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Année Universitaire 2015/2016 Licence III – Semestre I ORDRE JURIDIQUE et CONTENTIEUX DE L’UNION EUROPÉENE Cours de M. Denys SIMON, Professeur à l’Université de Paris I Panthéon-Sorbonne Travaux dirigés de Mlle. Catalina AVASILENCEI, Doctorante, Université de Paris I Panthéon-Sorbonne Séance n°3: Effet direct et primauté du droit communautaire: Fondement, critères et étendue Documents fournis Effet direct – Droit originaire Document 1 : CJCE, 5 février 1963, Van Gend en Loos, 26/62 Rec 6. Document 2 : CJCE, 3 avril 1968, Molkerei Zentrale, 28/67, Rec 212. Document 3 : Liste des articles du Traité reconnus d'effet direct, in RIDEAU, Droit institutionnel de l'Union et des Communautés européennes, LGDJ, éd. 2010, p.1009. Effet direct – Droit dérivé Document 4 : CJCE, 14 décembre 1971, Politi, 43/71, Rec. 1039. Document 5 : CJCE, 4 décembre 1974, Van Duyn, 49/74, Rec 13337. Document 6 : CJCE, 11 janvier 2001, Monte Arcosu, C-403/98, Rec., I-103 Document 7 : CJCE, 20 novembre 2008, Foselev Sud Ouest, C-18/08 Effet direct vertical – horizontal – oblique Document 8 : CJCE, 12 décembre 1974, Walrave et Koch, 48/74, Rec 1405 Document 9 : CJCE, 14 juillet 1994, Faccini Dori, C-91/92, Rec., I-3325 Document 10 : CJCE, 12 juillet 1990, Foster e. a., C-188/89, Rec., I-3313 Document 11 : CJUE, 19 janvier 2010, Seda Kücükdeveci c. Swedex GmbH & Co. KG, C-555/07. Document 12 : CJUE, 15 janvier 2014, AMS, C176/12. Primauté Document 13 : CJCE, 15 juillet 1964, Costa /ENEL, 6/64, Rec 1157. Document 14 : CJCE, Ord., 11 juillet 2008, Edgar Babanov, C-207/08 Document 15 : Déclaration de la Conférence n° 27 relative à la primauté, annexée au Traité de Lisbonne Exercice Lecture et analyse des documents fournis

Ordre juridique et Contentieux de l'Union Europeenne

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Année Universitaire 2015/2016

Licence III – Semestre I

ORDRE JURIDIQUE et CONTENTIEUX DE L’UNION

EUROPÉENE

Cours de M. Denys SIMON, Professeur à l’Université de Paris I Panthéon-Sorbonne Travaux dirigés de Mlle. Catalina AVASILENCEI, Doctorante, Université de Paris I Panthéon-Sorbonne

Séance n°3: Effet direct et primauté du droit communautaire:

Fondement, critères et étendue

Documents fournis

Effet direct – Droit originaire Document 1 : CJCE, 5 février 1963, Van Gend en Loos, 26/62 Rec 6. Document 2 : CJCE, 3 avril 1968, Molkerei Zentrale, 28/67, Rec 212. Document 3 : Liste des articles du Traité reconnus d'effet direct, in RIDEAU, Droit institutionnel de l'Union et des Communautés européennes, LGDJ, éd. 2010, p.1009. Effet direct – Droit dérivé Document 4 : CJCE, 14 décembre 1971, Politi, 43/71, Rec. 1039. Document 5 : CJCE, 4 décembre 1974, Van Duyn, 49/74, Rec 13337. Document 6 : CJCE, 11 janvier 2001, Monte Arcosu, C-403/98, Rec., I-103 Document 7 : CJCE, 20 novembre 2008, Foselev Sud Ouest, C-18/08 Effet direct vertical – horizontal – oblique Document 8 : CJCE, 12 décembre 1974, Walrave et Koch, 48/74, Rec 1405 Document 9 : CJCE, 14 juillet 1994, Faccini Dori, C-91/92, Rec., I-3325 Document 10 : CJCE, 12 juillet 1990, Foster e. a., C-188/89, Rec., I-3313 Document 11 : CJUE, 19 janvier 2010, Seda Kücükdeveci c. Swedex GmbH & Co. KG, C-555/07. Document 12 : CJUE, 15 janvier 2014, AMS, C‑176/12.

Primauté Document 13 : CJCE, 15 juillet 1964, Costa /ENEL, 6/64, Rec 1157. Document 14 : CJCE, Ord., 11 juillet 2008, Edgar Babanov, C-207/08 Document 15 : Déclaration de la Conférence n° 27 relative à la primauté, annexée au Traité de Lisbonne

Exercice

Lecture et analyse des documents fournis

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Bibliographie indicative

Pour la préparation de cette séance, il est demandé de se reporter aux développements sur l’effet direct et la primauté contenus dans les manuels suivants, ainsi qu’à et à la bibliographie générale éventuellement citée: G. ISAAC et M BLANQUET , Système institutionnel communautaire, Masson. D. SIMON, Le système juridique communautaire, PUF Coll. droit fondamental, sp. p. 241 et s. J. RIDEAU , Droit institutionnel de l'Union et des Communautés européennes, LGDJ, éd. 2006, p.919s. V. aussi : D. SIMON, L'invocabilité des directives dans les litiges horizontaux : confirmation ou infléchissement ?, Europe 3/2010, p. 4.

Objectifs de la séance

Parmi les nombreuses innovations qu'il proposait, le "plan Schuman" de 1950 laissait supposer que les règles de droit applicables au nouvel ensemble juridique mis en place par les Traités de Paris et de Rome présenteraient des particularités notables par rapport à l'effet des normes internationales classiques destinées à régir les rapports inter-étatiques, en mentionnant le caractère "exécutoire" sur le territoire des différents Etats membres des décisions susceptibles d'être prises par la Haute Autorité. En effet, l'une des caractéristiques essentielles du "nouvel ordre juridique" instauré par les Traités Communautaires est sans doute, à l'analyse, l'effet direct de certaines de ses normes dans les ordres juridiques internes. Cette notion présente l'originalité d'établir, dans une mesure jusque là inégalée, des relations directes entre les règles de l'organisation et les ressortissants des Etats membres, qu'il s'agisse de personnes physiques ou d'entreprises, en écartant la médiation obligatoire des autorités nationales, caractéristique des rapports inter-étatiques régis par le droit international public. L'effet direct du droit communautaire, bien qu'il ne soit mentionné que de façon tout-à-fait incidente par le traité de Rome (article 249/ex-art. 189 : "Le règlement...est directement applicable dans tout Etat membre") a connu grâce à la Cour de Justice une consécration jurisprudentielle dont on étudiera en premier lieu les fondements, en se livrant à une analyse précise des justificatifs avancés par la CJCE et en comparant ces solutions avec celles retenues par le droit international s'agissant de l'effet de ses normes dans les ordres juridiques internes. On clarifiera ensuite les conditions dans lesquelles une norme communautaire est susceptible d'être revêtue de l'effet direct, en recensant les critères posés par la CJCE depuis l'arrêt Van Gend en Loos. On précisera enfin l'extension de cette notion (effet direct des règles de droit originaires, effet direct des actes adoptés par les institutions, c’est à dire du droit dérivé / notions d'effet direct vertical et d'effet direct horizontal, voire d’effet direct oblique). La seconde partie de la séance sera consacrée à l'étude du principe de primauté du droit communautaire dont on a pu dire qu'il constituait une "exigence existentielle" de l'ordre juridique né des traités. Pourtant, cette seconde caractéristique fondamentale du droit européen ne figure explicitement nulle part dans ni dans les traités originaires, ni dans le traité actuellement en vigueur, dont aucune disposition n'impose expressément ni la supériorité du droit originaire, ni celle du droit dérivé sur le droit interne des Etats membres. On notera cependant que le principe de la primauté du droit communautaire sur le droit interne a été pour la première fois inséré formellement dans le texte du Projet de Traité instituant la Constitution européenne. Suite à l’échec du processus de ratification de la Constitution, le récent traité de Lisbonne a inscrit le principe de primauté dans une simple déclaration de la Conférence, annexée au traité. On remarquera que ces difficultés n’entamant en rien l’efficacité de cette règle, qui existe et est appliquée par les juridictions des différents Etats membres depuis sa consécration par la Cour de justice en 1964. Tout comme la théorie de l'effet direct, celle de la primauté est donc le fruit d'une construction jurisprudentielle, dont on analysera les fondements et caractéristiques par l'étude exhaustive de l'arrêt Costa/ENEL.

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1. Effet direct – Droit originaire

Document 1 : CJCE, 5 février 1963, Van Gend en Loos, 26/62, Rec. 6

(…) Attendu que la Tariefcommissie pose en premier lieu la question de savoir si l’article 12 du traité a un effet immédiat en droit interne, dans le sens que les ressortissants des Etats membres pourraient faire valoir sur la base de cet article des droits que le juge national doit sauvegarder. Attendu que pour savoir si les dispositions d’un traité international ont une telle portée il faut en envisager l’esprit, l’économie et les termes. Attendu que l’objectif du traité C.E.E. qui est d’instituer un marche commun dont le fonctionnement concerne directement les justiciables de la communauté, implique que ce traité constitue plus qu’un accord qui ne créerait que des obligations mutuelles entre les Etats contractants. Que cette conception se trouve confirmée par le préambule du traité qui, au-delà des gouvernements, vise les peuples, et de façon plus concrète par la création d’organes qui institutionnalisent des droits souverains dont l’exercice affecte aussi bien les Etats membres que leurs citoyens. Qu’il faut d’ailleurs remarquer que les ressortissants des Etats réunis dans la communauté sont appelés à collaborer, par le truchement du parlement européen et du comité économique et social, au fonctionnement de cette communauté. Qu’en outre le rôle de la cour de justice dans le cadre de l’article 177, dont le but est d’assurer l’unité d’interprétation du traité par les juridictions nationales, confirme que les Etats ont reconnu au droit communautaire une autorité susceptible d’être invoquée par leurs ressortissants devant ces juridictions. Qu’il faut conclure de cet état de choses que la communauté constitue un nouvel ordre juridique de droit international, au profit duquel les Etats ont limité, bien que dans des domaines restreints, leurs droits souverains, et dont les sujets sont non seulement les Etats membres mais également leurs ressortissants. Que, partant, le droit communautaire, indépendant de la législation des Etats membres, de même qu’il crée des charges dans le chef des particuliers, est aussi destiné à engendrer des droits qui entrent dans leur patrimoine juridique. Que ceux-ci naissent non seulement lorsqu’une attribution explicite en est faite par le traité, mais aussi en raison d’obligations que le traité impose d’une manière bien définie tant aux particuliers qu’aux Etats membres et aux institutions communautaires. Attendu qu’eu égard à l’économie du traité en matière de droits de douane et taxes d’effet équivalent, il convient de souligner que l'article 9, qui fonde la communauté sur une union douanière, comporte comme règle essentielle l’interdiction de ces droits et taxes. Que cette disposition figure en tête de la partie du traité qui définit les " fondements de la communauté "; qu’elle se trouve appliquée et explicitée par l’article 12. Attendu que le texte de l’article 12 énonce une interdiction claire et inconditionnelle qui est une obligation non pas de faire, mais de ne pas faire. Que cette obligation n’est d’ailleurs assortie d’aucune réserve des Etats de subordonner sa mise en oeuvre à un acte positif de droit interne. Que cette prohibition se prête parfaitement, par sa nature même, à produire des effets directs dans les relations juridiques entre les Etats membres et leurs justiciables. Attendu que l’exécution de l’article 12 ne nécessite pas une intervention législative des Etats. Que le fait, par cet article, de désigner les Etats membres comme sujets de l’obligation de s’abstenir n’implique pas que leurs ressortissants ne puissent en être les bénéficiaires Attendu que, par ailleurs, l’argument tire des articles 169 et 170 du traité qu’ont invoqué les trois gouvernements qui ont présenté à la cour des observations dans leurs mémoires tombe à faux. Qu’en effet la circonstance que le traité, dans les articles susvisés, permet à la commission et aux Etats membres d’attraire devant la cour un Etat qui n’a pas exécuté ses obligations n’implique pas pour les particuliers l’impossibilité d’invoquer, le cas échéant, devant le juge national ces obligations, tout comme le fait que le traité met à la disposition de la commission des moyens pour assurer le respect des obligations

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imposées aux assujettis n’exclut pas la possibilité, dans les litiges entre particuliers devant le juge national, d’invoquer la violation de ces obligations. Qu’une limitation aux seules procédures des articles 169 et 170 des garanties contre une violation de l’article 12 par les Etats membres supprimerait toute protection juridictionnelle directe des droits individuels de leurs ressortissants. Que le recours à ces articles risquerait être frappé d’inefficacité s'il devait intervenir après l’exécution d’une décision nationale prise en méconnaissance des prescriptions du traité. Que la vigilance des particuliers intéressés à la sauvegarde de leurs droits entraîne un contrôle efficace qui s’ajoute a celui que les articles 169 et 170 confient à la diligence de la commission et des Etats membres. Attendu qu’il résulte des considérations qui précèdent que selon l'esprit, l’économie et le texte du traité l’article 12 doit être interprété en ce sens qu’il produit des effets immédiats et engendre des droits individuels que les juridictions internes doivent sauvegarder.

