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André Léonard Comment lire Hegel ? Considérations spéculatives et pratiques In: Revue Philosophique de Louvain. Quatrième série, Tome 70, N°8, 1972. pp. 573-586. Abstract How to read Hegel ? The purpose of this article is to furnish a pedagogical and methodical plan to read the later works of Hegel. In order to do this, it bases itself on the indications contained in the very structure of the Hegelian System while it refers to the procedures used by Hegel in his university teaching. Three cycles of readings are thus proposed, which correspond in a global fashion to the three literary genres adopted by Hegel respectively in the Berlin Courses, the Phenomenology of Mind and the Encyclopedia of Philosophical Sciences. This article furnishes information relative to the study of the hegelian texts themselves and the necessary bibliographical references. Résumé Cet article a pour but de fournir un plan à la fois pédagogique et méthodique de lecture des œuvres de maturité de Hegel. Pour ce faire, il s'inspire des indications contenues dans la structure même du système hégélien en même temps qu'il renvoie aux procédés employés par Hegel dans son enseignement universitaire. Trois cycles de lecture sont ainsi proposés, qui correspondent globalement aux trois genres littéraires adoptés respectivement par Hegel dans les Cours de Berlin, la Phénoménologie de l'Esprit et l'Encyclopédie des sciences philosophiques. L'article fournit conjointement les renseignements relatifs à l'étude des textes hégéliens eux-mêmes et les références bibliographiques indispensables. Citer ce document / Cite this document : Léonard André. Comment lire Hegel ? Considérations spéculatives et pratiques. In: Revue Philosophique de Louvain. Quatrième série, Tome 70, N°8, 1972. pp. 573-586. doi : 10.3406/phlou.1972.5699 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0035-3841_1972_num_70_8_5699

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André Léonard

Comment lire Hegel ? Considérations spéculatives et pratiquesIn: Revue Philosophique de Louvain. Quatrième série, Tome 70, N°8, 1972. pp. 573-586.

AbstractHow to read Hegel ?The purpose of this article is to furnish a pedagogical and methodical plan to read the later works of Hegel. In order to do this, itbases itself on the indications contained in the very structure of the Hegelian System while it refers to the procedures used byHegel in his university teaching. Three cycles of readings are thus proposed, which correspond in a global fashion to the threeliterary genres adopted by Hegel respectively in the Berlin Courses, the Phenomenology of Mind and the Encyclopedia ofPhilosophical Sciences. This article furnishes information relative to the study of the hegelian texts themselves and the necessarybibliographical references.

RésuméCet article a pour but de fournir un plan à la fois pédagogique et méthodique de lecture des œuvres de maturité de Hegel. Pource faire, il s'inspire des indications contenues dans la structure même du système hégélien en même temps qu'il renvoie auxprocédés employés par Hegel dans son enseignement universitaire. Trois cycles de lecture sont ainsi proposés, quicorrespondent globalement aux trois genres littéraires adoptés respectivement par Hegel dans les Cours de Berlin, laPhénoménologie de l'Esprit et l'Encyclopédie des sciences philosophiques. L'article fournit conjointement les renseignementsrelatifs à l'étude des textes hégéliens eux-mêmes et les références bibliographiques indispensables.

Citer ce document / Cite this document :

Léonard André. Comment lire Hegel ? Considérations spéculatives et pratiques. In: Revue Philosophique de Louvain.Quatrième série, Tome 70, N°8, 1972. pp. 573-586.

doi : 10.3406/phlou.1972.5699

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0035-3841_1972_num_70_8_5699

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Comment lire Hegel?

Considérations spéculatives et pratiques

Cet article s'adresse aux jeunes philosophes désireux d'entreprendre une étude approfondie de Hegel en vue d'un travail académique ou d'une publication. Il s'adresse aussi aux moins jeunes, soucieux d'aborder systématiquement une œuvre que, peut-être, ils ne connaissent jusqu'ici que par bribes et morceaux. Le système hégélien est en effet d'une telle complexité et d'une si grande difficulté que certains se posent avec angoisse la question de savoir comment pénétrer dans cette forteresse de la spéculation. Beaucoup ont tenté l'expédition mais un grand nombre n'en sont jamais revenus, pour s'être égarés, sans guide, dans les oubliettes de la dialectique, tandis que d'autres rentraient prématurément de voyage, vaincus et découragés par les pistes austères du savoir. Ici, comme en d'autres aventures spirituelles plus décisives, il y a, semble-t-il, beaucoup d'appelés mais peu d'élus. C'est pour avoir ressenti nous-même, à certains moments, la douleur de cette réprobation que nous voudrions l'épargner à d'autres en leur offrant une méthode de lecture de Hegel qui a déjà fait ses preuves auprès de plus d'un apprenti hégélien. Certes, il n'existe point de voie large qui conduise au vendredi saint de la pensée. Seule la voie étroite du concept achemine au calvaire de l'Esprit absolu et ouvre ainsi infiniment l'immensité cohérente et recueillie du système de l'Idée. Si donc le savoir hégélien demeure à jamais crucifiant pour la conscience naturelle, il reste que le système a ses voies privilégiées qui ne sont pas nécessairement nos voies. C'est par elles, et par elles seules, qu'il nous faut entrer dans le cercle mouvant de la pensée. Ce cercle étant déterminé par la mobilité de trois points qui sont autant de mondes, à savoir le Logos, la Nature et l'Esprit, il y a constamment trois entrées dans le système, trois ouvertures béantes qui seules peuvent conduire à la béatitude du savoir. Le rôle du guide que nous voudrions être est d'indiquer ces voies d'accès à soi-même que le système ouvre généreusement de lui-même à la pensée finie qui veut y communier en s'effaçant en lui. Nous nous sommes déjà expliqué en détail dans un

