16
Le seul journal francophone de l’Université McGill Voyage au Ragoûstan depuis 1977. le délit Recherche militaire à McGill p. 5 Un bol de ragoût avec Lake of Stew p. 11 Quelques films pour survivre à novembre p. 12-13 Tentez le défi “100-mile diet” p. 3 Le mardi 10 novembre 2009 - Volume 99 Numéro 09 Au rythme du Slow Food en pages centrales

ledelit_20091110

Embed Size (px)

DESCRIPTION

Recherche militaire à McGill p. 5 centrales Tentez le défi “100-mile diet” p. 3 Le seul journal francophone de l’Université McGill Le mardi 10 novembre 2009 - Volume 99 Numéro 09 Voyage au Ragoûstan depuis 1977.

Citation preview

Page 1: ledelit_20091110

Le seul journal francophone de l’Université McGill

Voyage au Ragoûstan depuis 1977.

le délitRecherche militaire à McGill p. 5 Un bol de ragoût avec Lake of Stew p. 11

Quelques films pour survivre à novembre p. 12-13

Tentez le défi “100-mile diet” p. 3Le mardi 10 novembre 2009 - Volume 99 Numéro 09

Au rythme du Slow Food en pages

centrales

Page 2: ledelit_20091110

VOTE VOTELieux de vote sur le campus

10-12 nov. (10h-16h)

Hall d’entrée BronfmanHall d’entrée LeacockHall d’entrée Shatner

Hall d’entrée McConnell

Lieux de vote dans les résidences

10-11 nov. (17h-20h)

Nouvelle RésidenceBishop Mountain Hall

RVC (10 nov. seulement)Carrefour (11 nov. seulement)

Solin (11 nov. seulement)

VOTE

VOTE

VOTE

VOTE

VOTE

VOTE

VOTE

VOTE

VOTE

VOTE

VOTE

VOTE

VOTE

VOTE

VOTE

VOTE

VOTE

VOTE

VOTE

VOTE

VOTE

VOTE

VOTE

VOTE

VOTE

VOTE

VOTE

VOTE

VOTE

VOTE

VOTE

VOTE

VOTE

VOTE

VOTE

VOTE

VOTE

VOTE

Elections

CCPAPour le

VOTEZ EN LIGNEMAINTENANT!

electionsmcgill.ca

etQuestions de

référendum

VOTE TEEE

Le mardi 17 novembre 2009 De 12 h 30 à 14 h

Salle Tanna Schulich Nouveau Pavillon de musique

527, rue Sherbrooke Ouest

Renseignements : [email protected]

www.mcgill.ca/townhall

phot

os: M

agal

ie L

’Abb

é, S

wam

i Str

eam

, Ben

son

Kua

Envie de vous évader?

Nous aussi.

Pour collaborer, écrivez-nous sans tarder à [email protected]

Et si on vous donnait carte blanche pour refaire McGill de A à Z, vous commenceriez par où?

un numéro sur l’Université rêvéele 30 novembre

un numéro spécial “Régions” le 17 novembre

Échappez au bitume et franchissez avec nous les ponts de l’île montréalaise. À la découverte de l’autre solitude, celle du reste du Québec...

Le Délit s’offre:

Page 3: ledelit_20091110

[email protected]

100 mille lieux à la rondeLa semaine dernière, Le Délit s’est entretenu avec une participante du 100-mile diet, un défi qui astreint quelques braves mcgillois à manger localement pour un mois.

DÉFI MANGER LOCAL

18 minutes pour changer le mondeLe 5 novembre dernier, Le Délit a assisté pour vous à l’une des conférences innovantes proposées par TEDx McGill, une initiative axée sur le partage d’idées et l’inspiration.

CONFÉRENCE TEDx McGILL

Le 100-Mile Diet, vous connais-sez? Si McGill donne parfois du fil à retordre à ses étudiants au niveau académique, une dizaine d’étudiants ont choisi de s’imposer un défi sup-plémentaire: ne manger que de la nourriture locale pendant un mois, rien de moins. Cette initiative de Greening McGill de lancer ce défi à un groupe d’étudiants a pour origine un phénomène grandissant qui s’inscrit dans la lutte contre les changements climatiques et est inspiré d’un livre co-écrit par deux auteurs canadiens, Alisa Smith et J.B. MacKinnon, The 100-mile diet: A Year of Local Eating. Pour en savoir plus, Le Délit a rencon-tré Maya Gunnarsson, étudiante en deuxième année en histoire de l’art et participante au défi. Entre deux cours, la jeune brunette nous a parlé de ses découvertes, ses nouvelles recettes et des hauts et des bas que connaissent ceux qui s’astreignent à «manger local».

Contrairement à toutes nos at-tentes (celles de trouver une étudiante éreintée et désenchantée, une femme au teint pâle dû à un manque flagrant de vitamine C), Mme Gunnarsson s’est révélée être une jeune passion-née, pétillante, bavarde et ravie par l’expérience. C’est avant tout dans le but de supporter les fermiers et pro-ducteurs locaux, de contribuer à la réduction des émissions de gaz à ef-fets de serre et de sensibiliser ses amis et sa famille que l’étudiante à décidé de participer au projet.

Depuis deux semaines, Maya Gunnarsson a «découvert des pro-duits qu’[elle n’aurait] jamais essayé, si [elle ne s’était] jamais imposée la contrainte de ne manger que des ali-ments cultivés à moins de 100 miles de Montréal». Elle a dû fouiller les livres et demander à des amis de nou-velles recettes, et fréquente maintenant régulièrement le marché Jean-Talon.

Contrainte de passer plus de temps devant les fourneaux? L’étudiante nous confie qu’elle n’y voit en fait «point d’inconvénient, puisque ce qu’[elle] prépare est beau-coup plus sain, savoureux et attrayant que le dîner congelé, la pizza en boîte ou le réchauffé micro-ondes» qu’elle se risquait parfois à consommer. Elle affirme avoir même trouvé du pain au levain au marché, du cidre de pomme au dépanneur et de la farine à la bou-langerie, et le tout, abordable et fabri-qué localement! De plus, elle affirme que le sentiment d’accomplissement après avoir préparé par exemple, ses propres pâtes, confiture et humus de flageolets, vaut bien le temps de pré-paration et les déplacements supplé-mentaires.

«En voyant ce qui entre dans la préparation des aliments», dévoi-le-t-elle, «on prend conscience de ce qu’on mange et cela nous incite à porter attention aux conséquen-ces de nos habitudes de consom-mation sur l’environnement com-me sur notre santé». Selon Mme Gunnarsson, bien que certains aliments soient plus contraignant à remplacer, tels que le chocolat, le sucre et l’huile d’olive ou encore le café, on peut toujours trouver des alternatives: pensons au très qué-bécois sirop d’érable, au miel, à l’huile de tournesol ou de maïs, et aux infusions herbacées. Bien sûr, une telle pratique alimentaire se-rait toujours plus facile à respecter en été, en raison de la plus grande variété de fruits frais et légumes divers disponibles.

Bref, Maya Gunnarsson nous est apparue comme la preuve vi-vante –et locale!– qu’avec volonté, effort et un minimum de temps on peut arriver à manger santé et local à prix raisonnable. La jeune femme entend même convaincre sa famille d’en faire autant! Et, à travers cette entrevue, quelques lecteurs du Délit, peut-être… x

Ideas Worth Spreading. C’est le credo de la communauté TED, qui organise depuis 1984 des conféren-ces d’un genre nouveau et qui donne la parole aux génies de demain. Parmi ses anciens participants, on compte par exemple Bill Clinton, Bono et Bill Gates. D’abord centrés sur la technologie, le divertissement et le design (Technology, Entertainment et Design, d’où l’acronyme TED), les thèmes abordés sont aujourd’hui d’une grande variété. Une de ces conférences se tenait le jeudi 5 no-vembre dernier à McGill, grâce à l’initiative du groupe TEDx McGill.

Préparé depuis plusieurs mois, l’événement était attendu par la com-munauté de McGill et au-delà. Deux heures après leur mise en vente, les billets étaient épuisés, si bien qu’il a fallu doubler la capacité d’accueil. Il faut dire que TED est en passe de devenir un véritable phénomène de société, en proposant de mondia-liser les idées de génies inconnus. Dès le début des conférences le ton est donné: on est là pour parler des idées «pour demain», on veut du neuf. Mais qu’ont-elles de si spécial, ces conférences? La formule est simple, efficace. Les participants ont dix-huit minutes pour exposer une idée révolutionnaire avec humour et clarté. June Cohen, directrice médias de TED, explique que «le plus im-portant pour [les] intervenants, c’est de savoir raconter une histoire; il faut monter sur scène, électriser les gens, les emmener en voyage». Il ne s’agit donc pas seulement d’avoir une idée géniale, il faut savoir la partager.

L’événement fait fureur: chaque année, ce sont près de 1200 places

à 6000$ que s’arrachent dirigeants de grandes entreprises et autres phi-lanthropes des quatre coins du mon-de, qui convergent en Californie pour les trois jours de bouillonnement intellectuel qu’offre la conférence annuelle.

Un autre événement élitiste? Il est clair que les 6000$ ne sont pas un facteur de mixité sociale. Le formulai-re d’inscription pourrait aussi contri-buer à favoriser «l’entre-soi», mais la fondation TED s’en défend. «Les participants sont sélectionnés sur la base de nombreux critères visant à assurer un échange riche et stimulant parmi des individus variés. Sont favo-risés les esprits curieux, passionnés et ouverts sur le monde», explique le service des admissions en ligne. Une cinquantaine de bourses sont égale-ment accordées à des étudiants et à des professionnels d’organisations à but non lucratif.

Mais ce qui a vraiment changé la donne, c’est quand, en juin 2006, le site ted.com a commencé à mettre en ligne les conférences. Deux ans plus tard, plus de 50 millions de vidéos avaient été visionnées. A cela s’ajoute le projet TEDx, et c’est ce qui a amené TED jusqu’à McGill. Organisés par

des équipes indépendantes mais opé-rés sous licence TED, les événements TEDx sont de plus en plus nom-breux, et ce sur les cinq continents.

Parmi les 300 personnes pré-sentes jeudi dernier, la plupart étaient des étudiants. Mais on pouvait aussi croiser des «adeptes» TED, curieux de voir ce que la mouture McGill pouvait donner. Le Directeur géné-ral de Deloitte Montréal, qui a sub-ventionné l’événement, explique sa présence: «nous sommes d’abord intéressés par les idées, mais il est vrai que nous sommes toujours dans une perspective de recrutement». Jeudi dernier, les vedettes anonymes étaient, eux aussi, principalement des étudiants. C’est avec enthou-siasme qu’iIs ont partagé leur passion pour les trous noirs, l’urbanisme, le tri sélectif ou encore les start-ups. Enfin, quelques professeurs et autres PDG ont ponctué l’événement de réflexions sur les enjeux propres à la génération montante.

Des vidéos de chaque partici-pant seront bientôt disponibles au www.tedxmcgill.com. Le Délit vous recommande tout particulièrement «To be like, or not to be like». x

3Nouvellesxle délit · le mardi 10 novembre 2009 · delitfrancais.com

Anthony LecossoisLe Délit

Un présentateur de TEDx McGill en pleine illuminationKomal Ali / TEDx McGill

Geneviève Lavoie-MathieuLe Délit

L’Association des étudiants de l’Université McGill (AÉUM) a in-vité les trois comités concernés à un débat tenu jeudi pour discuter des trois questions qui seront soumises au jugement de tous les étudiants de premier cycle.

Le premier comité du «oui» à avoir pris la parole a été celui du Fond pour projets à développement durable (FPDD). Si la question re-çoit une majorité de votes en sa faveur, l’Université McGill s’est en-gagée à débourser dans le FPDD un montant équivalent à chaque dollar versé par les étudiants. Dès le se-mestre prochain, pour une période

de trois ans, les étudiants auraient à verser 50 cents par crédit et par session, soit un montant de 6 à 7,50 dollars par semestre, afin de financer des projets durables sur le campus. Toutefois, les étudiants du premier cycle n’auront pas la possibilité de retirer leur cotisation comme il est possible de le faire pour plusieurs autres services, le Midnight Kitchen, par exemple.