Document 2 : CJCE, 3 avril 1968, Molkerei Zentrale, 28/67, Rec. 212.

Sur les effets de l’article 97 (deuxième et quatrième questions) Attendu que, par sa deuxième question, le bundesfinanzhof demande à la Cour de dire si l’article 97 " attribue à tout citoyen le droit de faire vérifier, par le juge national, moyennant recours en annulation de l’avis de taxation et dans un cas d’espèce, si le taux moyen, fixé par la loi, est compatible avec les principes énoncés à l’article 95 "; Qu’en outre, par sa quatrième question, le bundesfinanzhof demande à la Cour de dire si " les justiciables continuent à trouver dans l’article 97 le droit de faire contrôler un taux moyen par les juridictions nationales, même dans le cas ou la Commission a rempli son obligation d’assurer le respect du Traité et ou l’Etat membre a modifié le taux moyen conformément à la demande de celle-ci "; Attendu que l’article 97 a pour objet de donner aux Etats, qui perçoivent la taxe sur le chiffre d’affaires d’après le système de la taxe cumulative à cascade, la faculté de recourir à la fixation de taux moyens sans toutefois pouvoir porter atteinte aux principes des articles 95 et 96; Que, si les objets des articles 95 et 97 apparaissent ainsi connexes et inspirés de la même finalité, l’article 97, qui prévoit une règle spéciale au système complexe de la taxe cumulative à cascade, doit cependant être distingué de l’article 95 en raison tant des caractéristiques propres à ce système que des modalités particulières prévues pour la mise en oeuvre dudit article 97; Attendu, d’une part, que cette disposition, en donnant aux Etats membres la faculté, dont ils peuvent user ou ne pas user, de recourir au procédé des taux moyens, implique, pour les Etats qui ont régulièrement recouru à cette faculté, l’interposition, entre la règle communautaire et son application, d’actes juridiques comportant un pouvoir d’appréciation qui soustrait leur choix et ses conséquences, en l’état actuel du droit communautaire, à toute possibilité d’effet immédiat des dispositions concernées de l’article 97; Que, d’autre part, tant la détermination des groupes de produits, que la fixation des taux moyens repose, en l’absence de toute disposition communautaire relative à leur mode de calcul, sur une marge d’appréciation de l’Etat membre, exercée sous le contrôle de la Commission, exclusive de l’effet immédiat de l’article 97; Attendu que, dans ces conditions, l’article 97 ne saurait conférer aux particuliers les droits individuels vises par la présente question du Bundesfinanzhof.

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Document 3 : Liste des articles du Traité reconnus d'effet direct, in RIDEAU, manuel précité, p.919 L'effet direct a été reconnu par la Cour aux articles suivants du traité CE: - 12, alinéa 1, CE (art. 18 TFUE. CJCE, 20 octobre 1993, Phil Collins, aff. C-186/87, Rec., p. I-5145); - ex-art. 13, § 2, (art. 13 supprimé par le traité d'Amsterdam) 27 mars 1980, Denkavit, aff. 61/79, Rec., p. 1205; - ex-art 16 (art. 16 supprimé par le traité d'Amsterdam), CJCE, 13 juillet 1972, aff. 48/71, Rec., p. 529 ; - 18§ 1, (art. 21 TFUE) droit des citoyens européens de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, sous réserve des limitations et conditions prévues par le traité et par les dispositions prises pour son application. CJCE, 21 septembre 1999, Wijsenbeek, aff. C-378/97, Rec. p. I-6207, 6264; - 23 CE (art. 28 TFUE. CJCE, 8 novembre 1979, Denkavit Futtermittel, aff. 251/78, Rec., p. 3369); - art. 23 et ex-art. 13, § 2 CE conjointement (art. 28 TFUE, art. 13 supprimé par le traité d'Amsterdam. CJCE, 17 décembre 1970, SACE, aff. 33/70, Rec., p. 1213 ; -23 CE et ex-art. 16 conjointement (art. 28 TFUE, art. 16 supprimé par le traité d'Amsterdam), CJCE, 26 octobre 1971, Eunomia di Porro, aff. 18/71, Rec., p. 811 ; - 25 CE (art. 30 TFUE. CJCE, 5 février 1963, Van Gend en Loos, aff.26/62, Rec., p. 3); - 28 CE (art. 34 TFUE. CJCE, 22 mars 1977, Iannelli, 74/76, Rec. p. 557, 31, 32, alinéa 1, CJCE, 19 décembre 1968, Salgoil, 13/68, Rec., p. 661) ; - 29 CE (art.35 TFUE. CJCE, 29 novembre 1978, Pigs Marketing Board, aff. 83/78, Rec., p. 2347); - 30 CE (art. 36 TFUE. CJCE, 8 juin 1971, Deutsche Gramophon, 78/70, Rec., p. 487 ; 18 septembre 2003, Morellato, aff. C-416-00, Rec., p. I-9343, point 45) ; - 31, § 1 et 2, CE (art. 37 TFUE. CJCE, 13 mars 1979, Hansen, aff. 91/78, Rec., p. 935); - 39 CE (art. 45 TFUE. CJCE, 4 décembre 1974, Van Duyn, aff. 41/74, Rec., p. 1337) ; - 43 CE (art. 49 TFUE. CJCE, 21 juin 1974, Reyners, aff. 2/74, Rec. p. 631); - ex-art. 53 CE (art. 53 supprimé par le traité d'Amsterdam), CJCE, 15 juillet 1964, Costa, aff. 6/64, Rec., p. 1141; - 49 CE (art. 56 TFUE. CJCE, 3 décembre 1974, Van Binsbergen, aff. 33/74, Rec., p. 1299); - 50 CE (art. 57 TFUE. CJCE, 3 décembre 1974, Van Binsbergen, aff. 33/74, Rec., p. 1299); - ex-art. 62 (art. 62 supprimé par le traité d'Amsterdam, CJCE, 3 décembre 1974, Van Binsbergen, aff. 33/74, Rec., p. 1299); - 56 CE (art. 63 TFUE. CJCE, 14 décembre 1995, L. E. Sanz de Lera et a., aff. C-163/94, C-165/94 et C-250/94, Rec., p.I-4821). - 81 et 82 CE (art. 101 et 102 TFUE. CJCE, 10 juillet 1980, Marty, aff. 37/79, Rec., p. 2841); - 86 CE (art. 106 TFUE. CJCE, 27 mars 1974, BRT, aff. 127/73, Rec. p. 313); - 88, § 2, al. 3, dernière phrase, CE (art. 108 TFUE. CJCE, 11 décembre 1973, Lorenz, 120/73, Rec., p. 1471; 16 décembre 1992, Demoor Gilbert en Zonen NV et a., aff. C-144/91 et 145/91, Rec., p.I-6613); - 90, al. 1 et 3, CE (art. 110 TFUE. CJCE, 16 juin 1966, Luttticke, aff. 57/65, Rec., p. 294) ; - 90, al. 2, CE (art. 110 TFUE. CJCE, 14 avril 1968, Fink Frucht, aff. 27/67, Rec., p. 327). - 141 CE (art. 157 TFUE. CJCE, 8 avril 1976, Defrenne, aff. 43/75, Rec., p. 476). ,

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2. Effet direct – Droit dérivé

Document 4 : CJCE, 14 décembre 1971, Politi, 43/71, Rec. 1039.

(…) sur les questions 2 a et b, 3 a et b, 4 a et b, 5 a et b 8 Attendu qu’il est ensuite demande à la Cour si les dispositions des articles 14, paragraphe 1, et 18, paragraphe 1, du règlement n° 20, ainsi que des articles 17, paragraphe 2, premier tiret, et 19, paragraphe 1, premier tiret, du règlement n° 121/67 sont immédiatement applicables dans l’ordre juridique national et ont, comme telles, engendré pour les particuliers des droits individuels que les juridictions nationales doivent sauvegarder; 9 Attendu qu’aux termes de l’article 189, alinéa 2, du traité, le règlement " a une portée générale " et " est directement applicable dans tout Etat membre "; Que dès lors, en raison de sa nature même et de sa fonction dans le système des sources du droit communautaire, il produit des effets immédiats et est, comme tel, apte à conférer aux particuliers des droits que les juridictions nationales ont l’obligation de protéger; (…) qu’il en est ainsi des dispositions citées;

Document 5 : CJCE, 4 décembre 1974, Van Duyn, 49/74, Rec. 1337.

(…) Sur la deuxième question 9 Attendu que, par la deuxième question, la Cour est invitée à dire si la directive du conseil du 25 février 1964 (64/221) pour la coordination des mesures spéciales aux étrangers en matière de déplacement et de séjour justifiées par des raisons d’ordre public, de sécurité publique et de santé publique, est directement applicable en ce sens qu’elle confère aux particuliers des droits qu’ils peuvent faire valoir en justice dans un Etat membre; 10 Qu’il ressort de la décision de renvoi que, parmi les dispositions de la directive est en cause le seul article 3, paragraphe 1er qui prévoit que " les mesures d’ordre public ou de sécurité publique doivent être fondées exclusivement sur le comportement personnel de l’individu qui en fait l’objet "; 11 Attendu que le Royaume-Uni a fait valoir que l’article 189 du traité distingue entre les effets des règlements, des directives et des décisions et qu’il faut présumer, par conséquent, que le Conseil, en n’adoptant pas un règlement mais une directive, a voulu que cet acte ait un effet diffèrent de celui d’un règlement et qu’en conséquence il ne soit pas directement applicable; 12 Attendu, cependant, que si, en vertu des dispositions de l’article 189, les règlements sont directement applicables et, par conséquent, par leur nature susceptibles de produire des effets directs, il n’en résulte pas que d’autres catégories d’actes visés par cet article ne peuvent jamais produire d’effets analogues; Qu’il serait incompatible avec l’effet contraignant que l’article 189 reconnaît à la directive d’exclure en principe que l’obligation qu’elle impose, puisse être invoquée par des personnes concernées; Que, particulièrement dans les cas ou les autorités communautaires auraient, par directive, obligé les Etats membres à adopter un comportement déterminé, l’effet utile d’un tel acte se trouverait affaibli si les justiciables étaient empêchés de s’en prévaloir en justice et les juridictions nationales empêchées de la prendre en considération en tant qu’élément du droit communautaire; Que l’article 177 qui permet aux juridictions nationales de saisir la cour de la validité et de l’interprétation de tous les actes des institutions, sans distinction, implique d’ailleurs que ces actes sont susceptibles être invoqués par les justiciables devant lesdites juridictions; Qu’il convient d’examiner, dans chaque cas, si la nature, l’économie et les termes de la disposition en cause sont susceptibles de produire des effets directs dans les relations entre les Etats membres et les particuliers; 13 Attendu que l’article 3, paragraphe 1er, de la directive 64/221, en prévoyant que les mesures d’ordre public doivent être fondées exclusivement sur le comportement personnel de l’intéressé en cause, tend à

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limiter le pouvoir discrétionnaire que les législations nationales attribuent en général aux autorités compétentes en matière d’entrée et d’expulsion des étrangers; Que, d’une part, la disposition énonce une obligation qui n’est assortie d’aucune réserve ou condition et qui, par sa nature, ne nécessite l’intervention d’aucun acte, soit des institutions de la communauté, soit des Etats membres; Que, d’autre part, parce qu’il s’agit d’une obligation pour les Etats membres, dans l’application d’une clause de dérogation à l’un des principes fondamentaux du traité en faveur des particuliers, de ne pas tenir compte de facteurs étrangers au comportement personnel, la sécurité juridique des intéressés exige que cette obligation puisse être invoquée par eux, bien qu’elle ait été énoncée dans un acte normatif n’ayant pas de plein droit un effet direct dans son ensemble; 14 Que si le sens et la portée exacte de la disposition peuvent soulever des questions d’interprétation, ces questions sont susceptibles être résolues par la voie judiciaire, compte tenu aussi de la procédure prévue à l’article 177 du traité; 15 qu’il faut donc répondre à la question posée en ce sens que l’article 3, paragraphe 1er, de la directive 64/221 du conseil du 25 février 1964 engendre en faveur des particuliers des droits qu’ils peuvent faire valoir en justice dans un Etat membre et que les juridictions nationales doivent sauvegarder;

Document 6 : CJCE, 11 janvier 2001, Monte Arcosu, C-403/98, Rec. I-103

(…) 25. Il ressort de l'ordonnance de renvoi que, par ses première et seconde questions, qu'il convient d'examiner ensemble, le Tribunale civile e penale di Cagliari demande en substance si et dans quelles conditions une juridiction nationale peut donner effet, à l'égard des sociétés de capitaux, aux articles 2, paragraphe 5, dernier alinéa, du règlement n° 797/85 et 5, paragraphe 5, dernier alinéa, du règlement n° 2328/91 lorsque le législateur d'un État membre n'a pas pris les dispositions nécessaires à leur mise en oeuvre dans son ordre juridique interne. 26. À cet égard, il convient de relever que, si, en raison même de la nature des règlements et de leur fonction dans le système des sources du droit communautaire, les dispositions desdits règlements ont, en général, effet immédiat dans les ordres juridiques nationaux, sans qu'il soit besoin pour les autorités nationales de prendre des mesures d'application, certaines de leurs dispositions peuvent néanmoins nécessiter, pour leur mise en oeuvre, l'adoption de mesures d'application par les États membres. 27. Tel est le cas des articles 2, paragraphe 5, dernier alinéa, du règlement n° 797/85 et 5, paragraphe 5, dernier alinéa, du règlement n° 2328/91 qui prévoient que, pour les personnes autres que les personnes physiques, les États membres définissent la notion d'exploitant agricole à titre principal en tenant compte des critères utilisés pour les personnes physiques. 28. En effet, eu égard à la marge d'appréciation dont disposent les États membres pour la mise en oeuvre desdites dispositions, il ne saurait être considéré que des particuliers peuvent tirer des droits de ces dispositions en l'absence de mesures d'application adoptées par les États membres. 29. Il résulte des considérations qui précèdent que les articles 2, paragraphe 5, dernier alinéa, du règlement n° 797/85 et 5, paragraphe 5, dernier alinéa, du règlement n° 2328/91 ne peuvent être invoqués devant une juridiction nationale par des sociétés de capitaux en vue d'obtenir la reconnaissance du statut d'exploitant agricole à titre principal lorsque le législateur d'un État membre n'a pas pris les dispositions nécessaires à leur mise en oeuvre dans son ordre juridique interne.

