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Les tumeurs kystiques du pancréas

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Page 1: Les tumeurs kystiques du pancréas

I m a g e r i e m 6 d i c a l e e t e n d o s c o p i e

Les tumeurs kystiques du pancr6as

L. PALAZZO (*, **, ***), P. HAMMEL (*), CH. CELLIER (**), PH. RUSZNIEWSKI (*)

* FOddration MOdico-chirurgicale d'hOpato-gastro-entOrologie, HOpital Beaujon, Clichy (France)

** Service d'h@ato-gastro-entOrologie, H@ital Pompidou, Paris (France) *** 30, rue d'Astorg, 75008 Paris (France)

Cystic pancreatic tumours

RESUMI~

Les ldsions kystiques du pancr6as regroupent les pseudo-kystes, les tumeurs kystiques et les kystes vrais du pancr6as. Les pseudo-kystes reprdsentent fi eux-seuls pr6s de 90 % des ldsions kystiques du pancrdas. Les cystaddnomes s6reux et mucineux, les cystad6nocarcinomes et les tumeurs intra-canalaires papillaires et mucineuses du pancr6as reprdsentent la majorit6 des tumeurs kystiques du pancr6as. Les autres 16sions kystiques (tumeurs kystiques et papillaires, tumeurs endocrines kystiques, kystes congdnitaux du pancr6as uniques ou multiples...) sont encore plus rares. Le diagnostic pr~-op~ratoire des 16sions kystiques conditionne l'attitude th~rapeutique. En effet, certaines d'entre elles sont potentiellement malignes (cystad6nomes mucineux, cystad6nocarcinomes, tumeur intra-canalaire papillaire et mucineuse, tumeur kystique et papillaire, tumeur endocrine kystique) et doivent ~tre r6s6qu~es chirurgicalement alors que d'autres (pseudo-kystes, et eystad~nomes s6reux) sonl b6nignes ou pratiquement toujours b6nignes. Le contexte elinique peut orienter vers un type de 16sion. Ainsi, le diagnostic de pseudo- kyste doit fitre 6voqu6 en priorit6 chez un malade atteint de pancr6atite chronique ; h l'opposfi, le diagnostic de cystad6nome pancr6atique dolt ~tre envisag6 d'emblde en pr6sence d'une 16sion kystique peu ou pas symptomatique chez une femme d'fige moyen n'ayant pas d'ant6c6dent de pancr6atite. Le diagnostic pr6-op6ratoire du type de ldsion est correctement effectu6 trois lois sur quatre avec les techniques d'imageries (6chographie, scanner, CPRE, 6cho-endoscopie). En revanche, lorsque l'on est en pr6sence d'une 16sion macrokystique unique du pancrdas, il est souvent impossible de trancher entre un pseudo-kyste, un cystaddnome mucineux ou un cystaddnome sdreux macro-kystique. La ponc- tion et le recueil de liquide kystique au mieux effectuds par voie 6cho-endoscopiquement guidde permettent alors de rdaliser une 6tude cyto logique et une analyse du taux des enzymes pancrdatiques et des marqueurs tumoraux (ACE, CA 19-9, CA 72-4~ mucines) qui sont suscep- tible~ d'apporter des informations compl6mentaires/~ celles de l'imagerie pour le diagnostic de la 16sion kystique ~tudi~e.

GF.NERALITES

La d6couverte d'une 16sion kystique du pancr6as (LKP) par l'imagerie est une situation de plus en plus fr6quente en pratique courante, qui peut parfois poser de d~licats probl6mes de diagnostic et de conduite ~ tenir. 90 % des 16sions kystiques du pan- cr0as sont des pseudo-kystes (PK) tandis que les tumeurs kystiques du pancr6as (TKP) constituent l'essentiel des 10 % restants. Les TKP repr6sentent environ 5 % des tumeurs du pancr6as. Les cystad6- nomes s6reux (CS), les cystad6nomes mucineux (CM), les cystad6nocarcinomes (CK) et les tumeurs intra-canalaires papillaires et mucineuses du pan- cr6as (TIPMP) reprdsentent l'immense majorit6 de ces tumeurs kystiques du pancrdas. Les pseudo- kystes se rencontrent en cas de pancr6atite chronique ou en cas de pancr6atite aiguE. Ils peuvent 6tre r6ten- tionnels (liquide clair) en cas de pancr6atite chro- nique ou en amont d'un obstacle tumoral. Ils peuvent ~tre n~crotiques (liquide teint6 ou brunfitre) en cas de pancrdatite aigu~ quelle qu'en soit l'6tiologie (pancr~atite aigu6 biologique ou poussde de pancr~a-