Le montant récolté serait géré par un comité paritaire chargé d’éva-luer et de donner la priorité à des projets proposés par les étudiants eux-mêmes. Le groupe de travail du FPDD serait composé de huit membres, à savoir quatre étudiants et quatre personnes de l’administra-tion, qui approuveraient par consen-

sus les projets proposés.C’est le président de l’AÉUM,

Ivan Neilson, qui est venu défen-dre la deuxième proposition sur les frais des ambassadeurs. D’après lui, les étudiants «devraient être en fa-veur de cette question parce qu’elle remplit un besoin que nous avons chaque année, c’est-à-dire d’aider un plus grand nombre d’étudiants à enrichir leur expérience académique à l’extérieur [de McGill], mais aussi de nous aider localement à envoyer nos étudiants talentueux à l’extérieur pour contribuer au rayonnement de notre campus».

Le financement des délégations étudiantes s’élèverait à un dollar par étudiant par semestre, mais les étu-diants auront la possibilité de retirer

leur cotisation à chaque semestre. Ivan Neilson a noté que des voyages pour des compétitions ou des confé-rences ont déjà lieu, «mais ils ne sont pas accessibles à tous les étudiants parce que le coût est trop élevé». Il a indiqué que «tous les étudiants de-vraient contribuer aux divers dépla-cements [des délégations étudiantes] parce que ça nous rapporte à tous».

La troisième question du réfé-rendum porte sur le renouvellement des frais payés par les étudiants à la Clinique d’information juridique de McGill (CIJM). La CIJM est un ser-vice gratuit offert par les étudiants de la Faculté de droit de l’Université McGill depuis 1973 qui offre de l’in-formation juridique de qualité, confi-dentielle et bilingue aux étudiants de

McGill et au public en général. Afin de pouvoir continuer ses opérations, la CIJM demande aux étudiants de voter pour le renouvellement des frais payés pour les cinq prochaines années. Depuis 1999, les frais sont de 3,25 dollars par étudiant et par semestre, ce qui représente 94% du budget de la clinique. Si le «non» l’emportait, la CIJM fermerait ses portes, faute de budget. «Beaucoup d’étudiants viennent nous voir pour obtenir de l’information sur com-ment résoudre des problèmes de lo-cation ou sur des litiges au travail», a lancé Charles Gauthier, étudiant en droit et directeur de la clinique.

Pour voter: http://ovs.ssmu.mcgill.ca ou www.vote.electionsmc-gill.ca, du 10 au 12 novembre.x

Référendum de l’AÉUM: trois questionsPOLITIQUE ÉTUDIANTE

Alexandre Ruiz de Porras G.Le Délit

Page 4: ledelit_20091110

4 Nouvelles xle délit · le mardi 10 novembre 2009 · delitfrancais.com

Mercredi dernier, Le Délit assistait à la conférence «A Critical Visionning

Session for International Studies», événement qui s’est tenue dans le cadre de la semaine de la semaine «Culture Shock», qui se dérou-lait du 2 au 6 novembre derniers à McGill. Devant une quaran-taine de personnes, la Dr Gada Mahrouse, spécialiste du féminis-me, du racisme et du post-colonia-lisme à l’Université de Concordia, et le Dr Michael Doxtater, expert en changement international à l’Université McGill, se sont suc-cédés lors d’un court exposé afin de communiquer leur vision de ce qu’on appelle le «développement» dans le cadre de la conférence «A Critical Visioning Session for International Studies».

Un impact sous-estiméMme Mahrouse a commencé

son allocution en abordant traitant de son principal champ d’intérêt, à savoir les privilèges et les pou-voirs dans les relations interna-tionales. Elle a précisé fermement qu’elle ne parlait pas d’aide au développement, mais bien de so-lidarité et d’activisme sur la scène internationale. La conférencière a d’ailleurs noté la présence de plus en plus marquée d’Occidentaux dans les pays en développement par l’entremise du tourisme soli-daire. Selon Mme Mahrouse, cet-te présence n’est pas sans causer des inquiétudes: «Les voyageurs socialement motivés […] ont les meilleures intentions qui soient en arrivant dans un pays étran-ger, mais même les meilleures intentions peuvent augmenter les inégalités entre les visiteurs et les visités.»

La conférencière a ensuite abordé un point crucial touchant les missions dans les pays en dif-ficulté: le dilemme du photogra-phe. Elle a raconté en guise d’

exemple le cas d’un photographe canadien qui, rendu en Palestine, avait dû confronter ses valeurs lorsqu’il s’était retrouvé devant le cadavre d’un vieil homme abattu pour non-respect du couvre-feu. Ce moment avait été pour lui ré-vélateur, selon Mme Mahrouse, lorsqu’il s’était mis à ce question-ner : «Mais qu’est-ce que je fais ici? Je prends des photos incroya-bles ou j’aide ces pauvres gens?» Finalement, en prenant la déci-sion de ne pas photographier le corps du vieil homme, sa pratique responsable l’a empêché de rap-porter une photo qui aurait peut-être fait plus de mal que de bien, a souligné la conférencière.

«Nous ne devrions pas être trop rapides à chanter des louan-ges à l’aide internationale […] mais nous devrions plutôt consa-crer nos efforts à devenir plus conscients de notre impact en tant que personnes qui détiennent le pouvoir. Je ne dis pas que les voyageurs solidaires sont néfastes,

mais la question est si complexe qu’il s’agit de faire attention.»

Jeu de mots?L’intervention du conféren-

cier Michael Doxtater a apporté un changement de ton à la dis-cussion. Le professeur de McGill s’est présenté d’emblée comme un Mohawk, un autochtone d’abord et avant tout. Pour lui, le développement n’est qu’un jeu de mot qui embellit le terme «colo-nisation».

En effet, il est facile, selon M. Doxtater, de promouvoir en théorie le développement durable, mais, en pratique, de soutenir la conquête. En anglais, le professeur a souligné la nuance entre «sustai-nable development», expression qui sous-entend une aide et un travail réciproque pour l’avance-ment d’une société, et «to sustain development», signifiant une prise de possession des ressources par et pour le pays envahisseur.

Par exemple, l’introduction

du sucre dans les villages autoch-tones au XVIe siècle a été une bel-le occasion d’étendre le réseau de contacts des colons. Tout en fai-sant croire aux Amérindiens que la seule motivation des échanges était un partage altruiste de nouvelles ressources entre les deux peuples. Les Blancs ont su mettre en mar-che une stratégie à toute épreuve. Ils sélectionnaient des agents lo-caux, des chefs Amérindiens par exemple, chargés de diffuser leurs innovations. Ces derniers, en van-tant les qualités des produits des colons, ont permis l’implantation d’un réseau de contact utile aux visées colonialistes des Blancs. Il ne restait qu’à se servir.

En somme, il peut être dit que l’événement «A Critical Visioning Session for International Studies» a clairement rempli son mandat de faire réfléchir l’audience sur les nuances plus sombres du déve-loppement et des relations inter-nationales, malgré toutes les bon-nes intentions qui l’animent. x

Deux points pour le développementAu cours de la semaine «Culture Shock», Le Délit a assisté pour vous à l’événement «A Critical Visionning Session for International Studies», une discussion pertinente sur ce que signifie le mot «développement».

CULTURE SHOCK 2009

Anabel Cossette-CivitellaLe Délit

Il semblerait que les médias établissent un lien entre les mouvements de résistance et

le terrorisme. Alors que la croi-sade anti-terroriste prend de l’ampleur dans le monde depuis 2001, l’UQAM accueillait le 5 novembre dernier la conférence «Qui est terroriste ?», une ini-tiative conjointe du Réseau de la Commission populaire (RCP), du Projet Accompagnement Solidarité Colombie (PASC), de Tadamon!, du Comité de Solidarité Autochtone et de Certain Days. Premier à prendre la parole, Jared, représentant la Commission po-pulaire, a insisté sur le fait que les discours anti-terroristes ont ma-nifestement nuit aux immigrants, comme le prouve bien, selon lui, les nouvelles mesures de sécurité anti-terroristes à l’aéroport, qui importunent surtout les immi-grants. De nombreux discours ont été prononcés de la part de représentants politiques à travers le monde, qui traitent des chan-gements législatifs à entreprendre pour lutter contre le terrorisme. Or, la sécurité nationale est main-tenant assimilée uniquement au terrorisme, alors qu’elle inclut bien d’autres sujets pour la sé-curité du pays, selon Jared. Ainsi, des mouvements de libération sont l’objet des nouvelles mesu-res sévères contre le terrorisme,

alors qu’ils n’ont rien à voir avec cela: «De nombreux immigrants font l’objet de mesures anti-ter-roristes parce qu’ils ont été liés a des mouvements de libération na-tionale, [ils sont] associés au ter-rorisme, alors qu’ils ne font que se battre pour l’indépendance de leur pays!», martèle le représen-tant de la Commission.

Selon Hélène, représentante de Certain Days, un groupe voué à la libération des prisonniers poli-tiques, de trop nombreux groupes, comme le Black Panther Party, sont ciblés par des organismes comme le CoIntelPro (Counter Intelligence program) pour «activités terroris-tes». Si ce groupe est surtout connu du public pour sa lutte armée pour le respect des droits des Afro-Américains, on occulte souvent les cliniques gratuites et autres services communautaires dont il est à l’ori-gine. «L’étiquette de terroriste a été apposée à des mouvements armés dans le contexte d’une résistance efficace, qui posait un défi au pour-voir de l’État américain», affirme Hélène, qui juge que cette étiquette a d’ailleurs été apposée trop souvent et ce, pas seulement aux États-Unis. Cette répression des groupes mili-tants a plutôt libre cours chez nos voisins du sud depuis la création du Patriot Act, adopté en réponse aux attentats du 11 septembre 2001. Poussant la réflexion plus loin, Marina, représentante du Comité de la Solidarité Autochtone de Montréal, a fait remarquer que

ces politiques anti-terroristes n’af-fectaient pas seulement les immi-grants ou les mouvement militants, mais aussi les peuples indigènes, en particulier du Canada: «Divide and conquer!, voila leur stratégie», s’est-elle exclamée, en référence à la manière dont les droits des Autochtones ont été brimés au pays. Le thème récurrent du conflit is-raélo-palestinien a aussi été ramené sur la table, dans une dénonciation de la répression des groupes pales-tiniens luttant pour leur terre et ac-

cusés d’«activité terroriste». Selon Tadamon!, les Palestiniens ont fait la grève comme moyen de lutte passive pour exprimer leur mécon-tentement face à la construction du mur d’Apartheid, et la répression des Israéliens a été complètement démesurée (il y a eu plusieurs morts et blessés) par rapport aux moyens de pression utilisés. Des photos choquantes viennent illustrer les résultats de cette politique «anti-terroriste» visant, selon Tadamon!, les individus et les rassemblements

de Palestiniens. «C’est une politique qui vise des individus de façon très agressive, de façon à en faire des exemples», déplore le groupe.

Si la conférence n’a pas ap-porté pas de réponse concrète à la question complexe qu’elle ose lancer, «Qui est terroriste?», elle a certainement permis de faire réflé-chir l’audience quant à l’utilisation politique du terme par les États et médias afin de cibler des groupes militants aux activités dérangean-tes. x

Militant, terroriste?Le Délit a assisté à la conférence «Qui est terroriste ?», tenue le 5 novembre dernier à l’UQAM. Une réflexion intéressante sur la criminalisation des mouvements sociaux à l’heure de la croisade anti-terroriste.

MOUVEMENTS SOCIAUX ET ÉTAT

Constance LahunaLe Délit

Les militants de l’UQAM parlent des militants du mondeConstance Lahuna / Le Délit

Page 5: ledelit_20091110

5Nouvellesxle délit · le mardi 10 novembre 2009 · delitfrancais.com

La question sur la recherche militaire a encore une fois fait débat lors de la réunion

du Sénat de l’Université mercredi dernier. Dans la nouvelle politique qu’elle a présenté à l’instance dé-cisionnelle qui regroupe adminis-trateurs, étudiants, professeurs et employés, l’administration souhaite voir la suppression de la réglemen-tation existante sur la recherche militaire et l’insertion d’une clause sur l’anonymat de la source de fi-nancement.

La polémiqueLorsqu’à l’automne dernier,

William Foster, vice-président exécutif adjoint aux politiques et aux procédures, a publié une nou-velle ébauche de la politique de réglementation de la recherche, Demilitarize McGill a vivement réagi. Ce groupe étudiant qui s’op-pose à la présence militaire en mi-lieu académique et qui prône un renforcement de l’encadrement éthique dans la recherche s’est d’emblée montré très réticent.

