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Le paludisme simple enands classiques 2012 : gr et … · Traiter un accès palustre simple . d’importation (figure 1) Une fois le diagnostic confirmé, le traitement doit être

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O. Bouchaud

La Lettre de l’Infectiologue • Tome XXVII - n° 6 - novembre-décembre 2012 | 227

DOSSIER THÉMATIQUE

Le paludisme simple en 2012 : grands classiques et nouveautésUncomplicated malaria in 2012: from classical to new data

O. Bouchaud*, L. Pull**, J.-Y. Siriez**

* Service des maladies infectieuses et tropicales, hôpital Avicenne et uni versité Paris-XIII, Bobigny.

** Service des urgences, hôpital pédiatrique Robert-Debré, Paris.

En 2010, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), 90 % des 216 millions de cas estimés et les 655 000 décès sont survenus

en Afrique subsaharienne, principalement chez les enfants de moins de 5 ans. Même si ces données ne laissent aucun doute sur le fait que le paludisme reste une endémie majeure dans le monde tropical, les efforts des 10 dernières années (amélioration de l’accès au diagnostic, généralisation des tests rapides, diffusion des bithérapies contenant un dérivé de l’artémisinine ayant de plus un effet sur la chaîne de transmission, distribution large de moustiquaires imprégnées d’insecticides, intensi-fication de la lutte antivectorielle, etc.) ont permis d’obtenir un recul significatif du paludisme dans le monde (1).Du fait de ses liens historiques avec l’Afrique subsa-harienne, la France, avec 3 500 à 4 000 cas estimés annuels, reste le pays industrialisé le plus concerné par le paludisme d’importation, notamment en Île-de-France, avec près des trois quarts des cas survenant chez des migrants africains ayant passé des vacances (souvent prolongées) dans leur pays d’origine.Si le principe général de la prise en charge du palu-disme n’a pas évolué, des nouveautés sont apparues ces dernières années dans 2 domaines : le diagnostic, avec l’identification d’une nouvelle espèce (Plasmo-dium knowlesi) et l’apparition des tests de diagnostic rapide (TDR), et le traitement, avec en traitement curatif l’émergence en première ligne des bithérapies de type artémisinine (ACT [Artemisinin Combined Therapy]) et, en prévention, la tendance à une réduc-tion des indications de chimioprophylaxie pour les séjours à faible risque.

Évoquer et diagnostiquer un paludisme Même si l’Afrique subsaharienne est de très loin la principale source de paludisme d’importation en France, toute fièvre au retour de zone tropicale, quel que soit le contexte, les préventions et les précau-tions prises, ou la saison (piège du syndrome fébrile en saison grippale), doit déclencher le réflexe “palu-disme” et faire demander en urgence un frottis-goutte épaisse dont le résultat doit être disponible dans les 2 heures (2). La fièvre palustre évolue par pics (écla-tement des schizontes dans le cycle érythrocytaire) et peut donc être absente lors de l’examen. Une absence totale de fièvre est possible, mais rare, et se voit essen-tiellement chez des migrants encore immunisés. La grande majorité des accès palustres surviennent dans les 2 à 3 semaines suivant le retour, mais des émer-gences sont possibles plus tardivement, voire plusieurs années après, pour les espèces autres que Plasmodium falciparum, qui sont cependant beaucoup plus rares.À côté de la fièvre s’insérant dans un tableau pseudo-grippal ou de rhinopharyngite chez l’enfant, les autres signes cardinaux sont : céphalées, frissons et signes digestifs (diarrhée, nausées, vomissements, etc.). Chez l’enfant, les signes digestifs peuvent être au devant du tableau (piège de la gastroentérite fébrile prise à tort pour une turista). Au-delà de ces signes d’appel, l’interrogatoire, étape capitale du diagnostic, doit identifier la durée d’évolution des symptômes et la prise d’antimalariques, que ce soit en autotrai-tement (risque de faussement négativer le frottis-goutte épaisse) ou du fait de la chimioprophylaxie (dont la prise, même annoncée comme régulière par le patient, ne doit pas faire rejeter le diagnostic).

