Upload
phungtuong
View
232
Download
2
Embed Size (px)
Citation preview
HAL Id: tel-00919415https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00919415
Submitted on 16 Dec 2013
HAL is a multi-disciplinary open accessarchive for the deposit and dissemination of sci-entific research documents, whether they are pub-lished or not. The documents may come fromteaching and research institutions in France orabroad, or from public or private research centers.
Larchive ouverte pluridisciplinaire HAL, estdestine au dpt et la diffusion de documentsscientifiques de niveau recherche, publis ou non,manant des tablissements denseignement et derecherche franais ou trangers, des laboratoirespublics ou privs.
Lvaluation scolaire en question : de lactivit desenseignants aux conduites des lves : impact des
valuations proposes et des modalits de groupementsur les conduites des lves du secondaire en ducation
physique et sportiveLucie Mougenot
To cite this version:Lucie Mougenot. Lvaluation scolaire en question : de lactivit des enseignants aux conduites deslves : impact des valuations proposes et des modalits de groupement sur les conduites des lvesdu secondaire en ducation physique et sportive. Education. Universit Ren Descartes - Paris V,2013. Franais. .
https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00919415https://hal.archives-ouvertes.fr
UNIVERSITE PARIS DESCARTES
UFR STAPS
cole doctorale 456 Sciences du Sport, de la Motricit et du Mouvement Humain
Laboratoire : GEPECS quipe Techniques et Enjeux du Corps. EA 3625.
LVALUATION SCOLAIRE EN QUESTION : DE LACTIVITE DES
ENSEIGNANTS AUX CONDUITES DES ELEVES.
Impact des valuations proposes et des modalits de groupement sur les conduites des lves du
secondaire en ducation physique et sportive.
Thse en vue de lobtention du grade de Docteur de lUniversit Paris Descartes
Discipline : Sciences et techniques des Activits Physiques et Sportives
Prsente et soutenue publiquement par
Lucie Mougenot
Le 21 novembre 2013
Tome 1
Membres du jury :
ric DUGAS Professeur, Universit Montesquieu Bordeaux IV, Directeur de thse.
Ghislain CARLIER Professeur, Universit catholique de Louvain, rapporteur.
Patrick RAYOU Professeur, Universit Paris VIII, rapporteur.
Luc COLLARD Professeur, Universit Paris Descartes.
Marc VANTOUROUT Matre de confrences, Universit Paris Descartes.
1
Sommaire
Tome 1
Table des acronymes _______________________________________________ 2
Remerciements ___________________________________________________ 3
Introduction ______________________________________________________ 4
Partie 1 : enjeux et difficults de lvaluation scolaire __________________________ 22
Chapitre 1 : lactivit valuative des enseignants, tat des lieux de
lvaluation scolaire _______________________________________________ 23
Chapitre 2 : la prise de dcision en contexte collectif ____________________ 69
Chapitre 3 : les relations socio-affectives dans les situations dinteraction ____ 84
Partie 2 : prsentation de ltude __________________________________________ 98
Chapitre 4 : mthodologie gnrale __________________________________ 99
Chapitre 5 : lactivit valuative des enseignants _______________________ 119
Chapitre 6 : discussion : des mises en uvre communes qui intgrent les lves
dans leur valuation en EPS malgr une prsence forte de la notation ________ 168
Partie 3 : lvaluation des conduites des lves _______________________________ 197
Chapitre 7 : mthodologie dtaille __________________________________ 198
Chapitre 8 : analyse sociomtrique ___________________________________ 250
Chapitre 9 : analyse des conduites motrices ____________________________ 272
Chapitre 10 : analyse des conduites verbales ___________________________ 320
Chapitre 11 : discussion ; des progressions ingales selon les choix
pdagogiques ____________________________________________________ 344
Conclusion ____________________________________________________________ 380
Bibliographie __________________________________________________________ 386
Table des matires ______________________________________________________ 401
Index des auteurs _______________________________________________________ 411
Tome 2
Annexes
2
Table des acronymes
ADMEE : Association pour le Dveloppement des Mthodologies dvaluation en
ducation
ANOVA : ANalysis Of VAriance
AS : Association Sportive
BOHS : Bulletin Officiel Hors Srie
CP : Comptence Propre
CRPE : Concours Rgional de Professeur des coles
DEPP : Direction de lvaluation, de la Prospective et de la Performance
EPS : ducation Physique et Sportive
ESPE : cole Suprieure du Professorat et de Lducation
GEPECS : Groupe dtude Pour lEurope de la Culture de la Solidarit
IO : Instructions Officielles
IPR : Inspecteur Pdagogique Rgional
IUFM : Institut Universitaire de Formation des Matres
LP : Lyce Professionnel
PEGC : Professeur dEnseignement Gnral de Collge
PISA : Program of International Student Assessment
SEGPA : Section dEnseignement Gnral et Professionnel Adapt
SNEP : Syndicat National de lducation Physique
UFR : Unit de Formation et de Recherche
UNSS : Union Nationale du Sport Scolaire
3
Remerciements
Mes premiers remerciements sadressent mon directeur de thse, ric Dugas, qui ma
transmis son got de la recherche depuis six ans. Toujours trs ractif, je lui adresse un grand
merci pour ses prcieux conseils, sa patience et sa disponibilit.
Ensuite, je ne manque pas de remercier deux personnes qui mont aide matriser les
outils statistiques indispensables dans cette recherche. Il sagit de Marc Elipot et Hlne
Joncheray.
Ltude prsente ici a t ralise auprs denseignants en EPS. Ils mritent tous un
remerciement particulier pour avoir accept de participer, de rpondre sincrement mes
demandes. Plus spcifiquement, jadresse un grand merci mes anciennes collgues Claire,
Mlanie, Dora et Marine.
Enfin, mes remerciements plus personnels sadressent ceux et celles qui mont
soutenue :
Merci ma maman, qui mencourage quoi que je fasse et qui a consacr pas mal de temps et
dnergie me relire.
Merci mes deux petites filles, Jeanne et Esther, pour leur grande comprhension, leur
gentillesse et leur patience car la plupart de mes heures de travail ont t passes en leur
compagnie.
Enfin, merci mon papa, lorigine de ma destine et fervent dfenseur du bien-tre des enfants.
Merci davoir fait preuve de bienveillance mon gard. Jespre quil aurait t fier de voir mon
travail ainsi achev.
4
Introduction
Le quotidien de chacun est parsem dchanges, dinteractions avec autrui, de prises de
dcision. Lhomme est naturellement insr dans un monde o la communication est une
ncessit. Winkin dfinit la communication partir des travaux de Goffman (1959), Hall (1959)
et Watzlawick (1964). Pour lui elle se dfinit comme un processus social permanent intgrant
de multiples modes de comportement : la parole, le geste, le regard, la mimique, lespace
interindividuel, etc. (Winkin, 1981, p. 24). Par consquent, lensemble de nos faits et gestes
sont porteurs de signification ; tout comportement est un acte de communication dont de
multiples facettes demeurent inconscientes car intgres par le processus de socialisation. Agir,
parler, crire, rester immobile, ltude des comportements sociaux met en vidence la
permanence de lutilisation de codes de communication intgrs par les individus. Dailleurs
quon le dcide ou non, chacun est immerg dans la communication car elle est une condition
sine qua non de la vie humaine et de l'ordre social. Il est non moins vident que ltre humain se
trouve ds sa naissance engag dans le processus complexe de lacquisition des rgles de la
communication, mais quil na que trs faiblement conscience de ce que constitue ce corps de
rgles, ou ce calcul de la communication humaine (Watzlavick, Beavin et al., 1972, p. 7).
Lensemble des interactions qui dfinit le quotidien est porteur de messages qui entranent des
adaptations autrui et linterprtation continue des messages mis.
Lobservation des interactions entre les individus dans le but de dfinir les codes de
communication est un objet de recherche trs convoit notamment par Winkin (op. cit.) qui
dfinit une anthropologie de la communication travers ltude des comportements sociaux. Son
approche rompt avec lanalyse de la communication selon un mode transmissif (dvelopp par
Shannon et Weaver en 1949) et soriente vers lapproche dite orchestrale : la communication est
analyse partir du contexte dans lequel se droulent les interactions ; le contexte est un lment
central qui permet de dfinir la signification des actions de communication utilises. La
mtaphore de lorchestre musical est trs parlante puisquelle accentue le fait que lindividu joue
sa partition tout en tant insr dans un orchestre. Sa conduite dpend de sa partition personnelle
mais aussi et surtout de la conduite des autres car il agit dans un milieu interactionnel permanent.