Dans cette ébauche, les arti-cles mentionnant l’encadrement de la recherche militaire étaient supprimés et une clause garan-tissant l’anonymat de l’entité qui finance la recherche a été ajoutée. Pour le moment, les professeurs doivent remplir une déclaration avant d’entamer leur recherche. Ils doivent aussi spécifier si oui ou non leur recherche est reliée au domaine militaire et doivent en mesurer les éventuels effets béné-fiques ou néfastes.

«On a fait une demande d’ac-cès [aux formulaires] auprès du secrétariat général de McGill, mais on nous a répondu que dans leurs archives, il n’y a aucune trace de ces documents [...] depuis 2002», a expliqué Alexandre Vidal, mem-bre de Demilitarize McGill.

M. Vidal a qualifié cette atti-tude d’«atteinte à la démocratie. Il est très problématique que dans une institution publique comme McGill, on ne sache pas ce qui se passe, surtout quand ça inclut des recherches financées par l’ar-mée, qui est une autre institution publique.» Il a également noté des «éléments gênant au niveau de l’encadrement éthique» dans l’ébauche de M. Foster.

Recherche et transparence«La question est de savoir si la

politique de transparence adoptée par McGill en 1988 a été constam-ment violée par l’administration», a lancé M. Vidal. Ce dernier a ex-pliqué que toutes les suggestions proposées par Demilitarize McGill ont non seulement été écartées, mais que les sections de la politi-que qui concernaient ces sugges-tions ont aussi été retirées.

«Il doit y avoir beaucoup d’ar-gent impliqué, c’est peut-être l’une des raisons, mais une des principa-les motivations pourrait bien être l’atteinte à la réputation de McGill

[du moment où] on l’associerait, par exemple, au développement d’armes», a-t-il poursuivi.

Des recherches militaires ont lieu à McGill depuis le début de la Guerre froide. En mars 1987, des étudiants de McGill avaient occupé les locaux du vice-président à la recherche en réaction aux études menées par les professeurs Roman Knystautas et John H. Lee sur les ar-mes thermobariques pour le compte du Département de la défense natio-nale des États-Unis. Après six jours, la police était parvenue à déloger les étudiants. Suite à cet événement, l’administration avait décidé d’adop-ter une politique de réglementation sur la recherche en février 1988. Elle y avait notamment apporté deux dispositions, les sections 10 et 11, qui encadrent la recherche liée au domaine militaire.

Embrouille entre les SénateursLors de la rencontre du Sénat

de mercredi dernier, plusieurs sé-nateurs ont questionné l’adminis-tration sur la nouvelle ébauche. Denis Thérien, vice-président à la recherche de l’Université McGill, s’est expliqué en indiquant que l’institution s’aligne «par rapport à ce que d’autres universités font au Canada», précisant que les ques-tions posées aux chercheurs «por-tent à confusion parce qu’elles ne demandent pas si la recherche est financée par l’armée, mais plutôt si elle a des applications militaires».

Pour Sarah Woolf, sénatrice de la Faculté des arts, il n’a pas suffi de prétexter un alignement avec le res-te du G13, le groupe des universités

canadiennes les plus performantes en matière de recherche, pour jus-tifier la nouvelle ébauche. «McGill doit s’efforcer et s’efforce d’être un chef de file au sein du G13, a-t-elle affirmé, mais supprimer ces clauses reviendrait à faire un pas en arrière qui ne démontrerait en aucun cas un sens du leadership. Cela porte-rait à croire que McGill essaie d’être [un pôle de recherche] aussi attrac-tif que les autres membres du G13, au détriment de notre éthique.»

M. Thérien s’en est défendu en soutenant que c’est «une mauvaise équation de dire que la recherche financée par le domaine militaire est mauvaise et que le contraire est bon», ajoutant qu’«il n’y a pas de raison de [garder] une étape bu-reaucratique supplémentaire».

La sénatrice Woolf a répliqué que c’est «justement parce qu’il n’y a pas de consensus sur la question de savoir si la recherche militaire est nuisible ou pas, [qu’il existe des] raisons pour garder cette démarche bureaucratique».

Le président de l’Associa-tion des étudiantes et étudiants de 2e et 3e cycles, Daniel Simeone, a jugé qu’«il y a une part fondamen-tale de responsabilité de la part du chercheur de signaler la source de financement pour un projet». Il a considéré que «si un donateur sou-haite faire un don à titre anonyme, il pourrait le faire à travers la fondation McGill, qui à son tour redistribuerait ensuite le montant» au programme de recherche souhaité.

C’est la première fois que McGill tente de changer sa politique de réglementation de la recherche

depuis 1991. Le Sénat se rencontre-ra à nouveau le 2 décembre prochain pour adopter le nouveau texte, avec ou sans modifications. À l’heure de mettre sous presse, M. Thérien était malheureusement indisponible pour répondre aux questions du Délit.x

La recherche se dérègle à McGillL’administration de l’Université tente de modifier sa politique de réglementation de la recherche.

RECHERCHE MILITAIRE

L’armée envahit-elle le campus de James McGill?Marie McCulloch / Le Délit

Alexandre Ruiz de Porras G.Le Délit

POLITIQUE AMÉRICAINE

Un an après, yes we still can...Vincent Bezault / Le Délit

Obama: un an

Page 6: ledelit_20091110

En troisvitesses

Citation de la semaine

LE BON BONBON

On savait que mâcher de la gomme, c’était cool. Avec le temps, on a même vu l’apparition de gommes qui pre-naient soin de nos dents. Maintenant, la gomme est même devenue une arme pour lutter contre la malnutrition! C’est une société danoise, Gumlink Group, qui a récemment annoncé la création d’une gomme sans sucre qui permet-trait d’enrayer les carences en vitamine A dans les pays en voie développement. Chaque morceau contiendrait la por-tion de 375mg de vitamine recomman-dée par le Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF) et l’Organi-sation mondiale pour la santé (OMS). AFP

Stéphanie DufresneRédactrice en chef

Je feuilletais béatement mon journal (pa-pier!, eh oui je suis une récalcitrante technologique à mes heures) lorsqu’en-

tre deux bouchées de Müslix, mon attention a été attirée par ce petit titre, camouflé en page XX: «Hydro-Québec dérive la Rupert aujourd’hui». «Aujourd’hui», c’était samedi dernier. C’est donc chose faite: l’une des der-nières grandes rivières sauvages du Québec n’est plus. Pas de retour en arrière possible, car une fois que les vannes du barrage ont été fermées sur cet impétueux cours d’eau (un débit de 900 m3/s, ça fait beaucoup d’eau!), une superficie de 346 km2 sera inondée, et l’ensemble des systèmes hydrographique et écologique de la région s’en trouvera affecté irréversiblement.

Noire ou verte, l’hydroélectricité?Ce caractère irréversible a de quoi trou-

bler, puisque la déviation de la rivière Rupert, qui est la troisième phase du grand chantier de l’Eastmain-1-A–Sarcelle–Rupert, n’est pas sans soulever la controverse. Cette énergie que le premier ministre Jean Charest qualifie de «pro-pre, renouvelable et non dommageable pour l’environnement» l’est-elle vraiment? Difficile à dire, puisqu’au Québec, aucune étude d’im-pacts globale n’a été effectuée –signe pour le moins inquiétant de la croyance aveugle de nos décideurs en cette forme d’énergie qui alimente 97% des besoins de la province. En termes absolus, il est impossible de trancher puisque nous ne connaissons pas les impacts cumula-tifs sur la totalité du cycle de vie des projets hy-droélectriques, dixit Éric Duchemin, professeur à l’Institut des sciences de l’environnement de l’UQAM. Ses études, portant notamment sur la quantité de gaz à effet de serre (GES) qui s’échappent des réservoirs, concluent néan-

moins que les aménagements hydroélectriques sont des émetteurs nets de GES: 10 millions de tonnes en 2004, soit 10% des émissions québé-coises, pourtant comptabilisées nulle part dans le bilan de la province. Pas aussi propre que nous le laisse entendre notre «grand bâtisseur» de premier ministre…

En termes relatifs, toutefois, la donne est toute autre, puisqu’il est indéniable que l’élec-tricité produite par les turbines des barrages émet beaucoup moins (jusqu’à 85%) de GES que celle émanant de la combustion du char-bon, du mazout ou du gaz naturel. Sa couleur dépend donc du contexte macro-économique: si l’hydroélectricité vient remplacer une éner-gie qui aurait autrement été produite par la combustion d’énergies fossiles, on peut alors la

qualifier d’énergie verte en raison des émissions évitées. Toutefois, il ne faut pas que cet avantage comparatif vienne occulter le fait que l’hydroé-lectricité est un émetteur net de GES, et ne peut donc être mise sur un pied d’égalité avec des mesures d’efficacité énergétique et avec l’éo-lien dans la lutte contre les changements cli-matiques. Et c’est sans parler des nombreuses conséquences sur les écosystèmes: pollution des eaux au mercure, fragmentation de l’habitat naturel, appauvrissement de la biodiversité, etc.

La donne a donc changé depuis les années 1960 où la construction de grandes centra-les était la voie toute indiquée pour propulser l’économie et la société québécoises dans la modernité. Mais le gouvernement du Québec et Hydro-Québec, qui semblent avoir érigé l’hydroélectricité en profession de foi, oblitè-rent ces nouvelles données.

Éco…nomique?Ce qui est d’autant plus troublant, c’est

que le projet Rupert, s’inscrit dans un plan de développement beaucoup plus large dont les effets globaux –environnementaux comme éco-nomiques– n’ont jamais été évalués. Les études d’impacts produites par Hydro-Québec sont morcelées rivière par rivière, ne permettant pas d’évaluer la justesse du plan d’ensemble. Or, le gouvernement Charest accumule les annon-ces de nouveaux projets à un rythme effréné: Rupert, Romaine, Petit-Mécatina, ainsi qu’une multitude de petites centrales privées. La com-mission d’enquête sur la Romaine a établit qu’en quinze ans, le nombre de rivières harnachées sur la Côte-Nord a augmenté de 400%! Et la commission dresse un portrait plutôt sombre de la santé biologique de la région, grandement affectée par ces projets qui n’offrent à l’écono-mie locale que des emplois temporaires, qu’il faut constamment recréer, dans une inlassable fuite en avant économique.

Pendant ce temps, notre principal marché-cible, les Etats-Unis, refuse toujours d’inclure l’hydroélectricité dans ses programmes de déve-loppement des sources d’énergie renouvelable. Avec le «Renewable Energy Production Incentive» d’Obama, les autres filières d’énergie propre, comme le solaire, l’éolien et la géothermie sont subventionnés à la hauteur de 1,5 ¢/kWh. Alors que les Américains prévoient de réduire leurs importations et d’investir massivement dans l’efficacité énergétique et dans les énergies ver-tes, le Québec a choisi de mettre tous ses œufs dans le même panier en se sur-spécialisant en hydroélectricité.

L’obsession du gouvernement Charest pour l’hydroélectricité ressemble davantage à une idéologie qu’à un véritable projet de dévelop-pement pour le Québec. Certes, notre expertise en la matière est une force et reste un vecteur de développement, mais cela ne signifie pas qu’on doive toujours continuer à faire ce que l’on sait faire sans se poser de questions. La modernisa-tion du Québec s’est bâtie avec Hydro-Québec, et cinquante ans plus tard, son avenir est intime-ment lié à l’adaptation de la société d’État aux nouveaux paradigmes de notre ère. x

«Pas eu le temps de freiner. L’éléphant

se fondait parfaitement

avec la route. À la toute dernière minute, j’ai crié "Éléphant!"»

– Bill Carpenter, qui a évité de justesse une collision

frontale avec un éléphant échappé d’un cirque à son

retour de l’église jeudi dernier à Enid, ville rurale de

l’Oklahoma.

Pour des cuisses fermes comme les siennes

À Hong Kong, un homme âgé de 51 ans a cherché à subir le moins de pertes possible à la suite du décès de sa femme, allant même jusqu’à tenter de profiter de l’abonnement de sa douce moitié au gym à l’hôtel Sheraton. Pour ce faire, Lau Siu-wah s’est présenté au gym dé-guisé en femme… en sa femme, pour être plus précis. Lau ne devait pas être très androgyne à la base puisqu’il s’est vite fait remarquer et arrêter. AFP.