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Document 7. CJCE, 20 novembre 2008, Foselev Sud Ouest, C-18/08 Le cadre juridique 3 L’article 6, paragraphe 2, de la directive 1999/62 dispose: «Les États membres peuvent appliquer des taux réduits ou des exonérations pour: […] b) Les véhicules qui ne circulent qu’occasionnellement sur les voies publiques de l’État membre d’immatriculation et qui sont utilisés par des personnes physiques ou morales dont l’activité principale n’est pas le transport de marchandises, à condition que les transports effectués par ces véhicules n’entraînent pas de distorsions de concurrence et sous réserve de l’accord de la Commission.» 4 Le dispositif de la décision 2005/449 se lit comme suit: «Article premier Conformément à l’article 6, paragraphe 2, point b), de la directive 1999/62/CE, la Commission approuve par la présente l’exonération, jusqu’au 31 décembre 2009, de la taxe sur les véhicules à moteur de 12 tonnes ou plus utilisés exclusivement pour le transport d’équipements installés à demeure dans le cadre de travaux publics et industriels en France: […] Article 2 La République française est destinataire de la présente décision.» 5 Par le décret n° 2006-818 du 7 juillet 2006 modifiant le décret n° 70-1285 du 23 décembre 1970 relatif au transfert de l’assiette et du recouvrement de la taxe spéciale sur certains véhicules routiers à l’administration des douanes (JORF du 9 juillet 2006, p. 10311), les autorités françaises ont mis en œuvre la décision 2005/449. Le litige au principal et la question préjudicielle 6 Il ressort de la décision de renvoi que Foselev exerce une activité dans les secteurs suivants: levage, manutention, transports, maintenance industrielle, tuyauteries industrielles, nettoyage industriel et constructions modulaires. Cette société estime que la taxe à l’essieu n’est plus plus due depuis le 20 juin 2005, date d’adoption de la décision 2005/449, en ce qui concerne les véhicules visés par celle-ci. 7 L’administration des douanes et droits indirects considère en revanche que l’exonération dont Foselev invoque le bénéfice n’est entrée en vigueur qu’à la date de la publication au Journal officiel de la République française du décret n° 2006-818, soit le 9 juillet 2006. 8 Estimant que le litige dont il est saisi soulève la question de savoir si la décision 2005/449, qui autorise la République française à exonérer certains véhicules déterminés de la taxe à l’essieu, comporte une obligation pour ledit État membre de réaliser l’exonération approuvée et est donc de nature à produire un effet direct dans les relations entre les autorités fiscales françaises et Foselev, le tribunal d’instance de Bordeaux a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante: «L’article 6, [paragraphe] 2, [sous] b), de la directive 1999/62[…] prévoit la possibilité pour un État membre d’exonérer [des taxes visées par celle-ci] certaines catégories de véhicules. Dans ce cadre, l’autorisation donnée à la [République française] par la Commission, par [la] décision [2005/449], d’exonérer [de la taxe à l’essieu] certaines catégories de véhicules est-elle applicable directement au particulier ou, s’agissant d’une décision d’autorisation adressée à la [République française], nécessite-t-elle une mesure de transposition nationale?» Sur la question préjudicielle 9 Par sa question, la juridiction de renvoi demande en substance si la décision 2005/449, approuvant, en application de l’article 6, paragraphe 2, sous b), de la directive 1999/62, l’exonération de la taxe à l’essieu projetée par la République française, peut être invoquée par un particulier à l’encontre de cet État membre afin d’obtenir le bénéfice de cette exonération dès la notification ou la publication de cette décision. 10 À cet égard, l’article 249, quatrième alinéa, CE prévoit qu’une décision est obligatoire dans tous ses éléments pour les destinataires qu’elle désigne. En l’espèce, il s’impose de constater que le destinataire de la décision 2005/449 est la République française. 11 Par ailleurs, il convient de rappeler que la Cour a jugé, en premier lieu, qu’il serait incompatible avec l’effet contraignant que l’article 189 du traité CEE (devenu article 189 du traité CE, lui-même devenu article 249 CE) reconnaît à une décision d’exclure en principe que l’obligation qu’elle prévoit puisse être invoquée par des personnes concernées et, en second lieu, qu’une disposition d’une décision adressée à un État membre peut être invoquée à l’encontre de cet État membre lorsque la disposition en cause impose à son destinataire une obligation inconditionnelle et suffisamment nette et précise (arrêt du 10 novembre

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1992, Hansa Fleisch Ernst Mundt, C-156/91, Rec. p. I-5567, points 12 et 13 ainsi que jurisprudence citée). 12 Il importe dès lors de vérifier si la décision 2005/449 impose à la République française une obligation inconditionnelle et suffisamment nette et précise. 13 À cet égard, il y a lieu de relever que cette décision a pour base juridique l’article 6, paragraphe 2, sous b), de la directive 1999/62, qui prévoit la possibilité, pour un État membre, d’exonérer des taxes sur les véhicules à moteur certains véhicules ou de les soumettre à un taux réduit de taxation. 14 De plus, conformément à la même disposition, l’utilisation de cette possibilité par un État membre est subordonnée à l’approbation, par la Commission, d’un projet de mise en œuvre. 15 Dès lors, il suffit de constater que les États membres disposent, malgré l’intervention de la Commission, d’un large pouvoir d’appréciation en ce qui concerne tant leur décision de recourir à cette possibilité que le contenu de la mesure envisagée, sans qu’une quelconque obligation de recourir à ladite possibilité puisse découler de l’approbation de cette mesure par la Commission. 16 Ainsi, la décision 2005/449 a pour objet et pour effet non pas de contraindre la République française à accorder l’exonération envisagée dans le cadre de sa demande d’autorisation, mais de l’autoriser à mettre en œuvre cette exonération si telle est sa volonté. 17 Par ailleurs, le fait que la décision 2005/449 ne fixe pas la date de son entrée en application et se limite à fixer l’échéance de l’exonération approuvée au 31 décembre 2009 n’est pas susceptible d’avoir une incidence sur la portée et les effets de cette décision. 18 En effet, la décision 2005/449, selon les termes de l’article 254, paragraphe 3, CE, a pris effet à compter de sa notification à son destinataire, en l’espèce la République française. Il n’en demeure pas moins qu’un tel effet est celui de rendre possible une exonération, en l’occurrence non encore existante et nécessitant, pour sa mise en œuvre, un acte national, et nullement d’imposer une telle exonération. 19 Eu égard à tout ce qui précède, il convient de répondre à la question posée que la décision 2005/449 ne peut être invoquée par un particulier à l’encontre de la République française, destinataire de cette décision, afin d’obtenir le bénéfice de l’exonération autorisée par cette dernière dès la notification ou la publication de celle-ci.

3. Effet direct vertical – horizontal – oblique

Document 8 : CJCE, 12 décembre 1974, Walrave et Koch, 48/74, Rec. 1405

14 Attendu qu’il est demandé, en premier lieu, à propos de chacun des articles visés, si les dispositions d’un règlement d’une fédération sportive internationale peuvent être considérées comme incompatibles avec le traité; 15 Qu’il a été allégué que les interdictions de ces articles ne viseraient que les restrictions trouvant leur origine dans des actes de l’autorité et non celles résultant d’actes juridiques émanant de personnes ou associations ne relevant pas du droit public; 16 Attendu que les articles 7, 48 et 59 ont en commun de prohiber, dans leurs domaines d’application respectif, toutes discriminations exercées en raison de la nationalité; 17 Que la prohibition de ces discriminations s’impose non seulement à l'action des autorités publiques mais s’étend également aux réglementations d’une autre nature visant à régler, de façon collective, le travail salarié et les prestations de services; 18 Qu’en effet l’abolition entre les Etats membres des obstacles à la libre circulation des personnes et à la libre prestation des services, objectifs fondamentaux de la communauté, énoncés à l’article 3, lettre c), du traité, serait compromise si l’abolition des barrières d’origine étatique pouvait être neutralisée par des obstacles résultant de l’exercice de leur autonomie juridique par des associations ou organismes ne relevant pas du droit public; 19 Qu’en outre, les conditions de travail étant dans les différents Etats membres régies tantôt par la voie de dispositions d’ordre législatif ou réglementaire, tantôt par des conventions et autres actes conclus ou adoptés par des personnes privées, une limitation des interdictions en cause aux actes de l’autorité publique risquerait de créer des inégalités quant à leur application;

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20 Que, sans doute, les articles 60, alinéa 3, 62 et 64 concernent spécifiquement, dans le domaine des prestations de services, la suppression de mesures d’ordre étatique mais que cette circonstance ne permet pas de faire échec à la généralité des termes de l’article 59, lequel ne fait aucune distinction en ce qui concerne l’origine des entraves à éliminer ;

Document 9 : CJCE, 14 juillet 1994, Faccini Dori, C-91/92, Rec. I-3325 1 Par ordonnance du 24 janvier 1992, parvenue à la Cour le 18 mars suivant, le Giudice conciliatore di Firenze (Italie) a posé, en application de l' article 177 du traité CEE, une question relative, en premier lieu, à l' interprétation de la directive 85/577/CEE du Conseil, du 20 décembre 1985, concernant la protection des consommateurs dans le cas de contrats négociés en dehors des établissements commerciaux (JO L 372, p. 31, ci-après la "directive sur les contrats négociés en dehors des établissements commerciaux"), et, en second lieu, à son invocabilité dans un litige entre un commerçant et un consommateur. 2 Cette question a été soulevée dans le cadre d' un litige opposant Mlle Paola Faccini Dori, résidant à Monza (Italie), à Recreb Srl (ci-après "Recreb"). 3 Il résulte de l' ordonnance de renvoi que, le 19 janvier 1989, sans avoir été au préalable sollicitée par Mlle Faccini Dori, la société Interdiffusion Srl a conclu un contrat avec elle, pour un cours d' anglais par correspondance, dans la gare centrale de Milan (Italie), c' est-à-dire en dehors de son établissement. 4 Quelques jours plus tard, par lettre recommandée du 23 janvier 1989, Mlle Faccini Dori a informé cette société qu' elle annulait sa commande. Celle-ci lui a répondu le 3 juin 1989 qu' elle avait cédé sa créance à Recreb. Le 24 juin 1989, Mlle Faccini Dori a confirmé par écrit à Recreb qu' elle avait renoncé à sa souscription, en invoquant notamment le bénéfice de la faculté de renonciation prévue par la directive sur les contrats négociés en dehors des établissements commerciaux. 5 Cette directive vise, ainsi qu' il ressort de ses considérants, à améliorer la protection des consommateurs et à mettre fin aux disparités existant entre les législations nationales relatives à cette protection, disparités qui peuvent avoir une incidence sur le fonctionnement du marché commun. Elle explique, dans son quatrième considérant, que dans le cas des contrats conclus en dehors des établissements commerciaux du commerçant, l' initiative des négociations émane normalement du commerçant, que le consommateur ne s' y est, en aucune façon, préparé et qu' il se trouve ainsi souvent pris au dépourvu. La plupart du temps, le consommateur n' est pas à même de comparer la qualité et le prix de l' offre avec d' autres offres. Selon le même considérant, cet élément de surprise entre généralement en ligne de compte, non seulement pour les contrats conclus par démarchage à domicile, mais également pour d' autres formes de contrat dont le commerçant prend l' initiative en dehors de ses établissements commerciaux. La directive a dès lors pour objet, ainsi qu' il résulte de son cinquième considérant, d' accorder au consommateur un droit de résiliation pendant une durée de sept jours au moins, afin de lui donner la possibilité d' apprécier les obligations qui découlent du contrat. 6 Le 30 juin 1989, Recreb a demandé au Giudice conciliatore di Firenze d' enjoindre à Mlle Faccini Dori de lui payer la somme convenue, majorée des intérêts et des dépens. 7 Par ordonnance unilatérale prononcée le 20 novembre 1989, ce juge a condamné Mlle Faccini Dori à payer ces sommes. Celle-ci a formé opposition contre cette injonction devant le même magistrat. Elle a, une nouvelle fois, fait valoir qu' elle avait renoncé au contrat dans les conditions prescrites par la directive. 8 Il est constant cependant qu' au moment des faits, aucune mesure de transposition de la directive n' avait été prise par l' Italie, alors que le délai prévu pour sa transposition expirait le 23 décembre 1987. C' est seulement, en effet, par le decreto legislativo n 50 du 15 janvier 1992 (GURI, supplément ordinaire au n 27 du 3.2.1992, p. 24), entré en vigueur le 3 mars 1992, que l' Italie a transposé la directive.