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Points forts » Le paludisme d’importation, fréquent chez les migrants, survient le plus souvent chez des voyageurs

revenant d’Afrique subsaharienne et qui n’ont pas été soumis à une prophylaxie adéquate. » La fièvre, irrégulière, est le symptôme d’alerte de référence. Elle impose la réalisation systématique

d’un frottis-goutte épaisse en urgence. » Les tests rapides qui ont révolutionné le diagnostic en zone d’endémie restent une technique d’appoint

en France et ne doivent pas se substituer au diagnostic de référence (frottis-goutte épaisse). » Le traitement fait maintenant appel aux bithérapies, en privilégiant celles contenant un dérivé de

l’artémisinine (pour leur rapidité d’action et leur bonne tolérance). » Pour les séjours touristiques classiques en Asie et en Amérique du Sud, la chimioprophylaxie n’est en

général plus nécessaire (le risque de paludisme est très faible).

Mots-clésPaludismeMigrantsTests de diagnostic rapideArtéméther-luméfantrineDihydroartémisinine-pipéraquine

Highlights » Imported malaria, frequent

in immigrants Visiting Friends and Relatives (VFR), mainly occurs in travellers returning from sub-Saharan Africa and having not taken adequate prophylaxis.

» Fever, with an irregular course, remains the main alert sign. A systematic thin/thick blood films for parasites diagnosis must be performed immediately.

» Rapid diagnostic tests, of great use in endemic areas, have a secondary role in France, microscopic examina-tion remaining the reference diagnostic test.

» Artemisinin-based combined therapies are now the gold standard treatment (rapidly efficient and well tolerated).

» For “classical” touristic journeys in Asia and South America, chemoprophylaxis may be avoided due to a very low risk of malaria.

KeywordsMalaria

Visiting friends and relatives

Rapid diagnostic tests

Artemether-lumefantrine

Dihydroartemisinine-piperaquine

P. knowlesi, découvert récemment (car longtemps confondu avec Plasmodium malariae) comme patho-gène chez l’homme, donne un tableau palustre clas-sique, mais qui peut évoluer en une forme grave et mortelle comme avec P. falciparum. Parasite très inféodé à l’Asie du Sud-Est (Bornéo notamment), les formes cliniques importées sont en fait très rares. La chloroquine est efficace, comme pour les autres espèces sauf P. falciparum (3).L’examen clinique est en règle générale peu contri-butif. La classique splénomégalie est en fait peu fréquente dans le paludisme de primo-invasion de l’adulte et de l’enfant (4, 5). Cet examen clinique doit être cependant attentif pour détecter précocement les signes d’alerte précurseurs des signes de gravité avérés (cf. article “Paludisme grave d’importation”) : subictère, coloration foncée des urines, tendance à la somnolence, etc.Le bilan biologique standard permet d’identifier des éléments diagnostiques présomptifs. La présence d’une thrombopénie (très fréquente chez l’adulte et signe d’alerte si elle est très marquée ; plus rare chez l’enfant), d’une hémoglobine déjà un peu abaissée (a fortiori basse) et l’absence d’hyperleucocytose sont très évocatrices. Une cytolyse hépatique minime est possible.La confirmation biologique sera apportée par le classique frottis sanguin-goutte épaisse, qui reste la méthode de référence (2). Le frottis consiste à étaler sur une lame une goutte de sang et à recher-cher au microscope, après coloration, les parasites à l’intérieur des hématies, l’expression du résultat se faisant en comptant les hématies parasitées (expression en pourcentage). Il peut être mis en défaut (faux négatif) lorsque la parasitémie est faible, ce qui justifie la goutte épaisse, dont la sensibilité est meilleure (mais l’identification de l’espèce est plus difficile). Si une parasitémie élevée (> 2 % et, a fortiori, > 4 %) est un signe d’alerte imposant l’hos-pitalisation, sa présence isolée (sans autre signe de gravité) n’a généralement pas de caractère péjoratif, tout particulièrement chez l’enfant. La nouveauté est l’apparition des TDR, qui doivent cependant rester des méthodes d’appoint. Ils mettent en évidence dans le sang des protéines spécifiques de Plasmodium sp. permettant de diffé-rencier P. falciparum des autres espèces : antigène

