensent d’ailleurs que l’Eglise primitive fut très
influencée par l’organisation et le style de vie de leur communauté.
Les doctrines du judaïsme:
Nous ne reviendrons plus sur le monothéisme radical caractérisant le judaïsme
postexilique ni sur l’autorité qu’il attribuait à la Parole de Dieu, particulièrement à
la Loi de Moïse. La littérature théologique produite par le judaïsme à l’époque
intertestamentaire se caractérise par l’importance que revêt la doctrine des anges et
des démons. Les juifs ont de tout temps cru en leur existence. Il en est question
dans le Pentateuque, surtout la Genèse, et chez les prophètes, mais il se pourrait
qu’ils aient subi pendant leur exil l’influence de la religion perse avec son
angélologie structurée. Cela pourrait expliquer bien des détails fournis par la
littérature juive de l’époque sur la position, les tâches et la hiérarchie des anges.
Sept archanges reçurent des noms: Uriel, Raphaël, Raguel, Michel, Saraqael,
Gabriel et Remiel. Certains anges de haut rang étaient nommés par Dieu pour
régner sur les nations, tandis que d’autres étaient dits agir avec méchanceté et
écarter les peuples du droit chemin (Livre des Jubilées 15:31). D’autres anges
avaient la responsabilité de diriger les saisons et les éléments naturels.
Ce qui caractérise le judaïsme de l'époque, c'est une certaine fièvre eschatologique,
d’où le foisonnement de toute une littérature apocalyptique. On attendait avec
impatience, et les zélotes essayèrent même de hâter la fin de l’oppression d'Israël,
la venue du grand jour où Dieu jugerait le monde et rachèterait son peuple. Ce
jour-là, il accomplirait enfin ses promesses en lui donnant prospérité et paix dans
un âge d'or associé à la restauration du règne de David. Certaines questions que les
disciples posèrent à Jésus-Christ reflétaient cette fièvre et l’espoir de voir
s'accomplir bientôt des prédictions consignées dans les livres des prophètes, mais
mal interprétées par un peuple aux conceptions eschatologiques charnelles.
L’attente du Messie était aussi au centre de la piété juive. Le terme désigne celui
qui a été oint par Dieu et chargé d'une mission. C’était le cas en particulier des rois.
Mais le Seigneur avait promis à David que ses descendants seraient à jamais assis
sur son trône (2 Samuel 7:12). Les espérances liées à cette promesse continuèrent à
l’époque de l’exil et par la suite. L’attente d'un fils de David, représentant de Dieu
sur la terre, coexistait cependant avec celle, moins politique, d'une intervention et
d'un règne personnels de Yahvé.
L'observance parfaite des préceptes de la Torah était pour les juifs la condition
pour l'accomplissement des promesses divines. On attendait la venue d'un grand
prophète semblable à Moïse, qui parlerait pour Dieu, rétablirait la Loi et exigerait
qu'elle soit respectée (Deutéronome 18:18). On attendait aussi, à moins qu'il ne
s'agît du même personnage, la venue d'un prêtre juste qui conduirait le peuple dans
la justice. Cette espérance était particulièrement vivante dans la communauté de
Qumrân où on soulignait le contraste entre le Maître de Justice et le Prêtre Impie.
Leur Manuel de Discipline parle de la venue "du prophète et des Messies d’Aaron
et d’Israël" (9:11) qui doivent apparaître à la fin des temps.
On retrouve dans le Nouveau Testament l’attente du futur prophète. Se fondant sur
le livre de Malachie, Jésus l'identifia en déclarant que Jean-Baptiste était l’Elie qui
devait venir. Par contre, le messianisme prêché par le Christ et les apôtres est très
différent de celui du judaïsme. Il n’est pas question dans leur prédication d’un âge
d'or, fait d'une joie et d'une paix paradisiaques, et l’attente des fidèles est orientée
exclusivement vers le monde à venir. D’autre part, si le Messie est vrai homme et
fils de David, il est aussi Fils de Dieu et donc Dieu lui-même, et sa véritable
mission a consisté à apporter, en mourant sur la croix et en ressuscitant le troisième
jour, le sacrifice qui expie les péchés du monde entier et le réconcilie avec Dieu.
Questions de révision et exercices:
1) Décrivez les sadducéens, les pharisiens, les zélotes et les esséniens, en
montrant les différences et les antagonismes entre ces différents partis.
2) Quelle était la foi des juifs concernant
a) les traditions orales,
b) les anges,
c) l’immortalité de l’âme et la résurrection des morts,
d) le Messie,
e) la fin des temps?
3) Pourquoi Jésus a-t-il eu plus de démêlés avec les pharisiens qu’avec les
sadducéens?
4) Quelle est la différence entre l’attente messianique des juifs et ce que les
chrétiens confessent à propos de Jésus?
5) Montrez la différence entre l’eschatologie (doctrine de la fin des temps)
du judaïsme et celle du christianisme.