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article précédent sur la structure propre de ce système hégélien et nous y renvoyons le lecteur avec insistance (1). C'est en rappelant les conclusions de cet article que nous allons maintenant présenter un plan pédagogique concret pour la lecture et l'étude de Hegel.

Ainsi donc que nous l'avons exposé antérieurement, le Tout de l'Idée absolue est à saisir dans la cohérence organique des trois syllogismes Logos-Nature-Esprit (L-N-E), Nature-Esprit-Logos (N-E-L) et Esprit-Logos-Nature (E-L-N) selon la vision englobante du système qui nous est livrée par Hegel au terme de l'Encyclopédie de 1830, dans les §§ 574 à 577. Mais la merveille de cette systématique encyclopédique est qu'elle permet de saisir la cohérence, non seulement de YEncyclopé- die, mais encore de tout le système hégélien, y compris la Phénoménologie de l'Esprit et les Cours de Berlin. On sait en effet que les diverses œuvres où s'expose la pensée de Hegel sont essentiellement les trois textes cités à l'instant. Pour le reste, nous avons encore la Science de la Logique, qui est le déploiement détaillé de ce que nous retrouvons en forme abrégée dans la Logique de Y Encyclopédie, et les Principes de la philosophie du droit, qui constituent une élaboration plus fouillée de la partie de l'Encyclopédie consacrée à l'Esprit objectif. Or la conclusion dernière de notre étude sur la structure du système hégélien était l'ensemble formé par les trois affirmations suivantes : 1) conformément au premier syllogisme L-N-E, qui est marqué par la médiation extérieure de la Nature et la discursivité de la science, les Cours de Berlin sur l'histoire, l'art, la religion et la philosophie présentent un exposé du système de style historico-positif, exposé qui, en réfléchissant objectivement le mouvement de la spéculation, a pour but d'offrir à l'étudiant encore ignorant du système encyclopédique une présentation des moments capitaux de ce dernier articulée au rythme immédiatement accessible de la conscience objectivante; Hegel commence par y donner le concept formel de l'objet spirituel étudié, son Logos absolu (L), il détaille ensuite les divers moments de sa réalisation naturelle et historique (N) et termine en en montrant l'achèvement spirituel complet (E); 2) quant à la Phénoménologie, conformément au second syllogisme N-E-L, qui est marqué par la médiation de l'Esprit et la réflexion active de celui-ci hors de la Nature vers l'absoluité du Logos, elle donne du Tout une présentation de style réflexif et conscientiel, exposé qui, en réfléchissant l'expérience

(*) Cf. A. Léonard, La structure du système hégélien, dans Revue philosophique de Louvain, t. 69 (1971), p. 495-524.

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subjective de la conscience, montre l'arrachement progressif de la conscience de soi spirituelle (E) à la naturalité de son immédiateté sensible (N) et son introduction douloureuse dans l'univers logique et rationnel du Savoir absolu (L) ; 3) pour ce qui est enfin de Y Encyclopédie, conformément au troisième syllogisme E-L-N, qui est marqué par la médiation de la Vérité logique absolue et son partage dans les deux sphères de l'Esprit et de la Nature, elle expose la révélation absolue de l'Absolu à partir de lui-même puisque la rationalité absolue du Logos n'y est plus ni un terme visé eschatologiquement comme dans la Phénoménologie, ni un principe formellement présupposé comme dans les Cours de Berlin, mais le milieu même du discours, la translucidité immanente à la cohérence syllogistique absolue du système; c'est donc à partir du Logos (L) qu'y sont saisis la nécessité et le caractère propre de la Nature (N) et de l'Esprit (E).