HRP-2 (Histidine Rich Protein-2), spécifique de P. falciparum, pLDH (lacticodéshydrogénase pan-malarique) et aldolase. Leur sensibilité est supérieure à 95 % en ce qui concerne P. falciparum, mais elle est moins bonne pour les autres espèces. Des faux positifs (interaction avec le facteur rhumatoïde) et des faux négatifs (moins de 100 parasites par micro-litre de sang, mutation/délétion du gène codant pour l’antigène HRP-2) ont été rapportés (6, 7). Par ailleurs, l’antigène HRP-2 peut rester positif chez un patient correctement traité plus de 30 jours après la guérison (risque de retraiter un paludisme guéri si réapparition d’une fièvre due à une autre cause) [8]. Une étude récente a démontré un bénéfice semi-quantitatif, puisqu’un test rapide associant la détection de HRP-2 à l’absence d’aldolase était associé à une parasitémie inférieure à 1 % (9). Enfin, les TDR ne permettent pas de quantifier la parasi-témie, paramètre important pour orienter la prise en charge. L’amplification génique (PCR) permet de détecter de très faibles parasitémies, de quantifier l’ADN plas-modial et de rechercher des marqueurs nucléaires de résistance aux antipaludiques. Cette méthode onéreuse nécessite un circuit sécurisé et n’est pas réalisée en pratique courante, sauf dans quelques laboratoires spécialisés, au Centre national de référence du paludisme ou dans le cadre de la recherche (10).On rappelle par ailleurs que la sérologie “paludisme” n’a aucun intérêt dans le diagnostic d’un paludisme aigu et ne doit pas être utilisée dans ce cadre.

Traiter un accès palustre simple d’importation (figure 1)

Une fois le diagnostic confirmé, le traitement doit être mis en œuvre rapidement dans l’accès simple et en urgence dans l’accès grave.Dans les situations où un paludisme est probable (retour de zone à risque + présomption clinique et biologique) mais sans confirmation parasitologique, il est légitime d’évoquer un paludisme “décapité” (par une chimioprophylaxie inadaptée, un autotraitement insuffisamment efficace ou chez les migrants dont la prémunition résiduelle limite la parasitémie). Il est

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P. ovale, vivax, malariae, knowlesi

Chloroquine

P. falciparum

Recherche de signes de gravité

– Troubles de la conscience (même minimes), convulsions– Choc, acidose métabolique– Œdème pulmonaire, syndrome de détresse respiratoire– Syndrome hémorragique– Hémoglobinurie– Hémoglobine ≤ 7 g/dl, créatininémie ≥ 265 µmol/l, glycémie ≤ 2,2 mmol/l– Ictère clinique ou bilirubine totale ≥ 50 µmol/l– Parasitémie ≥ 4 %

NON

NON

Vomissements ?

Hospitalisation ou traitement en ambulatoire ?

– Aucun signe de gravité ; pas de troubles digestifs (vomissements ++)– Patient adulte et suivi possible, diagnostic parasitologique fiable – Absence de facteurs de risque de mauvaise observance– Absence de facteur de risque associé (enfant, grossesse, patient âgé, pathologie associée – notamment cardiaque, splénectomie, isolement, etc.)– Proximité d’un hôpital– Disponibilité immédiate de l’antipaludique prescrit (pharmacie ou service d’urgences)– Hémoglobine > 10 g/dl ; plaquettes > 50 000/mm3 ; créatinine < 150 µmol/l ; parasitémie < 2 %

Si tous les critères sont vérifiés Si 1 seul critère non vérifié,traitement ambulatoire possible hospitalisation nécessaire

• Atovaquone-proguanil• Artéméther-luméfantrine

• Dihydroartémisinine-pipéraquine*• En 2e ligne : quinine orale ou méfloquine

Modalités : voir tableau

Dès amélioration

Suivi avec frottis-goutte épaisse à J3, J7 et J28

OUI

Avis du réanimateur Hospitalisation Artésunate ou quinine i.v.

OUIHospitalisationQuinine i.v.

Figure 1. Conduite thérapeutique à tenir devant un accès palustre d’importation.

