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Les sénateurs socialistes www.senateurs-socialistes.fr B ULLETIN DU G ROUPE SOCIALISTE DU S ÉNAT N°8 Jeudi 26 janvier 2012

Les sénateurs socialistes

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Page 1: Les sénateurs socialistes

Les sénateurs socialistes

www.senateurs-socialistes.fr

BULLETIN DU

GROUPE SOCIALISTE DU SÉNAT

N°8

Jeudi 26 janvier 2012

Page 2: Les sénateurs socialistes

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NOTE D’INFORMATION...

- Projet de loi (procédure accélérée) fixant au 11 novembre la commémoration de tous les

morts pour la France

INTERVENTIONS...

SIMPLIFICATION DU DROIT

Jean-Pierre MICHEL : page 7 Intervention du rapporteur de la Commission des Lois

page 25 Défense de la question préalable

Nicole BRICQ : page 11 Intervention de la rapporteure pour avis de la

Commission des Finances

Claude DOMEIZEL : page 13 Intervention du rapporteur de la Commission de la

Culture

Martial BOURQUIN : page 15 Intervention du rapporteur de la Commission de

l’Economie

Alain ANZIANI : page 18 Intervention dans la discussion générale

page 26 Explication de vote de la question préalable

Claude JEANNEROT : page 21 Intervention dans la discussion générale

Jean-Pierre SUEUR : page 23 Intervention du Président de la Commission des Lois

VOIES NAVIGABLES DE FRANCE

Philippe ESNOL : page 27 Intervention dans la discussion générale

Roland RIES : page 29 Intervention dans la discussion générale

Robert NAVARRO : page 31 Intervention dans la discussion générale

REMBOURSEMENT DES DÉPENSES DE CAMPAGNE DE L’ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE

Gaëtan GORCE : page 33 Intervention du rapporteur de la Commission des Lois

page 44 Explication de vote

Michel DELEBARRE : page 36 Intervention dans la discussion générale

Alain ANZIANI : page 38 Intervention dans la discussion générale

Jean-Yves LECONTE : page 40 Intervention dans la discussion générale

Jean-Pierre MICHEL : page 43 Explication de vote

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT...

- Inspection générale des services par François REBSAMEN, Président du Groupe socialis-

te, sénateur de la Côte d’Or

- Politique fiscale par François MARC, sénateur du Finistère

- Justice par Alain ANZIANI, sénateur de la Gironde

- Etudiants étrangers par Dominique GILLOT, sénatrice du Val d’Oise

COMMUNIQUÉS DE PRESSE...

- La fusion RFI - France 24 suspendue : une petite victoire pour les salariés de RFI mais une

guerre qui reste à gagner

- 16 ans après l’arrêt des essais nucléaires en Polynésie française, la majorité sénatoriale

adopte un texte visant à reconnaître leurs conséquences environnementales

- L’UMP fait obstacle à toute clarification du financement des campagnes présidentielles

Bulletin duGroupe Socialiste

n° 8

page 2

p. 3

p.7

p. 45

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1. Introduction

Le Président de la République est en campagne élec-torale et ses initiatives répondent surtout au souci detirer un bénéfice électoral dans 100 jours. Ainsi, avecce projet de loi, en s’adressant aux militaires, auxassociations patriotiques et d’anciens combattants, ilpense faire un bon coup à peu de frais et à courte dis-tance de l’échéance électorale.

La question se pose en effet de savoir si ce projet deloi, qui aborde une question légitime, doit servir auxseuls intérêts électoraux de Sarkozy ou s’il doitrépondre à l’intérêt national.

Sur le fond du dossier l’accord pourrait se faire, lesdéputés socialistes l’ont ainsi exprimé lors du récentdébat à l’Assemblée nationale, et des amendementspourraient utilement améliorer ce texte, nous yreviendrons lors de l’analyse du PJL.

Sur la forme, en revanche, il y a beaucoup à dire :pourquoi ce projet de loi vient-il ainsi en urgence, à latoute fin du quinquennat et de la législature ?Pourquoi le Gouvernement a-t-il choisi d’utiliser laprocédure accélérée, courant ainsi le risque de nepas clarifier un certain nombre de points ? Pourquoile Gouvernement a-t-il choisi d’isoler le seul11 novembre et de ne pas traiter toute la question ducalendrier des commémorations ?...

Note d’information...Projet de loi (procédure accélérée) fixant au 11 novembre la commémoration

de tous les morts pour la France (Sénat n°251)

Bulletin du Groupe Socialiste du Sénat n° 7 page 3

Calendrier

Assemblée nationale - 1ère lectureProjet de loi fixant au 11 novembre la commémoration de tous les morts pour la France, n° 4079, déposé le 14 décembre 2011 (mis en ligne le 14 décembre 2011 à 17 heures 50) et renvoyé à la commission de la défense nationale et des forces armées- Amendements déposés sur le texte n° 4110Travaux des commissions- commission de la défense La Commission saisie au fond a nommé M. Patrick Beaudouin rapporteur le 7 décembre 2011Amendements déposés en commission- Nomination d'un rapporteur. au cours de la réunion du 7 décembre 2011 à 9 heures 30– Anciens combattants : commémoration de tous les morts pour la France fixé au 11 novembre (n° 4079)(rapport). au cours de la réunion du 20 décembre 2011 à 17 heures 30Rapport n° 4110 déposé le 21 décembre 2011 (mis en ligne le 23 décembre 2011 à 16 heures) : Annexe 0 - Texte de la commission (mis en ligne le 22 décembre 2011 à 14 heures 25) Discussion en séance publique1ère séance du mardi 10 janvier 2012 1ère séance du mercredi 11 janvier 2012 Scrutin public n° 0838 Projet de loi fixant au 11 novembre la commémoration de tous les morts pour la France, adopté en 1ère lecture par l'Assemblée nationale le 11 janvier 2012 , TA n° 817

Sénat - 1ère lectureLa Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées saisie a désigné M. Marcel-Pierre Cléach, rapporteur. Examen du rapport en Commission : le mardi 17 janvier (délai limite pour dépôt des amendements lelundi 16 janvier à 12 heures)Examen en séance : le mardi 24 janvier (délai limite pour dépôt des amendements le lundi 23 janvier à 12 heures)Responsable du texte pour le Groupe : Alain NERI

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2. Analyse du texte

Le texte adopté en première lecture à l’Assembléenationale a trois articles :

Article 1er : détermine que le 11 novembre, il estrendu hommage à tous les morts pour la France.

Ce qui permet de rendre hommage aux morts desgrands conflits du XXème siècle ainsi qu’aux soldatsmorts en opérations extérieures.

Article 2 (nouveau) : rend obligatoire l’inscription dunom du défunt (« Mort pour la France ») sur un mon-ument aux morts. Détermine les conditions de cetteinscription auprès du maire de la commune choisie.

Cet article additionnel est issu d’un amendementUMP/Nouveau centre adopté par la Commission dela défense de l’AN. L’inscription sur les monumentsaux morts est actuellement obligatoire pour les mili-taires morts pendant la Grande Guerre, elle ne l’estpas pour ceux des conflits qui ont suivi. Par ailleurs,un amendement du gouvernement supprime laréférence aux militaires de l’armée française au béné-fice de l’ensemble des « morts pour la France » - civilset militaires - qui pourront voir leur nom inscrit surles monuments aux morts.

Article 3 (nouveau) : la loi s’applique aux communesde Nouvelle Calédonie, Polynésie française, Saint-Pierre-et-Miquelon et dans les îles Wallis et Futuna.

Ce texte tend à réaffirmer le respect dû aux ancienscombattants et la fidélité portée à la mémoire detous les combattants des armées françaises de toutesles guerres ; il s’agit de pérenniser dans la mémoirecollective la célébration du 11 novembre commedate symbolique du sacrifice des militaires et civilsmorts pour la France. Toutefois, il s’inscrit dans uncontexte précis au tout début d’une année électoraledécisive pour l’avenir de la France.

Ce texte a fait naître des craintes quant à la créationipso facto d’une journée unique de commémora-tion ; les associations de combattants, de victimes deguerre, s’opposent « à ce qu’un 11 novembreremanié remette en cause les dates du calendriermémoriel officiel de la République ». Il existe un sen-timent assez unanime pour le maintien de la célébra-tion de toutes les dates commémoratives historiques.Une autre revendication consiste à vouloir recon-naître « les mérites des combattants d’opérationsextérieures par une journée distinctive ».

2.1 La position des députés socialistes

- pas d’opposition de principe au fait d’honorer, le11 novembre, tous ceux qui sont tombés en faisantleur devoir pour leur pays. Donc une commémora-tion pour rendre hommage à tous nos soldats mortslors de la Grande Guerre mais également, à tous« ceux qui sont tombés en faisant leur devoir pourleur pays ».

- interrogation sur l’utilité de la procédure accéléréeretenue pour l’examen de ce texte, et ce moins decent jours avant une élection majeure pour notrepays. Il aurait fallu se pencher attentivement sansprécipitation sur l’ensemble de la politique demémoire et sur le calendrier des commémorations.

- nécessité de faire figurer l’engagement sur la nonsuppression des autres commémorations dans letexte du projet de loi. Sur ce sujet, les députés social-istes ont déposé un amendement (Nouveau centreaussi), destiné à écarter toute possibilité de créationd’un Memorial Day à la française. Le texte du gou-vernement et celui de la Commission AN gardent unegrave ambiguïté qui porte sur l’avenir des autrescommémorations.

- les députés socialistes demeurent hostiles à l’in-stauration d’un jour de commémoration commun àtous ces événements tragiques de notre histoire.

- soutien à la proposition de construire, à Paris, unmonument national, qui portera les noms des soldatsmorts en opérations extérieures.

2.2 Les amendements du groupe des députéssocialistes

- amendement destiné à écrire dans l’article premierle mot paix avec une majuscule « car dès la loi de1922, il ne désigne pas seulement l’antonyme de laguerre : sa portée symbolique fait référence à l’har-monie suprême dans les rapports entre les êtreshumains comme entre les États ». Aussi, les soldatsmorts en OPEX étaient en effet au service de la paix.AMENDEMENT ADOPTE.

- amendement destiné à préciser qu’aucune commé-moration ne serait supprimée (centristes et commu-nistes avaint déposé des amendements similaires àce sujet). AMENDEMENT REJETE.

Bulletin du Groupe Socialiste du Sénat n° 8 page 4

Page 5: Les sénateurs socialistes

Le groupe des députés communistes avait déposédeux autres amendements (rejetés) ; l’un concernaitla réhabilitation des fusillés pour l’exemple et l’autresur la reconnaissance du caractère de « Journéenationale du souvenir et du recueillement » à lajournée du 19 mars, date anniversaire du cessez-le-feu survenu en Algérie en 1962. (Au Sénat, le groupeCRC ne déposera pas ces amendements dans lamesure où ces questions pourraient être réglées pardes propositions de loi déjà en cours).

3 Le débat au Sénat

Puisque ce qui pose problème n’est pas l’extensiondu champ de la commémoration du 11 Novembre,mais bien l’éventuelle transformation du11 Novembre en une date unique de commémora-tion, le sénateur Alain Néri propose justement dedéposer un amendement relatif au maintien desautres commémorations.

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SIMPLIFICATION DU DROIT

Jean-Pierre MICHEL : page 7 Intervention du rapporteur de la Commission des Lois

page 25 Défense de la question préalable

Nicole BRICQ : page 11 Intervention de la rapporteure pour avis de la

Commission des Finances

Claude DOMEIZEL : page 13 Intervention du rapporteur de la Commission de la

Culture

Martial BOURQUIN : page 15 Intervention du rapporteur de la Commission de

l’Economie

Alain ANZIANI : page 18 Intervention dans la discussion générale

page 26 Explication de vote de la question préalable

Claude JEANNEROT : page 21 Intervention dans la discussion générale

Jean-Pierre SUEUR : page 23 Intervention du Président de la Commission des Lois

VOIES NAVIGABLES DE FRANCE

Philippe ESNOL : page 27 Intervention dans la discussion générale

Roland RIES : page 29 Intervention dans la discussion générale

Robert NAVARRO : page 31 Intervention dans la discussion générale

REMBOURSEMENT DES DÉPENSES DE CAMPAGNE DE L’ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE

Gaëtan GORCE : page 33 Intervention du rapporteur de la Commission des Lois

page 44 Explication de vote

Michel DELEBARRE : page 36 Intervention dans la discussion générale

Alain ANZIANI : page 38 Intervention dans la discussion générale

Jean-Yves LECONTE : page 40 Intervention dans la discussion générale

Jean-Pierre MICHEL : page 43 Explication de vote

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Monsieur leprésident,monsieur le

secrétaire d’État,mes chers collègues,l’œuvre de simplifi-cation du droit estcertes nécessaire,mais encore faudrait-il qu’elle s’en tienneà ce qui est néces-saire : la simplifica-tion… Or d’après lescalculs réalisés par lacommission, seulement un article de la propositionde loi sur cinq opère une véritable simplification ;tout le reste, c’est du droit nouveau !

C’est la quatrième fois depuis 2007 que nous sommessaisis d’une proposition de loi de ce type, déposéepar le président Warsmann : en 2010, lors de la dis-cussion de la précédente proposition de loi, le rap-porteur, M. Bernard Saugey, parlait d’un « rituel par-lementaire »...

Celle qui nous est soumise aujourd’hui a été déposéele 28 janvier 2011, soumise au Conseil d’État et adop-tée par l’Assemblée nationale le 18 octobre 2011,après engagement de la procédure accélérée, ce quin’arrange pas les choses…

Le nombre de ses articles est passé de quatre-vingt-quatorze au moment de son dépôt à cent cinquante-trois au moment de sa transmission au Sénat. Et, siles amendements, y compris ceux que leGouvernement a déposés aujourd’hui, étaient adop-tés, deux cents articles environ seraient transmis àl’Assemblée nationale – et celle-ci ne manqueraitpeut-être pas d’en ajouter encore…

Compte tenu de la diversité des sujets abordés, lacommission des lois a délégué l’examen au fond d’uncertain nombre d’articles à quatre autres commis-

sions saisies pour avis : la commission des finances, lacommission de l’économie, la commission desaffaires sociales et la commission de la culture. Leursrapporteurs, que je remercie d’avoir assisté auxséances de la commission des lois, vous présenterontaprès moi l’avis de ces commissions.

Certes, la proposition de loi ressemble un peu moinsque les précédentes à un assemblage hétéroclite decavaliers législatifs en déshérence… Elle comprend unensemble de dispositions qui concernent en grosl’entreprise – M. le secrétaire d’État y a beaucoupinsisté –, qu’elles touchent au droit des sociétés, audroit du travail, au droit de la sécurité sociale ou àcertains droits sectoriels.

Cependant, l’Assemblée nationale a multiplié lesajouts, transformant la proposition de loi en pavillonde complaisance pour marchandises de toutenature… Je le déplore.

De son côté, le Gouvernement trouve en elle unvéhicule où faire figurer des dispositions déjà intro-duites dans d’autres textes, y compris, monsieur lesecrétaire d’État, dans le projet de loi renforçant lesdroits, la protection et l’information des consomma-teurs, en attendant de voir dans lequel de ces textes,elles parviendront à être votées en premier.Permettez-moi de vous le dire : c’est une très mau-vaise méthode législative !

Enfin, la proposition de loi sert de véhicule à des dis-positions que l’on voit aujourd’hui reparaître aprèsque le Conseil constitutionnel les a retoquées àplusieurs reprises comme cavaliers législatifs…

Tout cela n’est guère de nature à simplifier le travaillégislatif, ni même à le valoriser ; d’ailleurs, le veut-onvraiment ?

En réalité, les simplifications qui nous sont proposéescontribuent à l’instabilité législative, alors que lesreprésentants des entreprises que nous avons enten-

Projet de lo i . . .

Simplification du droit et allègement des démarches administratives

Intervention de Jean-Pierre MICHEL, rapporteur de la Commission des Lois,sénateur de la Haute-Saône, dans la discussion générale(séance du mardi 10 janvier 2012)

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Page 8: Les sénateurs socialistes

dus nous ont dit qu’ils avaient besoin, au contraire,de stabilité et de prévisibilité dans la norme qui leurest applicable.

En lisant mon rapport, vous remarquerez que j’aientendu quatre-vingt-onze personnes de tous hori-zons, dont certains fonctionnaires. Les autres rappor-teurs ont également procédé à des auditions. Certes,j’ai recueilli un certain nombre de propositionsintéressantes ; mais j’ai surtout entendu cet avis :l’instabilité législative n’est pas de nature à favoriserla vie des entreprises.

En outre, il me semble que la clarté et la sincérité desdébats parlementaires sont aussi en cause. En effet,devant des textes aussi denses et hétéroclites, lesparlementaires peuvent difficilement faire leur tra-vail : des novations juridiques peuvent passerinaperçues, noyées dans le fatras des dispositions,alors qu’elles mériteraient une discussion appro-fondie ; c’est le cas avec la proposition de loi dontnous sommes saisis, comme je le montrerai tout àl’heure.

Enfin, pourquoi avoir recouru à la procédureaccélérée ? Je n’ai trouvé que cette explication : leGouvernement souhaite voir la proposition de loiadoptée avant que les élections ne modifient la com-position du Parlement !

Et en plus le Gouvernement présente aujourd’huiplusieurs amendements qui ajoutent à la confusion…

Certaines auditions ont permis de recueillir despropositions de bon sens sur lesquels je reviendraipeut-être : je pense par exemple à l’audition de laConfédération nationale du logement, à celle duForum citoyen pour la responsabilité sociale et envi-ronnementale des entreprises et à celle de M. Jouyet,président de l’Autorité des marchés financiers.

Dans un premier temps, j’avais moi-même envisagéd’ajouter quelques wagons sénatoriaux au train quinous venait de l’Assemblée nationale ; je pensais, parexemple, proposer qu’on y intègre la proposition deloi tendant à renforcer la lutte contre la contrefaçon,déposée par notre collègue Yung et notre ancien col-lègue Béteille, qui a été votée à l’unanimité par lacommission des lois.

Voyez à quel point votre rapporteur se préparait àpatauger dans l’incohérence ! Fort heureusement, onm’en a empêché…

Je pourrais arrêter ici mon propos… Mais, ne crai-gnant pas de vous lasser, je vous présenteraiquelques observations portant sur une douzaine d’ar-ticles sur lesquels, quel que soit le vote du Sénat toutà l’heure – monsieur le secrétaire d’État, on ne peutpréjuger de rien… –, j’aimerais que nous prenionsdate.

Tout d’abord, un ensemble d’articles touchent à ladépénalisation de la vie des affaires : ils visent à rem-placer les peines d’emprisonnement, qui ne sontjamais prononcées, ainsi que les amendes par desinjonctions civiles et des nullités.

Le référé civil fonctionne bien, avec des astreintestrès lourdes pour les entreprises. Toutefois, la propo-sition de loi reste en deçà des propositions du groupede travail présidé par l’ancien président de la Courd’appel de Paris, Jean-Marie Coulon.

J’ai envisagé de rétablir les peines d’emprisonnementet d’amende pour les délits graves et intentionnels,afin de faire peser sur les chefs d’entreprise l’oppro-bre qui s’attache à de telles peines, même pronon-cées avec sursis.

Mais j’ai finalement entendu les représentants desentreprises : au cours de leur audition, ils nous ontfort curieusement expliqué qu’ils préféraient souventles peines d’emprisonnement, jamais exécutées, oules peines d’amende, vite payées, vite oubliées, auxastreintes ou aux nullités, dont les conséquencesjuridiques sont très lourdes pour leurs entreprises…

Une autre mesure contestable est la brèche ouverte– certes au profit des PME – dans l’interdiction faiteaux administrateurs d’une société dont ils n’ont pasété préalablement les salariés de signer avec elle uncontrat de travail. Pour ma part, je suis tout à faithostile à cette mesure : je pense qu’il y a un conflitd’intérêts latent dans le fait qu’un administrateurd’une société en soit également le salarié.

La proposition de loi supprime aussi toute obligationde dépôt du rapport de gestion pour les sociétés ennom collectif, les sociétés à responsabilité limitée etles sociétés anonymes, à l’exception des sociétéscotées.

Or le critère de la cotation, employé tout au long dela proposition de loi, n’est pertinent dans aucun descas : pourquoi un traitement différent serait-ilréservé aux sociétés cotées et aux sociétés noncotées ?

Bulletin du Groupe Socialiste du Sénat n° 8 page 8

Page 9: Les sénateurs socialistes

Les problèmes dont il est question sont sans rapportavec le fait que les sociétés soient cotées ou non !Surtout, je désapprouve sur le fond la suppression durapport de gestion, qui porte atteinte à la trans-parence des affaires.

L’article 10 de la proposition de loi revient sur les dis-positions relatives à la responsabilité sociale et envi-ronnementale des entreprises de la loi portantengagement national pour l’environnement, diteGrenelle 2. En effet, il reporte à 2012 l’entrée envigueur des obligations pesant sur les entreprises, ledécret en Conseil d’État prévu par la loi n’ayant pasencore été pris… En cette occasion, le Gouvernementse prévaut de sa propre turpitude !

L’article 10 prévoit en outre que les informationsdonnées seront différentes selon que la société seraou non cotée ; or, une fois encore, le critère de lacotation est injustifié au regard de l’objectif pour-suivi. Ce même article exonère les filiales de l’obliga-tion de publication de son bilan social et environ-nemental, à laquelle seule la holding serait soumise.Ainsi, un grand groupe de consommation et de distri-bution comme Carrefour publierait son bilan mais sesfiliales en seraient dispensées ! Je suis très défavo-rable à cette disposition.

