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17 décembre 2015 1 LES FINANCES DE L’ARABIE-SAOUDITE CONDITIONNENT LES PRIX DU PÉTROLE Introduction Quelle que soit l’aune à laquelle on les mesure, les finances de l’Arabie saoudite sont robustes. Le pays a profité des années de boom pétrolier pour rembourser la quasi-totalité de sa dette, qui est passée d’un sommet de 100 % du PIB en 1999 à 7,8 % du PIB, selon les estimations, en 2015 (en hausse par rapport à moins de 2 % en 2014) 1 . L’Arabie saoudite a aussi pour plus de 600 milliards de dollars US de réserves de change. Cette excellente santé financière aide le pays à demeurer un bastion de stabilité dans un Moyen-Orient de plus en plus chaotique, mais aussi à résister financièrement à l’effondrement des cours du pétrole. La stratégie actuelle du royaume consiste à maintenir une forte production de pétrole afin de forcer des producteurs aux coûts plus élevés à ralentir la cadence ou à annuler des projets onéreux – ou les deux. En principe, l’Arabie saoudite devrait ainsi pouvoir consolider, voire accroître la part de la demande mondiale de pétrole qu’elle comble et être bien positionnée le jour où le prix du baril finira par rebondir. Sur le plan géopolitique, de faibles cours du pétrole limitent l’impulsion dont pourrait profiter l’économie de l’ennemi juré de l’Arabie saoudite, l’Iran, quand son accès aux marchés mondiaux du pétrole s’améliorera avec la levée progressive des sanctions qui pèsent contre lui. Le coussin financier de l’Arabie saoudite risque fort, toutefois, de baisser à des niveaux inquiétants avant que le cours du pétrole ne rebondisse considérablement. Le pays a en effet de nombreux engagements financiers de taille qui soulèvent des préoccupations : programmes sociaux extrêmement généreux (par exemple, l’éducation et la santé gratuites), subvention de la consommation d’énergie, emplois très bien rémunérés dans l’administration publique, soutien financier massif à des pays alliés et à des groupes rebelles dans tout le Moyen-Orient, action militaire directe au Yémen. Le risque est accentué par le fait que de nombreux pays, dont l’Irak et la Russie, extraient du pétrole à un rythme historiquement élevé pour répondre à des besoins financiers pressants. La production de l’Iran est aussi appelée à augmenter fortement. Les Saoudiens pourraient aussi être confrontés à des changements structurels de la demande mondiale de pétrole. Au cours de la dernière décennie, les prix élevés du pétrole ont contribué à la stabilisation de sa consommation dans de nombreux pays, ont encouragé la recherche de nouvelles réserves et ont stimulé l’investissement dans les énergies de remplacement et dans des innovations potentiellement transformatrices, comme la voiture électrique. Le Fonds monétaire international (FMI) a prévenu que l’Arabie saoudite pourrait manquer d’argent d’ici cinq ans pour soutenir ses dépenses, si l’État maintient ses politiques actuelles. De notre côté, nous continuons de penser que, à moins d’une flambée du prix du baril, l’Arabie saoudite devra changer de cap d’ici un an tout au plus. La crainte de ne pas disposer de fonds suffisants pour maintenir la stabilité politique (avec de généreux programmes sociaux), soutenir des alliés géopolitiques et diversifier l’économie l’emportera inévitablement sur tous les autres objectifs. Le pays pourrait donc être forcé de négocier des réductions de la production de pétrole avec d’autres grands producteurs – même avec des rivaux géopolitiques tels que l’Iran et la Russie. 1 « Saudi Arabia: Selected Issues », FMI, octobre 2015