La Lettre de l’Infectiologue • Tome XXVII - n° 6 - novembre-décembre 2012 | 229

DOSSIER THÉMATIQUE

alors nécessaire de répéter le dépistage parasitolo-gique (une seule parasitémie négative n’élimine pas le diagnostic) et de suivre la règle empirique qui postule qu’il faut réaliser 3 frottis-goutte épaisse avant d’éli-miner un paludisme. Lorsque l’hospitalisation n’est pas possible et que le retour du patient n’est pas certain, l’alternative est de donner un traitement curatif présomptif complet (“dans le doute, on traite”).

Hospitalisation ou traitement ambulatoire ?

Après avoir vérifié soigneusement l’absence de tout critère de gravité, la question de l’hospitalisation ou du traitement ambulatoire se pose. Les critères autorisant une prise en charge ambulatoire sont indiqués sur la figure 1. Si l’un des critères manque,

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Le paludisme simple en 2012 : grands classiques et nouveautésDOSSIER THÉMATIQUE

Paludisme

l’hospitalisation est alors recommandée (2). Chez l’enfant, si la conférence de consensus recommande l’hospitalisation dans tous les cas, certains centres spécialisés organisent une prise en charge ambulatoire en l’absence de critère de gravité et de vomissement, à condition que l’état général de l’enfant soit conservé et que les parents soient fiables (2). Les attitudes euro-péennes par rapport à l’hospitalisation dans l’accès simple sont très variables. La tendance est plutôt à la recommandation de l’hospitalisation ; certains pays, comme l’Allemagne, et surtout le Royaume-Uni, la recommandent systématiquement pendant au moins 24 heures, d’autres (Espagne, Italie, Suisse, Pays-Bas, etc.) reconnaissent, comme en France, des situations où elle n’est pas nécessaire (11). C’est l’état clinique et le contexte, plus que l’espèce, qui sera déterminant : en effet, les espèces sans potentiel évolutif sévère (Plasmodium vivax – mais des formes sévères sont maintenant reconnues –, Plasmodium ovale, P. mala-riae) peuvent donner des accès à la symptomatologie bruyante justifiant l’hospitalisation.

Traitement de l’accès simple à P. falciparum de l’adulte

Depuis la diffusion, dans les années 1980, de la résis-tance de P. falciparum à la chloroquine et l’apparition de multirésistances, l’utilisation de la chloroquine n’est plus possible dans la grande majorité des cas.Les avantages et les inconvénients des 5 principaux médicaments utilisables (atovaquone-proguanil, artéméther-luméfantrine, dihydroartémisinine-pipé-raquine, quinine, méfloquine) sont indiqués dans le tableau, ainsi que leurs modalités d’utilisation.La nouveauté depuis la conférence de consensus de 2007 est le passage en deuxième ligne des antimala-riques classiques (c’est-à-dire qu’ils ne doivent être utilisés qu’en cas de contre-indication aux médica-ments de première ligne) que sont la quinine et la méfloquine (pour des raisons de tolérance et non d’efficacité) [2]. Les antipaludiques de première ligne sont maintenant au nombre de 3 : l’atovaquone-proguanil, l’artéméther-luméfantrine et le tout

Tableau. Critères de choix et principales modalités d’utilisation des antipaludiques dans le traitement curatif du paludisme simple d’importation à P. falciparum de l’adulte*.

Pour Contre Posologie

1re li

gne

(con

sens

us p

alud

ism

e 20

07) Atovaquone + proguanil

(Malarone®) – Traitement court/ posologie simple – Bonne tolérance générale

– Vomissements – Relative lenteur d’action – Nécessité de prise avec des aliments – Absorption faible si prise en dehors d’un repas

– 4 comprimés en 1 prise à renouveler 2 fois à 24 h d’intervalle au cours d’un repas (soit 12 comprimés au total sur 48 h)

Artéméther-luméfantrine (Riamet®) En réserve hospitalière, dis-pensation aux particuliers

– Rapidité d’efficacité– Bonne tolérance

– Posologie un peu complexe– Nécessité de prise avec des aliments

– 4 comprimés en 1 prise à H0, H8, H24, H36, H48 et H60, avec prise alimentaire ou boisson avec corps gras

Dihydroartémisinine-pipé-raquine** (Eurartesim®)

