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CEAC - ECAC LE STATUT JURIDIQUE EN DROIT INTERNATIONAL PUBLIC DE LA CONFERENCE EUROPEENNE DE L’AVIATION CIVILE par Guillaume ETIENNE Rapport établi à la demande de M.Raymond BENJAMIN Secrétaire exécutif de la CEAC Septembre 1996

LE STATUT JURIDIQUE EN DROIT INTERNATIONAL … · la source du développement du droit aérien, ... ordre juridique qui constitue un ordre sinon étranger aux règles générales

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CEAC - ECAC

LE STATUT JURIDIQUE EN DROIT INTERNATIONAL

PUBLIC DE LA CONFERENCE EUROPEENNE DE

L’AVIATION CIVILE

par Guillaume ETIENNE

Rapport établi à la demande de M.Raymond BENJAMIN

Secrétaire exécutif de la CEAC

Septembre 1996

2

Avant d’entrer dans une étude détaillée du statut de la Conférence Européenne de l’Aviation

Civile et de ses éléments constitutifs, il nous faut la présenter sommairement et cibler son objet dans le

contexte général du droit aérien ainsi que du droit des organisations internationales.

I/ La Conférence Européenne de l’Aviation Civile: présentation et environnement juridique

S’il n’est pas l’objet de ce chapitre introductif d’étudier avec précision le droit aérien, il faut

nécessairement connaitre sa nature pour comprendre son institutionalisation.

Dépassant le cadre strictement national et réservé de l’Etat, le droit aérien se présente comme

un droit nécessairement internationalisé où la cohérence des règlementations nationales ne peut se

faire que par la coopération internationale. Ainsi, de par la nature fondamentalement internationale des

échanges aériens (quoique les échanges aériens intérieurs tendent désormais à se multiplier), le droit

aérien présente l’un des rares exemples en droit international d’une cohérence approfondie entre

normes internationales et normes internes; L.Grard relévant à ce propos que le droit international fut à

la source du développement du droit aérien, engendrant “ un ordre juridique mondial complet et

cohérent, emboitant les législations nationales sur des conventions internationales. Rarement droit

interne et droit international sont aussi bien imbriqués, comme s’il y avait un droit originaire et un

droit dérivé”1. La réglementation internationale s’affirmant comme nécessaire en la matière, la

nécessité d’un cadre permanent et institutionalisé, dotée d’une compétence universelle, apparut comme

inévitable et primordiale afin d’assurer le développement mondial des échanges aériens.

L’institutionnalisation du droit aérien se fit en même temps que son élaboration matérielle,

ceci par le biais de la Convention de Chicago adoptée le 7 décembre 1944 (entrée en vigueur le 4 Avril

1947) dont l’Organisation de l’Aviation Civile Internationale, qu’elle institue, à la charge de sa mise

en oeuvre. Ratifiée par près de 183 Etats en 1994, la Convention de Chicago atteste d’un caractère

universel reconnu et d’un fondement matériel unanimement accepté. En effet, assuré par une

coopération multilatérale et bilatérale, le développement international ordonné du droit aérien ne

pouvait s’envisager sans l’assistance d’une structure institutionnalisée et compétente quant à la

coordination et le respect des règles établies par la toute nouvelle “Charte de l’Aviation Civile”. Ainsi,

tout en établissant un régime matériel , la Convention de Chicago n’est pas uniquement un traité

normatif et institue, de ce fait, une organisation internationale. Dans cette optique, la création de

l’OACI s’inscrit en conformité avec les modèles institutionnels internationaux types. En effet,

l’organisation dépasse les limites de l’Etat souverain, elle implique une action concertée entre ceux-ci,

son objet et son champ sont universels, elle est de toute évidence structurellement organisée sur le

modèle de l’organisation internationale et repose sur un consentement à être lié de la part des Etats

(ratification initiale ou ratification ultérieure après adhésion). Dotée d’organes permanents, l’OACI est

indéniablement une organisation ouverte, de nature consultative dotée, d’un pouvoir réglementaire,

ceci afin d’assurer la coordination internationale des relations aériennes2.

1 L.Grard, Le droit aérien, P.U.F, Coll° " Que Sais-Je ?", p.4. 2 A.Manin, op.cit., p.7

3

Autorité ne signifie pour autant pas unicité. En effet, le droit aérien se caractérise par

l’intervention d’une multitude d’intervenants, publics ou privés, de sorte qu’à l’image de M.Folliot3,

nous pouvons effectivement identifier une “communauté aérienne internationale” entretenant des

rapports de coopération, soit statutaires, soit factuels, permettant la représentation de tous les intérêts:

étatiques d’une part (OACI), professionnels d’autre part (IATA, IFALPA); à l’échelle universelle

comme régionale, et la gestion de tous les pôles techniques du droit aérien (Eurocontrol, ASECNA,...).

C’est à l’OACI de coordonner ces interventions et de fédérer autant que possible ces différents acteurs

dans la poursuite d’objectifs communs.

Dans la stricte application de la Convention de Chicago et de ses instruments dérivés, l’OACI

établit une réglementation-type de nature technique, dite aussi de normalisation, l’OACI vise aussi à

l’élaboration d’instruments non plus réglementaires mais cette fois-ci de nature conventionnelle, visant

au développement et à la conclusion de conventions de droit privé, en matière de responsabilité

notamment mais aussi à la création d’un droit aérien pénal international . Enfin, d’un point de vue

économique, l’OACI tente, en collaboration avec l’Association Internationale du Transport Aérien

(IATA) notamment, de faciliter les relations aériennes par la simplification des formalités et la

production de services (études, statistiques, enquêtes....)4.

Alors que les principales difficultés rencontrées virent le jour en matière de transport,

justifiant le développement d’un intense réseau de conventions bilatérales adéquates, il parut

nécessaire d’affiner le degré de coopération internationale obtenu par la création d’organismes

régionaux chargés d’objectifs concordants mais dotés de prérogatives strictement consultatives. Cette

démarche de régionalisation de la coopération internationale négociée en droit aérien s’est opérée en

deux mouvements, l’un proprement interne, l’autre plus autonome. Le premier de ceux-çi se

matérialisa par une déconcentration du Conseil, celui-çi établissant 6 bureaux de liaison de l’OACI: à

Mexico City, Lima, Paris, Le Caire, Bangkok et Dakar. Sans contester la suprématie de l’OACI tout en

dédoublant ce premier mouvement, une décentralisation s’opéra par la création, à l’initiative de

l’Assemblée de l’OACI, de la Commission Européenne de l’Aviation Civile (1954) et par la suite des

Commissions Africaine et Latino-américaine équivalentes. Celles-ci apparaissent finalement comme le

prolongement de l’action de l’OACI à l’échelon régional.

Une telle décentralisation, si l’on peut la qualifier ainsi, tant nous verrons que les modalités

de création de la Conférence Européenne de l’Aviation Civile peuvent être interprétées différemment,

témoigne de la dualité géographique du droit aérien, une distinction se faisant entre l’échelon universel

et l’échelon régional. Cette dualité, outre son caractère géographique n’est pas fonctionnelle, les

objectifs de la Conférence Européenne de l’Aviation Civile, ainsi que ceux des autres Commissions

régionales, s’intègrent en effet parfaitement dans le cadre de la Convention de Chicago et de l’OACI.

L’OACI ayant eut quelques difficultés dans son entreprise d’uniformisation du transport aérien

international, une approche à l’échelon régional paraissait souhaitable et la CEAC en offrait le cadre.

Après 40 années d’existenc, la CEAC présente un bilan positif marqué par l’excellence de la

coopération obtenue au titre d’une simple organisation de compétence consultative. A l’encontre de ce

que constatait L.Cartou en 19565, (constatant l’échec de la concertation européenne en la matière), la

3 M.Folliot, Les Relations Aériennes Internationales, Pedone, 1985 p.37 4 M.Folliot,op.cit.,, p.489. 5 L.Cartou, “ Les services aériens réguliers internationaux et les accords intéressant la France”, A.F.D.I

4

CEAC a pris une part active dans la résolution des questions aérienne européennes. Si comme nous le

fait remarquer J.Naveau, “ ce rôle a souvent dépassé la mission consultative qui est juridiquement la

sienne, pour déboucher sur des décisions de politique et des conventions internationales6, la CEAC

n’en demeure pas moins liée par son objet mais aussi et surtout par son statut. Composée au 01/06/96

de 33 , la CEAC ne cesse de s’agrandir (l’Azerbaidjan, l’Arménie, la Bosnie-Herzegovine, l’Albanie

ayant déposé des demandes d’adhésion) et pose le problème de l’imprécision ou de l’inadéquation du

statut actuel, son rôle apparaissant désormais prédominant dans un champ géographique élargi.

2/ La Conférence Européenne de l’Aviation Civile et le droit des organisations internationales.

On doit d’ores et déja remarquer que le droit des organisations internationales réunit

difficilement des modèles strictes et des catégories inaltérables. La méthode dépendant de son sujet,

force est de constater que le libéralisme en matière de consensualisme juridique, phénomène créateur

de l’organisation internationale, ne facilite pas la tâche de systématisation que l’étude juridique peut

prétendre réaliser. Ainsi, la multiplicité des organisations internationales, aussi bien dans leur quantité

que dans leurs structures ou prérogatives, rend complexe l’analyse et l’identification de modèles

parfaits. De toute évidence, cette problématique nous conduit à nous interroger sur les éléments

constitutifs de l’organisation internationale, question que nous envisagerons au cours de cette étude,

mais aussi à relativiser la pertinence de certaines règles établies du droit international public général,

règles non systématiquement opposables au sujet dérivé qu’est l’organisation internationale en droit

international public. Ainsi, on retiendra avec intérêt l’affirmation de P.Reuter7 selon laquelle “ la

différence des fonctions entre les organisations exclut entre elles cette ressemblance qui existe entre

les Etats et permet de poser entre eux, au moins sur le plan juridique, un principe d’égalité. Entre les

organisations internationales ce serait d’un principe d’inégalité qu’il faudrait parler”. Dans le sens

de cet auteur, il nous faut voir que l’organisation internationale évolue dans le contexte de son propre

ordre juridique qui constitue un ordre sinon étranger aux règles générales du droit international, en

tout cas particulier , du moins facteur d’autonomie. Si le débat est théorique et demeure en doctrine, sa

dimension est suffisamment apparente pour attirer notre attention au titre de l’étude du statut légal

d’une entité du droit international.

Nous le voyons donc, l’étude de la Conférence Européenne de l’Aviation Civile s’inscrira

dans ce contexte méthodologique et nous conduira bien évidement à recourrir à l’analyse comparée

afin de mieux comprendre la structure, les fonctions et le fonctionnement de la CEAC. A cela s’ajoute

un nouvel élément spécifique à l’étude de l’organisation internationale. En effet, il ne s’agit pas pour

nous d’étudier l’OACI , organisation à compétence universelle, mais une entité, le terme étant

volontairement vague, régionale.

Ainsi, le régionalisme international n’est pas sans incidence sur la structure et les fonctions

des organisations internationales et ceci nous conduit une nouvelle fois à remarquer que le droit des

organisations internationales prend le risque de se particulariser à l’égard du droit international

général, les objectifs des organisations régionales ne correspondant pas nécessairement aux objectifs

généraux de la communauté internationale. A l’image de M.Folliot, on peut effectivement remarquer

1956, p.300. 6 J.Naveau - M.Godfroid, Précis de droit aérien, U.L.B, 1988, p.86. 7 P.Reuter, “ Sur quelques limites du droit des organisations internationales”, Le développement de l’ordre juridique international, Coll° Ecrits de droit international public, Economica, 1995, p.189-190.

5

que la région , à la différence de l’Etat, ne “correspond pas à un essai de fusion autour de valeurs

fondamentales mais tout au plus à des regroupemets d’affinités dans des buts plus défensifs que

porteurs d’un vouloir vivre collectif”8. Le regroupement régional peut alors prendre différentes

formes, l’objectif résultant d’un réflexe de protection ou d’une volonté d’union. C’est dans ce contexte

théorique délicat que s’inscrit toute création d’organisation à vocation régionale et pose la question

cruciale de la coordination entre organisations, nous le verrons.

Nous avons envisagé le droit aérien, la CEAC et sa nature régionale, il nous faut maintenant

nous arrêter quelques instants sur la notion centrale de cet exposé: le statut légal. Qu’est-ce que le

statut légal d’une “entité” en droit international public ? Si cette question intervient au titre de

développements concernant le droit des organisations internationales, c’est qu’elle y a sa place. Certes,

la notion de statut en droit international public s’assimile souvent à la condition de l’Etat dans l’ordre

juridique international, mais la question posée à un sujet dérivé de ce même ordre, de sorte que

l’organisation internationale n’existe que par la volonté initiale des Etats, nous entraine dans des

considérations d’ordre théorique quant à sa personnalité juridique (sa qualité dérivée d’une part, sa

dimension internationale, d’autre part). De toute évidence, différentes approches sont envisageables,

conceptuelles ou fonctionnelles, mais doivent toujours nous conduire à distinguer, au sujet de toute

institution légale, la définition et le régime de l’entité étudiée. Cette démarche, aussi difficile soit-elle

à respecter pour l’Etat, l’est encore d’avantage pour l’organisation internationale mais nous oblige à

définir globalement la notion de condition statutaire avant de l’adapter à l’organisation internationale.

Avec l’aide de J.Combacau9, on définira la notion de statut légal comme “ la situation que fait

un ordre juridique à un être, en tant qu’il appartient à une catégorie dont les attributs légaux sont

déterminés collectivement et non au cas par cas”. Le statut légal se définit donc par la reconnaissance

d’une personnalité internationale et d’un certain nombre d’attributs légaux. Appliqués à l’organisation

internationale, ces éléments nous conduisent à l’examen de sa personnalité juridique, cette personnalité

ayant été affirmée par une démonstration fonctionnelle reposant sur la nécessaire adaptation de

l’organisation à l’accomplissement de ses buts et fonctions, ces derniers commandant enfin la forme

structurelle de l’organisation. L’organisation internationale disposera donc d’une personnalité

juridique, objective, propre et indépendante de celle de ses Etats membres; en tant qu’entité

corporative, elle se verra imputer les agissements de ses organes et agents et se verra dotée, au titre de

sa qualité de sujet du droit international, d’une capacité légale mais aussi d’obligations corrélatives.

C’est cette définition de la qualité de sujet du droit international qu’adopte J.A.Barberis

lorsqu’il nous dit que “ si une organisation figure dans un traité comme titulaire d’une obligation ou

d’un droit international, mais qu’il apparait que cette obligation ou ce droit est effectivement assumé

par une autre entité, cette organisation ne possédera pas de personnalité internationale et sera

considérée seulement comme un organe de cette dernière, qui sera le véritable sujet international”10.

Une telle remarque nous donne immédiatement l’occasion d’envisager l’éventualité d’entités

dépourvues de personnalité internationale et dépendantes, à différents titres d’une ou plusieurs

organisations internationales créatrices: nous parlons bien évidement là des organes subsidiaires de ces

dernières.

8 M.Folliot, op.cit., p.441. 9 J.Combacau- S.Sur, Droit international public, Montchrétien, Coll° Domat droit public, 1993, p.218. 10 J.A.Barberis, “ La personnalité juridique internationale”, RCADI, 1983, Tome 179, p.167.

6

*

Etudier “ le statut légal en droit international public de la Conférence Européenne de

l’Aviation Civile” consistera donc pour nous à tenter de qualifier la Conférence d’organisation

internationale, d’organe subsidiaire d’une organisation internationale (qu’il reste à identifier) ou de

tout autre forme intermédiaire.

7

Chapitre Premier:

La question de la personnalité juridique internationale de la

Conférence Européenne de l'Aviation

- d'une difficile qualification d'organisation internationale -

8

L'étude qui va suivre se propose d'envisager le statut de la CEAC sous l'angle d'une éventuelle

personne morale du droit international public: une organisation internationale. De toute évidence, une

telle démarche, nous le verrons, n'est pas sans difficulté et passe par l'identification nécessaire des

éléments constitutifs et caractéristiques de l'organisation internationale, notamment et avant tout par la

recherche et la reconnaissance d'une personnalité juridique internationale. Pourquoi rechercher une

personnalité juridique a priori inexistante d'une entité créée par résolution interne d'une organisation

internationale et ne pas qualifier directement la CEAC d'organe subsidiaire de l'OACI et/ou du Conseil

de l'Europe, solution que nous étudierons dans notre seconde partie ? Une telle démarche se justifie en

fait, devant la nature particulière de la matière, par la considération qu'une simple analyse des actes

institutifs de la CEAC nous conduirait, semble t-il, à des conslusions incomplètes, voires trompeuses.

A ce stade préliminaire, il nous faut donc faire quelques remarques introductives et

méthodologiques, remarques d'autant plus nécessaires à la compréhension de notre logique juridique

que celle-ci tente de concilier des tendances formelles, structurelles et fonctionnelles parfois

contradictoires. Ainsi, l'étude de la personnalité juridique internationale de l'organisation

internationale, sujet dérivé du droit international et élément prédominant de son statut, nous conduit à

distinguer les différents éléments constitutifs de l'organisation internationale. L'étude des actes

institutifs est à ce titre particulièrement intéressante mais, et c'est l'objet de cette première remarque, ne

pourra prétendre qu'au simple statut d'indice tant le mode de création non conventionnel de la CEAC

ne semble pas correspondre à ses prérogatives fonctionelles et à une multitude de caractères que nous

projetons d'étudier.

Dans ce sens, et c'est l'objet d'une seconde remarque introductive, il semble pertinent de

distinguer deux schémas de réflexion, une assimilation hâtive pouvant porter à confusion. Il nous faut

voir d'une part la personnalité juridique internationale et d'autre part, l'acte qui l'institue. si

l'acquisition de la première généralement indissociable de la nature de l'acte institutif qui y a contribué,

de sorte que la création d'une organisation internationale est difficilement envisageable en l'absence

d'un élément conventionnel fondateur et fondamental, le traité (où tout autre forme conventionelle

adéquate) ne témoigne pas nécessairement de l'existence d'uen telle personnalité. C'est dire la difficulté

qu'il peut y avoir de systématiser le processus créateur de l'organisation internationale quand certains

éléments caractéristiques viennent à manquer.

Enfin, une troisième remarque doit être faite. La pratique récente de certaines organisations

internationales à traiter, conséquence directe mais tardivement admise des droits reconnus au titre de

leur statut par le droit international public, mais aussi à créer de nouvelles entités disposant elles-

mêmes de ladite personnalité juridique, nous démontre que l'Etat, sujet primaire du droit international,

n'est désormais plus le seul initiateur du phénomène des organisations internationales, la non-

participation étatique directe au processus institutif ne constituera donc pas un obstacle à une

éventuelle qualification d'organisation internationale.

On l'a dit, le droit des organisations internationales est un "droit dans le droit" et l'application

de modèles théoriques, même issus d'une étude comparée rigoureuse, n'est pas toujours aisée. Cette

première partie visera donc à tenter, en l'absence d'un traité institutif, d'identifier une éventuelle

personalité juridique implicite, une solution positive ne pouvant s'imposer qu'au prix d’une

démonstration juridique complexe quant aux actes constitutifs des organisations internationales, au

9

prix aussi d'une application extensive voire exagérée de la théorie fonctionnelle de l'organisation

internationale. Nous remarquerons cependant combien la CEAC, à certains égards, présente

l'apparence d'une organisation internationale.

Section 1: Une tentative d'application du concept de l'organisation

internationale à la Conférence Européenne de l'Aviation Civile

Tenter d'assimiler la Conférence Européenne de l'Aviation Civile à une organisation

internationale revient à occulter de nombreux éléments qui la rattacheraient d'avantage à l'une de ses

entités génitrices. Il s'agit désormais de définir l'organisation internationale afin d'y déceler des

éléments propres à la CEAC. S'il n'existe pas de définition unanime de l'organisation de sorte que de

nombreux auteurs divergent quant à la formulation de ses éléments fondamentaux et à leur valeur

relative, un accord général semble cependant s'ètre fait sur la notion11. Comme nous l'avons envisagé

dans notre introduction, le concept d'organisation internationale permet d'apporter une réponse à la

question posée, à savoir si une entité évoluant au nom des Etats au sein de la communauté

internationale peut prétendre disposer du qualificatif d'organisation internationale. Pour cela, il faut

garder à l'esprit la diversité des éléments de définition de l'organisation internationale.

L'organisation internationale est avant tout une institution dans le sens que lui attribue

P.Roubier12, " un ensemble organique qui contient la réglementation d'une donnée concrète et

durable de la vie sociale et qui est constituée par un noeud de règles juridiques dirigées vers un but

commun". Comme le remarque S.Bastid13, l'organisation internationale semble correspondre à cette

définition dans la mesure où dans " chacune d'elles existe un ensemble organique, elles comportent

des règles propres, elles sont créées pour durer (...). La notion d'institution juridique permet de rendre

compte de ce complexe de règles inhérent à toute organisation internationale et du développement

organique et normatif quis se greffe ou surgit du mécanisme primitif".

1) Création de l'organisation internationale.

Définissant l'organisation internationale comme "une association d'Etats établie par accords

entre ses membres et dotée d'un appareil permanent d'organes, chargée de poursuivre la réalisation

d'objectifs d'intérêt commun par une coopération entre eux", M.Virally14 relève ainsi cinq caractères

spécifiques de l'organisation internationale: la base inter-étatique, la base volontariste, l'appareil

d'organes permanents, l'autonomie par rapport aux Etats membres et enfin la fonction de coopération

inter-étatique. Appliqués à la CEAC, il nous faut tout d'abord envisager les instruments du

volontarisme institutif de la Conférence - l'acte créateur - et la base inter-étatique, du moins nous

intéresser aux géniteurs de la CEAC. Nous nous intéresserons ensuite à l'existence de structures de

négociation internationale non constituées par traité international.

a) Identification formelle et modalités de l'action concertée internationale.

11 M.Virally, "Définition et classification: approche juridique", Revue Internationale des sciences Sociales, Ed° de l'UNESCO, 1977, n°1, Vol. XXIX, p.62. 12 P.Roubier, Théorie générale du droit, 1946, p.12. 13 S.Bastid, " Place de la notion d'institution dans une théorie générale des organisations internationales", Mélange Spiropoulos, 1957, p.49. 14 M.Virally, op. cit., p.62.

10

1/ Instruments juridiques créateurs:

- Le traité international: Comme nous le fait remarquer M.Virally, la base essentielle de toute

organisation internationale repose sur un fondement volontariste, " toute organisation internationale

reposant sur un traité" 15. La Convention de Vienne16, sur le droit des traités (1969) acceuille cette

solution mais reconnait, en son article 5 que de tels traités se rangent dans une catégorie particulière,

ceux-ci pouvant déroger aux règles de la Convention17. Sans entrer dans une étude comparée des

caractéristiques des traités institutifs par rapport aux traités internationaux traditionnels ( durée

générallement illimitée, double nature: institutive et charte constitutionnelle, etc....), on peut aisément

affirmer que le traité international, en tant qu'instrument du droit international, s'impose comme le

mode le plus évident de création de l’organisation internationale. Ainsi, comme nous le fait remarquer

J.Barberis, l'accord de volontés sera formalisé par le traité international qui déterminera la structure de

l'organisation, sa compétence et ses buts et objectifs18. L'analyse des textes fondateurs de la CEAC ne

semble pas révéler la présence d'un traité international au sens propre du terme.

La Convention de Vienne n'envisage que les traités entre Etats et sous forme écrité19 quoiqu'il

nous semble préférable d'adopter la définition de S.Sur selon laquelle un traité est "un accord

international, imputable à deux ou plusieurs sujets de droit international, par lequel les parties sont

liées et qui doit être exécuté de bonne foi"20. Cependant, afin de distinguer véritablement les

différentes formes d'accord internationaux, nous utiliserons la notion de traité en attribuant au terme

un sens intermédiaire en ce qu'il peut concerner aussi bien les Etats que les organisations

internationales mais en écartant les arrangements non écrits, ceci en ayant une nouvelle fois conscience

que la notion est générique et qu'il ne s'agit pas pour nous de disserter sur une telle définition mais de

faciliter la distinction entre les différents stades du raisonnement ultérieur. Bien évidemment, d'autres

éléments sont à prendre en compte et une multitude d'indices complémentaires peuvent nous révéler la

présence d'un traité: ratification , négociations internationales entre représentants habilités,etc.... D'ores

et déja, de tels éléments n'apparaissent pas lorsque l'on examine les modalités de création de la CEAC,

si des négociations entre représentants étatiques ont effectivement eu lieu, celles-ci se firent dans le

cadre de différentes organisations internationales de sorte qu'il semble difficile d'attribuer aux Etats

eux-mêmes la responsabilité de la création de la CEAC, du moins d'une manière directe.

Comme on peut le constater, la question qui se pose à nous est celle de savoir si l'acte institutif

de la CEAC peut prétendre accéder à la qualification de traité international ? Dans la négative, deux

solutions se présentent. Il est évident que si l'on parvient à démontrer que l'acte créateur de la CEAC

résulte d'une résolution interne d'une organisation internationale quelconque, la qualification de la

15 M.Virally, op.cit., p.63.; voir aussi S.Bastid, "De quelques problèmes juridiques posés par le développement des organisations internationales", Mélange A.Mestre, 1956, p.35. 16 Article 5 " La présente Convention s'applique à tout traité qui est l'acte constitutif d'une organisation internationale et à tout traité, adopté au sein d'une organisation internatioanle, sous réserve de toute règle pertinente de l'organisation". 17 R.Monaco, "Le caractère constitutionnel des actes institutifs d'organisations internationales", Mélange Rousseau,1974, p.160. 18 J.A.Barberis, op.cit., p.217. 19 Article 2§1a " L'expression "traité" s'entend d'un accord international conclu par écrit entre Etats et régi par le droit international qu'il soit consigné dans un instrument unique ou dans deux ou plusieurs instruments connexes, et quelque soit sa dénomination particulière". 20 S.Sur, J.Combacau, op.cit. ,p.56.