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17 décembre 2015

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LES FINANCES DE L’ARABIE-SAOUDITE CONDITIONNENT LES PRIX DU PÉTROLE

Introduction Quelle que soit l’aune à laquelle on les mesure, les finances de l’Arabie saoudite sont robustes. Le pays a profité des années de boom pétrolier pour rembourser la quasi-totalité de sa dette, qui est passée d’un sommet de 100 % du PIB en 1999 à 7,8 % du PIB, selon les estimations, en 2015 (en hausse par rapport à moins de 2 % en 2014)1. L’Arabie saoudite a aussi pour plus de 600 milliards de dollars US de réserves de change. Cette excellente santé financière aide le pays à demeurer un bastion de stabilité dans un Moyen-Orient de plus en plus chaotique, mais aussi à résister financièrement à l’effondrement des cours du pétrole. La stratégie actuelle du royaume consiste à maintenir une forte production de pétrole afin de forcer des producteurs aux coûts plus élevés à ralentir la cadence ou à annuler des projets onéreux – ou les deux. En principe, l’Arabie saoudite devrait ainsi pouvoir consolider, voire accroître la part de la demande mondiale de pétrole qu’elle comble et être bien positionnée le jour où le prix du baril finira par rebondir. Sur le plan géopolitique, de faibles cours du pétrole limitent l’impulsion dont pourrait profiter l’économie de l’ennemi juré de l’Arabie saoudite, l’Iran, quand son accès aux marchés mondiaux du pétrole s’améliorera avec la levée progressive des sanctions qui pèsent contre lui. Le coussin financier de l’Arabie saoudite risque fort, toutefois, de baisser à des niveaux inquiétants avant que le cours du pétrole ne rebondisse considérablement. Le pays a en effet de nombreux engagements financiers de taille qui soulèvent des préoccupations : programmes sociaux extrêmement généreux (par exemple, l’éducation et la santé gratuites), subvention de la consommation d’énergie, emplois très bien rémunérés dans l’administration publique, soutien financier massif à des pays alliés et à des groupes rebelles dans tout le Moyen-Orient, action militaire directe au Yémen. Le risque est accentué par le fait que de nombreux pays, dont l’Irak et la Russie, extraient du pétrole à un rythme historiquement élevé pour répondre à des besoins financiers pressants. La production de l’Iran est aussi appelée à augmenter fortement. Les Saoudiens pourraient aussi être confrontés à des changements structurels de la demande mondiale de pétrole. Au cours de la dernière décennie, les prix élevés du pétrole ont contribué à la stabilisation de sa consommation dans de nombreux pays, ont encouragé la recherche de nouvelles réserves et ont stimulé l’investissement dans les énergies de remplacement et dans des innovations potentiellement transformatrices, comme la voiture électrique. Le Fonds monétaire international (FMI) a prévenu que l’Arabie saoudite pourrait manquer d’argent d’ici cinq ans pour soutenir ses dépenses, si l’État maintient ses politiques actuelles. De notre côté, nous continuons de penser que, à moins d’une flambée du prix du baril, l’Arabie saoudite devra changer de cap d’ici un an tout au plus. La crainte de ne pas disposer de fonds suffisants pour maintenir la stabilité politique (avec de généreux programmes sociaux), soutenir des alliés géopolitiques et diversifier l’économie l’emportera inévitablement sur tous les autres objectifs. Le pays pourrait donc être forcé de négocier des réductions de la production de pétrole avec d’autres grands producteurs – même avec des rivaux géopolitiques tels que l’Iran et la Russie.

1 « Saudi Arabia: Selected Issues », FMI, octobre 2015

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Les dépenses publiques vont dépasser fortement les recettes pétrolières La chute des cours du pétrole et les dépenses astronomiques de l’État grèvent de plus en plus le budget de l’Arabie saoudite. Le pays est passé d’un excédent budgétaire de 12 % du PIB en 2012 à un déficit projeté de 21,6 % du PIB (150 milliards de dollars environ) pour 2015. Le FMI prévoit, si les tendances actuelles se maintiennent, que la dette publique en pourcentage du PIB pourrait passer de moins de 2 % en 2014 à près de 45 % en 2020.

Réserves de change : élevées, mais en baisse Les réserves de change de l’Arabie saoudite ont fondu d’un record absolu de 737 milliards de dollars US en août 2014 à 640 milliards de dollars US à la fin d’octobre 20152.