– Rapidité d’efficacité – Bonne tolérance – Traitement court/ posologie simple

– Allongement de QTc (contre-indication si situation à risque d’allongement de QTc)

– 3 comprimés en 1 prise/j, à jeun, pendant 3 jours consécutifs à 24 h d’intervalle

2e lig

ne

Quinine – Quinimax® comprimé à 500 et 125 mg – Quinine Lafran® comprimé à 500 et 250 mg

– Possible si grossesse – Tolérance*** – Traitement long

– 8 mg/kg × 3/j pour 7 jours sans dépasser 2 g/j (= 1 comprimé à 500 mg × 3/j chez l’adulte de poids moyen ; – i.v. si vomissements (même posologie)

Méfloquine (Lariam®) comprimé à 250 mg

– Traitement court – Tolérance**** 25 mg/kg en 3 prises espacées de 8 h. En pratique, chez l’adulte : 3 comprimés, puis 2 comprimés (puis 1 comprimé si > 60 kg)

* L’halofantrine est encore disponible, mais, en raison d’une toxicité cardiaque rare mais potentiellement grave, elle n’a que très peu d’indications et ne peut être utilisée qu’en milieu hospitalier.** La dihydroartémisinine-pipéraquine est disponible en France depuis juin 2012. Elle n’a donc pas été prise en compte dans la révision de conférence de consensus de 2007. Compte tenu de sa proximité avec l’artéméther-luméfantrine, il est légitime de la posi-tionner au même niveau que les 2 antipaludiques recommandés en première ligne.*** Cinchonisme : troubles digestifs, céphalées, acouphènes ++ (vers J2 ; ce n’est pas un signe de surdosage mais un signe “d’impré-gnation” par quinine ; elle ne doit pas entraîner une réduction de posologie) ; troubles du rythme (surdosage). **** Troubles digestifs, céphalées, vertiges (fréquents) ; troubles neuropsychiques (dont convulsions) : rares, mais potentiellement graves (contre-indication en cas d’antécédents neuropsychiatriques, dont convulsions).

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DOSSIER THÉMATIQUE

dernier venant d’obtenir l’autorisation de mise sur le marché et disponible en France depuis juin 2012 : la dihydroartémisinine-pipéraquine (12-14). L’ar-téméther-luméfantrine et la dihydroartémisinine-pipéraquine font partie des ACT. Cette nouvelle classe d’antipaludiques basée sur une bithérapie comportant un dérivé de l’artémisinine (à demi-vie courte) et une autre molécule de demi-vie plus longue s’est imposée en zone d’endémie. L’objectif est de contrer la résistance et de freiner la chaîne de transmission, car les dérivés de l’artémisinine ont une action très rapide, effondrant précocement la charge parasitaire (ils rendent donc plus difficile l’émergence de mutants résistants) et sont parmi les rares antipaludiques actifs sur les formes parasitaires sexuées circulantes (gamétocytes) prélevées par les anophèles (15).Chez la femme enceinte, chez qui une hospitalisation pour surveillance obstétricale est systématiquement recommandée en raison des conséquences potentiel-lement graves que peut avoir chez l’enfant l’infection placentaire, seule la quinine a fait la preuve d’une parfaite innocuité.Le paludisme viscéral chronique évolutif et sa variante, la splénomégalie palustre hyperimmune, se traite en France (pas de réinfection possible) comme un accès simple.

Traitement des accès liés aux espèces autres que P. falciparum de l’adulte

Le traitement de référence reste la chloroquine par voie orale (Nivaquine®) à la dose de 10 mg/ kg à H0 suivie de 5 mg/kg à H6, H24 et H48, soit 25 mg/kg au total. En raison du risque de reviviscence pour P. ovale et P. vivax (formes hypnozoïtes hépa-tiques échappant à la chloroquine), un traitement complémentaire par la primaquine à la dose de 15 ou, mieux, 30 mg/j pendant 2 semaines est recom-mandé, soit d’emblée, soit après la première crise de reviviscence. Un dosage de l’activité G6PD est indispensable au préalable, un déficit faisant courir un risque d’hémolyse d’autant plus grave que le déficit serait important.

