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Lettres à la rédaction Le syndrome de la pince mésentérique chez l’adulte F. Chehab, I. Hajji, N. Haimoud, A. Lakhloufi, D. Khaiz, A. Bouzidi Service de chirurgie viscérale, aile III, CHU Ibn Rochd, Casablanca, Maroc syndrome de la pince mésentérique superior mesenteric artery syndrome Le syndrome de la pince mésentérique ou syndrome de Wilkie est une forme rare d’obstruction duodé- nale haute. Il a été rapporté pour la première fois par Rokitansky en 1861. Il est dû à la compression extrinsèque du 3 e duodénum par la pince aortomé- sentérique. L’originalité de cette observation réside dans l’association de ce syndrome à un ulcère pyloroduo- dénal. Observation M. M.C. 24 ans, sans antécédent particulier, a été admis à l’hôpital pour des épigastralgies évoluant depuis cinq mois, compliquées de vomissements alimentaires, survenant préférentiellement le matin au lever, avec un amaigrissement chiffré de 15 kg en cinq mois. Le patient en assez bon état général, pesait 48 kg pour 1,77 m, sans signe de déshydrata- tion. L’examen de l’abdomen trouvait un clapotage à jeun. La fibroscopie montrait un ulcère bulbaire avec inflammation hémorragique d’aspect poly- poïde, une sténose duodénale au niveau du D3. Les biopsies gastriques concluaient à une gastrite chro- nique atrophique modérée avec présence d’Helico- bacter pylori. Le TOGD objectivait un estomac de stase, un ulcère bulbaire et une sténose de D3 courte, de 1 cm, évoquant un syndrome de la pince mésen- térique (figure 1). Une intervention chirurgicale a été décidée. L’exploration chirurgicale montrait une compres- sion évidente de D3 par la pince aortomésentérique, un estomac de stase et un ulcère pyloroduodénal en présténose. L’opération a consisté en une vagotomie tronculaire bilatérale et une anastomose gastrojéju- nale latérolatérale transmésocolique. Les suites opé- ratoires étaient simples. Le contrôle radiologique après cinq mois a montré la perméabilité de l’anas- tomose gastrojéjunale (figure 2). L’évolution après deux ans était satisfaisante avec un gain de poids de 18 kg et une disparition des vomissements et des douleurs abdominales, sans trouble du transit. Commentaires Le syndrome de la pince mésentérique est une entité rare, survenant préférentiellement chez les patients jeunes de sexe féminin [1] et résultant de la com- pression du 3 e duodénum entre l’aorte et l’artère mésentérique supérieure. Certains facteurs favori- sants sont le plus souvent retrouvés [1, 2] : – un amaigrissement rapide (anorexie mentale pres- que dans la moitié des cas [1], grands brûlés, etc.) entraînant la fonte de la graisse mésentérique ; – une hyperlordose rachidienne ; – la correction d’une scoliose ; Figure 1. Transit baryté : sténose du 3 e duodénum : syndrome de la pince mésentérique. Ann Chir 2001 ; 126 : 808-21 © 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S0003394401006010/COR

Le syndrome de la pince mésentérique chez l’adulte

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Page 1: Le syndrome de la pince mésentérique chez l’adulte

Lettres à la rédaction

Le syndrome de la pince mésentériquechez l’adulte

F. Chehab, I. Hajji, N. Haimoud, A. Lakhloufi,D. Khaiz, A. Bouzidi

Service de chirurgie viscérale, aile III, CHU Ibn Rochd,Casablanca, Maroc

syndrome de la pince mésentérique

superior mesenteric artery syndrome

Le syndrome de la pince mésentérique ou syndromede Wilkie est une forme rare d’obstruction duodé-nale haute. Il a été rapporté pour la première fois parRokitansky en 1861. Il est dû à la compressionextrinsèque du 3e duodénum par la pince aortomé-sentérique.

L’originalité de cette observation réside dansl’association de ce syndrome à un ulcère pyloroduo-dénal.

Observation

M. M.C. 24 ans, sans antécédent particulier, a étéadmis à l’hôpital pour des épigastralgies évoluantdepuis cinq mois, compliquées de vomissementsalimentaires, survenant préférentiellement le matinau lever, avec un amaigrissement chiffré de 15 kg encinq mois. Le patient en assez bon état général,pesait 48 kg pour 1,77 m, sans signe de déshydrata-tion. L’examen de l’abdomen trouvait un clapotageà jeun. La fibroscopie montrait un ulcère bulbaireavec inflammation hémorragique d’aspect poly-poïde, une sténose duodénale au niveau du D3. Lesbiopsies gastriques concluaient à une gastrite chro-nique atrophique modérée avec présence d’Helico-bacter pylori. Le TOGD objectivait un estomac destase, un ulcère bulbaire et une sténose de D3 courte,de 1 cm, évoquant un syndrome de la pince mésen-térique (figure 1).