La proposition de loi prévoit également le relève-ment de la part du capital des sociétés anonymessusceptible d’être attribuée aux salariés sous formed’actions gratuites. Prenons garde que la participa-tion ne soit pas un moyen, fiscalement avantageux,de ne pas augmenter les salaires... Et pourquoi, làencore, opérer une distinction entre les sociétéscotées et les sociétés non cotées, distinction qui estsans rapport avec la mesure envisagée ? L’entrepriseindividuelle à responsabilité limitée pouvait,bizarrement, être créée par un mineur, sans condi-tion d’âge – je conviens que ce n’est pas vous, mon-sieur le secrétaire d'État, qui êtes à l’origine de cetexte totalement farfelu. Cela dit, on en revient à desdispositions un peu plus réalistes puisque l’article27 bis fixe à seize ans l’âge minimal pour créer uneentreprise.

J’ignore les raisons pour lesquelles cette dispositionavait été adoptée, si ce n’est pour amuser la galerie…Selon les renseignements que j’ai recueillis de la partde vos services, seules quelques dizaines d’entrepri-ses individuelles auraient été créées par des mineurs,certaines disparaissant même tout juste après l’avoirété.

L’article 49 bis A relève également de la plaisanterie :il introduit une disposition censurée à deux reprisespar le Conseil constitutionnel !

L’article 57 crée un fichier national automatisé desinterdits de gérer. C’est une bonne chose et j’y suisfavorable. Ce fichier public serait tenu par des per-sonnes privées chargées d’une mission de servicepublic, à savoir les greffiers des tribunaux de com-merce. Nous les avons auditionnés et nous leurfaisons toute confiance pour assurer, à titre gratuit etdans de bonnes conditions, cette tâche. Ils nous ontdonné toutes garanties à cet égard. Cependant, il fau-dra veiller à ce que le décret, qui sera pris après avisde la CNIL, la Commission nationale de l’informa-tique et des libertés, précise bien quelles seront lespersonnes habilitées à accéder aux informations etcombien de temps ces dernières pourront être con-servées dans ce fichier.

Les articles 78 et 79 revoient le système desannonces légales, grâce auxquelles la presse localeparvient à survivre.

Mes chers collègues, bien entendu, vous êtes tousattachés à la presse locale, qui, même si elle ne le faitpas assez à votre goût, ne manque jamais de publierdes photos de vous en train de procéder à une inau-guration ou de couper un ruban.

Nous avons auditionné l’ensemble des syndicats de lapresse et ceux-ci craignent une dérive si les journauxgratuits devaient, eux aussi, être autorisés à publierces annonces légales. Ce serait la mort de la presselocale et de la presse régionale, à n’en pas douter.

Le « coffre-fort numérique », devenu « armoiresécurisée numérique », qui permet aux entreprisesde regrouper en un lieu unique toutes les informa-tions déclarées à l’administration, n’a pu être créé àtemps ; le Gouvernement nous demande donc del’habiliter à le faire par ordonnance.

Le Sénat, tout comme je le suis moi-même, est hos-tile, par nature, à cette façon de légiférer. Là encore,sous le contrôle de Jean-Jacques Hyest, ancien prési-dent de la commission des lois, je dirai nemo turpi-tudinem… Personne ne peut se prévaloir de sa pro-pre turpitude, pas même le Gouvernement !

Enfin, la proposition de loi encadre la possibilité pourles copropriétés de recourir à l’emprunt pour certainsgrands travaux.

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Page 10: Les sénateurs socialistes

C’est vraisemblablement une bonne chose. En effet,certaines grandes copropriétés comptent de trèsvieux propriétaires aux faibles revenus : le recours àl’emprunt permettrait d’étaler les dépenses devantêtre engagées pour faire face aux travaux obligatoiresde sécurité ou d’accessibilité. Toutefois, une tellemesure mériterait d’être mieux encadrée qu’elle nel’est dans cette proposition de loi.

Mes chers collègues, vous avez dû être assaillis demails au sujet de l’article 94 A. Certes, il s’agit d’uncavalier, mais c’est un bon cavalier : il prévoit l’immu-nité pour les membres de la Mission intermi-nistérielle de vigilance et de lutte contre les dérivessectaires, la MIVILUDES, qui font l’objet d’attaquesquotidiennes, y compris physiques, en particulier aumoment de la remise de leur rapport annuel.

Toutefois, il existe deux obstacles à cette immunité,auxquels l’Assemblée nationale remédiera peut-être :d’une part, cette mission n’ayant pas été créée par laloi, il paraît délicat de conférer par la voie législativeune immunité à ses membres ; d’autre part, seuls leDéfenseur des droits et le Contrôleur général deslieux de privation de liberté bénéficient d’une telleimmunité. Plus largement, il conviendrait donc deréfléchir à l’extension de certaines immunités auxmembres de différentes missions ou autorités admi-nistratives indépendantes.

Pour conclure, je dirai que je réprouve la méthodeutilisée pour ce texte, a fortiori l’engagement de laprocédure accélérée. Certes, il comporte quelquessimplifications bienvenues, mais aussi des innova-tions qui auraient mérité un vrai débat. Or l’on saitbien que l’examen de ces propositions de loi ne per-met pas d’engager un tel débat.

Les aspects négatifs étant largement prédominants,la commission des lois s’est ralliée aux questionspréalables présentées par les groupes CRC et RDSE.Je défendrai donc, en son nom, la motion qu’elle aadoptée en ce sens.

Monsieur le secrétaire d'État, si, en dépit de votresouhait, cette motion était adoptée, le Sénat n’auraitpas bloqué le processus de simplification ; simple-ment, il laisserait l’Assemblée nationale prendre sesresponsabilités avec ce texte vraiment très confus.

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Page 11: Les sénateurs socialistes

Monsieur leprésident,monsieur le

secrétaire d'État,mes chers collègues,la présente proposi-tion de loi, dite« Warsmann IV »,comporte quelquesdispositions relativesau droit boursier etfinancier ainsi qu’auxprocédures fiscales.Ces mesures ontdonc justifié que la commission des finances se sai-sisse pour avis.

S’agissant de la méthode, tout d’abord, j’avoue queles modalités d’examen de la présente proposition deloi, compte tenu du calendrier, sont très insatis-faisantes. Son inscription à l’ordre du jour de laséance publique au début du mois de janvier a obligéles commissions à se réunir mi-décembre, en pleinepériode budgétaire, période pendant laquelle leGouvernement a pressé, plus que de coutume, leParlement. Jusqu’au bout, ce dernier aura été obligéde travailler dans la précipitation, voire dans l’impro-visation, laquelle, si j’ai bien compris, préside à cettefin de quinquennat. De fait, on nous annonce tous lesjours de nouvelles mesures législatives sans que noussachions réellement quels en seront les véhicules.Nous vivons ainsi dans un état de précarité perma-nente.

L’engagement de la procédure accélérée sur ce texterend impossible tout dialogue sérieux et approfondientre les deux chambres. Pourtant, l’une des raisonsd’être des lois de simplification est de corriger leserreurs et les approximations qu’a pu commettre lelégislateur, justement parce qu’il n’a plus le tempsd’examiner les textes à tête reposée !

Si, maintenant, les lois de simplification sontélaborées dans les mêmes conditions que la majorité

des autres lois, alors il faut craindre que nous nedevions bientôt corriger les lois de simplificationelles-mêmes ! Il n’est pas sûr que le droit y gagne enlisibilité…

Le précédent « Église de scientologie » aurait pour-tant dû donner à réfléchir quant à la méthode d’éla-boration de ces textes !

Sur le fond, un examen plus détaillé des mesuresdont nous nous sommes saisis a révélé quelques sur-prises. Je dirai même que nous sommes allés de sur-prise en surprise. Comme le rapporteur Jean-PierreMichel a eu l’occasion de le souligner, le contenu dela proposition de loi est parfois bien éloigné de sonintitulé !

Ainsi, l’article 12 bis étend les possibilités de rachatsd’actions pour les sociétés cotées sur Alternext. Unedisposition identique, présentée par leGouvernement, avait été rejetée par le Parlementlors de l’examen de la loi du 22 octobre 2010 de régu-lation bancaire et financière, voilà donc un peu plusd’un an.

La commission des finances avait alors, de manièreunanime, rejeté cette disposition, considérant qu’ilne fallait pas, du fait de la profondeur de la crisefinancière, qu’Alternext s’inscrive dans une logiquede financiarisation.

Nous aurions pu accepter des corrections ou desajustements à la loi de régulation bancaire et finan-cière, mais là, mes chers collègues, il s’agit non plusde simplifier, mais de revenir sur la volonté expriméepar le Sénat et de détricoter le texte finalement votépar le Parlement.

Autre surprise : à l’article 59, au détour d’un préten-du « allégement des démarches administratives » – ilfaut toujours se méfier quand un gouvernemententend « alléger » et « simplifier », car, en général, laloi s’en trouve in fine plus complexe, ce dont ne man-quent pas de profiter ceux qui vivent de la défense

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Simplification du droit et allègement des démarches administratives

Intervention de Nicole BRICQ, rapporteure pour avis de la Commission desFinances, sénatrice de la Seine-et-Marne, dans la discussion générale(séance du mardi 10 janvier 2012)

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d’intérêts souvent corporatistes –, on tend à réduiresignificativement les obligations en matière de luttecontre le blanchiment et le financement du terro-risme des opérateurs de services de paiement enligne.

C’est un comble, alors même que, en fin d’annéedernière, Mme la ministre du budget avait expliqué,au cours d’une conférence de presse, combien leGouvernement était actif dans la lutte contre lafraude. Cela étant, nous avions bien compris que sesefforts portaient d’abord sur la fraude sociale,marginale, et non pas nécessairement sur la fraudefiscale.

Au surplus, le texte renvoie l’essentiel de la mesure àun décret en Conseil d’État dont nous ignorons lesprincipales orientations.

Surprise, encore, que de constater, à l’article 49 bis,que le Gouvernement demande une habilitation àtransposer par ordonnance une directive du10 décembre 2010. En effet, la partie législative de latransposition demeure très limitée, l’essentiel rele-vant du pouvoir réglementaire. En outre, les textesde transposition sont déjà prêts puisqu’ils font l’objetd’une consultation publique qui a été close à la fin dumois de décembre.

En matière de législation bancaire et financière, leGouvernement fait, une fois encore, une mauvaisemanière au Parlement en l’ignorant et en légiférantpar ordonnance. C’est regrettable car, nous l’avonsdit et redit, la technicité de ces matières ne doit pasconduire à faire abstraction de leur dimension poli-tique.

Comme vous le savez, il n’est pas dans les habitudesdu Sénat de se dérober à sa tâche et nous avonseffectué, bon gré mal gré, un travail d’étude appro-fondi des dispositions dont nous nous sommes saisis.

À cet égard, j’ai également présenté, devant la com-mission des finances, un rapport sur la proposition deloi du président Marini tendant à améliorer l’infor-mation du marché financier en matière de fran-chissements de seuils en droit boursier, dont l’essen-tiel est repris à l’article 21 bis de la présente proposi-tion de loi.

Néanmoins, monsieur le secrétaire d'État, s’agissantde la méthode, l’empressement avec lequel vousvoulez voir adopter cette proposition de loi ne per-met pas au législateur de débattre sereinement.

Pour ce qui est du fond, on ne peut que regretterqu’un trop grand nombre des mesures en discussionsoient mal préparées, mal écrites ou, tout simple-ment, inadmissibles pour notre assemblée.

Pour l’ensemble de ces raisons, la commission desfinances a décidé d’approuver la motion opposant laquestion préalable dont la commission des lois pro-pose l’adoption.

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Monsieur leprés ident ,monsieur le

secrétaire d’État, meschers collègues, lacommission des lois aconfié, par déléga-tion, à la commissionde la culture le soind’examiner au fondplusieurs articles dela proposition de loirelative à la simplifi-cation du droit et àl’allégement des démarches administratives. Les dis-positions concernées relèvent en effet de nosdomaines traditionnels de compétence, tels que ledroit de la presse ou l’architecture. D’autres sujets,comme l’affichage publicitaire extérieur ou l’usagede la langue anglaise dans les manuels aéronau-tiques, méritaient que notre commission se saisissepour avis.

Le 21 décembre 2011, la commission de la cultures’est ralliée à la position de la commission des lois endonnant un avis favorable à l’adoption par le Sénatde la motion tendant à opposer la question préalableà l’ensemble de ce texte. En effet, la commission dela culture a décidé de s’associer à cette démarchepour des raisons principalement de deux ordres.

En premier lieu, la procédure accélérée ayant étédéclenchée par le Gouvernement, des délais ra-ccourcis imposés m’ont empêché, en tant que rap-porteur, d’entendre convenablement l’ensemble despersonnes concernées par les dispositions surlesquelles la commission de la culture devait seprononcer. Il aurait été utile de disposer de plus detemps afin de pouvoir conduire une consultationplus approfondie de l’ensemble des organisationsprofessionnelles concernées.

En second lieu, plusieurs dispositions de la proposi-tion de loi s’éloignent très sensiblement de la pureœuvre de simplification de notre cadre législatif àdroit constant et tendent à faire de ce texte unvéhicule d’origine parlementaire déguisé permettantau Gouvernement de faire passer des mesures préju-diciables aux équilibres de certains secteurs d’acti-vité et de remettre en cause des engagementspassés.

C’est en particulier le cas de l’article 82 insérant unenouvelle disposition dans la loi de 1977 sur l’archi-tecture. L’objectif est d’encadrer une pratique quiconsiste, pour le maître d’ouvrage, à n’avoir qu’uninterlocuteur pour la maîtrise d’œuvre, l’architectese voyant confier une mission de coordination desautres prestataires.

Cette pratique, déjà courante dans le domaine de laconstruction, n’est pas assez définie dans le cadre dela conception. Pour ce qui concerne la maîtrise d’ou-vrage publique, l’article 51 du code des marchéspublics définit déjà le cadre d’une telle mission decoordination, mais ne précise pas qu’elle constitueune fonction distincte méritant donc une rémunéra-tion.

En outre, le code n’impose pas que soit précisée larépartition des responsabilités de chacun desprestataires membres du groupement momentanéd’entreprises ainsi constitué.

Pour ce qui concerne la maîtrise d’ouvrage privée,aucune base juridique n’encadre cette procédure.L’article 82, tel qu’il a été adopté par l’Assembléenationale, soulève plusieurs difficultés. La principaleest liée au choix d’insérer cette disposition dans la loide 1977 sur l’architecture, dont l’article 3 rappelle lemonopole de l’architecte en matière de conceptionarchitecturale. Compte tenu de la portée de cet arti-cle, toute insertion d’une définition de la mission decoordination doit nécessairement concerner exclu-

Projet de lo i . . .

Simplification du droit et allègement des démarches administratives

Intervention de Claude DOMEIZEL, rapporteur pour avis de la Commission de laCulture, sénateur des Alpes de Haute-Provence, dans la discussion générale(séance du mardi 10 janvier 2012)

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sivement l’architecte, sous peine d’introduire unebrèche dans la définition de son rôle dans la concep-tion architecturale.

Mais, a contrario, ne définir le groupement momen-tané d’entreprises que pour l’architecte ne man-querait pas de mettre les autres professions suscepti-bles de jouer ce rôle de coordination dans une situa-tion difficile. En effet, si bien souvent l’architecte sevoit confier cette mission de coordination, il arriveque d’autres prestataires soient plus compétentspour coordonner les entreprises de la maîtrise d’œu-vre. C’est vrai dans des projets très techniques ouindustriels, tels que des constructions de ponts, detramways ou d’usines de retraitement des déchets.Les représentants des professions de l’ingénierie esti-ment que 10 % des projets sont ainsi coordonnés pardes entreprises autres que les architectes. Aussi,pour ces professions, se limiter à une définition ducadre des groupements momentanés d’entreprisesdont le mandataire est un architecte reviendrait àremettre en cause leur rôle et leur capacité àassumer la coordination de la maîtrise d’œuvre. C’estpourquoi, en plus de difficultés rédactionnelles, l’arti-cle 82 de la proposition de loi est davantage unesource de complication du droit et mérite d’êtrerejeté.

Par ailleurs, l’article 55 nous paraît également sourcede préjudices pour la protection de l’environnement.Les alinéas 15 à 18 en particulier ne répondent pas àun objectif de simplification du droit. Ces dispositionsconcernant l’affichage publicitaire remettent encause les engagements du Grenelle 2 de l’environ-nement, puisqu’ils allongent le délai de mise en con-formité des dispositifs publicitaires de deux à six ans.Cette disposition, introduite sur l’initiative del’Assemblée nationale, revient sur un délai que leSénat n’avait pas jugé nécessaire de modifier, comptetenu de toutes les dispositions adoptées dans lecadre du Grenelle 2 prévoyant des délais particuliers,comme celui de cinq ans pour les pré-enseignesdérogatoires.

Je vous rappelle enfin que le chapitre relatif à l’af-fichage publicitaire extérieur avait été adopté àl’unanimité par le Sénat. Les alinéas 15 à 18 revien-nent sur l’équilibre du texte et risquent d’entraînerdes si-tuations qui seront impossibles à gérer pourles maires dont la durée de mandat, qui est de sixans, ne permettra pas de prendre correctement lesmesures de mise en conformité de l’affichage publi-citaire dont ils auraient eu l’initiative.

S’agissant de l’article 72 ter de la proposition de loi, lacommission de la culture souligne les sérieuses diffi-cultés qu’il pose en matière de respect de la languefrançaise dans le domaine de la sécurité aérienne. Eneffet, il vise à autoriser les compagnies aériennes àremettre à leurs salariés des documents de travail liésà la maintenance, à la certification et à l’utilisationd’un aéronef en langue anglaise.

Or le passage au « tout anglais » est particulièrementpréjudiciable à la sécurité aérienne. Il ne sembledonc pas opportun de modifier la législation déjà envigueur. La commission de la culture estime au con-traire qu’il faut maintenir l’obligation, pour les com-pagnies aériennes, de traduire en français au profitdes salariés les documents nécessaires pour l’exécu-tion de leur travail, les exceptions à cette obligationdevant continuer d’être limitées aux « documentsreçus de l’étranger ou destinés à des étrangers ».

Pour toutes les raisons que je viens de développer, lacommission de la culture s’est prononcée pour lerejet des dispositions qui la concernent. En con-séquence, elle est favorable à l’adoption par le Sénatde la motion tendant à opposer la question préalableà l’ensemble de ce texte qui sera défendue par notrecollègue Jean-Pierre Michel. Afin de ne pas préjugerdu devenir en séance de cette motion – on ne saitjamais… –, notre commission a adopté, à l’unanimitéde ses membres, trois amendements de suppressiondes dispositions dont elle s’est saisie aux articles 55,72 ter et 82.

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Monsieur leprés ident ,monsieur le

secrétaire d’État, meschers collègues, lacommission de l’économie s’estsaisie pour avis de laproposition de loi re-lative à la simplifica-tion du droit et à l’allégement desdémarches adminis-tratives. Celle-ci con-stitue le sixième texte législatif de simplification dudroit examiné par le Parlement depuis 2003 et la qua-trième proposition de loi déposée sur le sujet depuis2007 par le président de la commission des lois del’Assemblée nationale, M. Jean-Luc Warsmann.

La commission des lois a délégué au fond à notrecommission 32 articles sur les 153 que compte cetexte à l’issue du vote en première lecture del’Assemblée nationale. En outre, nous avons décidéde nous saisir pour avis de 4 articles supplémen-taires. Ce sont donc en tout 36 articles que nous noussommes répartis avec mon collègue co-rapporteur,M. Hervé Maurey. Celui-ci a traité 16 articles relatifsà l’agriculture et aux procédures environnementales.J’ai examiné les 20 articles restants, qui concernentl’urbanisme, l’artisanat et le commerce, les servicespostaux, le crédit d’impôt recherche, les géomètres-experts, les transports, le tourisme, le logement etles délais de paiement inter-entreprises. Cette simpleénumération nous montre bien l’une des faiblessesdes lois de simplification du droit, qui est leur carac-tère totalement disparate.

J’irai droit au fait. La commission des lois nousprésente une motion tendant à opposer la questionpréalable à ce texte qui a été adoptée sur l’initiativede Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, présidente du groupe CRC, et de M. Jacques Mézard, président du

groupe du RDSE. Pour ma part, j’ai proposé à mes col-lègues de la commission de l’économie d’approuverle vote de cette motion par le Sénat, principalementpour quatre raisons.

Avant toute chose, je souhaite remercier toutes lespersonnes, groupes et administrations que nousavons auditionnés durant ces dernières semaines. Jetiens à leur réaffirmer que leur avis comme leurspropositions sont précieux pour nous, indépendam-ment des décisions que nous serons amenés à pren-dre aujourd’hui. En effet, nous aurons certainementdifférentes occasions de traduire quelques-unes deces propositions dans des cadres législatifs beaucoupplus pertinents.

Pour autant, et c’est là mon premier point, nous nepouvons plus accepter de discuter de propositions delois de simplification du droit qui se présententcomme de vastes « fourre-tout ». Notre collègueHervé Maurey, dans le rapport pour avis qu’il avaitrédigé sur la précédente proposition de loi de simpli-fication, avait déjà exprimé sa préférence pour deslois de simplification sectorielles, et je l’approuve.