Pour Winkin, le contexte est seul capable de donner sens aux lments qui sy inscrivent
(2000, p. 107). La communication permet ainsi le fonctionnement de la socit ; chacun peut
5
rguler ses interactions et sadapter lenvironnement social. Cependant, communiquer est un
apprentissage permanent et le sens du message transmis est rgulirement source
dincomprhension, dinterprtation dformant alors lintention de dpart. Dans le milieu
scolaire, lieu de socialisation secondaire, la communication entre lenseignant et les lves est
parfois difficile. Les recherches en sciences de lducation tmoignent de ces difficults, des
incomprhensions ressenties voire des carts constats entre lintention des enseignants et ce
quen retiennent les lves (Issaieva et Crahay, 2010 ; Merle, 1998). Les heures de classe sont
caractrises par une succession dinteractions matre / lves et lve(s) / lve(s). En fonction
de ses objectifs, lenseignant utilise un large panel doutils des fins de communication verbale
et non verbale (Richmond et Croskey, 1987). Tout comme le musicien au sein de son orchestre,
lenseignant sadapte au contexte, ses lves tout en dvoilant ses traits de personnalit de
faon plus ou moins consciente. Or, les conflits issus de problmes de communication sont
nombreux et difficiles grer. Pourtant, la communication entre lenseignant et les lves peut
tre perue comme un jeu somme non nulle1, cest--dire ce que lun gagne nest pas perdu par
lautre : ainsi, personne na intrt ce quune mauvaise interprtation aboutisse une
dgradation des conditions denseignement ; par contre, enseignant comme lves peuvent y
perdre tous les deux ne pas russir se comprendre. La dgradation de la communication entre
lenseignant et ses lves peut conduire des manifestations de violence : elle amne un
sentiment doppression chez lenseignant pour qui les faits de violence verbale sont les plus
ressentis (Debarbieux, 1999), et des rponses violentes de la part des lves qui ne peroivent
plus dautres solutions et vitent le dialogue par principe de fonctionnement (Bertucci, 2006).
Lenseignant communique avec ses lves, met en place des dispositifs visant optimiser
leur apprentissage. Une des particularits de lenseignement au quotidien tient au fait que cest
lenseignant lui-mme qui value ses lves. De fait, qui value-t-il ? Ses lves ou lui-mme ?
La communication des rsultats dune valuation est souvent problmatique : elle peut gnrer
des incomprhensions de la part des lves qui ne communiquent pas forcment de faon
explicite leurs sentiments dinjustice perue (Butera, Darnon et al., 2006 ; Lentillon, 2008). Les
travaux sur leffet matre (Mingat, 1984 ; Bressoux, 2001) tmoignent de la responsabilit des
enseignants dans lefficacit de lenseignement et donc dans lapprentissage et la russite des
lves. Les questions dvaluation occupent une place trs importante dans les pratiques : au
1 Les jeux somme non nulle sont des situations ludiques o la coopration est possible comme cela est le cas dans
les jeux paradoxaux ou les jeux comptition partageante. En revanche les jeux somme nulle (la plupart des sports par exemple) sont des situations de comptition excluante o les intrts des joueurs sont opposs : le conflit est
total.
6
quotidien, selon Braxmeyer, Guillaume et al. (2004) les pratiques valuatives reprsentent entre
18 et 20 % du temps de travail des enseignants. Lvaluation occupe une place centrale dans les
proccupations des enseignants comme dans celles des lves, de linstitution et des parents.
partir dobservations empiriques ralises au cours de dix annes denseignement dans
le secondaire et de deux annes en tant que formatrice IUFM, il apparat que le moment de
lvaluation est souvent problmatique pour lenseignant. Il est le sujet dun foisonnement de
questions, de compromis raliser, de prcautions prendre, dautant plus si on sintresse aux
conduites dveloppes par les lves. La communication, lors des valuations, est essentielle car
les attentes doivent tre cohrentes avec les situations proposes. Llve qui choue est-il
toujours celui qui na pas appris ? Les valuations proposes refltent-elles uniquement les
apprentissages raliss en amont ? Lactivit valuative des enseignants est complexe car au
carrefour de multiples dimensions que nous soulverons par la suite. Quil sagisse de la
prparation dune valuation, des consignes donnes pendant sa mise en uvre ou de la
correction a posteriori, lenseignant prend de multiples dcisions dans le but dassurer la
cohrence entre ses objectifs, les apprentissages raliss et la situation telle que propose.
1. Lactivit valuative des enseignants2
Effectivement, les choix effectus concernant lvaluation sont lis aux priorits
pdagogiques et didactiques des enseignants qui disposent dune grande libert (Bressoux, Bru et
al, 1999). Les pratiques sont encadres par des recommandations officielles mais lespace de
dcision des enseignants reste vaste et soumis la complexit de la situation denseignement.
Lapport de la formation initiale ne permet pas de rpondre aux nombreuses attentes puisque la
singularit des situations vcues ensuite demande une adaptation constante (Baillat, 2009) et
ncessite des allers-retours permanents entre thorie et pratique. Les enseignants choisissent au
regard de leur vcu, de leurs connaissances, du contexte denseignement et des contraintes
institutionnelles, ce qui semble le plus appropri pour leurs lves. Mme si la standardisation
des pratiques nest pas recherche, la varit des conceptions et des mises en uvre mrite dtre
analyse pour comprendre si la culture de lvaluation est partage et dans quelle mesure
lvaluation est redfinie par chacun. Les mthodes utilises sont largement personnalises et
2. Le terme activit valuative des enseignants est utilis ici pour mettre en avant lacte concret, producteur de
sens (Chardenet, 1999). Repris pas Figari (2001, p. 4), lutilisation du terme activit valuative , la place de
celui dvaluation indique que la tendance majeure des volutions constates consiste, travers les pratiques, les
problmatiques et les mthodes, sintresser particulirement ce qui se passe dans lacte dvaluer, tant chez l
valuateur que chez l valu , du moins si lon accepte de maintenir cette distinction.
7
refltent pour une part lidentit de lenseignant, ce qui rend lanalyse des pratiques la fois trs
pertinente mais aussi complexe. Il semble alors intressant de comprendre comment les
ressources thoriques peuvent tre exploites par les enseignants sur le terrain.
Si les pratiques sont disparates cela peut tre conscutif un choix bien mesur de chaque
enseignant au regard des multiples possibilits qui lui sont offertes, ou alors cela peut plutt tre
la rsultante de choix par dfaut. Dans ce deuxime cas, le manque de formation et de
connaissances des rsultats des recherches est fondamental mais pas seulement, car la relation
entre les thories et la pratique dpasse la seule connaissance des mthodes ou dispositifs rvls
efficaces par la recherche. Dailleurs, et notamment depuis la cration des IUFM en 1989, la
formation des enseignants est rgulirement rforme, tiraille entre la forte demande de
professionnalisation et lapport de donnes thoriques. Si la thorie et la pratique apparaissent
interdpendantes pour assurer une formation cohrente, les liens entre ces deux entits sont
complexes (Crahay, 2007). La mise en pratique des savoirs enseigns en formation fait merger
toute la complexit de la situation denseignement ; cela ncessite une adaptation au contexte qui
est peu prvisible surtout pour les enseignants dbutants (Rayou et Van Zanten, 2004).
Aujourdhui, tout un chacun saccorde pour dire que lvaluation est un passage oblig
dans un parcours dapprentissage (Monteil, 1990). Les formations initiales en Master
Enseignement font explicitement rfrence la conception, la mise en uvre et lvaluation
des comptences atteindre. Par exemple dans le premier degr, les formations sont calques sur
les dix comptences professionnelles attendues3 dont fait partie lvaluation des comptences des
lves. Les formations continues acadmiques4 en didactique disciplinaire abordent
lenseignement par comptences dans lequel une place est rserve aux diffrents modes
dvaluation (notamment formative5) qui sinscrivent dans les dmarches denseignement
proposes. Seulement, ces formations impliquent-elles directement une mise en pratique par les
enseignants ? Sont-elles suffisantes pour induire un changement durable et opportun ? Au regard
des propos de Perrenoud (1998) partags par bon nombre de formateurs et conjugus une
trentaine dobservations empiriques que nous avons ralises durant des visites de terrain de
3 Cahier des charges de la formation des matres du 19 dcembre 2006.
4 Par exemple dans lacadmie dAmiens en EPS plusieurs formations ont pour intitul Construire des formes de
pratiques scolaires des comptences propres 2 et 3. Concevoir une valuation progressive, formative ().