tite aiguO sur pancr6atite chronique...). A part, se situe la dystrophie kystique sur pancr6as aberrant du duod6num (DKPA), qui correspond ~ des remanie- ments kystiques dus ~ des ph6nom6nes inflamma- toires d'un pancr6as aberrant du 1 er ou du 2 e duod6num, situation qui s'observe dans environ 5 % des pancr~a- tires chroniques alcooliques, et exceptionnellement isoldment.

Les autres ldsions kystiques du pancrdas sont tr~s rares mais deux d'entre elles m6ritent d'6tre indivi- dualis6es : il s'agit de la tumeur kystique et papillaire et de la tumeur endocrine kystisde.

Citons enfin pour mdmoire le lymphangiome, le kyste solitaire, la polykystose pancr~atique (dans le cadre du syndrome de Von Hippel Lindau), la mdta- stase kystique et le kyste hydatique.

C Y S T A D E N O M E SEREUX (CS)

I1 s'agit d'une tumeur constamment b6nigne (cinq cas seulement de cystad~nomes s6reux malins ont 6t6

Tir6s h part : L. PALAZZO, 30, rue d'Astorg, 75008 Paris. T61 : 01.47.42.12.49. T616copie :01.42.66.36.81. E-mail : laurent.palazzo@wanadoo,fr

Mots-cl~s: cancer du pancr6as, imagerie, ponction guid6e par voie 6cho-endoscopique, tumeurs kystiques du pancr6as.

K e y - w o r d s : EUS guided-fine needle aspiration, imaging modalities, pancreatic cancer, pancreatic cystic tumours,

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d6crits dans la litt6rature mondiale ~ ce jour) de d6couverte fortuite par une technique d'imagerie, dans 50 % des cas. De vagues douleurs dpigastriques conduisant ?~ la r6alisation d'une 6chographie sont pr6sentes dans pr6s de 50 % des cas. La d6couverte par le malade d'une masse abdominale est possible. Une compression biliaire et wirsungienne est possible bien qu'exceptionnelle en cas de tumeur trbs volumi- neuse.

Le CS touche un peu plus souvent la femme que l'homme (sexe ratio f/h: 1,5), l'fige moyen est supd- rieur h 60 ans. La localisation c6phalique (40 %) est aussi fr6quente que la localisation caudale, le corps 6tant moins souvent atteint. La taille varie de quelques mm ~ 15 ou 20 cm. Cette tumeur richement vascularis6e est form6e de nombreux petits kystes, le plus souvent millim6triques, mais qui peuvent atteindre plusieurs cm parfois, bord6s d'un 6pithd- lium unistratifi6, riche en glycog~ne. Le liquide contenu dans les kystes est eau de roche, parfaite- ment fluide.

Trois formes anatomo-radiologiques peuvent ~tre observ6es :

- - La forme la plus fr6quente est le cystad6nome s6reux micro-kystique (aucun des kystes ne mesure plus de 2 cm de diam6tre) donnant un aspect alvdo- laire en nid-d'abeilles, s6par6 par des cloisons en rayons de roue avec dans 30 % des cas, une cicatrice centrale calcifi6e.

- - La forme macro-kystique (pr6sence d'un ou de plusieurs kystes de plus de 2 cm de diam6tre), est rare et pose de difficiles probl6mes diagnostiques avec les autres 16sions macrokystiques et notamment le cysta- d6nome mucineux.