11

CEAC d'organisation internationale s'effacera devant une qualification d'avantage pertinente d'organe

subsidiaire de l'organisation en question. Une seconde alternative est cependant envisageable. En effet,

si l'interprétation de l'acte institutif en traité international peut paraitre difficile, l'élément fondateur de

l'organisation internationale ne se limite pas à une exigence formelle - le traité - mais prioritairement à

un accord de volonté sous quelques formes que ce soient, ce qui nous ramène à une définition large de

la notion de traité. Dans ce sens, la démonstration selon laquelle l'acte institutif de la CEAC se

rapproche d'avantage d'une résolution d'une organisation internationale plutôt que d'un traité au sens

strict du terme n'invalidera pas nécessairement la thèse de l'organisation internationale. Après avoir

envisagé l'hypothèse du traité au sens stricte du terme, intéressons nous donc à ces différentes

hypothèses.

- Résolution d'une ou plusieurs organisations internationales: Toute organisation internationale, afin

de parvenir à ses objectifs, se doit d'adapter ses structures à l'évolution temporelle et

environnementale. De toute évidence, on doit voir dans l'organisation internationale une structure

évolutive et dynamique propre à assurer son actualisation, l'instrument de cette réaction étant semble t-

il avant tout l'adaptation organique. Dans ce sens et sans empiéter sur nos développements du Second

Chapitre, l'organisation internationale peut se doter d'organes dépendants, plus ou moins autonomes.

Bien que la structure de ces appareils d'organes soit à bien des égards comparable à celle d'une

organisation internationale.

Si nous avons conscience, selon notre plan, que l'étude des organes subsidiaires relève

impérativement de notre Second Chapitre, il est cependant nécessaire, voir essentiel de préciser le

cadre créateur de la CEAC. Intéressons-nous donc à la naissance de la Conférence.

C'est en 1951 que la création d'un organisme européen de transport aérien fut envisagée pour

la première, lorsque l'Assemblée consultative du Conseil de l'Europe étudia certaines propositions21

qui lui avaient été soumises en vue de réaliser le maximum de coordination dans les transports

européens. Le Comité des Ministres décida cependant de ne pas suivre les recommandations de

l'Assemblée consultative et ne convoqua pas la conférence, estimant que l'OACI était l'organisme le

plus compétent pour le faire. Cette décision fit l'objet d'une résolution22 (Annexe 1) adoptée le 19

mars 1953, invitant l'OACI à convoquer une conférence européenne avec pour ordre du jour:

a) la recherche de moyens susceptibles d'améliorer la coopération commerciale et

technique entre les compagnies aériennes des pays participant à la conférence;

b) la possibilité d'assurer une meilleure coopération grâce à l'échange de droits

commerciaux entre lesdits pays européens.

21 Comprenant: a) Une proposition française (le plan "Bonnefous") visant à créer une haute autorité européenne pour le transport. b) Une proposition italienne ( le plan "Sforza") visant à créer un espace aérien commun en Europe, une autorité aérienne supranationale et un syndicat aérien européen qui assurerait tous les services dans l'espace aérien européen. c) Un rapport du Conseil de l'Europe, élaboré par son Comité sur les questions économiques, quirecommandait la convocation d'une conférence en vue d'examiner la possibilité de créer un organisme européen unique chargé d'exploiter, dans certaines conditions, les routes aérienne entre les Etats membres. voir aussi à ce propos J.Naveau, Droit Aérien Européen, I.T.A, 1992, p.39. 22 Documentation interne OACI, 7447-C/868, intitulé: "Résolutions du Conseil de l'OACI et du Cosneil de l'Europe sur la tenue d'une conférence de coordination des transports aériens en Europe".

12

Acceuillant cette invitation du Conseil de l'Europe, le Conseil de l'OACI adoptait en mai 1953 une

résolution exprimant le désir de l'OACI de coopérer dans toute la mesure possible avec le Conseil de

l'Europe, mais proposant, avant de convoquer la conférence proprement dite, de réunir un comité

préparatoire pour que le rôle dévolu à l'OACI soit à la fois clair et efficace, déterminant la dimension

des problèmes en jeu. Ce comité préparatoire était chargé d'étudier l'ordre du jour proposé pour la

conférence et tous les autres éléments qui lui seraient soumis, de procéder à un examen préliminaire

dse problèmes identifiés et de soumettre ses conclusions au Conseil de l'OACI.

Le Comité préparatoire composé de représentants de neuf Etats, réuni à Paris en novembre

1953 adopta un rapport23 qui fut soumis à l'OACI constatant l'accord unanime quant à l'ordre du jour

de la conférence, recommandant sa tenue pour 1954. Cet ordre du jour constituait un cadre général à

partir duquel le programme de travail de la CEAC devait être développé par la suite. C'est en décembre

1953 que l'OACI décidait de convoquer officiellement la Conférence de Coordination des Transports

Aériens Européens (CATE)24, Celle-ci s'est tenue à Strasbourg, en avril 1954. Du fait que de

nombreuses recommandations de la réunion préparatoire impliquaient l'exécution de travaux ultérieurs

par un organisme dûment autorisé et compétent, collaborant étroitement avec l'OACI, la CATE

proposa la création d'un organisme européen permanent, composé de hauts fonctionnaires des

administrations aéronautiques et chargé de mettre en oeuvre ses recommandations à l'échelon régional.

Cette proposition envisageait un organisme qui se réunirait périodiquement et qui ferait appel, du

moins au début, aux services du Secrétariat de l'OACI. Elle recommandait également que cet

organisme, appelé "Commission Européenne de l'Aviation Civile", assure la liaison avec l'OACI ainsi

qu'avec les autres organisations concernées. Dans le même sens, d'autres recommandations CATE

invitaient l'OACI à entreprendre l'étude de certains problèmes. Ces recommandations furent examinées

par le Conseil de l'OACI, celui-ci décidant de convoquer la première réunion de la Commission

Européenne de l'Aviation Civile et de lui fournir les services de secrétariat nécessaires à cette réunion.

La Commission européenne a tenu sa session inaugurale à Strasbourg à la fin de 1955. Celle-ci

a institué une Sous-commission des questions constitutionnelles chargée de l'examen des problèmes

relatifs à l'institution officielle de la CEAC, de son statut, son réglement intérieur ainsi que de ses

rapports avec l'OACI et avec les organismes publics et privés intéressés. Le mode de création de la

CEAC ayant connu un cheminement particulier, la question du statut de la CEAC fut envisagé à

l'époque et trois solutions se sont présentées. D'une part, la CEAC pouvait se voir attribuer un statut

entièrement indépendant. Dans une seconde optique contraire, on pouvait envisager une intégration

complète à l'OACI selon l'article 55 de la Convention de Chicago25, comme organe subordonné de

cette dernière. La Commission a cependant retenu une solution intermédiaire, solution préconisée par

la recommandation CATE n°2826, consistant en la reconnaissance d’une autonomie particulière au

bénéfice de la CEAC, celle-ci arrêtant elle-même son programme de travail, son ordre du jour et la

convoquation de ses sessions, tout en travaillant en relation étroite avec l'OACI. Acceptant ce

compromis, l'OACI reconnu la necessité que certains accords soient conclus en matière financière et

23 Documentation interne OACI, CATE/P-23. 24 Documentation interne OACI, 7447-C/868, résolution du Conseil entérinée par la septième Session de l'Assemblée de l'OACI dans une résolution A7-15. 25 Article 55 " Le Conseil peut: a) s'il y a lieu et lorsque cela se révèle souhaitable à l'expérience, créer, sur une base régionale ou autre, des commissions de transport aérien subordonnées (...)". 26 Documentation interne OACI, CATE n°28 , 7575- CATE/1.

13

administrative. C'est dans ce sens que la Commission à adopté sa résolution ECAC/1-RES.1, 1955

instituant officiellement la CEAC (Annexe 2).

S'il est évident qu'il est de l'objet même de cet exposé de revenir plus en détail sur les

différents éléments et évenements qui ont contribués à la création de la CEAC, il semblait nécessaire

de préciser le processus créateur et historique avant de procéder à une étude étape par étape. Comme

on peut le constater, la CEAC ne semble pas résulter d'un traité international mais d'avantage d'une

initiative coordonnée de deux organisations internationales. Une telle démarche de la part de deux

organisations internationales n'est pas sans rappeler le modèle traditionnel et initial de la négociation

interétatique: la conférence diplomatique. Cependant, si la 1ère réunion de la CEAC peut être

assimilée à une conférence diplomatique, elle peut aussi être considérée comme partie intégrante de

l'OACI de sorte que la parenté avec cette dernière soit plus encore affirmée. Comme on peut le voir, il

nous faut désormais approfondir notre étude de la création de la CEAC pour décomposer le processus

et le situer dans le cadre général de l'action concertée internationale.

2/ Les degrés de l'action concertée internationale:

Intéressons-nous désormais aux modèles que propose la pratique internationale en matière de

négociation et de coopération institutionnalisée. A ce titre, il faut remarquer que l'action concertée

internationale ne connait pas un modèle pré-établi de sorte qu'une grande latitude à été laissée aux

Etats dans l'organisation de leurs initiatives de négociations. Appliquée aux organisations

internationales, la remarque conserve toute sa substance. La présentation de ces modèles peut

prétendre nous ouvrir des horizons dépassant l'observation initiale d'une création de la CEAC par

l'OACI (ou par le Conseil de l'Europe) sous la forme d'une simple résolution institutive.

- Modalités de l'action concertée internationale: Il s'agit là pour nous de découvrir une personnalité

juridique internationale, caractéristique fondamentale de l'organisation internationale, en l'absence d'un

traité institutif, au sens strict du terme. On sait que la personnalité juridique ne peut être donnée que

par des sujets dudit ordre juridique. Cela signifie donc que celle-ci pourra émerger, en dehors du cas

de la création par une organisation internationale, d'entités évoluant au sein de la communauté

internationale, dépourvues de la personnalité juridique internationale mais composées d'Etats. Si

traditionnellement, les conférences internationales ponctuelles ou prolongées (type OSCE) ne sont pas

dotées de la personnalité internationale, ne se distinguant alors pas de leurs Etats participants, de sorte

que même les groupements issus de leur acte final, acte strictement politique, ne se voient pas conférer

de personnalité propre; G.Caty27 nous fait remarquer que les Etats ont cherché à diversifier et à

moduler leurs actions internationales en distinguant les diverses fonctions que comporte l'exercice

d'une fonction publique. L'action concertée internationale peut prendre donc différentes formes sans

pour autant être dotée d'une personnalité internationale. La question se pose alors de savoir si l'on peut

déceler, selon les instruments, une personnalité juridique internationale en l'absence d'un traité au sens

strict du terme ?

- Eventualité d'une organisation internationale sans traité international: La question s'est notamment

posée quant au GATT lorsque celui-ci s'est affirmé comme le forum priviligié de toute négociation

commerciale à l'echelle mondiale. En effet, alors que la Charte de La Havane (1948) ne devait jamais

27 G.Caty, " La création de l'Institut International de gestion de la Technologie", AFDI, 1970, p.725.

14

entrer en vigueur devant le refus des Etats-Unis de ratifier le traité, bloquant l'institution de

l'Organisation Internationale du Commerce28, 23 Etats détachèrent du projet le chapitre IV qui ,

remanié, devint l'accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (“General Agreement on

Tariffs and Trade” - GATT- ). Signé le 30 octobre 1947 et entré en vigueur le 1er janvier 1948, celui-

ci n'a pas été soumis à ratification de sorte que l'on peut n'y voir qu'un accord en forme simplifiée

(“executive agreement”). Le GATT s'est progressivement institutionnalisé et a vu son influence

prendre une dimension certaine. Devant cet état de faits, un courant de pensée s'est fait pour défendre

l'existence d'une personnalité juridique du GATT en l'absence d'un traité au sens strict du droit

international. La thèse parait cependant difficilement défendable. En effet, la reconnaissance d'une

telle personnalité juridique internationale échoppe en connaissance du contexte même de l'adoption de

l'accord, l'échec de l'OIC résultant justement du blocage causé par le processus de création par traité

international et par sa nature prévue d’organisation internationale. Si l'OIC n'a pu être créée par traité ,

ce n'est pas pour l'être sous une autre forme.

Question d'interprétation de la volonté des Etats signataires, certains exemples de créations

d'organisations internationales sans le recours à un traité international demeurent cependant pertinents.

En fait, on remarque que le droit international public n'est pas formaliste en la matière. L'exemple du

Fond de Compensation entre Etats d'Asie nous démontre qu'il n'existe pas de règles coutumières

imposant le recours au traité pour établir une organisation internationale. D'autre part, la Commission

du Droit International, dans ses travaux préparatoires relatifs au projet de convention sur les traités

passés par les organisations internationales avec les Etats ou entre organisations internationales (21

mars 1986), ne définit pas l'organisation internationale en faisant référence au traité. En effet, la

rédaction finale de l'article 2 du traité retient une définition de l'organisation internationale telle que "

l'expression - organisation internationale - s'entend d'une organisation intergouvernementale".

Dans un sens similaire, de nombreux exemples nous permettent de constater l'existence

d'organisations internationales sans qu'un traité international n'ait eut à être conclu. Dressons un

panorama rapide de ces cas de figure.

En premier lieu, le Conseil Nordique ne connait pas de traité institutif et semble avoir accédé

au statut d'organisation internationale par le seul biais d'actes unilatéraux de ses Etats membres.

Concernant le Commonwealth Agricultural Bureau, J.A.Barberis souligne le caractère original de sa

création. Initialement créé sous l'empire du droit britannique, l'accession à l'indépendance des

territoires qui en faisaient partie a posé le problème de sa continuité: " il est devenu une organisation

internationale, la décision de chaque Etat d'en faire partie résulte du fait que chaque Etat à continuer

de participer à ses activités"29. Dans un autre domaine, l'Organisation Mondiale du Tourisme était

initialement une organisation non-gouvernementale, une association de droit suisse - l'UIOOT30-. Ses

statuts furent révisés et approuvés par les Etats représentés. Enfin, le cas d'Interpol n'est pas non plus

dépourvu d'intérêt. Constituée entre différentes administrations nationales de police en 1914, elle

devient en 1923 la Commission Internationale de Police criminelle et accède au statut d' association

de droit français31 puis devient une organisation internationale en 1956 par transformations des statuts

28 D.Carreau, T.Flory, P.Juillard, Droit International Economique, L.G.D.J, 1990, p.96. 29 J.A.Barberis, op.cit., p.217. 30 J.Castaneda, " Une nouvelle méthode pour la création d'organismes internationaux: le acs récent de l'UIOOT", AFDI, 1970, p.625. 31 G.Burdeau, Cours de DESS "Droit administratif et financier des organisations internationales", 1996.

15

antérieurs. L'affaire pris une dimension conséquente lorsque , dans sa démarche de définition du

concept de l’organisation non-gouvernementale (ONG) en vertu de l'article 71 de la Charte des

Nations Unies32, le Conseil Economique et Social adopta, le 23 avril 1968, une Résolution 1296-44

définissant des critères auxquels Interpol continuait de répondre, en l'occurence l'absence de traité

intergouvernemental. Il apparait donc, désormais, qu'une organisation non-gouvernementale peut

devenir une organisation internationale sans recourir systématiquement à la convention internationale.

Nous le voyons, ces différents exemples nous démontre qu'il est tout à fait possible d'envisager

la création d'une organisation internationale sans nécessairement recourrir au traité international. Ces

exemples ne doivent cependant pas leurrer, dans le sens de J.Barberis, il faut reconnaitre que " bien

qu'il n'y ait pas de traité formel ou que celui-ci n'ait pas existé lors de la création de l'organisation

internationale, il y a eu sans aucun doute possible accord de volontés entre les Etats qui sont à

l'origine de la constitution de l'organisation" 33. Si le droit international n'est pas formaliste, il est en

revanche volontariste. Ainsi, en l'absence de traité instutif, c'est cet indice consensuel qui orientera les

investigations.

*

Le recours au traité international, tel que nous l'avons défini auparavant, quoique généralement

essentiel à la création de l'organisation, n'est donc pas systématiquement exigé. D'autres formes

d'accord de volontés entre sujets du droit international peuvent prétendre parvenir à un résultat

institutif semblable, l'interprétation de la volonté des parties prenant alors une place certes

considérable mais naturellement incertaine. On peut donc prétendre dépasser le fait que la CEAC ait

été , semble-t-il, créée par une résolution d'une organisation internationale et envisager la CEAC sous

l'angle d'une éventuelle conférence diplomatique institutive. Pour cela, il nous faut cependant

distinguer l'initiative politique de la création juridique.

b) Création de la Conférence Européenne de l'Aviation Civile: Création juridique et

initiative politique.

1/ L'initiative politique:

On doit içi immédiatement dissiper tout malentendu au sujet du rôle du Conseil de l'Europe

dans la création de la Conférence Européenne de l'Aviation Civile, trop d'ouvrages attribuant, à tôrt

nous semble-t-il, la création juridique de la CEAC au Conseil de l'Europe. Si c'est à celui-ci que

revient bien évidemment l'idée et l'initiative du lancement du projet, on observe que le Comité des

Ministres du Conseil de l'Europe n'a pas suivi, en 1951, son Assemblée Consultative quant à la

convocation de la conférence de coordination des transports aériens européen, invitant l'OACI à se

saisir du projet. Cette démarche du Conseil de l'Europe démontre la limite, d'un point de vue juridique

(l'OACI n'étant pas subordonnée au Conseil de l'Europe), du rôle de ce dernier dans le processus

institutif de la CEAC. Il eut en effet été tentant de voir dans la CEAC une émanation, un organe

32 Article 71 " Le conseil économique et social peut prendre toutes dispositions utiles pour consulter les organisations non gouvernementales qui s'occupent de questions relevant de sa compétence. ces dispositions peuvent s'appliquer à des organisations internationales et, s'il y a lieu, à des organisations nationales après consultation du membre intéressé de l'Organisation." 33 J.A.Barberis, op.cit., p.217.

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subsidiaire, du Conseil de l'Europe: il n'en sera rien. Si certes les sessions triennales de la Conférence

se déroule effectivement à Strasbourg, au siège du Conseil de l'Europe, on remarque que ni l'article 3

de la Constitution de la CEAC, concernant les relations avec l'OACI et les autres organisations

internationales, ni l'article 5 justement relatif aux sessions triennales ne mentionnent le Conseil de

l'Europe (Annexe 3). On en déduira logiquement que la tenue de telles sessions à Strasbourg est

purement symbolique de la coordination de l'action régionale en Europe34. En conclusion, le Conseil

de l'Europe peut donc être qualifié d'iniateur politique de la création de la CEAC, l'invitation adressée

à l'OACI à agir de la sorte ne liant pas cette dernière.

2/ La création juridique:

Nous avons vu qu'une organisation internationale ne pouvait résulter que de l'initiative des

Etats ou, cas plus exceptionnel que nous envisageons plus en avant dans notre exposé, des

organisations internationales elles-mêmes. Sans s'avancer sur cette dernière question, nous venons

d'invalider la thèse de la création juridique de la CEAC par le Conseil de l'Europe sous quelque forme

que ce soit. Que nous reste-il ? Nous avions admis la trés probable création de la CEAC par résolution

de l'OACI au titre de l'étude du processus historique. Si l'analyse des circonstances et des modalités de

création de la CEAC semble se rapprocher d'un tel modèle, l'article 43 (corroboré par l'article 55) de la

Convention de Chicago laissant entendre que des organes complémentaires peuvent être adjoints à

l'Organisation35, il est de l'objet de ce chapitre d'envisager la CEAC sous l'angle d'une organisation

internationale.

Pour cela, il faut, sur le modèle des développements relatifs aux organisations internationales

dépourvues de traité institutif au sens propre du terme, s'intéresser aux autres modes de création de

l'organisation internationale. Qui peut donc créer une organisation internationale ? Avant tout l'Etat,

sujet primaire du droit international. L'absence de traité international, nous l'avons vu, n'invalide pas

nécessairement l'existence de l'organisation internationale. Par conséquent, il nous faut voir dans

certaines réunions de représentants étatiques une éventuelle conférence interétatique compétente pour

instituer une organisation internationale. Une telle réunion diplomatique peut s'envisager au sein

même d'une organisation internationale déja existante de sorte que l'organisation ne sera pas créée par

une résolution de l'organisation, alors qu'elle en a la valeur, mais par un accord des Etats membres. Ce

raisonnement juridique, bien que trés théorique en apparence et discuté, fut cependant utilisé dans

différentes occasions. Une telle démarche implique cependant que l'accord des Etats, la résolution de

l'organisation ayant alors une double nature, se manifeste non pas sous la forme d'un traité mais d'une

forme moins contraignante d'acte. C'est dans ce sens qu'il faut comprendre l'affirmation de M.Virally36

selon laquelle " dans des cas exceptionnels, des résolutions d'une conférence internationale ont pu

suffire à la création d'une organisation (il en a été ainsi pour l'Organisation des pays exportateurs de

pétrole - OPEP -). En droit, on peut parler alors d'un accord en forme simplifiée, qui a la valeur d'un

traité. Il ne s'agit donc pas d'une véritable exception".

34 R.J.Dupuy, " Droit des relations entre les organisations internationales", RCADI, 1960, p.581. 35 Article 43 " Il est institué par la présente Convention une organisation qui portera le nom d'Organisation de l'Aviation Civile Internationale. Elle se compose d'une Assemblée, d'un Conseil et de tous autres organes qui pourraient être nécessaires". 36 M.Virally, "Definition et classification: approche juridique", Revue Internationale des Sciences Sociales, UNESCO, n°1, 1977, vol.XXIX, p.63.

17

On comprend désormais l'importance des développements faits au titre de l'éventualité de

création d'une organisation internationale sans le recours à un traité. Cette technique d'identification

d'une conférence internationale inter-étatique dans une réunion d'une organisation internationale

implique cependant quelques contraintes. D'une part, nous l'avons envisagé, elle repose notamment sur

l'interprétation de l'intention des parties au moment de la conclusion de l'acte. D'autre part, il est à

noter que, si elle est rarement constitutive d'une organisation au moment donné, cette exigence ne

pourra être contournée que si l'interprétation que nous effectuons rassemble une majorité des parties

concernées au moment même de la dite interprétation.

Quoique effectuée afin de réviser un traité dont l'entrée en vigueur était bloquée par le refus

de certains Etats de ratifier, cette démonstration semble pourtant connaitre un précédent intéressant

dans le cas de la résolution de l'Assemblée générale des Nations Unies du 28 Juillet 1994. Celle-ci se

présente en effet comme un Accord d'application de la Partie XI de la Convention de Montego Bay sur

le droit de la mer. On doit garder à l'esprit que cette démarche respecte le texte de la Convention de

Vienne sur le droit des traités (1969) en matière d'adoption et d'authentification d'un accord

international. L'article 9 exige en effet " le consentement de tous les Etats participants" à l'élaboration

du texte, sauf quand ce texte émane d'une conférence internationale du fait que dans ce cas, l'adoption

s'effectue à la majorité des deux-tiers. C'est donc à ce titre que les Etats participants aux consultations

sont tombés d'accord pour que l'Assemblée Générale des Nations Unies soit le forum approprié à

l'adoption de l'Accord en question.

On doit dire que cette méthode semble avoir connu d'autres précédents de sorte qu'il nous est

possible, avec P.Reuter37, de constater que " d'une manière générale, les deux catégories juridiques -

accord entre Etats - et - acte d'une organisation - ne sont pas aussi rigoureusement séparées que leur

définition le laisserait entendre". L’auteur envisage plus loin le cas des accords en forme simplifiée,

accords dont la ratification parlementaire n'est pas obligatoire. On doit içi s'arréter quelques instants

sur l'un des arguments qui pourrait aller à l'encontre de notre démonstration. Certains seraient tentés

d'affirmer qu'un accord en forme simplifiée, parcequ'il n'a pas connu de ratification, n'est pas

susceptible d'engager l'Etat a créer une organisation internationale. Si l'argument peut s'avérer

pertinent en ce que la manifestation la plus sûre de la volonté de l'Etat de participer à la création d'une

organisation se traduit logiquement par le recours au traité international, on ne doit jamais oublier que

le droit international laisse toute discrétion au droit interne des Etats quant à savoir quelles sont les

modalités d'engagement de la volonté selon le droit constitutionnel concerné (Article 14 de la

Convention de Vienne de 1969 portant codification du droit des traités).

L’identification d’un type d’ "accord en forme simplifiée" ne suffira donc pas, à elle seule, à

invalider la démonstration selon laquelle une organisation internationale peut y puiser son fondement

institutif. On ne pourra s'en remettre une nouvelle fois qu'à l'intention des parties.

Dans ce sens, on peut relever l'exemple du défunt Comecon, institué par une résolution d'une

conférence internationale. Ainsi, comme le note J.Barberis38, " cette organisation reconnait en effet

comme acte constitutif une résolution des Etats ayant participé à la Conférence économique de

Moscou du 25 janvier 1949". On relèvera de même, quoique quelque peu différent, l'exemple de

37 P.Reuter, " Les organes subsidiaires des organisations internationales", Le développement de l'ordre juridique international, coll° Ecrits de droit international public, Economica, 1995, p.173. 38 J.Barberis, op.cit., p.217.

18

l'Institut International de Gestion de la Technologie. Ce dernier, créé sur l'initiative de l'OCDE est

staturairement relié à l'OCDE mais est organiquement indépendant. Certains Etats envisagèrent alors

de créer une organisation dotée d'un statut particulier , mi-public, mi-privé, de sorte "qu'aucun accord

et par suite aucune ratification n'était requis". G.Caty39 relève dailleurs à ce propos que " la

conférence internatioanle est le mode institutionnel le plus élémentaire, le procédé le plus usuel et le

plus traditionnel de la coopération internationale. L'accord qui institutionalise la conférence est un

acte de droit international dont la signature peut être prévue sans réserve de ratification".