5 Talbot (2009) dans Lvaluation formative : comment valuer pour remdier aux difficults dapprentissage
dfinit lvaluation formative comme un ensemble de procdures plus ou moins formalises visant adapter laction
pdagogique et didactique en fonction des progrs et des difficults dapprentissage.
8
futurs enseignants (en amont de lenqute) lvaluation pose un vritable problme de mise en
uvre. Ladquation entre ce quon enseigne et ce quon value, les formes de lvaluation et
leurs finalits, le recours la notation sont autant de problmes majeurs rencontrs par les
praticiens au quotidien. Cela repose le problme de la communication des rsultats dune
valuation aux lves ! Les difficults rencontres par lenseignant pour valuer et attribuer une
note sont amplifies du point de vue de linterprtation faite par les lves : quoi correspond la
note ? Doit-on la comparer celle des autres pour situer son niveau ? partir de quand peut-on
tre satisfait du rsultat et comment sy prendre pour progresser ?
Mme si lvaluation scolaire est un sujet transversal aux disciplines, chacune dentre
elles connat des problmes spcifiques de mise en uvre. Ltude que nous allons prsenter a
t ralise autour de lvaluation en EPS, discipline qui possde des modalits spcifiques
comme par exemple le contrle en cours de formation lors des examens scolaires. linstar de
David (2000), la mise en uvre des valuations en EPS pose problme : il cite par exemple le
biais denseigner au final que ce que lon peut valuer, pour mettre en uvre des procdures
dvaluation prcises et objectives. Le contrle en cours de formation au brevet des collges et
au baccalaurat incite les enseignants dfinir les contenus denseignement en fonction des
valuations, ce qui a pour consquence la mise lcart dun certain nombre dapprentissages ;
ceux-ci seraient peut-tre moins occults dans le cadre dune valuation terminale ralise par un
enseignant diffrent. Par ailleurs, lenseignant dEPS value des conduites motrices6 la grande
diffrence de ses collgues des autres disciplines. Cette spcificit amne des difficults
supplmentaires comme la ncessit dobserver chaque lve pendant laction sans prise de recul
ni retour en arrire possible. Le rsultat est immdiat tant pour llve qui ne peut pas revenir sur
son action, que pour lenseignant qui est contraint de traduire tout de suite les conduites
observables en niveau de comptence ou dhabilet atteint selon les critres dvaluation dfinis.
La prise de dcision est donc trs rapide et demande une forte matrise des critres dobservation.
Ce choix de confronter les objectifs des enseignants avec lactivit quils dveloppent et
les apports des recherches est issu dune volont de notre part danalyser lefficacit de ce qui est
propos quotidiennement aux lves. travers notre exprience en EPS, il parat vident que
nombre de dcisions prises sont le fait dhabitudes voire dintuitions. Lexprience nous incite
agir de telle ou telle manire mais, malgr la tendance penser que ces choix sont justifis et
6 Parlebas aborde la notion de conduites motrices ds 1968. Elle se dfinit comme lorganisation signifiante du
comportement moteur (1999, p. 74). Lemploi de ce terme permet de se distinguer de la notion de comportement
en mettant en avant le sens des actions motrices ralises par les pratiquants ou lves.
9
pertinents, nous souhaitions valuer scientifiquement leur porte. Cest au cours des nombreuses
discussions entre collgues de mme discipline ou non, que la grande varit des conceptions et
des pratiques nous est apparue problmatique. Lenseignant travail seul avec sa classe, si bien
quil est difficile de percevoir les autres faons de procder et par consquent les rpercussions
que cela entrane sur les conduites des lves. Les enfants peuvent se comporter de faon trs
diffrente selon les enseignants avec qui ils sont, tout comme avec leurs parents (des recherches
ont montr par exemple limpact des attentes sur les conduites comme leffet Pygmalion
(Rosenthal et Jacobson, 1968)); selon le contexte, les conduites diffrent. Par exemple, les
reprsentations que se font les enseignants dun lve en conseil de classe sont parfois trs
loignes et soulvent des dbats houleux. Et il nest pas surprenant de constater que le
professeur dEPS est souvent l pour contredire, relativiser les avis ngatifs (ou au contraire
mettre des bmols propos dlves scolairement performants) ; ils apportent souvent un point
de vue diffrent sur llve car le contexte, les situations denseignement sont trs spcifiques.
Comme quoi, le type de situations propos et les offres didactiques et pdagogiques qui en
dcoulent nont pas le mme impact sur les lves. De plus, des diffrences mergent aussi entre
collgues EPS. Au cours des nombreuses discussions spontanes que nous avons pu vivre,
quelques constats sont ressortis : les modalits dvaluation sont trs varies et souvent justifies
par le lien que la notation peut avoir avec le travail des lves. Chacun agit comme bon lui
semble, mais dans quelle mesure est-il possible daffirmer que nos pratiques sont efficaces ?
Quelles erreurs commet-on ? Lenjeu est de taille puisque les consquences impactent
directement sur lapprentissage des lves. En tant quenseignant il est difficile destimer la
porte de nos choix car nos interprtations et reprsentations sont difficilement autovaluables et
le rapport dautorit entre professeur et lve semble tre un frein la prise de conscience de
certaines consquences nfastes des dmarches entreprises. De fait, lvaluation est un lment
qui reflte beaucoup les diffrences de conception. Les situations dvaluation, les critres
choisis, la communication faite aux lves et les interprtations qui en dcoulent sont
dterminants pour les lves ; et pourtant ils paraissent trs disparates. Lors de visites de terrain
que nous avons ralises avec des futurs enseignants du primaire, nous avons pu remarquer que
lvaluation est souvent conue comme un contrle de connaissances et quelle est peu anticipe,
sans rflexion pralable sur les critres dvaluation.
Ainsi, la recherche prsente ici a pour but daboutir une rflexion sur les effets des
valuations proposes chez les lves. Dans cette optique, la question de la relation entre les
effets attendus dune valuation et ceux rellement obtenus a tout son sens. Cela amne se
poser la question de la concordance entre les attentes des enseignants et entre les objectifs et
10
conduites des lves. Par exemple, lors dune valuation sommative7 destine en fin de cycle
dapprentissage mesurer les carts aux objectifs annoncs, lenseignant value et met une note
chaque lve. Mais llve, sachant quil est not, se conduit-il comme dhabitude ou adopte-il
une posture destine optimiser ses rsultats ? Est-il davantage motiv pour russir ou ne
dveloppe-t-il pas des stratgies dvitement en sentant la menace de lchec ? Par exemple,
lenseignant peut observer des conduites inhabituelles chez des lves le jour de lvaluation
sommative. Parfois, certains dentre eux ne parviennent plus atteindre leur niveau de pratique
acquis durant le cycle dapprentissage sous leffet du stress de lvaluation : en gymnastique ou
escalade, ce cas est assez frquent selon les observations que nous avons pu raliser, le nombre
de chutes, de dsquilibres est plus important que lors des sances dapprentissage. Au contraire,
dautres lves paraissent plus motivs et dynamiques et parviennent mettre toutes leurs
chances de leur ct pour obtenir de bons rsultats. La cohrence entre lintention de
lenseignant et les rsultats dune valuation peut tre mise mal. Mais cela traduit-il un
changement de conduite de la part de llve li lenjeu de la situation, un niveau dexigence
trop lev ou encore une interprtation difficile des consignes par les lves ?
Communment, les valuations sommatives reprsentent une tape importante du
processus dapprentissage. Cependant, elles ne refltent pas une unique modalit dvaluation.
En ce sens, lvaluation formative des lves est une opportunit intressante puisquelle se
dmarque de la finalit sommative en se plaant au service des apprentissages. De fait, labsence
de traduction sous forme de note globale des observations ralises, le recours des modalits
dvaluation plus progressives par rapport aux valuations sommatives laissent penser que ce
dispositif formatif est plus efficace. Quen est-il alors des pratiques valuatives ? Lvaluation
formative est-elle rgulirement mise en place et permet-elle effectivement de faire progresser
davantage les lves ? Les lves sont-ils habitus tre valus en cours de cycle
dapprentissage et distinguent-ils les finalits diffrentes des valuations ?