- - La forme mixte est plus fr6quente que la prdcd- dente, et associe des micro-kystes et un ou plusieurs macro-kystes.

lmagerie du cystaddnome s6reux micro-kystique

En 6chographie, l'aspect typique est celui d'une masse tumorale assez bien limit6e, h6t6rog6ne, hypo- 6chog~ne, parsem6e de micro-kystes (1-20 ram), don- nant un important renforcement p6riph6rique t6moi- gnant de la nature en majorit6 liquidienne de la tumeur. Parfois, le diagnostic est plus difficile retrou- vant une masse tumorale assez 6chog~ne, sans kyste individualisable. L'6cho-endoscopie est alors tr6s int~ressante en raison de son pouvoir de r6solution sup6rieur car elle montre que la structure de cette masse tumorale est tr6s particuli6re, feuillet6e, parse- m6e d'innombrables images an6chog~nes millim6- triques, avec parfois un ou plusieurs petits kystes plus volumineux en p~riph6rie. L'616ment essentiel est l'existence d'un renforcement p6riph6rique tr~s net qui t6moigne de la nature kystique de la tumeur.

L'existence d'une calcification plus ou moins cen- trale retrouv6e dans 30 % des cas en 6cho-endosco- pie, moins souvent en 6chographie, est quasiment pathognomonique du diagnostic.

La tomodensitom6trie au mieux effectu6e en mode spiral6 est compl6mentaire de l'6chographie et/ou de l'6cho-endoscopie et dolt systdmatiquement atre associde fi l 'une ou l'autre de ces deux techniques pour affirmer le diagnostic de cystad6nome s6reux micro-kystique dans sa forme typique permettant une abstention th6rapeutique.

Avant injection, il s'agit d'une masse hypodense assez bien limit6e, avec prdsence d'une calcification centrale dans 30 % des cas. Apr~s injection, on observe un rehaussement tr6s net des fines cloisons de la tumeur donnant l'aspect caract6ristique en nid- d'abeilles.

L'association d'un aspect 6chographique ou 6cho- endoscopique typique et d'un aspect tomodensitom6- trique caract6ristique est retrouv6e une fois sur deux permettant d'affirmer le diagnostic de cystad6nome sdreux et de surseoir fi toute exploration invasive e ta fortiori de surseoir g une ex6r6se mutilante inutile et potentiellement dangereuse notamment en cas de localisation c6phalique.

Imagerie des cystad~nomes s~reux macro-kystiques

L'6chographie met en 6vidence une formation kys- tique uni ou multi-loculaire faite d'un ou de plusieurs kystes de plus de 2 cm de diam~tre, s6pards par des cloisons fines, plus facilement d6tect6es par l'6cho- endoscopie qui montre que ces cloisons se r6partis- sent en rayons de roue 5 partir d'une zone centrale, excentr6e le plus souvent, au sein de laquelle, il est facile de mettre en 6vidence l'existence de micro- kystes millim6triques. Point important: le contenu des macro-kystes apparatt toujours totalement trans- sonore en 6cho-endoscopie.

L'aspect tomodensitomdtrique n'est pas sp6ci- fique.

Au terme de ce bilan d'imagerie, il est rare que la certitude du diagnostic de cystad6nome sdreux puisse atre apport6e et le diagnostic diff6rentiel avec les tumeurs mucineuses reste le plus souvent en suspens.

C'est dans cette forme anatomo-radiologique du CS que la ponction et l'analyse du liquide intra-kys- tique apportent des informations d6terminantes pour la conduite fi tenir.