L'exemple de l'Organisation Mondiale du Tourisme.peut d'autre part, une nouvelle fois

illustrer notre raisonnement. Créée comme association de droit privé régie par le Code civil suisse,

l'Union Internationale des Organismes Officiels de Tourisme - UIOOT - s'est transformée en

organisation internationale intergouvernementale par une résolution de sa XXe Assemblée générale

prise en octobre 1967. Une nouvelle fois, le processus de transformation des statuts fut imaginé sur le

modèle de l'accord multilatéral en forme simplifiée, permettant d'éviter les aléas de la ratification

américaine et d'assurer, comme le dit J.Castaneda40, " le consentement des Etats (qui) devaient

s'exprimer par une forme acceptée par le droit international même si cette forme n'était pas

nécessairement celle par laquelle la volonté des Etats s'exprime normalement, c'est-à-dire, le traité

usuel". Prenant sa consistance dans une résolution de l'Assemblée générale de l'UIOOT (alors que les

représentants des Etats avaient été dans le même temps dûement autorisés), le Secrétaire général

résuma le processus comme suit: " Il est évident qu'une organisation non gouvernementale de droit

privé ne peut avoir, per se, le pouvoir légal de procéder à sa transformation en une organisation

intergouvernementale. Le consentement des Etats est indispensable et doit être exprimé. En fait, un tel

consentement sera exprimé par un vote qui a un double objet.....Le premier objet du vote sera de

procéder à la modification de ses statuts. Le vote sera donc, en premier lieu, une décision prise par

l'Assemblée générale de l'UIOOT. Mais ce même vote aura aussi un deuxième objet et une

signification juridique supplémentaire: il sera la preuve et l'expression de l'action conjointe des Etats,

mené par l'intermédiaire de leurs représentants à l'Union, pour réaliser la transformation de

l'organisation".

*

Appliqué à l’OACI dans le cas de la CEAC, rien, selon le raisonnement suivi, ne semble donc

s’opposer à ce que l’OACI (ou la conférence CATE) soit assimilée, lors de l’adoption de la résolution

de convocation de la 1ère réunion de la CEAC, à une conférence internationale intergouvernementale

adoptant un accord en forme simplifiée institutif d’une organisation internationale. A contrario, on

remarque que R.J Dupuy41 n'invalide pas cette démonstration quand, au sujet même de la CEAC, le

Comité des ministres du Conseil de l'Europe s'étant adressé à l'OACI afin de convoquer une

conférence regroupant les membres européens de cette dernière, il nous dit que " cet appel aux Etats

est à noter car d'après la Convention de Chicago, l'OACI aurait pu créer (elle-même) une commission

régionale en Europe".

Cependant, on doit admettre qu’une telle interprétation se heurte à un obstacle fondamental et

à une incertitude certaine. En effet, d’une part, celle-ci se fait dans l’ignorance de l’intention des Etats

membres, aussi bien pour l’époque que pour l’heure actuelle mais d’autre part, on doit

39 G.Caty, op.cit., p.727-728. 40 J.Castaneda, op.cit., p.628. 41 R.J Dupuy, op.cit., p.566.

19

malheureusement constater que la résolution convoquant la 1ère réunion de la CEAC provient du

Conseil de l’OACI (organe restreint) et non de l’Assemblée de cette dernière (organe plénier). Dans ce

contexte, la thèse de l’interprétation conventionnelle de la résolution de l’OACI nous semble

sérieusement altérée.

Une autre interprétation est finalement envisageable. Elle repose une nouvelle fois sur la thèse

de la conférence diplomatique et de la qualification conventionnelle d’une résolution. Elle consiste à

ne voir en la CEAC qu’une conférence diplomatique permanente dépourvue de personnalité juridique

internationale mais créée uniquement par les Etats membres concernés. Cette solution, trés pertinente

dans le cas de l’OACI dans la création de la CEAC au point, pour le coup, de ne lui conférer qu’un

simple rôle d’initiateur politique. Une telle solution, qui consiste à voir dans la création de la CEAC le

seul fruit de l’initiative consentie des Etats , ne conduit plus à l’assimilation de la résolution ECAC-

Res.1 à une résolution acceuillant une initiative créative de l’OACI mais à une résolution institutive

propre, indépendante de l’OACI, qualifiable d’accord en forme simplifiée selon le raisonnement que

nous connaissons. Qualifier ainsi la CEAC n’invalide pas nécessairement la thèse d’une personnalité

juridique internationale implicite, elle condamne par contre irrémédiablement la thèse de la CEAC

comme organe subsidiaire de l’OACI. Cette éventualité connait malheureusement le sort de

l’imprécision. En effet, de nombreux documents de la CEAC constatent la convocation de la première

réunion de la CEAC par le Conseil de l’OACI, suite aux recommandations CATE et ceci pose alors la

question de la qualité des représentants des Etats à cette première réunion: représentants des Etats

membres auprès de l’OACI ou représentants directs et spécialement autorisés des Etats membres de la

future CEAC ? La question qui se pose est donc de savoir si les représentants agissaient en tant que

réunion particulière de l’OACI ou pour le compte direct et immédiat de leur gouvernement et étaient

donc spécialement autorisés à cet effet. Il est clair qu’une autorisation spéciale validerait a priori la

thèse de la conférence diplomatique permanente. Il ne nous a malheureusement pas été possible

d’affiner la recherche à ce niveau et dans le doute, nous garderons à l’esprit cette hypothèse. Nous

devons cependant remarquer que cette dernière hypothèse n’invalide pas la thèse de l’organisation

internationale (l’examen qui va suivre de la personnalité internationale demeurant compatible avec la

solution de la conférence diplomatique permanente). Si par contre, elle est imcompatible avec celle de

l’organe subsidiaire, on doit la relativiser de par le défaut de preuves auquel elle est confrontée.

Dans ce contexte, quelle que soit la solution retenue, la Constitution de la CEAC doit être

requalifiée dans des termes adéquats: manifestant l’exercice par la CEAC de son pouvoir d’auto-

organisation, celle-ci parait avoir la seule qualité de réglement intérieur de la Conférence et en doit

donc, malgré son apparence, être confondue avec une Charte institutive.

*

20

2) Notion de personnalité juridique internationale.

On l'a souvent envisagée, l'organisation internationale n'existe en tant que telle que si elle

dispose de cette personnalité juridique autonome qui fait que sa volonté se distingue de celle de ses

Etats membres, sujets primaires du droit international. Acquérant la personnalité juridique

internationale, l'organisation devient alors sujet dérivé de l'ordre juridique international et se voit

attribuer des droits ainsi que des obligations propres à cet ordre. Dans ce sens , J.Barberis 42, nous dit

que " l'organisation est régie directement par le droit des gens lorsqu'elle est destinataire d'au moins

une norme internationale lui conférant un droit ou lui imposant une obligation". Attribuer à la

Conférence Européenne de l'Aviation Civile le statut d'organisation internationale, c'est lui attribuer un

statut relevant du droit international et lui reconnaitre par conséquent une personnalité juridique du

même ordre.

Dans une optique de recherche d'indices témoignant d'une éventuelle personnalité juridique

internationale au bénéfice de la CEAC, trois aspects retiendront essentiellement notre attention. D'une

part, il faut revenir quelques instants sur le processus jurisprudentiel qui a permis de reconnaitre la

personnalité juridique internationale. D'autre part, on devra tout d'abord distinguer la personnalité

juridique internationale de la personnalité juridique interne de l'organisation internationale, au regard

du droit de son Etat de siège par exemple. Enfin, on devra s'intéresser aux multiples conséquences

juridiques d'une telle reconnaissance, notamment à la capacité corrélative des organisations

internationales de traiter, voir de créer elle-même des organisations internationales.

a) La personnalité juridique internationale déduite d'une analyse fonctionnelle de

l'organisation internationale:

analyse jurisprudentielle et méthode interprétative.

1/ La personnalité juridique internationale de l’organisation: une nottion objective.

C’est à l’occasion d’une affaire Réparation des dommages subis au service des Nations Unies

que la Cour Internationale de Justtice s’est prononcée, par avis du 11 avril 1949, sur la question de

savoir si l’ONU avait qualité pour présenter contre le gouvernement d’un Etat responsable d’un

dommage subi (en l’occurence l’assassinat en Palestine du médiateur suédois de l’ONU, le Comte

Bernadotte, par des extrémistes israéliens). Une telle question équivalait à se demander si

l’Organisation était revêtue de la personnalité juridique, ceci d’autant plus que l’Etat d’Israel n’était, à

l’époque, pas membre de l’ONU. Du point de vue de l’opposabilité d’une telle personnalité, la CIJ

répondit selon un raisonnement fonctionnaliste et parvint à la conclusion de l’existence objective de

l’ONU eu égard au fait qu’elle fut créée par près de 50 Etats en 1945. Une telle affirmation conduit à

reconnaitre à l’ONU une personnalité internationale, opposable à tout Etat dans la société

internationale et non pas une simple personnalité reconnue par les seuls Etats membres. La pratique

subséquente, depuis près d’un demi siècle, des Etats et organisations internationales tend à admettre la

valeur quasi-coutumière de la solution dégagée par la CIJ. Dans ce sens, M.Bettati remarque que de

nombreux actes constitutifs attribuent la personnalité internationale aux organisations qu’ils

42 J.A.Barberis, op.cit., p.220.

21

institutuent (art.210 UE, art.47 OACI, etc...). La CJCE a dailleurs confirmé cette évolution (aff. 22/70,

arrêt du 31 mars 1971, Com°.c. Conseil43): la solution semble désormais acquise.

2/ Fonctions de l’organisation et théorie des pouvoirs impliqués:

La CIJ rattache le droit de réclammation de l’ONU à une compétence impliquée par la

nécessité pour l’ONU de disposer de droits pour atteindre ses buts et remplir ses fonctions. Ainsi, “ on

doit admettre que ses membres, en lui assignant certaines fonctions, avec les devoirs et les

responsabilités qui les accompagnent, l’ont revêtue de la compétence nécessaire pour lui permettre de

s’acquitter effectivement de ses fonctions” 44. Cette démarche de la CIJ revient à donner une

interprétation dynamique et fonctionnelle de la Charte des Nations Unies, établissant en droit

international, une personnalité juridique dérivée au bénéfice de l’organisation internationale, “ les

sujets de droit, dans un système juridique, ne sont pas nécessairement identiques quant à leur nature

ou à l’étendue de leurs droits”.

Le recours à une telle méthode interprétative s’avère nécessaire toutes les fois que l’acte

institutif ne prévoit pas expressément les pouvoirs accordés à l’organisation. C’est ce que M.Virally

comprend comme la “ la valeur normative de la finalité fonctionnelle” 45. Le recours à la théorie des

compétences impliquées (ou implicites) est cependant délicat dans la mesure où il sous-entend

nécessairement un a priori interprétatif contestable. On remarquera que la notion de sphère de

compétences est maléable à souhait, démontrant ainsi l’ambiguité de la méthode. Celle-ci a tout de

même fait jurisprudence au point que la CIJ en a eut un usage presque fréquent. On citera pour

mémoire les affaires du Sud-Ouest Africain, avis consultatif du 11 juillet 1950, de l’ Effet des

jugements du TANU, avis consultatif du 13 juillet 1954 et Certaines dépenses des Nations Unies, avis

consultatif du 20 juillet 1962.

On le voit, non seulement, la théorie est utile et utilisée, mais elle structure le raisonnement

fondateur en droit de la personnalité affirmée de l’organisation dans l’ordre juridique international. A

ce titre, une telle méthode peut prétendre être utilisée, dans la continuité des observations faites au

sujet de la création de la CEAC, pour fonder la personnalité juridique de la Conférence Européenne de

l’Aviation Civile. Pour cela, il nous faudra envisager la fonction et les buts de la CEAC pour lui

attribuer une éventuelle personnalité juridique internationale. Avant cela, il nous faut compléter notre

étude de la personnalité internationale de l’organisation internationale par l’analyse des conséquences

juridiques que sa reconnaissance génère.

b) La reconnaissance de la personnalité internationale au profit de l’organisation

internationale: droits consécutifs et obligations corrélatives.

Si la qualité de sujet d’un ordre juridique de dépend pas de la reconnaissance d’une capacité,

dans la mesure où il existe des sujets incapables, l’existence de droits et obligations révèle la présence

d’une capacité internationale. Comme nous le fait remarquer J.A.Barberis46,, “ lorsqu’on affirme que

43 Rec. , 1971, p.262. 44 Rec., 1949, p.179. 45 M.Virally, “ La notion de fonction dans la théorie de l’organisation internationale”, Mélange Rousseau, Pedone, 1974, p.298. 46 J.A.Barberis, op.cit., p.161.

22

l’ordre juridique confère la personnalité juridique à un individu, cela signifie que la conduite de cet

individu y apparait comme contenue de droits et obligations”. On doit donc étudier le cas de la CEAC

et tenter de déceler l’exercice de certaines prérogatives dont serait normalement titulaire une

organisation internationale. De toute évidence, devant l’absence de précédents et de textes adéquats, il

nous est difficile d’envisager la soumission ou la jouissance effective de la CEAC de certains droits ou

obligations tels que: la responsabilité internationale du représentant de l’organisation, le droit de

présenter des réclammations internationales, etc... Certaines pratiques de la CEAC méritent cependant

que l’on s’y attarde, telles que le développement de relations et d’accords avec d’autres Etats ou

d’autres organisations internationales. D’autre part, l’existence récente de précédents de créations

d’organisations internationales par d'autres organisations méritent notre attention au titre de l'OACI à

l'égard de la CEAC. Avant cela, il nous faut préciser le rapport existant entre personnalité juridique

internationale et personnalité juridique de l'organisation dans l'ordre interne de ses Etats membres ou

de son Etat de siège.

1/ Distinction et interférence entre la personnalité internationale de l'organisation et la

personnalité de droit interne que ses Etats membres peuvent lui reconnaitre.

Alors que de nombreux textes reconnaissent désormais explicitement la personnalité juridique

de l'organisation internationale, il faut bien voir s'il s'agit de la personnalité internationale ou interne

de l'organisation. Ainsi, comme le remarque M.Bettati 47, " si la Charte n'a pas explicitement établi

l'existence d'une personnalité juridique internationale (...), elle (peut) reconnaitre la personnalité

juridique interne". L'auteur relève içi l'exemple de l'article 104 de la Charte des Nations Unies48 et

nous permet d'envisager la question quant à la Conférence Européenne de l'Aviation civile.

L’étude des contrats de fourniture passés par la CEAC ainsi que de la procédure suivie quant à

l’ouverture récente d’un compte en banque au nom de cette dernière nous permet d’affirmer trés

nettement que la CEAC ne dispose pas de la personnalité juridique en droit français. cette solution se

déduit logiquement des exemples cités. En effet, si les contrats de fourniture de la CEAC sont décidés

et commandés par le Secrétaire Exécutif de cette dernière, ils sont en revanche paraphés (il s’agit d’un

système de double signature) par le directeur du Bureau de l’OACI à Paris. Ainsi, c’est l’OACI qui se

trouve engagée juridiquement en droit français. Cette solution est dailleurs confirmée par l’absence

d’accord de siège autonome au bénéfice de la CEAC de sorte que celle-ci dépend de l’accord de siège

de l’OACI à Paris (Annexe 6). La thèse du défaut de personnalité interne de la CEAC est confirmée

par la procédure d’autorisation suivie auprès de l’OACI pour l’ouverture d’un compte bancaire

distinct.

La question qui se pose à nous maintenant est cellede savoir si le défaut de personnalité

interne de la CEAC invalide nécessairement la thèse de la personnalité juridique internationale ?

L’analyse que nous avons effectuée de la personnalité internationale des JAA, en ce que la solution

n’était pas formellement évidente, nous a démontré l’existence en droit néerlandais d’une personnalité

juridique. Si bien évidemment, un tel exemple ne signifie pas que toute entité à vocation internationale

disposant d’une personnalité juridique interne est dotée de la personnalité internationale, on ne doit

pas non plus subordonner nécessairement l’existence de la personnalité internationale à l’existence

47 M.Bettati, Le droit des organisations internationales, P.U.F, 1987, Coll° "Que Sais_Je ?", n°2355 ,p.21. 48 Article 104 " L'organisation jouit, sur le territoire de chacun de ses membres, de la capacité juridique qui lui est nécessaire pour exercer ses fonctions et atteindre ses buts".

23

d’une personnalité interne. La personalité interne ne vise (et les accords de siège y contribuent

grandement notamment dans le silence des Chartes institutives) qu’à conférer une capacité à

l’organisation internationale dans le même ordre, elle permet donc à l’organisation de fonctionner

mais ne peut prétendre constituer un critère substanciel de sa personnalité internationale.

Ainsi, si la détention d’une personnalité interne peut être envisagée comme un indice propre à

l’organisation internationale, on doit garder à l’esprit que le défaut de la première n’invalide pas

nécessairement la seconde, les deux personnalités étant finalement indépendantes.

2/ La capacité de traiter de l'organisation internationale:

- Traités et accords internationaux traditionnels: La CIJ, dans son raisonnement conduisant à la

reconnaissance de la personnalité internationale de l'ONU, affirme que ce caractère est confirmé par la

conclusion de conventions auxquelles celle-ci est partie. Ainsi, en doctrine, la possibilité de conclure

des accords soumis à des règles de droit international public est la pierre de touche de la personnalité

juridique internationale. Cependant, n'oublions pas que cette capacité demeure dérivée et partielle, en

ce sens qu'elle dérive de la volonté des Etats membres exprimées dans l'acte constitutif et se trouve

limitée par le principe de spécialité, l'organisation ne pouvant s'engager que dans les domaines relevant

de sa compétence, éventuellement par le recours de la théorie des pouvoirs implicites (voir infra). C'est

cette solution que consacre la Convention de Vienne sur le droit des traités entre Etats et organisations

internationales49.

La question qui se pose à nous est celle de savoir si la CEAC dispose d'une telle capacité et

peut ainsi se substituer à ses Etats membres dans la négociation internationale de questions relevant de

sa compétence. On doit à ce propos identifier les accords en question et déceler une éventuelle capacité

de traiter de la CEAC. Tout d’abord, M. Folliot relève que d'une manière générale, les accords

multilatéraux en droit aérien demeurent rares mais relèvent tout de même les efforts substanciels

réalisés à l'échelon régional par la CEAC50. A ce titre, on dénombre différents accords passés au nom

de la CEAC dont: l'accord multilatéral sur “les droits commerciaux pour les transports non réguliers en

Europe” (signé le 30 avril 1956), l'accord sur “la procédure applicable à l'établissement des tarifs

aériens réguliers” (du 10 juin 1967) ou encore les deux accords cadres du 16 juin 1987 relatifs à "

l'établissement des tarifs et aux répartitions de capacité sur les services aériens réguliers". Les Accords

passés entre la CEAC et les Etats Unis (Déclaration d’Ottawa de 1972 quant aux “principes

d’exploitation des vols non réguliers vers l’Amérique du Nord” ou les Mémorandum d’entente sur “ la

tarification Nord-Atlantique” semblent plus intéressants encore du fait qu’ils élargissent

considérablement le champ des négociations à des Etats non membres.

Etudier la capacité de traiter de la CEAC, c'est pour nous identifier une prérogative

témoignant de l'existence d'une éventuelle personnalité internationale. Malheureusement, l'étude

approfondie des accords en questions démontre que ceux-ci sont passés, puis ratifiés, par les Etats

membres en leur nom, la CEAC ne servant que de cadre, de forum de négociations. La CEAC ne

semble donc pas disposer d'une telle capacité et cette démonstration semble par conséquent aller à

l'encontre de la thèse de l'organisation internationale. On doit cependant modérer une telle

49 Article 6: " La capacité d'une organsiation internationale de conclure des traités est régie par les règles de cette organsiation". 50 M.Folliot, op.cit., p.216.

24

interprétation. D'une part, la CEAC, et son Secrétariat notamment, participe activement à l'élaboration

et aux négociations des dits accords de sorte que le non accés de la CEAC au titre de partie peut

paraitre surprenant voir paradoxal. D'autre part, on peut aussi remarquer que le choix de soumettre ces

accords à la ratification des Etats membres ne signifie pas obligatoirement que la CEAC ne dispose

pas elle-même de la dite capacité de traiter. On ne peut en effet pas déduire du non usage d'une

éventuelle capacité l'inexistence de cette dernière. On devra cependant admettre que de l'avis

majoritaire des Etats membres, peu d'entre eux semblent prêts à accorder à la CEAC une telle capacité,

en l'occurence celle de les engager directement par le biais de leur seul participation à la réunion des

Directeurs Généraux de l'Aviation Civile et aux autres instances compétentes pour négocier ce type

d'accords. S'il est donc difficile d'attribuer à la CEAC les accords internationaux en question, la

question demeure de savoir si de cette non attribution peut être déduit un défaut de capacité corrélatif ?

Si la démonstration ne semble pas aller dans le sens de la thèse de l'organisation internationale, on

constate que différentes interprétations peuvent être données, la conclusion étant que le constat de

l'exercice par les Etats membres de leur capacité propre de traiter n'invalide pas nécessairement la

découverte d'une éventuelle capacité similaire de la CEAC, celle-ci n'étant cependant pas utilisée.

- Capacité de l'organisation de créer d'autres organisations internationales: De manière générale, les

conventions conclues par les organisations internationales se rapportent à leur existence administrative

(question que nous envisageons plus en avant dans notre exposé, la CEAC ayant conclu des accords

adminsitratifs et financiers avec l'OACI) et à leur domaine d'activités. La capacité de traiter, à l'image

de celle de l'Etat, s'étend aussi aux traités institutifs d'entités disposant elles-mêmes de ce fait de la

personnalité internationale. On constate donc avec J.A.Barberis51 que " les organisations

internationales peuvent également participer elle-mêmes à la création d'autres organisations

internationales".

Une telle affirmation, si elle a l'intérêt de l'exactitude théorique , connait cependant peu de

précédents. Certes, on relève la création d'Unidroit par la SDN et l'Italie (1926) ainsi que des

nombreuses créations issues d'accords ponctuels conclus par la BIRD avec le PNUD. Ces exemples

demeurent globalement limités et lorsqu'ils ne sont pas ponctuels, ils connaissent une participation

étatique directe. Un exemple récent témoigne pourtant d'une démarche conjointe de plusieurs

organisations, faissant office de précédent intéressant: il s'agit du Joint Vienna Institute créé par le

FMI, la BRI, la BERD, la BIRD et l'OCDE. A ce titre, si F.Rousseau52 remarque que cette création au

"second degré" témoigne d'une petite "révolution", il admet que l'Etat conserve trois moyens plus ou

moins directes de controler un tel processus: quant à la décision au sein des organisations créatrices,

quant à négociation de l'accord de siège de l'organisation créée, quant au financement de l'organisation

enfin.

Concernant la CEAC, cette question est interessante comme organisation créée par une autre

organisation internationale, en l'occurence l'OACI. Nous avons déja étudié la création de la CEAC et

nous avons vu que différentes interprétations étaient envisageables, nous n'avions pas encore envisagé

celle-ci. La CEAC pourrait donc avoir été créée par l'OACI sans pour autant en être un organe

subsidiaire, sans aucune ratification étatique, l'intervention étatique n'étant pas nécessaire à un tel

processus. Une telle approche, si elle a le mérite de trouver une justification théorique ne semble

51 J.A.Barberis, op.cit., p.218. 52 F.Rousseau, "Joint Vienna Institute: brèves remarques relatives à la création de l'institut commun de Vienne", RGDIP, 1995, p.641.

25

malheureusement pas correspondre à la pratique et au processus créateur de la CEAC. Nous avons en

effet vu que l'intervention du Conseil de l'Europe n'avait été que politique et qu'à aucun moment, ce

dernier ne s'était engagé dans un processus juridique. L'OACI aurait put créer la CEAC comme

organisation internationale, encore aurait-il fallu que d'autres acteurs interviennent afin que la création

ne soit pas strictement unilatérale ! En l'occurence, on constate qu'aucun Etat n'est intervenu dans le

processus et que la seule initiative extérieure à l'OACI n'est qualifiable que d'un point de vue politique

de sorte que le modèle créateur envisagé n'est objectivement pas applicable à la création de la CEAC.

* *

On a tenté de voir dans la Conférence Européenne de l'Aviation Civile une organisation

internationale autonome et disposant naturellement de la personnalité juridique internationale. La

démonstration, dans ses différents aspects, quoique théoriquement fondée, repose sur une démarche

interprétative délicate, voir osée, sinon contestable par le plus volontariste des courants doctrinaux. La

thèse de l'organisation internationale ne nous a cependant pas paru dénuée d'intérêt d'autant qu'elle

semble être corroborée par une multitude d'apparences que nous projetons d'étudier dorénavant. En

effet, au titre de la théorie fonctionnaliste développée par la jurisprudence, il semble que de nombreux

éléments propres à la CEAC témoignent à nouveau d'une proximité troublante avec le modèle de

l'organisation internationale. Il s'agit içi de compléter les premiers développements de ce Chapitre par

une étude de la structure et des fonctions de la CEAC. Si certes, ces caractères peuvent paraître moins

"fondamentaux" que ceux étudiés auparavant en matière de personnalité juridique et de création de

l'organisation internationale, ils sont par contre beaucoup plus séduisants d'un point de vue quantitatif

au point qu'il est possible de poser la question de savoir si à défaut de l'apparence formelle de sa

création, la CEAC n’a pas la substance d’une organisation internationale ?

*

26

Section 2: La Conférence Européenne de l’Aviation Civile présente la

substance d’une organisation internationale.

On peut envisager la CEAC comme une entité dotée de structures et de fonctions propres à

une organisation internationale Cela nous fait croire qu’elle pourrait avoir la substance d’une

organisation internationale. Alors que nous nous pencherons sur des aspects aussi divers que la

structure de la Conférence Européenne de l'Aviation Civile ainsi que sur son rôle, ses buts et son

autorité, on doit tout d'abord s'intéresser à la terminologie employée.