Dans ce cadre, tant lactivit de lenseignant dans les choix quil effectue en matire
dvaluation que les conduites des lves nous intressent.
2. Les conduites des lves
Les lves agissent selon les contraintes poses par lenseignant, par lintermdiaire des
situations dapprentissage ou dvaluation, mais aussi selon leur propre logique dcisionnelle
inhrente leur vcu et aux rsultats de leurs expriences passes (Lahire, 1998). Lapproche
7 Talbot (op.cit.) dfinit lvaluation sommative comme clturant une phase dapprentissage, sous la forme dune
vrification de lacquis, en sanctionnant la performance.
11
sociologique de Lahire tend considrer les logiques individuelles avant de les catgoriser. Les
logiques daction des lves au sein dune classe rpondent des motifs varis, des influences
diverses issues de lensemble des milieux sociaux dans lesquels chacun est impliqu. Lindividu
est une ralit sociale caractrise par sa possible complexit dispositionnelle par rapport la
diversit des domaines de pratiques ou des scnes dactions (Lahire, 2001, p. 77). Les
conduites des lves en situation dvaluation sommative peuvent ainsi paratre irrationnelles
lenseignant alors que du ct de llve, les dcisions prises tiennent compte de sa
reprsentation du contexte. Les rsultats attendus sont parfois diffrents de ceux rels lis des
perturbations (Talbot, 2012) inhrentes la situation comme nous lavons envisag, voire aux
stratgies dveloppes par les lves. Ds lors, le niveau de performance atteint lors des
valuations sommatives et des situations dapprentissage est questionn. Lenjeu tant modifi,
quelles rpercutions en termes de conduites peut-on observer chez les lves ? Sont-ils davantage
motivs et cela peut-il entraner de meilleurs rsultats ? Dans le cadre de lEPS la performance
est-elle reprsentative du niveau de comptence atteint ? Llve qui sapplique lors de
lvaluation mais ralise une performance au rabais doit-il tre pnalis ?
Lvaluation en EPS est complexe et les arrangements sont nombreux pour combler les
difficults des enseignants tre justes dans leur jugement valuatif (David, 2000 ; Cogrino et
Mnaffakh, 2008). Par ailleurs, si les lves adoptent des conduites diffrentes lors des
valuations sommatives, quen est-il des valuations formatives ? La distinction entre ces deux
formes dvaluation devrait a priori tre faite par les lves puisque la seconde nest pas
accompagne dune notation, ce qui amoindrit ses consquences aux yeux de llve : les erreurs
sont un point dappui lapprentissage alors que lvaluation sommative les sanctionne.
Cependant, un autre lment est aussi perturbant dans lvaluation en EPS du fait de
limplication rcurrente des lves dans des situations collectives. Les conduites des lves sont
dans certaines situations dpendantes de celles des autres. Ceux-ci sont en activit motrice dans
des espaces relativement grands compars une salle de classe, et ils sont rgulirement en
autonomie, car disperss en sous-groupe selon toutefois des modalits diffrentes que nous
exposerons par la suite. Lobservation empirique dune sance dEPS permet immdiatement de
visualiser des sous-groupes et des interactions nombreuses (verbales, motrices, praxiques) entre
le matre et les lves, mais aussi les lves entre eux. Les lves changent rgulirement de
partenaire dautant plus dans les activits avec interaction motrice comme les jeux dopposition,
lacrosport, le relais. Ils voluent au gr des sances et des situations dans des sous-groupes
diffrents. Par rapport aux autres disciplines, les relations humaines sont bien plus prsentes et
recherches en EPS. Comme le souligne Bordes (2005), les variables socio-affectives dans la
classe en EPS nont pas souvent fait lobjet de recherches particulires ; et pourtant, les relations
12
entre lves transparaissent nettement travers les nombreuses interactions verbales et motrices
qui dfinissent latmosphre gnrale dun cours dEPS. Par consquent les ressources
relationnelles ont-elles un impact sur les conduites motrices ? Selon ses partenaires, llve
adopte-il des stratgies diffrentes ? Dans les jeux collectifs par exemple, les conduites
observes dun lve sont dpendantes de celles des autres : comment prendre en compte cette
particularit dans lvaluation ?
Si lon se situe dun point de vue institutionnel, lEPS est particulirement implique
dans lacquisition des comptences sociales selon les textes lgifrant le Socle Commun de
comptences et connaissances (Dcret du 11-07-2006), comme si elle avait des prdispositions
pour cela. Or, la nature des situations vcues en EPS est varie. Les rapports entre les lves,
selon les situations, peuvent tre trs diffrents et sollicitent ainsi divers modes de
communication et dinteraction. Plus prcisment, les programmes dEPS abordent dans le
deuxime objectif de la discipline, le dveloppement des comptences sociales8 mais dune faon
dtache de la pratique par le biais de la tenue des diffrents rles sociaux (juge, arbitre,
observateur, pareur). la lecture des textes officiels, les comptences sociales ne sont pas
explicitement rfrences au dveloppement des relations entre les lves travers la pratique
physique ; elles apparaissent dune faon complmentaire, mais peu lie. Ce constat est plutt
surprenant dans la mesure o de nombreuses activits contraignent les lves dvelopper une
adaptation constante aux autres.
Consquemment, cela nous interpelle propos des relations affinitaires qui existent entre
les lves et leur impact sur les conduites motrices quils peuvent dvelopper, notamment dans
des activits avec interaction motrice9. Certaines croyances attribuent des pouvoirs
certaines de ces activits comme les sports collectifs ; leur enseignement permettrait ainsi de
dvelopper des conduites coopratives, de lentraide entre les lves. Or, ces croyances sont
plutt invalides aujourdhui ou du moins laissent planer un doute important. Par exemple, les
situations de comptition ou dopposition entre quipes tendraient dvelopper lagressivit et
lhostilit entre les groupes (Deutsch, 1949 ; Shrif, Harvey et al. 1954 ; Pfister, 1985). La
pratique assidue dun sport ne saccompagne pas dun effet cathartique (Collard, 2004 et 2012),
8 Dans le BO spcial du 29/04/10, le deuxime objectif sintitule savoir grer sa vie physique et sociale , le texte
prcise seulement que lobjectif social est atteignable par la tenue des diffrents rles sociaux.
9 Les activits avec interaction motrice sont dfinies par la prsence de partenaire(s) et / ou adversaire(s). Le
pratiquant est ainsi amen prendre des dcisions en tenant compte de celles dautrui, et ces propres actions nont de sens que rfres celles des autres. Lanticipation des actions des autres et ladaptation des siennes sont des
lments invitables et dcisifs dans ces pratiques.
13
mais habitue plutt les pratiquants dvelopper des actions dhostilit, dagressivit motrice10
dans le cadre des jeux collectifs, envers les autres pratiquants.
Ainsi, poursuivre le dveloppement de comptences sociales orientes vers laltruisme et
la solidarit nest peut-tre pas compatible avec le fort appui sur les activits dopposition
majoritairement reprsentes en EPS (Poggi-Combaz, 2002 a et b) ! La pratique dactivits avec
interaction motrice amne-t-elle une effervescence relationnelle ? Et dans le cadre dactivits
dopposition, apprendre sopposer aux autres modifie-t-il les relations entre les individus ?
Pour rebondir sur leffet de lvaluation, comment se conduisent les lves en situation
dvaluation sommative les uns par rapport aux autres ?
3. Objet de cette tude
Suite lexposition de nos motifs et du foisonnement de questions qui merge, lobjet de
cette tude est lvaluation aborde du point de vue de lactivit valuative des enseignants et des
conduites dveloppes par les lves. Il nous parat essentiel, pour mieux comprendre les
conduites des lves face leur valuation, de questionner en amont lactivit valuative en EPS.
Les habitudes de pratiques, les mthodes employes pour valuer, le rapport la notation sont
des lments pertinents danalyse quil convient de prendre en compte pour dfinir le contexte
dans lequel sont impliqus les lves. Lvaluation sera essentiellement questionne au regard
des finalits sommatives ou formatives. Les mises en uvre de ces deux dispositifs concourent
des objectifs diffrents, si bien que lon peut estimer que leur impact sur les conduites des lves
en termes de progression, de niveau atteint, est aussi ingal. Encore faut-il valider lhypothse
selon laquelle les lves distinguent ces deux types dvaluation ! Ce paramtre sera tudi ici
pour tenter de comprendre les mcanismes allant parfois lencontre de la distinction entre les
situations dvaluation sommative et formative.