Une intervention chirurgicale a été décidée.L’exploration chirurgicale montrait une compres-sion évidente de D3 par la pince aortomésentérique,un estomac de stase et un ulcère pyloroduodénal enprésténose. L’opération a consisté en une vagotomietronculaire bilatérale et une anastomose gastrojéju-nale latérolatérale transmésocolique. Les suites opé-ratoires étaient simples. Le contrôle radiologiqueaprès cinq mois a montré la perméabilité de l’anas-tomose gastrojéjunale (figure 2). L’évolution aprèsdeux ans était satisfaisante avec un gain de poids de18 kg et une disparition des vomissements et desdouleurs abdominales, sans trouble du transit.

Commentaires

Le syndrome de la pince mésentérique est une entitérare, survenant préférentiellement chez les patientsjeunes de sexe féminin [1] et résultant de la com-pression du 3e duodénum entre l’aorte et l’artèremésentérique supérieure. Certains facteurs favori-sants sont le plus souvent retrouvés [1, 2] :– un amaigrissement rapide (anorexie mentale pres-que dans la moitié des cas [1], grands brûlés, etc.)entraînant la fonte de la graisse mésentérique ;– une hyperlordose rachidienne ;– la correction d’une scoliose ;

Figure 1. Transit baryté : sténose du 3e duodénum : syndrome de lapince mésentérique.

Ann Chir 2001 ; 126 : 808-21© 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés

S0003394401006010/COR

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– des anomalies anatomiques (brièveté du ligamentde Treitz, origine basse de l’artère mésentériquesupérieure sur l’aorte) ;– une maladie de système (sclérodermie) [3] ;– une intervention sur l’aorte ;– une infirmité motrice cérébrale ;– un facteur génétique a été récemment incriminéaprès la description d’un syndrome de la pince mésen-térique chez des membres de la même famille [4].

Quelques rares cas de syndrome de la pincemésentérique sans facteur déclenchant évident ontété décrits dans la littérature [5] et cette observationsemble entrer dans ce cadre.

L’expression clinique du syndrome de la pincemésentérique peut revêtir deux formes [1]. La formechronique est la forme la plus fréquente (90 % descas) : le malade se plaint de troubles non spécifiqueset intermittents, d’épigastralgies, de vomissementsbilieux qui ont comme caractéristique fondamentaleleur aggravation en décubitus dorsal et leur dispari-tion en décubitus latéral gauche et en position assise.La forme aiguë réalise une occlusion haute sévère,avec dilatation aiguë de l’estomac, pouvant engagerle pronostic vital [1].

Le diagnostic du syndrome de la pince mésenté-rique est confirmé radiologiquement grâce au transitbaryté qui montre [1, 2] : une stase et une dilatationde l’estomac, de D1, D2 et D3 ; une image d’arrêt

linéaire oblique en bas et à droite sur le 3e duodé-num qui correspond au niveau du passage de l’artèremésentérique supérieure ; un retard de l’évacuationgastrique ; l’opacification du jéjunum est obtenue enmettant le malade en décubitus latéral gauche ou enposition ventrale.

Certains auteurs préfèrent la duodénographiehypotonique au transit baryté classique [5].

L’artériographie n’est indiquée qu’exceptionnelle-ment pour confirmer le diagnostic ; réalisé en asso-ciation avec la duodénographie hypotonique, ellemontre une réduction de l’ngle aortomésentérique à6–15 ° pour une normale de 45–60 ° et une diminu-tion de la distance de croisement de 2 à 8 mm pourune normale de 10 à 28 mm [4]. L’échographie et laTDM abdominales n’ont aucune place dans le dia-gnostic mais peuvent révéler le mécanisme étiolo-gique [6]. L’endoscopie reste souhaitable pour détec-ter les effets néfastes de la stase et du reflux biliaire(gastrite, ulcère duodénal, etc.) et éliminer une causeintrinsèque de la compression duodénale [5].L’échodoppler a un rôle diagnostique en montrantune fermeture de l’angle aortomésentérique et unedilatation de la veine rénale gauche [5].

Le traitement avant tout médical [2], doit répondreà deux objectifs : la correction d’éventuels facteursfavorisants (déformation rachidienne, corset plâtré,dénutrition, etc.) et la correction des conséquencesde cette compression : hyperalimentation, réhydra-tation, correction des troubles hydroélectrolytiques,manœuvres posturales en décubitus latéral gauche eten décubitus ventral. Le traitement médical peutsuffire dans 30 à 50 % des cas [6] surtout enprésence d’un facteur favorisant évident et corrigi-ble, et l’estomac reprend son volume normal en 15jours à un mois. Le recours à un traitement chirur-gical ne doit être envisagé qu’après échec du traite-ment médical ou en l’absence de facteurs déclen-chants évidents comme c’était le cas dans notreobservation. Plusieurs techniques ont été proposées.L’intervention de Strong qui consiste en une sectiondu ligament de Treitz avec abaissement de D4 a étéproposée chez l’enfant mais elle comporte un tauxde récidive de 20 % [3]. La dérotation intestinaleavec création d’un mésentère commun est unetechnique qui paraît séduisante mais elle comporteun risque non négligeable d’occlusion postopéra-toire sur bride [1]. L’anastomose duodénojéjunaleou gastrojéjunale reste l’intervention de choix chez

Figure 2. Transit baryté : perméabilité de l’anastomose gastrojéju-nale latérolatérale.