Imagerie des cystad~nomes s~reux mixtes

La tumeur est constitu6e d'une zone pseudo-tissu- laire micro-kystique fi laquelle s'associent un ou plu- sieurs macro-kystes en p6riphdrie, s6pards par de fines cloisons. L'6chographie est rarement perfor- mante, l'6cho-endoscopie est tr~s souvent caract6ris- tique en montrant l'aspect feuillet6 de la zone pseudo-tissulaire, le caractbre parfaitement trans- sonore ~ paroi fine et/a cloison fine des macro-kystes qui est pathognomonique du diagnostic lorsqu'il existe une calcification centrale. L'aspect tomodensi- tom6trique est 6galement souvent caractdristique, l'association des deux examens apportant souvent la certitude diagnostique et permettant l'abstention th6- rapeutique. En cas de doute, lg encore, c'est l'analyse

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du liquide ponctionn6 qui permet d'affirmer ou d'in- firmer le diagnostic suspect6 par l'imagerie.

CYSTADI~NOME MUCINEUX (CM)

Il s'agit d'une tumeur potentiellement maligne (pouvant ~voluer vers le cystaddnocarcinome) tou- chant 6 fois plus souvent la femme que l 'homme, habituellement entre 40 et 50 ans. La localisation cor- por6o caudale est nettement pr6dominante, puisque retrouv6e dans 70 fi 90% des cas. La taille est variable, allant de 1 h 20 cm. Les tumeurs de moins de 3 cm de diam~tre sont le plus souvent bdnignes, alors que les tumeurs de plus de 8 cm de diam~tre sont sou- vent malignes. D'un point de vue anatomo-radiolo- gique, te cystad6nome mucineux est une tumeur macro-kystique qui peut 6tre uni ou multiloculaire.

Imagerie des cystad6nomes mucineux

L'6chographie montre une 16sion an6chog~ne, liquidienne, uni ou multi-kystique, avec pr6sence de cloisons internes, souvent ~paisses et peut parfois montrer l'existence d'excroissances qui naissent de la paroi p~riph6rique du kyste ou de ses cloisons. L'as- pect 6cho-endoscopique est superposable, montrant plus facilement les cloisons, et il est assez caract6ris- tique quand le contenu du ou des kystes est 6pals ou pr6sente un s6diment d6clive. La paroi de la tumeur est parfois 6paisse et il existe des calcifications ou des 6bauches de calcifications pfiriph6riques plut6t arci- formes darts 15 % des cas. La tomodensitomdtrie montre une ldsion hypodense bien limit6e, habituel- lement ronde, et met en 6vidence des calcifications p6riph6riques dans 15 % des cas. En revanche, les cloisons sont le plus souvent invisibles avant l'injec- tion et real visibles apr6s l'injection. Les vdgdtations endo-kystiques peuvent ~tre facilement raises en ~vi- dence par la tomodensitom~trie lorsqu'elles sont volumineuses. Le diagnostic diffdrentiel principal par ordre de fr~quence est le pseudo-kyste, conduisant en cas d'erreur fi la r6alisation de d6rivations kysto@ju- nales ou de drainages percutands, ou ~ une simple surveillance. A l'inverse, un certain nombre de cysta- ddnomes s6reux dans une forme macro-kystique peu- vent 6tre consid6r6s fi tort comme des cystad6nomes mucineux, et conduire ~ des ex6r6ses inutiles. De plus, il existe parfois des remaniements inflamma- toires autour des cystad6nomes mucineux ce qui peut compliquer encore le diagnostic. C'est la raison pour laquelle l'analyse du liquide ponctionn6 g l'int6rieur de la 16sion kystique est utile chaque lois qu'il existe un doute diagnostique, situation assez fr6quente en pratique.

CYSTADENOCARCINOME

I1 s'agit d'une tumeur maligne qui touche aussi sou- vent l'homme que la femme, ce qui est a priori para- doxal compte tenu du sexe ratio des cystad6nomes mucineux b6nins. Cette tumeur survient le plus sou-

vent entre 55 et 65 ans et deuxi~me paradoxe, a une localisation c6phalique dans 60 % des cas (alors que les cystad6nomes mucineux sont localis6s dans la tote du pancr6as dans 10 g 30 % des cas selon les s6ries). De fait, une tumeur macro-kystique d'allure muci- neuse touchant la t~te du pancrdas chez un homme de 65 ans, a une haute probabilit6 d'atre un cystad~no- carcinome.