Il ressort de ces conclusions que la présentation encyclopédique du système est évidemment la plus définitive et la plus ultimement vraie. Néanmoins, elle ne peut s'affirmer comme vraie qu'en s'appuyant sur la médiation des deux autres approches qu'elle confirme en même temps qu'elle les dépasse. Mais pour nous qui, d'un point de vue pédagogique, cherchons une voie d'accès au système, il est clair que c'est du côté des Cours de Berlin ou de la Phénoménologie qu'il faut nous tourner pour trouver cette introduction au savoir. Il pourrait sembler tout d'abord que la première lecture qui s'impose dans cette perspective soit celle de la Phénoménologie puisque cette dernière a été conçue par Hegel lui-même comme la première partie du système de la science, comme l'exposition du devenir du savoir. Mais si, d'un point de vue systématique, la Phénoménologie est, comme science de l'expérience de la conscience, la seule initiation scientifique de la conscience de soi naturelle au royaume de l'Esprit absolu, il reste que, sur le plan pédagogique, elle remplit mal ses promesses car aucun lecteur ne peut entrer de plain-pied dans cette voie ascétique dont le secret est détenu par un fur uns représentant un savoir auquel la conscience elle-même demeure encore étrangère. C'est pourquoi la meilleure solution est d'aborder en premier lieu les divers Cours de Berlin professés par le maître. Jamais en effet Hegel n'initia à sa pensée ses propres étudiants en leur commentant la Phénoménologie de l'Esprit. Il préférait recourir à une méthode qui fît plus appel à la positivité de la conscience objectivante qu'à la négativité tourmentée de la conscience de soi. Or les Cours de Berlin répondent précisément

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à cette exigence spirituelle et pédagogique en même temps que leur démarche reprend la forme spéculative propre au premier déploiement méthodique du système aussi bien dans son ensemble que dans chacune de ses parties. Dans l'ordre de l'exposition, la pensée dialectique commence en effet toujours par l'immédiat, passe ensuite à la médiation ou à la réflexion et s'achève par l'union comprehensive des deux dans le concept. La pédagogie de Hegel n'est donc pas étrangère aux nécessités internes du système. C'est d'elle que nous nous inspirerons donc pour fournir, conformément au rythme des trois syllogismes de la philosophie, un plan méthodique de lecture de Hegel. Ce plan comportera trois cycles dont le parcours intégral nous paraît exiger en moyenne douze à quinze mois de labeur à raison de cinq à six heures de travail par jour.

Peemier cycle : l'initiation globale au système

et les « Cours de Berlin »

Pour qui lit Hegel de nos jours, il importe, avant même d'aborder les Cours de Berlin, de pouvoir se faire une idée d'ensemble du contenu et de la forme du système total. Dans cette perspective on lira avec profit les pages consacrées à Hegel par É. Bréhier dans son Histoire de la philosophie, ainsi que l'ouvrage de P. Roques, Hegel, sa vie et ses œuvres, Paris, Alcan, 1912. On lira surtout le beau travail de A. Véra, Introduction à la philosophie de Hegel, publié en 1864 et heureusement réédité en 1969 à Bruxelles par Culture et Civilisation en même temps que tous les autres écrits hégéliens de ce philosophe eminent dont l'intérêt, malgré son attachement quasi exclusif à la seule Encyclopédie, est qu'il ratifie les thèses hégéliennes avec un tel enthousiasme qu'il les expose comme de l'intérieur et avec une souveraine clarté. Au terme de cette première initiation, notre article sur La structure du système hégélien peut constituer lui aussi une bonne lecture d'introduction. Il est capital cependant, avant de passer à la lecture de Hegel lui-même, de se rappeler que de telles études introductives pèchent toujours par abstraction dans la mesure où elles dessertissent l'enchaînement dynamique du système du contenu détaillé de son élaboration et risquent ainsi de donner au lecteur l'impression absolument injustifiée que la dialectique hégélienne consiste en l'application à un objet quelconque d'une forme spéculative arbitraire.