Source : « Saudi Arabia Said to Delay Contractor Payments as Oil Slumps », 19 octobre 2015

2 « Saudi Arabia's Net Foreign Assets Slide to Three-Year Low », Bloomberg, 26 novembre 2015

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Tant que le pétrole va, l’économie saoudienne va Malgré les efforts que déploie depuis des années l’Arabie saoudite pour diversifier son économie, le pétrole représente toujours environ 80 % des recettes de l’État et 45 % du PIB du pays3. Pour équilibrer le budget de l’exercice en cours, le royaume a besoin d’un prix du baril de 106 $, très supérieur à celui de 69 $ qu’il lui fallait en 2010, selon le FMI. L’écart provient surtout du fait que l’État a massivement investi dans les programmes sociaux et les salaires des fonctionnaires pour assurer la paix sociale et réduire le risque que les troubles qui secouent une grande partie du Moyen-Orient ne s’étendent à l’Arabie saoudite.

Source : « Saudi Arabia to tap global bond markets as oil fall hits finances », The Financial Times, 9 novembre 2015

Les subventions maintiennent les prix de l’énergie très bas Les prix de l’énergie en Arabie saoudite sont parmi les plus bas au monde. L’essence coûte environ 50 cents le gallon (contre 2,05 $ environ aux États-Unis) et le prix de l’électricité avoisine 1,3 cent le kilowattheure. Le FMI estime que les subventions énergétiques coûteront 106 milliards de dollars à l’État en 2015. Sans surprise, avec des prix aussi bas, la demande d’énergie monte en flèche depuis des années (elle a crû de 8 % par année ces trois dernières années). Environ 25 % du pétrole du royaume servent aujourd’hui à la consommation intérieure d’électricité et d’essence, par rapport à un peu plus de 15 % en 20004. Le projet de remplacer de nombreuses centrales électriques au mazout par des centrales au gaz naturel (moins coûteux) et plus tard par des centrales nucléaires est à des années – et à des milliards de dollars – de se concrétiser. Plus la consommation intérieure de pétrole augmente, moins il reste de barils à vendre à meilleur prix à l’étranger.

3 « Saudi Arabia oil: No gain without pain », The Financial Times, 11 octobre 2015 4 « As Saudis Keep Pumping, Thirst for Domestic Oil Swells », The Wall Street Journal, 2 juillet 2015

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« Saudi Arabia field report: Another potential oil crisis in the Middle East », Brookings, juillet 2015

L’État envisage de relever les prix intérieurs de l’énergie. Mais la dernière fois qu’il a voulu réduire les subventions énergétiques en 2000, un soulèvement populaire l’a contraint à y renoncer5. Les Saoudiens considèrent l’énergie abordable presque comme un droit naturel.

Un vaste filet de sécurité sociale Depuis des décennies, la famille royale saoudienne procure des emplois dans l’administration publique et de généreux programmes sociaux aux citoyens en échange de leur loyauté envers le gouvernement. Outre l’accès à de l’énergie abordable, cela comprend la gratuité des soins de santé et de l’éducation. La réaction de la classe dirigeante au vaste mouvement de contestation populaire qui a balayé le monde arabe au début de 2011 a été éloquente. L’État a alors injecté 133 milliards de dollars dans ensemble de mesures qui comprenait des augmentations salariales pour les fonctionnaires, de l’aide au logement et des prestations d’aide sociale6. Les prestations de chômage ont aussi été bonifiées. Deux tiers de la population a moins de 30 ans, et le taux de chômage des 16-29 ans atteint 29 %7. Quand le nouveau roi Salman est arrivé au pouvoir en janvier dernier, il a aussi cherché à se rendre populaire en versant des primes représentant deux mois de salaire aux employés et aux pensionnés de l’État, au coût de 36 milliards de dollars8.