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9 La juridiction de renvoi s' est demandé si, nonobstant le défaut de transposition de la directive par l' Italie à l' époque des faits, elle pouvait en appliquer les dispositions. 10 Elle a dès lors adressé à la Cour une question préjudicielle ainsi libellée: "La directive communautaire n 577 du 20 décembre 1985 doit-elle être considérée comme suffisamment précise et détaillée et, dans l' affirmative, a-t-elle été en mesure de produire des effets dans les rapports entre les particuliers et l' État italien et dans les rapports des particuliers entre eux, au cours de la période séparant l' expiration du délai de 24 mois assigné aux États membres pour s' y conformer de la date à laquelle l' État italien s' y est conformé?" 11 Il convient de relever que la directive sur les contrats négociés en dehors des établissements commerciaux prescrit aux États membres d'adopter certaines règles destinées à régir les rapports juridiques entre commerçants et consommateurs. Compte tenu de la nature du litige, qui oppose un consommateur à un commerçant, la question posée par la juridiction nationale soulève deux problèmes qu' il convient d' examiner séparément. Elle concerne, en premier lieu, le caractère inconditionnel et suffisamment précis des dispositions de la directive qui ont trait au droit de renonciation. Elle porte, en second lieu, sur l' invocabilité, en l' absence de mesures de transposition, dans des litiges opposant des personnes privées, d' une directive qui prescrit aux États membres l' adoption de certaines règles destinées à régir précisément des rapports entre ces personnes. Quant au caractère inconditionnel et suffisamment précis des dispositions de la directive relatives au droit de renonciation 12 Selon son article 1er, paragraphe 1, la directive s' applique aux contrats conclus entre un commerçant fournissant des biens et des services et un consommateur, soit pendant une excursion organisée par le commerçant en dehors de ses établissements commerciaux, soit pendant une visite du commerçant chez le consommateur ou sur son lieu de travail, lorsque la visite n' a pas lieu à la demande expresse de ce dernier. 13 L' article 2, quant à lui, précise qu' il faut entendre par "consommateur" toute personne physique qui, pour les transactions couvertes par la directive, agit pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle, et par "commerçant" toute personne physique ou morale qui, en concluant la transaction en question, agit dans le cadre de son activité commerciale ou professionnelle. 14 Ces dispositions sont suffisamment précises pour permettre au juge national de savoir qui sont les débiteurs des obligations et qui en sont les bénéficiaires. Aucune mesure particulière de mise en oeuvre n' est nécessaire à cet égard. Le juge national peut se borner à vérifier si le contrat a été conclu dans les circonstances décrites par la directive, et s' il est intervenu entre un commerçant et un consommateur au sens de la directive. 15 Pour protéger le consommateur qui a conclu un contrat dans de telles circonstances, l' article 4 de la directive dispose que le commerçant est tenu de l' informer par écrit de son droit de résilier le contrat, ainsi que des nom et adresse d' une personne à l' égard de laquelle il peut exercer ce droit. Il ajoute notamment que, dans le cadre de l' article 1er, paragraphe 1, cette information doit être donnée au consommateur au moment de la conclusion du contrat. Il précise enfin que les États membres doivent veiller à ce que leur législation nationale prévoie des mesures appropriées visant à protéger le consommateur lorsque l' information en question n' est pas fournie. 16 Par ailleurs, l' article 5, paragraphe 1, de la directive prescrit, notamment, que le consommateur doit avoir le droit de renoncer aux effets de son engagement en adressant une notification dans un délai d' au moins sept jours à compter du moment où le commerçant, conformément aux modalités et conditions prescrites par la législation nationale, l' a informé de ses droits. Le paragraphe 2 précise que la notification de cette renonciation a pour effet de libérer le consommateur de toute obligation découlant du contrat. 17 Les articles 4 et 5 accordent certes aux États membres une certaine marge d' appréciation en ce qui concerne la protection du consommateur lorsque l' information n' est pas fournie par le commerçant et pour ce qui est de la fixation du délai et des modalités de la renonciation. Cette circonstance n' affecte toutefois pas le caractère précis et inconditionnel des dispositions de la directive qui sont en cause dans le

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litige au principal. En effet, cette marge d' appréciation n' exclut pas que l' on puisse déterminer des droits minimaux. A cet égard, il résulte des termes de l' article 5 que la renonciation doit être notifiée dans un délai minimal de sept jours à partir du moment où le consommateur a reçu l' information exigée du commerçant. Il est donc possible de déterminer la protection minimale qui doit en tout état de cause être mise en place. 18 Pour ce qui est du premier problème soulevé, il y a donc lieu de répondre à la juridiction nationale que l' article 1er, paragraphe 1, l' article 2 et l' article 5 de la directive sont inconditionnels et suffisamment précis en ce qui concerne la détermination des bénéficiaires et le délai minimal dans lequel la renonciation doit être notifiée. Sur l'invocabilité des dispositions de la directive relatives au droit de renonciation, dans un litige opposant un consommateur à un commerçant 19 Le second problème posé par la juridiction nationale concerne plus précisément le point de savoir si, à défaut de mesures de transposition de la directive dans les délais prescrits, les consommateurs peuvent fonder sur la directive elle-même un droit à renonciation à l' encontre des commerçants avec lesquels ils ont conclu un contrat et le faire valoir devant une juridiction nationale. 20 Comme la Cour l' a relevé dans une jurisprudence constante depuis l' arrêt du 26 février 1986, Marshall (152/84, Rec. p. 723, point 48), une directive ne peut pas par elle-même créer d' obligations dans le chef d' un particulier et ne peut donc pas être invoquée en tant que telle à son encontre. 21 La juridiction nationale a relevé que la limitation des effets des directives inconditionnelles et suffisamment précises, mais non transposées, aux rapports entre entités étatiques et particuliers aboutirait à ce qu' un acte normatif n' ait cette nature que dans les rapports entre certains sujets juridiques alors que, dans l' ordre juridique italien comme dans l' ordre juridique de tout pays moderne fondé sur le principe de légalité, l' État est un sujet de droit semblable à n' importe quel autre. Si la directive ne pouvait être invoquée qu' à l' égard de l' État, cela équivaudrait à une sanction pour défaut d' adoption de mesures législatives de transposition comme s' il s' agissait d' un rapport de nature purement privée. 22 A cet égard, il suffit de relever qu' ainsi qu' il résulte de l' arrêt du 26 février 1986, Marshall, précité (points 48 et 49), la jurisprudence sur l' invocabilité des directives à l' encontre des entités étatiques est fondée sur le caractère contraignant que l' article 189 reconnaît à la directive, caractère contraignant qui n' existe qu' à l' égard de "tout État membre destinataire". Cette jurisprudence vise à éviter qu' "un État ne puisse tirer avantage de sa méconnaissance du droit communautaire". 23 Il serait inacceptable, en effet, que l' État auquel le législateur communautaire prescrit d' adopter certaines règles destinées à régir ses rapports — ou ceux des entités étatiques — avec les particuliers et à conférer à ceux-ci le bénéfice de certains droits puisse invoquer l' inexécution de ses obligations en vue de priver les particuliers du bénéfice de ces droits. C' est ainsi que la Cour a reconnu l' invocabilité à l' égard de l' État (ou d' entités étatiques) de certaines dispositions des directives sur la conclusion des marchés publics (voir arrêt du 22 juin 1989, Fratelli Costanzo, 103/88, Rec. p. 1839) et des directives sur l' harmonisation des taxes sur le chiffre d' affaires (voir arrêt du 19 janvier 1982, Becker, 8/81, Rec. p. 53). 24 Étendre cette jurisprudence au domaine des rapports entre les particuliers reviendrait à reconnaître à la Communauté le pouvoir d' édicter avec effet immédiat des obligations à la charge des particuliers alors qu' elle ne détient cette compétence que là où lui est attribué le pouvoir d' adopter des règlements. 25 Il s'ensuit que, à défaut de mesures de transposition de la directive dans les délais prescrits, les consommateurs ne peuvent pas fonder sur la directive elle-même un droit à renonciation à l' encontre des commerçants avec lesquels ils ont conclu un contrat et le faire valoir devant une juridiction nationale.

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Document 10 : CJCE, 12 juillet 1990, Foster e. a., C-188/89, Rec. I-3313 (…) Sur l'invocabilité des dispositions de la directive à l'encontre d'un organisme tel que la British Gas Corporation (ci-après BGC), 16 Il convient de rappeler la jurisprudence constante de la Cour (voir arrêt du 19 janvier 1982, Becker/Hauptzollamt Münster-Innenstadt, points 23 à 25, 8/81, Rec. p. 53) selon laquelle, lorsque les autorités communautaires ont, par voie de directive, obligé les États membres à adopter un comportement déterminé, l'effet utile d'un tel acte se trouverait affaibli si les justiciables étaient empêchés de s'en prévaloir en justice et les juridictions nationales de le prendre en considération en tant qu'élément du droit communautaire. En conséquence, l'État membre qui n'a pas pris, dans les délais, les mesures d'exécution imposées par la directive ne peut opposer aux particuliers le non-accomplissement par lui-même des obligations qu'elle comporte. Ainsi, dans tous les cas où des dispositions d'une directive apparaissent comme étant, du point de vue de leur contenu, inconditionnelles et suffisamment précises, ces dispositions peuvent être invoquées, à défaut de mesures d'application prises dans les délais, à l'encontre de toute disposition nationale non conforme à la directive, ou encore en tant qu'elles sont de nature à définir des droits que les particuliers sont en mesure de faire valoir à l'égard de l'État. 17 La Cour a encore jugé, dans l'arrêt du 26 février 1986 (Marshall, précité, point 49), que, lorsque les justiciables sont en mesure de se prévaloir d'une directive à l'encontre de l'État, ils peuvent le faire quelle que soit la qualité en laquelle agit ce dernier, employeur ou autorité publique. Dans l'un et l'autre cas, il convient, en effet, d'éviter que l'État ne puisse tirer avantage de sa méconnaissance du droit communautaire. 18 Sur la base de ces considérations, la Cour a tour à tour admis que des dispositions inconditionnelles et suffisamment précises d'une directive pouvaient être invoquées par les justiciables à l'encontre d'organismes ou d'entités qui étaient soumis à l'autorité ou au contrôle de l'État ou qui disposaient de pouvoirs exorbitants par rapport à ceux qui résultent des règles applicables dans les relations entre particuliers. 19 La Cour a ainsi jugé que des dispositions d'une directive pouvaient être invoquées à l'encontre d'autorités fiscales (arrêts du 19 janvier 1982, Becker, précité, et du 22 février 1990, CECA/Faillite Acciaierie e Ferriere Busseni, C-221/88, Rec. p. 0000), de collectivités territoriales (arrêt du 22 juin 1989, Fratelli Costanzo/Commune de Milan, 103/88, Rec. p. 0000), d'autorités constitutionnellement indépendantes chargées du maintien de l'ordre et de la sécurité publique (arrêt du 15 mai 1986, Johnston/Chief Constable of the Royal Ulster Constabulary, 222/84, Rec. p. 1651), ainsi que d'autorités publiques assurant des services de santé publique (arrêt du 26 février 1986, Marshall, précité). 20 Il résulte de ce qui précède que figure en tout cas au nombre des entités qui peuvent se voir opposer les dispositions d'une directive susceptibles d'avoir des effets directs un organisme qui, quelle que soit sa forme juridique, a été chargé en vertu d'un acte de l'autorité publique d'accomplir, sous le contrôle de cette dernière, un service d'intérêt public et qui dispose, à cet effet, de pouvoirs exorbitants par rapport aux règles applicables dans les relations entre particuliers. 21 S'agissant de l'article 5, paragraphe 1, de la directive 76/207, il y a lieu de rappeler que, dans l'arrêt du 26 février 1986, Marshall, précité, point 52, la Cour a dit pour droit que cette disposition était inconditionnelle et suffisamment précise pour être invoquée par un justiciable et appliquée par le juge. 22 Dès lors, il y a lieu de répondre à la question posée par la House of Lords que l'article 5, paragraphe 1, de la directive 76/207 du Conseil, du 9 février 1976, peut être invoqué en vue d'obtenir des dommages-intérêts à l'encontre d'un organisme qui, quelle que soit sa forme juridique, a été chargé en vertu d'un acte de l'autorité publique d'accomplir, sous le contrôle de cette dernière, un service d'intérêt public et qui dispose, à cet effet, de pouvoirs exorbitants par rapport aux règles applicables dans les relations entre les particuliers.