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Les divers Cours de Berlin reprennent successivement, quant à la matière de leurs exposés, les sphères les plus élevées de la philosophie de l'Esprit dans Y Encyclopédie, à savoir l'histoire, l'art, la religion et la philosophie. C'est donc dans cet ordre qu'on les lira. Et tout d'abord les Vorlesungen iïber die Philosophie der Weltgeschichte qu'on étudiera, comme la plupart des œuvres de Hegel, dans les textes sans cesse réédités de la Philosophische Bibliothék, Hambourg, Felix Meiner Verlag. Rappelons à ce propos que, si certains ouvrages de Hegel et tout spécialement les cours qu'il professa à Berlin peuvent être lus en traduction française, il est néanmoins indispensable de bien connaître l'allemand pour aborder l'étude systématique du philosophe. Beaucoup de traductions sont en effet défectueuses et aucune en tout cas ne permet de sentir de l'intérieur les nuances omniprésentes du texte allemand. Dans le cas de l'histoire, on recourra à la traduction de J. Gibelin, Leçons sur la philosophie de Vhistoire, Paris, Vrin, dont on choisira l'édition la plus récente. Comme les autres cours, ceux que Hegel consacra à la philosophie de l'histoire commencent par une introduction présentant le « concept » d'histoire « en général ». Cette introduction a été publiée séparément et de manière plus critique, c'est-à-dire en y distinguant typographiquement les notes d'étudiants et le manuscrit original de Hegel, sous le titre de Die Vernunft in der Geschichte, Felix Meiner Verlag. Pour cette partie, on se référera de préférence à la traduction faite par K. Papaioannou, La Raison dans Vhistoire, Coll. 10/18, Union générale des éditions. Le lecteur renoncera à comprendre exhaustivement du premier coup le texte de cette in

troduction et passera rapidement, après avoir lu les admirables pages sur le fondement géographique de l'histoire universelle, aux cours proprement dits sur le monde oriental, les mondes grec et romain, et enfin le monde germanique. Cette lecture passionnante pourra, selon les besoins d'un chacun, être également très rapide eu égard à la relative facilité des textes.

Viennent ensuite les Vorlesungen ù'ber die Aesthetik qu'on lira dans la Jubilà'umsausgabe, tomes 12 à 14, Stuttgart, Friedrich Frommann Verlag. En français, nous disposons de la bonne traduction de S. Janké- lévitch, Esthétique, récemment rééditée à Paris chez Aubier en une dizaine de petits volumes. On lira à la vitesse de son choix ce texte captivant, le plus beau et aussi le plus facile de HegeL

La partie sera plus serrée en ce qui concerne les Vorlesungen uber die Philosophie der Religion, Felix Meiner Verlag, dont la traduction

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par J. Gibelin, Leçons sur la philosophie de la religion, Paris, Vrin, est par ailleurs extrêmement défectueuse. La traduction avec notes de A. Véra publiée sous le titre de Philosophie de la religion est de loin meilleure mais elle est demeurée inachevée et ne suit pas la même édition du texte allemand. L'idéal est donc de recourir à l'original d'autant plus que l'édition allemande permet à nouveau de distinguer le manuscrit hégélien et les notes de cours. Cette distinction est présente aussi dans la traduction de J. Gibelin, mais beaucoup moins clairement. On commencera par une lecture cursive de l'ensemble sans trop s'arrêter aux difficultés de compréhension présentées par certains passages spéculativement très exigeants. En règle générale, les parties traitant des religions déterminées ou finies, c'est-à-dire des religions orientale, juive, grecque et romaine, pourront être parcourues beaucoup plus rapidement que celles qui traitent du concept de religion et de la religion absolue ou chrétienne. Tout dépend du centre d'intérêt du lecteur. Après cette première lecture cursive, il sera bon de reprendre pour lui-même et séparément le manuscrit de Hegel, dont le texte a été éparpillé parmi les notes d'étudiants, et de le relire dans son ordonnance hégélienne primitive ; celle-ci a été reconstituée avec bonheur par A. Chapelle dans le tome d'annexés de son Hegel et la religion, Paris, Éditions universitaires, 1967. Les Vorlesungen uber die Beweise vom Dasein Gottes sont traditionnellement considérées comme faisant partie des écrits de Hegel sur la philosophie de la religion. En raison de leur caractère proprement métaphysique, on ne les lira cependant qu'après l'étude de la logique spéculative.

Le cycle des Cours de Berlin se termine par les Vorlesungen uber die Geschichte der Philosophie. L'introduction de ce texte, VEinleitung in die Geschichte der Philosophie, a été publiée chez Felix Meiner dans une édition relativement critique où le manuscrit de Hegel est typo- graphiquement distingué des notes de cours. On en a une traduction généralement correcte par J. Gibelin chez Gallimard, intitulée Leçons sur l'histoire de la philosophie. Introduction. Ce texte dense et lumineux mérite une lecture particulièrement attentive car il expose dans un langage très accessible les intuitions les plus profondes du système. Viennent ensuite les leçons proprement dites sur l'histoire de la philosophie grecque, médiévale et moderne. Le texte allemand est disponible chez Friedrich Frommann dans les tomes 17 à 19 de la Jubi- Idumsausgabe. Une traduction française est en cours dont les deux premiers volumes, consacrés à la philosophie grecque, ont paru cette

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année à Paris chez Vrin, dans une version due à P. Garniron. Cette relecture hégélienne de l'histoire de la philosophie est une des plus grandes joies de l'esprit que puisse procurer l'étude du système. Le lecteur pressé pourra néanmoins s'en tenir, s'il le juge nécessaire, aux figures les plus célèbres de l'odyssée hégélienne de la pensée, Platon, Aristote, les Néoplatoniciens, Descartes, Spinoza, Leibniz, Jacobi, Kant, Fichte et Schelling. Avant de passer au cycle suivant, on relira enfin avec profit les deux textes les plus synthétiques des Cours de Berlin, à savoir Die Vernunfî in der Geschichte et YEinleitung in die Geschickte der* Philosophie.