Certes, par rapport aux textes précédents, laprésente proposition de loi est supposée avoir unchamp plus circonscrit, puisqu’elle se limite à des dis-positions bénéficiant aux acteurs économiques.Toutefois, sous le couvert de cette thématiquegénérale, ce texte apparaît, tout autant que lesprécédents, comme un « patchwork » au domaineindéterminé. J’en veux pour preuve l’intitulé choisipour le dernier chapitre du titre II : « Diverses dispo-sitions d’ordre ponctuel », ce qui ne veut strictementrien dire.

Nous sommes en présence du fameux « projet de loiportant diverses dispositions d’ordre divers » quetout Gouvernement a rêvé, un jour ou l’autre, deprésenter au Parlement ! Mais je dois regretterqu’une proposition de loi d’initiative parlementairesoit elle-même porteuse d’une telle dérive.

Projet de lo i . . .

Simplification du droit et allègement des démarches administratives

Intervention de Martial BOURQUIN, rapporteur pour avis de la Commission del’économie, sénateur du Doubs, dans la discussion générale(séance du mardi 10 janvier 2012)

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Deuxièmement, nous assistons à un emballement duprocessus de simplification. Le présent texte a étédéposé par M. Jean-Luc Warsmann le 28 juillet 2011,c’est-à-dire moins de trois mois après la promulga-tion de sa précédente proposition de loi de simplifi-cation, le 17 mai 2011, et alors qu’aucune des 46mesures d’application attendues pour celle-ci n’estencore parue à ce jour.

Si ce rythme devait être soutenu à l’avenir, on abouti-rait à une situation dans laquelle le Parlement seraitsaisi de manière quasi permanente d’un texte de sim-plification du droit, qui deviendrait le réceptaclenaturel de toutes les dispositions législatives isoléesne trouvant pas à s’insérer dans d’autres supportslégislatifs.

Bref, loin de lutter contre le phénomène d’inflationlégislative, les lois de simplification, par leur carac-tère « attrape-tout » et leur succession rapprochée,contribuent à l’alimenter.

Troisièmement, il nous faut regretter la confidenti-alité de l’avis que le Conseil d’État a rendu sur cetteproposition de loi, à la demande du président del’Assemblée nationale, en application du dernieralinéa de l’article 39 de la Constitution. En effet, l’article 4 bis de l’ordonnance du 17 novembre 1958relative au fonctionnement des assemblées par-lementaires, qui précise les conditions de mise enœuvre de l’article 39, prévoit seulement que « l’avisdu Conseil d’État est adressé au président de l’assem-blée qui l’a saisi, qui le communique à l’auteur de laproposition ».

De ce fait, nous n’avons pas pu avoir connaissance decet avis et devons nous contenter des extraits que lerapporteur de la commission des lois de l’Assembléenationale a jugé opportun de citer occasionnelle-ment. Je déplore le manque de transparence, sur cepoint, des relations entre les deux chambres duParlement et estime que l’article 4 bis de l’ordon-nance du 17 novembre 1958 devrait être modifiépour assurer une publicité plus large des avis duConseil d’État sur les propositions de lois.

Quatrièmement, mes chers collègues, je voudraisvous montrer que ce texte « fourre-tout » abrite desdispositions tantôt parfaitement anodines, commecelles des articles 68 quater ou 87 bis, qui corrigentdes erreurs de référence ou assurent des coordina-tions entre codes législatifs, tantôt, au contraire,lourdes de conséquences et allant bien au-delà de la

seule simplification du droit. Ainsi, trois articlessoumis à l’examen de notre commission pour avisapparaissent particulièrement contestables.

L’article 10 vise à exonérer les filiales ou les sociétéscontrôlées de l’obligation de publier des informationsrelatives à la responsabilité sociale et environnemen-tale des entreprises si ces informations sont publiéespar la société mère ou la société qui les contrôle. Orce principe d’une transparence des entreprises deplus de 500 salariés en matière sociale et environ-nementale a été adopté ici, après de longues concer-tations, dans le cadre de la loi portant engagementnational pour l’environnement, dite « Grenelle 2 ».On nous propose donc de revenir de manière sub-reptice, au détour d’une loi de simplification, sur uneavancée déjà acquise. Cette stratégie, qui entendprendre le Parlement à revers et lui forcer la main,n’est pas acceptable.

Autre disposition inacceptable, l’article 72 bis intro-duit par les députés vise à élever au niveau législatifla définition du poids maximal autorisé pour les poidslourds, fixé à 44 tonnes pour 5 essieux, sauf excep-tions prévues par voie réglementaire.

Sur la forme, cet article pose problème car il s’agitclairement d’un cavalier législatif qui ne présente pasde lien avec les dispositions de la proposition de loiinitiale, ce qui est contraire à la Constitution commele rappelle constamment le Conseil constitutionnel.Sur le fond, il ouvre un débat technique et difficile. Ilva en effet beaucoup plus loin que le décret du17 janvier 2011, qui autorisait progressivement les44 tonnes, mais en imposant un sixième essieu pourne pas détruire nos routes. Je rappellerai un seulchiffre tiré d’un récent rapport du Gouvernement :les camions de 44 tonnes à 5 essieux induisent unsurcoût dans l’entretien des routes, pour les départe-ments, estimé entre 400 millions et 500 millionsd’euros par an environ.

On ne peut pas, au détour d’une loi de simplification,trancher le débat autour du sixième essieu : ce n’estni sérieux ni digne du Parlement !

Dans cette affaire, je rappellerai que leGouvernement n’a pas respecté le Parlement, car lerapport demandé par le Sénat et son rapporteurBruno Sido sur les 44 tonnes a été transmis auParlement après l’adoption du décret du 17 janvier2011, ce qui est pour le moins cavalier...

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Les acteurs professionnels que nous avons longue-ment rencontrés n’ont pas été entendus sur le sujet,car le Gouvernement leur a imposé sans concertationle sixième essieu, alors qu’il existe peut-être d’autresmesures compensatoires comme la généralisationdes suspensions pneumatiques.

Quelle que soit notre position sur ce sujet, il fautretrouver un peu de sagesse et remettre à plat cedossier très polémique, à travers de nouvelles con-certations pour modifier éventuellement le décret de2011 et, à terme, adopter une grande loi sur la poli-tique nationale des transports qui décline les engage-ments du Grenelle de l’environnement et obtenir uneharmonisation des règles du transport routier enEurope.

Enfin, autre disposition inacceptable, l’article 90 bistend à proroger les accords interprofessionnelsdérogatoires aux délais maximum de paiement, pourcertains secteurs d’activité « au caractère saisonniermarqué ». Le sujet du crédit inter-entreprises est par-ticulièrement sensible.

Au-delà du jargon, il s’agit des délais de paiement : or,en la matière, ce sont souvent les plus petitesentreprises qui trinquent !

Alors que la crise économique et financière assèchela trésorerie des plus petites sociétés, je suis convain-cu qu’il serait parfaitement contre-productif dereconduire les dérogations aux délais de paiementfixées par la loi de modernisation de l’économie, laLME. En effet, les filières professionnelles concernéesse sont organisées dans la perspective d’un retouraux délais de droit commun à compter du 1er janvier2012.

De plus, le critère de « caractère saisonnier parti-culièrement marqué » se prête à toutes les interpré-tations et pourrait conduire, de proche en proche, àdétricoter les règles encadrant le crédit inter-entreprises. Qu’il s’agisse du médiateur du crédit, dediverses dispositions réglementaires, des différentesprofessions, l’attachement au crédit inter-entrepriseset aux dispositions de la LME qui le concernent est telque celles-ci ne doivent pas être modifiées.

En toute hypothèse, il serait abusif de voter unemesure aux conséquences financières aussi lourdessur la trésorerie des entreprises, nécessitant undébat approfondi, au titre des « diverses mesuresd’ordre ponctuel » d’un texte de simplification dudroit.

Imaginez un grand donneur d’ordres ne payant pas àtemps une PME, et se présentant devant la justice :une fois un tel texte voté, on ne pourrait plus dis-cerner qui a tort et qui a raison ; dès lors, tout seraitpermis, ce serait la jungle !

En conclusion, mes chers collègues, je vous invite àvoter la question préalable présentée au nom de lacommission des lois, qui aboutira à repousserl’ensemble du texte sans engager l’examen des arti-cles.

Certes, nous aurions pu tenter d’amender cetteproposition de loi pour la rendre acceptable.Toutefois, le Gouvernement ayant choisi de recourirà la procédure accélérée, ce qui est proprementintolérable, il y aurait peu de chances que les disposi-tions adoptées par le Sénat soient retenues parl’Assemblée nationale, à l’issue de l’échec plus queprobable de la commission mixte paritaire.

Enfin, à mon sens, nous sommes parvenus à un pointoù il importe de manifester le désaccord radical duSénat avec cette manière de légiférer. Sixième dugenre, cette proposition de loi apparaît comme letexte de simplification de trop. Il est devenu poli-tiquement nécessaire de la rejeter en bloc, au lieu denous contenter d’essayer de l’améliorer à la marge.

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Monsieur leprés ident ,monsieur le

secrétaire d'État, meschers collègues,l’essentiel a été ditpar notre rapporteur,Jean-Pierre Michel,qui a auditionné, cesdernières semaines,une centaine de per-sonnes. Le travailqu’il a ainsi accompliétait d’autant plus nécessaire et il est d’autant plusappréciable que le manque de concertation est l’undes points faibles de l’élaboration de ce texte.

Disons-le d’emblée, l’objectif de simplification estcertainement louable. Qui pourrait prétendre qu’ilne faut pas simplifier notre droit, sans doute devenucomplexe. D’ailleurs, si l’on y réfléchit, il ne peut enêtre autrement puisque le droit doit dorénavant cou-vrir un champ multiforme, appréhendant toutessortes de relations : familiales ou de voisinage, biensûr, mais aussi commerciales, d’affaires, de travail. Iltraite, globalement, de questions de société, il doitrépondre à de nouvelles formes de violence ou réglerdes conflits nés des nouvelles technologies. Dans unmonde complexe, le droit l’est forcément, lui aussi !Cette profusion n’est pas nécessairement un mal :peut-on se plaindre que notre société soit unesociété de droit, c'est-à-dire une société dans la-quelle le droit devient le maître mot de la vie quoti-dienne ? Je ne le crois pas. D’ailleurs, si l’on remontaitl’histoire, on verrait que les sociétés sans droit oucelles qui laissent au droit une place moindre que lesnôtres ne sont sans doute pas les meilleures possi-bles. Et je ne pense pas que, là où il y a moins dedroit, le droit soit mieux compris ou mieux appliqué.

Disons-le, l’objectif de ce texte est d’autant pluslouable que, selon un adage célèbre, « nul n’estcensé ignorer la loi ».

Si tel est le cas, il vaut mieux que le citoyen puissedavantage la comprendre !

Si la question posée par le texte est donc juste, laréponse qu’il apporte ne nous convient pas.

En effet, la première façon d’améliorer la loi, c’est derespecter le législateur. Cela signifie qu’il convient delui donner les moyens de faire son travail, en com-mençant par lui accorder le temps nécessaire pourcela. C’est ainsi que peuvent ensuite être votées deslois claires, dont l’application ne souffre aucuneambiguïté.

L’objectif du président de la commission des lois del’Assemblée nationale est donc digne de respect dansson principe. Mais il est paradoxal de prétendre yparvenir en nous proposant un texte confus ethétéroclite qui, au cours du rituel parlementaire, n’enfinit pas de « s’alourdir », pour reprendre l’expressionde Bernard Saugey.

Monsieur le secrétaire d'État, j’ai bien entendu ceque vous nous avez dit à titre liminaire. Vous nousavez expliqué avec beaucoup de ferveur que ces loissont tout à fait nécessaires à l’intérêt de notre pays.Et vous avez même terminé votre propos en lançantun appel à ce dernier.

Nous vous avons entendu, mais vous ne nous avezpas écoutés ! La question que, nous, nous posons estcelle-ci : comment fait-on une bonne loi ? Et c’est laréponse à cette question qui explique la position quenotre groupe prendra tout à l’heure.

Voilà quelques instants, mon ami Jacques Mézard acité un exemple auquel je pensais moi-même, celuide la loi « fourre-tout » de 2009, qui est du mêmeacabit que la présente proposition de loi. Le texte de2009 était tellement fourre-tout qu’on y a mêmefourré une disposition qui a permis d’empêcher lajustice de prononcer la dissolution de l’Église deScientologie !

Projet de lo i . . .

Simplification du droit et allègement des démarches administratives

Intervention d’Alain ANZIANI, sénateur de la Gironde, dans la discussion générale(séance du mardi 10 janvier 2012)

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Qui a fourré cette disposition dans la loi ? Nous ne lesavons toujours pas ! Comment a-t-on pu faire votercette disposition par le Parlement ? Nous ne le com-prenons toujours pas !

Cela est lié à la nature même de ce genre de disposi-tif : tout est tellement confus, l’ensemble est telle-ment hétéroclite qu’on peut y fourrer un article quiva modifier le dernier alinéa de tel article de telcode ! Et, au bout du compte, on ne peut plus pren-dre, à l’encontre de l’Église de Scientologie, lesmesures qui devraient s’imposer ! Avouons que cen’est pas un exemple de bon travail parlementaire !

Nous sommes arrivés au bout de la méthodeemployée depuis 2002. Ce type de textes cumuletrois défauts : la complexification, la précipitation etl’ambiguïté.

La complexification provient du caractère de « loifourre-tout » – vous n’aimez pas l’expression, mon-sieur le secrétaire d'État, mais je la reprends quandmême – ou de « loi-balai ». On essaie de modifiertrente-six textes à la fois ! Voulez-vous quelqueschiffres ? Les quatre-vingt-quatorze articles de cetexte visent vingt et un codes, douze lois et cinqordonnances ! Pas moins ! Au milieu du texte, le seularticle 39, long de quatre pages, comporte quatre-vingt-douze modifications du code du travail ! Voilà àquoi vous nous invitez !

Le Conseil d’État, qu’il est toujours bon d’écouter, alui-même souligné les limites de cet exercice de sim-plification et les risques d’insécurité juridique. Dansson rapport de 2006, il nous rappelait que « l’effortde simplification du droit ne conduit pas, dans l’im-mense majorité des cas, à une réduction du nombred’articles ou de dispositions applicables, voireentraîne, au contraire, un alourdissement de certainstextes, ce qui ne peut que rendre plus incertain l’ap-port concret pour les citoyens de telles mesures ».

Je pose d’ailleurs la question : pourquoi ne dis-posons-nous pas de l’avis du Conseil d’État sur leprésent texte ? Il nous aurait, à n’en pas douter, trèsvivement intéressés !

Outre qu’ils sont une succession d’empilements, lestextes de cette nature constituent le réceptacle idéalde cavaliers législatifs, qu’ils incitent par là même àintroduire. C’est ainsi que près de soixante articles decette proposition de loi ont été ajoutés entre larédaction initiale et la version qui nous est soumise.

Deuxième défaut, sur lequel vous ne vous exprimezd’ailleurs guère : la précipitation. Toutes choseségales par ailleurs, pourquoi ne faut-il qu’une seulelecture pour un tel texte ? Nous ne le savons toujourspas !

Il n’y a pas eu le moindre début d’explication ! Aunom de quel motif impérieux doit-il être examinéselon la procédure accélérée ? Nous n’y voyons quedes inconvénients !

Par exemple, la réforme du droit des copropriétés oula suppression du mandat exclusif des agences immo-bilières sont sans doute d’heureuses initiatives. Maisl’absence de concertation a été telle que les profes-sions concernées ne comprennent toujours pas lesens des dispositions prévues.

Autre exemple : l’ajout d’un échelon régional auxunions d’associations familiales. Peut-être est-ce unebonne chose, mais, en l’état, cette innovation estcontestée à l’échelon départemental.

Cette précipitation vaut pour les amendements.Jean-Pierre Michel l’a dit tout à l’heure, l’article 94 Apose le principe d’immunité des responsables de laMIVILUDES. Auteur d’un rapport sur ce sujet, je suistotalement favorable à un tel principe. Mais la ques-tion reste posée de savoir ce que cette immunitévient faire dans un tel texte !

Troisième défaut majeur : l’ambiguïté. Ce texte estambigu parce que, là où il devrait simplementaméliorer la loi, il introduit des novations qui ont unsens politique.

C’est le cas, par exemple, en matière de droit du tra-vail. L’article 46 rend moins fréquente l’actualisationdu document unique d’évaluation des risques profes-sionnels dans les très petites entreprises. Comme lesouligne Mme Procaccia dans son avis, « c’est un bienmauvais signal envoyé aux chefs d’entreprise alorsque la prévention est plus que jamais primordiale ».

Un autre exemple d’ambiguïté, qui a été relevé parMartial Bourquin, concerne le Grenelle 2 de l’envi-ronnement. Cette loi a posé, après de longs débats, leprincipe de la transparence environnementale etsociale des entreprises. Et voilà que, dix-huit moisplus tard, l’article 10 du présent texte le remet encause en prévoyant d’exonérer les filiales de toutepublication de cette nature.

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Les citoyens et les associations auront désormaisbeaucoup plus de mal à accéder aux informations,surtout si la société mère réside à l’étranger.

Je pourrais multiplier les exemples. Ainsi, l’article72 bis, va modifier le poids maximal autorisé pour lespoids lourds. Sous son apparente technicité, il ouvreun débat de fond : quels types de transports voulons-nous dans ce pays ? Ce débat mériterait d’avoir toutesa place et de ne pas être expédié au détour d’un teltexte.

Il en va de même pour la dépénalisation du droit desaffaires. Est-ce que cela relève de la simplification ?Sans doute pas ! Est-ce que cela doit donner lieu à undébat spécifique ? Certainement ! Alors, il faut avoirle courage de l’organiser, de façon que chacun puisses’exprimer.

En conclusion, je dirai que, pour notre groupe, il nes’agit évidemment pas, contrairement à ce que j’ai puentendre, de fuir la discussion et de laisser tous lespouvoirs à l’Assemblée nationale. Notre position estdéterminée par des considérations de principe, quipeuvent se résumer dans cette question que je for-mule une fois encore : comment fait-on une bonneloi ? Certainement pas avec des textes de cettenature !

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Monsieur leprés ident ,monsieur le

secrétaire d'État, meschers collègues, jesouhaite avant toutsaluer le travail deprécision que MmeProcaccia, rapporteurpour avis de notrecommission desaffaires sociales, amené à l’occasion del’examen de ce texte.Pour autant, en commission, au nom de la majorité,j’ai plaidé le rejet de ce texte, et je veux m’en expli-quer maintenant devant vous tous.

Quatre raisons éclairent notre position.

La première est une raison de forme, qui a déjà étéévoquée ici : cette proposition de loi, inscrite à notreordre du jour au début du mois de janvier, au coursd’une semaine réservée par priorité auGouvernement, n’est, à l’évidence, que le faux nezd’un projet de loi. Selon nous, un tel stratagème necontribue ni à la clarté ni à l’efficacité de la démarchelégislative.

La deuxième raison de notre opposition tient au car-actère fourre-tout de ce texte, maintes fois souligné,qui ne permet de garantir ni la lisibilité ni la sécuritéjuridique.

Rendez-vous compte, mes chers collègues : cetteproposition de loi de M. Warsmann est en fait le si-xième texte du genre. Elle succède à deux lois adop-tées sous la législature précédente et aux loisWarsmann promulguées respectivement en 2007, en2009 et le 17 mai 2011.

Parmi les textes fourre-tout, il faut citer également laloi de modernisation de l’économie ou le projet de loi

renforçant les droits, la protection et l’informationdes consommateurs, voté au Sénat à la fin du mois dedécembre dernier.

Cela ne fait-il pas beaucoup pour une seule législa-ture ?

Au-delà de cet aspect, ce texte modifie une vingtainede codes et une série de lois non codifiées. C’est direla complexité et la variété des thèmes qu’il aborde.La commission des lois, compétente au fond, a dûsaisir pas moins de quatre commissions pour avis !

Le résultat de ces pratiques est que les lois devien-nent illisibles pour nos concitoyens. « Droitésotérique », « droit à l’état gazeux » ou « droitobscur » : telles sont, vous le savez, mes chers col-lègues, les critiques formulées contre notre législa-tion par de nombreux observateurs.

Lorsqu’il était président de l’Assemblée nationale,Jean-Louis Debré a eu souvent l’occasion de soulign-er les dangers et les lacunes de nos méthodes législa-tives. Soyons attentifs aux différents rapports duConseil d’État, qui déplorent ponctuellement la « lo-gorrhée législative » ou les « risques d’insécuritéjuridique », ces deux caractéristiques étant engénéral indissociables.

Il est loin, et sans doute définitivement révolu, letemps où Rousseau affirmait que « tout homme quine sait pas par cœur les lois de son pays n’est pas unbon citoyen ». Toutefois, comment garantir aujour-d'hui que les citoyens, à tout le moins, n’ignorent pasla loi ?

La troisième raison de notre rejet de cette proposi-tion de loi tient aux risques d’incohérence qu’ellecomporte.

Les textes de ce type enflent démesurément, sous untriple effet.

Projet de lo i . . .

Simplification du droit et allègement des démarches administratives

Intervention de Claude JEANNEROT, sénateur du Doubs, dans la discussion générale(séance du mardi 10 janvier 2012)

Bulletin du Groupe Socialiste du Sénat n° 8 page 21

Page 22: Les sénateurs socialistes

Tout d'abord, l’administration s’en sert commevéhicules législatifs pour vider ses fonds de tiroirs ; jepense, et il ne s'agit que d’un exemple parmid’autres, à la disposition de l’article 37 qui vise àétendre la télétransmission aux petites entreprises etdont le Conseil d’État a souligné la nature réglemen-taire.