I1 s'agit d'une tumeur macro-kystique, uni ou mul- tiloculaire, pr6sentant assez souvent des v6g6tations pari6tales. La ddg6n6rescence peut 6tre minime, limi- t6e ?~ une petite portion de la paroi de la tumeur kys~ tique ou 6tre 6vidente avec pr6sence d'une masse tumorale en p6riphdrie du kyste. Le diagnostic est ais6 lorsqu'il existe des signes de malignit6 sous la forme d'une masse tumorale, d'ad~nopathies d'allure maligne ou d'un envahissement vasculaire ou de m6tastases h6patiques. En cas de forme macro-kys- tique, d'allure bdnigne, en 6chographie ou en tomo densitom6trie, c'est l'6cho-endoscopie qui est la plus performante pour ddtecter des signes sugg6rant la malignit6, notamment lorsqu'il existe une vdg6tation pari6tale envahissant le parenchyme pancr6atique adjacent avoisinant.

TUMEUR INTRA-CANALAIRE PAPILLAIRE ET MUCINEUSE DU PANCREAS (TIPMP)

Cette tumeur dont la d6nomination OMS, remonte quelques ann6es, est une entit~ connue depuis long-

temps par les anatomo-pathologistes, mais qui a fait l'objet de nombreuses d6nominations selon les pays et selon les pfiriodes. Citons par exemple, le terme de papillomatose du pancr6as, d 'ad6nomatose des canaux pancr6atiques, de maladie d'Ita'f (ductectatic mucine producing tumor), celui de tumeur mucineuse intra-canalaire, d'ectasie canalaire mucineuse, d'in traductal mucin-hypersecreting tumor et celui d'in traductal papillary neoplasm et enfin celui, tr6s inap- propri6, de cystad6nocarcinome intra-canalaire.

I1 s'agit d'une prolifdration papillaire de l'6pith6- lium canalaire, qui peut 6tre localisde ou diffuse. Cette hyperplasie ou cette tumeur produit de manihre exagdr6e, des mucines, la quantit6 de mucines produites 6tant variable, et expliquant les pr6sentations anatomo-cliniques et radiologiques dif- f6rentes. Le point commun de chacune des formes de cette maladie est qu'ii existe des dilatations canalaires pseudo-kystiques.

Trois formes anatomo-radiologiques sont d6crites :

- - la forme localis6e au canal principal (main duct type), la forme localis6e aux canaux secondaires (Branch duct type) et la forme mixte touchant le canal principal et les canaux secondaires. Cette tumeur est potentietlement maligne. Dans les grandes s6ries chirurgicales, rOcemment publi6es, il existait plus de 40 % de cancer invasif, pros de 10 20 % de dysplasie s6vbre (carcinome in situ), et pr6s de 30/~ 40 % d'hyperplasie ou de dysplasie minime g mod6rde. L'homme est touch6 trois fois plus souvent

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que la femme, l'fige moyer~ 6tant situ~ entre 60 et 65 ans. Le mode de pr6sentation clinique le plus frd- quent est la pancrdatite aiguE inexpliqu~e, parfois r6p6tition, dont la caract6ristique est de n'6tre jamais une pancr6atite aigu6 grave. Ce mode de pr6senta- tion est observ6 dans pros de 40 % des cas.

Une insuffisance pancr6atique exocrine et/ou endocrine rdv61e la maladie dans 30 % des cas. Une prdsentation ndoplasique t6moignant d'une forme 6votu6e peut ~galement 6tre r6v61atrice de cette maladie. Signalons enfin, un mode de d6couverte dont la frdquence augmente depuis quelques anndes,

savoir celui d'incidentalome d'imagerie, chez des patients asymptomatiques.

La localisation de la tumeur est pr6fdrenliellement la t~te et l'istt~me, qui reprdsentent 60 ~ 70 % des cas, une atteinte corpordo-caudale isol~e est retrouv6e dans 10 ?a 20 % des cas, tandis qu'une atteinte diffuse est observ6e clans 10/~ 20 % des cas.