Comme nous le fait remarquer J.Dutheil de la Rochère53 au sujet de la CNUCED, du PNUD

ou de l'ONUDI, la création d'entités internationales, même s'il s'agit d'organes subsidiaires, donne lieu

à une démarche terminologique qui n'est pas innocente, l'indépendance de certains organes se reflètant

avant tout dans le vocabulaire employé:" plutôt que de baptiser comités ou commissions, les organes

qu'elle crée, l'Assemblée préfère leur donner le titre de - Conférence -, de -Programme - voire d' -

Organisation -” . On le voit, l'indice terminologique peut aussi bien servir à donner une image

statutairement pertinente de l'entité envisagée qu'induire en erreur. Une telle remarque nous sert à

illustrer le flou terminologique et dénominatif dans lequel la CEAC a évolué pendant de longues

années de sorte qu'il était difficile de se fier à l'appelation de cette dernière pour y voir une

organisation internationale autonome ou une simple entité dépendante et limitée dans sa compétence.

Ainsi, selon que la CEAC était envisagée en anglais ou en francais, elle était une "Commission" ou

une "Conférence". Cette indétermination a finalement été corrigée au gré de la traduction des

différentes constitutions révisées: la CEAC est aujourd'hui la Conférence Européenne de l'Aviation

Civile. Un tel débat, s'il semble superficiel et inutile, nous démontre cependant l'un des traits

imparfaits du droit international actuel: le consensualisme étant ce qu'il est, les acteurs de la

communauté internationale sont libres de qualifier comme ils l'entendent les entités qu'ils créent au

point qu'il n'est plus possible de s'y fier pour identifier la personnalité internationale des institutions

envisagées. On se méfiera donc des apparences en la matière.

1) Eléments structuraux et fonctionnels.

On doit tout d'abord remarquer que la structure et le fonctionnement des organisations sont

difficilement détachables de la fonction qui leur est assignée. Ainsi, on ne s'étonnera guère de trouver

un modèle structurel globalement commun aux organisations, on ne s'etonnera donc pas non plus de

voir que chaque structure à sa propre finalité statutaire, ses buts et fonctions spécifiques. De l'étude des

structures et des fonctions de la CEAC, on constatera qu'elle présente les spécificités apparentes d'une

organisation internationale.

a) Structures et organisation interne de la CEAC.

1/ Apparence organisationnelle structurelle.

Les aspects structuraux de l'organisation dépendent bien évidemment de la volonté des

créateurs de sorte que l'on ne peut qu'identifier des tendances structurelles, certes souvent

53 J.Dutheil de la Rochère, " Etude de la composition de certains organes subsidiaires récemment créés par l'Assemblée Générale des Nations Unies en matière économique", RGDIP, 1967, p.307, p.315.

27

unanimement respectées, mais qui ne s'imposent pas obligatoirement aux créateurs de l'organisation.

Ainsi, comme le mentionne R.Monaco54, " il faut reconnaitre qu'il n'existe pas de structure typique

qui puisse être adaptée à n'importe quelle organisation internationale (...). Il s'ensuit que les Etats

sont pleinement libres de donner à l'organisation qu'ils entendent créer la structure qui leur semble la

plus apte à réaliser les objectifs qui doivent être poursuivis". Dans ce sens, on ne s'etonnera donc pas

de voir dans la structure de la CEAC une logique répondant à cette nécessité.

A l'image de J.A.Barberis55, on doit reconnaitre que le premier indice de l'existence d'une

structure organisationnelle est l'identification d'organes agissant au nom de l'organisation. Cette

constatation effectuée, il faut affiner l'analyse et tenter de voir des modèles types. De manière

générale, on distingue les organes intergouvernementaux des organes intégrés. Les organes

intergouvernementaux - ou inter-étatiques - sont composés par les représentants des Etats membres

tandis que les organes intégrés sont composés de personnes physiques indépendantes, agissant pour le

compte de l'organisation et non des Etats qui la composent56. Quoique généralement essentiels dans

l'équilibre institutionnel de l'organisation, les organes intergouvernementaux ne caractérisent pas

fondamentalement l'organisation internationale, n'étant que des formations dérivées du système des

conférences internationales. Par contre, l'intervention d'organes intégrés finalise l'identification de

l'organisation internationale. A ce titre, la CEAC dispose logiquement d'un Secrétariat. Il s'agit là d'un

organe permanent, ce qui nous permet de distinguer la CEAC d'une conférence internationale au sens

strict du terme c'est à dire diplomatique et ponctuelle57.

Identifions tout d'abord les différents organes de la CEAC. L'article 4 (1) de la Constitution

de la CEAC récemment modifié (Annexe 3) distingue la Conférence Plénière, les réunions des

Directeurs généraux de l'Aviation Civile et les groupes de travail spécifiques. L'alinéa 2 reconnait

comme organe associé de la CEAC tous les "Comités directeurs institués aux termes des instruments

ou arrangements multilatéraux mentionnés à l'Article 1(4)...", une révision récente de la Constitution y

a ajouté les Joint Aviation Authorities au titre d'organe associé. Enfin, l'alinéa 3 prévoit l'intervention

d'un Comité de Coordination chargé de coordonner les activités de ces différents organes, ceci avec

l'assistance de Secrétariat de la Conférence. Si la Conférence plénière fait office d'organe inter-étatique

principal, elle ne se réunit que tous les trois ans (article 5) sauf sessions spéciales (article 6), c'est en

fait aux reunions des Directeurs Généraux de l'Aviation Civile que revient la charge essentielle de la

conduite et de la gestion régulière des activités de la CEAC (article 7). La CEAC est dirigée par un

Président, personnalité émanant de la Conférence plénière (article 8), assisté d'un Secrétariat

permanent (article 13).

Cette structure, originale parcequ'associant différentes entités extérieures au processus de

décision ou d'élaboration des travaux de la CEAC trouve sa justification dans la nature et l'objet des

activités de la CEAC: entité régionale et sectorielle, la CEAC connait nécessairement une adaptation

structurelle adéquate. On remarquera avant tout que les organes interétatiques et intégrés ne répondent

pas au même règles de fonctionnement (fonction représentative des uns, autonomie et indépendance

bureaucratique des autres) et n'agissent pas au même titre: les organes bureaucratiques ou intégrés, 54 R.Monaco, " Principes régissant la structure et le fonctionnement des organisations internationales", RCADI, 1977, Tome 156, p.109. 55 J.A.Barberis, op.cit., p.221. 56 P.Reuter, J.Combacau, Institutions et Relations Internationales, Thémis, 1985, p.311. 57 M.Virally, " Définition et classification: approche juridique", Revue Internatioanle des Sciences Sociales (UNESCO), vol. XXIX, n°1, 1977, p.64.

28

agissent exclusivement ut universalis tandis que les organes interétatiques agissent aussi bien ut

universalis que singuli. Enfin, des rapports de subordination se créent nécessairement au profit des

organes inter-étatiques et l'intervention de chacun nécessite des règles de coordination. C'est à ces fins

notamment qu'intervient le Comité de coordination au sein de la CEAC. On constate donc que la

CEAC présente une structure globale aisément comparable à celle d'une organisation internationale,

structurée, organisée et textuellement fondée.

2/ Coordination interne et répartition organique des tâches:

La meilleure garantie de l’équilibre entre les organes résultent de la clarté des dispositions des

actes institutifs et la Constitution de la CEAC, bien qu’étant un simple réglement intérieur, semble à

ce propos prétendre à un degré de détail satisfaisant dans la répartition des tâches et fonctions des

différents organes. Ainsi, la coordination entre les organes inter-étatique et intégré de la CEAC

résultera certes de la démarche spécifique du Comité de coordination mais aussi du fait que la

Constitution fixe précisément le rôle du Secrétariat et des différents organes de nature inter-étatique.

Bien évidemment, on ne sera pas étonné de voir le Secrétariat chargé d’une mission d’assistance aux

réunions des Directeurs Généraux de l’Aviation Cifvile, de même qu’à l’égard du Comité de

Coordination et des autres organes de nature spécifique: il leur sera donc logiquement subordonné

d’un point de vue hierarchique. Les organes de la CEAC sont les réunions des Directeurs Généraux de

l’Aviation Civile, la Conférence Plénière mais aussi le Comité de Coordination et le Secrétariat ( les

organes associés prenant de l’importance dans leur domaine spécifique).

- Rôle des organes inter-étatiques: Composés de représentants des Etats membres, ces organes ont

pour rôle d’agir en fonction des buts de l’organisation selon l’intérêt et dans le sens souhaité par les

Etats; ces organes agissent donc, on l’a vu, ut universalis mais aussi ut singuli. Au sein de la CEAC,

on distingue essentiellement la Conférence Plénière, les réunions des Directeurs Généraux de

l’Aviation Civile et le Comité de Coordination.

Selon l’article 5 de la Constitution de la CEAC (Annexe 3), la Conférence Plénière, qui ne

tient qu’une session triennale et est compétente pour élire le Président, les Vice-Présidents, et les

autres membres du Comité de Coordination. Elle examine les rapports d’activité de la CEAC sur les 3

années écoulées et établie le programme de travail pour les 3 années à venir. La Conférence Plénière

est de même compétente pour examiner le budget de la CEAC sur la période en question. Elle est enfin

compétente pour adopter toute recommandation ou résolution nécessaire ainsi que pour définir les

lignes directrices de l’action future de la CEAC. Bien que pouvant éventuellement tenir des sessions

spéciales intermédiaires sur demande des Directeurs Généraux (article 6), la Conférence Plénière n’a

qu’un pouvoir dilué, non du fait de son autorité légale qui en fait trés certainement l’organe inter-

étatique suprême, mais du fait de la faible fréquence de ses sessions. En pratique, sa fonction nous

semble donc en retrait par rapport à l’organe chargé de l’orientation périodique da CEAC: nous

voulons parler des réunions des Directeurs Généraux de l’Aviation Civile.

Celles-ci sont convoquées lorsque le Comité de Coordination le juge nécessaire.. C'est

l’article 7 de la Constitution de la CEAC qui défini les pouvoirs des réunions des DGAC.

Généralement convoquées un minimum de deux fois par an par le Comité de Coordination ou le

Président de la CEAC, on constate d’ores et déja que le champ d’action , la compétence des DGCA est

vaste, élaborant les projets de politique générale soumis aux sessions triennales, se réunissant à

29

intervalles périodiques prôches et disposant de la faculté d’auto-organisation, compétente pour créer

des groupes d’études chargés du travail technique (article 11). Malgré le rôle affirmé des sessions

plénières, les réunions des DGAC semblent véritablement constituer l’organe essentiel de la CEAC,

quant à leur régularité, leur autorité et leur expertise technique. Il ne faut en effet jamais oublier que la

CEAC est une organisation régionale sectorielle à finalité technique et normative, de sorte que

l’essentiel de l’activité sera la coordination technique des réglementations des Etats membres.

Enfin, le Comité de Coordination est composé du President de la CEAC, des Vice-Présidents,

des Présidents des organes associés institués conformément à l’article 4 (2), et d’autres membres du

Comité, dont le nombre total de peut excéder dix, assume les fonctions définies à l’article 10 (2) de la

Constitution de la CEAC.

On le voit, la Constitution de la CEAC procède à une répartition des tâches méthodique et par

degrés; s'il devait y avoir un organe restreint au sein de la CEAC, il s'agirait assurement du Comité de

coordination. Cependant on remarque, outre ses prérogatives de surveillance en matière budgétaire,

qu'il ne dispose que d'un pouvoir de saisine des organes et d'aucune prérogative normative, à la

différence des réunions des DGAC. Le Comité assure donc la convocation des réunions inter-étatiques

en fonction des besoins exprimés par ses membres. L'existence du Comité de coordination s'explique

notamment par le fait qu'il n'est pas possible, de par la nature spécifique des représentants des Etats

membres aux réunions des Directeurs Généraux des Aviation Civile, d'assurer une convocation

permanente des DGAC. En conséquence, la gestion quotidienne de la CEAC, outre le cas des groupes

de travail qui dépendent des réunions des Directeurs généraux, est assurée par le Comité de

Coordination et par le Secrétariat.

Concernant les rapports de ces différents organes avec le Secrétariat, on l'a dit, les organes

inter-étatiques, dans le respect des buts et principes de l'organisation, agissent dans une optique

différente de celle du Secrétariat qui est quant à lui animé par une philosophie d'action ne répondant

qu'aux seuls souhaits des organes auxquels il est soumis et non de ceux des Etats membres envisagés

individuellement. Une question demeure cependant, il nous faut savoir à quel titre le Secrétariat est

subordonné aux organes inter-étatiques, le Secrétariat est-il un simple organe auxilliaire des organes

inter-étatiques ou un organe annexe de la Conférence Européenne de l'Aviation civile reconnu comme

tel par les textes fondateurs ?

- Le Secrétariat 58: D'ores et déja, on relève que le Secrétariat n'a pas été créé comme organe

subsidiaire de l'organe inter-étatique, celui-ci trouvant désormais son fondement dans l'article 13 de la

Constitution de la CEAC. Selon la typologie esquissée par J. Schwob59, le Secrétariat de la CEAC

s'apparente à un organe annexe de la Conférence, son existence étant prévu par les textes, ceci bien

qu'il soit dans une relation de subordination naturelle à l'égard des organes inter-étatiques. L'auteur a

tenté de systématiser les différents types de Secrétariats ceci en fonction de la nature des organisations

internationales observées.

Le Secrétariat de la CEAC s’inscrit dans le cadre traditionnel des secrétariats des organisations

internationales. Organe intégré, le Secrétariat est composé d’agents internationaux. Ainsi, comme nous

58 S.Bastid, Cours de DES " Problèmes juridiques posés par les organisations internationales", 1971, p.478. 59 J.Schwob, Les organes intégrés de caractère bureaucratique dans les organisations internationales, Bruylant, 1987, Bruxelles, p.155.

30

l’indique P.Reuter60, “ les agents internationaux se déterminent en fonction de l’intérêt de

l’organisation, avec plus ou moins d’autonomie suivant leur place dans la structure interne: au

sommet, ils agissent en conscience, n’ayant à répondre de leurs actes devant aucune autorité étatique;

au niveau intermédiaire ou subalterne, ils agissent sur instruction de leur supérieur hiérarchique”.

Ainsi, l’intégration de l’organe résulte de la soustraction de ses membres aux influences nationales.

Explicité différemment par J.Schwob61, les organes intégrés sont “ organisés sur le modèle

bureaucratique, c’est-à-dire sous la forme d’une pyramide hierarchique, culminant en une direction

monocratique ou collègiale à laquelle les services sont organiquement et fonctionnellement

subordonnés”.

Tentons désormais d’affiner l’analyse du Secrétariat de la CEAC. J.Schwob analyse le rapport

entre la fonction des organisations et la nature de leur secrétariat respectif. Selon sa typologie, on

cherchera à identifier le rôle du secrétariat de la CEAC pour mieux qualifier la CEAC d’organisation

internationale. Le Secrétariat de la CEAC est dirigé par une direction monocratique (le secrétaire

exécutif) c’est à dire “impliquant une gestion unipersonnelle (...), le chef de l’organe intégré étant le

seul responsable de la direction, bien qu’il soit entouré d’adjoints, ecux-ci ne sont juridiquement

considérés que comme des subordonnés” 62.

Selon J.Siotis63, on distingue usuellement différents types de secrétariats: administratifs, leur

tâche consiste essentiellement en une simple assistance aux organes inter-étatiques; exécutifs, ils

exercent des fonctions d’initiative et d’impulsion. Qu’en est-il de notre cas ?

Le Secrétariat de la CEAC présente le profil d’un organe intégré d’assistance aux organes

inter-étatiques, ne semblant pas accéder au statut d’organe intégré “d’action” dans la typologie

élaborée par J.Schwob (l’organe d’action sous entendant que le Secrétariat participe au même titre que

les organes inter-étatiques à la fonction d’orientation des activités de l’organisation, par l’exercice

d’un pouvoir d’initiative autonome, pouvant aller jusqu’à l’autonomie d’interprétation des textes

fondamentaux). Le rôle du Secrétariat de la CEAC ne se limite cependant pas à un simple rôle de

“bureau de liaison” chargé de la préparation matérielle des réunions, il participe activement, de par son

expertise technique, à la préparation des decisions des organes intergouvernementaux, notamment au

sein des groupes de travail et des comités d’experts. Dans la typologie de J.Schwob, le Secrétariat de la

CEAC s’apparente à un “ agent d’assistance au processus décisionnel” 64. Ce constat va dans le sens

d’une considération de la CEAC comme une véritable organisation internationale.

En effet, on remarque que les organes intégrés dont les tâches se limitent essentiellement à la

seule préparation matérielle des réunions des organes inter-étatiques (rédaction des procés-verbaux,

reproduction, traduction, transmission des documents aux Etats membres, ...etc...) sont généralement

ceux d’organisations dont la structure et les fonctions se rapprochent d’avantage d’une conférence

internationale institutionnalisée que d’une véritable organisation. Le Secrétariat de la CEAC se voit

confier une mission plus large. Dés que la mission de l’organisation devient principalement la

coordination de l’action des Etats, ce qui est le cas de la CEAC nous le verrons, cela nécessite

60 P.Reuter - J.Combacau, op.cit., p.311. 61 J.Schwob, op.cit., p.5. 62 J.Schwob, op.cit., p.18. 63 J.Siotis, Essai sur le secrétariat international, Genève, Droz, 1963, p.123. 64 J.Schwob, op.cit., p.43.

31

l’intervention d’un organe neutre chargé de collaborer à l’élaboration de projets acceptables. Le

Secrétariat de la CEAC se voit donc confier une mission beaucoup plus large que celle consistant à

simplement assurer la préparation matérielle des réunions. Ainsi, le Secrétariat encadrera

techniquement l’activité des comités d’experts (les groupes de travail envisagés à l’article 13).

Cependant, au sein de ce type d’organe intégré, le secrétaire exécutif reste généralement exclu des

fonctions d’initiative et d’orientation des activités de l’organisation, l’initiative institutionnelle étant

d’avantage l’apanage des organes inter-étatiques ( c’est à ce propos le Président de la CEAC et le

Comité de Coordination qui disposent de la capacité de saisir les organes inter-étatiques, de les réunir

en sessions extraordinaires, ...etc...). Seuls sont accordés aux responsables de ce type d’organe intégré

des pouvoirs minima tels que le droit à la présence aux réunions, le droit d’y prendre la parole ou de

présenter le rapport annuel sur l’activité de l’organisation.

Le cas du Secrétaire exécutif de la CEAC semble bien se conformer à ce modèle. Appliquée à

l’ensemble des membres du Secrétariat, la question connait une solution variable. Devant les organes

techniques (comités d’experts, groupes de travail), il est possible de prétendre que les membres du

Secrétariat ont un pouvoir d’initiative et d’orientation des travaux. Devant les organes inter-étatiques

directeurs, le rôle du Secrétaire semble par contre se limiter aux pouvoirs envisagés ci-dessus (quoique

la pratique démontre souvent qu’il s’agit plus là d’une question de personnalité des secrétaires en place

plutôt que de dispositions légales définies). Cependant, même au stade des Comités ou groupes de

travail, c’est au Comité de Coordination que revient la mission de programmation des activités. Au

stade du suivi technique des actes élaborés par la CEAC, c’est au Secrétariat que revient charge de

contacter les Etats afin de vérifier la mise en oeuvre des résolutions ou recommandations prises. En cas

de problème, les fonctions de contrôle sont alors exercées logiquement par les organes inter-étatiques.

Concernant le Secrétaire exécutif, celui-ci est indépendamment nommé par l’OACI en vertu

des accords administratifs en vigueur, celui-ci ne pouvant être révoqué que selon le droit de la fonction

publique internationale: il n’est donc pas, comme son président, une émanation d’un organe étatique

de la CEAC. En pratique cependant, pour des raisons qui nous semblent être d’avantage de courtoisie

plutôt que véritablement légales, l’OACI veille à obtenir l’accord du Président de la CEAC et des Etats

membres quant à la nomination de tout nouveau secrétaire exécutif. L’organisation interne du

Secrétariat semble répondre à une logique semblable, le personnel du Secrétariat dépendant de l’OACI

ceci tout en étant, en même temps, subordonné aux organes inter-étatiques de la CEAC.

Ainsi, comme nous le fait remarquer une nouvelle fois J.Schwob65 " on peut dire que dans les

organisations qui adjoignent à leur mission délibérative une fonction décisionnelle (élaboration de

recommandations, de conventions internationales,...), le rôle des organes intégrés change. Ils ne sont

plus de simples bureaux au sens strict du terme, mais participent au même titre que les comités

d'experts à la fonction d'étude et de préparation des décisions". Ce modèle correspond à un type

intermédiaire entre le premier et le second type pur selon l'auteur: le Secrétariat tout en demeurant

subordonné aux organes inter-étatiques de la CEAC s'en distingue nettement et est un organe annexe

de l'organisation. Cette qualification structurelle et fonctionnelle du Secrétariat correspond à la

fonction globale de la CEAC. Si la CEAC n'était qu'un simple forum d'échange de vues et discussions,

les tâches de l'organe intégré se seraient limitées à une simple fonction de bureau de liaison. Nous

allons voir que la CEAC s'apparente bien plus à une organisation de coordination des politiques et des

65 J.Schwob, op.cit., p.89.

32

comportements des Etats que de simple harmonisation, les Etats se soumettant à des règles communes

dans leurs relations réciproques, impliquant une coopération normative.

*

Quelles conclusions tirer d'une telle structure ? On l'a constatée, la structure inter-étatique de

la Conférence Européenne de l'Aviation Civile est originale mais propre à une entité à finalité

sectorielle et technique. La nature du secrétariat, ainsi que ses règles de fonctionnement, répondent à

une logique certes semblable mais nous semblent aller plus loin dans leur signification. En effet, nous

l'avons vu, la nature du Secrétariat, comme organe participant au processus décisionnel, est avant tout

la marque d'une organisation internationale que d'une conférence institutionalisée. Bien évidemment,

une telle remarque, si elle n'a pour objet que de départager le modèle de la conférence internationale

institutionalisée de celui de la véritable organisation internationale, ne semble pas pertinente pour

renforcer la thèse de l'organisation internationale contre celle de l'organe subsidiaire. Cependant, il

convient de remarquer que les observations structurelles effectuées sont propres à de nombreuses

organisations internationales autonomes et qu'érigées en critères d'identification de l'organisation

internationale, les remarques structurelles et de fonctionnement tendent à valider la thèse de

l'organisation internationale au profit de la Conférence Européenne de l'Aviation Civile. Nous allons

voir que ces observations sont de plus difficilement détachables d'une analyse fonctionnelle

approfondie de la CEAC.

b) Buts et objectifs de la CEAC.

Nous avons vu que la structure de l'organisation internationale pouvait être au service de sa

fonction. La notion de fonction, nous l'avons envisagée au titre des développements sur la personnalité

internationale de l'organisation, est inhérente à l'organisation internationale et se manifeste notamment

par le respect des buts et objectifs exprimés par la Charte. Elle peut être définie comme " une activité

spécifique orientée vers la poursuite d'une finalité déterminée et extérieure à celui qui en est chargé" 66. Ainsi, la notion de fonction permet d'expliquer la variété des organisations existantes et de

déterminer le rôle de ces dernières par rapport à leurs Etats membres. Selon R.Monaco67." une

connexion entre les objectifs statutaires et les fonctions " doit être effectuée; pour cela, intéressons

nous au domaine matériel des buts et objectifs de la CEAC pour ensuite envisager la méthode

fonctionelle retenue pour leur accomplissement.

1/ Le domaine d'activités de la CEAC: les transports aériens européens.

Le domaine d'activité de la CEAC est envisagé dans ses actes fondateurs (Résolution de

l'OACI, résolution ECAC /1-Res.1 en Annexe 2), les travaux préparatoires que nous avons étudié au

titre de sa création. A cela s'ajoute l'Article 1 de la Constitution de la CEAC (Annexe 3): " 1. L'objectif

de la Conférence Européenne de l'Aviation civile, ci après dénomée "la Conférence" consiste à

promouvoir le développement continu d'un système de transport aérien européen sûr, efficace et

durable (...)". Dans ce contexte, la CEAC est évidemment qualifiée d'organisation sectorielle dans la

66 M.Virally, " La notion de fonction dans la théorie de l'organisation internationale", Mélange Rousseau, 1974, p.281. 67 R.Monaco, "Principes régissant la structure et le fonctionnement des organsiations internationales", RCADI, 1977, Tome 156, p.141.

33

mesure où sa fonction est spécifique à un secteur d'activité, en l'occurence le droit des transports

aériens européens. Si cette compétence est désormais partagée avec l'Union Européenne, l'activité de la

CEAC demeure cependant vaste et l'accomplissement d'un tel objectif général d'amélioration des

transports aériens européens étend l'activité de la CEAC à un large domaine d'intervention. A ce titre,

l'activité de la CEAC concerne des domaines aussi divers que la facilitation, les domaines techniques,

la sûreté, la sécurité aérienne, la libéralisation du ciel européen, l'encombrement du trafic aérien ou

encore l'environnement. Cette liste non exhaustive des activités de la CEAC nous permet d'illustrer

l'Article 1 de la Constitution et de réaliser l'importance et la dimension du domaine d'activité de la

CEAC. Les textes statutaires sont généralement si abstraits que la simple mention de leur contenu ne

permet pas toujours la réelle perception de la fonction de l'organisation en question. Les fonctions de

la Conférence étant envisagées, on doit désormais consacrer quelques développements à la méthode

retenue quant à l'accomplissement de ces buts, nous entendons par là qu'il nous faut savoir de quelle

nature de fonctions la CEAC est titulaire.

2/ La CEAC comme organisation de coordination.