Ensuite, le Gouvernement les utilise pour revenir surdes arrêts de la Cour de cassation qui lui déplaisent.

Enfin, les lobbies en profitent pour y inscrire leurspréoccupations, car tel est bien le risque inhérent àde telles pratiques.

On demande aux parlementaires de sauter d’un sujetà l’autre – transport, fiscalité, droit du travail ou de lasécurité sociale, dépénalisation du droit des affaires –comme on passe du coq à l’âne.

Il n’en résulte qu’un bricolage de dispositifs, sansaucune vision d’ensemble, avec tous les dangers quecomporte pareille méthode.

Selon nous, cette façon de légiférer n’est ni efficace nipertinente. Pis, elle contredit la jurisprudence duConseil constitutionnel, qui a évoqué l’objectif àvaleur constitutionnelle « d’intelligibilité et d’accessi-bilité de la loi » dans sa décision du 16 décembre1999 et consacré le principe de « clarté de la loi »dans celle du 13 janvier 2005. Le Conseil constitu-tionnel, qui a pourtant interdit les lois « portantdiverses dispositions », n’a manifestement pas étéentendu : bien que l’intitulé du texte ait changé, lefond reste tout aussi incohérent.

Si certaines simplifications sont anodines, d’autresemportent de lourdes conséquences, dissimuléessous des arguments techniques, notamment enmatière de droits des salariés ou de droit de la santé.

J’illustrerai mon propos par un exemple emprunté audroit du travail : l’article 46 du texte, qui prévoit quel’employeur rédige un document unique d’évaluationdes risques à une fréquence inférieure à un an dansles entreprises de moins de onze salariés, est symp-tomatique de ce risque d’incohérence. En effet, lessalariés des très petites entreprises doivent être aussibien traités que ceux des grandes sociétés, d’autantque, nous le savons, leurs salaires ne sont pas tou-jours aussi élevés et que leurs conditions de travailsont souvent moins favorables. Or cette disposition,qui n’est qu’un exemple parmi d’autres, comporte

des risques réels de rupture d’égalité dans la protec-tion des travailleurs.

Enfin, et c’est la quatrième raison qui nous conduit àrejeter cette proposition de loi, il nous est demandéd’examiner ce texte dans la précipitation. Quelle quesoit la qualité du rapport, qui est réelle, je déplore detelles conditions de travail, car elles ne sont pasdignes de nos fonctions et de notre responsabilité.Nous restons à la surface des choses, sans pouvoirmesurer les conséquences de dispositions adoptées àl’aveugle.

M. Maurey soulignait tout à l'heure que le Sénatdevait demeurer un lieu de sagesse et de réflexion.C’est précisément parce que nous voulons le consid-érer comme tel que nous refusons cette manière detravailler, qui nous semble incompatible avec les exi-gences de la démocratie représentative !

Pour toutes ces raisons, nous avons considéré que cetexte méritait d’être rejeté. Ce faisant, nousrejoignons Portalis lorsqu’il affirmait que la loi « per-met ou elle défend », qu’« elle ordonne, elle établit,elle punit ou elle récompense ». Rendons donc à laloi la force et la clarté qu’elle mérite et qu’elle exige !

Bulletin du Groupe Socialiste du Sénat n° 8 page 22

Page 23: Les sénateurs socialistes

Monsieur lesec réta i red ' É t a t ,

puisque vous avezbien voulu m’inter-peller, et je vous enremercie, je me per-mets d’intervenir auterme de cet après-midi de débats.Ayant été élu députévoilà trente ans, j’aidepuis rapporténombre de textes avec des intitulés tels que « loi por-tant diverses dispositions d’ordre social ».

Les textes de cette nature n’ont pas fleuri dans lesannées quatre-vingt-dix. Commençons par dire qu’ilsexistaient déjà dans les années quatre-vingt, etmême auparavant, mais reconnaissons aussi que lemoteur s’est ensuite emballé et que, avec les quatre« paquets » Warsmann, il y a eu une accélération,une amplification considérable du procédé.

Chaque fois, nous avons tenu les mêmes discours.Nous les connaissons par cœur : l’on regrettait dedevoir légiférer de cette manière,… mais, bon, toute-fois, néanmoins… Là, en revanche, face à une tellemasse d’articles, nous sommes arrivés à quelquechose d’inacceptable, qui met tout simplement encause notre façon de légiférer et le droit duParlement.

Je rappelle que personne, à l’Assemblée nationalecomme au Sénat, n’avait vu que l’une des disposi-tions de la loi de simplification et de clarification dudroit et d’allègement des procédures adoptée le12 mai 2009 privilégiait l’Église de scientologie. Pouréviter que ne se reproduise un tel précédent, ce quepersonne ne voudrait, le Conseil d'État a chargétoutes ses sections d’expertiser chaque article de cemonstre. En revanche, il n’a pas examiné les nom-breux articles qui sont venus s’y agréger.

De la sorte, on parvient à un texte protéiforme qui n’aplus aucun sens ni aucune lisibilité. Vous dites, mon-sieur le secrétaire d'État, qu’il faut simplifier le droitpour les entreprises, mais vous pouviez – et vouspouvez toujours – présenter un projet de loi sur lesdispositions relatives aux entreprises au lieu deprocéder à tel dévoiement du droit.

C’est pourquoi nous avons décidé, dans la majoritésénatoriale, de mettre un coup d’arrêt à cette pra-tique. Finis les regrets assortis de « toutefois » et de« néanmoins » : il faut, une bonne fois pour toutes,dire « non », car nous ne pouvons plus légiférer decette manière.

J’ajoute, mes chers collègues, quitte à être idéaliste –mais ne faut-il pas l’être pour faire de la politique ? –,que ce coup d’arrêt est un message envoyé aux gou-vernants d’aujourd'hui et de demain, quels qu’ilssoient. Si le Sénat de la République décide de ne plusaccepter ce type de méthodes, on reviendra à unelégislation plus saine.

Lorsque le sujet sur lequel porte un projet de loi ouune proposition de loi en préparation est affiché,l’opinion s’en saisit. Il y a des articles, des débats.Nous, parlementaires, pouvons auditionner les parte-naires et acteurs sociaux. Un véritable débat républi-cain, dans le pays puis au Parlement, peut alors avoirlieu.

Au contraire, nous sommes parvenus avec ce texte àune situation insupportable, qu’aggrave encore lerecours à la procédure accélérée, alors que nul n’arépondu – vous pas plus que quiconque, monsieur lesecrétaire d'État – à la question de savoir pourquoi ily a urgence.

M. Marini nous a dit que nous avions finalement tort,puisque, sur une telle proposition de loi, nous pou-vions en définitive déposer tous les amendementsque nous voulions.

Projet de lo i . . .

Simplification du droit et allègement des démarches administratives

Intervention de Jean-Pierre SUEUR, Président de la Commission des Lois, sénateur duLoiret, dans la discussion générale(séance du mardi 10 janvier 2012)

Bulletin du Groupe Socialiste du Sénat n° 8 page 23

Page 24: Les sénateurs socialistes

En effet, mes chers collègues, avec une loi qui neporte sur rien, on peut faire des amendements surtout ! C’est magnifique… sauf que le Parlement yperd sa lisibilité et sa force, et que la loi cesse d’êtrela chose des citoyens lorsqu’il légifère ainsi.

C’est pour alerter nos concitoyens et mettre un coupd’arrêt à cette façon de légiférer à leur égard, et nonpas parce que nous refusons de débattre de certainssujets, que nous avons décidé, avec Jean-PierreMichel, le rapporteur de la commission des lois, et lesrapporteurs pour avis qui ont bien voulu s’associer àcette décision, de déposer une motion tendant àopposer la question préalable.

Bulletin du Groupe Socialiste du Sénat n° 8 page 24

Page 25: Les sénateurs socialistes

Monsieur leprés ident ,monsieur le

secrétaire d'État, meschers collègues, jeserai bref, tout ayantdéjà été dit sur cetexte. Deux motionstendant à opposer laquestion préalableont été déposées encommission, l’unepar Nicole BorvoCohen-Seat pour legroupe CRC, l’autre par Jacques Mézard pour legroupe RDSE. Les arguments qui les sous-tendentsont ceux qui ont été exposés au cours de la discus-sion générale. Je ne m’y attarderai donc pas.

Tout d’abord, il s’agit d’une proposition de loi fourre-tout et hétéroclite. En outre, pour la première fois, laprocédure accélérée a été engagée sur un texte decette nature. Ce n’était pas le cas auparavant ; jepense notamment à la précédente proposition de loide simplification et d’amélioration de la qualité dudroit dont notre collègue Bernard Saugey était le rap-porteur.

Monsieur le secrétaire d'État, nous vous avonsécouté avec attention. Vous prétendez qu’il y aurgence à légiférer. Pourtant, sur l’armoirenumérique sécurisée, vous disposiez de tous lesinstruments juridiques pour agir ; mais, comme vousn’avez pas eu le temps de le faire, vous nous deman-dez aujourd’hui de vous lais-ser légiférer par voied’ordonnances, ce qui revient à vous déléguer notrepouvoir législatif. Bien entendu, nous y sommesopposés ! Si nous nous retrouvons dans cette situa-tion, la faute en incombe au Gouvernement plutôtqu’au Parlement.

Jean-Pierre Sueur l’a souligné, cette questionpréalable apparaissait déjà en filigrane lors de l’exa-

men de la précédente loi de simplification etd’amélioration de la qualité du droit, auquel j’ai par-ticipé en commission et en séance publique. Le sen-timent général qui ressortait de ces travaux peut setraduire ainsi : cela suffit !

Aujourd'hui, la majorité sénatoriale considère qu’ilest temps de donner un coup d’arrêt à ces pratiques.Et je partage la position du président de la commis-sion des lois : quels qu’ils soient, les gouvernementsqui succéderont à l’exécutif en place devront tenircompte de ce message.

Le Conseil constitutionnel ayant déclaré inconstitu-tionnels les textes portant diverses dispositions d’or-dre économique ou social – lorsque je siégeais àl’Assemblée nationale, j’ai moi-même eu l’occasiond’en rapporter un certain nombre –, on nous soumetdésormais des lois de simplification, ce qui revientstrictement au même. Le Conseil constitutionnelstatue totalement en dehors de sa saisine, il trouvedes cavaliers, retire certaines dispositions, en laissed’autres. Tout cela aboutit à un travail législatifbrouillon et incompréhensible, tant pour les par-lementaires que pour nos concitoyens.

C'est la raison pour laquelle, mes chers collègues, aunom de la commission des lois, je vous demanded’adopter cette motion tendant à opposer la ques-tion préalable.

Projet de lo i . . .Quest ion préalable

Simplification du droit et allègement des démarches administratives

Motion défendue par Jean-Pierre MICHEL, rapporteur de la Commission des Lois,sénateur de la Haute-Saône(séance du mardi 10 janvier 2012)

Bulletin du Groupe Socialiste du Sénat n° 8 page 25

Page 26: Les sénateurs socialistes

Monsieur lesec réta i red'État, nous

allons vous décevoir.En effet, nousvoterons bienévidemment cettemotion. Si nous lepouvions, nous lavoterions même troisfois ! Nous la voteri-ons en premier lieupour marquer unprincipe. À cet égard,je ne comprends pas les arguments qui viennentd’être avancés. Nous ne sommes pas là pour rejeterla simplification, à laquelle personne d’ailleurs nes’oppose ! Nous ne sommes pas là non plus pourrejeter l’allégement, car personne ne veut alourdir laloi !

Nous sommes là pour faire un travail parlementaireclair, pour aller au fond des choses, et non pour tenirune discussion de café du commerce au cours delaquelle nous parlerions à quatorze heures du droitdu travail, à quinze heures de l’environnement, àseize heures d’un autre sujet et, à dix-sept heures, dudroit de l’entreprise ! Nous souhaitons faire un véri-table travail parlementaire, ce qui suppose que cer-taines conditions soient réunies, à commencer parl’exigence de concertation. Or ce texte n’a pas suff-isamment fait l’objet de concertation. D’ailleurs, vousle constatez vous-mêmes ! Ainsi, François Zocchettos’inquiétait des remarques qu’on lui ferait sur le ter-rain. Mais il doit aussi s’attendre à ce genre deréactions : « Nous n’étions même pas au courant.Vous vouliez faire cela tout seul dans votre coin, maisjamais vous nous avez demandé notre avis ! » Ladeuxième condition, dont parlait justement JacquesMézard et qui est une exigence constitutionnelle,c’est de disposer d’une étude d’impact. Voilà tant ettant d’années que nous réclamons sur tous les sujetsdes études d’impact pour ne pas faire de bêtises, sivous me permettez cette expression familière.

En l’occurrence, aucune n’a été faite. Mais qu’im-porte ! Nous pouvons bien légiférer sans y voir clair,sans connaître les tenants et les aboutissants de ceque nous allons voter. Pourtant, je l’ai dit tout àl’heure, quelques exemples du passé devraient nousconduire à réfléchir un peu plus ! Bien évidemment,nous ne sommes pas opposés à la simplification.Mais nous sommes surtout favorables à un travail declarification et de réflexion, car réfléchir, c’est notredevoir de parlementaires ! Nous souhaitons dire unenouvelle fois que nous ne pouvons accepter toutecette précipitation. Enfin, quels que soient tous vosarguments – je les ai bien entendus ! –, pas un nerésiste à cette idée que deux lectures auraient étémieux qu’une seule. Personne n’a jamais expliquépourquoi il faudrait engager la procédure accélérée,pourquoi, tout à coup, il y aurait urgence à légiférersur des matières aussi importantes ! Justement, je necrois pas que travailler dans la précipitation soit pourle Parlement un mode de fonctionnement !

J’en viens à un dernier point qui n’est pas mineur etque, selon moi, on ne souligne pas assez : comme jel’ai dit tout à l’heure, il y a de la confusion dans cetexte ! Sous couvert de simplification, on nous glissede temps en temps une petite innovation – pourquoipas ? Mais, parfois, on nous glisse aussi, avec beau-coup de discrétion, une régression ! Nous en avonsdonné des exemples : une régression en matièresociale, une régression en matière environnemen-tale, tout cela présenté sous l’étiquette« simplification, allégement et rapidité des procé-dures » ! Bien évidemment, nous ne pouvons quevoter cette motion. ______________________

Projet de lo i . . .Quest ion préalable

Simplification du droit et allègement des démarches administratives

Explication de vote d’Alain ANZIANI, sénateur de la Gironde(séance du mardi 10 janvier 2012)

Bulletin du Groupe Socialiste du Sénat n° 8 page 26

Voici le résultat du scrutin n° 85 sur la motion tendant àopposer la question préalable :Nombre de votants 343 Nombre de suffrages exprimés 343 Majorité absolue des suffrages exprimés 172 Pour l’adoption 176 Contre 167 Le Sénat a adopté.En conséquence, la proposition de loi est rejetée.

Page 27: Les sénateurs socialistes

Monsieur leprésident,monsieur le

ministre, mes cherscollègues, c’est enoctobre dernier quenous avons été saisisen première lecturedu projet de loirelatif à Voies naviga-bles de France. Entant que maire deConf l an s - Sa in te -Honorine, capitalefrancilienne, pour ne pas dire nationale, de la batel-lerie, j’attache un grand intérêt à ce texte. Ce n’estd’ailleurs évidemment pas un hasard si c’est l’un demes illustres prédécesseurs, Michel Rocard, qui a étéà l’origine, en 1991, alors qu’il était Premier ministre,de la création de Voies navigables de France, en rem-placement du vieil Office national de la navigation.

On comprendra ma satisfaction qu’ait été maintenuel’une des modifications que nous avions apportées autexte initial, à savoir la plus visible et la plus signifi-ante d’entre elles d’un point de vue symbolique,sinon la plus importante : l’appellation « Voies navi-gables de France » sera conservée, et l’établissementne deviendra donc pas une énième agence nationale.Cette décision se justifie d’ailleurs pleinement par lagrande notoriété et la bonne image dont bénéficieVNF dans son secteur d’activité ; un changement denom aurait donc été préjudiciable et en outre coû-teux.

Cela étant dit, au-delà du maintien de l’appellationde VNF, sur quoi ont débouché les discussions par-lementaires, tant au Sénat qu’au Palais-Bourbon ?Sommes-nous parvenus à améliorer ce texte et àrépondre à certaines problématiques réelles, en par-tant d’un projet de loi initial dont la portée était lim-itée – je le dis sans intention polémique – et qui n’é-tait pas à la mesure des enjeux en termes dedéveloppement et de valorisation du transport fluvialde marchandises dans notre pays ?

Pour ma part, je pense que nous pouvons approuverla décision de faire évoluer VNF, dans le respect deses missions. Il s’agit d’instaurer une nouvelle gou-vernance, d’abord en conférant à VNF le statutd’établissement public administratif, ensuite en met-tant en place un nouveau mode de gestion des per-sonnels.

On a pu s’étonner que le Gouvernement opte pour lestatut d’établissement public administratif plutôt quepour celui d’établissement public industriel et com-mercial, qui aurait mieux correspondu, nous semble-t-il, à la vocation naturelle de VNF. Nous avions déjàfait part de nos doutes à cet égard lors de la premièrelecture, mais le Gouvernement n’avait pas été enmesure de nous apporter de réponse de fond sur cepoint ; peut-être M. le ministre le pourra-t-il à l’occa-sion de cette deuxième lecture ?

En ce qui concerne les personnels de VNF, notregroupe entend que leurs intérêts soient préservés :c’est un point crucial, non négociable. Cela passe parle respect des accords qui ont été conclus avec lesorganisations représentatives, tant des salariés deVNF que des agents publics concernés. Nous avonsété vigilants sur cette question. Le texte issu destravaux menés en première lecture au Sénat avaitpermis de lever quelques-unes des interrogations quipouvaient subsister : la rédaction me semble àprésent satisfaisante. Cependant, alors que nousavions également veillé à apporter au texte certainesaméliorations techniques, nos collègues del’Assemblée nationale n’ont pas fait preuve de lamême exigence. C’est pourquoi nous serons con-duits, au cours de la discussion des articles, à intro-duire quelques garde-fous, à seule fin de garantir lebon fonctionnement de VNF et la poursuite de sesactivités dans le respect de ses missions, qui sontd’intérêt général et doivent le rester.

Nous souhaitons par exemple éviter que l’établisse-ment public ne prenne le risque de se disperser dansses opérations de prises de participation et de filiali-sation. À cette fin, nous proposerons, comme nousl’avions déjà fait en première lecture, de prévoir que

Projet de lo i . . .

Voies navigables de France

Intervention de Philippe ESNOL, sénateur des Yvelines, dans la discussion générale(séance du mercredi 11 janvier 2012)

Bulletin du Groupe Socialiste du Sénat n° 8 page 27

Page 28: Les sénateurs socialistes

les capitaux des filiales de VNF ou des sociétés danslesquelles l’établissement prendra une participationdevront être majoritairement publics, y compris pourles activités annexes de valorisation urbaine, quel’Assemblée nationale a imprudemment exclues duchamp d’une telle disposition. Par ailleurs, noussouhaitons apporter des éléments de sécurisationaux collectivités territoriales travaillant avec VNF surde grands projets d’aménagement et d’infrastruc-tures. C’est un point important à nos yeux. Il con-vient, tout en permettant bien entendu à l’opérateurde valoriser ses emprises foncières s’il le souhaite, delui rappeler qu’il doit agir en totale concertation avecles collectivités territoriales concernées, dans lerespect notamment de leurs schémas de cohérenceterritoriale ou de leurs plans locaux d’urbanisme,lorsqu’ils existent. Telles sont les grandes questionsdont nous avons débattu et que nous avons en partieréglées. Nous reviendrons cet après-midi sur lespoints qui ne nous satisfont pas encore.

Je voudrais maintenant évoquer des sujets qui nesont pas abordés dans ce projet de loi, où mal-heureusement l’essentiel est totalement laissé decôté. Nous sommes en effet en présence d’un textetechnique relatif à la gouvernance de VNF, qui netraite nullement des enjeux fondamentaux querecouvrent les missions premières de l’établisse-ment : la gestion et le développement du transportfluvial. La France demeure très en retard dans cedomaine, en termes de trafic, certes, mais aussi, plusfondamentalement, d’infrastructures, d’entretien etde développement du réseau –se pose notamment laquestion du gabarit –, ainsi que d’intermodalité avecla route et le rail, autre mode de transportécologique délaissé. Si le Gouvernement comparait lasituation de notre pays en matière de transport flu-vial à celle de notre voisin allemand, comme il se plaîttant à le faire dans d’autres domaines, cela lui per-mettrait de mesurer ce qu’il reste à faire ! Ce simpletexte relatif à la gouvernance vient donc bien tard. Sil’on ne peut évidemment que souscrire au principede la relance de la voie d’eau, on peut craindre queles grandes déclarations faites à ce sujet ne restentlettre morte, à l’instar des belles promes-ses duGrenelle de l’environnement, dont certaines concer-naient très directement le transport fluvial : l’objectifétait de porter de 14 % à 25 % la part cumulée du fretferroviaire et du fret fluvial dans le transport demarchandises.

Ce texte tardif et de portée limitée masque donc devéritables enjeux en matière d’investissements pourl’avenir et de développement des modes de transport

« doux » sur le plan environnemental. Nos infrastruc-tures fluviales n’ont plus été modernisées depuis leprogramme Freycinet des années vingt !