La forme la plus fr6quente est la forme localisde aux canaux secondaires (40 %), tandis que la forme localis6e au canal principal et la forme mixte sont ~-etrouvdes clans 30 % des cas chacune.

La forme touchant le canal principal et la forme mixte sont de pronostic nettement plus pdjoratif que la forme localis6e aux canaux secondaires.

Cependant, le g6nie 6volutif de ces tumeurs est d'une mani6re gdndrale impr6visible puisque des his- toires cliniques d6passant 20 ans avec histologique- ment, une dysplasie mod6rOe om 6t6 rapport6es tan- dis que des 6volutions foudroyantes vers des cancers tr6s peu diff6rencies ont 6galement dt6 observ6es dans des formes apparemment totalement bdnignes au d6but de la maladie. D'une mani6re g6n6rale, la tumeur intra-canalaire papillaire et mucineuse dans sa forme touchant le canal principal ou sa forme mixte est une indication op6ratoire a priori formelle saul contre-indication li6e au terrain, tandis que les formes localisdes aux canaux accessoires peuvent ~tre surveilldes, lorsqu'elles sont de ddcouverte fortuite, surtout lorsqu'elles touchent la t6te du pancrdas, obli- geant fi une intervention lourde.

Le type de l'intervention et notamment l'impor- tance de l'exdr~se reposent sur le diagnostic d'exten- sion longitudinale de la maladie le long des canaux pancrdatiques. Ce diagnostic est difficile/~ l'aide des techniques d'imagerie, si bien que l'dtude histolo- gique per-op6ratoire extemporande de la tranche de section, est indispensable pour confirmer le diagnos- tic pr6-op6ratoire de localisation, et juger du carac- tbre complet de l'ex6rbse.

Imagerie des TIPMP

En ~chographie et en tomodensitom6trie, il s'agit dans sa forme typique, d'une image kystique uni ou multi-kystique, localis6e au crochet du pancrdas, ?a contour net, associ6e 5 une dilatation du canal princi- pal dans la t~te.

La pancr6atographie r6trograde endoscopique est consid6r6e comme l'examen de r6fdrence pour affir- mer le diagnostic.

L'existence d'une papille bdante par o/a s'dcoule du mucus, retrouvde dans 40 • 50 % des cas, est patho- gnomonique de l'affection.

Une dilatation du canal principal avec pr6sence d'une ou plusieurs lacunes mobiles est 6galement caract6ristique, chez un patient indemne de pancrda- tite chronique.

L'existence d'une dilatation d'un ou de plusieurs canaux du crochet du pancr6as, contenant une lacune mobile est 6galement tout ?a fait caract6ristique. Cependant, le diagnostic diff6rentiel wirsungogra- phique entre une TIPMP el une pancr6atite chro- nique est parfois difficite en l'absence d'~coulement de mucus par la papille, si bien que des avis sp6ciali- sds peuvent ~tre demand6s en cas de doute.

L'6cho-endoscopie a ~t6 rdcemment test6e pour le diagnostic de cette affection. Ses rdsultats sont corn- parables ~ ceux de la wirsungographie rdtrograde et sup6rieurs ~ ceux de l'6chographie et du scanner. L'Echo-endoscopie a l'avantage de coupler l'6tude endoscopique de la papille fi la recherche d'un 6cou- lement de mucus et d'~tudier la totalit~ de l'arbre pancr6atique. Elle permet ainsi de ddtecter des dila- tations des canaux accessoires non opacifids lors de la wirsungographie, de permettre un diagnostic diff6- rentiel formel entre un bouchon de mucus et une localisation tumorale intra-canalaire, de d6tecter des petites dilatations kystiques des canaux accessoires invisibles en 6chographie ou en tomodensitom6trie, et non opacifides en wirsungographie, ce qui est un dldment important, pour le diagnostic de diffusion de la maladie.