Il s'agit içi de s'intéresser à la fonction dans sa dimension non plus matérielle mais

"méthodologique", en tous cas dans l'optique d'identifier les méthodes retenues quant à la poursuite

des buts et objectifs de l'organisation. Si nous envisageons plus en avant dans l'exposé la nature et la

portée du droit dérivé de la CEAC, nous voulons affirmer içi le rôle de coordination normative que

joue la CEAC et la différencier des organisations dites de simple harmonisation des comportement ou,

à l’opposé, d'intégration. Ces développements sont bien évidemment difficilement détachables de la

question de l'autorité de la CEAC et de ses actes mais nous tenterons de les dissocier afin de ne pas

confondre la logique de l'intervention normative de l'organisation et la question différente de son

autorité. Dans le cadre de ces développement, on devra distinguer la coordination entre membres de la

CEAC et la coordination "externe" de la CEAC avec les autres organisations internationales

compétentes.

. La coordination des politiques et des comportements des Etats membres.

- Coopération ou intégration ? En droit des organisations internationales, on distingue généralement

les organisations de coopération de celles d’intégration. Il n’est pas difficile de faire entrer la CEAC

dans la catégorie des organisations de coopération, celle-ci ne visant à aucun moment, sauf absorbtion

éventuelle par l’Union européenne, à engendrer un processus d’intégration.. Généralement, les

organisations dont la fonction est la coopération ne sont en prise qu’avec les appareils étatiques

quoiqu’elles peuvent entretenir aussi des rapports avec certains intervenants non étatiques tels que les

ONG. Pour la CEAC, il s’agira de contacts avec l’IATA notamment. Dans ce sens, les organisations de

coopération ne rentrent que difficilement en contact avec les particuliers, du moins que par le biais

forcé de l’intervention volontaire de leurs Etats membres. Ainsi, M.Virally68 les considère comme des

“ superstructures (dont le) rôle est de favoriser et de promouvoir l’harmonisation et la coordination

des politiques et des comportements des Etats membres...., les organisations de coopération laissent

intacte la structure fondamentale de la société internationale... (tandis que) les organisations

d’intégration ont pour mission de rapprocher les Etats qui les composent en reprenant à leur compte

certaines de leurs fonctions... elles peuvent être qualifiées de supra-nationales”. Les organisations de

68 M.Virally, “ Définition et classification: approche juridique”, op.cit., p.65.

34

coopération se caractérisent donc par le respect de la souveraineté de leurs Etats membres alors que les

organisations d’intégration se distinguent par le transfert de compétences qu’elles opèrent et

l’affirmation d’un pouvoir de décision. Malgré la nature régionale de la CEAC69 l’examen de sa

Constitution et notamment de son article 1 (3) nous démontre clairement que la CEAC ne vise qu’à

une fonction consultative et donc coopérative

- Harmonisation ou coordination ? Les organisations dites de coopération peuvent se départager en

organisations-forum ou en organisations opérationnelles. L’organisation-forum, cadre de négociations

permettant d’aller du simple échange de vues à l’adoption de règles communes, présente un cadre-type

intéressant pour qualifier la fonction de la CEAC. Cependant, on conviendra que le rôle de la CEAC

ne s’arrête pas à une simple fonction d’harmonisation des politiques et comportements mais vise bien

à leur coordination. En effet, l’harmonisation est selon J.Schwob70, “ à la limite minimale de la

coopération internationale; elle se borne à la prévention et à la réduction des conflits entre les Etats

(...). à la délibération collective”, M.Virally71 note dailleurs à ce propos que “ l’instrument de cette

harmonisation est normalement la consultation (...). L’harmonisation peut toujours être recherchée

par les Etats sur une base bilatérale ou par des rencontres ad hoc (...). L’organisation internationale

est donc loin d’être indispensable”. Une telle affirmation corroborée par l’observation que la CEAC

dépasse cette seule dimension d’harmonisation nous confirme dans notre thèse de l’organisation

internationale apparente. On admettra en effet que la CEAC n’a pas une simple fonction informative

mais qu’elle répond d’avantage à une fonction de coordination. L’harmonisation est dépassée lorsque

les Etats élaborent des règles communes auxquelles ils acceptent de se soumettre. Ainsi, le respect de

ces règles permet l’adaptation des conduites des uns et des autres de sorte qu’une uniformité des

réactions est alors assurée face à des situations similaires. Comme nous allons le voir plus loin dans le

ca s de la CEAC, “ à coté du pouvoir de délibérer, (les organisations internationales) disposent

également du pouvoir d’arrêter , sous des formes diverses, des règles de droit; ce sont ces

organisations qui sont aussi parfois qualifiées de normatrices” 72.

. La coordination des activités avec les autres organisations internationales.

Après nous être penchés sur la coordination verticale effectuée par la CEAC pour le compte de

ses Etats membres, intéressons-nous désormais à la coordination horizontale, en ce qu’elle concerne le

domaine d’activités des organisations internationales entre-elles. Dans la poursuite de ses buts, la

CEAC a naturellement développé des relations extérieures avec d’autres sujets du droit international.

Cette coordination est nécessaire afin d’éviter les duplications entre l’échelon universel (l’OACI) et

l’échelon régional (la CEAC), les échelons sectoriels (Eurocontrol) et plus généraux (l’Union

Européenne)73, M.Folliot74 relève dailleurs que “ ces organisations entretiennent des relations

mutuelles, soit statutaires, soit de facto...”. Approfondissons quelque peu ces remarques introductives.

au niveau inter-institutionnel. La coordination vise à l’obtention d’un équilibre qui est normalement

assuré par un rapport de subordination; en matière d’organisations internationales, sauf

69 M.Folliot, op.cit., p.447 quant aux conditions d’une intégration à l’échelon régional en matière d’aviation civile, p.450 quant aux perspectives d’intégration dans la Communauté Economique Européenne 70 J.Schwob, op.cit., p.32. 71 M.Virally, “ La notion de fonction dans la théorie des organisations internationales”, Mélange Rousseau, Pedone, 1974, p.284. 72 J.Schwob, op.cit., p.32. 73 R.J.Dupuy, op.cit., p.563. 74 M.Folliot, op.cit., p.37, voir aussi p.43.

35

correspondance “factuelle” de leurs membres, la coordination s’impose dans la mesure où nos acteurs

évoluent dans des ordres juridiques autonomes qu’aucun rapport de contrôle ne hierarchise. En matière

de droit aérien, bien que l’OACI prétende au statut d’autorité mondiale, les duplications voires des

contradictions avec les autorités régionales sont toujours probables du fait notamment de la logique

différente qui peut les animer. En conséquence, il s’agit de voir “ comment l’activité de plusieurs

organisations internationales peut être ramenée à une certaine unité, sur la base d’un processus de

rationalisation des fonctions respectives” 75. Qu’en est-il exactement de la CEAC à ce sujet ?

L’article 3 de la Constitution de la CEAC dispose que “ La Conférence entretient une relation

étroite avec l’OACI afin d’activer, par une coopération régionale, la réalisation des buts et objectifs de

la Convention de Chivago relative à l’Aviation Civile Internationale. Elle établit de telles relations

avec d’autres organisations internationales gouvernementales ou non gouvernementales, qu’elle jugera

nécessaires pour la réalisation de l’objectrif de la Conférence”.

- Avec l’OACI: On le voit, les rapports sont statutaires mais non hierarchiques, ils découlent de la

soumission commune à la Convention de Chicago et témoignent donc d’une communauté d’activités:

ils sont donc fonctionnels et d’assistance76. Ainsi, la CEAC, comme toutes les commission régionales,

veille à recommander aux Etats l’application des mesures et plans d’action de l’OACI. En ce qui

concerne les rapports administratifs et financiers, ceux-ci seront étudiés ultérieurement du fait qu’ils

ne posent pas de problèmes propres à la coordination fonctionnelle.

- Avec les autres commissions régionales de l’aviation civile: Les rapports horozontaux entre

instances régionales spécialisées, bien que faisant généralement l’objet de dispositions statutaires,

demeurent en réalité relativement éparses. Si certaines démarches informatives ou de coordination on

été tentées entre la CEAC et la CAFAC et avec la CLAC, M.Folliot77 note à juste titre que cette

coopération demeure peu effective et trop rarement développée. En effet, “ les commission régionales

ont des centres d’intérêts différents (et) n’ont pas toujours réussi à définir des positions régionales

respectives qui pourraient fonder des comparaisons”. D’autre part, si les échanges d’informations

semblent être désormais réguliers, les représentants de chaque commission asistent il est vrai rarement

aux réunions des autres commissions régionales.

- Avec l’Union Européenne: C’est bien évidemment avec l’Union Européenne que la coordination

fonctionnelle parait être au moins aussi importante qu’avec l’OACI, sinon plus importante. En effet,

du fait que l’Union Européenne détient une compétence exclusive pour toutes les questions se

rapportant au marché unique européen, un rapport EMTO de la CEAC a proposé que les rapports avec

l’Union Européenne soient permanents et préalables afin que l’activité normative de la CEAC soit en

harmonisation avec le droit communautaire78. L’efficacité de la CEAC dépendant directement de cette

coordination, l’UE dispose notamment d’un siège d’observateur aux réunions des DGAC de la CEAC.

De plus, des réunions de travail technique ont lieu avec la DG VII de la Commission Européenne: la

coordination est içi globale et effective. On l’a dit, les normes juridiques sont esquissées par la CEAC

et lorsqu'elle ne les propose pas elle-même aux Etats membres ( ce qui fut souvent le cas en matière de

75 R.Monaco, “Principes régissant la structure et le fonctionnement des organisations internationales”, op.cit., p.172 76 M.Folliot, op.cit., p.47. 77 M.Folliot, op.cit., p.48. 78 Documentation interne CEAC: EMTO Rapport, DGCA/91 - DP/2.

36

sureté par exemple), l'Union Européenne les intègre directement dans son droit. A ce stade, la

coordination n'est plus seulement relationnelle, elle est normative.

- Autres organisations: Il serait laborieux d'engager une étude systématique du réseau de coordination

horizontale tissé par la CEAC, on notera pour information que des contacts serrés (siège d'observateur

aux réunions des DGAC, échanges d'informations, etc...) sont aussi assurés à l'égard d'Eurocontrol, de

l'IATA, des JAA, de l'OCDE79 voir de groupements d'Etats comme la CEI 80.,.

On l'a vu, tandis que la structure de la CEAC appelle une analyse digne d'une organisation

internationale, l'examen approfondis des buts et des activités effectives de la CEAC nous a dévoilé le

domaine matériel de la fonctions de coordination de la CEAC. Allons plus en avant et intéressons-

nous à la nature même de la coordination effectuée par la CEAC et à son autorité.

2) Eléments normatifs et droit dérivé.

a) Une fonction de coordination normative.

1/ Notions de fonction normative:

- Distinction des organisations normatrices et opérationnelles: Nous avons vu que la CEAC avait

pour fonction essentielle la coordination des politiques et des comportements de ses Etats membres, la

méthode retenue étant l'activité normative. L'organisation normatrice s'oppose à l'organisation

opérationnelle; en effet, cette dernière vise avant tout à engager des actions de caractère opérationnel

au profit des Etats membres. Dans ce sens, l'organisation opérationnelle et l'organisation normatrice

diffèrent réellement de par la nature de leur intervention respective. Si, on l'a vu, la coopération inter-

étatique institutionnalisée connait différents degrés (harmonisation, coordination, etc...) auxquels la

fonction normative peut correspondre, on distinguera alors les degrés de la coopération en fonction de

l'autorité des normes adoptées (l'intégration, par exemple, sous entendant bien évidemment une

dimension normative supranationale assuré par un appareil juridique coercitif ).

- Fonction normative indirecte: Lorsque l'on parle de fonction normative, R. Monaco81 nous rappelle

qu' " il faut entendre par là non seulement le processus technique de création de normes juridiques

déterminées pour régler l'ordre interne et les relations extérieures de l'organisation, mais aussi

l'ensemble des phénomènes qui, tout en n'étant pas de caractère strictement normatif, jouent quant

même un certain rôle dans le domaine de l'activité normative". Si la question du pouvoir normatif

interne ( autonomie d'organisation, statutaire) de l'organisation ne nous intéresse pas au titre de ce

Premier Chapitre, il faut bien remarquer que l'autonomie normative externe peut s'exprimer de

différentes manières et à l'égard de différents sujets du droit international. La fonction normative que

nous qualifierons, avec R.Monaco82, "d'indirecte" consiste en une action de la CEAC de préparation

directe de projets d'accords internationaux et d'encouragement des Etats à leur adoption (article 1.(4)

de la Constitution). Cette fonction normative se développe à l'égard des Etats membres et 79 Documentation interne CEAC: DGCA/96 - Rapport (03/96), "Projet OCDE sur le transport aérien international", p.11. 80 Documentation interne CEAC: DGCA/95 - DP/15, "Politique envers la CEI". 81 R.Monaco, " Principes régissant la structure et le fonctionnement des organisations internationales", op.cit., p. 142. 82 R.Monaco, ibid., p.148.

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éventuellement avec d'autres acteurs de la communauté aérienne internationale. On peut citer à ce

propos les nombreux accords multilatéraux à l'échelon européen (1956 83, 1960 84, 196785, 1987 86)

ou avec les Etats-Unis (on dénombre différents Mémorandums d'entente - 1982, 1987, 1989, 1990 -

préparés par la CEAC). Cette fonction normative "indirecte" est aussi envisagée par M.Folliot87 sous

le terme de fonction "codificatrice" est relève d'avantage du rôle global de l'OACI en la matière.

On le voit, la CEAC développe une fonction de coordination normative directe et indirecte.

Une telle constatation va dans le sens de notre thèse de l'organisation internationale au profit de la

CEAC. En effet, nous tombons en accord avec M.Virally88 lorsqu'il nous dit qu'une action soutenue en

matière d'élaboration normative " est cependant inconcevable sans l'intervention d'une Organisation

internationale", concluant finalement que "la fonction normative constitue, sans aucun doute, la plus

importante des activités assumées par les Organisations internationales aujourd'hui”.

2/ Expression de la fonction normative directe: le droit dérivé de la CEAC.

Il nous semblait difficile d’étudier la fonction normative directe indépendamment des modes

d’expression de celle-ci. La fonction normative de la CEAC consiste à élaborer pour le compte de ses

Etats membres des normes de coordination de leur politique aérienne selon une échelle d’instruments

présentés à l’article 1.(3) de la Constitution de la CEAC (Annexe 3). Celui-ci dispose que “ Les

fonctions de la Conférence ont un caractère consultatif, et ses résolutions, recommandations ou autres

conclusions sont subordonnées à l’approbation des gouvernements”. On distingue donc les résolutions,

les recommandations et les conclusions; tous ces instruments sont des actes unilatéraux de la CEAC.

Généralement, le terme de “résolution” est entendu comme notion générique à l’intérieur de laquelle

on distingue différents types d’actes selon leur degré de coercition. On distingue alors la

“recommandation” 89 qui peut être assimilée à une invitation à l’adoption d’un comportement mais

obligatoire que si les Etats l’acceptent,de l'avis” qui n’engage pas l’organisation, des “déclarations”

qui permettent à l’organisation de se fixer une conduite à observer sur l’avenir, des “décisions” enfin

qui sont des actes à effet obligatoire.

Concernant la CEAC, cette typologie n’est pas tout à fait respectée. D’une part, les

“résolutions” accèdent à un statut propre et coexistent avec les “recommandations”. A coté des

“conclusions”, la pratique a créer les “principes d’orientation”. Plus ou moins solennelles, ces

instruments n’ont pas de portée obligatoire et ne dépassent donc pas la notion de recommandation90

telle que nous l’avons envisagée selon le droit des organisations internationales.

b) Portée de la fonction normative.

83 Documentation interne CEAC: Doc.7698. 84 Documentation interne CEAC: Doc. 8056. 85 Documentation interne CEAC: Doc. 8681. 86 Documentation interne CEAC: Doc. ECAC/INT.S.16, Appendice 1. 87 M.Folliot, op.cit., p.45. 88 M.Virally, " La notion de fonction dans la théorie de l'organisation internationale", Mélange Rousseau, 1974, p.286. 89 M.Virally, “ La valeur juridique des recommandations des organisations internationales”, AFDI, 1956, p.68. 90 R.Monaco, “ Principes régissant la structure et le fonctionnement des organisations internationales”, op.cit., p.152.

38

1/ Nature consultative de la CEAC:

Selon l’article 1.(3) de la Constitution, les actes de la CEAC n’engagent les Etats que si ceux-

ci le veulent bien, ceci aussi bien au titre de la fonction normative “directe” - le droit dérivé - qu’

“indirecte” - les accords internationaux -. De nature consultative, la CEAC est une organisation forum,

de conseil et de préparation de législation et de réglementation aérienne technique, elle permet donc

aux Etats membres de se concerter d’une manière organisée quant à l’élaboration de normes sans pour

autant les impliquer systématiquement dans un processus coercitif. Cependant, l’expérience sur de

nombreuses années démontre que les Etats font un effort particulier pour mettre en oeuvre

correctement la politique élaborée par la CEAC.

2/ Portée pratique et opposabilité juridique indirecte:

Deux particularités propres à la CEAC lui permettent de bénéficier de relais juridiques

extérieurs et inhérents à sa structure pour rendre opposables ses recommandations ou résolutions:

- Spécificité de la représentation étatique au sein de la CEAC: les DGAC. Nous avons envisagé la

structure de la CEAC avec précision, nous avons constaté que les Directeurs Généraux de l’Aviation

Civile y jouaient un rôle central. Alors que s’agissant des membres des organes inter-étatiques, aucune

exigence de compétence technique est généralement requise, la CEAC présente içi une particularité

propre aux organisations sectorielles à vocation technique. Le modèle choisi retient comme

représentants des Etats les fonctionnaires les plus hauts placés en matière d’aviation civile. Une telle

intervention des autorités administratives au coeur même du processus normatif de la CEAC (les

groupes de travail présentant les projets de réglementation aux DGAC qui avalisent et choisissent, en

fonction de leurs pouvoirs et des domaines traités, le support normatif le plus approprié) est

indéniablement un élément d’efficacité. Un tel système permet en effet de coordonner directement les

politiques des Etats membres en ce que les DGAC, autorité adminsitrative nationale compétente en la

matière, disposent d’une marge de manoeuvre, certes variable, à l’égard de leur hierarchie politique

(les ministres des transports, de l’aviation civile nationale,etc...) selon les domaines et l’importance

des solutions proposées.

Dans le même sens, une intégration supérieure est envisagée par la Constitution (article 6

notamment) au niveau ministériel et est pratiquée depuis 1988 à intervales désormais réguliers, mais

officieux, d’une réunion ministérielle tous les deux ans. Progressivement, la CEAC devient donc une

structure intégrée alors même qu’elle ne dispose d’aucun pouvoir coercitif formel.

- Le relais juridique de l’Union Européenne: On le sait, la compétence de l’Union Européenne s’étend

largement au domaine d’activités de la CEAC (transports aériens, libre circulation des individus et

marchandises, concurrence, etc...) et la coordination entre ces deux organisations permet généralement

l’intégration dans le droit communautaire des normes élaborées par la CEAC. Le droit dérivé

communautaire pouvant être obligatoire pour les Etats membres de l’UE (réglements, directives), rien

n’empêche la DG VII, qui collabore activement avec la CEAC, de proposer à la Commission

européenne la reprise de certaines propositions de la CEAC. Du fait que tous les Etats membres de

l’UE sont membres de la CEAC, l’intégration des normes de la CEAC dans le droit communautaire est

souvent effective; cela ne signifie pas qu’elle est systématique ni toujours nécessaire. Ces remarques

39

ne sont bien évidemment pas pertinentes à l’égard des Etats membres de la CEAC non membres de

l’UE.

En conclusion, on tombe d’accord avec L.Grard91 lorsqu’il conclue que “ en dépit de son

caractère hybride et de ses moyens limités, la CEAC s’impose comme une source importante du droit

aérien”.

* *

L’étude de la création de la Conférence Européenne de l’Aviation Civile nous a révélé que son

apparence formelle allait à l’encontre de sa substance. Afin de faire coincider ces deux tendances

contradictoires et de défendre la thèse selon laquelle la CEAC peut être une organisation

internationale, nous avons tenté de déceler, en l’absence d’un traité institutif au sens strict du terme,

l’existence d’une personnalité juridique internationale implicite. Le recours à une interprétation osée

mais juridiquement éprouvée des actes et des circonstances de création de la CEAC nous a conduit à

admettre la difficulté d’une telle démonstration. Néanmoins, l’examen fonctionnel de la structure et

des buts et objectifs de la CEAC semble pourtant confirmer la thèse de l’organisation internationale.

devant une telle ambiguité, on doit admettre qu’une qualification plus traditionnelle de la CEAC

d’organe subsidiaire de l’OACI présenterait l’avantage de la clareté juridique et nous éviterait de

tomber dans les aléas d’une démonstration interprétative téméraire. Nous allons cependant constater

que le profil présenté par la CEAC ne correspond pas à un modèle pré-établi d’organe subsidiaire de

sorte que le critère formel, la création par une résolution de l’OACI, est une nouvelle fois malmené par

le degré d’autonomie atteind par la CEAC face à son organisation de rattachement théorique.

91 L.Grard, op.cit., p.23.

40

Chapitre Second:

Le degré d'autonomie de la Conférence Européenne

de l'Aviation Civile

- Auto-organisation et émancipation -

41

Qualifier la CEAC d'organe subsidiaire , à défaut de pouvoir identifier une personnalité

juridique internationale distincte de celle de l'OACI, nous conduit à émettre quelques réserves

introductives au titre de ce second chapitre. En l'absence de traité, il nous faut considérer l'acte

institutif de la CEAC et lui donner toute sa portée. Ainsi, créée par une résolution de l'OACI sur

invitation du Conseil de l'Europe, la CEAC présente le profil parfait de l'organe subsidiaire, émanation

directe de son organisation génitrice. Une telle approche subit d'ores et déja le contre-coup des

remarques faites auparavant au titre de notre seconde sous-partie concernant la structure et la nature

des prérogatives de la CEAC; on ne peut cependant l'ignorer tant la qualification de la CEAC

d'organisation internationale nous conduit à une impasse.

Donner à la CEAC le statut d'organe subsidiaire de l'OACI s'impose donc comme un passge

obligé à toute tentative de qualification de la CEAC. On admettra bien évidemment la validité

objective d'une telle solution, celle-ci n'étant cependant absolument acceptable qu'après avoir adopté

une définition stricte de l'organe subsidiaire. Ainsi, celui-ci se doit d'être entendu comme un cadre

générique comprenant toute entité créée par un acte dérivé, à finalité interne, d'une organisation

internationale visant à lui attribuer des fonctions en accord avec ses buts et principes, processus

traduisant le pouvoir d'auto-organisation de l'organisation pour elle-même. s'il n'est pas de l'objet de

cette introduction de définir précisément l'organe subsidiaire, on constatera cependant que limiter la

qualification à la seule prise en compte du critère institutif nous expose à quelques critiques issues

d'une analyse comparée, témoignant de la trop grande variété des cas de figure. Il nous faudra donc

qualifier la CEAC d'organe subsidiaire mais tenter d'affiner la qualification en tenant compte de

critères multiples et voir dans la CEAC un dépassement du modèle-type de l'organe subsidiaire.

Le statut d'organe "autonome rattaché"92 peut-il prétendre exprimer ce dépassement ?

L'analyse détaillée des organes subsidiaires les "plus" autonomes semble justifier la création d'un

modèle d'organe subsidiaire autonome ultime et la terminologie empruntée au Professeur P.Reuter93

nous aurait été d'un évident secours, les notions évoquées - le rattachement, l'autonomie - évoquant

avec succés notre exemple. Ne disposant pas de la personnalité juridique internationale, les "organes

autonomes rattachés" sont cependant des " organes créés après l'entrée en vigueur du traité constitutif

comme les organes subsidiaires, mais en vertu d'un traité et non d'un acte unilatéral de

l'organisation". Un telle définition, agrémentée par la suite d'un critère additionnel de nouveauté des

fonctions attribuées, limite étroitement le domaine de tels organes. Nous avons tenté, au stade de

l'étude de la CEAC en tant qu'organisation internationale, de prendre quelque recul vis à vis du critère

formel institutif et une nouvelle fois, la particularité des caractéristiques de la CEAC nous semble

autoriser une telle démarche.

Nous n'adopterons donc pas la qualification "d'organe autonome rattaché" sinon au prix d'une

requalification des termes choisis pour voir en la CEAC le modèle d’un nouveau type d’organe:

l’organe “autonome hors hierarchie”.

92 P.Reuter, " Sur quelques limites du droit des organisations internationales", Le développement de l'ordre

juridique international, Coll° Ecrits de droit international public, Economica, 1995, p.195. 93 P.Reuter, J.Combacau, Institutions et relations Internationales, Thémis, 1985, p.313.

42

Section 1: La Conférence Européennne de l'Aviation Civile comme organe

subsidiaire de l'OACI.

Envisager la Conférence Européenne de l'Aviation Civile comme un organe subsidiaire, c'est

bien évidemment attribuer à la résolution du Conseil de l'OACI convoquant la première réunion de la

CEAC une dimension créatrice fondamentale. Avant d'entrer dans le détail d'une telle solution, on peut

d'ores et déja relever que la qualification d'une entité telle que la CEAC pose le problème des modèles

de référence. Existe-t'il, quant au principe et à la forme, une notion générale de l'organe subsidiaire ?

La réponse est bien évidemment positive mais doit être sérieusement nuancée. En effet, comme nous le

fait remarquer P.Reuter94, " les organisations internationales vivent dans l'empirisme et n'en sortent

qu'à pas comptés" de sorte que la plupart des organes subsidiaires présentent des caractéristiques

différentes. Dans ce sens, on peut affirmer que le droit international ne connait pas de catégories

formelles et cela complique assurément notre tâche. Tentons tout d'abord d'identifier la notion d'organe

subsidiaire pour ensuite la confronter à notre exemple.

1) La notion d'organe subsidiaire.

On doit admettre que les organes subsidiaires sont fondés sur une manifestation de volonté

propre à l'organisation. Derrière cette simple affirmation se cache une multitude de conséquences dont

deux aspects fondamentaux de l'organe subsidiaire se détachent: d'une part, l'organe subsidiaire est un

organe issu de dispositions de droit dérivé à vocation interne, d'autre part, il est dépendant

statutairement de son organe principal de rattachement. Voyons ces différents éléments.

a) Définition et création de l'organe subsidiaire.