Un secteur public gigantesque La taille du secteur public pose un autre grand défi à l’Arabie saoudite, où plus de 60 % des personnes qui travaillent sont employés par l’État, par rapport à la moyenne de l’OCDE de 21 %. Si la fonction publique est si imposante, c’est que les dirigeants saoudiens, comme beaucoup d’autres au Moyen-Orient, la traitent depuis longtemps comme une agence de placement pour leurs fidèles partisans et les membres de leur famille.

5 « Saudi Arabia oil: No gain without pain », The Financial Times, 11 octobre 2015 6 « Saudi Arabia is worried – and not just about its king », The Guardian, 29 septembre 2015 7 « Saudi Arabia will need deep pockets if it is to win its oil war with US », The Guardian, 7 août 2015 8 « Saudi Arabia is worried – and not just about its king », The Guardian, 29 septembre, 2015

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Source : « Aiwa (yes) minister », The Economist, 14 novembre 2015

Les efforts de l’État pour accroître le nombre de Saoudiens employés dans le secteur privé donnent peu de résultats parce que beaucoup refusent d’occuper des postes de cols bleus peu rémunérés. Les ressortissants saoudiens travaillant dans le secteur public gagnent en moyenne 2 000 $ par mois, près du double du salaire touché dans le secteur privé.

Source : « Saudi Arabia Puts Squeeze on Foreign Workers », The Wall Street Journal, 6 mars 2015

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L’explosion du budget de la défense Malgré l’effondrement des cours du pétrole, l’Arabie saoudite accroîtra ses dépenses en défense, de 49 milliards de dollars en 2014 à un montant projeté de 62 milliards de dollars en 20209. Le pays se hisserait ainsi du huitième au cinquième rang mondial au chapitre des dépenses en armement d’ici 2020. Le budget de la défense de l’Arabie saoudite a crû d’environ 14 % par année pendant la dernière décennie. Depuis 2011, le rythme de croissance annuel atteint 19 %10. Fait plus éloquent encore, le pays a dépensé 10,4 % de son PIB dans le secteur de la défense en 2014, par rapport à 7,4 % en 2008; il s’agissait de la plus forte proportion depuis 2001 (11,5 %). Ces chiffres contrastent fortement avec ceux des États-Unis et de la Chine, qui ont consacré respectivement 3,5 % et 2,1 % de leur PIB à la défense en 201411.

Comment s’explique cet accroissement des dépenses militaires?

Des alliances de plus en plus coûteuses L’Arabie saoudite dépense des milliards de dollars – on ignore combien exactement – pour soutenir des alliés régionaux et des groupes rebelles.

Elle soutient la monarchie sunnite de Barheïn, non loin, dans sa lutte contre la majorité chiite largement hostile du pays.

Elle aide l’Égypte aux prises avec une économie moribonde et la multiplication des attaques terroristes. L’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis ont promis en tout plus de 20 milliards de dollars à l’État égyptien depuis le renversement des Frères musulmans en 201312.

Elle arme des rebelles syriens combattant contre le régime de Bachar al-Assad, que soutient l’Iran.

9 « Saudi Arabia to boost defence spending by 27% over five years », Financial Times, 2 juin 2015 10 « Saudi military spending expected to surge despite oil price fall », CBC, 2 juin 2015 11 « Trends in World Military Expenditure, 2014 », Stockholm International Peace Research Institute, avril 2015 12 « Gulf States Pledge Aid to Egypt, U.S. Balks », The Wall Street Journal, 13 mars 2015

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Elle dirige une coalition, formée principalement d’États arabes du golfe, dans une campagne militaire contre les rebelles yéménites soutenus par l’Iran, au coût estimé de 1,5 milliard de dollars par mois13.

Les craintes de l’Arabie saoudite sont nourries par ce qui est perçu comme une implication accrue de l’Iran, son grand rival, dans des conflits sévissant partout au Moyen-Orient. L’Arabie saoudite craint en particulier que la fin des sanctions contre l’Iran ne permette à celui-ci d’accroître son soutien financier à des ennemis des Saoudiens tels que le président syrien Bachar al-Assad et les rebelles houthis au Yémen.