Deuxième cycle : la « Phénoménologie de l'Esprit »

Après cette initiation d'ordre principalement historique et objectif au système, il faut maintenant s'y laisser introduire par le biais plus intime de l'ascèse subjective de la conscience. C'est le rôle de la Phanomenologie des Geistes, qu'on lira dans l'édition de la Philosophische Bibliothelc en s'aidant de l'excellente traduction de J. Hyppolite — les contresens y sont très rares — parue à Paris chez Aubier sous le titre de La Phénoménologie de V Esprit Cette traduction comporte des notes complétant heureusement l'autre ouvrage célèbre de J. Hyppolite consacré à ce grand texte hégélien, à savoir Genèse et structure de la Phénoménologie de V Esprit de Hegel, paru lui aussi à Paris chez Aubier et dont les commentaires éclairent généreusement le texte de Hegel lorsqu'il n'est pas exagérément obscur. Il est strictement impossible de comprendre de manière satisfaisante la Phénoménologie de l'Esprit lors d'une première lecture, surtout quand on la lit avant l'Encyclopédie et la Science de la logique qui en sont la clé ou mieux l' arrière- fond inexprimé. Dans la logique du système et, spécialement, du second syllogisme de la philosophie, nous croyons cependant qu'il est opportun de la lire aussi rapidement que possible dès maintenant, à condition bien sûr de la reprendre ultérieurement dans le détail ainsi que nous l'indiquerons en son temps. Pour la préface de la Phénoménologie, comme pour toutes les préfaces des œuvres publiées par Hegel lui-même, on s'aidera du très beau commentaire de B. Metzke dans Hegels Vorreden, Heidelberg, Kerle Verlag, 1949. Quant à l'« Introduction» qui suit la préface, le lecteur qui aime le genre littéraire

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de Heidegger pourra en trouver une belle présentation dans l'article de Holzwege intitulé Hegels Begriff der Erfahrung, Francfort, Kloster- mann, 1950. Il en existe une traduction française, Hegel et son concept de l'expérience, par W. Brokmeier dans Chemins qui ne mènent nulle part, Paris, Gallimard, 1962. Après la lecture des huit chapitres de la Phénoménologie, lecture que l'on mènera jusqu'à son terme sans se laisser décourager par l'opacité apparemment irréductible de nombreux passages, on reprendra à nouveaux frais la préface, qui a d'ailleurs été écrite en fonction du système de la Science de la logique et de l'Encyclopédie et qui servira donc heureusement d'inttoduction au cycle suivant de notre périple hégélien.

Troisième cycle : l'« Encyclopédie » et la « Science de la logique »

Cette dernière approche du système de l'Esprit, inspirée par le troisième syllogisme de la philosophie, débutera par l'étude de l'Enzy- hlopàdie der philosophischen Wissenschaften dans son édition de 1830 fournie par la Philosophische Bibliothek. Si l'on veut disposer du texte allemand des Zusâtze, c'est-à-dire des notes de cours éclairant certains paragraphes du texte magistral, on aura recours aux volumes 8 à 10 des WerJce in zwanzig Bânden, édités à Francfort par le Suhrkamp Verlag, où ces « Additions >> ont été incorporées, sans confusion, au manuscrit de Hegel. Notons au passage qu'on trouve dans cette édition manuelle du Suhrkamp Verlag une présentation commode et bon marché des principaux textes hégéliens inspirée des Werke de 1832- 1845. L'Encyclopédie a connu avant 1830 deux autres éditions, la première, sensiblement différente, en 1817 et la seconde, très semblable à l'édition définitive, en 1827. L'édition de 1817 est reproduite dans le volume 6 de la Jubildumsausgabe tandis que celle de 1827 est introuvable dans le commerce bien qu'elle ait été republiée jadis par la Philosophische Bibliothek. En français, l'Encyclopédie des sciences philosophiques est accessible dans la traduction largement déficiente de J. Gibelin parue à Paris chez Vrin, dans la traduction de loin meilleure mais fréquemment sophistiquée et parfois inexacte de M. de Gandillac parue à Paris chez Gallimard et enfin dans l'excellente traduction de B. Bourgeois, très rarement incorrecte, parue à Paris chez Vrin et présentant le grand avantage de fournir en même temps

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que la traduction française des Zusàtze le texte des trois éditions de Y Encyclopédie. Son seul défaut est de n'être pas encore complète à ce jour; l'Encyclopédie comporte en effet trois parties, la science de la Logique, la philosophie de la Nature et la philosophie de l'Esprit ; seule la première de ces trois parties a paru jusqu'à présent. Après les préfaces lues avec l'aide de E. Metzke, on abordera l'introduction et ensuite l'admirable Vorbegriff de la « science de la logique » pour lequel on se référera au commentaire pénétrant de V. Delbos dans son ouvrage De Kant aux Postkantiens, Paris, Aubier, 1940.