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Document 11 : CJUE, 19 janvier 2010, Seda Kücükdeveci c. Swedex GmbH & Co. KG, C-555/07 1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation du principe de non-discrimination en fonction de l’âge et de la directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail (JO L 303, p. 16). 2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Mme Kücükdeveci à son ancien employeur, Swedex GmbH & Co. KG (ci-après «Swedex»), à propos du calcul du délai de préavis applicable pour son licenciement. (…) Le litige au principal et les questions préjudicielles 12 Mme Kücükdeveci est née le 12 février 1978. Elle était employée depuis le 4 juin 1996, soit depuis l’âge de 18 ans, par Swedex. 13 Swedex a licencié cette salariée par lettre du 19 décembre 2006, avec effet, compte tenu du préavis légal, au 31 janvier 2007. L’employeur a calculé le délai de préavis comme si la salariée avait une ancienneté de 3 ans alors qu’elle était à son service depuis 10 ans. 14 Mme Kücükdeveci a contesté son licenciement devant l’Arbeitsgericht Mönchengladbach. Devant cette juridiction, elle a soutenu que le délai de son préavis aurait dû être de quatre mois à compter du 31 décembre 2006, soit jusqu’au 30 avril 2007, et ce en application de l’article 622, paragraphe 2, premier alinéa, point 4, du BGB. Ce délai correspondrait à une ancienneté de dix ans. Le litige en cause au principal oppose donc deux particuliers, à savoir, d’une part, Mme Kücükdeveci et, d’autre part, Swedex. 15 Selon Mme Kücükdeveci, l’article 622, paragraphe 2, second alinéa, du BGB, en ce qu’il prévoit que les périodes d’emploi accomplies avant l’âge de 25 ans ne sont pas prises en compte pour le calcul du délai de préavis, est une mesure de discrimination fondée sur l’âge, contraire au droit de l’Union, et son application doit être écartée. 16 Le Landesarbeitsgericht Düsseldorf, statuant en appel, a constaté que le délai de transposition de la directive 2000/78 était écoulé au jour où le licenciement a eu lieu. Cette juridiction a considéré également que l’article 622 du BGB contient une différence de traitement directement liée à l’âge, dont elle n’est pas convaincue du caractère inconstitutionnel, mais dont la conformité au droit de l’Union serait, en revanche, discutable. Elle se demande, à cet égard, si l’existence éventuelle d’une discrimination directe liée à l’âge doit être appréciée au regard du droit primaire de l’Union, comme semble le suggérer l’arrêt du 22 novembre 2005, Mangold (C‑144/04, Rec. p. I‑9981), ou bien au regard de la directive 2000/78. Soulignant que la disposition nationale en cause est claire et ne pourrait pas, le cas échéant, être interprétée dans un sens conforme à ladite directive, elle se demande également si, pour pouvoir laisser inappliquée cette disposition dans un litige entre personnes privées, elle doit au préalable, pour assurer la protection de la confiance légitime des justiciables, saisir la Cour, à titre préjudiciel, afin que celle-ci confirme l’incompatibilité de ladite disposition avec le droit de l’Union. 17 C’est dans ces conditions que le Landesarbeitsgericht Düsseldorf a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes: «1) a) Une législation nationale qui prévoit que les délais de préavis que l’employeur doit respecter augmentent progressivement en fonction de la durée de service, mais ne prend pas en considération les périodes d’emploi que le travailleur a effectuées avant qu’il n’ait atteint l’âge de 25 ans viole-t-elle l’interdiction de discrimination en raison de l’âge consacrée par le droit communautaire, notamment le droit primaire communautaire ou la directive 2000/78 [...]? b) Peut-on voir un motif justifiant que l’employeur ne doive respecter qu’un délai de préavis de base en cas de licenciement de jeunes travailleurs dans le fait qu’on lui reconnaisse un intérêt économique – auquel des périodes de préavis plus longues porteraient atteinte – à une gestion du personnel flexible et qu’on refuse aux jeunes travailleurs la protection de la stabilité de l’emploi et de la possibilité de prendre leurs dispositions (qu’offrent aux travailleurs plus âgés des délais de préavis plus longs), par exemple parce que, eu égard à leur âge et/ou à leurs obligations sociales, familiales et privées moindres, on peut

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raisonnablement exiger d’eux une flexibilité et une mobilité professionnelles et personnelles plus grandes? 2) En cas de réponse affirmative à la première question, sous a), et de réponse négative à la première question, sous b): La juridiction d’un État membre saisie d’un litige entre personnes privées doit-elle laisser inappliquée une législation contraire au droit communautaire ou faut-il tenir compte de la confiance que les justiciables placent dans l’application des lois nationales en vigueur en ce sens que l’inapplicabilité ne jouera qu’après une décision de la Cour de justice sur la réglementation en cause ou sur une réglementation en substance similaire?» Sur la première question 18 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si une réglementation nationale telle que celle en cause au principal, qui prévoit que les périodes de travail accomplies par le salarié avant que celui-ci ait atteint l’âge de 25 ans ne sont pas prises en compte pour le calcul du délai de préavis de licenciement, constitue une différence de traitement fondée sur l’âge interdite par le droit de l’Union, notamment par le droit primaire ou par la directive 2000/78. Elle s’interroge, en particulier, sur le point de savoir si une telle réglementation est justifiée par le fait qu’il conviendrait de ne respecter qu’un délai de préavis de base en cas de licenciement de jeunes travailleurs, d’une part, pour permettre aux employeurs de gérer leur personnel avec flexibilité, ce qui ne serait pas possible avec des délais de préavis plus longs, et, d’autre part, parce qu’il serait raisonnable d’exiger des jeunes travailleurs une mobilité personnelle et professionnelle plus grande que celle demandée aux travailleurs plus âgés. […] 43 Il résulte de l’ensemble de ces considérations qu’il convient de répondre à la première question que le droit de l’Union, et plus particulièrement le principe de non-discrimination en fonction de l’âge tel que concrétisé par la directive 2000/78, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui prévoit que les périodes de travail accomplies par le salarié avant qu’il ait atteint l’âge de 25 ans ne sont pas prises en compte pour le calcul du délai de préavis de licenciement. Sur la seconde question 44 Par sa seconde question, la juridiction de renvoi se demande si, lorsqu’elle est saisie d’un litige entre particuliers, pour pouvoir laisser inappliquée une réglementation nationale qu’elle estime contraire au droit de l’Union, elle doit au préalable, pour assurer la protection de la confiance légitime des justiciables, saisir la Cour sur le fondement de l’article 267 TFUE afin que celle-ci confirme l’incompatibilité de cette réglementation avec le droit de l’Union. 45 S’agissant, en premier lieu, du rôle du juge national lorsqu’il doit trancher un litige entre particuliers dans lequel il apparaît que la réglementation nationale en cause est contraire au droit de l’Union, la Cour a jugé que c’est aux juridictions nationales qu’il incombe d’assurer la protection juridique découlant pour les justiciables des dispositions du droit de l’Union et de garantir le plein effet de celles-ci (voir, en ce sens, arrêts du 5 octobre 2004, Pfeiffer e.a., C‑397/01 à C‑403/01, Rec. p. I‑8835, point 111, ainsi que du 15 avril 2008, Impact, C‑268/06, Rec. p. I‑2483, point 42). 46 À cet égard, s’agissant d’un litige entre particuliers, la Cour a constamment jugé qu’une directive ne peut pas, par elle-même, créer d’obligations dans le chef d’un particulier et ne peut donc être invoquée en tant que telle à son encontre (voir, notamment, arrêts du 26 février 1986, Marshall, 152/84, Rec. p. 723, point 48; du 14 juillet 1994, Faccini Dori, C‑91/92, Rec. p. I‑3325, point 20, ainsi que Pfeiffer e.a., précité, point 108). 47 Toutefois, l’obligation des États membres, découlant d’une directive, d’atteindre le résultat prévu par celle-ci ainsi que leur devoir de prendre toutes mesures générales ou particulières propres à assurer l’exécution de cette obligation s’imposent à toutes les autorités des États membres, y compris, dans le

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cadre de leurs compétences, aux autorités juridictionnelles (voir, notamment, en ce sens, arrêts du 10 avril 1984, von Colson et Kamann, 14/83, Rec. p. 1891, point 26; du 13 novembre 1990, Marleasing, C‑106/89, Rec. p. I‑4135, point 8; Faccini Dori, précité, point 26; du 18 décembre 1997, Inter-Environnement Wallonie, C‑129/96, Rec. p. I‑7411, point 40; Pfeiffer e.a., précité, point 110, ainsi que du 23 avril 2009, Angelidaki e.a., C‑378/07 à C‑380/07, non encore publié au Recueil, point 106). 48 Il s’ensuit que, en appliquant le droit national, la juridiction nationale appelée à l’interpréter est tenue de le faire dans toute la mesure du possible à la lumière du texte ainsi que de la finalité de cette directive pour atteindre le résultat fixé par celle-ci et se conformer ainsi à l’article 288, troisième alinéa, TFUE (voir, en ce sens, arrêts précités von Colson et Kamann, point 26; Marleasing, point 8; Faccini Dori, point 26, ainsi que Pfeiffer e.a., point 113). L’exigence d’une interprétation conforme du droit national est inhérente au système du traité en ce qu’elle permet à la juridiction nationale d’assurer, dans le cadre de ses compétences, la pleine efficacité du droit de l’Union lorsqu’elle tranche le litige dont elle est saisie (voir, en ce sens, arrêt Pfeiffer e.a., précité, point 114). 49 Cependant, selon la juridiction de renvoi, du fait de sa clarté et de sa précision, l’article 622, paragraphe 2, second alinéa, du BGB n’est pas susceptible d’une interprétation conforme à la directive 2000/78. 50 À cet égard, il y a lieu de rappeler, d’une part, que, ainsi qu’il a été dit au point 20 du présent arrêt, la directive 2000/78 ne fait que concrétiser, sans le consacrer, le principe de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail et, d’autre part, que le principe de non-discrimination en fonction de l’âge est un principe général du droit de l’Union en ce qu’il constitue une application spécifique du principe général de l’égalité de traitement (voir, en ce sens, arrêt Mangold, précité, points 74 à 76). 51 Dans ces conditions, il incombe à la juridiction nationale, saisie d’un litige mettant en cause le principe de non-discrimination en fonction de l’âge, tel que concrétisé par la directive 2000/78, d’assurer, dans le cadre de ses compétences, la protection juridique découlant pour les justiciables du droit de l’Union et de garantir le plein effet de celui-ci en laissant au besoin inappliquée toute disposition de la réglementation nationale contraire à ce principe (voir, en ce sens, arrêt Mangold, précité, point 77). 52 S’agissant, en second lieu, de l’obligation qui pèserait sur le juge national, saisi d’un litige entre particuliers, d’interroger la Cour à titre préjudiciel sur l’interprétation du droit de l’Union avant de pouvoir laisser inappliquée une disposition nationale qu’il estime contraire à ce droit, il convient de relever qu’il ressort de la décision de renvoi que cet aspect de la question est motivé par le fait que, en vertu du droit national, la juridiction de renvoi ne peut laisser inappliquée une disposition en vigueur de la législation nationale sans que cette disposition ait été au préalable déclarée inconstitutionnelle par le Bundesverfassungsgericht (Cour constitutionnelle fédérale). 53 À cet égard, il convient de souligner que la nécessité de garantir le plein effet du principe de non-discrimination en fonction de l’âge, tel que concrétisé par la directive 2000/78, implique que le juge national doit, en présence d’une disposition nationale entrant dans le champ d’application du droit de l’Union qu’il estime incompatible avec ledit principe et dont une interprétation conforme à celui-ci s’avère impossible, laisser cette disposition inappliquée, sans être ni contraint ni empêché de saisir au préalable la Cour d’une demande de décision préjudicielle. 54 La faculté ainsi reconnue au juge national par l’article 267, deuxième alinéa, TFUE de solliciter une interprétation préjudicielle de la Cour avant de laisser inappliquée la disposition nationale contraire au droit de l’Union ne saurait cependant se transformer en une obligation en raison du fait que le droit national ne permet pas à ce juge de laisser inappliquée une disposition nationale qu’il estime contraire à la Constitution sans que cette disposition ait été préalablement déclarée inconstitutionnelle par la Cour constitutionnelle. En effet, en vertu du principe de primauté du droit de l’Union, dont bénéficie également le principe de non-discrimination en fonction de l’âge, une réglementation nationale contraire qui entre

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dans le champ d’application du droit de l’Union doit être laissée inappliquée (voir, en ce sens, arrêt Mangold, précité, point 77). 55 Il résulte de ces considérations que le juge national, saisi d’un litige entre particuliers, n’est pas tenu mais a la faculté d’interroger la Cour à titre préjudiciel sur l’interprétation du principe de non-discrimination fondée sur l’âge, tel que concrétisé par la directive 2000/78, avant de laisser inappliquée une disposition de la réglementation nationale qu’il estime contraire à ce principe. Le caractère facultatif de cette saisine est indépendant des modalités s’imposant au juge national, en droit interne, pour laisser inappliquée une disposition nationale que celui-ci estime contraire à la Constitution. 56 Au regard de ce qui précède, il convient de répondre à la seconde question qu’il incombe à la juridiction nationale, saisie d’un litige entre particuliers, d’assurer le respect du principe de non-discrimination en fonction de l’âge, tel que concrétisé par la directive 2000/78, en laissant au besoin inappliquée toute disposition contraire de la réglementation nationale, indépendamment de l’exercice de la faculté dont elle dispose, dans les cas visés à l’article 267, deuxième alinéa, TFUE, d’interroger la Cour à titre préjudiciel sur l’interprétation de ce principe. (…) Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit: 1) Le droit de l’Union, et plus particulièrement le principe de non-discrimination en fonction de l’âge, tel que concrétisé par la directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui prévoit que les périodes de travail accomplies par le salarié avant qu’il ait atteint l’âge de 25 ans ne sont pas prises en compte pour le calcul du délai de préavis de licenciement. 2) Il incombe à la juridiction nationale, saisie d’un litige entre particuliers, d’assurer le respect du principe de non-discrimination en fonction de l’âge, tel que concrétisé par la directive 2000/78, en laissant au besoin inappliquée toute disposition contraire de la réglementation nationale, indépendamment de l’exercice de la faculté dont elle dispose, dans les cas visés à l’article 267, deuxième alinéa, TFUE, d’interroger la Cour de justice de l’Union européenne à titre préjudiciel sur l’interprétation de ce principe.