L'autre avantage de l'6cho-endoscopie est la possi- bilit6 de rechercher des signes de malignit6, intra- pancr6atique, non d6tectables par les autres tech- niques d'imagerie, notamment lorsqu'il existe des formations polypo~'des qui franchissent les limites de la paroi canalaire, pour envahir le parenchyme avoisi- nant.

Cependant, ni l'6chographie, ni le scanner, ni la cholangio-pancr6atographie r6trograde, ni l'6cho- endoscopie, ne sont fi eux seuls, suffisamment prddic- tifs de l'existence d'une malignit6 invasive d'une part, et d'une localisation pr6cise de l'extension longitudi- nale.

Pour ces deux facteurs essentiels h la prise en charge thdrapeutique, l'~cho-endoscopie et la wirsun- gographie r6trograde font jeu 6gal, h savoir une prd- cision diagnostique correcte dans un peu plus de 80 % des cas. C'est la raison pour laquelle la combinaison de ces deux examens dolt Otre recommandde en l'6tat actuel des connaissances. Quand ~ la wirsungogra- phie IRM, il s'agit d'une technique tr6s sdduisante dans cette maladie. Si elle est extrOmement ddmons- trative dans les formes typiques, sa valeur darts les formes plus difficiles et notamment dans les formes mixtes ou localisdes aux canaux secondaires n'est pas

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d6montr6e actuellement el m6ritera des travaux prospectifs sur des s6ries importantes, avant d'fitre valid6e.

En cas d'impossibitit6 d'accdder fi une 6cho-endo- scopie spdcialisde sur le sujet, la pancrdatographie IRM est un bon compl6ment de la wirsungographie r6trograde aprbs bien stir l'~tape initiale incontour- nabte que constitue la r6alisation de l'6chographie et de la tomodensitom6trie, au mieux rdalisde en mode spiral&

PONCTION DES LESIONS KYSTIQUES DU PANCREAS

Les limites de l'imagerie pour te diagnostic des 16sions kystiques du pancr6as ont incit6 ~ d6velopper d'autres m6thodes d'approche diagnostique telle que la ponction du liquide intra-kystique, avec 6tude des marqueurs biochimiques et tumoraux.

Ce recueil peut 6tre effectual par voie 6chogra- phique, par voie scanographique, mais il est apparu que la meilleure technique ~t proposer 6tait la ponc- tion 6cho-endoscopiquement guid6e.

La ponction 6cho-endoscopiquement guid6e a deux avantages importants en pratique par rapport aux ponctions externes :

- - d'une part, elle a un avantage en terme d'effica- cit6, puisqu'elle permet d'accdder fi des 16sions kys- tiques de tr6s petite tai[le, de l 'ordre du cm (des kystes plus petits peuvent 6tre ponctionn6s mais cela a peu d'int6r6t, car un minimum d'l cc de recueil est ndcessaire ~ l'analyse). L'utilisation de l'6cho-endo- scopie permet de plus un acc6s plus direct et moins dangereux aux 16sions kystiques cdphaliques, et cau- dales ;

- - le deuxibme avantage consiste ~ minimiser le risque d'essaimage de cellules tumorales le long du trajet de ponction, notamment en cas de 16sion kys- tique c6phalique, puisque le trajet de ponction pourra faire l 'obje t d 'une ex6rbse lors de la duoddno- pancr6atectomie c6phalique s'il s'agit d'une tumeur maligne ou potentiellement maligne. Pour les 16sions corpor6o-caudales, le trajet de ponction est rdduit ~i quelques mm, ce qui minimise consid6rablement le risque d'essaimage. A c e jour, aucun essaimage de cellules tumorales n'a 6t6 rapportd apr~s ponction 6cho-endoscopiquement guid6e d'une ldsion kys- tique pancrdatique.

Un certain nombre de dosages peuvent ~tre effec- tuds dans le liquide des 16sions kystiques du pancr6as. I1 s'agit de l'amylase, de la lipase, du dosage de l'anti- g6ne carcino-embryonnaire, du CA 19-9, du CA 72-4, des mucines M1 et de maniare plus r6cente, la recherche de la mutation Ki-Ras dans le liquide de ponction.