Comment pouvons-nous espérer renforcer la com-pétitivité de nos entreprises de la batellerie, pro-mouvoir le transport fluvial et développer la pluri-modalité en donnant un hinterland à nos grandsports maritimes si nous ne consentons pas pour lavoie fluviale un effort en matière d’équipement etd’infrastructures ? C’est par exemple un enjeu vitalpour ma ville de Conflans-Sainte-Honorine, où noustravaillons à une grande opération d’intérêt nationalavec Ports de Paris, qui favorisera à terme l’articula-tion entre les modes de transport, depuis le grandport du Havre jusqu’à l’Île-de-France.

Les enjeux sont énormes. Nous devons remettre enétat un réseau qui ne répond plus aux normes inter-nationales, accroître les capacités et les gabarits duréseau principal, sécuriser les voies, garantir la miseen conformité environnementale du réseau et de sonexploitation, permettre l’essor du réseau secondairedans les domaines du tourisme, des loisirs et de laplaisance, qui sont réellement porteurs à l’échelonlocal.

Je ne peux que me borner à évoquer ces grandsenjeux, qui ne sont malheureusement pas l’objetprincipal du présent texte, mais auraient dû être celuid’un véritable plan de relance de la voie d’eau, dontnous avons beaucoup entendu parler mais que nousn’avons jamais véritablement vu venir…

Voilà pourquoi nous tenterons encore d’améliorer leprojet de loi au cours de cette deuxième lecture,dans un esprit toujours constructif. En toute respons-abilité, compte tenu des attentes des organisationssyndicales et de notre respect pour la démocratiesociale, nous ferons tout pour que ce texte puisseêtre adopté rapidement, car même si sa portée estlimitée, il est relativement consensuel et pourra êtreutile dans l’avenir.

Nous n’en éprouvons pas moins une certaine amer-tume, car nous sentons bien que votre ambition pourle développement du transport fluvial en France s’estéteinte. Pour notre part, nous croyons en l’avenir dece mode de transport économique et écologique,que nous défendons résolument. Encore faut-il quenous nous donnions les moyens d’investir aujour-d’hui pour mieux assurer son développementdemain.

Bulletin du Groupe Socialiste du Sénat n° 8 page 28

Page 29: Les sénateurs socialistes

Monsieur leprés ident ,monsieur le

ministre, monsieur lerapporteur, meschers collègues, afinde promouvoir et derelancer la voied’eau, leGouvernement avaitdéposé, à la fin dumois d’août dernier,un projet de loi sansdoute nécessaire,mais très en retrait par rapport aux ambitionsaffichées. En fait, ce texte est presque exclusivementdestiné à restructurer Voies navigables de France, enregroupant les 4 400 agents de droit public employéspar le ministère et les 400 salariés de droit privé deVNF au sein d’un même établissement public admi-nistratif.

Le dispositif du projet de loi, pour une large part issud’accords signés au début de l’été dernier entre l’Étatet les organisations syndicales représentatives despersonnels, s’attache pour l’essentiel à préciser lestatut de ces derniers et à redéfinir les missions deVNF.

Après avoir été discuté par la Haute Assemblée aumois d’octobre, le projet de loi a été examiné par noscollègues députés le 15 décembre dernier. Dansl’ensemble, nous nous en sommes tenus à ce quiavait été convenu avec les partenaires sociaux. Enoutre, les débats dans les deux chambres sont glob-alement allés dans le même sens, avec le mêmeobjectif de promotion et de relance de la voie d’eau.Ainsi, sur onze articles adoptés en première lecturepar le Sénat, l’Assemblée nationale en a voté huitsans modification ; trois restent donc en discussion ettrois nouveaux articles ont été introduits par lesdéputés.

Concernant les nouvelles dispositions issues destravaux de l’Assemblée nationale, j’aimerais revenir

sur le deuxième alinéa de l’article 4, qui a été intro-duit par le biais de l’adoption d’un amendement duGouvernement. Cet ajout vise à permettre aux portsfluviaux appartenant à l’État, à une collectivité terri-toriale ou à un groupement de collectivités territori-ales situées sur des voies non transférables de menerdes opérations de coopération transfrontalière. Ainsi,une véritable coopération transfrontalière rap-prochant les ports de Mulhouse-Rhin, de Weil-am-Rhein et de Bâle sera juridiquement possible. Le Rhinétant la plus importante voie d’eau en Europe, unetelle collaboration présente un grand intérêt pour ledéveloppement du transport fluvial en France, ainsique pour le développement économique de larégion. J’y suis donc très favorable.

Une question sensible a été particulièrement dis-cutée lors des débats au Palais-Bourbon : celle dutransfert du domaine public fluvial « en pleine pro-priété » à Voies navigables de France.

Je ne pense pas que nous soyons en mesure de rou-vrir ce débat aujourd’hui, notamment parce que celaimpliquerait d’aborder un certain nombre d’autresquestions, telles que celles des financements et de larépartition des compétences ; nous n’aurions mal-heureusement pas le temps d’y répondre sérieuse-ment. De surcroît, le projet de loi ne serait plus, alors,la traduction concrète de l’accord signé entre l’État etles partenaires sociaux. Ces derniers sont d’ailleursfortement opposés à un tel transfert ; ils redoutenten effet que « des pans entiers du domaine publicpuissent être vendus ou bradés sans que leParlement ou les élus aient leur mot à dire ».Cependant, je considère qu’il ne faut pas écartercette hypothèse d’un revers de la main. À mon sens,un tel transfert permettrait à VNF de jouer pleine-ment son rôle et de dynamiser la gestion de sondomaine, ainsi que celle du trafic fluvial. La pleinepropriété lui permettrait par exemple de consentirsur ses biens des droits réels susceptibles de con-stituer des sources de revenus non négligeables.

Une option consisterait à s’inspirer du régime dudomaine dont la SNCF est affectataire.

Projet de lo i . . .

Voies navigables de France

Intervention de Roland RIES, sénateur du Bas-Rhin, dans la discussion générale(séance du mercredi 11 janvier 2012)

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Page 30: Les sénateurs socialistes

La SNCF a tous pouvoirs de gestion sur les biensimmobiliers qui lui sont remis ou qu’elle acquiert. Enpratique, elle assume tous les droits et toutes lesobligations du propriétaire.

Je pense que ce même dispositif pourrait, le momentvenu, être étendu à VNF. Cela mérite évidemment unlarge débat, dans le cadre de la préparation d’unefuture grande loi fluviale. On ne saurait considérerque le présent texte réponde à l’ensemble des ques-tions relatives à la voie fluviale.

Enfin, monsieur le ministre, permettez-moi derevenir sur un sujet qui me tient à cœur : le statut duport autonome de Strasbourg.

Comme je vous l’ai indiqué lors de la première lec-ture, au mois d’octobre dernier, j’avais entamé, entant que maire de Strasbourg, une discussion sur cesujet avec le préfet. J’espérais pouvoir compter survotre appui pour obtenir l’aide de l’État dans la miseen œuvre de ce projet, qui permettrait à notre port,véritable poumon économique de l’agglomération,de jouer pleinement son rôle et de développer sesactivités. Depuis, vos services m’ont donné uneréponse positive.

S’il reste de nombreux points à discuter, je ne peuxque m’en féliciter et vous en remercier. Tout à fait,monsieur le ministre !

Lors de la discussion générale du présent projet de loià l’Assemblée nationale, vous avez en effet indiqué àmon collègue Antoine Herth que « le Gouvernementa confié au préfet d’Alsace la réalisation d’un plandirecteur de bassin des ports fluviaux, en concerta-tion avec les acteurs concernés : VNF, port deStrasbourg, collectivités locales et chambres de com-merce ».

Une première réunion s’est tenue lundi dernier pourlancer le débat sur le sujet. Même si nous ne sommesqu’au début de la concertation, je me réjouis que ladémarche ait été engagée.

En définitive, ce texte assez consensuel ne devraitpas poser de problème de principe au groupe socia-liste du Sénat ; la suite du débat décidera de notrevote final.

Bulletin du Groupe Socialiste du Sénat n° 8 page 30

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Monsieur leprés ident ,monsieur le

ministre, mes cherscollègues, ce texte aété adopté en conseildes ministres le31 août dernier. Nousen avons débattu ici,le 19 octobre, dans laprécipitation, justeaprès les électionssénatoriales. Jepréfère le dire d’emblée : ce projet de loi est à mesyeux un bon texte, car il permettra d’améliorer lagouvernance du transport fluvial en France. Je le rap-pelle souvent, un convoi fluvial peut transporter plusde trois cent cinquante conteneurs, un train quatre-vingt et un poids lourd deux seulement !

La question du développement du transport fluvialest donc essentielle : quiconque prétend s’intéresserà l’avenir de notre industrie, à la protection de l’envi-ronnement et à la situation économique de notrepays doit en tenir compte.

Face à la crise économique, à la désindustrialisationde notre territoire et à la montée du chômage, lestransports dits « propres » constituent une partessentielle de la solution. Par définition, la mondiali-sation donne une place stratégique aux réseaux detransport, artères vitales pour la circulation des bienset des marchandises. La France, si elle veut redevenircompétitive, doit comprendre cette évidence : inve-stir dans le fluvial, mieux penser les liens entre le flu-vial, le maritime et le ferroviaire, c’est augmenter l’at-tractivité de son territoire. Cela est essentiel pourrendre notre économie plus performante, pour fairereculer le chômage, pour enrichir et renforcer notrepays ! Sachant que les ressources, notammenténergétiques, sont limitées, nous devons anticipersur l’avenir et investir dans des modes de transportéconomes en énergie.

Sachant que le réchauffement climatique est lié, enpartie, aux activités de transport, nous devons pré-parer notre économie à recourir à des modes detransport efficaces et respectueux de l’environ-nement.

La massification de la desserte fluviale représentedonc un enjeu économique, énergétique etécologique majeur pour la France.

Ce texte permettra un pas dans la bonne direction,en améliorant la gouvernance de VNF. Toutefois, ence qui concerne les moyens, monsieur le ministre, ilreste bien en deçà de ce qui est nécessaire pouraméliorer la performance du transport fluvial.

Faire des économies budgétaires ne dispense pas deréfléchir ! Une bonne gestion consiste à développerles ressources financières, d’une part, et à dépenserintelligemment en vue de réaliser des investisse-ments de long terme, d’autre part : dans ces deuxdomaines, le Gouvernement n’a, jusqu’à présent,nullement convaincu de ses capacités…

Le doublement des crédits attribués à VNF n’estqu’un bel effet d’annonce, un écran de fumée étantdonné le montant du budget initial. Au regard dupassif et du retard accumulés depuis des années, ils’agit d’une supercherie. Afin de remédier à l’étatlamentable de nos 8 500 kilomètres de voies naviga-bles, dont 2 600 kilomètres sont dédiés au fret, unprogramme d’investissements de 840 millions d’eu-ros sur la période 2010-2013 a également été annon-cé. Vous me direz sans doute, monsieur le ministre,que la région Languedoc-Roussillon devrait s’estimersatisfaite d’avoir déjà bénéficié de 50 millions d’eurosau titre de l’élargissement du canal du Rhône à Sète,ce dont je vous sais gré.

Cependant, les économies de bouts de chandellesréalisées ces dernières années sur l’entretien ont eupour conséquence de faire exploser le coût d’uneremise en état, aujourd’hui estimé à 2,5 milliardsd’euros.

Projet de lo i . . .

Voies navigables de France

Intervention de Robert NAVARRO, sénateur de l’Hérault, dans la discussion générale(séance du mercredi 11 janvier 2012)

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Améliorer la gouvernance, c’est bien, mais il estsurtout temps de construire !

Pour conclure, j’évoquerai à mon tour le canal duMidi, qui est un joyau du patrimoine de l’humanité.

Les collectivités territoriales en ont assez de payer àla place de l’État, monsieur le ministre. Il est inac-ceptable que celui-ci puisse envisager de limiter soneffort financier à 30 % du montant de l’investisse-ment nécessaire, en laissant le solde du financementà la charge des collectivités. Ce n’est pas sérieux !Après le doublement de l’A9, le contournement deNîmes et de Montpellier, l’élargissement du canal duRhône à Sète, tous projets au financement desquelsla région a contribué au côté de l’État, vous auriezpourtant pu réaliser un sans-faute en Languedoc-Roussillon. Je ne comprends pas que l’État n’assumepas pleinement son rôle en ce qui concerne le canaldu Midi, ce trésor du patrimoine mondial ! Monsieurle ministre, dans l’intérêt de l’ensemble du pays, con-sentez pour lui le même effort que pour les autresprojets que nous avons menés à bien ensemble dansma région !

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Monsieur leprés ident ,madame la

ministre, monsieur leprésident de la com-mission, mes cherscollègues, on dit tou-jours que ladémocratie a uncoût. J’ajoute qu’ellen’a pas de prix.Certes, le propos estbanal ; mais c’est unprincipe qu’il fautpouvoir rappeler ! Le faire est d’autant plus néces-saire à cent jours de la prochaine élection présiden-tielle et alors que Gouvernement nous saisit d’unprojet de loi organique qui semble vouloir, d’une cer-taine manière, s’en affranchir.

En effet, on est en droit de s’interroger sur l’opportu-nité d’une réforme dont l’objet – et peut-être l’effet –sera de faire économiser à l’État 3,7 millions d’eurossur une dépense liée à l’organisation de l’électionprésidentielle qui s’élève au total à plus de 240 mil-lions d’euros. On retrouve là le rapport qui s’établitgénéralement entre les efforts réalisés par leGouvernement pour réduire le déficit et l’ampleur dudéficit auquel nous sommes confrontés…

Le scepticisme est d’autant plus d’actualité que cetteéconomie virtuelle repose sur l’hypothèse, invérifi-able à ce jour, d’un scénario électoral identique àcelui de 2007 : quatre candidats dépassant le seuil de5 % des suffrages exprimés et huit autres réalisant unscore inférieur à 5 %.

Enfin, comment justifier une modification du plafonddes dépenses autorisées et du montant des rem-boursements publics alors que, du point de vuecomptable, le processus électoral est engagé depuisprès de neuf mois et que, en d’autres termes, il estdéjà accompli pour les trois quarts ?

Vous me permettrez de penser que le législateurdevrait plutôt se préoccuper de garantir à nos conci-toyens une campagne propre : en effet, à quoi sert-ild’abaisser les plafonds s’ils ne sont pas respectés,comme plusieurs enquêtes en cours nous le sug-gèrent fortement, et si les règles de financement sontpar conséquent contournées ?

Aussi ce projet de loi organique, qui s’inscrit dans lecadre du plan de rigueur présenté par leGouvernement à l’automne et qui se contente,comme Mme la ministre l’a rappelé, de transposer àl’élection présidentielle des dispositions déjà renduesapplicables aux autres élections par la loi de financespour 2012, n’est-il acceptable qu’amendé dans lesens d’une clarification des obligations des candidats.Ensuite, d’autres réformes, plus ambitieuses, devrontêtre menées pour changer un système au total peusatisfaisant. Tel est, en tout cas, l’esprit dans lequel lacommission des lois a travaillé.

Je souhaite à présent défendre devant vous lalogique de la position de la commission.

Nous sommes confrontés à une difficulté que leprésent projet de loi organique n’aborde pas etmême contourne. Elle réside dans ce constat simple :pour être candidat à l’élection présidentielle, il suffit,dès lors naturellement que l’on dispose des par-rainages nécessaires, de se déclarer au mois de marsde l’année de l’élection ; mais les dépenses engagéespour soutenir cette candidature doivent êtreretracées depuis le 1er avril de l’année précédente !L’ouverture d’une campagne étant le plus souventpostérieure à cette date, les candidats doivent justi-fier de leurs dépenses bien après qu’elles ont étéengagées. Il en résulte, de façon particulière pour lePrésident de la République sortant, s’il se représente,une inévitable confusion sur la nature des initiativesqu’il prend, des déplacements qu’il effectue, des dis-cours qu’il prononce : bref, de l’ensemble desdépenses qu’il engage sur le compte de laRépublique.

Projet de lo i . . .

Remboursement des dépenses de campagne de l’élection présidentielle

Intervention de Gaëtan GORCE, rapporteur de la Commission des Lois, sénateur de la

Nièvre, dans la discussion générale(séance du jeudi 12 janvier 2012)

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Aussi nous semble-t-il nécessaire de rappeler claire-ment, à titre préventif, que les dépenses engagées aucours des douze mois précédant le scrutin sont pré-sumées avoir un caractère électoral et que tout titu-laire d’un mandat public doit s’abstenir de faire usageà des fins électorales des moyens que celui-ci met àsa disposition.

Madame la ministre, vous avez jugé ces propositions« superfétatoires ». Peut-être le sont-elles au regarddu droit, encore que nous en débattrons lors de ladiscussion des amendements car je ne suis pas d’ac-cord avec une position aussi tranchée. Mais auregard des pratiques observées, ce rappel paraîtindispensable. D’ailleurs, le président de la CNCCFP,M. Logerot, nous l’a dit lui-même lors de son audi-tion : il serait souhaitable, compte tenu de ce qui estobservé, de rappeler chacun au respect des règlesélémentaires. C’est bien ce qu’entend faire le Sénat.

Tel est le sens des deux amendements que votrecommission a adoptés. Ils constituent un rappel utile,adressé aux candidats, qu’il existe une déontologieélectorale. J’ai le sentiment, disant cela, de tenir unpropos évident ; mais les évolutions que nous avonsconnues ces dernières années font que des principesaussi évidents doivent être rappelés à cette tribune.

Il existe une éthique incontournable, surtout aumoment où nos citoyens s’interrogent sur leursdirigeants politiques. J’ai la faiblesse de penser queles premiers sont davantage choqués d’apprendreque des millions d’euros auraient transité par descomptes secrets que de savoir que le rembourse-ment des dépenses engagées dans une campagneprésidentielle coûtera à l’État 43, 42, 41 ou 40 mil-lions d’euros ! Mais la logique voudrait que l’on ailleplus loin encore. Tel est le sens des amendementsque je me suis permis de déposer, à titre personnel,pour alimenter le débat nécessaire sur l’applicationdes règles, laquelle est moins rigoureuse pour lescandidats à l’élection présidentielle que pour les can-didats à une élection cantonale…

Je viens de le rappeler, comme les dépenses élec-torales sont souvent engagées avant d’être imputéessur un compte, les candidats ne disposent d’aucuneautre indication sur leur légalité et leur imputabilitéque celles, succinctes, figurant dans la loi que nousproposons de compléter. Ils ne disposent d’aucunmoyen pour prévenir d’éventuelles irrégularitéspuisque ni le Conseil constitutionnel, juge en dernierressort, ni la commission des comptes ne peuventêtre saisis a priori.

Ainsi, l’avis rendu par la CNCCFP sur les déplacementsprésidentiels, sur saisine des représentants d’unautre candidat, n’a aucune valeur juridique et pour-rait parfaitement être contredit ultérieurement par lacommission elle-même ou par le juge de l’élection.Aussi conviendrait-il, afin de permettre l’émergencede règles jurisprudentielles en amont, soit de per-mettre la saisine du Conseil Constitutionnel en coursde campagne, soit d’élargir à tout candidat la possi-bilité de contester les comptes de ses adversaires unefois le résultat acquis.

Je rappelle que l’élection étant validée bien avantque les comptes ne soient examinés, cela n’aurait pasd’incidence sur l’issue du scrutin, mais permettraiten revanche de dégager un cadre juridique rendantces questions plus claires et les polémiques répétéessur ces sujets sans objet. Je me suis permis d’ajouterà ces propositions un amendement dont l’objet estd’ouvrir un débat nécessaire sur le mode de rem-boursement des dépenses électorales à l’occasiondes élections présidentielles.

Jusqu’à présent, le montant remboursé est fonction àla fois d’un plafond et d’un seuil : le seuil est celui des5 %, qui, dès lors qu’il est dépassé, permet une priseen charge à hauteur de 50 % du plafond ; en-deçà, laprise en charge est de seulement 5 %. Je précise quele présent projet de loi organique ramène ces taux à47,5 % et 4,75 % respectivement. Pour vous, il sem-ble bien qu’il n’existe pas de petites économies ! Unedécimale de différence peut donc faire passer ladotation perçue par un candidat de 8 millions d’eurosà 800 000 euros, soit un rapport de un à dix. Est-cejuste ? D’autant que ce mécanisme ne permet pas àl’État de maîtriser sa dépense, celle-ci variant enfonction du nombre de candidats ayant franchi leseuil fatidique.

Je précise à notre assemblée que l’économie de3,7 millions d’euros à laquelle vous avez faitréférence, madame la ministre, est putative, poten-tielle, dans la mesure où sa réalisation dépendra dunombre de candidats qui se présenteront et du résul-tat qu’ils obtiendront.

Un système qui consisterait, au contraire, à calculerle montant du remboursement au prorata des voixobtenues, avec une prime attribuée aux candidatsqualifiés pour le second tour, serait plus juste, plusclair et, d’une certaine manière, répondrait mieux àl’objectif de maîtrise de la dépense publique qui estle vôtre.

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Page 35: Les sénateurs socialistes

J’invite par conséquent notre assemblée à y réfléchir.

Au total, n’avions-nous pas d’autres priorités à satis-faire que celles-ci ? Ce projet était-il bien utile ? Était-il nécessaire de légiférer à quelques semaines d’unscrutin présidentiel pour modifier les règles definancement en touchant au plafond et au montantde l’aide quand on sait que les questions éthiques,juridiques et politiques que j’ai évoquées dans monintervention, sont ailleurs ?