De surcrot, dans cette recherche, la communication motrice et les interactions entre
lves seront fondamentales car dpendantes de lactivit support de lenseignement. De fait, le
poids des relations socio-affectives sera aussi questionn et mis en relation avec les progrs des
lves et leur niveau atteint. Ltude sera ralise au cours dun cycle de basketball. Cela
permettra la fois danalyser les conduites dcisionnelles des lves en fonction de lenjeu de la
situation (valuation sommative ou non) et des relations que chacun entretient avec ses
partenaires de jeu.
10 Le concept dagressivit motrice est identifiable dans les interactions de type ludomotrices. Luc Collard (2004)
fait la distinction entre lagressivit motrice illicite (interdite par les rgles du jeu, nuisant ladversaire) et licite
(instrumentale, autorise par le rglement et oriente vers le but du jeu).
14
4. Prsentation globale de la recherche
Cette tude a t ralise en deux temps afin daccder une vision globale de
lvaluation telle quelle est pratique en EPS pour ensuite sintresser aux conduites des lves.
La premire recherche que nous prsenterons est une enqute sous forme de
questionnaire destine apprhender lactivit valuative des enseignants (n = 179) travers
leurs conceptions et mises en uvre. Sans avoir pour ambition de comprendre la complexit de
leurs pratiques ni de gnraliser ou dextrapoler nos rsultats, cette enqute a pour objet
dapprhender les diffrences de mise en uvre qui traduisent des interprtations diffrentes
dune culture commune de lvaluation. Lenqute peut ainsi tre un support aux formations
lvaluation : elle tmoigne de ladaptation faite par les enseignants leur contexte
denseignement mais aussi des difficults rencontres pour mettre en pratique les connaissances
quils ont acquises. De plus, les rsultats seront mis en relation avec ceux dune exprimentation
que nous avons labore, cette fois-ci in vivo, partir de lobservation des lves au cours de
leurs apprentissages en EPS.
Dans cette exprimentation de terrain, les conduites des lves (n = 119) seront analyses
dans le but de mesurer limpact des valuations vcues au cours dun cycle dapprentissage en
basket-ball. Lobservation de diffrents groupes permettra dapprhender leffet des valuations
formatives (et leur absence) sur lapprentissage et limpact des valuations sommatives sur les
conduites des lves en situation de jeu avec interaction motrice. De fait, dans la recherche
propose ici, la situation dvaluation sera analyse dans sa complexit partir de trois
dimensions indissociables : ce triptyque permet de sortir dune approche purement descriptive ; il
se dfinit partir du cadre de la praxologie motrice initie par Parlebas ds les annes 1960 et
dune approche systmique dveloppe au dbut du 20me
sicle par le linguiste Ferdinand De
Saussure transpose lanalyse des conduites motrices (Dugas, 2011). Lapproche propose a
pour finalit de montrer que la porte de lvaluation en EPS ne peut se comprendre quau regard
dune prise en compte simultane et interdpendante de trois lments : le premier est relatif la
logique interne11
de la situation et les deux suivants sa logique externe12
.
11 Parlebas a abord la notion de logique interne ds 1967 dans la revue EPS. Voici la dfinition propose dans le
Lexique comment en sciences de laction motrice en 1981 : La logique interne est le systme des traits pertinents
dune situation motrice et les consquences quil entrane dans laccomplissement de laction motrice
correspondante (p. 135).
12 La logique externe interagit avec la logique interne dune situation. Elle est relative aux caractristiques
organisationnelles des situations sociales et aux caractristiques individuelles du pratiquant (Dugas, 2011, p. 21).
15
- La situation dans notre cas sera ludomotrice13 : sa structure, ses contraintes et donc les
possibilits dactions quelle offre aux joueurs doivent tre finement analyses pour saisir
ensuite les logiques daction. La rfrence la logique interne des situations (Parlebas,
1967) est centrale ici et indispensable la comprhension des conduites.
- Le contexte global dans lequel va se drouler la situation implique des enjeux particuliers
qui orientent lactivit du sujet. Dans le cas de cette tude, lenjeu des valuations
sommatives sera particulirement apprci en tant que contrainte supplmentaire prise en
compte par les lves.
- Enfin la logique individuelle du sujet agissant est le troisime lment ncessaire la
comprhension des conduites. Ce sera ici loccasion de mesurer principalement leffet
des affinits entre les lves sur leurs conduites en situation ludomotrice et
interactionnelle.
Les dcisions prises par les lves en contexte scolaire ne sont comprhensibles que par
une analyse rigoureuse des divers lments cits ci-dessus, parmi dautres, qui permettent de
dfinir la situation dans laquelle ils voluent. Lanalyse des conduites motrices des lves sera
renforce par quelques entretiens dlves afin daccder leurs reprsentations, leur ressenti
vis--vis de lEPS, des apprentissages vcus et de lvaluation.
13 Le terme ludomoteur permet de dfinir ici une situation ludique (de jeu) et motrice la fois. Ce type de situations
est trs utilis en EPS et sera le support de la recherche propose ici.
16
Problmatique gnrale
Pour rsumer cette introduction dont les diffrents axes voqus seront dtaills dans la
premire partie du travail propos, la rflexion sur lvaluation est dune importance sans
quivoque. Lvaluation est la question centrale liminaire de cette recherche dans laquelle notre
ambition est danalyser son impact sur les conduites des lves.
Les enseignants qui forment et valuent leurs lves se posent des questions essentielles :
quvalue-t-on ? quel moment et pourquoi faire ? Ltude de lvaluation est un enjeu au
niveau de la formation : il sagit de comprendre pourquoi les effets attendus et obtenus par la
mise en place des valuations ne sont pas forcment en concidence optimale. En rponse aux
thories dclinant les diffrentes formes dvaluations et leurs intrts (Allal et al., 1991 ;
Perrenoud, 1998), les drives et effets parfois nfastes ou paradoxaux (Rayou, 2002 ; Merle,
2007 ; Vantourout et Goasdoue, 2010), il parat pertinent danalyser dans quelle(s) mesure(s) les
pratiques voluent dans la direction des approches issues des recherches. Par exemple pour
Perrenoud (op. cit.), ce qui transparat nettement, cest la primaut de la fonction sommative14 de
lvaluation. Malgr les avances proposant de nouvelles pistes denseignement visant
optimiser les processus dapprentissage, Perrenoud relve que le ct traditionnel perdure, et se
manifeste par la persistance de la fonction sommative de lvaluation et de ses rapports
entretenus avec la notation. Pourtant, la fonction sommative nest plus la rfrence unique en
termes dvaluation. Les recherches menes autour de lvaluation formative, puis formatrice
senchanent depuis une quarantaine dannes. Or, au regard des propos de Perrenoud (op. cit.)
partags par bon nombre de formateurs et conjugus la vingtaine dobservations empiriques
que nous avons ralises durant des visites de terrain de futurs enseignants (en amont de
lenqute) , lvaluation pose un vritable problme de mise en uvre. Ladquation entre ce
quon enseigne et ce quon value, les formes de lvaluation, le recours la notation sont autant
de problmes majeurs rencontrs par les praticiens au quotidien et notamment en EPS.
Lvaluation des conduites motrices directement observables implique-t-elle le recours des
procdures spcifiques ? Lenseignant ne corrige pas des copies mais observe des lves en
activit, et plusieurs en mme temps ! Lors de lvaluation il ne corrige pas leur production,
mais analyse leurs conduites au regard de critres et niveaux prtablis. Les lves sont-ils
14 Talbot (op.cit.) dfinit lvaluation sommative comme clturant une phase dapprentissage, sous la forme dune
vrification de lacquis, en sanctionnant la performance.
17
davantage impliqus dans leur valuation du fait quen EPS ils peuvent plus facilement
sobserver et se comparer entre eux ?
Cette tude vise questionner limpact des valuations sommatives et formatives sur les
conduites des lves en EPS. Le point de vue envisag ici est orient vers les consquences en
termes dinteractions qui dcoulent de la mise en uvre des diffrentes formes dvaluation.