Document 12 : CJUE, 15 janvier 2014, AMS, C‑176/12. 2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant l’Association de médiation sociale (ci-après l’«AMS») à l’Union locale des syndicats CGT ainsi qu’à M. Laboubi, à l’Union départementale CGT des Bouches-du-Rhône et à la Confédération générale du travail (CGT) au sujet de la mise en place, par l’union syndicale localement compétente, d’institutions représentatives du personnel au sein de l’AMS. La réglementation de l’Union 3 L’article 27 de la Charte est libellé comme suit: «Les travailleurs ou leurs représentants doivent se voir garantir, aux niveaux appropriés, une information et une consultation en temps utile, dans les cas et conditions prévus par le droit de l’Union et les législations et pratiques nationales.» 4 L’article 1er de la directive 2002/14, intitulé «Objet et principes», prévoit: «1. La présente directive a pour objectif d’établir un cadre général fixant des exigences minimales pour le droit à l’information et à la consultation des travailleurs dans les entreprises ou les établissements situés dans la Communauté. 2. Les modalités d’information et de consultation sont définies et mises en œuvre conformément à la législation nationale et aux pratiques en matière de relations entre les partenaires sociaux en vigueur dans les différents États membres, de manière à assurer l’effet utile de la démarche.[...]» 5 L’article 2 de cette directive, relatif aux définitions, est libellé comme suit: «Aux fins de la présente directive, on entend par:[...]

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d) ‘travailleur’, toute personne qui, dans l’État membre concerné, est protégée en tant que travailleur dans le cadre de la législation nationale sur l’emploi et conformément aux pratiques nationales;[...]» 6 L’article 3 de ladite directive, intitulé «Champ d’application», dispose à son paragraphe 1: «La présente directive s’applique, selon le choix fait par les États membres: a) aux entreprises employant dans un État membre au moins 50 travailleurs, ou b) aux établissements employant dans un État membre au moins 20 travailleurs. Les États membres déterminent le mode de calcul des seuils de travailleurs employés.» 7 L’article 4 de la directive 2002/14, intitulé «Modalités de l’information et de la consultation», énonce à son paragraphe 1: «Dans le respect des principes énoncés à l’article 1er et sans préjudice des dispositions et/ou pratiques en vigueur plus favorables aux travailleurs, les États membres déterminent les modalités d’exercice du droit à l’information et à la consultation au niveau approprié, conformément au présent article.» 8 L’article 11 de la directive 2002/14 prévoit que les États membres doivent adopter les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer aux obligations de cette directive, au plus tard le 23 mars 2005, ou s’assurer que les partenaires sociaux mettent en place à cette date ces dispositions, les États membres devant alors prendre toutes les dispositions nécessaires pour leur permettre d’être toujours en mesure de garantir les résultats imposés par ladite directive. La réglementation française 9 Conformément à l’article L. 2312-1 du code du travail, l’élection de délégués du personnel est obligatoire pour tous les établissements comptant au moins onze salariés. 10 Dès lors que l’entreprise ou l’établissement compte cinquante salariés ou plus, les organisations syndicales désignent, en application des articles L. 2142-1-1 et L. 2143-3 de ce code, un représentant syndical et créent, en application de l’article L. 2322-1 dudit code, un comité d’entreprise. 11 L’article L. 1111-2 du code du travail dispose: «Pour la mise en œuvre des dispositions du présent code, les effectifs de l’entreprise sont calculés conformément aux dispositions suivantes: 1° Les salariés titulaires d’un contrat de travail à durée indéterminée à temps plein et les travailleurs à domicile sont pris intégralement en compte dans l’effectif de l’entreprise; 2° Les salariés titulaires d’un contrat de travail à durée déterminée, les salariés titulaires d’un contrat de travail intermittent, les salariés mis à la disposition de l’entreprise par une entreprise extérieure qui sont présents dans les locaux de l’entreprise utilisatrice et y travaillent depuis au moins un an, ainsi que les salariés temporaires, sont pris en compte dans l’effectif de l’entreprise à due proportion de leur temps de présence au cours des douze mois précédents. Toutefois, les salariés titulaires d’un contrat de travail à durée déterminée et les salariés mis à disposition par une entreprise extérieure, y compris les salariés temporaires, sont exclus du décompte des effectifs lorsqu’ils remplacent un salarié absent ou dont le contrat de travail est suspendu, notamment du fait d’un congé de maternité, d’un congé d’adoption ou d’un congé parental d’éducation; 3° Les salariés à temps partiel, quelle que soit la nature de leur contrat de travail, sont pris en compte en divisant la somme totale des horaires inscrits dans leurs contrats de travail par la durée légale ou la durée conventionnelle du travail». 12 L’article L. 1111-3 du code du travail prévoit: «Ne sont pas pris en compte dans le calcul des effectifs de l’entreprise: 1° Les apprentis; 2° Les titulaires d’un contrat initiative-emploi, pendant la durée de la convention prévue à l’article L. 5134-66; 3° (Abrogé); 4° Les titulaires d’un contrat d’accompagnement dans l’emploi pendant la durée de la convention mentionnée à l’article L. 5134-19-1; 5° (Abrogé);

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6° Les titulaires d’un contrat de professionnalisation jusqu’au terme prévu par le contrat lorsque celui-ci est à durée déterminée ou jusqu’à la fin de l’action de professionnalisation lorsque le contrat est à durée indéterminée. Toutefois, ces salariés sont pris en compte pour l’application des dispositions légales relatives à la tarification des risques d’accidents du travail et de maladies professionnelles.» Le litige au principal et les questions préjudicielles 13 L’AMS est une association régie par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association. Cette association participe à la mise en place de dispositifs de médiation sociale et de prévention de la délinquance dans la ville de Marseille (France). Elle a également pour mission de favoriser la réinsertion professionnelle des personnes sans emploi ou rencontrant des difficultés sociales et professionnelles d’accès à l’emploi. À cet égard, l’AMS leur propose d’acquérir une formation professionnelle dans le domaine de la médiation sociale au terme d’un projet professionnel individuel. 14 Le 4 juin 2010, l’Union départementale CGT des Bouches-du-Rhône a désigné M. Laboubi en qualité de représentant de la section syndicale créée au sein de l’AMS. 15 L’AMS conteste cette désignation. Elle considère que son effectif est de moins de onze et, a fortiori, de moins de cinquante salariés et que, par conséquent, elle n’est pas tenue, selon la réglementation nationale pertinente, de prendre des mesures de représentation des travailleurs, telles que l’élection d’un délégué du personnel. 16 En effet, pour déterminer si ces seuils de onze ou de cinquante salariés sont atteints au sein de l’association, il convient, selon l’AMS, d’exclure du calcul de son effectif, conformément à l’article L. 1111-3 du code du travail, les apprentis, les travailleurs titulaires d’un contrat initiative-emploi ou d’un contrat d’accompagnement dans l’emploi ainsi que les travailleurs titulaires de contrats de professionnalisation (ci-après les «travailleurs titulaires de contrats aidés»). 17 Le tribunal d’instance de Marseille, saisi d’une demande de l’AMS tendant à l’annulation de la désignation de M. Laboubi en qualité de représentant de la section syndicale CGT ainsi que d’une demande reconventionnelle de ce syndicat visant à ce qu’il soit enjoint à l’AMS d’organiser des élections aux fins de la mise en place d’institutions représentatives du personnel en son sein, a transmis une question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation portant sur les dispositions de l’article L. 1111-3 du code du travail 18 La Cour de cassation a saisi le Conseil constitutionnel de cette question. Le 29 avril 2011, ce dernier a déclaré que l’article L. 1111-3 du code du travail est conforme à la Constitution. 19 Devant le tribunal d’instance de Marseille, M. Laboubi et l’Union locale des syndicats CGT des Quartiers Nord – auxquels l’Union départementale CGT des Bouches-du-Rhône et la CGT se sont volontairement jointes – ont fait valoir que les dispositions de l’article L. 1111-3 du code du travail sont néanmoins contraires au droit de l’Union comme aux engagements internationaux de la République française. 20 En statuant à nouveau le 7 juillet 2011, le tribunal d’instance de Marseille a fait droit à cette argumentation et a écarté l’application des dispositions de l’article L. 1111-3 du code du travail, celles-ci n’étant pas conformes au droit de l’Union. Ainsi, ledit tribunal a validé la désignation de M. Laboubi en qualité de représentant de section syndicale, après avoir constaté que, en l’absence d’application des exclusions instituées par l’article L. 1111-3 du code de travail, l’effectif de l’association en cause dépassait largement le seuil de cinquante salariés. 21 L’AMS a formé un pourvoi devant la Cour de cassation contre ce jugement. 22 Dans ces conditions, la Cour de cassation a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes: «1) Le droit fondamental relatif à l’information et à la consultation des travailleurs, reconnu par l’article 27 de la [Charte], tel que précisé par les dispositions de la directive [2002/14] peut-il être invoqué dans un litige entre particuliers aux fins de vérifier la conformité d’une mesure nationale de transposition de [cette] directive? 2) Dans l’affirmative, ces mêmes dispositions doivent-elles être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à une disposition législative nationale excluant du calcul des effectifs de l’entreprise, notamment pour déterminer les seuils légaux de mise en place des institutions représentatives du personnel, les travailleurs titulaires [de] contrats [aidés]?» Sur les questions préjudicielles

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23 Par ses questions, qu’il y a lieu de traiter ensemble, la juridiction de renvoi cherche à savoir, en substance, si l’article 27 de la Charte, seul ou en combinaison avec les dispositions de la directive 2002/14, doit être interprété en ce sens que, lorsqu’une disposition nationale de transposition de cette directive, telle que l’article L. 1111-3 du code du travail, est incompatible avec le droit de l’Union, cet article de la Charte peut être invoqué dans un litige entre particuliers afin de laisser inappliquée ladite disposition nationale. 24 À cet égard, il convient, en premier lieu, de relever que la Cour a déjà jugé que, la directive 2002/14 ayant défini, à son article 2, sous d), le cadre des personnes à prendre en considération lors du calcul des effectifs de l’entreprise, les États membres ne sauraient exclure dudit calcul une catégorie déterminée de personnes entrant initialement dans ce cadre (voir arrêt du 18 janvier 2007, Confédération générale du travail e.a., C‑385/05, Rec. p. I-611, point 34). 25 En effet, une réglementation nationale telle que celle en cause au principal, qui exclut du calcul des effectifs de l’entreprise une catégorie déterminée des travailleurs, a pour conséquence de soustraire certains employeurs aux obligations prévues par la directive 2002/14 et de priver leurs travailleurs des droits reconnus par celle-ci. En conséquence, elle est de nature à vider lesdits droits de leur substance et ôte ainsi à cette directive son effet utile (voir arrêt Confédération générale du travail e.a., précité, point 38). 26 Certes, il est de jurisprudence constante que la promotion de l’emploi, mise en avant par le gouvernement français dans l’affaire au principal, constitue un objectif légitime de politique sociale et que les États membres disposent, lors du choix des mesures susceptibles de réaliser les objectifs de leur politique sociale, d’une large marge d’appréciation (voir arrêt Confédération générale du travail e.a., précité, point 28 ainsi que jurisprudence citée). 27 Toutefois, cette marge d’appréciation dont les États membres disposent en matière de politique sociale ne saurait avoir pour effet de vider de sa substance la mise en œuvre d’un principe fondamental du droit de l’Union ou d’une disposition de ce même droit (voir arrêt Confédération générale du travail e.a., précité, point 29). 28 Or, une interprétation de la directive 2002/14, selon laquelle l’article 3, paragraphe 1, de celle-ci permet aux États membres d’exclure du calcul des effectifs de l’entreprise une catégorie déterminée des travailleurs pour des motifs tels que ceux mis en avant par le gouvernement français dans l’affaire au principal, serait incompatible avec l’article 11 de ladite directive, qui prévoit que les États membres doivent prendre toutes les dispositions nécessaires pour être en mesure de garantir les résultats imposés par la directive 2002/14, en ce qu’elle impliquerait qu’il serait permis aux États membres de se soustraire à cette obligation de résultat claire et précise imposée par le droit de l’Union (voir arrêt Confédération générale du travail e.a., précité, point 40 ainsi que jurisprudence citée). 29 Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a donc lieu de conclure que l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2002/14 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une disposition nationale, telle que l’article L. 1111-3 du code du travail, qui exclut les travailleurs titulaires de contrats aidés du calcul des effectifs de l’entreprise dans le cadre de la détermination des seuils légaux de mise en place des institutions représentatives du personnel. 30 Il convient, en deuxième lieu, d’examiner si la directive 2002/14, et notamment son article 3, paragraphe 1, remplit les conditions pour produire un effet direct et, si tel est le cas, si les défendeurs au principal peuvent s’en prévaloir à l’encontre de l’AMS. 31 À cet égard, il importe de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, dans tous les cas où les dispositions d’une directive apparaissent, du point de vue de leur contenu, inconditionnelles et suffisamment précises, les particuliers sont fondés à les invoquer devant les juridictions nationales à l’encontre de l’État, soit lorsque celui-ci s’est abstenu de transposer dans les délais la directive en droit national, soit lorsqu’il en a fait une transposition incorrecte (voir arrêt du 5 octobre 2004, Pfeiffer e.a., C-397/01 à C-403/01, Rec. p. I-8835, point 103 ainsi que jurisprudence citée).