Tel qu’il était initialement rédigé, ce projet de loiorganique n’était certainement pas utile ; mais telqu’amendé par la commission, il pourrait constituerun progrès et permettre d’ouvrir une réflexion indis-pensable à l’avenir de notre démocratie et, très prob-ablement, à la nécessaire confiance qu’il convient derétablir dans l’esprit de nos concitoyens sur la façondont celle-ci fonctionne, notamment à ses échelonsles plus élevés.

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Monsieur leprés ident ,madame la

ministre, mes cherscollègues, je nereviendrai pas sur lesarguments brillam-ment développés parnotre collègueGaëtan Gorce, qui aeffectué, comme àson habitude, un tra-vail de très grandequalité sur ce projetde loi organique à la portée somme toute symbo-lique, mais aussi très large, pour nos institutions et,au total, pour notre démocratie.

J’en profite également pour préciser à M. Reichardtque ce qu’il considère comme un embarras de notrepart en commission est, en fait, une simple aptitudeà la réflexion, qui devrait plutôt être portée au créditde notre participation à la commission des lois : ilconvient donc qu’il s’y habitue. Que l’on ne s’ytrompe pas : ce texte, qui ne comporte qu’un seularticle, est tout sauf anodin. Il a pour objet l’organi-sation de l’élection présidentielle, c’est-à-dire lescrutin autour duquel s’organise l’ensemble de la viepolitique française, surtout depuis la réduction de ladurée du mandat présidentiel à cinq ans. Et c’est sansdoute là que le bât blesse : face au symbole, leGouvernement a accouché d’un texte certes d’allureconsensuelle, mais qui aurait pu aller plus loin etaboutir à un renforcement de notre système poli-tique à un moment où il en a bien besoin.

Les principales dispositions du texte sont connues, etvous les avez vous-même rappelées, madame la mi-nistre. Dans le cadre du nouveau plan d’économiesannoncé le 7 novembre dernier, le Premier ministre aprésenté deux mesures touchant au financement dela vie politique.

D’une part, les crédits de l’aide publique aux partispolitiques prévus pour 2012 ont été réduits de 4 mil-lions d’euros, pour s’établir à environ 72 millions

d’euros. D’autre part, le Gouvernement a l’intentionde limiter le remboursement des dépenses de cam-pagne électorale, ce qui devrait permettred’économiser 4 millions d’euros en 2012. La diminu-tion des remboursements forfaitaires par l’État desdépenses électorales a d’ores et déjà été intégrée à laloi de finances pour 2012.

Du point de vue technique, cette réduction des rem-boursements opérés par l’État suppose deuxmesures.

Premièrement, les plafonds de dépenses électoralessont gelés à leur niveau actuel, ce qui signifie que lesplafonds de dépenses électorales applicables àchaque élection ne seront plus actualisés. LeGouvernement nous précise que cette mesure per-durera tant que nos finances publiques n’auront pasretrouvé leur équilibre. Je crains donc que le gel desdépenses électorales ne soit promis à un bel avenir sirien ne change... Deuxièmement, l’article 112 de laloi de finances pour 2012 réduit de 5 % le taux deremboursement forfaitaire par l’État des dépensesélectorales. Pour les élections législatives et locales,le remboursement maximal est porté de 50 % à47,5 % du plafond de dépenses. Seuls peuvent y pré-tendre les candidats ayant obtenu plus de 5 % dessuffrages exprimés lors de ces scrutins.

En revanche, pour ce qui concerne l’élection prési-dentielle, la réduction des remboursements desdépenses de campagne ne pouvait être incluse dansla loi de finances pour 2012 : en effet, une loiorganique est nécessaire. Le présent projet de loiorganique transpose donc à l’élection présidentielleles deux mesures que je viens de rappeler, et quiseront évidemment applicables dès 2012.

C’est sans doute là que réside l’une des grandes fai-blesses de ce projet de loi organique : pourquoi leGouvernement s’est-il décidé à modifier, à quelquesmois de l’élection présidentielle, les règles relatives àson fonctionnement ? Il n’est pas sain de légiférerainsi, d’autant que le Gouvernement a, une nouvellefois, demandé l’application de la procédure accéléréepour un texte qui ne le méritait certainement pas.

Projet de lo i . . .

Remboursement des dépenses de campagne de l’élection présidentielle

Intervention de Michel DELEBARRE, sénateur du Nord, dans la discussion générale(séance du jeudi 12 janvier 2012)

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La précipitation avec laquelle ce projet de loi a étéficelé relève davantage de la communication poli-tique, puisqu’il s’agit de montrer aux Français que, ences temps de crise, tout le monde fait des efforts, àcommencer par les partis politiques. C’est une ambi-tion louable, et chacun est prêt à y participer, mais ilconvient de rétablir la réalité des faits : l’étude d’im-pact du présent projet de loi organique précise queles économies attendues de cette réformes’élèveraient à 3,665 millions d’euros. Je m’attarderaiquelques instants sur cette somme, qui est porteusede plusieurs interrogations.

En premier lieu, je rappelle que le coût de l’électionprésidentielle n’a cessé d’augmenter depuis 1995. Àcette date, elle a coûté 133 millions d’euros, contre200 millions d’euros en 2002 et 207 millions d’eurosen 2007. Contrairement à une idée largement répan-due, ces augmentations ne profitent pas directementaux candidats, bien au contraire. En outre, leséconomies attendues de ce projet de loi ne peuventfaire l’objet que d’une évaluation. En pratique, lemontant économisé dépendra, je le souligne à montour, du nombre de candidats, du nombre de suf-frages que chacun d’entre eux recueillera, du con-tenu de leurs comptes de campagne, des décisionsprises par la Commission nationale des comptes decampagne et des financements politiques et, en casde recours, par le Conseil constitutionnel.

Le nombre de candidats constitue la variable la plusimportante. Entre 1995 et 2002, la dépense par can-didat a baissé de 15 %, mais, comme le nombre decandidats a crû de 78 %, la dépense totale a aug-menté. Ainsi, l’on ne connaîtra le coût de l’électionprésidentielle qu’a posteriori : les économies réellesne pourront être évaluées qu’après l’élection,puisqu’elles sont largement fonction du nombre decandidats, qui, d’après ce que je peux entendre ici oulà, semble plutôt aller crescendo... En outre, et quelque soit le montant de l’argent économisé, je m’in-terroge sur la portée d’une telle économie sur la si-tuation de nos finances publiques.

J’éprouve quelques doutes quant à la possibilité deréduire la dette publique de la France ou notre déficitbudgétaire avec l’argent ainsi épargné. Chacun estconscient des efforts à accomplir, mais il ne faut pastomber dans l’excès pour autant. La démocratie a uncoût – M. le rapporteur l’a souligné – et il faut bien lafinancer ! L’élection présidentielle représente sommetoute une dépense d’environ 5 euros par électeur, cequi ne me semble pas être le principal poste grevantnos finances publiques. J’ai plutôt en tête l’allège-

ment de l’impôt sur la fortune à hauteur de 1,5 mil-liard d’euros, mis en œuvre par le Gouvernement enjuillet dernier, ou bien la fameuse loi TEPA qui, depuis2007, représente un manque à gagner cumulé deplus de 20 milliards d’euros pour l’État. À compareraux quelque 3 millions d’euros attendus par cette loiorganique, tout cela laisse un peu songeur.

En tant que rapporteur pour avis de la commissiondes lois sur la mission « Pouvoirs publics » du projetde loi de finances pour 2012, j’avais eu l’occasiond’indiquer que la gestion des crédits de la Présidencede la République avait gagné en transparence et enrigueur. Je le répète, l’examen annuel des comptes dela Présidence par la Cour des comptes a été un aiguillon sans doute utile. Il reste cependant, commel’a souligné M. le rapporteur, quelques zones d’om-bre : la programmation des aides exceptionnelles auxcollectivités territoriales, les multiples sondages com-mandés par l’Élysée – même si les choses se régulentun peu – ou encore la question des déplacements duPrésident de la République qui, s’il est encorePrésident, est d'ores et déjà candidat à sa propre suc-cession.

C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le Conseilsupérieur de l’audiovisuel a préconisé – M. le rappor-teur l’a souligné – le 1er septembre 2009 que 60 %des interventions du chef de l’État soient décomp-tées du débat politique national. Pourquoi ne pasappliquer également cette règle aux déplacementsdu Président et considérer que 60 % de ses déplace-ments en France doivent figurer dans le compte decampagne ? Il me semble que cette décision, quiapparaîtrait à tous les Français comme de bon sens,pourrait être avancée. Je reconnais toutefois qu’il y amatière à débat, et il se peut que je pousse un peuloin la comparaison. Ces propositions, qui ne figurentpas dans le projet de loi organique, auraient toutefoispu constituer un progrès notable. Pourtant, leprincipe d’égalité devant le suffrage et le principe desincérité des élections sont les fondements de ladémocratie représentative. Or, comme l’argent estdevenu un facteur important, sinon déterminant,d’une élection, en particulier dans le cadre de laprésidentielle, le respect de l’égalité et de la sincéritédépend aussi du régime de financement des dépens-es électorales.

Ce projet de loi organique n’y répond que de façonimparfaite et a finalement manqué d’ambition, auregard des enjeux qu’il prétendait affronter. Je vousremercie de votre attention, madame la ministre,mais nous ne pouvons pas vous suivre.

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Monsieur leprés ident ,madame la

ministre, mes cherscollègues, puisquetout, ou presque, adéjà été dit, et trèsbien dit, je tâcheraide dire le reste…Àmoins de quatre moisde l’élection prési-dentielle, vous nousproposez de réduirele coût des opérations électorales. Nous savons bienque notre pays est confronté à de graves difficultésfinancières. L’élection présidentielle va d’ailleursnous permettre de débattre des causes de ce déficitpublic cumulé de 1 600 milliards d’euros, et desresponsabilités de chacun. Nous aurons aussi l’occa-sion d’exposer aux Français les solutions à mettre enœuvre.

Parmi elles, vous considérez nécessaire de réduire lefinancement de la vie politique. Vous nous suggérez– cela a été dit plusieurs fois – d’économiser environ3 millions d’euros sur un coût prévisionnel estimé à220 millions d’euros dans le rapport de GaëtanGorce, soit un gain de 1,5 %. Voilà l’économie quevous nous proposez de faire ! Chacun en apprécieral’ampleur… Michel Delebarre a évoqué un geste« symbolique » ; nous ne pouvons que souscrire à sespropos.

Pour notre part, nous aurions souhaité un engage-ment plus radical, qui aurait consisté à clarifier lanotion de dépense électorale. L’exercice est certaine-ment devenu incontournable, quels que soientd’ailleurs les candidats ou les présidents sortants. Àcet égard, je tiens à saluer l’excellent travail réalisépar notre rapporteur, Gaëtan Gorce, qui s’est engagéavec beaucoup de force dans cette voie.

Je prendrai pour ma part trois exemples.

Le premier concerne les sondages d’opinion et les dif-férentes enquêtes. Je poserai une question naïve :doivent-ils être considérés comme une dépense élec-torale ? En droit, la réponse est évidemment positive.Les sondages et les études de cette nature doiventêtre pris en compte dans les comptes de campagne.L’on pense bien entendu à ceux des partis et à ceuxqui sont commandés par les candidats. Mais qu’enest-il des études commandées par l’Élysée ou par leService d’information du Gouvernement, qui,jusqu’au 1er janvier dernier, réalisait des sondagespour l’Élysée en dehors de tout fondement légal ? Jerappelle que les enquêtes réalisées par la sociétéGiacometti-Péron s’élèvent à 522 millions d’euros paran. Qui peut croire qu’elles sont sans arrière-penséeélectorale, notamment dans l’année qui précèdel’élection ? Chacun en jugera…

Qui peut croire que la connaissance de l’opinion n’é-claire pas un futur candidat dans le choix de son posi-tionnement, de ses thèmes de campagne ou des élé-ments de langage que ses amis vont rabâcher àl’identique pendant toute la campagne ? A minima,nous devrions adopter une première règle : l’obliga-tion pour un président sortant de publier la listeexhaustive des sondages commandés dans ladernière année de son mandat.

Le deuxième exemple, qui a lui aussi été abordé,porte sur les déplacements des candidats. Doivent-ilsêtre intégrés dans le compte de campagne ?Certainement. Mais qu’en est-il des déplacementsd’un candidat non encore déclaré ?

Je note ainsi que la fréquence des déplacements duPrésident de la République s’est accélérée depuisplusieurs mois. Notre collègue député René Dosière atenu des comptes précis. Durant les trois premièresannées de la présidence, la moyenne était d’une cin-quantaine de déplacements par an. Et subitement,dans l’année précédant l’élection, ces déplacementssont passés à plus de soixante-dix, avec évidemmentun net accroissement en ce début de nouvelle année.

Projet de lo i . . .

Remboursement des dépenses de campagne de l’élection présidentielle

Intervention d’Alain ANZIANI, sénateur de la Gironde, dans la discussion générale(séance du jeudi 12 janvier 2012)

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Si l’on considère que le nombre ne compte pas,encore faut-il savoir ce qui se passe dans ces déplace-ments. Je vous invite à cet égard à scruter les proposdu Président de la République, mes chers collègues.

Au Tricastin, Nicolas Sarkozy a consacré une partieimportante de son discours au nucléaire et, en fait, àvilipender les positions de la gauche. S’agissait-il despositions du Président de la République ou de cellesd’un candidat ? Chacun en jugera. À Mulhouse, plusrécemment, le Président de la République s’estadressé aux personnels de santé, non pas pour leurparler de l’intérêt général ou d’une grande politiquede santé, mais pour dénigrer les propositions fiscalesprêtées au candidat du parti socialiste.

Nous allons assister à ce manège durant dessemaines : pourtant, jusqu’au 19 mars prochain, datede la publication de la liste des candidatures, ces dé-clarations n’entreront pas dans la catégorie des pro-pos électoraux.

La question a été posée par deux députés socialistes,Daniel Vaillant et Pascal Terrasse, qui ont saisi laCommission nationale des comptes de campagne etdes financements politiques. La réponse de cettedernière rappelle un principe de droit constant surlequel tout le monde peut s’accorder : « Si, au coursdes manifestations auxquelles [le Président] participedans la période précédant l’annonce éventuelle de sacandidature à la prochaine élection, il est amené àexposer les éléments d’un programme de futur can-didat, le coût de l’organisation de ces manifestationsdevrait être réintégré ultérieurement au compte decampagne, en tout ou en partie ».

Madame la ministre, je constate que vous approuvezces propos.

Voilà donc la solution ! Elle a été appliquée en 2003à Jacques Chirac, puisque sept déplacements ont étéréintégrés pour partie dans ses comptes de cam-pagne, en considérant qu’il s’agissait de déplace-ments électoraux.

Toutefois, comme l’ont souligné tout à l’heureGaëtan Gorce, Michel Delebarre ou encore Pierre-Yves Collombat, nous butons sur une difficulté : laréintégration suppose en effet que les comptes decampagne fassent l’objet d’un contrôle précis.

Malheureusement, sur ce point, madame la ministre,je doute que vous soyez toujours d’accord avec moi.

En effet, l’exemple des deux dernières campagnesprésidentielles n’est pas vraiment de nature à nousrassurer. Les comptes ont bien été validés, mais, dansle premier cas, ceux de Jacques Chirac ont été quali-fiés d’« insincères » par l’ancien président du Conseilconstitutionnel Roland Dumas – on se demande dèslors quelle est véritablement la nature du contrôleexercé par le Conseil constitutionnel – et, dans le sec-ond, ceux de Nicolas Sarkozy font aujourd'hui l’objetde réquisitions judiciaires.

Mon troisième et dernier exemple porte sur l’utilisa-tion de moyens publics, y compris en personnels.Faut-il les prendre en compte ? La question a évidem-ment été maintes fois jugée, et l’alinéa 3 de l’articleunique du projet de loi organique dispose lui-mêmeque « les candidats détenteurs d’un mandat électifne peuvent utiliser les moyens procurés par ce man-dat en vue de contribuer à la conduite de leur cam-pagne ». Pourtant, dans la réalité, lorsque je voisHenri Guaino, un proche collaborateur du Président,faire le tour de France pour livrer ses commentaires,je ne suis pas sûr qu’il le fasse seulement en tant quegrand historien ou nouveau philosophe. À l’évidence,ces déplacements ne sont pas dénués d’arrière-pen-sées électorales. Pourtant, ils ne seront pas intégrésdans les comptes de campagne…

En réalité, notre réflexion bute sur une difficultémajeure, celle du candidat fantôme. Ce dernier sedrape dans ses habits officiels, parcourt le payscomme s’il était à la recherche de voix perdues, tra-vaille plus sans être payé plus, parle même de sesadversaires avec fureur… mais ses paroles ne sontjamais comptabilisées ! Personne ne nie la difficultéde légiférer pour sortir de l’ambiguïté créée par unetelle inégalité. Mais voilà bien une réforme qui auraitcertainement eu plus de portée que celle qui estprésentée aujourd’hui.

Bulletin du Groupe Socialiste du Sénat n° 8 page 39

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Monsieur leprés ident ,madame la

ministre, monsieur leprésident de la com-mission, mes cherscollègues, unedémocratie qui necoûte rien est unedémocratie à vendre,une démocratielivrée aux enchèreset aux intérêts privés,une démocratie danslaquelle la cause publique n’est plus défendue. Lesdérives du passé ont eu des conséquences lourdessur la relation de confiance que les citoyens entreti-ennent avec leurs responsables politiques. La prisede conscience a eu lieu il y a plus de vingt ans. Elle aconduit à la rédaction des premières lois visant à ren-dre transparents les financements politiques et à li-miter les conflits d’intérêts. Le financement illicite dela vie politique par des personnes morales et le traficd’influence pouvaient, enfin, être sanctionnés.

Ces principes généraux étant rappelés, le projet de loiorganique que nous examinons aujourd’hui concernele financement des campagnes des candidats à l’élec-tion présidentielle.

Le thème est complexe, cela a été rappelé par M. lerapporteur. Il est en particulier bien difficile de dis-tinguer, quand l’un des candidats se trouve être lePrésident lui-même, ce qui relève de sa fonction et cequi ressortit à son seul statut de candidat.

Il est même étonnant, alors que la loi impose à toutcandidat de prendre en compte l’ensemble de sesdépenses liées à la campagne dans l’année précédantl’élection, que, à cent jours de l’élection présiden-tielle, le Gouvernement nous invite à examiner unprojet de loi organique destiné à modifier les moda-lités des comptes de campagne pour la campagne encours !

Ce projet de loi organique souffre donc d’un péchéde rétroactivité. Le Conseil constitutionnel pourraittoutefois le censurer, car il change les règles du jeu defaçon irréversible pour les candidats qui sont entrésen campagne les premiers...

Mais revenons au fond. Ce texte est d’abord déma-gogique. Présenté comme devant permettre unebaisse des contributions publiques, il n’induira enréalité qu’une diminution très faible de celles-ci,laquelle, de surcroît, ne pourra être mesurée, le caséchéant, qu’a posteriori. À un moment où l’actualitéjudiciaire souligne que, en 1995 et 2007, descontributions « extralégales » auraient été perçuespar des candidats à l’élection présidentielle, quelleest la cohérence de supprimer 5 % de financementpublic pour chaque candidat si certains d’entre euxn’ont pas de scrupules à aller chercher ce qui leurmanque en dehors du cadre fixé par la loi ?Hypocrite, ce système est aussi cynique : en matièred’élection présidentielle, le vainqueur a toujours rai-son, quelles que soient les libertés que celui-ci prendavec la loi. Tout dépassement, toute dérogation à laloi n’affecte jamais la validité de son élection !

Cet état de fait ne saurait durer, car il constitue uneinsulte à la démocratie. Cette préoccupation inspireplusieurs des amendements qui nous sont aujour-d’hui soumis et qui, sous réserve de leur adoption,justifient que l’on soutienne ce texte, malgré lesréserves initiales qu’il nous a inspiré. En 2012, on nepeut plus, on ne doit plus se permettre d’offrir l’im-punité à un président élu en dehors de toute con-trainte et de toute obligation quant au respect deslois.

Cette préoccupation doit également nous inspirerpour les élections législatives. Le sujet est d’autantplus sensible que, pour la première fois, seront élusen 2012 onze députés des Français de l’étranger. Cesélections vont se dérouler dans des conditions parti-culières, où la part des déplacements dans le coûttotal d’une campagne sera très significative, ce quin’est pas le cas dans les circonscriptions métropoli-taines.

Projet de lo i . . .

Remboursement des dépenses de campagne de l’élection présidentielle

Intervention de Jean-Yves LECONTE, sénateur représentant les Français établis hors

de France, dans la discussion générale(séance du jeudi 12 janvier 2012)

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Par exemple, une circonscription reliera Mourmansk,Téhéran, Wellington et Tokyo. Cette réalité induira,bien sûr, des coûts de déplacement astronomiques.Pour l’UMP, c’est le ministre des transports qui s’im-pose sur cette circonscription : nécessité oblige...

Dès lors, comment assurer une parfaite égalité entretous les candidats quand certains sont des ministresen fonctions et d’autres de simples citoyens Françaisrésidant à l’étranger ?