Comment ragissent-ils quand ils sont valus ? Les dcisions quils prennent sont-elles
pertinentes au regard des attentes de lenseignant ? Seulement, sintresser aux conduites des
lves dans ces situations spcifiques ne peut faire limpasse dune analyse a priori des pratiques
quotidiennes au cours desquelles les lves sont rgulirement valus. Une premire analyse de
lactivit valuative des enseignants en EPS permet daccder leurs conceptions et de
confronter leurs intentions et leurs pratiques. Effectivement, dans lhypothse o cet tat des
lieux met en vidence un dcalage entre des intentions ducatives orientes vers lapprentissage
et des mises en uvre plutt traditionnelles, comment vont ragir les lves ? Peuvent-ils tre
impliqus dans une logique dapprentissage si les situations valuatives proposes sont perues
comme des sanctions ? En revanche, des lves rgulirement impliqus dans des dmarches
formatives voire formatrices, sont-ils plus enclins progresser davantage et dmontrer leur
niveau de comptence rel lors des valuations sommatives ?
Lexprimentation ralise en EPS, dont la mthodologie est prsent au chapitre 7, ne pouvait
se concevoir sans questionner en amont lvaluation en EPS dans sa globalit afin den saisir les
points forts et les problmes. Ltat de lart propos en premire partie de cette recherche sera
loccasion dinterroger dun point de vue scientifique lvaluation. Cela sera un point dappui
important pour discuter les rsultats des recherches entreprises ici. Dans ce cadre, lvaluation
sera interroge aussi dun de vue pdagogique : par la mise en place dune quasi-exprimentation
(Matalon, 1988), nous mesurerons les effets des valuations formatives sur les progrs des lves
en EPS. Impliqus dans une activit avec interaction motrice, la dimension collective sera mise
en avant dans les valuations que nous proposerons. Car lune des difficults de ces activits
nest-elle pas dvaluer les lves en sachant que leur conduite dpend de celle des autres ?
Lvaluation formative portant sur des observations de jeu collectif peut-elle permettre
doptimiser les progrs ?
Du point de vue de lvaluation sommative, les enjeux conscutifs sa mise en place sont
importants pour les lves. Elle se traduit par une note qui est annonce, transmise aux parents,
autres enseignants voire aux autres lves. Cela nous questionne quant son influence sur les
conduites des lves pendant la situation dvaluation, dautant plus quen jeu collectif les
stratgies dployes font appel des actions dopposition et de coopration. La situation
dvaluation sommative incite-elle cooprer pour russir individuellement ? Notre regard se
18
portera plus prcisment sur les stratgies des joueurs plutt orientes vers la rivalit ou la
coopration afin de mesurer aussi le poids des relations socio-affectives sur les conduites
motrices. partir de lanalyse fine des conduites de chacun nous dterminerons les lments sur
lesquels portent les progrs voire les rgressions des lves en fonction des valuations quils ont
vcues et des affinits quils entretiennent avec les membres de leur quipe. Les lves amis se
conduisent-ils entre eux de la mme faon quand ils sont valus de faon sommative ou quand
ils jouent pour le plaisir ? Cela sera loccasion dobserver si limpact des relations affinitaires est
le mme quand le contexte, lenjeu dans le lequel sinsre la situation, volue. Par-l, nous
essaierons de montrer que selon les situations dvaluation proposes aux lves, les
consquences en termes de conduites dcisionnelles peuvent se rvler fluctuantes. Cela aboutit
dfinir la question centrale de cette recherche :
En quoi le type dvaluation, formative ou sommative, a des effets diffrents sur
lapprentissage des lves ?
Cette recherche vise apprhender lvaluation en EPS dans sa complexit. Lanalyse de
lactivit valuative des enseignants et des consquences observes sur les conduites des lves
sera aborde dun point de vue scientifique et pdagogique. Les dcisions prises par les lves en
situation de jeu collectif seront tudies en mesurant limpact de deux variables provoques :
dune part, la prsence ou non dvaluation durant un cycle dapprentissage, dautre part, les
caractristiques socio-affectives des quipes de joueurs. partir de ces deux variables
principales qui dterminent la logique externe de la situation, nous pourrons mesurer leurs effets
ventuels sur les progrs des lves ainsi que sur le type de dcisions quils prennent dans le jeu,
plutt orients vers la coopration ou lopposition.
Ainsi, nous pensons que les lves adaptent leurs conduites en fonction de leurs reprsentations
des situations scolaires qui leur sont proposes. Les finalits des diffrentes formes dvaluation,
selon les priorits accordes par les enseignants, engendrent des stratgies diffrentes dautant
plus en situation dinteraction motrice quand les lves doivent agir ensemble, avec des
partenaires pas toujours apprcis, dans une tche but opratoire.
Hypothses spcifiques
Diffrentes hypothses ont orient cette recherche. De fait, diffrentes mthodes pourront
parfois, mais selon des moyens diffrents, interroger les mmes hypothses de dpart. Nous les
prsentons ici de faon assez gnrale en sachant quensuite nous les dtaillerons en fonction des
mthodologies spcifiques envisages. Le tableau 1 ci-dessous met en vidence six hypothses
19
mises en correspondance avec les mthodes utilises. Aprs chaque analyse, nous reviendrons
sur ces hypothses de dpart pour les valider ou non en fonction des rsultats observs.
20
Hypothses
Enqute :
lactivit
valuative des
enseignants
dEPS
Exprimentation de
terrain : relation entre
lvaluation, les conduites
motrices, et les relations
socio affectives.
Entretiens
dlves : relation
lEPS,
lvaluation, aux
apprentissages.
H1 Les conceptions des enseignants et leur activit valuative sont varies et la fois
trs orientes vers la finalit sommative de lvaluation et vers la notation.
H2 Lvaluation formative destine lapprentissage dont les effets bnfiques seraient
reconnus par les enseignants ne serait pourtant que peu mise en place, en tant que
situation dvaluation part entire, anticipe, et adresse lensemble des lves.
H3 Les valuations sommative et formative ont des incidences directes sur les conduites
motrices des lves : lvaluation sommative modifie le contexte de la situation et oriente
ainsi leurs dcisions et actions ; quant lvaluation formative elle permet doptimiser
leurs progrs.
H4 Les lves, selon leurs caractristiques (genre, niveau de jeu, affinits avec les
membres de leur quipe) et les dispositifs formatifs vcus ragissent diffremment la
mise en place dune valuation sommative.
H5 Le poids des relations socio-affectives dans la prise de dcision serait moins fort en
situation dvaluation sommative, les enfants tant davantage centrs sur le but du jeu.
H6 Les progrs des lves sont optimiss avec la mise en place dvaluations formatives
au cours du cycle dapprentissage vcu dans lactivit en question.
Tableau 1 : relation entre les hypothses spcifiques et les mthodes utilises dans cette tude.
21
Plan de ltude
Dans une premire partie, lvaluation sera aborde sous ses diffrentes formes dun
point de vue pistmologique et critique. Ensuite, un point sur la prise de dcision en contexte
collectif nous amnera saisir le poids que peuvent avoir les relations socio-affectives sur les
choix des individus en contexte ludomoteur et particulirement dans le milieu scolaire.
La seconde partie sera loccasion de dvelopper la mthodologie globale de cette
recherche. Puis, la premire tude relative lactivit valuative des enseignants sera prsente
et ses rsultats accompagns dune discussion.
Enfin la troisime partie sera consacre la mise en uvre dune exprimentation in vivo,
au cours de laquelle les conduites des lves en situation dinteraction motrice seront analyses
et commentes au regard des types dvaluation proposes et de la variable socio-affective
(groupes affinitaires ou non).
22
Partie 1
Enjeux et difficults de lvaluation
scolaire.
23
Chapitre 1
Lactivit valuative des enseignants,
tat des lieux de lvaluation scolaire
24
Aborder les questions dducation et dapprentissage dans le cadre scolaire ne peut se
passer dun questionnement autour de lvaluation. Cela est en effet inconcevable, dautant plus
aujourdhui o la place de lvaluation lcole suscite de nombreux dbats sur le rapport
entretenu entre les apprentissages et les valuations. La ncessit dvaluer aujourdhui est
admise par tous, comme le souligne Monteil (1990, p. 34) si dans les annes 1970 il a paru
illgitime, certains, de procder des valuations, on ne peut raisonnablement accepter une
telle attitude . valuer est une pratique quasi quotidienne pour les enseignants mais sous cette
dnomination, diffrentes acceptions et pratiques sont identifiables.