En ce qui concerne la « science de la logique », qu'on étudiera en allemand comme toute l'Encyclopédie, on trouvera un appui précieux dans une traduction française que nous n'avons pas citée ci-dessus parce qu'elle ne comporte pas seulement une version du texte allemand mais aussi une très longue introduction et un commentaire perpétuel. Il s'agit de Logique de Hegel, ouvrage publié en deux volumes par A. Véra en 1874 et réédité récemment, comme nous l'avons dit plus haut, par Culture et Civilisation. Notons dès à présent que A. Véra a fourni le même remarquable travail pour les deux autres parties de l'Encyclopédie dans sa Philosophie de la Nature en trois volumes datant de 1863-1866 et sa Philosophie de l'Esprit en deux volumes datant de 1867-1870. Le tout a donc été republié récemment dans les mêmes conditions. Les traductions de A. Véra sont généralement bonnes et se lisent agréablement du fait que l'effort de fidélité s'accompagne de la volonté de traduire selon l'esprit plutôt que suivant la lettre. La lecture de cette Logique de l'Encyclopédie sera attentive et minutieuse même s'il faut renoncer à maîtriser le texte du premier coup. On accordera une grande importance à la bonne compréhension des articulations générales et du mouvement d'ensemble. La comparaison avec les autres éditions sera parfois éclairante de même que la confrontation avec les petites « Logiques » contenues dans la Philoso- phische Propàdeutik éditée dans le volume 3 de la Jubilàumsausgabe et traduite en français par M. de Gandillac sous le titre de Propédeutique philosophique, Paris, Éditions Gonthier, 1963. Pour être complet, signalons enfin que nous préparons actuellement nous-même un vaste commentaire littéral de la Logique de l'Encyclopédie de 1830. Cet ouvrage visera à rendre compte, paragraphe par paragraphe, phrase par phrase et mot par mot, du sens et de la portée de ce texte capital mais combien ardu que nous a laissé Hegel. Le commentaire éclairera aussi bien l'ensemble du texte que ses moindres détails. Nous avons déjà terminé la rédaction des deux premières parties, la logique de

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l'être et la logique de l'essence ; avec la logique du concept, l'ensemble comportera environ sept cents pages et paraîtra au cours de l'année 1974.

La « philosophie de la Nature » est un monde déroutant. L'interprétation qualitative et conceptuelle que Hegel nous y donne des divers niveaux de la réalité physique ne peut malgré sa profondeur que désarçonner le lecteur contemporain. Sauf intérêt spécial, on pourra se limiter sans grand dommage à lire les paragraphes introductifs et conclusifs, c'est-à-dire les §§ 245 à 261 et 350 à 376; pour le reste, on se contentera de suivre les grandes articulations. Ici également les travaux de A. Véra seront d'un grand secours.

La «philosophie de l'Esprit» est, par contre, d'un intérêt primordial. Elle méritera une lecture aussi attentive que celle de la « science de la logique ». Quand on aura terminé cette lecture, avec l'aide de A. Véra, on abordera les Grundlinien der Philosophie des Redites dans la Philosophische Bibliothek en s'appuyant, pour la préface, sur le commentaire de E. Metzke. On dispose en français de la traduction de A. Kaan, Principes de la philosophie du droit, Paris, Gallimard, 1940. A moins que l'on ne s'intéresse spécialement à la politique de Hegel, il suffit de saisir le mouvement général de l'ouvrage sans pénétrer le mystère de chacune de ses phrases. Ici plus qu'ailleurs, il faut aller de l'avant. Dans son ouvrage La Philosophie politique de Hegel, Paris, Pion, 1964, E. Fleischmann a tenté un essai de commentaire de ce texte, paragraphe par paragraphe. La lecture des Principes de la philosophie du droit apporte, comme nous l'avons suggéré plus haut, un heureux complément à celle de la section de Y Encyclopédie consacrée à l'Esprit objectif. C'est de là que procède son intérêt à ce moment précis de notre parcours. Avant de passer à la Wissenschqft der Logik, on relira avec fruit la Logique de Y Encyclopédie et même, si possible, Y Encyclopédie tout entière.