Ma p’tite vache a mal aux pattes

Une pauvre génisse dont les pattes arrière avaient gelé est sans doute entrée dans le livre des records grâce au travail de l’équipe vétérinaire de l’Université du Colorado. Ses deux pattes arrière ayant été amputées, la jeune vache d’un an arbore maintenant des prothèses. Selon l’Université, «cette opération sur une vache est inhabituelle et le remplace-ment de deux pattes est sans doute une première». D’après le professeur Callan, «l’utilité d’une telle opération se com-prend lorsqu’on sait que Meadow est une vache de compagnie pour les per-sonnes qui l’ont adoptée, pas un animal d’abattoir». AFP.

Insolite

en hausse

au neutre

LE GRAFFITI «S’CUSEZ-MOI»

Les artistes spécialisés dans le graffiti n’ont pas toujours la réputation d’avoir bonne conscience ou de savoir comment communiquer avec le grand public, mais, tout récemment, un de ces peintres alternatifs qui a dû abandon-ner son chef d’œuvre en pleine exécu-tion a pris la peine de laisser une note. À côté de son œuvre incomplète peinte en mauve vif, l’artiste a pris la peine d’écrire «Ran out of purple». L’officier Dan Fisher soutient que l’individu sera arrêté si on le surprend en train de finir sa peinture. The Associated Press.

en baisse

Le pachyderme de 29 ans et le cou-ple d’humains n’ont pas subi de bles-sures graves. Seulement une défense cassée et une auto percée.

The Associated Press.

PAINT IT WHITE

«Peu à peu les glaciers brunis-sent. Les parties brunes ou rocheuses absorbent plus de chaleur, et contri-buent donc à faire fondre la glace plus vite», explique Eduardo Gold, prési-dent de l’ONG Glaciers du Pérou. Sa solution? Peindre les glaciers en blanc –avec une peinture écologique sans produits chimiques, bien sûr- pour li-miter leur absorption de la chaleur et, conséquemment, la fonte des glaciers. La méthode a déjà été utilisée sur des toits de bâtiments, mais jamais sur des glaciers. Le projet est présentement en considération pour un concours de la Banque Mondiale. AFP.

L’erreur boréale, prise 2ÉDITORIAL

[email protected]

«L’obsession du gouvernement Charest pour l’hydroélectricité ressemble davantage à une idéo-logie qu’à un véritable projet de développement pour le Québec.»

La dérivation de la Rupert met en question le modèle Hydro-Québécois

6 Controverses xle délit · le mardi 10 novembre 2009 · delitfrancais.com

Page 7: ledelit_20091110

Comme vous le savez surement, lorsque les médias parlent de la Corée du Nord, la spéculation est toujours de mise, mais la situation est différente lorsqu’il est question de la Corée du Sud. Pourquoi? Tout simplement car les médias n’en parlent pas ou presque pas: on y fait seulement référence lorsqu’il est question de la Corée du Nord, lors d’évènements sportifs internationaux et, de façon rarissi-me, lorsqu’il est question de culture (avez-vous entendu parler du film Haeundae der-nièrement?). Que se passe-t-il donc au sud du trente-huitième parallèle?

Commençons par un survol de quel-ques faits plus connus. La guerre de Corée a eu lieu de 1950 à 1953, les Jeux olympi-ques de 1988 ont eu lieu à Séoul et en 2006, le politicien sud-coréen Ban Ki-moon a été élu Secrétaire général des Nations unies.

Maintenant un fait moins connu. Dans le cas où une guerre éclaterait en-

tre la Corée du Sud et un autre pays, la Combined Forces Command serait respon-sable de commander les troupes sud-co-réennes ainsi que les 30 000 soldats amé-ricains postés en Corée. Fait intéressant, la Combined Forces Command est directement sous le contrôle américain. Cherchez l’er-reur… Heureusement, en 2006 les États-Unis et la Corée du Sud se sont entendus pour redonner le contrôle à un centre de commande coréen, ce qui devrait prendre effet en 2012.

Changeons de sujet pour un mo-ment. Depuis quelques semaines, il est possible d’entendre parler du projet de Communauté Est-Asiatique (CEA) pro-posé par le président japonais Yukio Hatoyama, et on y discute entre autres de la liste potentielle des membres. Selon les autorités chinoises, elle devrait rassem-bler la Chine, la Corée du Sud, le Japon et l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE, un groupement de dix pays, dont l’Indonésie, la Malaysie et les Philippines); alors que le Japon propose plutôt d’inclure le Sommet de l’Asie orientale (EAS) dans la liste des membres de la CEA, ce qui ajou-terait l’Inde, la Nouvelle-Zélande et l’Aus-tralie aux pays proposés par la Chine.

Si l’idée de Hatoyama est bien reçue par la Chine, la Corée du Sud, l’ANASE, la Russie et même le Dalaï-lama, elle soulève toutefois des questionnements lorsque les États-Unis sont cités comme membres potentiels par Hatoyama et quelques spé-cialistes... permettez-moi d’émettre quel-ques doutes.

Oui, les États-Unis ont leur place dans des organisations telles que la Coopération économique pour l’Asie-Pacifique (APEC), mais

si la CEA se base sur le modèle de l’UE, il y a des implications fondamentalement dif-férentes. Il faut entre autre penser au libre échange, aux politiques frontalières et à la monnaie commune. Trois raisons justifient déjà un refus des États-Unis: leur protec-tionnisme, leur attitude face au terrorisme et leur économie moins prometteuse que celle de la Chine.

Soyons réalistes quelques minutes: avec l’exemple du contrôle américain de l’armée sud-coréenne, il semble plutôt clair que les États-Unis utilisent leurs alliances pour exercer une certaine emprise sur la politique et l’économie de la région. Le but de la création d’une communauté est-asiatique est de promouvoir la collabora-tion économique dans la région et non de transformer l’Asie en un pantin au service des États-Unis.

À quoi ressemblera donc la future géo-politique de la Terre? Bien que d’un point de vue économique, le marché asiatique est possiblement le plus prometteur, il est déjà possible d’imaginer que les États-Unis vont s’opposer à l’idée de la CEA, qu’ils en fassent partie ou non. Pour ceux qui pen-sent que la solution serait plutôt de créer une union nord-sud-américaine, ils peu-vent toujours rêver.

Cette semaine, un fortune cookie pour chaque habitant de la future CEA: «Tout individu collabore à l’ensemble du cos-mos.» - Friedrich Nietzsche x

Vous êtes un(e) expert(e) de la Corée du Sud? Partagez vos connaissances avec notre chroniqueur en lui écrivant un sur notre site web ou via l’adresse courriel [email protected]

Fortune CookieGuillaume Doré

Exposé: la Corée du SudCHRONIQUE

Je ne suis pas un leCteur du Journal de Montréal. Leur goût du scandale laisse transparaître une vision peu alléchante du journalisme: favoriser la quantité du ti-rage à la qualité de l’information. Pourtant, quand j’ai aperçu notre principale, Heather Munroe-Blum, sur la couverture de leur numéro de vendredi, je n’ai pas pu résister à l’envie d’en prendre un. «Elle gagne trois fois plus que Jean Charest...» titrait le Journal, fidèle à son traditionnel sensationnalisme. L’article nous apprend que malgré la réduc-tion des salaires de 3% consentie par tous les cadres de McGill, notre principale a vu sa paye augmenter de 14%. La hausse de ses «avantages» contrebalancerait largement la diminution de salaire.

Ainsi, Heather Munroe-Blum aurait empoché 587 000$ de McGill l’an dernier, dont 229 000$ en «avantages particuliers».

L’article laisse cependant une chance de s’expliquer au chef exécutif aux affaires publiques de McGill, Vaughan Dowie: ce dernier assure qu’il s’agit «d’un versement rétroactif mais non récurrent» simplement dû à un mauvais calcul de ces avantages les années précédentes. Le Journal avait donc en-core faire une tempête dans un verre d’eau; je l’ai reposé sur le présentoir.

Ce que Le Journal de Montréal ne savait pas, c’est qu’un courriel avait été envoyé le

matin même à tous les mcgillois pour les in-viter à lire le «Message sur la situation écono-mique», écrit par la même Heather Munroe-Blum. Le communiqué commence par rap-peler à quel point notre université maintient son prestige: prix Nobel, classement dans les magazines, venue de Dalai-Lama et de Bill Clinton... On nous en met plein la vue. Le message devient ensuite moins joyeux lorsqu’il rappelle le déficit d’exploitation de McGill. L’an dernier, ce déficit s’élevait à 11,5 millions de dollars et l’administration s’est donné pour objectif d’avoir un budget équilibré d’ici l’exercice 2010-2011.

Le message nous apprend ainsi que l’administration compte économiser entre autres «en réduisant de 15% les indemnités de déplacement et d’hébergement». Or, ces indemnités constituent précisément l’essen-tiel des «avantages particuliers» dénoncés par

le Journal de Montréal. Pour sa part, Heather Munroe-Blum pourrait donc atteindre cet objectif sans effort, puisque ses indemnités ont été artificiellement gonflées l’an dernier. Étant donné la manie des journalistes de dé-cortiquer ses fiches de payes, on peut espérer qu’elle jouera tout de même le jeu en exi-geant la même rigueur d’elle-même que des autres employés.

Laissons maintenant les primes de Heather Munroe-Blum tranquilles et fai-sons une dernière remarque sur sa lettre. «Les droits de scolarité ne sont pas élevés au Québec, ce qui n’est pas sans poser un très sérieux problème» peut-on y lire. J’ose à peine imaginer la réaction qu’une telle déclaration causerait à l’UQAM. Et pour-tant, cette université n’est pas la dernière à chercher des idées de financement! Un tel propos pourrait facilement se déformer de bouche à oreille pour devenir «les droits de scolarité des Québécois sont un très sérieux problème» avant de tomber dans l’éternelle querelle linguistico-souverainiste. Cela dit, on ne pourrait blâmer personne de vouloir interpréter le communiqué de Munroe-Blum. Quand on parle d’«améliorer la pres-tation des programmes» pour annoncer la suppression de certains cours pour raison budgétaire, il ne faut pas être surpris si plus d’un essaie de lire entre les lignes. x

Qui de Jean Charest ou Heather monroe-Blum mérite le plus haut salaire? réagissez par l’entremise de notre site web ou glissez-nous un mot à [email protected]

Le loup-garou du campusVincent Bezault

Le plaisir du scandaleCHRONIQUE

7Controversesxle délit · le mardi 10 novembre 2009 · delitfrancais.com

rédaction3480 rue McTavish, bureau B•24

Montréal (Québec) H3A 1X9Téléphone : +1 514 398-6784

Télécopieur : +1 514 398-8318

Rédactrice en chef [email protected]

Stéphanie [email protected] de section Julie LerouxSecrétaire de rédaction Alexandre Ruiz de Porras GuédonArts&[email protected] de section

Julie CôtéSecrétaire de rédaction

Rosalie Dion-PicardSociété[email protected]

Éléna ChoquetteMai-Anh Tran-Ho

Coordonnateur de la production [email protected]

Vincent BezaultCoordonnateur [email protected]

Jimmy LuCoordonnateurs de la [email protected]

Anthony Lecossois, Julie TurcotteCoordonateur [email protected]

Guillaume DoréCollaborationClaudine Benoit-Denault, Martine Chapuis, Anabel Cossette-Civitella, Audrey Gauthier, Habib Hassoun, Emmanuelle Jacques, Constance Lahuna, Geneviève Lavoie-Mathieu, François LeClair, Amélie Lemieux, Guy L’Heureux, Marie McCulloch, Aurélie Sykes, Michael VahrenwaldCouvertureClaudine Benoit-Denault et Jimmy Lu

bureau publicitaire3480 rue McTavish, bureau B•26

Montréal (Québec) H3A 1X9Téléphone : +1 514 398-6790

Télécopieur : +1 514 [email protected]

Publicité et direction générale Boris Shedov

Gérance Pierre Bouillon

Photocomposition Geneviève Robert

The McGill Daily • [email protected]

Stephen Spencer Davis

Conseil d’administration de la Société des publica-tions du Daily (SPD)Stephen Spencer Davis, Stéphanie Dufresne, Max Halparin[[email protected]], Thomas Kulcsar, Daniel Mayer, Mina Mekhail, Will Vanderbilt, Alison Withers, Sami Yasin

le seul journal francophone de l’université McGill

L’usage du masculin dans les pages du Délit vise à alléger le texte et ne se veut nullement discriminatoire.