Lvaluation sous toutes ses formes implique un recueil dinformations, une
confrontation entre un rfr et un rfrant dont le rsultat amne une prise de dcision (Hadji,
1997). Ceci est une dfinition de base quil convient de spcifier, en fonction des finalits de
lvaluation, des dmarches utilises. Dans le milieu scolaire, valuer peut satisfaire diffrentes
fonctions dordre pdagogique et/ou du didactique mais aussi, elle peut servir aussi maintenir
la tranquillit dans la classe et prserver un climat plutt calme (Bressoux et Pansu, 2003),
hirarchiser les lves (Grisay, 1988 ; Crahay, 2007), voire rguler lenseignement et
lapprentissage (Allal, 1983 et 1991 ; Allal et Mottier Lopez, 2007). Les fonctions recherches
sont nombreuses et aboutissent des pratiques disparates.
Ce chapitre est loccasion daborder ce concept dvaluation, la fois complexe et bien
connu des enseignants et des lves car il rythme les priodes dapprentissage de faon rgulire.
Seulement, lobjet de cette tude est de montrer que la multiplicit des approches proposes afin
dvaluer les lves, aboutit des rsultats diffrents en termes dapprentissage. Dans un premier
temps, lvaluation des lves en EPS sera aborde dun point de vue diachronique afin de mieux
saisir ses enjeux actuels. Lhistoire de lvaluation certificative sera prsente paralllement
lessor de nouvelles pratiques. Ensuite, les diffrentes formes dvaluation, leurs finalits et les
effets sur les conduites des lves seront mis en relief pour rendre compte de la multiplicit des
approches. Puis, lactivit valuative des enseignants sera interroge et complte par lapport de
quelques recherches sur leffet de lvaluation sur les lves.
25
A. Lvaluation en EPS : perspective historique
Aborder lvaluation des apprentissages des lves ne peut se concevoir sans auparavant
comprendre lenjeu fondamental qua reprsent lvaluation tout au long de lhistoire de lEPS.
Nous nous situons donc ici selon une perspective diachronique dans laquelle va rapidement tre
retrace lvolution des preuves dEPS au baccalaurat, tmoin de lvolution de la discipline,
pour analyser les enjeux actuels de lvaluation certificative. Ceci permettra aussi de saisir le fort
pouvoir de lvaluation dans le fonctionnement quotidien de lenseignement.
1. Performance et mesure
a. LEPS au baccalaurat
travers lhistoire de lEPS, la place et la dfinition de lvaluation voluent et
permettent de situer llve dans son valuation. Des premires preuves au baccalaurat
jusquau dbut des annes 1980, la place de llve est particulirement restreinte car lobjet de
son valuation est sa performance, le rsultat concret de son action. Le type dvaluation
privilgi en EPS va largement influer sur la lgitimit scolaire de cette discipline et dfinir, par
consquent, la place de llve dans son apprentissage et son valuation. Par exemple, ds les
annes 1920, certains concepteurs comme Boigey (1923) ou Bellin Du Cotteau (1930) prnent
une valuation certificative en EPS pour asseoir la rationalit et donc la lgitimit de la discipline
au sein du systme scolaire. Lvaluation des lves est dabord centre sur les donnes
anthropomtriques des lves et elle est fortement encadre par les mdecins. Dimportantes
difficults sont souleves lors des tentatives de rforme des preuves dEPS au baccalaurat qui
visent les rendre obligatoires. En 1959, Maurice Herzog considre lvaluation en EPS au
baccalaurat comme une priorit car, depuis 1941, elle est facultative. Son obligation est
toutefois difficile mettre en place dans la mesure o lide dune quivalence entre lEPS et les
autres disciplines pose problme dans les mentalits. Le poids de lacadmisme scolaire est fort
et ne joue pas en faveur de lEPS car ceci amne de fortes rsistances au changement au sein
mme de lducation nationale. Lobligation faite dvaluer lEPS au baccalaurat (1959) nest
toutefois pas bien assume car seuls les points au-dessus de la moyenne comptent ! La question
suscite rapidement des dbats : la ligne de dmarcation entre le sport et lEPS est floue ds
lintroduction du sport lcole : cette discipline scolaire est assimile une pratique ludique, ce
qui nest pas acceptable pour la sphre scolaire.
26
Selon Attali et Saint-Martin (2010), les options privilgies par les enseignants dEPS en
matire dvaluation sont dterminantes pour convaincre de limportance de la discipline. Ainsi,
jusque dans les annes 1980, lvaluation en EPS aux examens est centre sur la rigueur et
lobjectivit : performance et mesure sont valorises par lutilisation du chronomtre, du
dcamtre, du code de gymnastique prcis, laissant peu de place la subjectivit. On mesure la
performance, le rsultat de lapprentissage. Lvaluation certificative est donc au maximum
rationalise et chiffre ; lenseignant prpare les lves une preuve certificative (le
baccalaurat) dont seul le niveau de performance sera pris en compte.
b. Premier changement de perspective de lvaluation
Dans les annes 1960-70, lEPS se situe dans une conjoncture qui voit remise en cause
son appartenance la sphre scolaire, notamment par les rformes Comiti (1968), Mazeaud
(1975) et Soisson (1978) ; le fort attrait pour la pratique sportive est un vritable obstacle son
intgration dans le systme au mme titre que les autres disciplines ; les enseignants sont
rapidement menacs dtre remplacs par des animateurs sportifs issus dun secteur extrieur
lducation Nationale. Il sagit donc de prouver lintrt que recle lenseignement de lEPS et
son insertion dans les problmatiques ducatives pour prouver sa lgitimit. Il nest plus
possible, comme cela tait le cas jusque-l, de se limiter aux seuls produits des apprentissages
constitus par la performance, mais il sagit de sintresser aux moyens mis en uvre par les
lves pour apprendre. Une attention nouvelle est porte lvaluation et la redfinition de sa
finalit qui, jusque-l, tait sommative. Lapport des recherches en valuation a ici tout son
intrt et permet aux enseignants dEPS dy trouver les arguments pour valoriser leur discipline.
Lmergence dune nouvelle fonction de lvaluation dite formative tend redfinir lvaluation
comme un lment dynamique dans lapprentissage (Scriven, 1967 puis Bloom, Hastings et al.,
1971).
Lintroduction des donnes relatives la psychologie de lenfant, notamment par la
rfrence aux travaux de Piaget, va permettre de faire voluer les reprsentations autour de
lapprentissage de lenfant. Par exemple en EPS, Famose, ds 1963, dveloppe lapprentissage
par lamnagement du milieu et soumet ses propositions en rupture avec lapprentissage
traditionnel (Famose, 1963 et 1964). Divers courants de pense mergent et se dveloppent en se
centrant sur le dveloppement de lenfant. Par exemple, Le Boulch (1971) met en vidence la
ncessaire prise de conscience pour lenfant de ses actions en se rfrant aux thories
psychomotrices. Il considre le mouvement comme une manifestation signifiante de la conduite
de lhomme alors que jusque-l, le mouvement tait davantage considr comme une forme en
soi, un automatisme sans le rfrer son sens. De faon plus globale, la mme priode, la
27
thorie de la reproduction de Bourdieu et Passeron (1970) soulve fortement les contradictions
entre les finalits scolaires et les moyens utiliss qui conduisent lcole reproduire les
ingalits de dpart entre les individus en proposant pour tous une mme culture litiste. Au sujet
de lvaluation, proposer une procdure identique pour tous est une illusion dgalit. Ceci
revient classer les individus selon leur cart cette culture dominante et ne pas tenir compte de
leurs diffrences de dpart. La spcificit de lEPS est mise en avant car le corps en jeu rend
visibles directement les diffrences entre les lves.
Dans ce contexte merge la ncessit de dfinir de nouvelles formes dvaluation afin de
constituer un renouvellement majeur des mthodes pdagogiques en EPS. Lvaluation nest
plus conue dans sa fonction quantitative mais prend une valeur qualitative (Maccario, 1982).
Ces avances conduisent les enseignants sinterroger sur les formes et la pertinence des
valuations certificatives proposes au baccalaurat, en attendant le renouvellement des textes
officiels relatifs aux examens de 1983.