Traitement de l’accès simple de l’enfant à P. falciparum

La quinine per os (8 mg/kg/8 h de quinine-base) n’est en pratique pas utilisée chez l’enfant, en raison de son goût amer, de la longue durée du traitement (7 jours)

et d’un possible cinchonisme (acouphènes, vertiges, troubles de la vision, nausées, céphalées, baisse de l’acuité auditive) pouvant aboutir à l’arrêt prématuré du traitement. L’halofantrine (Halfan®, 3 prises de 8 mg/kg, données à 6 heures d’intervalle), longtemps utilisée en première intention chez l’enfant, a été rétrogradée en deuxième ligne (cardiotoxicité bien que limitée à un allongement de l’espace QTc rapidement réversible, et 10 à 20 % de rechutes du fait d’une absorption digestive modeste justifiant une deuxième cure à J8 dont les modalités ne sont pas clairement définies) [3]. Certaines équipes continuent de l’utiliser volon-tiers chez l’enfant de moins de 6 ans, sous réserve d’une surveillance possible jusqu’à J30, du fait de sa rapidité d’action et de sa présentation adaptée (sirop).La méfloquine (Lariam®), bien qu’elle soit éméti-sante, est utilisée chez l’enfant de plus de 5 kg ou 3 mois à la posologie de 24 mg/kg en 2 à 3 prises espacées de 6 à 12 heures selon l’âge. Avant 6 ans, les comprimés quadrisécables de 250 mg doivent être écrasés. L’atovaquone-proguanil (Malarone®), également émétisante, en comprimés à 250 mg d’atovaquone, est utilisée chez l’enfant à partir de 11 kg (3 prises à 24 heures d’intervalle de 1 comprimé de 11 à 20 kg, 2 comprimés de 21 à 30 kg, 3 comprimés de 31 à 40 kg, 4 comprimés au-delà de 40 kg). En dessous de 11 kg, la prise hors AMM de 2 ou 3 comprimés pédia-triques pour, respectivement, 5 à 8 kg ou 8 à 10 kg de poids est possible. Les comprimés doivent être écrasés chez l’enfant de moins de 6 ans et donnés avec un repas riche en graisse.L’artéméther-luméfantrine dispose en France d’une AMM à partir de 5 kg, mais on manque de données chez l’enfant dans le cadre du paludisme d’impor-tation. Avant 6 ans, les comprimés doivent être écrasés ou dissous dans de l’eau, et les prises sont administrées avec un repas riche en graisses. Les effets indésirables rapportés en zone d’endémie sont la toux, l’anémie et des troubles digestifs.La dihydroartémisinine-pipéraquine a une forme pédiatrique (160/20 mg) permettant la prescription à partir de 5 kg (et 6 mois d’âge). Le principe de prise est le même que chez l’adulte, la dose répétée 3 fois à 24 heures d’intervalle étant d’un demi-comprimé chez l’enfant entre 5 et 7 kg, 1 comprimé chez l’en-fant entre 7 et 13 kg, 1 comprimé chez l’adulte entre 13 et 24 kg, 2 comprimés chez l’adulte entre 24 et 36 kg, 3 comprimés chez l’adulte au-delà de 36 kg. L’expérience est très limitée dans le cadre du palu-disme d’importation.

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Afrique

Asie

Caraïbeset Amériquelatine

- Maghreb et Moyen-Orient : 01

- Subsaharienne3

+ Îles Comores4

- Madagascar(zones côtières5)

>15 j

≤15 j

- Méfloquine : simplicité d’une prise/sem. ∆ neuro-psy2

- Cyclines : faible coût - Atovaquone-proguanil : confort de prise/coût élevé

- Atovaquone-proguanil : confort de prise- Cyclines : faible coût

- Atovaquone-proguanil : confort de prise/coût élevé si > 15 j- Chloroquine-proguanil : moindre confort/coût limité

- Inde7- ≤ 30 j, nuitéesen zone urbaine(circuits classiques8)

- Pas de chimioprophylaxie6 (risque très faible)

- Nuitées en zonerurale et mousson

- Atovaquone-proguanil : confort de prise/coût élevé si >15 j- Chloroquine-proguanil : moindre confort/coût limité

- Sri Lanka (circuits classiques8) - Pas de chimioprophylaxie6 (risque très faible)