Avec mes collègues Hélène Conway Mouret, ClaudineLepage et Richard Yung, nous avons interrogé laCommission nationale des comptes de campagne etdes financements politiques, la CNCCFP. En effet,trois membres du Gouvernement ont été investiscomme candidats de l’UMP à l’étranger : ThierryMariani, Frédéric Lefebvre et Marie-AnneMontchamp. Comment ne pas craindre de voir cesderniers utiliser, lors de leurs déplacements àl’étranger, les moyens de la République pour favori-ser leur élection comme député par les Français éta-blis hors de France ? À cet égard, on a d’ailleurs déjàconstaté que le ministre chargé des transports a,depuis plusieurs mois, multiplié les déplacementsofficiels dans des pays faisant partie de la 11e circon-scription. Entre le 3 juin 2011 et aujourd’hui, en l’es-pace de trente et une semaines, Thierry Mariani estparti, prétendument dans l’exercice de ses fonctionsgouvernementales, vingt-six fois à l’étranger, dontvingt-quatre fois dans un pays de la circonscriptiondans laquelle il est candidat ! Or son prédécesseur àce poste, Dominique Bussereau, n’a voyagé pendantune année entière que onze fois hors de France, donttrois fois dans ladite circonscription : la ruptured’égalité entre les candidats est déjà patente.

À cet égard, la CNCCFP nous a simplement réponduqu’elle réintégrera si nécessaire, le cas échéant, c’est-à-dire après la campagne, « les dépenses omises ».Elle « relèvera éventuellement des concours de per-sonnes morales prohibées ». En substance, elle nousa expliqué qu’elle n’avait pas à juger le caractère jus-tifié ou non des déplacements des ministres.

C’est pourtant une tout autre lecture qui est faitelorsqu’un élu local se présente à une élection législa-tive et qu’il utilise sa charge pour mettre en avantson action. En effet, celui-ci est à la merci de sanc-tions très lourdes s’il utilise son mandat à des finsélectorales. La CNCCFP avait d’ailleurs apporté lamême réponse lors de son audition devant la com-mission des lois de l’Assemblée nationale, pour ce quiconcerne les déplacements du chef de l’État.

Elle considère qu’elle « n’a pas de compétence pourjuger l’utilisation des fonds publics mis à sa disposi-tion » et que, de toute façon, « les frais de transportdu Président de la République et de ses collabora-teurs, ainsi que le coût des mesures de sécurité et deprotection liées à ses déplacements ne peuvent êtreinclus dans les comptes de campagne ». Mais alors,qui a compétence pour juger ? Le Conseil constitu-tionnel ? Celui-ci doit se prononcer dans les dix jourssuivant l’élection, alors que la CNCCFP a, en ce qui laconcerne, un mois pour le faire !

Dans la pratique, un abus manifeste dans l’utilisationde l’argent public des contribuables ne peut doncêtre sanctionné, ce qu’a rappelé René Dosière àl’Assemblée nationale. Depuis octobre 2011, lerythme des déplacements du chef de l’État a consi-dérablement augmenté, ainsi que l’a relevé notre col-lègue Alain Anziani.

Un président en campagne, des ministres en cam-pagne, un Gouvernement en campagne, et ce surfonds publics, et pour des montants largementsupérieurs aux économies envisagées par ce projetde loi organique : cela démontre l’hypocrisie duGouvernement. Rendez-vous compte, mes chers col-lègues, on nous propose, dans ce projet de loiorganique, une économie de trois millions d’euros !Voilà qui est plutôt surréaliste !

Le secrétaire d’État chargé des Français de l’étranger,Édouard Courtial, prend très à cœur ses nouvellesfonctions. Pourtant, il avait auparavant qualifié dansune proposition de loi d’exilé fiscal tout Françaisvivant hors de l’Union européenne dès lors que celui-ci ne payait pas ses impôts en France, même si c’étaiten vertu d’une convention fiscale qu’il avait ratifiéeen tant que parlementaire.

Et voilà qu’aujourd'hui, il survole le monde à lavitesse d’un supersonique accompagné d’unaréopage de hauts fonctionnaires, en ciblant les ter-ritoires stratégiques pour ses collègues ministres can-didats et ses amis politiques ! Il suffit de consulterson agenda officiel sur le site Internet du Quaid’Orsay pour prendre la mesure de cette opérationpolitique au coût astronomique.

Dans le même temps, il manque dans plusieurspostes consulaires les personnels et les financesnécessaires pour préparer correctement les élec-tions, tout en assurant aussi le quotidien des con-sulats.

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Demain, se tiendra au Maroc une grande réunion del’UMP. Y participeront Nadine Morano – mais n’est-elle pas ministre en exercice ? – et le secrétaire d’ÉtatÉdouard Courtial. L’UMP avait aussi initialementannoncé la présence officielle de hauts fonction-naires en exercice. Devinez, mes chers collègues, quelest le thème de cette réunion ?... « Une nouvelle gou-vernance pour les Français de l’étranger. » Voilà quipromet !

Permettez-moi de prendre un autre exemple.

Le 9 février prochain, aura lieu à Miami, dans la cir-conscription que le candidat Frédéric Lefebvre, égale-ment secrétaire d’État chargé du commerce, de l’arti-sanat, des petites et moyennes entreprises, dutourisme, des services, des professions libérales et dela consommation, convoite, celle des Françaisd’Amérique du Nord, en sa présence et en celle deFrançois Baroin – n’est-il pas lui aussi un ministre enexercice ? –, le premier rassemblement mondial desconseillers du commerce extérieur.

Là encore, je vous invite à aller consulter le siteInternet dédié à l’organisation de cette manifestationpour prendre la mesure de l’ampleur de la dépenseengagée. Mais c’est certainement pour fêter ledernier record du déficit de notre commerceextérieur, qui s’élève à 75 milliards d’euros ! On com-prend bien qu’il soit difficile à l’étranger d’appréhen-der et de contrôler les dérives probables. Certes, laCNCCFP ne peut pas s’exporter dans le monde entier,mais il n’est pas convenable de profiter de cette si-tuation avec autant de morgue.

Une telle attitude doit être dénoncée et sanctionnée,car elle constitue une insulte à l’intelligence, ainsiqu’un mépris pour les Français de l’étranger et pourleur représentation parlementaire.

Pourtant, la législation précise bien que l’utilisationéventuelle par un ministre de moyens de laRépublique, à l’occasion d’un déplacement àl’étranger, en vue de favoriser son élection, sansrefacturation des frais engendrés, est prohibée, dansla mesure où une telle utilisation constituerait uneparticipation au financement d’une campagne parune personne morale. Dès lors, pourquoi le font-ils ?

Mes chers collègues, la période impose l’exemplaritéet la sobriété. Une pleine conscience des impératifsde transparence et des conflits d’intérêts est doncnécessaire.

Le conflit d’intérêts n’était-il pas évident lorsqueM. Woerth était en même temps ministre du budgetet trésorier du parti au pouvoir ? Mais ni lui ni sesamis ne l’ont jamais reconnu.

Et que dire de l’actuel ministre de l’intérieur, candidatà Boulogne, utilisant la mairie comme bureau deposte ? Quel écart étonnant avec la loi pour un mi-nistre chargé de la lutte contre la délinquance !

Candidat aux élections législatives pour les Françaisdu Proche-Orient, de l’Afrique du Sud et de l’Est et del’océan Indien, l’ancien juge Alain Marsaud se pré-vaut d’une mission du Gouvernement français pourjustifier de ses déplacements à Madagascar. En l’oc-currence, il travaillerait au rétablissement desliaisons aériennes de la compagne nationale AirMadagascar entre Madagascar et l’Europe, et ce afinde mieux concurrencer notre compagnie aériennenationale, Air France, en offrant un service moinscher, car délocalisé ! Alain Marsaud présente sansvergogne cette mission comme étant directementliée à sa campagne électorale, mais néanmoins auservice de tous ses concitoyens !

Bref, à quelques mois de scrutins fondamentaux, onse demande si certains candidats proches du pouvoiren place n’auraient pas perdu tout sens commun. Onobserve des situations si curieuses que cela autorisetoutes les conjectures et suppositions possibles.

Ainsi, le candidat UMP dans la seconde circonscrip-tion d’Amérique latine, Pascal Drouhaud, est aussi ledirecteur adjoint d’Alstom pour l’Amérique latine,une société qui vise – et c’est très légitime – de nou-veaux marchés au Panama. Elle a d’ailleurs récem-ment été retenue pour y construire une ligne demétro. Eh bien, cet État ne vient-il pas de bénéficier,en décembre dernier, d’une ratification supersoniquepar le Parlement – grâce à l’Assemblée nationale etcontre l’avis du Sénat – d’une convention fiscale luipermettant de sortir de façon opportune de la listedes paradis fiscaux ?

Voilà, mes chers collègues, où nous en sommes àquelques mois de scrutins fondamentaux pour notreavenir. Profitons de l’examen de ce projet de loiorganique pour réaffirmer des principes et des exi-gences et pour adopter, aux côtés du rapporteur,M. Gorce, et de M. Collombat, de nouvelles règlespour faire en sorte qu’il y ait plus de moralité etmoins de cynisme lors de la prochaine élection prési-dentielle.

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Le groupe social-iste et le groupeé c o l o g i s t e

voteront le projet deloi organique issu denos travaux. Cedernier a été pro-fondément modifiépar la commissiondes lois, qui a suivison rapporteur, notrecollègue GaëtanGorce. Si les mesuresd’économies pour l’État ont été maintenues, d’autreséléments ont été ajoutés à ce texte, dont certainsnous sont apparus comme particulièrement signifi-catifs et méritant d’être soutenus.

Je comprends que l’un de nos collègues ne vote pasun texte qui, en la matière, fait faire des économies àl’État, forcément ! On se souvient que le Premierministre Jean-Pierre Raffarin avait prévu, dans lecadre du financement des partis politiques, un cer-tain nombre de restrictions à l’attribution de la pre-mière fraction de l’aide publique. Évidemment, ceuxqui ont essayé de contourner ces dispositions pourrecueillir chaque année de l’argent de l’État nesauraient être favorables à des mesures d’économiesportant sur l’élection présidentielle …

Projet de lo i . . .

Remboursement des dépenses de campagne de l’élection présidentielle

Explication de vote de Jean-Pierre MICHEL, sénateur de la Haute-Saône(séance du jeudi 12 janvier 2012)

Bulletin du Groupe Socialiste du Sénat n° 8 page 43

Page 44: Les sénateurs socialistes

Monsieur leprés ident ,monsieur le

ministre, mes cherscollègues, je souhaitesimplement rappelerque nous n’avionspas l’intention, audépart, de voter cetexte, dans la mesureoù il nous semblaitpeu satisfaisant,motivé uniquementpar un souci de réaliser des économies par ailleursaléatoires.

Cependant, les différents amendements que nousavons pu introduire grâce au débat qui s’est déroulédans l’hémicycle et aux travaux menés par la com-mission des lois nous permettent aujourd’hui de dis-poser d’un texte fournissant aux différents candidatsune sorte de « guide » quant au comportement qu’ilsdoivent adopter, en particulier s’ils sont déjà titu-laires d’un mandat électif. Les dispositions en ques-tion concernent tous les candidats sortants, qu’ils’agisse d’un président de conseil général ou d’unprésident de la République. Le chef de l’État se voitainsi rappelé par notre assemblée qu’il est soumis,comme n’importe quel autre candidat, à l’obligationde ne pas utiliser les moyens que lui confère sa fonc-tion à des fins électorales.

Ce point me semblait devoir être rappelé, à la foispour la clarté des débats qui se dérouleront dans lecadre de la campagne présidentielle et dans un soucid’éthique au regard de nos concitoyens. Par ailleurs,nous avons posé les fondements d’une véritablejurisprudence en matière de campagne présiden-tielle, puisqu’il sera désormais possible de saisir laCommission nationale des comptes de campagne etdes financements politiques et le Conseil constitu-tionnel, pendant ou après la campagne, pour obtenirdes précisions quant à l’imputabilité de certaines

dépenses ou la régularité de certains comporte-ments.

De telles dispositions sont, selon moi, également denature à clarifier juridiquement un dispositif relatifau financement des campagnes présidentielles dontplusieurs d’entre nous ont rappelé qu’il était sansdoute parmi les plus lâches de l’ensemble des dis-positifs existants en la matière.

Cela a été dit, en effet, une élection à un conseilgénéral ou à une mairie était jusqu’ici plusrigoureusement contrôlée, et les infractions plussévèrement sanctionnées, qu’une élection présiden-tielle, ce qui était évidemment incompréhensible et,surtout, inacceptable.

Je considère donc que le travail de notre assemblée apermis d’améliorer véritablement le texte qui nousétait soumis. Sans doute n’était-ce pas l’intention duGouvernement d’aller aussi loin, puisque lui-mêmerencontre aujourd’hui des difficultés pour faireavancer des dispositifs aussi simples que ceux quiconcernent, par exemple, la responsabilité pénale duchef de l’État et qui, si l’on en croit le mêmeGouvernement, feraient l’objet d’un consensus.

Pour notre part, nous avons réussi à faire avancer leschoses, en saisissant l’occasion que nous fournissaitle Gouvernement avec ce projet de loi organique,corollaire des dispositions qu’il avait fait introduireen loi de finances. Ce faisant, nous avons démontré àquel point le Sénat peut jouer un rôle utile.

J’espère que la commission mixte paritaire sera l’oc-casion d’un véritable échange et que la majorité del’Assemblée nationale ne considérera pas qu’il suffitde revenir au texte antérieur pour que l’ensembledes questions très importantes soulevées dans notrehémicycle se trouvent du même coup réglées.

Projet de lo i . . .

Remboursement des dépenses de campagne de l’élection présidentielle

Explication de vote de Gaëtan GORCE, rapporteur de la Commission des Lois,sénateur de la Nièvre(séance du jeudi 12 janvier 2012)

Bulletin du Groupe Socialiste du Sénat n° 8 page 44

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Ma questions’adresse àM. le mi-

nistre de l’intérieur,de l’outre-mer, descollectivités territori-ales et de l’immigra-tion. Monsieur leministre, si l’on encroit les informationspubliées hier par lejournal Le Monde, unscandale sans précédent pourrait ébranler la préfec-ture de police de Paris et, au-delà, les plus hautesautorités de notre pays.

À l’approche de l’élection présidentielle de 2007,l’Inspection générale des services aurait utilisé sci-emment des documents truqués pour aboutir à lamise en cause de fonctionnaires réputés proches dela gauche : tels sont les faits que la justice cherche àétablir.

Quatre fonctionnaires de police, innocentés en janvi-er 2011 par la cour d’appel de Paris, ont donc été sus-pendus en 2007, injustement mis en examen, humil-iés, déshonorés, à la suite d’une affaire qui aurait étémontée de toutes pièces par le corps vénérable etrespecté de la « police des polices ».

Monsieur le ministre, aujourd’hui, l’honneur de lapolice républicaine est en cause. Il est donc essentielque toute la clarté soit faite sur cette affaire et sur lesresponsables de ce qui s’apparente à un grave déra-page, si les faits sont prouvés. Contrairement à ceque vous avez affirmé hier devant les députés, il nes’agit pas d’instruire un faux procès ni de pratiquerdes amalgames ou des manipulations, il s’agitd’obtenir des réponses claires et précises sur lachaîne des responsabilités dans ce qui s’appar-enterait à une affaire d’État si les faits étaient établis.

Peut-être pourriez-vous nous fournir ces réponses,monsieur le ministre, puisque vous étiez, au momentdes faits, directeur de cabinet du ministre de l’in-térieur ? Cela serait beaucoup plus simple et vousfaciliteriez le travail de la justice, derrière laquellevous avez tenté de vous abriter.

Monsieur le ministre, mes questions sont donc lessuivantes : premièrement, nous souhaiterions savoirquelle est l’autorité qui a diligenté cette enquête ;deuxièmement, sur l’ordre de qui l’Inspectiongénérale des services a-t-elle utilisé des documentsqui auraient été truqués pour mettre en cause desfonctionnaires de police dont le seul tort, à la veillede l’élection présidentielle de 2007, était d’êtreproches de la gauche ? Je vous remercie de votreréponse.

Réponse de M. Claude Guéant, ministre del’intérieur, de l’outre-mer, des collectivitésterritoriales et de l’immigration.

Monsieur le sénateur François Rebsamen, je persisteet je signe : une fois de plus, l’approximation etl’amalgame tiennent lieu de raisonnement.

Votre candidat à l’élection présidentielle appelle – etil a raison ! – à faire taire les polémiques, mais seslieutenants ne cessent d’en lancer de nouvelles et deles alimenter en procédant à des affirmations quen’étaye aucun commencement de preuve !

Il y a quelques jours, vous cherchiez à mettre encause le ministre du budget qui était en fonctionsentre 1993 et 1995 dans une affaire de versement decommissions à l’occasion de la vente de sous-marinsau Pakistan.

Vous vous appuyez, à cette fin, sur des propos émisau conditionnel par un certain M. Menayas.

Questions d’actualité...Inspection générale des services

François REBSAMEN, Président du Groupe socialiste, sénateur de la Côte d’Or

(séance du jeudi 12 janvier 2012)

Bulletin du Groupe Socialiste du Sénat n° 8 page 45

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Le Président de la République, ministre du budget àl’époque, n’a rien à voir avec cette affaire et je vousinvite, puisque vous accordez une grande confianceaux carnets de M. Menayas, à les lire – ils sontdisponibles sur un site d’information bien connu – :ils mettent directement en cause, non pas au condi-tionnel, mais de façon affirmative, le parti socialisteet un certain nombre de ses responsables !

Aujourd’hui, vous recommencez : vous mettez encause le préfet de police de Paris, au motif qu’il estproche du Président de la République – j’emploie le «vous » de façon générique, car j’ai aussi lu les proposd’autres responsables du parti socialiste.

J’y réponds ! Vous n’omettez qu’un seul point : l’in-téressé n’exerçait pas les fonctions de préfet depolice à l’époque des faits en cause.

D’autres de vos collègues, hier, m’ont mis en causedirectement. Je n’ai rien à voir avec cette histoire !Puisque j’ai été mis en cause hors de l’hémicycled’une assemblée parlementaire, je vous indique que,dès cet après-midi, je demande au garde des sceauxde poursuivre en diffamation M. Bruno Le Roux.

Il y a des limites à tout et certaines accusations sontinsupportables ! Puisque vous m’avez mis en cause,monsieur Rebsamen, faites-le également en dehorsde cet hémicycle, cela me permettra de vous pour-suivre en diffamation !

Vous n’hésitez pas à recourir à des argumentsinvraisemblables : pourquoi voulez-vous qu’uneenquête ait été manipulée pour aboutir au change-ment d’affectation d’un haut fonctionnaire dont leposte est à la discrétion du Gouvernement ? Vousn’hésitez pas à déformer la réalité pour salir : je vousrappelle que l’Inspection générale des services,lorsqu’elle intervient en matière judiciaire, est placéesous l’autorité des magistrats et non pas sous l’au-torité du préfet de police ! Vous n’hésitez pas à tairel’essentiel, à savoir que, si une enquête a eu lieu, c’é-tait sur décision judiciaire, et si un non-lieu a étéprononcé, il a fait suite à une mise en examen.

Comme en d’autres occasions, vous vous attaquezaux personnes et aux institutions, pour les déstabili-ser et les déshonorer… C’est peut-être laborieux,mais ce que vous faites est grave ! Le chef del’Inspection générale des services et le préfet depolice démentent toutes les allégations proférées àleur encontre par un journal et relayées par desresponsables du parti socialiste.

Nous n’avons pas peur de la vérité, mais je vous ledis, monsieur Rebsamen : nous ne sommes pas ici aucongrès de Valence et on ne condamne pas sanspreuves !

Bulletin du Groupe Socialiste du Sénat n° 8 page 46

Page 47: Les sénateurs socialistes

Ma questionporte sur leschoix fiscaux

du Gouvernement, enparticulier sur l’an-nonce faite en catas-trophe d’une aug-mentation de la TVA.En 2007, donc avantla crise financière,M. le Premier mi-nistre avait déclaréêtre à la tête d’un Étaten faillite. Depuis, malgré cet aveu, le Gouvernements’est enfermé dans une politique fiscale catégorielle,constituée de niches, de boucliers et de cadeaux pourles plus aisés...

Que de dégâts ont été faits en cinq ans !

Les effets de cette politique sur la croissance ont éténuls, mais l’endettement s’est envolé : la dette de laFrance a en effet augmenté de 500 milliards d’eurosen cinq ans.

Prisonnier de son idéologie, le Gouvernement s’estobstiné de façon coupable. En mai dernier, la ministrede l’économie, des finances et de l’industrie déclaraitencore ici même : « Tous les clignotants sont auvert. » Selon elle, « les moteurs de la croissance, pourcertains d’entre eux, à leur meilleur niveau depuistrente ans » !

Cet entêtement ne masque pas la triste réalité, quecertains, hélas ! semblent découvrir aujourd'hui : lechômage est en très forte hausse – il atteint 9,7 % – ;900 usines ont été fermées en trois ans ; le déficitcommercial a explosé et s’établit à 75 milliards d’eu-ros, ce qui ne manque d’inquiéter.

Si les grands groupes financiers ont été choyés – decopieux dividendes ont encore été annoncés cesjours derniers –, les PME et le tissu industriel ont étélargement délaissés.

La vérité, c’est que la politique fiscale et financièremise en œuvre au cours de ce quinquennat a mis laFrance en panne.

Pour relancer la machine, vous nous dites à présentavoir besoin de 30 milliards d’euros. Pourquoi ne pasaller les chercher dans les innombrables niches fis-cales créées depuis dix ans ? Ces niches sont impro-ductives et injustifiées pour au moins 50 milliardsd’euros !