L'étude de la Wissenschaft der Logik sera sans contredit le moment le plus pénible de cette initiation au système dont nous marquons ici les étapes successives. Le lecteur devra s'armer de courage et résister à la tentation du désespoir. Qu'il sache que son désarroi est partagé par les meilleurs esprits et que Hegel lui-même se plaignit de devoir rédiger une partie de cette Science de la logique durant la lune de miel qui suivit son mariage en 1811. Ce texte est à lire en allemand dans l'édition de la Philosophische Bibliothek. Sauf pour des vérifications occasionnelles, il faut se garder soigneusement de recourir à la tra-

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duction française de S. Jankélévitch parue à Paris chez Aubier ; pour méritoire qu'elle soit, cette traduction ne peut qu'induire en erreur en raison des multiples contresens et des nombreuses incorrections dont elle fourmille à chaque page. Pour les préfaces, on s'aidera des Hegels Vorreden de E. Metzke. Pour le reste, on trouvera quelque lumière dans les nombreux commentaires généraux de cette œuvre décisive du maître. Citons les plus célèbres : J.E. Mac Taggart, A Commentary on Hegel's Logic, Cambridge, University Press, 1910; 6.R.G. Mure, A Study of Hegel's Logic, Oxford, Clarendon Press, 1950; L. Pelloux, La Logica di Hegel, Milan, S.T.E.M., 1938; G. Noël, La Logique de Hegel, 1897, 2e éd., Paris, Vrin, 1967 ; E. Fleischmann, La science universelle ou la logique de Hegel, Paris, Pion, 1968. Tous ces commentaires ont leur valeur, sauf peut-être celui de Mac Taggart qui nous paraît le plus souvent insignifiant autant que prétentieux. En fin de compte, c'est encore celui de Noël, simple et lumineux, qui nous semble le plus précieux. Mais, à vrai dire, ce n'est pas dans ces commentaires traditionnels que, personnellement, nous avons trouvé le plus d'éclaircissements mais bien dans l'ouvrage que B. Lake- brink a consacré à la Logique de Hegel et qui s'intitule Die europdische Idee der Freiheit. 1. Teil. Hegels Logik und die Tradition der Selbst- bestimmung, Leyde, Brill, 1968. L'interprétation est parfois menacée par une certaine stéréotypie ou un certain formalisme, mais dans l'ensemble elle nous a semblé particulièrement éclairante et nous en recommandons très vivement la lecture. Sans être un commentaire au sens strict, ce livre suit les principales étapes du discours logique et en explicite certains passages décisifs avec un rare bonheur. On trouvera des développements parallèles dans deux autres remarquables ouvrages de B. Lakebrink, Hegels dialektische Ontologie und die Tho- mistische Analehtik, Ratingen, Henn Verlag, 1968 et Studien zur Metaphysik Hegels, Fribourg en Br., Rombach Verlag, 1969. Notons enfin pour terminer que toutes les pages de la Science de la logique ne doivent pas être lues avec un égal investissement d'énergies intellectuelles. Tout d'abord, ici comme ailleurs, lors d'une première lecture d'ensemble, ce qui importe, c'est précisément la perspective globale. De plus, toutes les catégories logiques ne sont pas également déterminantes pour la bonne compréhension de l'ensemble et certaines sont parfois développées avec un luxe de spéculation qui nous semble aujourd'hui quelque peu gratuit. Ainsi, dans la « doctrine de l'être », on passera plus vite sur la quantité et la mesure que sur la qualité.

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On sautera même carrément les deux longues Anmerkungen sur le calcul infinitésimal, à moins, bien sûr, qu'on ne soit spécialiste en la matière. Par contre, les textes de transition ou de synthèse mériteront toujours une attention toute spéciale. On se lancera à corps perdu dans la « doctrine de l'essence », la partie la plus difficile mais aussi la plus magistrale de tout le livre et on cherchera, « éperdument », à en comprendre le maximum sans juger cependant que la situation est désespérée si certains passages demeurent absolument rebelles aux efforts les plus soutenus. On renoncera en particulier à saisir le dernier détail des pages sur le Grund. Dans la « doctrine du concept », l'introduction sur « le concept en général » requiert une étude approfondie. Par contre, on lira assez vite et sans trop de scrupules les développements filandreux consacrés au jugement et au syllogisme subjectifs, en se rappelant la sobriété de l'Encyclopédie à ce propos. La section traitant de l'objectivité n'exige pas non plus qu'on s'attarde démesurément au mécanisme et au chimisme. La dernière section sur l'Idée, au contraire, demande à être lue avec un soin minutieux. On aura avantage à la lire deux ou trois fois de suite. Ce cycle inspiré par le troisième syllogisme hégélien pourra alors se terminer par la relecture de l'Encyclopédie de 1830, du moins à partir de la Logique proprement dite, c'est-à-dire à partir du § 79 et en négligeant toujours la plus grande partie de la philosophie de la Nature. La relecture de la philosophie de l'Esprit pourra s'accompagner, si l'on s'intéresse à la philosophie politique de Hegel, d'une nouvelle étude, plus approfondie cette fois, des Principes de la philosophie du droit. On n'oubliera pas non plus de lire les Vorlesungen iiber die Beweise vom Dasein Gottes, disponibles dans la Philosophische Bibliothek, dont on avait omis la lecture précédemment. On en a une traduction meilleure que celle de J. Gibelin sous le titre de Les preuves de l'existence de Dieu et publiée en 1947 à Paris chez Aubier par H. Niel.