Le Délit (ISSN 1192-4609) est publié la plupart des mardis par la Société des publications du Daily (SPD). Il encourage la repro-duction de ses articles originaux à condition d’en mentionner la source (sauf dans le cas d’articles et d’illustrations dont les droits avant été auparavent réservés, incluant les articles de la CUP). Les opinions exprimées dans ces pages ne reflètent pas nécessairement celles de l’Université McGill. L’équipe du Délit n’endosse pas nécessairement les produits dont la publicité pa-raît dans ce journal.Imprimé sur du papier recyclé format tabloïde par Imprimeries Transcontinental Transmag, Anjou (Québec).Le Délit est membre fondateur de la Canadian University Press (CUP) et du Carrefour international de la presse universitaire francophone (CIPUF).

Volume 99 Numéro 9

le délit

«Elle gagne trois fois plus que Jean Charest.» - Le Journal de Montréal

Page 8: ledelit_20091110

Amélie LemieuxLe Délit

Société[email protected]

9Sociétéxle délit · le mardi 10 novembre 2009 · delitfrancais.com8

Slow Food ou renaissance de la gastronomie artisanale

«Acheter, c’est voter»: c’est ce que bon nombre d’activistes répliquent lorsque vous leur demandez leur concep-

tion de la consommation alimentaire. Ils n’ont pas tort: se procurer des ananas scellés sous vide et bourrés d’agents

de conservation entretient la logique complaisante des multinationales. C’est aussi s’alimenter d’une manière moins

saine qu’on ne le fait avec des produits du Québec.

Fini les produits transformés. Faisons place à ce contre-courant qui rejette l’ubiquité du Fast Food. Cette semaine,

Le Délit vous invite à passer à table. Au menu? Tomates de serre écologiques, oignons biologiques, jeunes pousses et

graines germées, plateau de fromages de chez-nous. Un guide d’initiation pour l’étudiant pressé!

Slow Food, Slow Lecture: prenez le temps de bien lire cet article, avec un verre de jus de pommes brun à la main!

Les origines du Slow Food

Le Slow Food voit le jour à Paris en 1989, lorsque Carlo Petrini, journa-liste et critique gastronomique, mo-

bilise des citoyens de quinze pays et leur fait signer le manifeste fondateur du mou-vement. «Son propos visait la promotion de produits italiens typiques afin d’améliorer les conditions socioéconomiques des petits producteurs», explique David Szantos, fer-vent activiste de la cause et président d’Ice-box Studios, une entreprise de communi-cations dans le domaine agroalimentaire.

Au Québec, l’avènement du Slow Food remonte à février 2001, lorsque Paul Caccia de Slow Food Canada et son équipe de bé-névoles ont proclamé le mouvement.

Comme son nom l’indique, le Slow Food n’a rien du «tout cuit dans le bec». Il relève encore moins de la consommation d’aliments emballés, expédiés à toute allure jusqu’aux tablettes de votre supermarché. Il refuse donc le rythme de vie trop préci-pité que propose l’omniprésente industrie du Fast Food à travers le monde. Il suggère également de se renseigner sur l’origine des aliments, d’assortir sa cuisine de pro-duits locaux et saisonniers et de tout goû-ter avec sa tête.

Pour Gabriel Riel-Salvatore, prési-dent de Slow Food Québec, il s’agit d’«une philosophie, [d’]un mode de vie qui pro-meut la consommation et la production de produits locaux». Un des buts premiers du mouvement est de renseigner la popu-lation urbaine sur le vaste réseau de dis-tribution des produits locaux, que ce soit par des sites Web, des prospectus ou des conférences citoyennes. Autrement dit, le consommateur s’informe d’abord des lieux de production et peut ensuite se procurer les produits dans divers marchés saison-niers, dans quelques épiceries fines de la métropole ou, même mieux, directement chez le producteur.

«Éduquer, motiver, amener les gens à se questionner, pour qu’ils puissent redécouvrir leur identité gastronomique et, ce faisant, prendre responsabilité de leurs actions comme consom-mateurs..»

Page 9: ledelit_20091110

9Sociétéxle délit · le mardi 10 novembre 2009 · delitfrancais.com8

Slow Food ou renaissance de la gastronomie artisanale

Slow Food vs. Fast Food : Contrer l’incurableLe mouvement Slow Food trouve d’autant plus de sens que le nombre de cas d’obésité et de cancer dans les pays industrialisés est en croissance fulgurante. Les docteurs Denis

Gingras et Richard Béliveau, auteurs du livre Les aliments contre le cancer, ont été les premiers au Québec à dénoncer publiquement l’incidence de la malbouffe sur la propension à dé-velopper un cancer. «De mauvaises habitudes alimentaires, principalement générées par le Fast Food et les aliments issus des multinationales, seraient responsables de 40% des cas de cancer.» Les statistiques démontrent l’urgence de trouver une solution à ce problème de société. Deux personnes sur cinq paieront le prix des méfaits du Fast Food. Quand 80% des cas de cancer du côlon sont provoqués par l’ingestion de malbouffe, il n’est pas surprenant de voir se mettre en place un contre-phénomène, témoin des anomalies de notre monde trop pressé. x

Szantos veut étendre l’influence du Slow Food à la jeunesse étudiante par l’inauguration internationale du Youth Food Movement (www.youthfoodmovement.org) et l’instauration du programme Pangea: The Ark of Knowledge. «C’est un programme qui vise à établir des échanges entre jeunes stagiaires et artisans, fermiers ou producteurs agroalimentaires, dans le but de transmettre ce savoir à la pro-

chaine génération.» Trop souvent, selon lui, les enfants de ces producteurs ne veulent pas poursuivre l’entreprise de leurs parents: il n’y a donc pas de transmission d’héritage et, dans certains cas, pas de diffusion du «savoir-faire alimentaire».

La voix de la jeunesse demeure celle de l’avenir: pour Szantos, «l’intégration des jeunes dans le mouvement est nécessaire pour son évolution et pour sa durabilité dans le temps». Riel-Salvatore se range du même côté que Szantos. De même, il conçoit le Slow Food comme un enrichissement avantageux pour les étudiants: «Pour eux, c’est une belle occasion de se familiariser avec les produits du Québec et d’apprendre à cuisiner eux-mêmes.»

Toutefois, pour Nikki Petropoulos, étudiante à l’Université de Montréal, «le mouvement ne peut pas entrer dans la norme à l’heure actuelle. Le problème, c’est “l’instantanéisme” et le besoin que l’on se crée de toujours vouloir rentabiliser notre temps». «Pour un étudiant, entre la vie sociale, l’école, le boulot... c’est souvent la santé qui écope», renchérit-elle. Cette tendance incite les jeunes consommateurs à chercher des produits qu’ils ont immédiate-ment à portée de main.

Conséquemment, l’omniprésence de la chaîne alimentaire industrielle écrase les petits producteurs agricoles. En revanche, si le mouvement mobilise une partie de la population et que les produits locaux sont courus, il peut y avoir un renversement de la donne: «Le marché Jean-Talon a tout en son pouvoir pour tuer le IGA du coin, parce que les citoyens sont prêts à payer pour des produits de chez nous. Simplement, ces prix doivent battre la compétition», souligne Vanessa DeFelice, étudiante aux HEC de Montréal.

Tout compte fait, la décision ultime est laissée entre les mains des consommateurs. Consciemment ou non, ils décident de leurs achats alimentaires, et donc de la fluctuation de l’économie régionale dans le secteur agroalimentaire. Heureusement, il existe diverses sources d’information et d’inspiration pour ceux qui désirent développer ce sens du goût. Par exemple, David Szantos guide ses étudiants en les «amenant à se questionner, pour qu’ils puissent redécouvrir leur identité gastronomique, et ce faisant, prendre responsabilité de leurs actions comme consommateurs». Ainsi, les étudiants peuvent élargir l’éventail de leurs possibilités au lieu d’être confinés à la consommation rapide et artificialisée.

Il est possible de consulter Les plaisirs du Slow Food de Corby Kummer, Slow Cooker Comfort Food de Judith Finlayson ou encore Le Fruit de ma passion de Daniel Vézina pour débuter sur la bonne cuillère.

Commencez par comparer le goût du potage de courges d’automne de votre grand-mère à celui d’une soupe en conserve. Rien à voir, n’est-ce pas? Comment intégrer le premier dans son assiette? Avant même d’allumer le four, il faudrait prendre conscience de la richesse que nous procure cette terre sur laquelle on piétine. Il est primordial de reconnaître les produits locaux à leur juste valeur

et de s’instruire grâce aux idées que prône la philosophie du Slow Food, parce que chaque bouchée, rappelons-le, s’avère être un nouvel apprentissage de la cuisine.

Derek Dammann, chef et associé du restaurant DNA dans le Vieux-Port de Montréal, souligne l’importance de la biodiversité alimen-taire en participant à la semaine canadienne du Slow Food, qui prenait justement place la semaine dernière. DNA se réclame d’une vocation agroalimentaire qui encourage le mouvement Slow Food: «Il faut comprendre que c’est une façon plus intelligente de concevoir la nourri-ture», affirme Dammann. Son entreprise de restauration y arrive d’une manière très simple, mais essentielle: «C’est en faisant la promotion de nos vins canadiens et de nos produits locaux que nous parvenons à transmettre l’essence de notre patrimoine culinaire.» Il explique que cette expérience est d’autant plus intéressante qu’elle relève de la surprise: par exemple, ils offrent «une large variété de champignons que la plupart des gens ne connaissent pas: c’est nouveau pour eux».

Manger Slow Food, c’est aussi adapter ses choix alimentaires en fonction des mois de l’année. Cueillis à maturité, les produits de saison ont davantage de saveur, contrairement aux produits hors-saison, cueillis plus tôt pour des raisons de transport. La crème des fruits et lé-

gumes ne traverse pas un océan ni ne parcourt des milliers de kilomètres pour arriver dans notre assiette: elle est cultivée à Saint-Constant, Saint-Hilaire, Rimouski, Oka. De plus, elle est abordable: les prix baissent avec ce type de consommation, vu l’absence d’intermédiaires entre le consommateur et les producteurs.

Oui, le mouvement prône la lenteur. Que dire de son rapport avec notre économie qui carbure à toute vitesse? Jon Kabat-Zinn, pro-fesseur émérite à l’Université du Massachussets, affirme que le mouvement «est la façon ultime de se concentrer sur notre restau-ration d’énergie qui, elle, s’efforce de nous rappeler qui sommes vraiment, c’est-à-dire des êtres humains et non des exécutants».

Mais soyons honnêtes: notre position d’étudiant implique un horizon, nécessaire, de permissions et de récompenses diverses que l’on s’accorde. L’une de ces concessions est de s’autoriser à consommer sur le pouce, dans une cafétéria du campus –ou pire, de se procurer les produits médiocres d’une machine distributrice. La vérité est que le manque de temps et d’argent a souvent raison de notre volonté.

Ainsi, au lieu d’investir dans une alimentation saine et économique à long terme, certains finissent par dépenser leur faible revenu sur des produits faits à la chaîne. Le Slow Food propose une alternative contraire: un rapport personnel à l’alimentation, par l’éducation au goût.

Manger local n’est pas synonyme d’isolement régional. Le mouvement Slow Food s’étend sur 110 pays, mais à Montréal «la production est très faible, vu la faible disponibilité des terrains destinés à l’agriculture», affirme Szantos. Ce manque d’espace complique l’accessibilité aux produits agroalimentaires parce que «la production locale pendant l’hiver est inexistante, même

dans les régions les plus productives», ajoute-t-il.«Le domaine gastronomique au Québec est fortement influencé par plusieurs cultures: les Premières Nations, la France, l’Angleterre,

l’Irlande et les États-Unis, pour ne nommer que ceux-là», ce qui rend difficile de cerner la question des traditions alimentaires québécoi-ses. Adhérer au mouvement Slow Food, ce n’est pas que promouvoir notre cuisine locale, c’est donc aussi s’intéresser aux produits des autres cultures.

Alors soyez slow, partout, toujours. Réjouissez-vous, il est possible d’adopter un mode de vie slow sous d’autres formes: le slow living, le slow travel, les slow schools et même le slow sex!