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32 En l’occurrence, l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2002/14 prévoit qu’il appartient aux États membres de déterminer le mode de calcul des seuils de travailleurs employés. 33 Si l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2002/14 laisse aux États membres une certaine marge d’appréciation lorsqu’ils adoptent les mesures nécessaires afin de mettre en œuvre cette directive, cette circonstance n’affecte pas, cependant, le caractère précis et inconditionnel de l’obligation de prise en compte de tous les travailleurs, prescrite à cet article. 34 En effet, la Cour a déjà constaté, ainsi qu’il a été souligné au point 24 du présent arrêt, que la directive 2002/14 ayant défini le cadre des personnes à prendre en considération lors de ce calcul, les États membres ne sauraient exclure dudit calcul une catégorie déterminée de personnes entrant initialement dans ce cadre. Ainsi, si ladite directive ne prescrit pas aux États membres la manière dont ceux-ci doivent tenir compte des travailleurs relevant de son champ d’application lors du calcul des seuils de travailleurs employés, elle prescrit néanmoins qu’ils doivent en tenir compte (voir arrêt Confédération générale du travail e.a., précité, point 34). 35 Eu égard à cette jurisprudence concernant l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2002/14 (voir arrêt Confédération générale du travail e.a., précité, point 40), il s’ensuit que cette disposition remplit les conditions requises pour produire un effet direct. 36 Cependant, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, même une disposition claire, précise et inconditionnelle d’une directive visant à conférer des droits ou à imposer des obligations aux particuliers ne saurait trouver application en tant que telle dans le cadre d’un litige qui oppose exclusivement des particuliers (voir arrêts Pfeiffer e.a., précité, point 109, ainsi que du 19 janvier 2010, Kücükdeveci, C‑555/07, Rec. p. I‑365, point 46). 37 À cet égard, il a été constaté au point 13 du présent arrêt que l’AMS est une association de droit privé, même si elle a une vocation sociale. Il en découle que, en raison de la nature juridique de l’AMS, les défendeurs au principal ne sauraient se prévaloir des dispositions de la directive 2002/14, en tant que telles, à l’encontre de cette association (voir, en ce sens, arrêt du 24 janvier 2012, Dominguez, C‑282/10, non encore publié au Recueil, point 42). 38 Toutefois, la Cour a jugé qu’une juridiction nationale, saisie d’un litige opposant exclusivement des particuliers, est tenue, lorsqu’elle applique les dispositions du droit interne adoptées aux fins de transposer les obligations prévues par une directive, de prendre en considération l’ensemble des règles du droit national et de les interpréter, dans toute la mesure du possible, à la lumière du texte ainsi que de la finalité de cette directive pour aboutir à une solution conforme à l’objectif poursuivi par celle-ci (voir arrêts du 4 juillet 2006, Adeneler e.a., C-212/04, Rec. p. I‑6057, point 111, ainsi que Pfeiffer e.a., précité, point 119 et Dominguez, précité, point 27). 39 Néanmoins, la Cour a précisé que ce principe d’interprétation conforme du droit national connaît certaines limites. Ainsi, l’obligation pour le juge national de se référer au contenu d’une directive lorsqu’il interprète et applique les règles pertinentes du droit interne est limitée par les principes généraux du droit et elle ne peut pas servir de fondement à une interprétation contra legem du droit national (voir arrêts du 15 avril 2008, Impact, C-268/06, Rec. p. I-2483, point 100, et Dominguez, précité, point 25). 40 Dans l’affaire au principal, il ressort de la décision de renvoi que la Cour de cassation se voit confrontée à une telle limite, de sorte que l’article L. 1111-3 du code du travail n’est pas susceptible d’une interprétation conforme à la directive 2002/14. 41 Dans ces circonstances, il convient de vérifier, en troisième lieu, si la situation de l’affaire au principal est similaire à celle de l’affaire ayant conduit à l’arrêt Kücükdeveci, précité, de sorte que l’article 27 de la Charte, seul ou en combinaison avec les dispositions de la directive 2002/14, peut être invoqué dans un litige entre particuliers afin d’écarter, le cas échéant, la disposition nationale non conforme à ladite directive.

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42 À l’égard de l’article 27 de la Charte en tant que tel, il convient de rappeler, qu’il résulte d’une jurisprudence constante que les droits fondamentaux garantis dans l’ordre juridique de l’Union ont vocation à être appliqués dans toutes les situations régies par le droit de l’Union (voir arrêt du 26 février 2013, Åkerberg Fransson, C‑617/10, non encore publié au Recueil, point 19). 43 Ainsi, la réglementation nationale en cause au principal constituant la mise en œuvre de la directive 2002/14, l’article 27 de la Charte a vocation à être appliqué à l’affaire au principal. 44 Il convient également de relever que l’article 27 de la Charte, intitulé «Droit à l’information et à la consultation des travailleurs au sein de l’entreprise», prévoit que les travailleurs doivent se voir garantir, à différents niveaux, une information et une consultation dans les cas et les conditions prévus par le droit de l’Union ainsi que par les législations et pratiques nationales. 45 Il ressort donc clairement du libellé de l’article 27 de la Charte, que, afin que cet article produise pleinement ses effets, il doit être précisé par des dispositions du droit de l’Union ou du droit national. 46 En effet, l’interdiction, prévue à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2002/14 et adressée aux États membres, d’exclure du calcul des effectifs de l’entreprise une catégorie déterminée de travailleurs entrant initialement dans le cadre des personnes à prendre en considération lors dudit calcul ne saurait être déduite, en tant que règle de droit directement applicable, ni du libellé de l’article 27 de la Charte ni des explications relatives audit article. 47 Il convient de noter, à cet égard, que les circonstances de l’affaire au principal se distinguent de celles ayant donné lieu à l’arrêt Kücükdeveci, précité, dans la mesure où le principe de non-discrimination en fonction de l’âge, en cause dans cette dernière affaire, consacré à l’article 21, paragraphe 1, de la Charte, se suffit à lui-même pour conférer aux particuliers un droit subjectif invocable en tant que tel. 48 Partant, l’article 27 de la Charte ne saurait, en tant que tel, être invoqué dans un litige, tel que celui au principal, afin de conclure que la disposition nationale non conforme à la directive 2002/14 est à écarter. 49 Cette constatation n’est pas susceptible d’être infirmée par la combinaison de l’article 27 de la Charte avec les dispositions de la directive 2002/14, étant donné que, dans la mesure où cet article ne se suffit pas à lui-même, pour conférer aux particuliers un droit invocable en tant que tel, il ne saurait en être autrement dans le cas d’une telle combinaison. 50 Toutefois, la partie lésée par la non-conformité du droit national au droit de l’Union pourrait se prévaloir de la jurisprudence issue de l’arrêt du 19 novembre 1991, Francovich e.a. (C-6/90 et C-9/90, Rec. p. I‑5357), pour obtenir, le cas échéant, réparation du dommage subi (voir arrêt Dominguez, précité, point 43). 51 Il découle de tout ce qui précède que l’article 27 de la Charte, seul ou en combinaison avec les dispositions de la directive 2002/14, doit être interprété en ce sens que, lorsqu’une disposition nationale de transposition de cette directive, telle que l’article L. 1111-3 du code du travail, est incompatible avec le droit de l’Union, cet article de la Charte ne peut pas être invoqué dans un litige entre particuliers afin de laisser inappliquée ladite disposition nationale. Sur les dépens 52 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement. Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit: L’article 27 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, seul ou en combinaison avec les dispositions de la directive 2002/14/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mars 2002, établissant un cadre général relatif à l’information et la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne, doit être interprété en ce sens que, lorsqu’une disposition nationale de transposition de cette directive, telle que l’article L. 1111-3 du code du travail français, est incompatible avec le droit de l’Union, cet article de la Charte ne peut pas être invoqué dans un litige entre particuliers afin de laisser inappliquée ladite disposition nationale.

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4. Primauté

Document 13 : CJCE, 15 juillet 1964, Costa /ENEL, 6/64, Rec. 1157.

(…) Moyen tiré de l’obligation pour le juge d’appliquer la loi interne Attendu que le gouvernement italien soulève " l'irrecevabilité absolue " de la demande du giudice conciliatore, au motif que la juridiction nationale, tenue d'appliquer une loi interne ne peut faire usage de l'article 177; Attendu qu'à la différence des traités internationaux ordinaires, le traité de la C.E.E. a institué un ordre juridique propre, intégré au système juridique des Etats membres lors de l'entrée en vigueur du traité et qui s'impose à leurs juridictions; Qu'en effet, en instituant une communauté de durée illimitée, dotée d'institutions propres, de la personnalité, de la capacité juridique, d'une capacité de représentation internationale et plus particulièrement de pouvoir réels issus d'une limitation de compétence ou d'un transfert d'attributions des Etats à la Communauté, ceux-ci ont limité, bien que dans des domaines restreints, leurs droits souverains et créé ainsi un corps de droit applicable à leurs ressortissants et à eux-mêmes; Attendu que cette intégration au droit de chaque pays membre de dispositions qui proviennent de source communautaire, et plus généralement les termes et l’esprit du traité, ont pour corollaire l'impossibilité pour les Etats de faire prévaloir, contre un ordre juridique accepté par eux sur une base de réciprocité, une mesure unilatérale ultérieure qui ne saurait ainsi lui être opposable; Que la force exécutive du droit communautaire ne saurait, en effet, varier d'un Etat à l'autre à la faveur des législations internes ultérieures, sans mettre en péril la réalisation des buts du traité visée à l'article 5, ni provoquer une discrimination interdite par l’article 7; Que les obligations contractées dans le traité instituant la Communauté ne seraient pas inconditionnelles mais seulement éventuelles, si elles pouvaient être mises en cause par les actes législatifs futurs des signataires; Que, lorsque le droit d'agir unilatéralement est reconnu aux Etats, c'est en vertu d'une clause spéciale précise (articles 15, 93-3, 223 a 225 par exemple); Que, d’autre part, les demandes de dérogation des Etats sont soumises à des procédures d'autorisation (articles 8-4, 17-4, 25, 26, 73, 93-2, 3e alinéa, et 226 par exemple) qui seraient sans objet s'ils avaient la possibilité de se soustraire à leurs obligations au moyen d'une simple loi; Attendu que la prééminence du droit communautaire est confirmée par l’article 189 aux termes duquel les règlements ont valeur " obligatoire " et sont " directement applicables dans tout Etat membre "; Que cette disposition, qui n'est assortie d'aucune réserve, serait sans portée si un Etat pouvait unilatéralement en annihiler les effets par un acte législatif opposable aux textes communautaires; Attendu qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments, qu'issu d’une source autonome, le droit né du traité ne pourrait donc, en raison de sa nature spécifique originale, se voir judiciairement opposer un texte interne quel qu’il soit, sans perdre son caractère communautaire et sans que soit mise en cause la base juridique de la communauté elle-même; Que le transfert opéré par les Etats, de leur ordre juridique interne au profit de l'ordre juridique communautaire, des droits et obligations correspondant aux dispositions du traité, entraîne donc une limitation définitive de leurs droits souverains contre laquelle ne saurait prévaloir un acte unilatéral ultérieur incompatible avec la notion de Communauté; Qu'en conséquence il y a lieu de faire application de l’article 177, nonobstant toute loi nationale, au cas ou se pose une question d’interprétation du traité;

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Document 14 : CJCE, Ord., 11 juillet 2008, Edgar Babanov, C-207/08