Enfin, comme nous l'avions annoncé précédemment, le moment sera venu alors de reprendre à nouveaux frais et avec le plus d'acribie possible l'étude de la Phénoménologie de l'Esprit dont la démarche en principe propédeutique sera mieux comprise désormais à la lumière de l'achèvement encyclopédique du système. Pour mieux saisir les articulations internes de l'œuvre, on gagnera à s'aider des vues parfois contestables mais souvent suggestives de P.-J. Labarrière dans Structures et mouvement dialectique dans la Phénoménologie de l'Esprit de Hegel, Paris, Aubier, 1968. Pour la partie du chapitre VII traitant de la religion manifeste, on consultera à nouveau le plan détaillé

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fourni par A. Chapelle dans le volume d'annexés de son Hegel et la religion. Enfin, il est capital de ne point considérer comme une exégèse fidèle de la Phénoménologie la célèbre Introduction à la lecture de Hegel de A. Kojève, parue à Paris chez Gallimard en 1947. Ce texte puissant et passionnant introduit excellemment à Kojève lui-même mais non à la vérité historique de Hegel.

Suivant ses intérêts particuliers, le lecteur complétera son information hégélienne en repérant les textes qui peuvent concerner son propos dans les divers écrits de circonstance rassemblés dans les Niirnberger Schriften, Philosophische Bibliothek, 1938 (épuisé), les Schriften aus der Heidelberger Zeit, tome 6 de la Jubilaumsausgabe, les Schriften zur Politik und Rechtsphilosophie, Philosophische Bibliothek, 1913 (épuisé), les Berliner Schriften, Felix Meiner Verlag et enfin les Brief e disponibles elles aussi chez Felix Meiner. Il existe une traduction partielle de ces lettres par J. Carrère en cours de publication, sous le titre de Correspondance, à Paris chez Gallimard. En fait, Hegel n'aimait guère traiter de philosophie dans ses échanges épistolaires de sorte que peu de textes sont à retenir pour notre propos.

Si, de plus, le disciple de Hegel désire connaître la genèse historique de la pensée du maître, il devra lire encore tous les écrits de jeunesse au sens large, c'est-à-dire tous les écrits antérieurs à 1807, date de parution de la Phénoménologie de l'Esprit. Nous nous avouons incompétent à le guider ici dans le détail et ne pouvons que lui recommander de suivre le fil conducteur offert par Th. Hâring dans son excellent ouvrage Hegel, sein Wollen und sein Werk, Leipzig-Berlin, Teubner, t. I, 1929, t. II, 1940.

Après cette initiation progressive à l'intimité spéculative du système, le néophyte hégélien peut alors, nous en sommes convaincu, aborder en connaissance de cause et avec toute chance de succès n'importe quelle partie déterminée du système en s'aidant, bien sûr, de la bibliographie spécialisée concernant le sujet envisagé. Cette bibliographie est à établir suivant les critères habituels et nous ne pouvons nous proposer ici de donner une sélection bibliographique relative à chaque point du système. C'est pourquoi nous nous sommes délibérément limité dans cet article à la bibliographie strictement requise par une première lecture de Hegel. Nous croyons cependant que tous ceux qui feront comme nous l'expérience d'une telle lecture exhaustive des textes systématiques de Hegel conviendront avec nous qu'après semblable travail l'étude approfondie de bien des

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livres devient superflue et peut se ramener à une simple consultation. Car le langage de Hegel est redoutable, certes, mais la grande joie et la grande récompense, quand on l'a fréquenté directement et longuement, c'est de le comprendre enfin un peu mieux et de saisir alors que, pour exprimer le fond de sa pensée, il n'y avait finalement point de forme plus heureuse que celle qu'en fait il employa. A ce moment commence pour chacun son débat le plus intime et le plus personnel avec Hegel.

Louvain. André Léonard, Chargé de recherches du F.N.R.S.