À la place, le Gouvernement persiste dans son aveu-glement idéologique et envisage d’augmenter con-sidérablement la TVA. Je vous laisse imaginer le con-trecoup sur la croissance, alors que la récession estdéjà là ! Et je ne parlerai pas de l’impact de cettehausse de TVA sur les contributeurs les plus mo-destes, les chômeurs et les retraités. En 2007, lePrésident de la République s’engageait solennelle-ment à « n’accepter aucune augmentation de la TVAqui pourrait avoir pour effet de réduire le pouvoird’achat des Français ».

Mesdames et messieurs les ministres, ma questionest très simple : allez-vous renier cet engagementpris par le Président de la République devant lesFrançais ? Allez-vous faire payer les plus modestespour les cadeaux qui ont été consentis aux plusaisés ?

Réponse de Mme Valérie Pécresse, ministre dubudget, des comptes publics et de la réformede l'État, porte-parole du Gouvernement.

Monsieur le sénateur François Marc, vous posez enfait de nombreuses questions. Tout d’abord, je vous informe qu’un sommet sur lacrise réunira prochainement l’ensemble des parte-naires sociaux. Cette rencontre sera extrêmementimportante pour notre pays. Ne comptez donc passur le Gouvernement pour anticiper les conclusionsde ce sommet.

Questions d’actualité...Politique fiscale

François MARC, sénateur du Finistère(séance du jeudi 12 janvier 2012)

Bulletin du Groupe Socialiste du Sénat n° 8 page 47

Page 48: Les sénateurs socialistes

Vous faites des supputations sur les décisions quiseront prises.

La seule chose que je peux vous dire aujourd'hui,c’est que, pour nous, la première des injustices, lapremière des menaces pour le pouvoir d’achat, c’estle chômage. Nous allons mobiliser toute notreénergie contre le chômage.

Je parle sous le contrôle du ministre du travail, XavierBertrand. Ce sommet sera l’occasion d’évoquertoutes les mesures qui pourraient être prises en ter-mes de compétitivité et d’emploi ainsi que de soutienau chômage partiel.

Au-delà, se pose aujourd'hui la question de la com-pétitivité de l’économie française. Ce n’est pas moiqui le dis, c’est Manuel Valls.

Puisque vous aimez citer les bons auteurs, permet-tez-moi de citer le porte-parole de François Hollande. Il a déclaré : « Qui douterait de l’effet bénéfique surla compétitivité des entreprises françaises del’instauration d’une TVA sociale ? »

Le but de la TVA sociale est de diminuer le coût dutravail. Aujourd'hui, le travail coûte beaucoup pluscher dans notre pays que dans les principaux paysdont nous importons les produits.

Est-ce juste, monsieur François Marc, que l’essentielde nos dépenses de solidarité soient prélevées sur lessalaires et qu’elles pèsent par conséquent sur l’em-ploi ?

Est-ce juste, monsieur François Marc, que tous lesproduits importés des pays à bas coûts de productionne participent pas au financement de notre protec-tion sociale ? Non, ce n’est pas juste !

Ce qui serait juste, c’est que les importations par-ticipent à notre protection sociale et à nos dépensesde solidarité. Ce qui serait juste, c’est que le coût dutravail et des produits baisse et que nous exportions.

Monsieur François Marc, 7 millions de Français tra-vaillent pour l’exportation. Nous voulons aujourd'huirétablir le dynamisme de nos exportations, fairebaisser le coût de nos produits, produire en France,ne pas délocaliser. C’est cela, notre politique !

Bulletin du Groupe Socialiste du Sénat n° 8 page 48

Page 49: Les sénateurs socialistes

Monsieur legarde dess c e a u x ,

voilà quelques mois,en novembre 2010, laCour européenne desdroits de l’hommejugeait que les mem-bres du parquetfrançais ne pouvaientpas être considéréscomme des magis-trats indépendants. Ily a moins d’un an, Jean-Louis Nadal, procureurgénéral près la Cour de Cassation, suggérait de« couper tout lien entre l’échelon politique et le par-quet, en ce qui concerne les nominations ». Il y aquelques semaines, les trois quarts des procureursappelaient à donner plus de moyens à la justice et àrendre le parquet indépendant du pouvoir exécutif.

Monsieur le garde des sceaux, le monde judiciaire nesupporte plus l’image de partialité, qu’elle traînecomme un boulet. Cette image s’est notammentforgée à Nanterre, où l’un des quarante-neuf pro-cureurs nommés contre l’avis du Conseil supérieur dela magistrature avait refusé de désigner un juge d’in-struction dans l’affaire Bettencourt.

L’opinion ne comprend plus cette confusion des gen-res, où l’on voit ce même procureur espionner illé-galement deux journalistes du Monde ! Un nouvelépisode vient d’ailleurs d’avoir lieu : le ministre del’intérieur veut actionner le ministère public contreun député…

Le mercato de Noël n’a pas conduit à améliorer cetteimage : on a assisté, cinq mois avant l’élection prési-dentielle, à la nomination de quatorze des trente-cinq procureurs généraux. Votre directeur de cabinetlui-même, monsieur le garde des sceaux, a été instal-lé à la tête du parquet de Paris, où il suivra les affairessensibles, notamment l’affaire de Karachi.

Monsieur le procureur, monsieur le garde des sceaux,voulais-je dire, quoique vous ayez toutes les qualitésd’un procureur, ma question est simple : pourquoitant d’obstination à refuser l’indépendance des ma-gistrats du parquet ?

Réponse de M. Michel Mercier, garde dessceaux, ministre de la justice et des libertés.

Monsieur le sénateur Anziani, souvenons-nous dumot de Talleyrand : « Tout ce qui est excessif estinsignifiant ». Vous venez d’en donner un bel exem-ple ! Monsieur Piras, je vous en prie.

Je tiens à rappeler un certain nombre de choses. Toutd’abord, les membres du parquet sont des magis-trats, comme l’indique l’article 66 de la Constitution.Le Conseil constitutionnel a eu l’occasion de le rap-peler à plusieurs reprises, dans des décisionsextrêmement récentes.

Ce sont en outre des magistrats à part entière, quiexercent leur métier en toute indépendance. Cela,personne ne peut le mettre en doute. Vous avezencore la capacité d’en rire, et c’est très bien.

Ce que je dis est pourtant la vérité, et vous seriezbien incapable de prouver le contraire. L’article 64 dela Constitution prévoit expressément que le Conseilsupérieur de la magistrature, le CSM, est chargé d’as-sister le Président de la République dans son rôle degarant de l’indépendance de la justice.

C’est bien le gouvernement actuel et sa majorité quiont réformé le CSM. Désormais, le CSM n’est plusprésidé par le Président de la République. Il estprésidé par le premier président de la Cour de cassa-tion dans sa formation compétente à l’égard desmagistrats du siège, et par le procureur général prèsla Cour de cassation dans sa formation compétente àl’égard des magistrats du parquet.

Questions d’actualité...Justice

Alain ANZIANI, sénateur de la Gironde(séance du jeudi 12 janvier 2012)

Bulletin du Groupe Socialiste du Sénat n° 8 page 49

Page 50: Les sénateurs socialistes

Le CSM fonctionne.

Nous en avons changé la composition, la présidenceet la compétence.

Je tiens en effet à rappeler que c’est le gouvernementactuel, et non la gauche, qui a donné compétence auCSM pour émettre un avis sur la nomination des avo-cats généraux à la Cour de cassation. J’ai mêmedécidé de consulter le CSM pour la nomination del’inspecteur général des services judicaires, alors querien n’était prévu dans les textes.

En outre, j’ai veillé à ce que les avis du CSM soienttoujours suivis.

Toujours ! Vous ne disposez d’aucun exemple prou-vant le contraire !

J’ai une très bonne mémoire, monsieur Piras. Depuisque je suis garde des sceaux, les avis du CSM ont tou-jours été suivis. Si vous avez un seul exemple où teln’a pas été le cas, donnez-le ! Ce que vous avancez estfaux, et vous le savez bien !

L’indépendance des magistrats du parquet est doncassurée.

La question de l’indépendance de la justice n’est pasqu’institutionnelle. Elle repose aussi sur la façon donton traite la justice. En faire un sujet de débat dans lacampagne électorale, c’est normal. En revanche, l’in-strumentaliser – option que vous avez choisie –, c’estnier l’indépendance de la justice !

Bulletin du Groupe Socialiste du Sénat n° 8 page 50

Page 51: Les sénateurs socialistes

Ma questions'adresse auchef du

Gouvernement. Cesdernières semaines,plusieurs ministres sesont évertués àériger la politiqueuniversitaire enexemple de réussitedu bilan Sarkozy. Laréforme del’Université étaitvotre priorité, pour « rendre l’enseignementsupérieur plus compétitif ». Mais, comme dansd’autres domaines, les promesses n’ont pas ététenues, et, aujourd’hui, vous abusez les Français pourcacher ce qui est symbole de reniements, de men-songes et d’échecs.

Alors que le Gouvernement se vante d’avoir sanc-tuarisé le budget de l’enseignement supérieur, avecune démographie étudiante en croissance et de nou-velles obligations contractuelles, ce budget ne suitmême pas l’inflation ! Le candidat Sarkozy promettaitpourtant de l’accroître de 1 milliard d’euros par anpendant cinq ans !

Cette insuffisance de dotation débouche sur des gelsde recrutements, voire des suppressions de postes etde filières par centaines. De nombreux paramètresdécidés sur le plan national échappent à la maîtrisebudgétaire des responsables d’université. Et, loin deles rendre autonomes, votre manière de faire prendleurs présidents en otage. Ou bien ils défendent leursétablissements et ils sont mis à l’index public, ou bienils font des coupes claires que vous leur imposezsournoisement et ils sont instruments de vos bassesœuvres. Dans les deux cas, ils sont humiliés.

La communauté étudiante est en voie de paupérisa-tion accélérée. Ainsi, 40 % des étudiants renoncent àse faire soi-gner faute de moyens. La mise en placedu dixième mois de bourse, juste prise en compte de

l’allongement de la scolarité, occulte la baisse de tousles autres dispositifs d’aide et d’accompagnement. Etvotre projet de TVA sociale appauvrira encore plus lesétudiants, en grevant leur maigre pouvoir d’achat !

Faute de moyens, les CROUS, les Centres régionauxdes œuvres universitaires et scolaires, ne peuventpas répondre aux besoins de logement étudiant, et ilsdevront augmenter les loyers dans les résidences uni-versitaires pour compenser la baisse de leursressources. Quant à « l’opération Campus », il estétabli aujourd’hui que seul 1 % des crédits allouésont été dépensés ! Enfin, comment qualifier l’effetdésastreux de la circulaire Guéant, qui s’attaque auxétudiants étrangers ?

Vous le savez, cette stigmatisation scandaleuse,traduite par une application administrative abusiveet contraire à la loi de 2006, une loi défendue par leministre de l’intérieur de l’époque, Nicolas Sarkozylui-même, est en rupture avec la tradition intel-lectuelle française. Au détriment de l’efficacitééconomique et diplomatique, vous mettez en placeune restriction des flux migratoires des élites de cespays, qui croient encore en la France, condamnantainsi notre pays à rétrécir dans l’imaginaire de lacommunauté internationale.

Alors, de grâce ! Dans les cent jours qui vous restent,n’aggravez pas la situation ! Quand allez-vousabroger purement et simplement la circulaireGuéant, qui entache l’honneur de la France ?

Réponse de M. Claude Guéant, ministre del'intérieur, de l'outre-mer, des collectivitésterritoriales et de l'immigration.

Monsieur le président, mesdames, messieurs lessénateurs, je souhaite d’abord répondre à M. AlainAnziani, qui me reprochait de solliciter le garde dessceaux pour exercer des poursuites contre l’auteurd’une diffamation.

Questions d’actualité...Etudiants étrangers

Dominique GILLOT, sénatrice du Val d’Oise(séance du jeudi 12 janvier 2012)

Bulletin du Groupe Socialiste du Sénat n° 8 page 51

Page 52: Les sénateurs socialistes

Monsieur le sénateur, je ne crée pas un usage dedroit extraordinaire ; j’applique simplement la loi, quiprévoit de passer par le garde des sceaux afin depoursuivre les auteurs de diffamation !

Mme Gillot a interpellé le Gouvernement sur les uni-versités. Je le rappelle, c’est un effort sans précédentqui a été réalisé en faveur de la promotion des uni-versités depuis 2007.

L’autonomie des universités était un principe de fonc-tionnement attendu par la totalité des universités !Et, je dois le dire, c’est pour nous un grand plaisird’entendre aujourd'hui tous les présidents d’univer-sité exprimer leur satisfaction de pouvoir bénéficierde cette autonomie et choisir leurs professeurs !

Il suffit de les écouter : tous, quelles que soient leurspréférences politiques, le disent ! Les présidents d’u-niversité sont désormais maîtres du destin de leurétablissement, avec le conseil d’administration.D’ailleurs, ils demandent même plus d’autonomie.

Vous avez aussi évoqué le plan Campus.

Il est vrai que les procédures ont pu occasionnerquelques retards dans la mise en œuvre du dispositif.Mais il n’empêche que ce plan aboutira à une réno-vation de la consistance physique de nos universités.Enfin, nous aurons de l’interdisciplinarité ! Enfin,nous aurons une vie culturelle grâce à la rénovationde l’immobilier universitaire !

Songeons aussi au programme de grands investisse-ments. Les universités en profiteront largement ; lesdeux tiers du programme iront à l’université et à larecherche ! Ne niez pas l’évidence : c’est la réalité deschiffres !

De même, l’augmentation des crédits des universitésannée après année a été considérable. Le budget del’enseignement supérieur n’a pas été sanctuarisé ; il aété augmenté d’année en année !

J’en viens à la circulaire dite « sur les étudiantsétrangers ». Au risque de vous décevoir, je vousinforme que la circulaire du 31 mai – beaucoup depersonnes la commentent, mais très peu l’ont lue ! –ne porte absolument pas sur les étudiants étrangers.Elle concerne l’immigration professionnelle !

Et si elle fait allusion, il est vrai, aux étudiantsétrangers, c’est simplement pour rappeler deux

droits qui sont les leurs. D’une part, la situation del’emploi ne leur est pas opposable. D’autre part, la loide 2006 leur permet de changer de statut et dedevenir des salariés pour acquérir une premièreexpérience professionnelle et bénéficier ensuite d’unautre titre de séjour, afin de poursuivre leur expéri-ence. La circulaire n’apporte aucune restriction à cesdroits.

Il n’en demeure pas moins que les présidents d’uni-versité, les directeurs d’école ont effectivement faitpart de ce que certaines demandes n’avaient pas étésuivies d’avis positif. Sans doute y a-t-il d’ailleurs uneraison à cela. La tonalité restrictive de la circulaire enmatière d’immigration professionnelle, que je nerenie pas, a pu entraîner des décisions troprigoureuses.

C'est la raison pour laquelle une nouvelle circulaireest en cours de préparation. Elle sera signée aujour-d'hui ou demain. Cette circulaire, qui portera unique-ment sur les diplômés étrangers, rappellera les droitsspécifiques des étudiants étrangers ; elle rappelleraégalement que la nécessaire maîtrise de l’immigra-tion professionnelle ne doit pas porter préjudice ànos entreprises, ni à l’attractivité de notre enseigne-ment supérieur.

Aussi, la circulaire exposera un certain nombre deprincipes qui guideront l’action des préfectures, afinque les décisions prises soient conformes à la volon-té du Gouvernement. Et cette volonté, c’est effec-tivement de développer l’attractivité de notreenseignement supérieur vis-à-vis de l’étranger.

L’an dernier, nous avions 60 000 étudiants étrangers,soit 50 % de plus que trois ans auparavant. Et leschangements de statut sont en augmentation de20 % d’une année sur l’autre.

Bulletin du Groupe Socialiste du Sénat n° 8 page 52

Page 53: Les sénateurs socialistes

La cour d’appel de Paris a ordonné, ce lundi, la suspension du processus de fusion juridique entre RFI etFrance 24, deux filiales de l’AEF, tant que le cahier des charges de la fusion ne sera pas transmis au comitéd’entreprise de RFI.

Quelques jours de gagnés donc pour les salariés de RFI, en grande majorité hostiles à cette fusion, qui doitdéboucher notamment sur le déménagement de la radio internationale à côté du siège de France 24 et sur unsecond plan social.

Nouvel épisode d’une longue série de couacs dans la réforme de l’audiovisuel extérieur français, encore unefois révélateur d’une gouvernance sans ligne stratégique, qui ne respecte ni les critères de transparence et declarté, ni la légalité et dont l’objectif premier semble s’éloigner du rayonnement de la culture et de la languefrançaise !

Et que dire du contrat d’objectifs et de moyens entre l’Etat et AEF devant fixer la trajectoire de la holding pourles trois prochaines années, et dont nous attendons la conclusion depuis 2009.

Il est décidément temps de reconsidérer cette réforme initiée en 2008 par Nicolas Sarkozy. L’audiovisuel exté-rieur français doit rester un vecteur essentiel de la voix de la France dans le monde.

Claudine Lepage,Hélène Conway,

Jean-Yves LeconteRichard Yung

Sénateurs représentants les Français établis hors de France

Yves Rome, Sénateur de l’Oise

Diffusion le 18 janvier 2012

COMMUNIQUE

Bulletin du Groupe Socialiste du Sénat n° 8 page 53

La fusion RFI – France 24 suspendue : une petite victoire pour les salariés de RFI mais une

guerre qui reste à gagner

Page 54: Les sénateurs socialistes

La majorité sénatoriale a fait adopter le texte proposé par le sénateur socialiste Richard TUHEIAVA permet-tant de rétrocéder les atolls de Mururoa et de Fangataufa à la Polynésie française et d’associer les collecti-vités territoriales polynésiennes à leur réhabilitation environnementale.

Trop longtemps la France a nié les conséquences graves pour la santé humaine et l’environnement des 193essais nucléaires atmosphériques et souterrains menés de 1966 à 1996. Cette loi est « un geste important deréconciliation nationale avec notre histoire » a déclaré Philippe ESNOL au nom du groupe.

Selon le rapporteur Roland COURTEAU, il s’agit là de faire la transparence sur l’état réel de contamination deslieux et sur le niveau de risque auquel sont exposés les populations et l’environnement polynésiens. En effet,plusieurs kilos de plutonium sont accumulés sur les fonds marins, des déchets radioactifs sont enfermés dansdes puits de stockage et de fortes inquiétudes existent sur la stabilité des sols des atolls.

Une Commission nationale de suivi des conséquences environnementales des essais nucléaires devra êtrecréée pour établir cette transparence et restaurer une confiance démocratique par la coopération entre lescollectivités territoriales polynésiennes, l’Etat et la population.

Il est regrettable que le gouvernement, qui a donné un avis défavorable à ce texte, n’ait pas saisi l’importan-ce qu’il y a aujourd’hui à restaurer le lien de confiance entre l’Etat français et ce territoire de la République.

Diffusion le 19 janvier 2012

COMMUNIQUE

Bulletin du Groupe Socialiste du Sénat n° 8 page 54

16 ans après l’arrêt des essais nucléaires en Polynésie française,la majorité Sénatoriale adopte un texte visant à reconnaître leurs

conséquences environnementales

Page 55: Les sénateurs socialistes

Afin de garantir à nos concitoyens une campagne propre, le Sénat a adopté sur ma proposition la semaine der-nière une série de dispositions visant à clarifier le cadre juridique s’appliquant au financement des campagnesprésidentielles :

- interdiction d’utiliser à des fins électorales les moyens publics tirés de l’exercice d’une autrefonction élective ;

- imputation sur le compte de campagne de toutes les dépenses engagées dans l’année qui précèdele scrutin dès lors qu’elles sont en rapport avec le débat politique national ;

- consultation ouverte à tous les candidats de la Commission Nationale des Comptes de Campagne et du Financement des Partis (CNCCFP) sur l’imputabilité de telle ou telle dépense et saisinepossible du Conseil Constitutionnel en cas de désaccord pour stabiliser les règles juridiquesapplicables ;

- contestation ouverte à tout candidat de la régularité des comptes de campagne d’un autrecandidat devant le Conseil Constitutionnel ;

- modification des règles de remboursement qui seraient désormais calculées en fonction du nombrede voix obtenues par chaque candidat.

Ce dispositif d’ensemble, rendu nécessaire à la fois par les polémiques récentes et par les révélations diffuséesces dernières semaines sur l’origine des fonds ayant alimentés certaines campagnes présidentielles, a étérejeté sans débat par la majorité UMP lors de la Commission Mixte Paritaire qui s’est tenue ce mercredi18 janvier, ce qui manifeste clairement le refus du Président de la République comme du gouvernement delever les ambiguïtés de la législation actuelle.

Le gouvernement s’est en effet retranché derrière le fait que l’on ne modifie pas les règles à trois mois d’unscrutin alors que c’est pourtant ce qu’ils nous proposent de faire à travers le projet de loi organique qui sertde base à la réforme ambitieuse et juste que nous proposons.

Diffusion le 19 janvier 2012

COMMUNIQUE

de Gaëtan GORCESénateur de la Nièvre

Rapporteur du projet de loi organique relatif au remboursement des dépenses électorales de la campagne présidentielle

Bulletin du Groupe Socialiste du Sénat n° 8 page 55

L’UMP fait obstacle à toute clarification du financement des campagnes présidentielles

Page 56: Les sénateurs socialistes

Bulletin du Groupe socialiste du Sénatavec la participation des collaborateurs du groupe

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Aïcha KRAI

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