Envisager la CEAC comme un organe subsidiaire de l'OACI, c'est nécessairement distinguer

les organes principaux de l'Organisation et les organes créés par eux. Selon Verdross95, la marque

distinctive des organes principaux par rapport aux organes subsidiaires réside dans la circonstance

selon laquelle la compétence de ces derniers est fondée sur la compétence des organes principaux. Le

Secrétrariat des Nations-Unies96 distingue quant à lui les organes principaux et subsidiaires selon que

" a) un organe subsidiaire est créé par un organe principal de l'ONU ou par délégation de ses pouvoirs;

b) la composition, la structure et le mandat d'un organe subsidiaire sont fixés et peuvent être modifiés

par un organe principal ou par délégation de ses pouvoirs; c) un organe subsidiaire peut être supprimé

par un organe principal ou par délégation de ses pouvoirs " S'il eut peut être été préférable de qualifier

ces organes d' "initiaux" et de "dérivés"97 plutôt que de "principaux" et "subsidiaires", du fait que le

subsidiaire ne signifie pas toujours secondaire; de telles remarques nous conduisent à nous intéresser

au pouvoir d'auto-organisation de l'organisation internationale, au mode formel de création des organes

subsidiaires, élément central de la définition de ce dernier, mais aussi à leurs fonctions

94 P.Reuter, Les organes subsidiaires des organisations internationales, Le développement de l'ordre juridique international, Ecrits de droit international public, Economica, 1995, p.170, p.185. 95 Verdross - Simma, Universelles Volkerrecht, Berlin, 1976, p.98. 96 Répertoire de la pratique des Nations Unies, I, p.249., voir aussi Mémoires , TANU, CIJ, 1954, p.95. 97 P.Reuter, J.Combacau, Institutions et relations internationales, Thémis, 1985, p.313.

43

1/ Le pouvoir d'auto-organisation de l'organisation internationale.

L'acte institutif de l'organisation internationale ne prévoyant la structure de l'organisation qu'à

un moment donné, il semble nécessaire que celle-ci puisse s'adapter à l'évolution de ses buts et de son

environnement. En fait, la reconnaissance d'une telle faculté au profit de l'organisation se justifie afin

d'éviter un pesant et permanent processus de révision. Dans ce contexte, on comprend aisément qu'un

tel pouvoir est reconnu même dans le silence de l'acte constitutif98. Ce sont les organes principaux de

l'organisation qui sont titulaires de ce droit (sauf autorisation expresse dans le même sens faite aux

organes subsidiaires) et celui-ci se manifeste par le biais d'actes de portée interne: on reconnait ici une

expression de la fonction normative interne de l'organisation. L'exercice d'un tel pouvoir doit

cependant ce faire dans le respect des normes de l'acte institutif qui présentent une valeur statutaire

supérieure. D’une manière générale, les actes institutifs récents envisagent fréquemment cette auto-

organisation et lui en fournissent les moyens (voir à ce propos la Charte des Nations Unies: Articles 7,

22, 29, 68 et textes spéciaux propres à chaque organe principal).

Concernant notre cas, l'Article 43 de la Convention de Chicago permet à l'Organisation de

l'Aviation Civile Internationale d'adapter ses structures aux besoins du moment " Il est institué par la

présente Convention une organisation qui portera le nom de (...). Elle se compose d'une Assemblée,

d'un Conseil et de tous autres organes qui pourraient être nécessaires". L'article 55 a) complète cette

modalité générale au nom du Conseil " (Le Conseil peut:) s'il y a lieu et lorsque cela se révèle

souhaitable à l'expérience, créér, sur une base régionale ou autre, des commissions de transport aérien

subordonnées (...)". R.J.Dupuy99 notait dailleurs à ce propos que les organisations techniques mettent

souvent en place une structure locale pour faciliter l'exécution au niveau régional des buts et fonctions

poursuivis, constatant là " une sorte de déconcentration par service par la création d'organes

subsidiaires". Prenant l'exemple de l'OCDE, G.Caty100 remarque dans des termes différents que "

l'Organisation a été amenée à diversifier ses modes d'intervention (...) en décentralisant certaines

activités". En ce qui nous concerne la création de la CEAC par une résolution du Conseil de l'OACI,

nous préfèrerons la notion de "décentralisation" à celle de "déconcentration", cette dernière nous

semblant plutôt correspondre à la mise en place du réseau de bureaux régionaux.

2/ Définition de l'organe subsidiaire:

Nous l’avons dit, la définition de l’organe subsidiaire est facilement altérée par la diversité des

cas et des structures rencontrées. On doit donc tenter de trouver des critères communs.

- Selon un critère formel: Nous venons de voir à quel titre était fondée le pouvoir d'auto-organisation

de l'organisation internationale, voyons désormais comment il se manifeste. La création d'un organe

subsidiaire peut être assimilée à l'expression par excellence du pouvoir d'auto-organisation de

l'organisation internationale. Nous l'avons vu, la base juridique de la création de l'organe subsidiaire

est la résolution d'un organe principal de l'organisation, ne s'agissant pas d'un traité mais d'un acte

unilatéral, l'entité créée n'est pas censée disposer d'une personnalité juridique internationale distincte

98 quant à l'exsitence d'une présomption affirmée par la doctrine du pouvoir normatif implicite de l'organisation, voir R.Monaco, " Principes régissant la structure et le fonctionnement des organisations internatioanles", RCADI, 1977, Tome 156, p.145. 99 R.J.Dupuy, " Droit des relations entre organisations internationales", RCADI, 1960, p.573. 100 G.Caty, " La création de l'Institut International de gestion de la Technologie", AFDI, 1970, p.720.

44

de celle de l'organisation génitrice. Dépassant la stricte analyse formelle de la création de l'organe

subsidiaire et du pouvoir d'auto-organisation de l'organisation génitrice, une définition plus

approfondie de l'organe subsidiaire n'est envisageable que par la considération des fonctions des

organes subsidiaires.

- Selon les fonctions: Comme le souligne R.Monaco101, les rôles attribués aux organes subsidiaires

sont tous aussi divers que ceux reconnus aux organes principaux: fonction d'étude, de consultation,

d'information, de gestion, etc.. la liste est sans fin. A titre complémentaire, on peut cependant noter

que la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés Européennes s'est penchée sur la question

dans différentes affaires (Meroni, 9/56, 10/56). Il ressort de cette jurisprudence qu'il ne peut être

attribué aux organes subsidiaires des fonctions différentes ou plus étendue que celles qui appartiennent

à l'organe qui a opéré la délégation. D'autre part, ces organes ne peuvent se voir attribuer des fonctions

primaires ou essentielles qui sont propres à un organe principal selon le système structurel de

l'organisation. Enfin, les activités directes de l'organe subsidiaire doivent connaitre des mêmes

contrôles et garanties que ceux applicables aux activités identiques mises en oeuvre par l'organe

principal.

A ce stade de l'étude (nous verrons plus en avant que la jurisprudence des Nations-Unies en la

matière est plus nuancée), nous pouvons donc définir l'organe subsidiaire comme un organe créé par

un organe principal de l'organisation au moyen d'une résolution dans le cadre d'une procédure prévue

par la Charte ou implicitement déduite , dotés de fonctions ne se substituant ni ne dépassant le champ

d'activité de son organe principal déleguant. Appliquée à la CEAC dans son rapport institutif avec

l'OACI, cette définition peut paraitre séduisante, la création par l'OACI d'entités comme la CEAC

étant prévue par la Convention de Chicago. Cependant, nous allons voir progréssivement que la notion

d'organe subsidiaire sous-entend aussi de nombreux rapports conséquents de dépendance auxquels la

CEAC ne semble pas satisfaire.

b) Dépendance administrative, institutionnelle et financière de l'organe subsidiaire.

L’organe subsidiaire , de par sa fonction, est généralement trés étroitement lié à son organe

principal créateur et la nature de leurs rapports est envisageable à différents titres. On doit garder à

l’esprit que créé par l’organe principal, l’organe subsidiaire se voit doté en moyens par ce dernier de

sorte qu’un rapport de dépendance s’institue nécessairement. Les rapports sont bien évidemment

institutionnels mais aussi administratifs et financiers.

1/ Rapports et liens institutionnels.

Les organes subsidiaires, parcequ’ils ne sont généralement que le produit d’un autre organe, se

trouvent nécessairement dans une situation d’infériorité hiérarchique à l’égard de l’organe principal.

Cet état de faits est admirablement bien résumé par P.Reuter102 lorsqu’il nous dit que “ l’organe

subsidiaire a un minimum d’individualité propre qui permet de le distinguer de l’organe principal qui

l’a créé ou auquel il est rattaché. Tous les organismes subsidiaires se caractérisent par ces deux traits

qui s’équilibrent: dépendance par rapport à l’organisation, individualité au sein de celle-ci”. Du

101 R.Monaco, " Principes régissant al structure et le fonctionnement des organisations internationales", op.cit., p.124. 102 P.Reuter, “Les organes subsidiaires des organisations internationales”, op.cit., p.184.

45

point de vue institutionnel, des membres de l’organe principal peuvent, et doivent souvent, assister aux

réunions principales des structures dirigeantes de l’organe subsidiaire. Concernant cette question, on

constate qu’un représentant de l’OACI peut siéger aux réunions des DGAC de la CEAC ainsi qu’aux

sessions plénières triennales ou spéciales. Nous nous attarderons plus en avant sur la signification de

cette présence et sur son fondement, on peut quand même d’ores et déja dire qu’elle n’est que la

conséquence d’une invitation de la part de la CEAC en vertu des liens fonctionnels et des accords

entre les deux organisations. D’autre part, il est commun et généralement exigé que les organes

subsidiaires fassent rapport, généralement sur une base annuelle, devant l’organe principal créateur.

Concernant la CEAC, il n’en est rien: l’accomplissement de cette formalité n’est à aucun moment

exigé par les textes. Tout au plus, peut-on constater que la tenue des sessions plénières triennales à

Strasbourg permet à la CEAC de présenter à ses membres un rapport triennal des activités accomplies.

La présence d’un observateur de l’OACI et la tenue de l’évenement dans les locaux du Conseil de

l’Europe ne sauraient donc tromper l’observateur, la CEAC semble présenter à ce propos une trés large

autonomie.

2/ La pratique de l'assistance administrative du Secrétariat

Un autre élément inhérent aux organes subsidiaires est le rattachement adminsitratif à l’organe

principal. Ce caractère est globalement constaté et semble contribuer à l’élaboration d’un modèle-type

d’organe subsidiaire.

En toute logique, il parait peu surprenant que, découlant de son organe principal, les services

de secrétariat, voire de la totalité des instances de l’organe subsidiaire103, soient assurés par du

personnel détaché de l’organe principal. La pléiade de résolutions de Conseil de l’OACI et de la

CEAC concernant les rapports administratifs entre les deux institutions nous le démontre: le

Secrétariat de la CEAC dépend, au titre du statut de son personnel, de l’OACI.

Une telle pratique est aussi observable au sein de l’UNESCO à l’égard d’organismes

formellement parties de celle-ci mais disposant d’une autonomie opérationnelle certaine. Dans ce sens,

on doit envisager l’exemple du Bureau International de l’Education ainsi que le Comité

Intergouvernemental du Droit d’Auteur. Le BIE était une organisation internationale créée en 1929

siègeant à Genève. Elle fut intégrée à l’UNESCO en 1969 tout en gardant une totale autonomie

opérationnelle. Le Comité Intergouvernemental du Droit d’Auteur ant à lui été établi rer le suivi de la

Convention universelle sur le droit d’auteur, adoptée le 6 septembre 1952 à Genève. Les services de

secrétariat du Comité sont assurés par l’UNESCO. Ces éléments, favorables à la thèse de l’organe

subsidiaire, ne doivent cependant pas leurrer. En effet, la pratique de l’assistance administrative des

secrétariats est largement détachable de la pratique des organes subsidiaires et ne semble pas constituer

un caractère exclusif de ceux-ci.

On démontre cette affirmation par le fait que les services de secrétariat de nombreuses

organisations internationales sont assurés par d’autres organisations. En effet, retenons tout d’abord

notre attention sur un premier cas d’organe administrativement dépendant mais staturairement

103 On doit en effet remarquer que les organes subsidiaires ne connaissent pas systématiquement, dans leur organisation interne structurelle, un organe spécifique de représentation des Etats membres de l’organisation: cela dépend esentiellement des fonctions attribuées à l’organe subsidiaire. La CEAC présente ici un profil particulier en ec qu’elle peut admettre, directement et sans passer par l’OACI, des membres à l’adhésion, la condition d’appartenance à l’OACI pouvant être spécialement dépassée.

46

indépendant: il s’agit de la Conférence Européenne des Ministres des Transports dont le Secrétariat est

assuré par les services de l’OCDE. Créée en 1953104, la CEMT a été institutionnalisée par un acte de

droit international originaire indépendant et sans la moindre intervention du Conseil de l’OCDE. Cette

dépendance administrative n’altère bien évidemment pas le libre exercice de ses fonctions par la

CEMT. Le secrétariat de la CEMT est donc implanté dans les locaux e de l’OCDE à Paris et les

organes de l’OCDE n’ont aucun pouvoir d’intervention sur la CEMT.

Toujours dans le cadre de ce genre d’assistance assurée par l’OCDE, retenons encore

l’exemple du “club du Sahel”105. Consécutivement à la première réunion du Club, il fut décidé qu’un

groupe de travail devait être établi en dehors du cadre de l’OCDE auquel il a été décidé d’ajoindre les

services de secrétariat de l’OCDE. Il en est de même pour le secrétariat du Groupe d’Action Financière

sur le blanchiment des capitaux (GAFI) créé le 16 juillet 1989 par le Sommet des Septs grands pays

industrialisés. Par une décision du Conseil de l’OCDE (C-91-82/Final) qui n’intègre pas le GAFI à

l’OCDE, les services de secrétariat du GAFI sont assurés par l’OCDE.

L'OMS nous donne un autre exemple de ce type d'assistance administrative. En effet, l'OMS

fournit le cadre administratif d'un certain nombre de programmes internationaux réalisés

conjointement avec d'autres organisations internationales. Ces programmes sont indépendants de

l'OMS qui fait cependant fonction d'agence administrante. Le personnel de ces programmes est

formellement recruté comme personnel de l'OMS et, à ce titre bénéficie, des privilèges et immunités

de cette dernière. Un dernier exemple peut être tiré de la FAO. Ainsi, l'International Board for Plant

Genetic Resources (IBPGR) a été établi en 1973 par le Consultative Group on International

Agricultural Research (CGIAR). L'IBPGR est défini comme une "organisation internationale,

autonome, philanthropique et sans but lucratif, sous l'égide du CGIAR". La FAO s'est vue confier la

responsabilité administrative du IBPGR par un accord signé en juin 1974.

On le voit donc, la pratique de l'assistance administrative des services de secrétariat est chose

courante et s'applique aussi bien aux organes subsidiaires qu'aux organisations internationales. Dans ce

contexte, on admettra que le seul constat de l'assistance administrative effectuée par l'OACI pour le

compte de la CEAC ne suffit pas à la qualifier d'organe subsidiaire. Si ce type de rapport administratif

est donc nécessaire à la qualification d'organe subsidiaire, il n'est cependant pas suffisant.

3/ Questions budgétaires et financières:

Généralement, les organes subsidiaires sont soit financés sur le budget de leur organe principal

de rattachement, soit selon le système du financement volontaire. Ce système implique une

participation financière, en fonction des besoins nouveaux, des Etats membres de l'organisation mais

selon leur volonté respective, sans obligation. La technique des "fonds spéciaux" peut servir de

complément à cette technique du financement volontaire. Une nouvelle fois, la diversité des exemples

nous amène à opérer avec prudence selon les organisations.

Ainsi, concernant l'OCDE, G.Caty106 nous rappelle que corrélativement à l'individualisation

organique qui s'effectue avec la création d'un organe subsidiaire, s'opère une individualisation

104 D.Vignes, “ La Conférence Européenne des Ministres des Transports”, AFDI, 1955, p.496. 105 Informations procurées par Monsieur Nicola Bonucci, service juridique de l’OCDE. 106 G.Caty, " La création de l'Isntitut International de Gestion de la Technologie", op.cit., p.721

47

financière. Du fait de la diversification des activités de l'OCDE, il semble logique d'assister à une

diversification de leur financement. Le financement des organes subsidiares de l'OCDE s'effectue donc

sur le budget II qui est constitué par les actions spécifiques qui n'intéressent qu'un nombre réduit

d'Etats. Le financement de la CNUCED107, qui est un organe subsidiaire de l'Assemblée Générale des

Nations Unie, est prévu à l'article 27 de la résolution 1995 (XIX) de l'AG.ONU. Celui-ci dispose que

les dépenses de la CNUCED, de son Secrétariat ainsi que de ses propres organes subsidiaires, seront

imputées sur le budget ordinaire de l'Organisation des Nations Unies dans lequel un chapitre devait

être ouvert à cet effet; ce mode de financement n'exclut pas les contributions volontaires. Dans une

optique de décentralisation régionale enfin, on peut relever l'exemple des conférences régionales de

l'OMS. Hierarchiquement soumises à l'Assemblée Mondiale de la Santé, les instances régionales n'ont

aucune autorité budgétaire et relève donc, d'un point de vue financier, de l'échelon central.

Que dire alors du rattachement financier de la CEAC à l'OACI ? Nous verrons plus loin que le

modèle de financement retenu dépasse quelque peu, en terme d'autonomie, le cadre budgétaire-type de

l'organe subsidiaire tel que nous venons de le voir.

2) Compétence fonctionnelle et dépassement du modèle-type.

La difficulté d'appréhender le phénomène de l'organe subsidiaire et de systématiser ses

caractères fondamentaux s'explique par la diversité des cas rencontrés. De plus, au facteur quantitatif

s'ajoute la variété des degrés de rattachement des organes subsidiaires à l'égard des organes principaux.

Comme le souligne R.J.Dupuy108, on doit garder en permanence à l'esprit que " doté nécessairement

d'un minimum d'individualité, l'organe susidiaire balance entre la dépendance et la quasi-autonomie".

On doit de même remarquer que cette "quasi-autonomie" découle quasi-systématiquement d'une

nécessité logique fonctionnelle de sorte que la nature des fonctions exercées par les organes

subsidiaires et la recherche de leur pleine efficacité contribuent à autonomiser l'organe. Ceci n'est pas

sans poser d'épineux problèmes de coordination des compétences entre les organes principaux et

subsidiaires d'une part. D'autre part, cela nous conduit à envisager l'existence de cas de dépassement du

modèle-type de l'organe subsidiaire.

a) Extension et coordination des compétences.

Comme on l'a vu au cours de notre étude sommaire des fonctions des organes subsidiaires, les

compétences qui peuvent être attribuées aux organes subsidiaires ne connaissent que des limites

relatives à leur coordination avec celles de l'organe principal. On doit cependant envisager le cas

d'organes subsidiaires dont les compétences dépassent légèrement le cadre strict établi par la CJCE

dans sa jurisprudence Meroni 109.

1/ Les compétences dévolues aux organes subsidiaires selon la fonction de l'organisation.

Il s'agit en fait de parler ici de la notion de compétence fonctionnelle de l'organe subidiaire.

107 J.Dutheil de la Rochère, " Etude de la composition de certains organes susidiaires récemment créés par l'Assemblée Générale des Nations Unies dans le domaine économique", RGDIP, 1967, p.314. 108 R.J.Dupuy, op.cit., p.574. 109 infra p.62.

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Celle-ci implique, selon les conclusions de P.Reuter110, deux constatations essentielles. D'une

part, " les organes subsidiaires peuvent assumer toutes les tâches essentielles aux fonctions de

l'organisation " mais d'autre part, " les organes subsidiaires ne peuvent assumer aucune tâche

étrangère ou non essentielle à ces fonctions". Dans ce contexte, l'auteur note que le caractère des

compétences de l'organe subsidiaire ne pose alors pas de problèmes (juridictionnel,

réglementaire,etc...), la seule limite étant que ledit organe n'exerce pas des compétences dépassant le

domaine propre à l'organisation. Il découle de cela que la création des organes subsidiaires ne saurait

conduire nécessairement à un élargissement des compétences de l'organisation et cela confirme

l'affirmation de P.Reuter selon laquelle " en dehors des fonctions de l'organisation, il n'y a de place

pour aucun organe subsidiaire". Cependant, comme nous le fait remarquer R.Monaco111, on constate

une certaine variabilité du champ d'action des organes subsidiaires. Bien évidemment, toutes les

compétences dont sont dotés les organes principaux ne peuvent pas être déléguées aux organes

subsidiaires mais cette limitation ne signifie pas que " l'organe subsidiaire ne puisse exercer que des

fonctions qui lui sont déléguées, c'est-à-dire des fonctions qui sont propres à un autre organe: ne sont

exclues du champ d'action de l'organe subsidiaire que les seules fonctions essentielles des organes

principaux". Cependant, l'auteur admet finalement que, et cela confirme l'extension fonctionnelle des

compétences des organes subsidiaires depuis la solution de la jurisprudence Meroni, peuvent se voir

révélées des compétences qui n'étaient pas exercées avant la création de l'organe subsidiaire et qui

connaissent alors une opportunité de réalisation par la création de ce dernier. R.Monaco conclue alors

que " en bonne substance, ce qui importe vraiment c'est que les limites générales de la compétence de

l'organisation ne soient pas dépassées".

2/ Dimension fonctionnelle de l’organe subsidiaire:

L’organe subsidiaire est créé par son organe principal auquel il accorde généralement une

mission d’assistance dans son fonctionnement mais aussi dans son activité. La dimension fonctionnelle

de l’organe subsidiaire est alors purement interne à l’organisation et à ses organes. Une dimension

fonctionnelle extérieure doit aussi être décélée. En effet, de nombreux organes développent leurs

activités non plus exclusivement pour le compte des organes principaux mais directement à l’intention

des Etats membres. Cette tendance traduit une nouvelle fois le phénomène d’extension des

compétences des organes subsidiaires et s’observe quant à leurs destinataires. R.Monaco112 remarque

à ce propos que “ la circonstance qu’ils font cela sous le contrôle formel d’un organe principal ne

change rien à la substance des choses”. L’auteur relève ainsi l’exemple des Commissions régionales

du Conseil Economique et Social des Nations Unies, mais aussi de nombreux organes subsidiaires de

la FAO qui ont pu transformer certaines fonctions initialement purement consultatives en véritables

fonctions opératives au service des Etats.

La CEAC répond-t-elle à une simple démarche fonctionnelle extensive de l’OACI ? Quant au

domaine , assurément non. Nous avons vu que le domaine d’activités de la CEAC était dans la lignée

des fonctions attribuées à l’OACI. Par contre, il est évident que dans une logique régionale, les

activités de la CEAC profitent immédiatement et directement à ses Etats membres. On le voit donc, la

CEAC présentait déja des particularités au stade des critères distinctifs de l’organe subsidiaire, le

constat est aggravé par la dimension fonctionnelle extérieure de ses travaux. La conséquence

110 P.Reuter, " Les organes subsidiaires des organisations internationales", op.cit., p.178. 111 R.Monaco, op.cit., p.125. 112 R.Monaco, op.cit., p.126.

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essentielle de cette dimension fonctionnelle est qu’un dépassement relatif du modèle-type de l’organe

subsidiaire tel que nous l’avons ébauché au début de ce Second Chapitre est envisageable.

b) Accroissement du degré d’autonomie de l’organe subsidiaire et dépassement du

modèle-type.

Comme le notait S.Bastid113, le mécanisme des organes subsidiaires a connu une utilisation

remarquable et extensive et “ a abouti à permettre une adaptation en ce qui touche les activités

nouvelles, non formellement prévues par la Charte et dont la nécessité a été reconnue”. Cette

extension du champ d’activités, et corrélativement des compétences des organes subsidiaires, a

conduit, par un mouvement de parallélisme consécutif, à un accroissement du degré d’autonomie de

ces mêmes organes. On voit là un élargissement du concept.

1/ Le dépassement par la compétence fonctionnelle:

- L’avis sur l’effet de jugements du TANU accordant une indemnité de la CIJ (Avis consultatif du 13

juillet 1954) 114. Il se peut que dans des cas particuliers, un organe subsidiaire puisse exercer des

compétences qu’un organe principal ne possède pas. C’est ce qui résulte de l’avis précité de la CIJ

concernant le Tribunal Administratif des Nations Unies qui, bien qu’il soit un organe subsidiaire de

l’Assemblée Générale, exerce des fonctions juridictionnelles dont l’Assemblée n’est pas dotée. La

question essentielle qui était posée à la Cour était celle de savoir si, vu le statut du TANU,

l’Assemblée Générale avait le droit, pour une raison quelconque, de refuser d’exécuter un jugement du

Tribunal accordant une indemnité à un fonctionnaire des Nations Unies licencié sans son

consentement ?

La Cour répondit par la négative, qualifiant le TANU d’organe juridictionnel, institutué

comme un corps indépendant et véritablement doté de prérogatives d’ordre judiciaire, prononçant des

jugements définitifs sans appel. La Cour remarque que disposant du pouvoir d’annuler des décisions

du plus haut fonctionnaire des Nations Unies - le Secrétaire Général -, le Tribunal ne peut être

considéré comme un organe simplement consultatif ou subordonné. Il en va en fait de l’autorité même

de la fonction judiciaire d’être indépendante et autonome. La motivation de l’argumentation est une

nouvelle fois fonctionnelle. En effet, en l’absence de dispositions expresses prévues par la Charte des

Nations Unies, il ressort que le pouvoir de l’Assemblée Générale de créer un Tribunal compétent pour

rendre des jugements liant les Nations Unies est nécessairement impliqué en ce qu’il est essentiel pour

assurer le bon fonctionnement du Secrétariat, que le règlement des différends relatifs aux contrats

d’engagement soient résolus selon les principes généraux du droit et de justice de la Charte. Le fait

que le TANU soit un organe subsidiaire, secondaire ou subordonné est sans importance quant aux

pouvoirs qui lui sont attribués, l’élément central du raisonnement étant l’intention initiale de

l’Assemblée Générale lorsqu’elle a créé le TANU: en l’occurence créer un corps judiciaire autonome.