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l’adulte. Cette dernière était justifiée chez notrepatient qui avait en outre un ulcère pyloroduodénalen présténose.

Conclusion

Le syndrome de la pince mésentérique est unepathologie rare, confirmée par le transit baryté. Letraitement chirurgical doit être entrepris en casd’échec du traitement médical, en cas d’absence defacteur déclenchant évident, et en cas de présenced’un ulcère associé.

Références

1 Kalouche I, Leturgie C, Tronc F, Bokobza B, Michot F, Pons P.Le syndrome de la pince mésentérique. À propos dune obser-vation et revue de la littérature. Ann Chir 1991 ; 45 : 609-62.

2 Aubert M, Bouchet C, Chirossel JP, Roche C, Guignier M.Syndrome de la pince mésentérique compliquant un trauma-tisme du pancréas. J Chir (Paris) 1980 ; 117 : 111-4.

3 Rullier E, Saric J, Parneix M. Intérêt de la technique dedérotation intestinale dans le traitement du syndrome de la pincemésentérique. J Chir (Paris) 1994 ; 131 : 124-8.

4 Ortiz C, Cleveland RH, Blickman JG, Jamarillo D, Kim SH.Familial superior mesenteric artery syndrome. Pediatr Radiol1990 ; 20 : 588-9.

5 Bonnet JP, Louis D, Foray P. La pince aortomésentériquesupérieure primitive. Arch Pédiatr 1995 ; 2 : 333-8.

6 Stheneur C, Rey C, Pariente D, Alvin P. Dilatation aiguë delestomac avec pince mésentérique chez une jeune fille anorexi-que. Arch Pédiatr 1995 ; 2 : 973-6.

S0003394401006010/CORAnn Chir 2001 ; 126 : 808–10

Volumineux pseudomyxome du psoassecondaire à un cystadénome mucineux

de l’appendice

M. Kharrat Koubaa1, N. Affes1, M. Kharrat2,M. Ben Amar1, M. Kannous3, M.S. Kechaou3,

R. Jlidi2, M.I. Beyrouti1

1Service de chirurgie viscérale, centre hospitalo-universitaireHabib-Bourghiba, Sfax, Tunisie ; 2laboratoire d’anatomie et

de cytologie pathologiques, centre hospitalo-universitaireHabib-Bourguiba, Sfax, Tunisie ; 3service de radiologie,

centre hospitalo-universitaire Habib-Bourguiba, Sfax, Tunisie

appendice / cystadénome mucineux /pseudomyxome / psoas

appendix / mucinous cystadenoma / pseudomyxoma /psoas

La dégénérescence gélatineuse du péritoine a étédécrite pour la 1re fois en 1842 par Rokitansky [1].Elle doit son nom « pseudomyxome du péritoine » àWerth, qui en 1884 a rattaché l’affection à la ruptured’un kyste ovarien bénin [1]. En 1901, Franckel arapporté un cas secondaire à une tumeur appendicu-laire perforée [1]. Le but de cette étude était derapporter une forme topographique particulière : lepseudomyxome du psoas.

Observation

Mme A., 67 ans, a été hospitalisée pour tuméfactionde la racine de la cuisse droite évoluant depuisquatre mois. La patiente était apyrétique et avait unetuméfaction étendue au flanc droit, à la fosse iliaquedroite et au tiers supérieur de la face antérieure de lacuisse, réalisant une voussure tendue, ferme, indo-lore. Les examens biologiques étaient normaux, lavitesse de sédimentation était à 25 à la premièreheure, la recherche d’une tuberculose négative. Laradiographie de l’abdomen sans préparation étaitnormale.

L’échographie abdominale montrait une volumi-neuse masse sous hépatique droite, d’échostructurehétérogène s’étendant vers le bas au niveau de lafosse iliaque droite, devenant juxtaosseuse, aucontact de l’os iliaque droit. Cette masse s’infiltraitau niveau de la région inguinale et de la logeantérosupérieure de la cuisse.

Le scanner abdominal montrait une volumineusecollection développée dans la gaine du psoas droit(figure 1). Cette collection s’étendait au pelvis, lelong du muscle psoas iliaque et s’extériorisait auniveau de la face antérieure de la cuisse droite(figure 2). La densité de cette collection était assezélevée (40 UH) témoignant de son contenu épais. Iln’y avait pas de lésion osseuse vertébrale, ni d’ano-malie au niveau du foie, de la rate, du pancréas, oudu rein gauche. Le rein droit était ectopique pelvien.

La patiente a été opérée par incision de Henlé. Lamasse correspondait à une volumineuse collectiongélatineuse à contenu jaune, épais, très adhérent, etdescendait à la face antérieure de la cuisse droite.Une vidange de la collection a été réalisée suivied’un lavage et d’un parage de la paroi. Une contre-incision sur la face antérieure de la cuisse a permisde compléter vidange et parage. Au total, 1200 mLde liquide gélatineux ont été évacués. L’aspect

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