La réglementation communautaire 3 Le vingt-septième considérant du règlement (CE) n° 1782/2003 du Conseil, du 29 septembre 2003, établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs et modifiant les règlements (CEE) n° 2019/93, (CE) n° 1452/2001, (CE) n° 1453/2001, (CE) n° 1454/2001, (CE) n° 1868/94, (CE) n° 1251/1999, (CE) n° 1254/1999, (CE) n° 1673/2000, (CEE) n° 2358/71 et (CE) n° 2529/2001 (JO L 270, p. 1), énonce: « En ce qui concerne le chanvre, il convient de prévoir des mesures spécifiques afin d’éviter que des cultures illicites ne se cachent parmi celles qui peuvent bénéficier du paiement unique et ne portent ainsi atteinte à l’organisation commune des marchés de ce produit. Par conséquent, il convient de veiller à ce que les paiements à la surface ne soient octroyés que pour les superficies où des variétés de chanvre offrant certaines garanties quant à la teneur en substances psychotropes ont été utilisées. Il y a lieu d’adapter en conséquence les références aux mesures spécifiques prévues par le règlement (CE) n° 1673/2000 du Conseil, du 27 juillet 2000, portant organisation commune des marchés dans le secteur du lin et du chanvre destinés à la production de fibres [JO L 193, p. 16].» 4 Sous l’intitulé «Production de chanvre», l’article 52 du règlement n° 1782/2003 dispose: «1. Dans le cas de la production de chanvre relevant du code NC 5302 10 00, les variétés utilisées ont une teneur en tétrahydrocannabinol inférieure ou égale à 0,2 % et la production est couverte par un contrat ou une promesse d’achat-vente, conformément à l’article 2, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 1673/2000. Les États membres établissent un système permettant de vérifier la teneur en tétrahydrocannabinol des produits cultivés sur 30 % au moins des superficies de chanvre destiné à la production de fibres pour lesquels le contrat ou la promesse d’achat-vente a été signé. Toutefois, si un État membre introduit un système d’autorisation préalable pour ladite culture, le minimum est de 20 %. 2. Conformément à la procédure visée à l’article 144, paragraphe 2, l’octroi du paiement est subordonné à l’utilisation de semences certifiées de certaines variétés et à une déclaration des superficies de chanvre destiné à la production de fibres.» La réglementation nationale 5 L’article 265 du code pénal lituanien est rédigé comme suit: «1. Celui qui, en infraction à la réglementation en vigueur, a cultivé une quantité importante de pavot, de chanvre ou d’autres plantes figurant sur la liste des stupéfiants et substances psychotropes, est puni de travaux d’intérêt public ou d’une amende ou d’une peine restrictive de liberté ou d’une peine d’emprisonnement jusqu’à cinq ans. 2. Les personnes morales peuvent également être déclarées pénalement responsables du fait incriminé par le présent article.» 6 Jusqu’au 14 juillet 2006, la rédaction dudit article 265 était la suivante: «Celui qui, en infraction à la réglementation en vigueur, a cultivé une quantité importante de pavot, de chanvre ou d’autres plantes figurant sur la liste des stupéfiants et substances psychotropes, est puni de travaux d’intérêt public ou d’une amende ou d’une peine restrictive de liberté ou d’une peine d’emprisonnement jusqu’à deux ans.» 7 L’article 7 de la loi n° VIII-602, sur le contrôle des stupéfiants et substances psychotropes (Narkotinių ir psichotropinių medžiagų kontrolės įstatymas Nr. VIII-602), du 8 janvier 1998 (Žin., 1998, n° 8-161), tel que modifié par la loi n° IX-1249, du 10 décembre 2002 (Žin., 2002, n° 123-5536), dispose: «Sur le territoire de la République de Lituanie, la culture du pavot à opium, du chanvre et du coca est interdite.» 8 L’article 2, paragraphe 1, de ladite loi précise : «On entend par ‘stupéfiants et substances psychotropes’ les substances naturelles ou synthétiques figurant

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sur les listes des substances placées sous contrôle arrêtées par le ministère de la Santé publique, qui, du fait d’un effet nocif ou en cas d’abus, causent un trouble grave à la santé humaine, se manifestant par la dépendance psychique et physique de la personne à ces substances, ou un risque pour la santé humaine.» Le litige au principal et les questions préjudicielles 9 Au début de l’année 2006, M. Babanov a licitement acquis en France, auprès de la Coopérative centrale des producteurs de semences de chanvre, 300 kg de semences de chanvre de la variété «Felina 32», qu’il a transportées de France vers la Lituanie, puis semées sur un terrain loué. 10 M. Babanov a déclaré que les graines de chanvre étaient destinées à un nouvel ensemencement ainsi qu’à la fabrication de papier. 11 Une enquête a été ouverte le 29 novembre 2006, après que M. Babanov eut commencé à moissonner le chanvre et fauché la plus grande partie de la récolte. 12 Le 1er décembre 2006, M. Babanov a lui-même demandé à l’Institut de chimie de déterminer de quel type de plante relevait le chanvre en cause dans l’affaire au principal et ce dernier a conclu qu’il s’agissait de chanvre à fibres. 13 Le rapport de l’expertise effectuée le 17 avril 2007 à la demande de la juridiction de première instance indique que le chanvre analysé contenait 0,04 % de substance active, à savoir le delta-9-tétrahydrocannabinol. 14 Par jugement du 18 décembre 2007, le Rokiškio rajono apylinkės teismas a relaxé M. Babanov des fins de la poursuite au titre de l’article 265 du code pénal lituanien, au motif que l’infraction reprochée n’était pas constituée. Le procureur en chef du district de Rokiškis a interjeté appel de ce jugement et demandé que M. Babanov soit déclaré coupable de l’infraction prévue audit article 265 et condamné à une amende d’un montant de 80 fois le minimum vital mensuel. 15 L’expert interrogé par la juridiction d’appel a déclaré que le chanvre analysé était une variété à fibres, ne présentant aucun risque pour la santé, qu’il était impossible d’en obtenir un stupéfiant par des opérations chimiques et que le chanvre présentait un risque pour la santé lorsque sa teneur en substance active était de 0,5 à 5 %. 16 Le Panevėžio apygardos teismas, ayant notamment indiqué que l’article 52 du règlement n° 1782/2003 autorisait la production de chanvre relevant du code NC 5302 10 00 lorsque les variétés utilisées avaient une teneur en tétrahydrocannabinol inférieure ou égale à 0,2 %, a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes en demandant que cette dernière statue selon la procédure accélérée: 1) L’article 265 du code pénal lituanien est-il contraire à des actes normatifs de l’Union européenne, et à quels actes précisément, dans la mesure où il sanctionne pénalement de façon inconditionnelle la culture de toute sorte de chanvre, sans exception, quelle qu’en soit la teneur en substance active? 2) En cas de réponse affirmative, une juridiction lituanienne peut-elle rendre une décision appliquant la loi nationale, à savoir l’article 265 du code pénal lituanien, si la teneur en substance active du chanvre cultivé n’excède pas 0,2 %?» Sur les questions préjudicielles Sur la première question 19 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le droit communautaire doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une législation nationale qui a pour effet d’interdire la culture et la détention du chanvre. 20 En vue de répondre à la question ainsi reformulée, il convient au préalable de déterminer les dispositions de droit communautaire applicables à l’affaire au principal. 21 Il ressort de la décision de renvoi que le litige au principal porte sur une variété de chanvre qui présente une teneur maximale en tétrahydrocannabinol de 0,04 %. Il apparaît également que ce produit relève du code NC 5302 10 00. 22 À la lumière des constatations de la juridiction de renvoi concernant les caractéristiques du chanvre en

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cause au principal et la date à laquelle celui-ci a été cultivé, soit au cours de l’année 2006, il y a lieu de considérer que le règlement n° 1782/2003, notamment son article 52, est pertinent dans l’affaire au principal. 23 Dès lors, il y a lieu d’examiner prioritairement au regard dudit règlement, qui régit notamment l’organisation commune de marché dans le secteur du chanvre, la question de savoir si le droit communautaire s’oppose à une législation nationale qui a pour effet d’interdire notamment la culture et la détention de ce produit. 24 À cet égard, il convient de rappeler qu’il est de jurisprudence constante que, en présence d’un règlement portant organisation commune des marchés dans un secteur déterminé, les États membres sont tenus de s’abstenir de toute mesure qui serait de nature à y déroger ou à y porter atteinte (voir, notamment, arrêt du 16 janvier 2003, Hammarsten, C-462/01, Rec. p. I-781, point 28 et jurisprudence citée). 25 Il résulte également d’une jurisprudence constante que l’établissement d’une organisation commune de marché n’empêche pas les États membres d’appliquer des règles nationales qui poursuivent un objectif d’intérêt général autre que ceux couverts par l’organisation commune, même si ces règles sont susceptibles d’avoir une incidence sur le fonctionnement du marché commun dans le secteur concerné (voir arrêt Hammarsten, précité, point 29 et jurisprudence citée). 26 Il y a lieu de constater, d’une part, que l’interdiction qui découle de la législation lituanienne relative aux stupéfiants de cultiver et de détenir du chanvre destiné à la production de fibres couvert par l’organisation commune de marché dans le secteur du chanvre porte directement atteinte à cette organisation commune. 27 En effet, cette interdiction prive les agriculteurs établis en Lituanie de toute possibilité d’importer et de cultiver le chanvre en cause au principal ainsi que, par conséquent, de réclamer le bénéfice de l’aide visée à l’article 52 du règlement n° 1782/2003. 28 Il convient de constater, d’autre part, que la législation lituanienne relative aux stupéfiants ne poursuit pas un objectif d’intérêt général qui ne serait pas couvert par l’organisation commune de marché dans le secteur du chanvre. 29 En effet, il ressort du vingt-septième considérant du règlement n° 1782/2003 que les risques que des cultures illicites se cachent parmi celles cultivées licitement ont précisément été pris en compte dans le cadre de l’organisation commune de marché dans le secteur du chanvre. 30 À cet effet, l’article 52 du règlement n° 1782/2003, lu en combinaison avec le vingt-septième considérant de celui-ci, limite l’aide accordée à des variétés de chanvre offrant certaines garanties quant à la teneur en substances psychotropes. Ainsi, la teneur maximale en tétrahydrocannabinol admissible pour le chanvre éligible à l’aide communautaire doit être inférieure ou égale à 0,2 %. 31 Il s’ensuit que le règlement n° 1782/2003 s’oppose à une législation nationale telle que celle en cause au principal. 32 Au vu des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la première question que le règlement n° 1782/2003 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une législation nationale qui a pour effet d’interdire la culture et la détention du chanvre destiné à la production de fibres visé par ledit règlement. Sur la seconde question 33 Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le droit communautaire doit être interprété en ce sens qu’il permet à une juridiction d’un État membre d’appliquer une législation nationale qui, en méconnaissance du règlement n° 1782/2003, a pour effet d’interdire la culture et la détention du chanvre destiné à la production de fibres visé par ledit règlement. 34 Il y a lieu, à cet égard, de rappeler qu’il appartient à la juridiction nationale de donner à la loi interne qu’elle doit appliquer, dans toute la mesure du possible, une interprétation conforme aux exigences du droit communautaire (voir arrêt du 5 octobre 1994, van Munster, C-165/91, Rec. p. I-4661, point 34 et

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jurisprudence citée). 35 Il ressort, en outre, d’une jurisprudence constante que la juridiction nationale chargée d’appliquer, dans le cadre de sa compétence, les normes du droit communautaire a l’obligation d’assurer le plein effet de ces normes en laissant au besoin inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition contraire de la législation nationale (arrêt du 18 juillet 2007, Lucchini, C6119/05, Rec. p. I66199, point 61 et jurisprudence citée). 36 Partant, il convient de répondre à la seconde question que le droit communautaire s’oppose à ce qu’une juridiction d’un État membre applique une législation nationale qui, en méconnaissance du règlement n° 1782/2003, a pour effet d’interdire la culture et la détention du chanvre destiné à la production de fibres visé par ledit règlement.

Document 15 : Déclaration n° 27 annexée au traité de Lisbonne relative à la primauté

La Conférence rappelle que, selon une jurisprudence constante de la Cour de justice de l'UE, les traités et le droit adopté par l'Union sur la base des traités priment le droit des États membres, dans les conditions définies par ladite jurisprudence. En outre, la Conférence a décidé d'annexer au présent Acte final l'avis du Service juridique du Conseil sur la primauté tel qu'il figure au document 11197/07 (JUR 260): "Avis du Service juridique du Conseil du 22 juin 2007 Il découle de la jurisprudence de la Cour de justice que la primauté du droit communautaire est un principe fondamental dudit droit. Selon la Cour, ce principe est inhérent à la nature particulière de la Communauté européenne. À l'époque du premier arrêt de cette jurisprudence constante (arrêt du 15 juillet 1964 rendu dans l'affaire 6/64, Costa contre ENEL1, la primauté n'était pas mentionnée dans le traité. Tel est toujours le cas actuellement. Le fait que le principe de primauté ne soit pas inscrit dans le futur traité ne modifiera en rien l'existence de ce principe ni la jurisprudence en vigueur.

1 "Il [en] résulte (…) qu'issu d'une source autonome, le droit né du traité ne pourrait donc, en raison de sa nature spécifique originale, se voir

judiciairement opposer un texte interne quel qu'il soit, sans perdre son caractère communautaire et sans que soit mise en cause la base juridique

de la Communauté elle-même."