La Cour n’a donc pas fondé le pouvoir de l’Assemblée Générale de créer un corps judiciaire sur sa

faculté de créer des organes subsidiaires (art.22 de la Charte) mais a une nouvelle fois eut recours à la

notion de compétence fonctionnelle. Ceci nous démontre en fait qu’en créant le TANU, l’Assemblée

Générale n’a exercé aucune délégation de compétence, ne disposant pas elle-même des compétences

attribuées.

113 S.Bastid, “ Problèmes posés par les organisations internationales”, Cours de DES, 1972, p.438. 114 Rec. 1954, p.41.

50

Un exemple complémentaire, quoique reposant cette fois-ci sur une argumentation quelque

peu différente, peut être trouvé dans la récente création par le Conseil de Sécurité du Tribunal Pénal

pour l’ex-Yougoslavie (Résolution 827 du 25 mai 1993). En effet, selon le TPI lui-même (interrogé

sur sa propre compétence dans l’affaire Tadic, jugement du 10 août 1995), le Conseil de Sécurité était

compétent pour créer un organe subsidiaire doté de prérogatives juridictionnelles en vertu de sa

fonction fondamentale de maintien de la paix (Chap.VII de la Charte) de sorte qu’il faut voir ici une

délégation de ses compétences en matière de maintien de la paix de la part du Conseil de Sécurité, le

TPI étant créé en vertu de l’article 29 de la Charte.

On le voit donc, le champ de compétences de l’organe subsidiaire de l’organe subsidiaire

s’étend considérablement à l’aide de la notion de compétence fonctionnelle de l’Organisation. A une

telle approche correspond souvent une adaptation corrélative des critères de rattachement traditionnels

entre l’organe principal et l’organe subsidiaire. La conséquence ultime de ce processus est

l’émancipation de ce dernier et l’affirmation d’une autonomie de plus en plus insolente.

2/ Exemples d’organes subsidiaires particulièrement autonomes:

L’Unicef présente des caractéristiques intéressantes. Organe subsidiaire de l’Assemblée

Générale des Nations Unies, l’Unicef accède à une autonomie financière et peut ainsi gérer ses

ressources, percevoir des contributions, ordonner des dépenses et exécuter des services rétribués.

L’Unicef peut même entrer en relation directe avec les gouvernements au point de pouvoir conclure

des accords avec les Etats. A ce propos, P.Reuter 115 constate que certains organismes de gestion “

prennent parfois une telle autonomie et traitent de(s) problèmes si particuliers que ce sont de

véritables organisations nouvelles au sein des Nations Unies qui se développent”. Le même constat est

à faire au sujet de la Commission de conciliation pour la Palestine qui peut elle-même créer des

organes subsidiaires alors qu’elle est elle-même un organe subsidiaire de l’Assemblée générale des

Nations Unies (cf: l’Office de Secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine

dans le Prôche-Orient - UNWRA -). On mentionnera enfin, pour mémoire, l'exemple de la

Commission Intérimaire de l’Assemblée Générale des Nations Unies

3/ Le dépassement conventionnel:

Il est des cas aussi où le dépassement constaté du modèle type a été institutionalisé et a conduit

à la transformation, par convention internationale, de l'organes subsidiaire en une organisation

internationale autonome. Désormais institution spécialisée des Nations Unies, L'ONUDI a connu ce

sort. En effet, nous l'avons déja envisagée, l'ONUDI fut créée par une résolution 2089(XX) du 20

décembre 1965 de l'Assemblée générale des Nations Unies comme une institution autonome opérant

dans le cadre des Nations Unies chargée de promouvoir le développement industriel en général et de

favoriser plus spécialement l'industrialisation des PVD. Comme nous le fait remarquer J.Dutheil de la

Rochère116, il s'agissait en fait "seulement d'un organe subsidiaire auquel le titre d'organisation

(voulait) conférer une indépendance particulière mais qui ne possède pas de personnalité juridique

internationale". Le statut a finalement été mis en accord avec la terminologie employée. En effet, sous

l'impulsion des PVD qui souhaitaient en faire une institution spécialisée disposant d'une autonomie et

115 P.Reuter, “ Les organes subsidiaires des organisations internationales”, op.cit., p.170. 116 J.Dutheil de la Rochère, op.cit., p.315.

51

d'un financement plus prononcés, l'ONUDI a été transformée en organisation internationale par un acte

constitutif adopté le 8 avril 1979 à Vienne, entré en vigueur le 1er janvier 1986. Comme nous le fait

remarquer D.S Bousso-Sall117, ce changement de statut semble être unique dans l'histoire des Nations

Unies.

* *

Ce dernier exemple peut être interprété comme une conséquence logique du processus de

dépassement que nous avons observé. Arrivé à un stade avancé d'autonomie, l'organe subsidiaire

répond t-il encore à sa définition initiale et doit-il évoluer dans son statut ? Il semble peu probable

d'envisager une mutation systématique de ces organes subsidiaires en organisation internationale

d'autant qu'une telle mutation n'est finalement pas toujours profitable (voir la situation actuelle de

l'ONUDI). La notion d'organe susidiaire est donc une notion cadre qui s'élargit au fil de la pratique

créative des organes principaux des organisations internationales. Généralement consécutif à une

extension de ses compétences en vertu de la compétence fonctionnelle générale de l'organisation, le

dépassement du modèle-type ne peut-il pas prétendre justifier la création d'une nouvelle catégorie

d'organes "autonomes" mais non dotés de la personnalité juridique internationale ? Cette question se

justifie d'autant plus que la particularité de la CEAC, nous l'avons vu, n'est pas fonctionnelle et ne peut

donc, nous semble t-il, prétendre valider la thèse de l'organe subsidiaire élargi. De ce constat, deux

conclusions sont enviageables: d'une part, la CEAC est finalement un organe subsidiaire du Conseil de

l'OACI au sens strict du terme, aucun dépassement fonctionnel n'étant observable; d'autre part, dans

une optique contraire, la CEAC va plus loin encore que le simple dépassement fonctionnel de la notion

d'organe subsidiaire et justifie la création d'un nouveau modèle d'organe "autonome". La seconde

alternative se présente en fait à nos yeux comme une solution de compromis évidente entre la thèse de

l'organisation internationale que nous avons défendu avec optimisme dans notre Premier Chapitre et la

thèse irrémédiablement trop aléatoire de l'organe subsidiaire telle que nous venons de l'exposer.

Section 2: La Conférence Européenne de l'Aviation civile comme organe

"autonome hors hierarchie”.

L'objet de notre propos est içi de voir en la Conférence Européenne de l'Aviation Civile le

modèle d'une nouvelle catégorie d'organes dits "autonomes hors hierarchie". Ceux-ci seraient

formellement créés par une résolution d'une organisation internationale mais atteindraient par la suite

un tel degré d'autonomie que la simple qualification d'organe subsidiaire perdrait de sa pertinence, ceci

alors que la qualification d'organisation internationale , nous l'avons vu, implique une démonstration

théorique et interprétative compliquée et contestable. Le besoin d'un tel renouvellement de la typologie

des organes subsidiaires se fait ressentir à la lecture de nombreux auteurs. De la diversité des cas et des

degrés dans l'autonomie de chacun, on ressent un certain malaise dans la tentative de systématisation

du concept et une incertitude qui nous semble compromettre l'autorité de la notion. Ainsi, R.J

Dupuy118 note, dans le cas de la Banque Européenne d'Investissement, que " l'organe subsidiaire (...)

peut se voir attribuer des capacités juridiques aboutissant à une véritable personnalité

internationale". Un tel constat nous semble éloquent et parfaitement adapté au cas de la Conférence

117 D.S Bousso-Sall, " Organisations internationales à vocation universelle", La Documentation Française, Paris, 1993, coll° Les notices, p.75. 118 R.J. Dupuy, op.cit., p.575.

52

Européenne de l'Aviation Civile: une entité peut-elle accéder à une telle personnalité internationale

alors que de son mode de création formel découle la qualification d'organe subsidiaire ? P.Reuter119

répond à cette question en constatant que " certains organismes subsidiaires n'ont pas l'ombre d'une

personnalité internationale propre, d'autres en possèdent certains attributs.". On admet donc la

nécessité d'envisager une nouvelle catégorie d'organes présentant les attributs de l'organisation

internationale tout en étant créés au moyen d'un acte unilatéral d'une organisation internationale

préexistante.

Quant à la nature des termes employés, un concept aurait pu prétendre illustrer cet état de

faits: celui d'organe "autonome rattaché" tel qu'élaboré par P.Reuter120 Malheureusement, nous allons

le voir, il s'agit une nouvelle fois d'une classification fondée sur le critère formel des circonstances de

création de l'organe, critère dont nous tentons de nous détacher depuis le début de cet exposé. Nous

allons donc procéder à un dépassement du concept élaboré par P.Reuter et proposer un modèle

d'organe subsidiaire élargi, "autonome", rattaché uniquement en ce qu'il est effectivement le fruit d'une

résolution créative mais évoluant indéniablement en dehors de toute hierarchie intitutionnelle propre à

l'organisation génitrice. Dans ce contexte, la CEAC se verra donc dotée d'une autonomie caractérisée

et multiforme, ceci à fin de compenser son défaut formel de personnalité juridique internationale.

1) La difficile qualification d'organe "autonome rattaché".

On l'a dit, les termes employés par P.Reuter auraient pu présenter un intérêt certain si le

concept correspondant avait été représentatif de notre cas: il n'en est rien.

a) L’inadaptation du concept d'organe "autonome rattaché".

1/ Définition de l'organe “autonome rattaché”:

P.Reuter121 définit l'organe "autonome rattaché" comme un organe " créé après l'entrée en

vigueur du traité constitutif comme les organes subsidiaires, mais en vertu d'un traité et non d'un acte

unilatéral de l'organisation. Les parties à ce traité, qui sont en général parties au traité constitutif de

l'organisation, créent un organisme pour remplir une fonction nouvelle et, à raison de son lien avec

les fonctions confiées à l'organisation existante, ils le rattachent à cette dernière". Il se peut qu'une

résolution de l'organisation intervienne tout de même mais elle sera alors jumelée avec un accord

intergouvernemental. La résolution créera l'organe mais c'est l'accord international qui dotera l'organe

de ses compétences, celles-ci étant généralement nouvelles par rapport à l'acte institutif de

l'organisation de rattachement. Ainsi, " l'organisation joue un rôle en tant que personne juridique,

puisque c'est une de ses délibérations qui crée un organe subsidiaire mais c'est la volonté des Etats en

tant que telle qui assume de nouvelles obligations" 122. L'organe "autonome rattaché", bien que créé

par traité, ne dispose donc pas d'une personnalité juridique internationale indépendante de celle de son

organisation de rattachement. L'idée de rattachement que retient P.Reuter est donc purement

institutionnelle et ne permet pas de distinguer fondamentalement l’organe "autonome rattaché" d'un

classique organe subsidiaire, mis à part son mode de création. De plus, le critère d'autonomie retenu ne

119 P.Reuter, " Les organes subsidiaires des organisations internationales", op.cit., p.185. 120 P.Reuter, " Sur quelques limites du droit des organisationsinternationales", op.cit., p.195. 121 P.Reuter, J.Combacau, Institutions et relations internatioanles, op.cit., p.313. 122 P.Reuter, " Les organes subsidiaires des organisations internationales", op.cit., p.174.

53

semble traduire que l'extension conventionnelle des compétences dudit organe par rapport aux

compétences et fonctions initiales de l'organisation. On retombe alors dans la logique de nos

développements précédents quant au dépassement du modèle-type de l'organe subsidiaire. On ne peut

bien évidement pas appliquer cette qualification à la CEAC. Si les termes de "rattachement" et

"d'autonomie" sont intéressants dans le cas de la CEAC, on ne pourra les appliquer dans le sens que

veut bien leur donner P.Reuter.

2/ La CEAC n'est pas un organe "autonome rattaché":

D'une part, et c'est ce qui motivait nos développements du Premier Chapitre, la CEAC n'a pas

été créée formellement par traité international mais par une résolution du Conseil de l'OACI ( Annexe

1) reprise par la session inaugurale de la CEAC (Annexe 2). Il n'intervient donc pas ici de traité

international, tout au plus un accord des Etats membres de la CEAC participant à la session inaugurale

peut être déduit de la résolution ECAC/1-res.1 mais sans qu'aucun indice de rattachement formel à

l'OACI ne puisse en être déduit.

Le défaut de ce premier critère est corroboré par la dimension fonctionnelle de la CEAC par

rapport à l'OACI. En effet, la CEAC ne vise absoluement pas, on le rappelle une dernière fois, à

exercer des compétences nouvelles, non prévues par la Convention de Chicago au profit de l'OACI. Ce

critère d'autonomie fonctionnelle de l'organe "autonome rattaché" tel qu'envisagé par P.Reuter ne

saurait donc correspondre à la réalité fonctionnelle de la CEAC d'autant que s'il est un rare domaine où

la CEAC se voit statutairement affilié à l'OACI, c'est bien celui de la fonction fondamentale de

contribution à l'application du droit aérien tel qu'élaboré par l'OACI à l'échelon mondial (art. 1 de la

Constitution de la CEAC, Annexe 3).

b) La CEAC comme modèle d'organe "autonome hors hierarchie"

On l'a dit, le concept n'est pas étranger aux notions "d'autonomie" et de "rattachement". Il

suffit seulement de les définir précisément de sorte que le rattachement ne sera qu'administratif et

fonctionnel, l'autonomie étant financière et institutionnelle.

1/ Le rattachement administratif de la CEAC à l'OACI:

- L'assistance de l'OACI dans les services de secrétariat de la CEAC: L'Article 13 de la constitution de

la CEAC (Annexe 3) relatif au fonctionnement du Secrétariat de la Conférence prévoit la conclusion

d'accords administratifs entre l'OACI et la CEAC afin que les services de secrétariat soient assurés.

L'article 65 de la Convention de Chicago va dans le même sens123 et autorise donc la conclusion

d'accords avec d'autres organismes internationaux afin d'assurer un développement harmonieux des

travaux de l'Organisation. Celui-ci permet donc à l'OACI de passer des arrangements en matière de

personnel. Comme nous le fait remarquer J.Naveau124, ce sont les bureaux régionaux - ou "agences" -

de l'OACI qui servent de support à ce genre de coopération administrative. On ne s'étonnera donc pas

de voir le Conseil de l'OACI accorder son assistance administrative et financière afin que les services 123 Article 65 " Le Conseil peut, au nom de l'organisation, conclure avec d'autres organismes internationaux des accords en vue d'entretenir des services communs et d'établir des arrangements communs au sujet du personnel et peut, avec l'approbation de l'Assemblée, conclure tous autres arrangements de nature à faciliter le travail de l'Organisation". 124 J.Naveau, - M.Godfroid, Précis de droit aérien, U.L.B, 1988, p.82.

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de secrétariat de la CEAC soient assurés (voir la résolution ECAC/ 1-rés.1, 1955, Annexe 2). Dans ce

sens, la résolution A10-5 de l'Assemblée de l'OACI (1956) constate la création de la CEAC et met à sa

disposition les services du bureau régional de l'OACI à Paris. Le premier accord concernant les

services de secrétariat de la CEAC fut conclu en 1969 (Annexe 4) et fut ultérieurement actualisé à

partir de 1991 (voir à ce propos les résolutions A18-21, A27-17 de l'OACI et les résolutions

correspondantes de la CEAC) : ceux-ci prévoit entre autre la libre disposition au profit de la CEAC

des locaux de l'OACI, de ses moyens de traduction, d'études, d'archives, de correspondance..... Ce type

de relations a connu depuis une pratique courante et l'on ne s'étonnera donc pas de retrouver de tels

accords entre l'OACI et d'autres Commissions régionales de l'Aviation Civile telles que la Commission

Latino-Américaine et la Commission Africaine (Annexes 7 & 8).

- Statut du personnel et privilèges: Dans la logique de l'assistance dans les services de secrétariat,

celle-ci s'étend bien évidement au statut du personnel de la CEAC. Selon l'Article 13 (2) de la

Constitution relatif au Secrétariat " Le Secrétariat central comprend des membres du personnel de

l'OACI affectés à la Conférence, conformément à des arrangements financiers et administratifs agréés,

et peut être complété, lorsque la Conférence le juge nécessaire pour des tâches spécifiques, par du

personnel employé en vertu de tout autre arrangement dont elle pourrait convenir ". Ces dispositions

sont bien évidemment confirmées par tous les accords et résolutions relatifs aux questions financières

et administratives (Annexe 4 & 5). Composé d'un Secrétaire Exécutif, de cadres professionnels (P)

ainsi que de personnel des services généraux (G), le personnel du Secrétariat de la CEAC fait donc

partie de l'OACI et peut donc être considéré comme du personnel détaché (en ce qu'il n'a d'ordres à

recevoir que des instances dirigeantes de la CEAC) au sens qu'attribue à cette notion le droit de la

fonction publique internationale. En conséquence, le Statut et le Réglement du personnel de l'OACI

s'applique au personnel de la CEAC, cela implique toutes les caractéristiques propres à l'organisation

bureaucratique d'un secrétariat international: autorité du supérieur hierarchique125 (le Secrétaire

exécutif), les dispositions relatives à l'avancement et à la promotion, la grille de rémunérations, etc.....

En matière de recours juridictionnel, en vertu de l'accord entre l'OACI et l'ONU du 31 mai 1948126, le

personnel de la CEAC est autorisé, après épuisement des voies de recours interne devant l'OACI à

exercer des recours auprès du Tribunal Adminsitratif des Nations Unies selon la procédure courante.

De même, entendu comme faisant partie du régime des Nations Unies tout comme le personnel direct

de l'OACI, le personnel de la CEAC est intéressé par les travaux de la Commission de la Fonction

Publique Internationale dépendant de l'Assemblée Générale des Nations Unies.

La conséquence directe de ces deux constatations est à voir en matière de privilèges et

immunités du personnel de la CEAC. La négociation d'un accord de siège par l'OACI avec la France

au profit de son bureau régional à Paris n'a pas nécessité la négociation d'un accord de siège

indépendant pour la CEAC (Annexe 6). Ainsi, en vertu de ce dernier (Echanges de lettres entre l'OACI

et le Gouvernement français du 3 juin 1983 publié par le décret n° 84-917 du 5 octobre 1984 127)

négocié avec le gouvernement français sur le modèle-type de l'accord de siège dont bénéficie

125 E.Giraud, " Le Secrétariat des institutions internationales", RCADI, 1951, tome 79, p.471. 126 Article XII " 1. Les Nations Unies et l'OACI reconnaissent que le développement futur d'un corps unifié de fonctionnaires internationaux est souhaitable du point de vue d'une coordination administrative efficace, et à cette fin, elles conviennent de concourir à l'établissement de règles communes concernant les méthodes et les arrangements destinés tant à éviter de graves inégalités dans les conditions d'emploi, (...)". La création ultérieure du Tribunal Administratif des Nations Unies s'inscrit dans cette logique de coopération 127 JORF du 17 octobre 1984, p.3247.

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l'UNESCO, le personnel de la CEAC dispose des mêmes privilèges et immunités que le personnel de

l'OACI du bureau régional de cette dernière à Paris.

Dans la mesure où la CEAC ne semble pas avoir revêtu une forme du droit français (voir à ce

propos nos développements sur la personnalité juridique interne de la CEAC) il nous est facile de nous

approprier les propos de P.Reuter128 lorsqu'il nous dit que dans ce cas " les droits que possède

l'organisation dans le droit national intéressé s'étendent à ses organes subsidiaires". Le personnel de

L'OACI ne peut donc se voir appliqué, sauf exception, le droit interne français.

2/ L'autonomie de la CEAC à l'égard de l'OACI:

- Vers une autonomie financière totale ? On doit envisager ici deux aspects: l'aspect financier de

l'assistance administrative qui est depuis 1991 en pleine mutation et l'aspect budgétaire qui traduit

depuis longtemps déja l'autonomie de la CEAC en la matière.

Les différentes résolutions en matière d'assistance administrative que nous avons envisagées

(Annexe 4) ainsi que l'accord de 1969 contenaient bien evidement des dispositions d'ordre financier,

dispositions issues de la pratique de l'OACI dans sa démarche d'assistance administrative et communes

à toutes les commissions régionales ( voir les points 13 & 14 de l'Accord du 28 novembre 1978 entre

l'OACI et la CLAC, les articles 28, 29, 30 des Statuts de la CLAC129, le point 13 de la Constitution de

la CAFAC130, Annexes 7 & 8).

Ainsi, le cadre de cette politique de l'OACI, comprenant jusqu'en 1989 les accords financiers

négociés avec les commissions régionales, a été défini par les deux résolutions A10-5 et A18-21

(Annexe 4). A l'occasion d'un rapport du Conseil de l'OACI (1988) quant aux relations financières

entre l'OACI et les commissions régionales de l'aviation civile, celui-ci a reconsidéré le cadre financier

en vertu de la situation financière de l'OACI et a proposé l'adoption d'un plan de restriction budgétaire

ainsi que la modification des rapports financiers entre l'OACI et les commission régionales. Cette

situation était notamment la conséquence des retards répétés de remboursement des avances faites par

l'OACI selon la pratique courante (voir à ce propos la résolution A21-10 de l'Assemblée de l'OACI, la

résolution S10-32 de la CAFAC, Annexe 4).

128 P.Reuter, " Les organes subsidiaires des organisations internationales", op.cit., p186. 129 Articulo 28: " Con sujecion a la aprobacion del Consejo de la OACI, los gastos indirectos inherentes à la actividades de la CLAC seran sufragados por la OACI. Los gastos directos seran cubiertos por los miembros de la Comision, pero la OACI podra anticipar los fondos necesarios". Articulo 29: " Los gastos directos sufragados por la OACI por razon de las actividades de la CLAC se prorratearan entre los Estados miembros de la Comision, en proporcion al porcentaje con que contribuyen al presupuesto de la OACI para el ejercicio al que correspondan dichos gastos". Articulo 30: " Los gastos directos en que haya incurrido la OACI de conformidad con lo previsto en el Articulo anterior, se recobraran de los Estados miembros de la Comision en forma de contribucion complementaria a aquelle en que los Estados miembros de la Comision pagan normalmente para cubrir los gastos de la OACI". 130 Point n°13: " A chaque session plénière, la CAFAC établit et approuve un budget de dépenses directes afférentes à ses activités, telles que celles-ci sont indiquées dans le programme de travail des années suivantes. La CAFAC établit son propre réglement financier pour la détermination des contributions de ses membres et pour le contrôle des dépenses. en ce qui concerne les dépenses indirectes, elles seront à la charge de l'OACI selon la pratique suivie par celle-ci dans le domaine du financement collectif prévu au Chapitre XV de la Convention de Chicago".

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Bien que les enseignements à tirer de ce rapport sont différents pour les trois commission

régionales, il propose une révision des rapport financiers avec l'OACI et conduit à doter la CEAC

d'une autonomie financière remarquable. La CEAC fut en fait la première commission régionale a être

créée (1954) servant ainsi de modèle à la CAFAC à la CAFAC (1969) et à la CLAC (1973).

L'approche initiale effectuée par l'Assemblée de l'OACI dans sa résolution A10-5 comme base des

rapports OACI-CEAC consiste en une déclaration de l'OACI acceptant d'assumer certaines

responsabilités administratives et financières auprès de la CEAC à la demande cette dernière. L'aspect

financier de cette politique englobe deux éléments essentiels. Le premier concerne le fait que les coûts

directs à la charge de la CEAC seront supportés par les Etats membres de la CEAC et que les coûts

indirects attribuable à l'activité de la CEAC elle-même sont avancés par l'OACI. La philosophie

initiale distinguant les coûts directs et indirects avait été établie sur le fondement d'une pratique

éprouvée et adaptée. Le second élément des arrangements financiers élaborés par la Résolution A10-5

réside dans le fait que les coûts directs " peuvent être avancés par l'OACI" et être recouvrés par les

Etats membres de la commission régionale concernée à proportion de leurs contributions devant

l'OACI. La politique envisagée par la Résolution A10-5 fut appliquée à la CAFAC et à la CLAC lors

de leur création ( voir la résolution A18-21) et celles-ci bénéficièrent donc du système des avances.

Ainsi, chaque commission intégra dans ses statuts une référence à la formule coûts directs/indirects.

En pratique, chaque commission régionale approuve une estimation de budget pour les coûts directs en

session plénière, ces estimations sont approuvées par l'OACI qui avance. En fin d'exercice financier,

les montants estimés sont ajustés afin de correspondre au niveau des avances faites. ces accords

financiers ont indéniablement facilité l'établissement et le développement des commission régionales.

Le Conseil de l'OACI constata aussi que les commissions avaient considérablement évoluées , aussi

bien en moyens qu'en besoins, et atteint une dimension et un niveau de développement de loin

excédant ce qui avait été envisagé au moment de l'adoption de la résolution A10-5. Dans son projet de

révision des relations financières avec les commissions régionales, le Conseil examina tous las aspects

de la collaboration et aboutit à la conclusion qu'il devait être mis fin au système des avances. Le

rapport souligne alors, outre le fait que la révision visait à alléger le budget de l'OACI, qu'il devenait

nécessaire de responsabiliser les commissions régionales en matière financière pour le gestion propre.

Le projet de révision du Conseil a été adopté par la 27e session de l'Assemblée de l'OACI par la

résolution A27-17 et accueilli par une résolution de la CEAC au cours de sa 14e session triennale en

juin 1991 (Annexe 4). Cette dernière charge le Comité de coordination de la CEAC de conclure avec

le Conseil de l'OACI des arrangements adéquats en matière financière. Suite à cette initiative de

l'OACI, des négociations ont été entreprises entre les institutions intéressées afin de réviser l'accord de

1969. Un premier projet d'accord a été établi des 1991( Annexe 5) puis adapté au gré des négociations

avec l'OACI131.