- Thaïlande (circuits classiques8) - Pas de chimioprophylaxie6 (risque presque nul) sauf nuitées en forêt dans le Triangle d’or

- Viêt Nam9 (grandes villes,côte et deltas)

- Pas de chimioprophylaxie6 (risque presque nul)

- Reste de l’Asie du Sud-Est(circuits classiques8)

- Pas de chimioprophylaxie6 (risque très faible) sauf séjoursavec nuitées en zone forestière

- Haïti- République dominicaine

- Chloroquine (risque faible)- Pas de chimioprophylaxie6 si séjour côtier en hôtel Club10

- Amazonie11 (sauf séjour urbain)et Guyane française (sauf séjourcôtier12)

- Atovaquone-proguanil : confort de prise/coût élevé si > 15 j- Méfloquine : simplicité d’une prise/sem. ∆ neuro-psy2

- Cyclines : faible coût

- Amérique centrale - Pas de chimioprophylaxie6 (sauf nuitées en zone rurale)- Reste de l’Amérique latine - Pas de chimioprophylaxie6 (risque très faible à nul)

1 : risque nul à très faible : pas de chimioprophylaxie ; 2 : effets indésirables neuro-psychiatriques, contre-indication si antécédents neuro-psychiatriques ; 3 : Sénégal : petite côte et Dakar en hiver : pas de chimioprophylaxie ; Afrique du Sud : paludisme (zone 3) uniquement à l’Est (parc Kruger) ; 4 : Mayotte : pas de chimioprophylaxie ; 5 : risque nul à très faible dans les Hauts Plateaux ; 6 : si fièvre au retour, toujours signaler le voyage ; 7 : pas de chimioprophylaxie à la pointe sud (Kérala) ; 8 : séjours professionnels ou touristiques de 1 à 4 semaines avec nuitées en hôtel urbain ; 9 : paludisme uniquement dans les collines forestières de l’intérieur du pays ; 10 : sauf situations épidémiologiques particulières/risque faible à l’intérieur ; 11 : risque faible ; 12 : pas de paludisme sur la zone côtière (Kourou, Cayenne), risque essentiellement sur les fleuves Oyapock et Maroni, faible à très faible en forêt.

Figure 2. Proposition d’orientations pour le choix d’une chimioprophylaxie selon la zone de destination, la durée du séjour, le budget du voyageur et la simplicité de prise. La prophylaxie d’exposition est recommandée dans tous les cas.Si les orientations proposées ici s’inscrivent dans le cadre des recommandations officielles (18), elles relèvent d’une proposition de l’auteur fondée sur la littérature et les pratiques des pays d’Europe du Nord. Seules les principales situations sont prises en compte.

232 | La Lettre de l’Infectiologue • Tome XXVII - n° 6 - novembre-décembre 2012

Le paludisme simple en 2012 : grands classiques et nouveautésDOSSIER THÉMATIQUE

Paludisme

Suivi d’un patient traité par antipaludiques

Cette étape est très importante pour s’assurer, pendant la phase critique des premiers jours, de la bonne évolution immédiate de l’accès palustre et de la tolérance de l’antipaludique, et, à plus long terme, de l’absence de rechute. Un bilan clinique et biolo-

gique incluant un frottis-goutte épaisse est recom-mandé les 3e, 7e et 28e jours. À l’inverse, contrôler la parasitémie quotidiennement n’a pas d’intérêt (une augmentation paradoxale de la parasitémie en début de traitement n’a aucun caractère péjoratif). Si une parasitémie encore détectable est acceptable à J3 (environ 1 cas sur 3 avec l’atovaquone-proguanil, d’action assez lente), elle doit impérativement être

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DOSSIER THÉMATIQUE

négative à J7. À l’issue du traitement antipaludique curatif, il n’y a pas d’indication à reprendre une chimioprophylaxie.

Prévenir le paludisme

L’objectif est de réduire le risque d’accès palustre, essentiellement à P. falciparum. Les 2 axes d’action, complémentaires l’un de l’autre, sont de limiter le nombre de piqûres de moustiques pour diminuer le risque d’infection (prophylaxie d’exposition) et d’empêcher l’expression de la maladie s’il y a eu infection (chimioprophylaxie).