Tout compte fait, Slow Food cherche à combler nos désirs, nos plaisirs, notre soif d’apprendre et notre bonne conscience d’écocitoyen. C’est une question à plusieurs volets: porter un intérêt aux fruits d’une nation, connaître les producteurs et leurs produits, se responsabiliser dans notre quotidien et refuser le rythme effréné que nous impose la société. Tout ça dans le but d’adopter un style de vie alimentaire plus conscientisé et d’influencer positivement sa communauté. La prochaine fois que vous verrez une publicité de Kraft sur l’autobus de la ville, rappelez-vous le verre de jus de pommes dégusté lors de la lecture de cet article. On verra qui fera le poids dans votre estomac.

Mangez local

Commencez jeune

Freinez l’accéléré

Pensez global

«Pour un étudiant, entre la vie sociale, l’école, le boulot... c’est souvent la santé qui écope.»

Dessins: Jimmy Lu/Le Délit

Page 10: ledelit_20091110

10 Arts & Culture xle délit · le mardi 10 novembre 2009 · delitfrancais.com

AU CINÉMA DÈS LE 13 NOVEMBRE

version française de Pirate Radio

CONCEPTION GRAPHIQUE: ©2009 FOCUS FEATUTRES LLC. TOUS DROITS RÉSERVÉS.www.PirateRadioMovie.com www.Vivafi lm.com

présenté par

GAGNEZ L’UN DES 75 LAISSEZ-PASSER DOUBLES POUR VOIR LE FILM!

Présentez-vous au bureau du Délit (Shatner B-26) pour obtenir un laissez-passer double pour Radio Pirate. Premier arrivé, premier servi. Carte d’étudiant requise.

La technologie au service de la procrastination !www.delitfrancais.com

Plusieurs postes se libèrent à la session prochaine.

Pour devenir membre de la rédaction

écrivez à [email protected]

Pour plus d’information:delitfrancais.com/collaborer

Petites annonces

Offres d’emploi

Logement4 1/2 à louer

Montréal-Nord, rénové, spacieux, environnement très calme et propre, près des autobus, du métro et de tous les services, à 15 min. du centre-ville (métro Pie-IX),

libre 1er octobre. 545$(450) 661-6110

JANVIER à AOÛT - Grand 4 1/2 à partager avec une fille & deux chats. Très bien situé, NDG près d’Hampstead, quartier bilingue, près du métro Snowdon, épicerie, restos, cafés etc. Très grande chambre, 417.50$/mois.

Appellez Melissa au (514) 759-4233

Pour passer une annonce :[email protected] rue McTavish, B-26 (514) 398-6790Les fraisÉtudiants et employés de McGill : 6,70 $ / jour; 6,20 $ / jour pour 3 jours et plus.Grand public : 8,10 $ / jour; 6,95 $ / jour pour 3 jours et plus. Limite de 150 caractères. Des frais de 6,00 $ seront appliqués si le nombre de caractères dépasse la limite.Minimum 40,50 $ / 5 annonces.Catégories :Logement, Déménagement / Entreposage, Entrée de données, Services offerts, À vendre, À donner, Offres d’emploi, Billets, Objets perdus & trouvés, Personnelles, Cours, Avis, Bénévolat, Musiciens, etc. Les annonces Objets perdus & trouvés sont gratuites.

ÉCOLE DES MAÎTRESCours de service au bar et de service aux tables. Rabais étudiant, service de référence à l’emploi.

514-849-2828www.EcoleDesMaitres.com

(inscription en ligne possible)

ANNONCEZ DANS LE DÉ[email protected]

514-398-6790

Avez-vous “un OEIL PARESSEUX” depuis l’enfance? La recherche de vision de McGill recherche des participants d’étude. Veuillez appeler Dr. Simon Clavagnier au (514) 934-1934, poste 35307 ou contacter [email protected] pour de

plus amples informations.

Page 11: ledelit_20091110

Arts&[email protected]

Vous vous souvenez du groupe qui était, bien malgré lui, au centre de la

controverse de L’Autre Saint-Jean l’été dernier? Lake of Stew n’a pas dit son dernier mot...

Le Délit (LD): La rumeur veut que Lake of Stew soit vraiment une histoire de ragoût… Comment le groupe a-t-il vu le jour?

Daniel McKell (DM): Le grou-pe a commencé à jouer en 2002. En fait, c’était juste un jam, cha-que mercredi à l’appartement de Richard; c’était plus pour jouer entre amis, faire des chansons et manger de la bonne bouffe. C’était un genre de rendez-vous entre amis, ça a commencé comme ça. Chaque mercredi, quelqu’un de-vait apporter sa chanson, que tout le monde jouait avec lui. Après trois ou quatre ans, c’est devenu plus sérieux et on a commencé à faire des shows.

(LD): Le choix de faire du folk s’est donc imposé de lui-même?

(DM): Oui… C’est plus facile à jouer, surtout dans un apparte-ment. Si tu n’as pas d’amplifica-teurs, de kit de drums et de micros, c’est plus simple de faire du folk!

(LD): Par ailleurs, vous n’aimez pas beaucoup utiliser les amplificateurs, même en specta-cle. Aviez-vous fonctionné sans arrangements pour l’enregistre-ment de votre premier album Ain’t Tired of Lovin’?

(DM): Quand c’est possible, on préfère jouer acoustiquement, mais ça arrive que la salle soit trop grande pour que ça se fasse. Mais quand c’est possible de le faire, ça donne un meilleur show. Pour Aint Tired of Lovin’, on n’a utilisé aucun instrument électrique. On a enregistré dans une pièce de la maison de Richard. On a changé notre position sur les micros quand on a changé de chanteur.

(LD): Parce que c’était rendu trop compliqué de faire sans les micros?

(DM): Non, au contraire, c’était rendu plus facile de faire avec!

(LD): Donc pour le deuxième album, vous avez fonctionné de quelle façon?

(DM): On a joué beaucoup entre les deux albums, alors no-tre style s’est amélioré. Pour cet album, on est allés à Toronto et on a travaillé avec Ken Whiteley, on a enregistré dans son sous-sol. Il avait beaucoup de vieux, vieux microphones, donc on les a uti-lisés. Les chansons du nouvel al-bum sont plus développées. Aussi, quelque chose de vraiment spé-cial sur cet album, c’est que cha-que membre du groupe a écrit au moins une chanson. Comme on est six, ça fait six différents styles.

(LD): Entre les deux albums, qu’est-ce qui s’est passé pour Lake of Stew?

(DM): On a fait beaucoup de choses. On gagné un MIMI, ça a été une belle surprise. Il y a aussi eu L’Autre Saint-Jean et toute la controverse autour de ça en juin dernier.

(LD): Justement, avec les quelque six mois de recul que vous avez aujourd’hui, comment

percevez-vous l’épisode de l’Autre Saint-Jean?

(DM): C’était comme un bar-rage, ça nous a fait beaucoup de publicité. Pendant une semaine, on n’était pas un groupe de musi-que, on était une équipe de média! Bon, le show s’est tout de même produit, mais c’est le show le plus étrange que j’aie jamais fait. La moitié de la foule était des vrais fans qui chantaient avec nous, et puis de l’autre côté tu avais douze personnes qui faisaient beaucoup de bruit. C’était un peu distracting! Disons que ce n’était pas notre meilleur show. Mais ça a passé et on est contents.

(LD): Vous êtes en route vers Toronto et vous prévoyez faire une petite tournée au Québec et en Ontario en novembre. Est-ce que vous cherchez à vous bâtir un public dans les deux provinces?

(DM): Oui, on veut être par-tout! Ça doit faire trois fois qu’on va jouer en Ontario cette année. L’été prochain on va faire une grosse tournée, on va faire les fes-tivals, des choses comme ça. On

a envie de faire un tour dans les Maritimes, les gens là-bas aiment la musique folk. On va commen-cer comme ça et peut-être que l’automne qui vient, on ira en Colombie-Britannique, là où il y également beaucoup de folk.

(LD): Donc, pour le prochain album et le lancement, on peut s’attendre à retrouver cette même énergie qu’on vous connaît?

(DM): Oui, avec des nouvel-les chansons! x

Après la tempête, le partyRejoint par téléphone, Daniel McKell, guitariste de la formation folk Lake of Stew, retrace la genèse du groupe jusqu’à la sortie de son deuxième album, qui aura lieu cette semaine.

MUSIQUE

Julie CôtéLe Délit

Crédit Lake of Stew

11Arts & Culturexle délit · le mardi 10 novembre 2009 · delitfrancais.com

Record LunchPour écouter le nouvel album

en mangeant du ragoût...Où: au Cagibi 5490, boul. Saint-LaurentQuand: le 10 novembre, de

17h à 19hCombien: Gratuit

Lancement de Sweet as PieOù: à la Sala Rossa4848, boul. Saint-LaurentQuand: le 12 novembre à 21hCombien: 8$ en prévente, 10$

à la porte

www.lakeofstew.ca

Page 12: ledelit_20091110

Je sais que Je vous parle souvent de théâtre, mais bon, il ne vous reste que trois semaines à m’endurer. Mieux vaut vous écoeurer bien comme il faut pour ne pas que vous vous ennuyiez à mon départ. Je vous livrais il y a deux semaines une réflexion quelque peu pessimiste sur le monde du théâtre qui, me sem-blait-il, devait faire beaucoup de compromis artistique pour se financer. Je persiste à croire que cette opinion n’est pas fausse et même que, dans certains cas, elle est plus que juste. Il reste néan-moins que certaines troupes de théâtre s’en donnent à coeur joie, aux grands plaisirs des specta-teurs. C’est ce que j’ai pu consta-ter en me rendant jeudi dernier Aux Écuries -pour la première fois, je sais, c’est ma petite honte- pour voir Vroom. La production du Théâtre en l’Air faisait sourire dès la lecture du synopsis annon-çant l’histoire de Jérôme, pianiste, qui veut devenir coureur auto-mobile et qui doit composer avec sa famille de marionnettes «bas de gamme». Loufoque, n’est-ce pas? Mais je dois avouer que ce n’est pas tant l’envie de voir une pièce à caractère humoristique qui me poussait; parvenant très bien à me faire rire toute seule -je sais combien bizarre cette affir-mation vous paraîtra-, c’est plutôt la simple envie d’aller au théâtre qui m’a amenée Aux Écuries ce soir-là. Or, j’en suis ressortie plus qu’impressionnée.

Le texte de Daniel Audi Hodge est fondamentalement drôle et on ne s’ennuie pas une minute. Il faut dire aussi que la pièce n’en dure qu’une soixan-taine; de l’extrait pur, quoi! Tout en étant désopilante, la pièce ne tombe jamais dans la facilité et dans l’humour plat, ce qui s’avère sans doute l’une des grandes for-ces de Vroom.

Ce qui m’a toutefois le plus surpris dans la pièce, c’est son uni-que comédien, David-Alexandre Després. En plus d’interpréter Jérôme, il utilise ses mains et ses pieds pour donner vie à ses alter ego de scène des marionnettes. Alternant les voix et devant ef-fectuer des mouvements quasi impossibles pour coordonner le tout, l’acteur parvient sans aucu-

ne misère à nous transporter dans ce petit monde aussi fou qu’im-probable.

Le seul hic avec Vroom? Eh bien, comme la pièce n’était pré-sentée que pour quelques jours en novembre, vous devrez atten-dre le 16 décembre avant d’avoir la chance de la voir. Inscrivez vite la pièce à votre liste d’activités culturelles pour décembre; c’est à ne pas rater.

Un petit mot sur les Écuries également, car comme je vous l’ai mentionné, c’était ma «première fois» (shame on me!). Il est tout à fait rafraichissant de voir la ma-nière dont les Écuries remodèlent le théâtre à leur propre manière, allant jusqu’à offrir cacahuètes en écales et cidre de pomme aux spectateurs. Que ceux qui vont au théâtre pour s’enfler la tête restent chez-eux! Ou bien qu’ils mangent des pinottes…

Pour plus d’infos, consultez www.auxecuries.com x

Le théâtre, ça vous branche? Vous fascine? Vous écoeure?Julie aime en parler. Et elle parle beaucoup.Contactez-la sur notre site web ou au [email protected]

La pause culturelleJulie Côté

Ben oui, encore du théâtre!