Une facture d’eau et d’aliments de plus en plus lourde L’Arabie saoudite devra aussi engager des dépenses croissantes pour suivre la progression de la demande d’eau et d’aliments sur son territoire. Par exemple, l’épuisement des aquifères oblige le pays à cesser de produire du blé. À son apogée en 1992, la production de blé saoudienne a atteint 4,1 millions de tonnes, et le pays figurait alors parmi les 10 principaux exportateurs de blé de la planète. On estime maintenant qu’il pourrait devoir en importer 3,5 millions de tonnes métriques en 201614.

Pauvre en eau, l’Arabie saoudite devra aussi compter de plus en plus sur des usines de désalinisation d’eau de mer pour combler la demande. Le pays prévoit d’investir plus de 55 milliards de dollars dans de telles usines au cours des prochaines décennies15. La désalinisation nécessite environ 8 fois plus d’énergie que les méthodes classiques d’extraction d’eau souterraine16.

L’urgence croissante d’alléger le poids du pétrole dans l’économie Ce n’est pas d’hier qu’on craint, en Arabie saoudite, de voir un jour des avancées technologiques dans le secteur de l’énergie faire perdre beaucoup de valeur au pétrole. Le cheik Yamani, qui fut ministre responsable du pétrole de 1962 à 1986, a parfaitement résumé cette peur dans une interview donnée en 1999 : « L’âge de la pierre a pris fin non parce qu’on a manqué de pierre; de la même façon, quand l’ère du pétrole s’éteindra, ce ne sera pas parce que nous manquerons de pétrole »17.

13 « Oil speculators risk short squeeze if impulsive Saudi Prince throws OPEC surprise », The Telegraph, 2 décembre 2015 14 « Saudi Wells Running Dry — of Water — Spell End of Desert Wheat », Bloomberg, 3 novembre 2015 15 « The Other Liquid Gold », Foreign Affairs, November 10, 2015 16 « Riyadh Feels The Pinch: The True Cost Of Saudi Subsidies – Analysis », Eurasia Review, 17 novembre 2015 17 « Saudi Arabia Hangs Tough on Oil in Fight for its Future », Fortune, 4 décembre 2015

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Plus récemment, les Saoudiens constataient, non sans s’en inquiéter, que les prix élevés du pétrole pendant la dernière décennie ont contribué à la stabilisation de la consommation de pétrole de beaucoup de pays et ont poussé des sociétés du monde entier à se mettre en quête de nouvelles réserves et à accroître leurs investissements dans des sources d’énergie de remplacement et des innovations telles que la voiture électrique. Tout cela accentue l’urgence de la diversification de l’économie du pays pour la rendre moins tributaire du pétrole. Ali al-Naimi, ministre saoudien du Pétrole, déclarait récemment : « Nous savons, en Arabie saoudite, que le jour viendra où nous n’aurons plus besoin de combustibles fossiles. J’ignore si ce sera en 2040, en 2050 ou plus tard ». Pour cette raison, a-t-il dit, le royaume entend devenir « une force mondiale du solaire et de l’éolien »18. L’Arabie saoudite prévoit d’investir plus de 80 milliards de dollars pour construire 16 réacteurs nucléaires d’ici 203219 et plus de 70 milliards de dollars pour ériger jusqu’à six nouvelles « villes économiques » où des infrastructures modernes et une réglementation favorable aux entreprises favoriseront l’essor des secteurs de la fabrication et des services20.

Les facteurs géopolitiques expliquant la production élevée de pétrole de l’Arabie saoudite

L’Arabie saoudite se souvient trop bien de ce qui s’est produit dans les années 1980, quand les cours du pétrole se sont effondrés et qu’elle a réduit sa production dans l’espoir de les faire remonter. Non seulement les cours ont poursuivi leur chute (parce que la plupart des autres grands producteurs n’ont pas ralenti la cadence), mais le pays a alors perdu une grande partie du marché du pétrole.