Cette évolution de l'assistance financière prodiguée par l'OACI au point que l'on puisse parler

d'autonomie va une nouvelle fois dans le sens des remarques beaucoup plus générale effectuées par

P.Reuter132 lorsqu'il constate que certains organes subsidiaires sont amenés à conclure des accords

témoignant d'une autonomie caractérisée: " parfois ces organes subsidiaires sont dotés d'une certaine

<< personnalité >> notamment au point de vue financier" de sorte qu'il est possible de se demander

s'ils ne se détachent pas alors de l'Organisation. Nous allons voir que la remarque est finalement

confirmée par l'examen des dispositions budgétaires de la CEAC.

131 Documentation interne CEAC: DGCA/80- Report DP/4, DP/5 (05/91). 132 P.Reuter, " Sur quelques limites du droit des organisations internationales", op.cit., p.195.

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La thèse de l'autonomie financière quasi-totale de la CEAC est corroborée par l'aspect

budgétaire de son statut( article 14 de la Constitution de la CEAC) selon lequel " 1.Les dépenses

imputables à l'activité de la Conférence sont à la charge des Etats membres de celle-ci et sont réparties

entre les Etats membres au prorata du nombre d'unités de leur contribution à l'OACI pour l'exercice

auquel les dépenses se rattachent, ou, sur la base que la Conférence choisit, si l'Etat membre concerné

n'est pas un Etat contractant de l'OACI. Cela ne s'applique pas aux coûts imputables à l'activité des

organes associés, si ces derniers sont régis par des arrangements budgétaires et financiers spécifiques."

On le voit donc, en ce qui concerne son budget de fonctionnement, la CEAC est totalement

indépendante de l'OACI et se finance par le biais de contributions de ses Etats membres. Le bilan

budgétaire des trois années écoulées est présenté à chaque session plénière tandis qu'y est aussi adopté,

selon des prévisions de dépenses, le budget pour les trois années à venir133. Dans l'intervalle, les

Reunions des Directeurs Généraux de l'Aviation Civile notent les dépenses de l'année précédante,

confirment le budget de l'année en cours et suivent des indicateurs tels que l'inflation afin d'adapter le

crédit conditionnel adéquat en conséquence134.

- L'autonomie institutionnelle comme manifestation de la qualification d'organe "hors hierarchie": On

a envisagé à plusieurs reprises la question des rapports de la CEAC avec l'OACI et nous sommes

arrivés à la conclusion que les rapports n'étaient que fonctionnels et non institutionnels. Quoique créée

par une résolution du Conseil de l'OACI, les liens institutionnels ultérieurs sont ainsi dire quasi

inexistants. La CEAC ne présente pas de rapport annuel d'activité devant le Conseil de l'OACI, les

représentants de l'OACI aux réunions de la CEAC sont invités au titre de la coordination fonctionnelle

propre au droit aérien et ne semblent pas disposer d'un siège d'observateur lié aux necéssités de la

coordination, etc.... Dans cette optique, R.J Dupuy135 constate que l'on peut parler içi, non de

subordination, mais de coopération. Si J.A. Barberis136 constate que "il existe des cas où la relation de

dépendance résulte du fait que certaines décisions de l'organisation principale ont un caractère

obligatoire pour les institutions dépendantes", on doit y voir dans le cas de la CEAC à l'égard de

l'OACI qu'un lien fonctionnel propre à la régionalisation du droit aérien. En guise de conclusion quant

à ces développement, M.Folliot137 illustre admirablement ce constat lorsqu'il nous dit que "

contrairement aux apparences, les rapports verticaux entre l'OACI et les commissions régionales ne

sont pas hiérarchiques mais fonctionnels et d'assistance".

Nous venons de voir en quoi la Conférence Européenne de l'Aviation Civile pouvait prétendre

accéder au statut d'organe "autonome hors hierarchie". Afin de recadrer notre propos dans le contexte

du droit aérien et le compléter, on doit tenter de comparer le statut que nous venons d'identifier à celui

des autres commissions régionales de l'aviation civile et dans l'hypothèse d'un défaut de

correspondance dans leur statut respectif, on doit envisager d'autres cas de comparaison.

2) Analyse comparée.

133 Pour un exemple: voir Documentation interne CEAC: ECAC/16 - Rapport (06/94), p.15. 134 Documentation interne CEAC: DGCA/97 - DP/8 (06/96). 135 R.J.Dupuy, op.cit., p.582. 136 J.A.Barberis, La personnalité juridique internationale", RCADI, 1983, Tome 179, p.226. 137 M.Folliot, Les Relations Aériennes Internationales, Pedone, 1985, p.47.

58

On doit distinguer le cas des autres commissions régionales de l'Aviation civile, rattachées à

titre ou à un autre au système de l'OACI, c'est-à-dire la Commission Africaine de l'Aviation Civile, la

Commission Latino-américaine de l'Aviation Civile et la Commission Arabe de l'Aviation Civile.

Enfin, devant le constat de la diversité des statuts, on envisagera un cas relativement proche de celui de

la CEAC: celui de l'Agence Internationale de l'Energie créée par l'OCDE.

a) Analyse comparée des Commissions régionale de l'aviation civile.

1/ La Commission Africaine de l'Aviation Civile:

Au début des années 60, l'OACI a souhaité voir se développer de nouvelles organisations

régionales de l'aviation civile sur le modèle de la CEAC. La conférence sur les transports aériens

africains qui s'est tenue à Adis-Abéba (Ethiopie) en novembre 1964 adopta une recommandation (n°3)

au terme de laquelle l'OACI et la CEA devraient entreprendre des consultations avec l'OUA afin de

pourvoir à la création d'un organisme africain de l'aviation civile et la convocation d'une conférence

institutive de celui-ci. Institutionalisée en janvier 1969 par une conférence réunie conformément à la

résolution CM/res.166 (XI) de la 11ème session ordinaire du Conseil des Ministres de l'OUA (Alger,

1968), la CAFAC fut créée par 32 Etats africains sous l’égide de l’OUA et de la CEA, avec la

participation de l’OACI. Jusque-là, les termes institutifs de la CAFAC parraissaient proches de ceux

de la CEAC. C’est à un stade ultérieur que les statuts respectifs de chaque commission se distinguent

fondamentalement. En effet, les objectifs et les fonctions de la CAFAC, quique grandement similaires

à ceux de la CEAC, ont été définis par une Constitution (Annexe 7) adop^tée par la Conférence

institutive d’Adis Abéba et véritablement assimilable à un traité international dans la mesure où elle

est d’abord entrée en vigueur le 17 janvier 1969 puis définitivement le 11 janvier 1972 après dépôt des

instruments de ratification ^par les Etats membres auprès du Secrétariat de l’OUA. De plus , un accord

de diège entre le gouvernement du Sénégal et la CAFAC a été signé le 10 septembre 1974.

En 1975, bien que l’OACI prodigua, dans le cadre de la pratique courante d’assistance

administrative et financière (art.12), ses services, l’OUA, qui n’avait jamais contribué concrètement au

fonctionnement de la CAFAC, en fit l’une de ses institutions spécialisées en vertu d’une Résolution

CM/Res.439 (XXV) de sa 25ème session ordinaire du Conseil des Ministres. Cette résolution fut

approuvée par la suite par la 12 ème conférence des chefs d’Etats et de gouvernements de l’OUA

(Kampala, juillet 1975). Suite à cette mutation, un accord régissant les relations entre les deux

organisations fut signé le 11 mai 1978: celui-ci règle notamment les questions financières et

budgétaires, les questions de privilèges et immunités du personnel, ce dernier n’étant plus rattaché à

l’OACI. Le rôle de l’OACI demeure cependant quant à l’assistance administrative et financière des

services de secrétariat de la CAFAC, ceci malgré (à l’image des résolutions institutives de la CEAC)

l’aspect initialement transitoire de l’assistance donnée. Un projet visant à rendre le Secrétariat

autonome en vertu de l’accord CAFAC/OUA fut présenté à la 6ème session plénière de la CAFAC

mais ne fut pas adopté, maintenant l’assistance administrative et financière dispensée par l’OACI. Les

liens avec l’OACI ont été réglementé par un accord de travail du 1er janvier 1978.

A ce titre donc, le statut de la CAFAC diffère assez largement de celui de la CEAC: créée par

traité et rattachée à l’OUA, la CAFAC ne peut à aucun moment prétendre être un organe subsidiaire de

l’OACI. Tout au plus s’agit-il d’un organe autonome rattaché de l’OUA, si ce n’est pas une

organisation internationale.

59

2/ La Commission Latino-américaine de l'Aviation Civile:

La situation statutaire de la CLAC est trés proche de celle de la CAFAC, à la réserve près

qu'elle n'est l'organe autonome rattaché d'aucune organisation politique sud américaine. L'idée d'une

coopération latino-américaine en matière d'aviation civile remonte au début du XXe siècle mais n'a été

sérieusement envisagée qu'à la suite de trois conférences qui se sont tenues à Rio de Janeiro (1959),

Montévidéo (1960) et Bogota (1962). La CLAC fut formellement créée par un traité signé à Mexico le

14 décembre 1973 et entré en vigueur le 12 octobre 1975. Créée sur une initiative conjointe des Etats

andins et du Mexique, la CLAC traduit par conséquent un effort de coopération régional ayant reçu

l'appui de différents organismes régionaux, ainsi que de l'ONU (via le PNUD) et de l'OACI. La CLAC

est ouverte à tous les Etats d'Amérique Centrale, du Sud, des Caraibes, à l'exclusion du Canada et des

Etats-Unis. On remarque cependant qu'aucun Etat des Caraibes anglophones n'a rejoint la CLAC qui

s'est par ailleurs trés vite révélée dominée par le Brésil. En toute logique, sur le modèle déja présenté,

la CLAC bénéficie de l'assistance administrative et financière de l'OACI pour ses services de

secrétariat (articles 28, 29, 30 de la Constitution de la CLAC, articles 13 & 14 de l'Accord du 28

novembre 1978 entre l'OACI et la CLAC, Annexe 8). Comme dans le cas de la CAFAC, la

Constitution de la CLAC est intégrée au traité institutif, à la différence de la CEAC, et peut donc

prétendre au statut d'organisation internationale, ou en tous cas de conférence diplomatique

permanente indépendante.

La CLAC participe activement aux réunions de l'OACI et l'a admis comme observateur à ses

réunions. Son siège est à Lima (Pérou) et son secrétaire est le chef du transport aérien du bureau sud-

américain de l'OACI.

3/ Le Conseil Arabe de l'Aviation Civile:

Le Conseil Arabe de l'Aviation Civile a été créé en 1967 sous les auspices de la Ligue des

Etats Arabes et sur une de ses décisions du 21 mars 1965. En conséquence, sa composition reflète celle

de la Ligue Arabe. Son siège, après avoir été fixé au Caire, se trouve désormais en Tunisie depis 1979

(le Bureau régional de l'OACI se situant lui au Caire). Se distinguant trés nettement des autres

Commissions régionales, le CAAC est donc une émanation de la Ligue Arabe et n'entretien aucune

relation, ni fonctionnelle, ni administrative avec l'OACI. Il tient cependant l'OACI informée de ses

travaux.

*

On le voit donc, aucune des Commissions régionales de l'aviation civile ne peut prétendre

accéder au statut particulier qu'est celui de la CEAC. Les circonstances, ainsi que les instruments de

création ne sont pas les mêmes. Le constat de la diversité statutaire et de la particularité de la CEAC

nous conduit à rechercher un élément de comparaison statutaire en dehors du domaine du droit aérien.

Un exemple particulièrement pertinent peut être celui du statut de l'Agence Internationale de l'Energie.

* *

b) Le cas de l'Agence Internationale de l'Energie.

60

En guise de développement ultime de cet exposé, l'exemple de l'Agence Internationale de

l'Energie peut donner lieu à une controverse qui illustre idéalement la démonstration que nous avons

effectuée tout au long de notre propos. Il s'agit en fait de confronter la thèse de l'organisation

internationale, défendue par R.Scott138 et celle de l'organe autonome rattaché de P.Reuter139 et de

voir à quel point la qualification statutaire d'une entité telle l'AIE est problématique. Les circonstances

de création de l'AIE sont assez intéressantes car relativement proches de celles de la CEAC.

1/ Création de l’AIE:

C‘est le 11 février 1974 que la Conférence de Washington réunit les ministres des pays les

plus concernés par la crise de l’énergie, sous l’égide de la CEE et de l’OCDE. Par la suite fut créée, à

l’initiative de l’OCDE et de la Commission de la CEE, le Groupe de Coordination de l’Energie. Ce

groupe avait pour finalité de proposer des modèles institutionnels concernant l’AIE au Conseil de

l’OCDE. Ses travaux prirent finalement la forme de deux recommendations: la première consistait en

un projet de décision du Conseil de l’OCDE établissant une Agence Internationale de l’Energie de

l’OCDE, la seconde recommandait la conclusion d’un traité intitulé “ Accord sur un Programme

International de l’Energie” connu sous le titre d’IEP.

Le projet IEP du Groupe de Coordination contenait les détails concernant les dispositions à

prendre en matière d’énergie ainsi que les dispositions institutionnelles essentielles minimum au

projet. Alors que les deux instruments semblaient essentiels , selon le Groupe de Coordination, à la

création de l’AIE comme un corps autonome de l’OCDE, la question qui se posa fut chronologique:

lequel de ces instruments devait être adopté en premier ? Apparement anodine, cette question n’est en

fait pas sans importance.

Ce fut finalement la Décision du Conseil qui l’emporta et fut adoptée le 15 novembre 1974

tandis que l’Accord IEP fut définitivement signé le 18 novembre 1974. La solution retenue d’adopter

la décision en premier fut incitée par le fait que le projet final de l’Accord IEP faisait référence à une

décision institutive de Conseil de l’OCDE (dans l’hypothèse d’une non-adoption de cette dernière, le

projet d’Accord IEP aurait donc du être amendé avant même son adoption). Ainsi, le projet d’Accord

IEP faisait référence à l’OCDE quant à l’établissement des organes de l’AIE au sein de l’OCDE ( §.8

& 9 du Préambule), aux modalités de contributions des Etats membres (Article 64.1), d’accession au

statut de membre de l’AIE (Article 71), etc.... Dans l’optique d’un détachement institutionnel de l’AIE

par rapport à l’OCDE, les Etats auraient dû envisager d’ajouter de nombreuses dispositions au texte de

l’Accord IEP, concernant explicitement les aspects institutionnels de l’Agence.

Le langage normalement utilisé retient que “ les parties conviennent de la création d’une

organisation internationale connue sous le nom de ....” ou toute autre formulation à ce sujet, ce qui n

‘apparait pas dans le projet d’Accord IEP. Le texte du traité resta donc muêt sur d’éventuelles

questions de personnalité juridique de l’AIE. Malgré cela, de nombreux Etats membres de l’OCDE,

lors de la discussion du projet de Décision présenté par le Groupe de Coordination auprès du Conseil,

tentèrent de modifier le projet afin de ressérrer beaucoup plus franchement les liens entre l’OCDE et

l’AIE. Ces propositions de modification portèrent essentiellement sur le nom de l’AIE ( “Agence de

l’Energie de l’Organisation” au lieu de “Agence Internationale de l’Energie”), sur sa qualification

138 R.Scott, L'Agence Internationale de l'Energie, Pub° AIE, 1994, 1er vol. 139 P.Reuter, " Les organes subsidiaires des organisations internationales", op.cit., p.174.

61

juridique (suppression de la qualification “d’institution autonome” en conséquence du changement de

nom), sur le renforcement de la coopération fonctionnelle avec les autres membres de l’OCDE non

parties, sur le fonctionnement du Secrétariat sous l’autorité conjointe du Secrétaire Général de

l’OCDE et du Governing Board, sur l’intégration du budget de l’AIE au budget de l’OCDE.

- La décision du Conseil de l’OCDE: Alors que certaines de ces propositions furent retenues, la

plupart de celles-ci ne furent pas acceptées par les futurs Etats membres de l’AIE. Une balance fut

faite entre les intérêts institutionnels de l’OCDE et les exigences d’autonomie auxquelles la formule de

l’organe autonome rattaché répondait particulièrement bien. La décision du Conseil fut donc adoptée

le 15 novembre 1974140 sans modification fondamentale du projet du Groupe de Coordination. Celle

ci dispose que:

- Qualification formelle: l’Article 1 établit que l’AIE est “entendue établie comme

un corps autonome dans le cadre de l’Organisation”.

- Statut de membre: l’Article 2 identifie les 16 membres concernés et envisage les

modalités d’accession par rapport au statut de membre de l’OCDE.

- Accord IEP: l’Article 6 prévoit que le Bureau Exécutif applique l’IEP.

- Personnel: L’Article 7 concerne le personnel de l’Agence et celui-ci est partie

intégrante du Secrétariat de l’OCDE mais il est aussi considéré comme

responsable devant les organes de l’Agence. Des propositions sont proposées par

le Bureau Exécutif de l’Agence au secrétaire général de l’OCDE.

- Rapport au Conseil de l’OCDE: L’Article 8 rappelle qu’un rapport annuel du

secrétaire Exécutif est fait, ainsi que toutes autres communications de son

initiative ou à la demande du Conseil.

- Budget et Finances: L’Article 10 contient des dispositions détaillées en matière

de budget et de finances, le budget de l’AIE est intégré au budget de l’OCDE, le

Bureau fixe les contributions de chaque membre, des dispositions règlent les

questions de dépenses spéciales et autorise l’AIE à disposer d’un organe propre

de conseil en matière financière. La proposition de budget du Bureau Exécutif

est adoptée devant le Conseil de l’OCDE quand les membres qui l’ont adoptée

devant le Bureau l’ont approuvée de nouveau devant le Conseil.

Annexée à la décision du Conseil, les nouveaux membres de l’AIE firent alors une Déclaration

devant le Conseil dans laquelle ils indiquèrent que la tâche essentielle de la nouvelle Agence était de

mettre en oeuvre l’Accord IEP dans tous ses aspects. Ils y appuyaient l’autonomie de l’AIE et son

caractère opérationnel spécifique.

- L’Accord sur le Programme International de l’Energie: La réalisation de l’IEP par l’AIE dans le

cadre de l’OCDE fut rendue effective non seulement par la décision du Conseil de l’OCDE mais aussi

par la conclusion d’un accord international, sous la forme d’un traité du droit international, entre les

Etats membres. Tandis que la finalité de la décision du Conseil était d’incorporer l’AIE à l’OCDE et

d’élaborer le cadre institutionnel adéquat à l’AIE, l’Accord avait pour fonction de régler plus

spécifiquement les éléments substanciels des relations internationales énergétiques entre les Etats

140 Documentation interne OCDE: C.74.203 Final, voir aussi International Legal Materials, 1975, vol.14, p.789.

62

membres. Signé le 18 novembre 1974 et appliqué provisoirement, son entrée en vigueur définitive

intervint le 19 janvier 1976, l’Accord IEP fut exécuté sous la forme d’un traité international.

En fait, dans son système de fonctionnement, le recours au traité international s’expliquait par

la nécessité d’assurer l’effectivité opérationnelle du système d’aides financières d’urgence mis en

oeuvre par l’AIE, développé dans les 5 premiers Chapitres de l’Accord IEP, nécessitant un fondement

légal précis. Dans le cas contraire, ce système n’aurait pas pu fonctionner dans la mesure où la matière

concernée (le contrôle des stocks d’hydrocarbures) connait la concurrence de nombreux

comportements individuels des Etats, comportements qui ne sont pas toujours controlables. L’objet de

la méthode était donc que les décisions de l’AIE soient entendues. Les membres fondateurs de l’AIE ,

conscients de cet impératif, choisissèrent donc d’encadrer l’activité de l’AIE par un traité international

contenant des procédures d’observation et de contrôle de respect du traité. Formellement, le traité sert

donc à donner à l’AIE un programme d’action.

2/ L’AIE: organisation internationale ou organe autonome rattaché de l’OCDE ?

La lecture formelle du mode de création de l’AIE semble correspondre parfaitement à la

définition de l’organe autonome rattaché telle que nous l’avons envisagée avec P.Reuter141, l’OCDE

jouant le rôle juridique de créateur de l’AIE par le biais d’une décision de son Conseil, l’Accord

international IEP permettant l’expression de la volonté des Etats à ce qu’ une entité de l’OCDE exerce

et assume des fonctions et des obligations nouvelles. L’auteur relève dailleurs à ce propos l’exemple

de la pratique de l’OECE, relevant la création de l’Union Européenne des Paiements (désormais Fonds

Européen), de l’Agence Européenne pour l’Energie Nucléaire.

Une thèse différente , institutionnelle et développée par R.Scott142, conseiller juridique de

l’OCDE, tente de démontrer la qualité de personne juridique internationale de l’AIE, celle-ci étant

alors assimilée à une véritable organisation internationale. Deux raisonnements complémentaires sont

à ce propos envisageables. D’une part, selon l’article 2.1 (a) de la Convention de Vienne sur le droit

des traités (1969), l’auteur considère que l’Accord IEP rentre dans la définition du traité international.

Du fait que ce type d’instrument, selon l’article 5 de la même convention de Vienne, est pertinent en

matière de création d’organisation internationale, R.Scott tente d’assimiler l’Accord IEP à un traité

institutif de l’AIE, celui-ci comportant des dispositions de nature institutionnelles à l’égard de

l’Agence. Une telle interprétation extensive de l’Accord IEP nous semble discutable quoique

théoriquement défendable, à l’image de nos développements du Premier Chapiitre. Il nous semble que

le traité IEP ne sert qu’a donner un programme d’action à l’AIE sans la fonder, le seul acte institutif à

nos yeux étant la décision du Conseil qui rattache formellement l’AIE à l’OCDE, ceci dans un cadre

certes trés autonome. Cependant, P.Reuter143 nous fait remarquer, concernant l’OECE que “ la

situation est encore plus complexe (que l’analyse effectuée en matière d’organe autonome rattaché).

En effet, les décisions (de l’OECE) sont bien des actes de l’Organisation en tant que telle, mais leur

exécution peut être subordonnée à des mesures que les Etats membres peuvent être amenés à prendre

dans leur droit interne, de telle sorte qu’en dépit du nom, la situation peut n’être pas

substanciellement différente de ce qu’elle serait s’il s’agissait de conventions internationales; aussi

141 P.Reuter, “Les organes subsidiaires des organisations internationales”, op.cit., p.174. 142 R.Scott, op.cit. 143 P.Reuter, “ Les organes susidiaires des organisations internationales”, op.cit., p.174.

63

leur nature juridique a-t-elle été vivement discutée”. Une telle affirmation peut donc confirmer,

éventuellement, la thèse de l’organisation internationale créée par traité.

On le voit donc, bien que vraissemblablement qualifiable d’organe autonome rattaché, le statut

de l’AIE n’est pas pour autant limpide et différentes interprétations de ses actes institutifs sont

envisageables. Il nous semble présenter l’exemple le plus prôche de celui de la CEAC, il ne peut pour

autant pas accéder au statut d’organe autonome hors-hierarchie tel que nous l’avons défini. En effet, si

l’AIE bénéficie de l’assistance administrative de l’OCDE (comprenant les services de secrétariat, le

statut du personnel, l’accord de siège avec le gouvernement français de l’OCDE à Paris,..etc...), la

dépendance de l’AIE à l’égard de l’OCDE, si elle ne semble pas être fonctionnelle, est cependant

statutaire, institutionnelle, financière et budgétaire. Nous avons vu que les caractéristiques de la CEAC

étaient différentes.

*

* *

64

Conclusion

Les professeurs M.Juglard et J.Dutheil de La Rochère144, dans leur imposant “Traité de droit

Aérien”, écrivait: “La Commission Européenne de l’Aviation Civile a été créée par une résolution de

l’Assemblée du Conseil de l’Europe (....). Le Secrétariat est assuré au Bureau régional de l’OACI à

Paris. Une résolution de l’Assemblée de l’OACI a reconnu la CEAC comme organisation

internationale autonome, mais prit l’engagement que l’organisation de Montréal financerait le

secrétariat pour certaines dépenses de comptabilité, traduction, etc...”. Comme on a pu le voir, la

situation statutaire de la Conférence Européenne de l’Aviation Civile n’est pas aussi simple que ce que

les apparences veulent bien montrer: organisation internationale autonome, conférence diplomatique

permanente, organe subsidiaire du Conseil de l’OACI, organe “autonome rattaché” ou organe

“autonome hors hierarchie” ? Nous avons tenté d’envisager toutes les solutions pertinentes quant au

statut en droit international public de la CEAC. Un doute subsiste. Il est la conséquence de l’inévitable

et nécessaire dimension politique de tout processus de concertation inter-étatique internationalisé.

Certaines démonstrations effectuées, dans la dimension qu’elles donnent au facteur interprétatif, ne

conservent leur pertinence et leur intérêt qu’en connaissance de l’intention originelle ou actuelle des

Etats membres de l’organisation, de “l’entité” étudiée. Cela répond logiquement à la nature même de

la société internationale: volontariste, consensualiste, le rôle qu’y joue l’Etat est prédominant en ce

qu’il en est le sujet premier et primaire.

Dans ce contexte, l’analyse juridique vise donc, tant que possible, à déterminer un statut en

fonction des modèles proposés par le droit international, ceci en tentant de tenir à distance les intérêts

politiques ou étatiques de chacun. La démarche, contre nature, n’est pas aisée mais demeure cependant

à nos yeux fondamentale. Nous n’ouvrirons donc pas le sujet de l’avenir de la CEAC: évolution

institutionnelle, opportunité de la conclusion d’un traité international institutif, perspective

d’intégration de la CEAC dans l’Union Européenne et de son droit dans le droit

communautaire,...etc... ? La Conférence Européenne de l’Aviation Civile sera ce que les Etats

voudront bien faire d'elle.

144 M.Juglard - J.Dutheil de La Rochère, op.cit., p.863.