Prophylaxie d’exposition

Elle est toujours indispensable et repose sur 3 moyens :

➤ les répulsifs (DEET, picaridine, etc.) à concentra-tion suffisante, qui doivent être utilisés la nuit sur les zones de peau exposées aux piqûres ;

➤ l’imprégnation des vêtements par des insecti-fuges (à faire avant le départ ; effet rémanent de plusieurs semaines à plusieurs mois) ;

➤ la moustiquaire imprégnée d’insecticides la nuit (16).

Chimioprophylaxie (figure 2)

La décision de prescription repose d’abord sur l’éva-luation du rapport bénéfice/risque. Ce principe de base, qui a parfois tendance à être oublié car “submergé” par la crainte du risque, explique les tendances actuelles sur le plan européen. En effet, dans les zones tropicales où le risque d’impaludation est très faible (de l’ordre de 0,002 %, comme c’est le cas dans la plupart des zones touristiques d’Asie

du Sud-Est et d’Amérique du Sud pour des séjours touristiques standard), l’abstention est licite sous réserve d’une prophylaxie d’exposition et de l’infor-mation du patient qu’il doit consulter en spécifiant son séjour tropical en cas de fièvre (16, 17). Dans ce cas, le risque d’effets indésirables graves liés à l’antipaludique est au moins aussi important que celui de la maladie cible. À l’inverse, en Afrique subsaharienne, elle est presque toujours indiquée. Le choix des différents antipaludiques utilisables en prophylaxie dépend essentiellement de la zone visitée (en fonction du niveau de résistance, les pays étant classés en 3 zones), des contre-indications et… du budget du voyageur. Il serait en effet illusoire de prescrire un médicament coûteux à un voyageur que l’on sait ne pas être en mesure d’assumer ce coût.La plupart des pays impaludés étant maintenant en zone 3 (à l’exception de l’Inde et de Madagascar, toujours en zone 2) du fait de l’extension des résis-tances, les 3 médicaments les plus utilisés sont, par ordre croissant de coût, les cyclines, la méfloquine et l’atovaquone-proguanil. La figure 2, fondée sur les recommandations officielles mais s’en différenciant pour tenir compte de cette tendance à moins prescrire, propose une conduite à tenir dans les situations les plus courantes rencontrées par les voyageurs (18).

Conclusion

Si la prise en charge thérapeutique du paludisme d’importation ne pose pas de problème en France, avec un accès large à des médicaments efficaces et bien tolérés, pour peu qu’il n’y ait pas de retard au diagnostic, la description récente en Asie du Sud-Est de souches résistant aux dérivés de l’artémisinine est très préoccupante (19), car, si ce phénomène venait à se développer, les bénéfices épidémiolo-giques obtenus ces 10 dernières années pourraient s’amenuiser. ■

1. World Malaria Report 2011, WHO Global Malaria Program.2. Recommandations pour la pratique clinique 2007. Prise en charge et prévention du paludisme d’importation à Plas-modium falciparum (révision de la conférence de consensus 1999). Texte long. Med Mal Infect 2008;38:68-117.3. Figtree M, Lee R, Bain L et al. Plasmodium knowlesi in human, Indonesian Borneo. Emerg Infect Dis 2010;16:672-4.4. Rousseau E. Étude prospective de la prise en charge des enfants impaludés à l’hôpital Robert-Debré, à Paris, en 2006 et 2007 : efficacité et tolérance de l’atovaquone-proguanil chez l’enfant. Thèse, Paris, 2008.5. Ladhani S, Aibara RJ, Riordan FA, Shingadia D. Imported malaria in children: a review of clinical studies. Lancet Infect Dis 2007;7:349-57.6. Gatti S, Bernuzzi AM, Bisoffi Z et al.; Lombardy Region’s Study Group on International Health (SIRL). Multicentre study, in patients with imported malaria, on the sensitivity and speci-ficity of a dipstick test (ICT Malaria P.f./P.v.) compared with expert microscopy. Ann Trop Med Parasitol 2002;96:15-8.

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Références bibliographiques

Liens d’intérêts. O. Bouchaud déclare avoir des liens d'intérêts avec les laboratoires Sigma Tau, GSK et Novartis.