La levée progressive des sanctions contre l’Iran devant bientôt commencer, l’Arabie saoudite est bien déterminée à maintenir des niveaux de production élevés afin que l’Iran ne profite pas économiquement d’une montée des cours du pétrole. L’Agence internationale de l’énergie estime que, moins de six mois après la fin des sanctions, la production iranienne pourrait être portée à 3,6 millions de barils par jour – environ 800 000 barils par jour de plus que le rythme actuel. L’objectif premier de l’Iran au cours de la prochaine année sera de regagner la part de marché qu’il a perdue au profit d’autres producteurs à cause des sanctions.

L’Arabie saoudite calcule aussi que la Russie, l’Irak, les États-Unis et d’autres grands producteurs combleraient rapidement le vide que créerait une réduction de sa production. En effet, plus le prix est bas, plus l’Arabie doit vendre de pétrole pour maintenir ses recettes. Pour ne donner qu’un exemple, la production de pétrole iraquienne a bondi de 740 000 barils par jour cette année, soit une augmentation beaucoup plus forte, proportionnellement, que celle de l’Arabie saoudite21. Cette dernière a désespérément besoin des recettes qu’elle tire du pétrole pour maintenir son économie à flot et combattre le groupe armé État islamique.

18 « Kingdom built on oil foresees fossil fuel phase-out this century », The Financial Times, 21 mai 2015 19 « Saudis Make Push for Nuclear Energy », The Wall Street Journal, 15 septembre 2015 20 « Making it in the desert kingdom », The Economist, 3 janvier 2015 21 « It will take much cheaper oil for Saudi Arabia to take action », The Economist, 27 août 2015

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« Biggest Oil Buyers Pick Themselves as Winners from OPEC Meeting », Bloomberg, 26 novembre 2015

Conclusion Pour résumer, l’Arabie saoudite veut maintenir une forte production de pétrole afin de forcer des producteurs aux coûts plus élevés à réduire la leur ou à annuler des projets onéreux – ou les deux. Dans un tel contexte, elle pourrait consolider, voire accroître la part de la demande mondiale de pétrole qu’elle comble et serait bien positionnée pour profiter d’un rebond des cours du pétrole. De faibles prix du pétrole serviraient aussi l’objectif géopolitique de l’Arabie saoudite de limiter l’impulsion dont profitera l’économie de son grand rival l’Iran quand son accès aux marchés mondiaux du pétrole s’améliorera avec la fin prochaine des sanctions qui pèsent contre lui. Malgré la robustesse des finances de l’Arabie saoudite, nous pensons que le coussin financier du pays risque fort de baisser à des niveaux inquiétants avant que les cours du pétrole ne rebondissent considérablement. Ce risque provient des nombreux engagements financiers colossaux du pays. Le fait que nombre d’autres grands producteurs pompent du

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brut à un rythme élevé pour répondre à des besoins financiers pressants ne fait qu’accentuer l’incertitude pour l’Arabie saoudite. À moins d’une forte hausse du prix du baril, nous pensons que la pression croissante qui s’exerce sur les finances publiques saoudiennes, du fait que les dépenses de l’État dépassent ses recettes pétrolières, obligera l’Arabie saoudite, d’ici plus ou moins 12 mois, à négocier des réductions de la production avec d’autres grands acteurs du monde du pétrole, y compris avec des rivaux géopolitiques abhorrés tels que l’Iran. Pourquoi? Parce que la crainte des dirigeants de manquer d’argent pour réaliser divers objectifs – maintenir la stabilité politique (grâce à de généraux programmes sociaux), soutenir des alliés géopolitiques et financer des efforts pour diversifier l’économie – l’emportera sur tous les autres objectifs.

Angelo Katsoras

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Paul-André Pinsonnault Matthieu Arseneau Économiste principal, Revenu fixe Économiste principal [email protected] [email protected]

Krishen Rangasamy Angelo Katsoras Économiste principal Analyste associé, géopolitique [email protected] [email protected]

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