Cystad~nome s~reux

Un ACE inf6rieur ~ 5 ng/ml d6tecte 100 % des cys- tad6nomes s6reux. Cependant, la sp6cificit6 n'est que

de 90 %, et la valeur pr6dictive positive est de l'ordre de 60%.

Un CA 19-9 inf6rieur ~ 150, affirme le diagnostic de cystad6nome sdreux, mais la sensibilit6 de ce chiffre n'est que de 60 %.

Un ACE sup6rieur ~ 5 ng/ml, un CA 1%9 sup6rieur 50.000, une amylase sup~rieure ~ 5.000 exctuent le

diagnostic de eystadgnome s6reux.

Tumeur mucineuse (cystad~nome mucineux, cystad~nocarcinome, TIPMP)

Un CA I%9 sup6rieur ?~ 50.000 d6tecte 75 % des tumeurs mucineuses.

Un ACE sup6rieur ~ 400, un dosage des mucines M1 sup6rieur ~ 1.200 et un dosage du CA 72-4 sup6- rieur g 25, affirment le diagnostic de tumeur muci- neuse.

Un ACE inf6rieur • 5, et un CA 19-9 inf6rieur 5 150 excluent le diagnostic de tumeur mucineuse.

Pseudo-kyste

Un dosage de l'amylase supdrieur ~t 5.000 d6tecte 95 % des pseudo-kystes, mais sa valeur pr6dictive positive n'est que de 85 %.

Un CA I9-9 inf6rieur ~ 150 et une lipase inf6rieure 2.000 excluent te diagnostic de pseudo-kyste.

En r6sumd, dans le cystadOnome sOreux, tousles dosages effectuds donnent des valeurs basses.

Dans les turneurs mucineuses, ~'ACE, le CA 19-9, |e CA 72-4 sont 61ev6s, les mucines M1 sont habituelle- ment 61ev6es, tandis que l'amylase et la lipase sont variables.

Dans les pseudo-kystes, l'amylase et la lipase sont 61ev6es, FACE, le CA 19-9 et les mucines M1 sont variables, tandis que le CA 72-4 est bas.

La ponction guid~e des 16sions kystiques du pan- cr6as permet 4galement de recueillir dans un certain nombre de cas des cellules en suspension, permettant une 6tude cytologique.

Parfois et notamment dans les tumeurs ayant un contingent solide ou pseudo-solide, une micro-biop- sie est possible. Cependant, il existe de nombreuses limites que nous ne d6taillerons pas, dans l'analyse cytologique et histologique des Idsions kystiques du pancrdas, si bien qu'un diagnostic exact du type de la 16sion kystique, dans les cas o/a la cytologie est inter- pr6table n'est r6alis6 en pratique que dans la moiti6 des cas.

CONCLUSION

Le diagnostic d'une tumeur kystique du pancr6as repose sur l'analyse des donn6es cliniques et d'image- rie aux premiers rangs desquelles l'6chographie, la tomodensitom6trie, puis lorsque cela est n6cessaire, l'6cho-endoscopie et la wirsungographie. L'imagerie

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par r6sonance magn6tique avec notamment la pan- cr6ato-IRM peut fitre utile, mais sa valeur diagnos- tique n'est pas encore valid6e.

Dans les cas difficiles, et notamment en cas de 16sion macro-kystique, ou en cas de 16sion de petite taille, une ponction au mieux par voie 6cho-endosco- piquement guidde avec recueil du liquide pour ana- lyse des marqueurs (amylase, lipase, CA 19-9, ACE,

CA 72-4, mucines) et 6tude cytologique ou histolo- gique du mat6riel recueilli augmente les chances d'ar- river ~ un diagnostic exact, afin de s61ectionner les malades ayant une 16sion potentiellement maligne qui doit faire l'objet d'une r6section chirurgicale, et 6viter aux malades ayant une 16sion b6nigne sans potentiel 6volutif, une sanction chirurgicale particu- li~rement lourde et mutilante.

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