CHRONIQUE

Au grand écran

12 Arts & Culture xle délit · le mardi 10 novembre 2009 · delitfrancais.com

Présenté an août dans le cadre du festival de Locarno, en Suisse, La Donation s’est mérité

le prix Don Quichotte, remis par la Fédération internationale des ciné-clubs, le 2e prix du Jury Jeunesse et le prix Qualité et Environnement. À l’affiche au Québec seulement de puis le 6 novembre, le film a reçu un accueil plutôt chaleureux de la part de la critique. On y raconte l’histoire de Jeanne Dion (Élise Guilbault), médecin dans un service d’urgences à Montréal, qui quitte la ville pour remplacer Yves Rainville (Jacques Godin), le seul médecin d’une petite communauté de l’ouest de l’Abitibi, Normétal. La Donation prend com-me thème central la charité: l’amour que portent les hommes à Dieu, l’amour que ce dernier leur porte, l’amour que les hommes partagent entre eux. La totalité des images sont filmées dans Normétal pen-dant la période automnale.

Si Bernard Émond campe l’ac-tion de son film en campagne, c’est pour l’opposer à la réalité urbaine. Cette dichotomie, évoquée dès les premières images, donne à l’éloi-gnement une connotation posi-tive. Cependant, plutôt que de faire l’apologie de la ruralité, Bernard Émond utilise la campagne comme un décor propice à illustrer la condi-tion humaine. Finalement, la seule véritable distinction entre les deux univers tient à la proximité entre le médecin et ses patients, forcément plus grande à Normétal que dans les salles d’urgence montréalaises.

La Donation est traversée par de multiples oppositions binaires: la jeunesse et la vieillesse, la femme et l’homme, le physique et le psy-chologique, la vie et la mort, l’eau et la terre, la pluie et la neige (op-position implicite mais majeure), les professions libérales et manuelles, la foule et la solitude, la mécréance et la foi, la parole et le mutisme, l’éloi-gnement et la proximité. La mort se pose également comme un thème dominant. Omniprésente dans

le film, elle est la fin de toutes les douleurs et les souffrances qui dé-finissent, dans le film d’Émond, la pénible condition humaine. L’état éphémère et fragile de l’humanité se trouve atténué par l’amour, voire même le devoir universel, du don de soi. Entrer en contact avec l’autre, dans La Donation, devient un acte dont seul le médecin est capable, parce que doté d’une générosité et d’une bonté profondes.

Bien que le film prenne la fini-tude de l’existence humaine comme moteur et fil du discours cinémato-graphique, son écoute ne comporte aucune lourdeur. La fixité et la len-teur des scènes, la froideur des cou-leurs et l’obscurité des personnages –-dont on n’approfondit jamais la biographie–- confèrent au film une extrême lucidité et empêchent toute sentimentalité gratuite.

La Donation est une métaphore visuelle où le mot fait place à l’ima-ge, où la parole se trouve remplacée par un mutisme total et assourdis-sant qui a comme finalité l’espéran-ce et la foi.x

Habib HassounLe Délit

La charité selon Bernard ÉmondLa Donation, le plus récent film de Bernard Émond, clôt la trilogie amorcée en 2005 par La Neuvaine et suivie de Contre toute espérance en 2007.

Un habitant de Normétal se lie d’amitié avec la Dr. Dion.Gracieuseté de l’ACPAV

VroomOù: Aux Écuries7296, rue ChabotQuand: 16 au 19 décembreCombien: 15$ (étudiants)10$ (cartes prem1ères)

www.auxecuries.com

Page 13: ledelit_20091110

Au grand écran

13Arts & Culturexle délit · le mardi 10 novembre 2009 · delitfrancais.com

Qu’adviendrait-il de notre société si les femmes dé-cidaient un jour que trop,

c’est trop, et laissaient les hommes prendre en charge le maintien de la communauté pour changer? C’est ce que l’on découvre dans le petit village isolé d’Absurdistan lorsqu’une pénurie d’eau vient frapper cette région imaginaire si-tuée quelque part entre l’Europe et l’Asie et dont «personne ne veut». Le réalisateur allemand Veit Helmer y dépeint une société pa-triarcale dans laquelle le pouvoir conféré aux mâles rustres, pares-seux et primitifs, s’exprime par des ébats sexuels festifs où la femme est chosifiée. Tout bascule lorsque les canalisations défectueuses ne fournissent plus d’eau au village. C’est la tâche des hommes d’y re-médier: «Pas d’eau, pas de sexe!»

La grève des femmes mène à un face à face avec les hommes digne d’un Western américain. Celles-ci entrent dans la peau de Calamity Jane, érigeant des barri-cades et délimitant leur territoire par un tracé de lignes blanches, et ceux-là défient cette nouvelle

autorité comme le feraient des adolescents en pleine rébellion. Les hommes avancent en caden-ce, empiétant ainsi sur les terres ennemies.

C’est dans cette ambiance, en vérité bien plus comique qu’hos-tile, qu’Aya et Temelko mettent à l’épreuve leur amour, qui doit être consommé à l’occasion d’un alignement bien précis des étoi-les selon les prédictions d’une grand-mère gitane. Le dilemme des amoureux prend une tour-nure à la Roméo et Juliette –en moins glamour, certes–, chacun devant jurer fidélité à son propre clan. L’intrigue prend parfois des allures de comédie romantique de mauvais goût, ce qui nuit à la cadence jusque-là soutenue et constante du film. Seule la pres-tation fraîche et naïve des acteurs, que le réalisateur est allé chercher dans plus de 28 pays, sauve les scènes à l’eau de rose et évite ainsi au film de se voir apposer le quali-ficatif de navet sentimental.

En Absurdistan, l’absurde vient de la prise du pouvoir des femmes. Un échange de rôles qui n’avait alors jamais été considéré possible dans une société à la hiérarchie aussi rigide. Mais at-tention, Veit Helmer ne fait pas

dans la tirade féministe. Bien au contraire, ses personnages fémi-nins sont caricaturaux à l’extrême, et on a par moments l’impression d’assister à un ballet d’oestrogènes incontrôlables. Seul bémol, donc, à cette chronique sociale et poli-tique, dans laquelle les revendica-tions des femmes sont présentées comme des caprices enfantins.

Le spectateur qui s’attend à découvrir de nouveaux horizons ne sera pas déçu du voyage. Le film a été tourné en Azerbaïdjan et en Géorgie, régions aux paysages pittoresques qui donnent envie de découvrir ces contrées encore méconnues du grand public. La quiétude des paysages reflète celle du quotidien des personnages qui, avant la malencontreuse pénu-rie, vivaient une vie de villageois, douce et tranquille, excentrée et oubliée du monde extérieur. On apprécie l’absence de dialogue à certains moments opportuns, le réalisateur ayant compris que par-fois, «les situations sont plus par-lantes que les mots». x

L’ Absurdistan, pas si absurde?Le réalisateur Veit Helmer présente son dernier film, un conte pour adultes qui prend la forme d’une métaphore du monde contemporain.

La vie à l’écran!Les Rencontres internationales du documentaire mettent à l’honneur ce genre encore souvent méconnu.

CAPSULE CAFÉ

Les cinéphiles qui cherchent à aller au-delà du simple divertissement pourront

se donner rendez-vous du 11 au 21 novembre dans plusieurs sal-les de l’île de Montréal. En effet, les Rencontres internationales du documentaire de Montréal (RIDM) reviennent pour une 12e année. Au programme: des films engagés, porteurs de message et de divertissement. La tradition du genre documentaire est bien ancrée au Québec, qui a joué un rôle de pionnier dans le domaine. Dans les années 1950, grâce au rôle joué par l’ONF, le Québec est devenu la capitale de ce genre ci-nématographique avec l’invention de son ancêtre, le cinéma direct, aussi connu sous le nom de ciné-ma vérité. Il va sans dire que tous s’attendent donc à un événement de qualité. «Cette année, on pro-pose la meilleure programmation des RIDM depuis que j’y travaille. Ça fait maintenant sept ans», ex-plique Charlotte Selb, une des responsables de la programma-tion. Les Rencontres permettent d’entendre les voix des artistes, mais aussi des «acteurs» des do-cumentaires. En plus de divertir, les créations cinématographiques invitent à réfléchir sur différents sujets, comme la crise économi-que, la bonne fortune ou les agis-sements de grandes entreprises dans la sphère politique.

Côté thèmes, les RIDM re-viennet avec les mêmes sections que lors des éditions précédentes. La Caméra-stylo offre une série de films au ton personnel et d’une écriture singulière. La Caméra au poing va satisfaire les cinéphiles friands de débats sociaux et poli-tiques ayant cours partout sur la planète, avec par exemple La résis-tance d’un peuple de Helène Magny et Pierre Mignault, qui traite de la dictature birmane, ou encore avec L’affaire Coca-Cola, dernier film de Carmen Garcia et Germán Gutiérrez qui pose un regard criti-

que sur les actes de la multinatio-nale en Colombie. Outre les dé-bats politiques, l’environnement a fait couler beaucoup d’encre et rouler au moins autant de pellicu-les depuis quelques années. Dans la section Ecocaméra, les sables bitumineux de l’Alberta ou encore les débats majeurs sur la science ou l’écologie envahissent l’écran. La dernière section et aussi la plus jeune, Rubans Canards revient pour la deuxième année consé-cutive avec des œuvres punk, pop, souvent marginales et atypi-ques. Il sera possible de découvrir l’univers des plus grands joueurs de Warcraft 3 dans Beyond the game de Jops de Putter, univers qui ne se limite pas aux quelque quinze heures passées chaque jour à jouer devant un ordinateur. Rubans Canards, selon les orga-nisateurs, reflète le cinéma docu-mentaire de demain. Pourquoi ne pas se permettre un avant-goût de l’avenir cinématographique?

Le documentaire est est genre qui n’est pas facilement disponible dans tous les cinémas, contrai-rement aux grandes productions de fiction. Pourtant ces films n’en sont pas pour autant anodins, ni insignifiants. Antoine Bertrand, que l’on a pu voir dans la série qué-bécoise Les Bougon, tient le rôle de porte-parole des RIDM cette année. «Heureusement que nous pouvons compter sur les docu-mentaires pour nous faire décou-vrir des histoires plus grandes que nature, où les héros ne sont jamais les mêmes, où le scénario change à chaque seconde parce que la vie est imprévisible», explique-t-il sur la page d’accueil des Rencontres.

Celles-ci permettent bel et bien de sortir du cinéma pure-ment commercial, et peut-être même de se rapprocher de la vraie vie, parfois moins excitante ou di-geste, mais plus… réelle. x

Aurélie SkykesLe Délit

Audrey GauthierLe Délit

AbsurdistanOù: Cinéma du Parc 3575 Avenue du ParcCombien: 7,50$ (25 ans et -)

Rencontres internationales du docu-mentaire de Montréal

Quand: 11 au 21 novembrewww.ridm.qc.ca

Gracieuseté de Veit Helmer Film Produktion

Vous voyez le cinéma autrement?

Commentez les articles sur

www.delitfrancais.com

Page 14: ledelit_20091110

Les expositions de Francine Savard, Tricia Middleton et Tacita Dean sont présentées jusqu'au 3 janvier

au Musée d'art contemporain de Montréal. Alors que la Montréalaise Francine Savard travaille énormément sur l'interaction des systèmes de classification, sur les cartes, les mots et leur lien avec les images, la néo-Montréalaise Tricia Middleton, originaire de Vancouver, présente une installation de plu-sieurs pièces dans lesquelles on se promène comme dans une maison de poupées. Avis à ceux qui s'intéressent surtout à la vidéo: l'installation de la Britannique Tacita Dean a connu quelques pannes qui ont forcé le Musée à en interdire l'accès dimanche.

Faisant intervenir des mots, des cotes de bibliothèque, des plans de villes, des ci-tations de penseurs et d'artistes ainsi que des formes géométriques, les œuvres de Francine Savard savent captiver le specta-teur qui s'intéresse à la juxtaposition de plu-sieurs sphères artistiques. Les allusions à la

géographie et à l'histoire de l'art se font cen-trales dans certaines de ses œuvres, dont Le Dépôt de peinture, qui représente la peinture séchée au fond d'un pot, où encore la carte du quartier du Marais, haut lieu du tourisme artistique à Paris. Les Couleurs de Cézanne dans les mots de Rilke 36/100 fait découvrir au visi-teur les couleurs utilisées par Paul Cézanne telles que décrites par le poète Rainer Maria Rilke. L’effet est saisissant: les expressions de Rilke sont écrites en ton sur ton sur des rectangles peints de la couleur décrite par le poète. Rappelant la mise en page d'un poè-me, les longs rectangles, tous de même hau-teur, sont placés l’un en dessous de l'autre et justifiés à gauche.

Tricia Middleton, quant à elle, invite le spectateur à parcourir Les Âmes sombres, un ensemble de pièces à l'intérieur tapissé soit de paisley multicolore, de briques envahies de plantes ou de laine brute, colorée et dé-corée de paillettes. Au sol, divers objets ras-semblés en tas, pétrifiés dans une matière blanche; sur certains plafonds et certains murs, des courtepointes faites de draps usés. Une autre pièce accueille deux immen-ses stalagmites brunâtres décorées de laine

Francine Savard, Tricia Middleton et Tacita Dean au MACMLe Musée nous présente trois artistes contemporaines aux démarches aussi distinctes que fascinantes.

ARTS VISUELS

Rosalie Dion-PicardLe Délit

Le Dépôt de peinture par Francine SavardFrançois LeClair

vert mousse. Ce sont là des références aux catacombes, à Notre-Dame de Paris et au château de Versailles, nous apprend la com-missaire Sarah Grant Marchand. Univers à la fois grotesque et onirique, Les Âmes sombres propose au visiteur une vision novatrice sur l'envers de la société de consommation, soit l'envahissement de l'espace par ce qui est consommé.

L’œuvre de Tacita Dean, Merce Cunningham performs STILLNESS..., est une installation de six vidéos du danseur assis sur une chaise dans une pièce aux murs de miroirs. L'installation vidéographique invite à une réflexion sur la fonction du temps et du média cinématographique dans la repré-sentation de l'immobilité.

Fidèle à son mandat de faire décou-vrir les courants de l'art contemporain, le MACM réussit encore une fois à proposer des œuvres qui, si elles n'auront pas l'heur d'intéresser tous les visiteurs, ont le mérite de présenter divers points de vue intéressants. À travers les œuvres de Savard et Dean, on repense l'interaction entre les médias; avec l'installation de Middleton, la culture de consommation.x

Merce Cunningham performs STILLNESS... par Tacita DeanMichael Vahrenwald

Les Âmes sombres par Tricia MiddletonGuy L’Heureux

14 Arts & Culture xle délit · le mardi 10 novembre 2009 · delitfrancais.com

Page 15: ledelit_20091110

Question de rester le plus près possible du H1N1, je me suis ren-du vendredi dernier aux [nouvelles] Katacombes, coin St-Laurent et Ontario, pour y voir en odorama le deuxième soir du festival A Varning from Montreal III (avec un grand V comme dans V tv ou bien dans vaginite), où deux de mes groupes ca-nadiens préférés, The Aversions et Brutal Knights, performaient devant une horde de marginaux tout de noir vêtus et titubant au son de la musique d’abattage.

L’organisation se voulait tellement effi-cace que même s’il semblait y avoir autant de groupes sur le bill que de sueur entassée sous les bras du gars en sleeveless d’Inepsy à côté de moi, le temps de préparation entre les groupes fut maintenu au minimum pos-sible…ce qui est potentiellement le maxi-

mum possible pour un show crust punk. Avant de faire le catalogue des odeurs

et l’apologie du surplus créatif qui avait pris un break syndical –ou bien un congé de maladie (grippe du code postal oblige)–, laissez-moi vous dire que les Katacombes, du point de vue de l’organisation des spec-tacles qui s’y déroulent, est le bar le mieux construit que j’aie pu voir au cours des qua-tre dernières années. Donc, bravo Janick et les autres copains pour la belle trouvaille et les nouveaux squelettes apocalyptiques sur les murs.

Ceci dit, je n’aime pas trop le crust punk au petit matin, mais ça fait toujours du bien de se rincer l’œil une fois de temps en temps avec le bon peuple. C’est pourquoi j’ai sorti un mauve et un bleu de mon por-tefeuille afin de voir une quantité de studs à rendre un ferblantier riche comme un cais-sier…un caissier qui vole dans la caisse. De tout le crust/d-beat machin chouette que j’ai entendu lors de cette soirée, les Montréalais de Unruled (un nom plus punk aurait été difficile à inventer, sauf Dis-Toxic Rules Bastards Kill Pollution, ou quelque chose à la même sauce) furent mes plus «pas dé-testés».

Passons au bonbon, The Aversions ont juré dans le décor comme rarement (pas assez de déguisements cloutés) et se sont permis de finir leur partie avec une repri-se de la chanson «Wirehead» des Wasted Lives –qui, en passant, se retrouve sur leur plus récent opus Ex Nihilo Nihil. Jouant le rôle du pain dans le sandwich Aversions-Unruled-Brutal Knights, les chevaliers bru-

taux furent aussi palpitants qu’un homme-arbre qui s’immolerait pour les sangsues du Rio Grande un soir de pleine lune sur la rue Ontario au karaoké/kara-ok Astral 2000 (relisez le dernier Bâton si vous êtes perdus). Question de vous éclairer, en ver-sion ministère de l’Éducation la phrase précédente signifie: «Ben l’fun, le chanteur y chante bien pis y’ont une fille dans leur or-chestre, mautadine que c’est smart de penser aux filles des fois.»

Si vous êtes rendu à vous demander, «Ralph a-t-il vu assez de concerts de musi-que punk cette semaine?», méprenez-vous, car il s’apprête à vous enfiler une merguez pleine de sauce harissa par une narine pour la ressortir par les pores de vos dessous de bras (de quoi parle ce gars?) en vous annon-çant ceci: Jesus Lizard vient jouer à Mourial ce vendredi 13 (!!!) novembre au National. Autrement dit, David Yow va se rebaisser les culottes, faire du crowd surfing et chanter ces chansons que la radio étudiante de l’Univer-sité Laval diffusait (entre deux chansons de Weezer) parfois vers minuit lorsque j’étais en secondaire un et que j’écoutais ça pour m’endormir chez mes parents.

All the young punks, vous saurez où me trouver cette semaine…ben non, vous ne le saurez pas.x

Vous trouvez que cette chronique est malade?

Dénoncez Ralph à Santé Canada, écrivez à [email protected] ou bien commentez en ligne sur

www.delitfrancais.com

Le BâtonRalph Elawani

As-tu du crust?CHRONIQUE

15Arts & Culturexle délit · le mardi 10 novembre 2009 · delitfrancais.com

Le Délit vous aime!

Pour participer au seul journalFrancophone

de McGill,

écrivez à[email protected]

!!!

Page 16: ledelit_20091110

Flagran

t délit d

e tend

resseLE ROMAN-FEUILLETON DU DÉLIT

16 Arts & Culture xle délit · le mardi 10 novembre 2009 · delitfrancais.com

ÉP

ISOD

E 9

Longueuil. 8:43 A

MD

omicile du 1434, R

ue Dollard, app. 6.

Il ouvre un œil, puis l’autre. Il se rend com

pte tout de suite d’un changem

ent subtil dans la composition de

l’air. De l’électricité, pense-t-il. O

ui, il y a de l’électricité dans l’air.

Dans la cuisine, son cousin est assis à la table et s’af-

faire à découper un bout de rideau rouge avec des ciseaux. D

écidément, il se passe quelque chose de pas norm

al. Des

dizaines de carrés rouges aux angles croches sont éparpillés partout. Steeve n’a jam

ais eu beaucoup de talent pour le découpage. L

e voici qui lève vers lui des yeux écarquillés et qui lance : «M

an, ça y est, c’est à matin que ça com

mence!»

***M

ontréal. 9:05 AM

7e étage

du Leacock,

McG

ill U

niversity. Un bureau.

Elle frissonne, pas à cause de

la fraîcheur de l’air de novembre.

Son directeur la dévisage, de ses yeux où luit une colère hagarde. «V

ous avez eu vent de ce qui se passe, n’est-ce pas, M

iz?» Elle ac-

quiesce et retient sa respiration. N

e pas sentir son odeur, cette exé-crable haleine de café m

oisi. E

lle ne l’a jamais vu dans un

tel état. La veine de son front pal-

pite si fort qu’elle menace d’ex-

ploser. «Je tiens à vous prévenir. R

estez en dehors de ces histoires ridicules. N

e vous retrouvez pas m

êlée à cette bande de babouins qui ne cherchent qu’à perturber le bon ordre social. V

ous n’avez rien à faire avec cette populace infé-rieure... vous savez, certains ont pénétré les m

urs de cette vénérable institution à laquelle nous appartenons, vous et m

oi. Vous et moi…

» Partir. A

u plus vite. S’enfuir de l’âtre nauséabond de cette brute sanguinaire. «V

euillez m’excuser, je…

on m

’attend.» ***

Montréal, 11:29 A

MC

oin Berri-Sainte-Catherine, place Ém

ilie-Gam

elin. Une

foule. L’électricité, ici, se sublime en énergie pure. L

a fièvre syndicaliste le gagne, et déjà il regarde avec une affection fraternelle tous ces m

anifestants qui, comm

e lui, arborent un carré de rideau rouge. Q

u’importe qu’il ne sache pas

exactement ce qu’il fait là, il a l’im

pression de trouver ici, dans cette foule disjonctée, une com

munauté prête à l’ac-

cueillir. Pas comm

e ces hostiles anglophones de McG

ill…

Sauf, bien sûr…D

es slogans sont lancés. «À m

ort le capitalisme». «So-

so-so, solidarité». «Fuck les chiens». Il gueule, lui aussi. Une

caméra s’approche de lui et de son cousin. U

n journaliste cherche à capter l’esprit de la m

anifestation. «Pourquoi êtes-vous ici aujourd’hui?» Trouver une réplique intelli-gente pour le m

onsieur de la télé. Son cousin le devance. «Pour faire la révolution, m

an! Le pouvoir au peuple, pis

fuck la bourgeoisie!» Ne trouvant rien de m

ieux à ajouter, il répète bêtem

ent: «Ouin, fuck la bourgeoisie!»

Le journaliste s’éloigne, l’air satisfait.

***Q

uébec. 2:45 PMC

olline parlementaire, cabinet du Prem

ier Ministre.

L’attaché politique, nerveux comm

e à chaque fois qu’il s’adresse au Prem

ier Ministre, ram

asse tout son petit courage et ouvre la bouche. «Je viens d’avoir le chef de la police de M

ontréal au téléphone. La m

anifestation est sous contrôle, m

ais... Vous savez que les leaders syndicalistes et

étudiants ont lancé un… appel à la grève nationale?»

Le Prem

ier Ministre gratte sa tête bouclée, feignant

l’indifférence. «Ne vous en faites pas, je com

mence à avoir

l’habitude avec ces gens-là.» Une

pointe d’inquiétude, malgré lui, a

percé dans sa voix.***O

utremont. 5:02 PM

Dom

icile du 6528, rue Van Horne.

Assise dans le fauteuil style vol-

taire restauré de son amie E

mm

a, une tisane gingem

bre et eucalyptus fum

ante à la main, elle respire un

peu mieux. Il lui sem

ble qu’elle vient de passer ce qui pourrait bien avoir été l’une des pires journées de sa vie. D

’abord la rencontre avec l’Affreux.

Puis son séminaire, où L

ui n’est pas venu. Finalem

ent, les restes hostiles d’une

manifestation

qui l’avaient

«accueillie» à sa sortie de McG

ill. E

mm

a tente de lui remonter

le moral. À

la télé, des images de la

manifestation tournent en boucle.

Distraite, elle se croit soudain prise

d’hallucinations lorsqu’elle aperçoit à l’écran son O

vila, au beau milieu d’une jungle de m

alfa-m

és, qui l’insulte, elle, la bourgeoise. L

a voix d’Em

ma, au loin. «H

ey, c’est pas ton étudiant à la télé?»

***M

ontréal. 7:51 PMC

afé Chaos, rue Saint-D

enis.É

puisé, les cordes vocales à feu et à sang, il parvient tout de m

ême au bar où s’est réuni le groupe de syndica-

listes radicaux. Les plus m

odérés sont rentrés chez eux. M

usique punk, bruit des bouteilles que l’on cogne sur la table. Ç

a parle de complot, de coup d’éclat.

«Moi j’pense qu’y faut fesser là où ça va faire le plusse

mal, dit Steeve. A

ttaquer les bourgeois chez-eux!» «O

uais, répond un autre. Y faut frapper à M

cGill. Pis

y faut frapper fort.»M

cGill. L

e symbole de la bourgeoisie capitaliste an-

glophone. Merde, pense tout à coup O

vila. x

Retrouvez le rom

an feuilleton sur delitfrancais.com

Julie T

urcotte

Le Délit

Emm

anuelle Jacques