2. Lvaluation critrie
a. Une valuation certificative plus qualitative
partir du dbut des annes 1980, le retour de lEPS au ministre de lducation
Nationale implique de poursuivre les objectifs gnraux tels que la lutte contre lchec scolaire,
et la lutte contre les ingalits (Savary, 1982, p. 4). Or, le systme dvaluation propos en EPS
et centr sur la performance est inadapt cet objectif. merge alors, sous limpulsion dHbrard
notamment (1986), lide dune valuation plus juste o lon associerait la performance des
niveaux dhabilet ; cela permettrait de rendre compte aussi de la faon dont les lves sy
prennent pour raliser leur performance. La circulaire du 11 juillet 1983 fixe les nouvelles
modalits de lpreuve dEPS au baccalaurat ; cette discipline passe dailleurs dans le premier
groupe dpreuves et est affecte du coefficient 1. La performance ne reprsente plus quun quart
de la note et porte sur une activit physique barme national, accompagne par une autre
activit laisse au choix de lenseignant. La rupture est fondamentale puisque les critres
dvaluation ont une incidence majeure sur lenseignement. Les processus sont valus travers
lhabilet de llve, au mme titre que le produit de son action, cest--dire la performance. De
surcrot, les connaissances de llve, son investissement et ses progrs tiennent une part aussi
importante dans la note, soit la moiti.
28
Ds le dbut des annes 1980, lappel du Syndicat National de lEducation Physique
(SNEP) lensemble de la corporation par lintermdiaire dun appel tous les enseignants
faire connatre leurs expriences dvaluation, rencontre un grand succs (SNEP, 1982). Les
rponses sont regroupes en 1984 au sein dun ouvrage qui permet de diffuser les expriences :
lvaluation en EPS . Ce recueil est constitu de propositions pratiques issues des expriences
des enseignants ; il rpond ainsi une forte demande professionnelle au moment o beaucoup
denseignants sont en difficult pour appliquer les nouvelles modalits dvaluation plus
complexes et qui concernent un ensemble bien plus tendu dactivits. Progressivement,
lvaluation en EPS devient plus qualitative et scarte dune conception davantage techniciste
oriente vers la reproduction de modle. Alors qu la priode prcdente lvaluation tait
essentiellement sommative, quantitative et rfre un modle, les pratiques pdagogiques vont
davantage sorienter vers lvaluation formative, qualitative et critrie.
En 1991 un groupe de pilotage men par lInspection Gnrale (C. Pineau) travaille
autour dune rforme de lvaluation et publie diffrentes propositions en 1992 dans la revue
EPS sous le titre les preuves dEPS aux examens de lducation nationale . Ceci marque une
volont de mieux articuler valuation et formation. En 1993, les modalits des preuves au
baccalaurat sont modifies faisant place un systme complexe qui ncessite la prise en compte
dun indice de performance. Ce texte de 1993 sera rapidement remplac en 1995. Ds lors, la
matrise de lexcution est associe la performance, sur quinze points, auxquels sont ajouts
cinq points de connaissances. LEPS partir de la rentre 1995 est dote dun coefficient deux
au baccalaurat. La notion de comptence merge peu peu dans les textes certificatifs pour
dfinir la fois la matrise de lexcution et la performance. On distingue ainsi la comptence
qui svalue dans laction, des connaissances qui accompagnent laction et servent la
comptence. Les preuves dEPS au baccalaurat ont fortement volu : elles souvrent une
varit dactivits physiques (mais toujours dominante sportive) et redfinissent les critres
dvaluation davantage vers une matrise de sa conduite que vers la performance proprement
dite.
b. Une rflexion collective en EPS : la place plus importante pour llve
Dans tous les tablissements, la rdaction dun projet pdagogique EPS est obligatoire
depuis 1989 et doit proposer un systme docimologique applicable pour tous les lves, tous
les niveaux. Les valuations mises en place doivent tre spcifies par crit dans leurs modalits
de mise en uvre ; de fait lvaluation sommative en EPS est issue dun travail collectif, toute
lquipe pdagogique EPS participe llaboration du projet et sa mise en uvre. Le contrle
29
en cours de formation au baccalaurat porte dsormais sur trois activits de nature diffrente,
figurant dans le projet pdagogique d'EPS.
Pour Cardinet et Laveault (2001) lvolution de lvaluation tend vers une intgration
croissante de la communication. En effet, lvaluation ne poursuit pas uniquement le but de
communiquer llve sil a russi ou non mais elle doit lui permettre de comprendre ce quil a
fait et de le situer par rapport ses objectifs. Ainsi, limportance de mieux expliciter les critres
dvaluation llve est rvle, tout comme la ncessit de lui apprendre mieux les satisfaire
dans sa pratique.
3. La nouvelle approche par comptences
a. Vers un changement dobjet
Actuellement, lvaluation centre sur les comptences acquises est une conception trs
rpandue notamment au sein des recherches de lAssociation pour le Dveloppement des
Mthodologies dvaluation en ducation (ADMEE), association internationale francophone qui
runit chercheurs et praticiens intresss par les questions dvaluation en formation et en
ducation. Lvaluation a connu un renouvellement conceptuel ces dernires annes par
lintroduction de la notion de comptences qui amne un changement dobjet valuer. Cette
nouvelle perspective apporte de profonds changements dans la conception de lvaluation. Celle-
ci nest plus tourne vers le rsultat de lapprentissage ni vers des conduites observables, mais
tend se consacrer aux processus sous-jacents lapprentissage et au sens donn par lapprenant
aux diffrentes situations dans lesquelles il volue. Cest davantage une autonomie qui est
recherche, une adaptation une famille de situations complexes plutt que lapplication de
mthodes de travail.
Selon Vergnaud (2001), lvaluation dune comptence fait rfrence non seulement
lanalyse du rsultat de lactivit mais aussi lorganisation de cette activit. La dfinition de
lindividu comptent peut se dcliner, selon lui, sous trois formes complmentaires :
Lindividu le plus comptent est celui qui sait faire quelque chose que dautres ne savent pas.
Il est aussi celui qui sy prend dune manire plus fiable, conomique ou encore plus lgante
selon le type de situation.
Enfin, il est celui qui dispose dune plus grande varit de procdures pour traiter une famille
de situations complexes.
30
La notion de comptence apporterait du sens et une cohrence aux apprentissages en
vitant la dcomposition en tches isoles et en se centrant sur lactivit des lves et le
rinvestissement de leurs apprentissages. Concevoir lenseignement par comptences permettrait
dinsister sur la transformation de lorganisation cognitive de llve car il sagit bien de voir
comment le savoir est appropri et utilisable dans des contextes varis, et pas seulement rpt
voire restitu dans les mmes conditions que celles de son acquisition (Rey, Carette et al., 2006).
b. Les difficults rencontres par cette approche
Cette approche est plutt rcente dans le monde de lducation, si bien que sa mise en
uvre nest pas encore gnralise et pose quelques problmes. Cette nouvelle conception est
prsente ici en sachant toutefois que, pour cette recherche, nous avons fait le choix de ne pas
aborder cette notion directement afin dviter les confusions et problmes de sens chez les
enseignants avec qui nous avons travaill. Dailleurs lutilisation de la notion de comptence
spcifie dans les programmes scolaires est plutt controverse, en privilgiant une acception
faible de la notion (De Ketele, 2001).
En 1994, Le Boterf opre un transfert du concept de comptence du monde de la
formation en entreprise celui de lcole. Lobjectif, au sein de lentreprise, est de parvenir
caractriser les comptences d'adaptation aux situations indites et aux mutations technologiques
et sociales par rapport la formation souvent standardise issue du milieu scolaire (Rey, Carette
et al., 2006). Or selon De Ketele (2001), les valuations proposes en milieu scolaire sont le plus
couramment centres sur les contenus o lenseignant prlve un chantillon reprsentatif de
lensemble des contenus enseigns. Pour lui, dans la sphre scolaire, les acteurs sappuient sur un
concept faible des comptences : ceci est particulirement le cas quand les auteurs des
programmes ou les enseignants parlent de comptences transversales. Il distingue ainsi une
conception faible au dtriment dune forte ce qui, au final, dtourne lintrt premier de cette
notion. Dans une acception forte, le concept de comptence peut se dfinir comme la capacit
dune personne mobiliser un ensemble de ressources (cognitives, affectives, gestuelles,
relationnelles, motrices etc.) pour raliser une catgorie de tches ou rsoudre une famille de
situations-problmes. Cette conception forte implique pour les concepteurs des programmes
scolaires, lenseignant et lvaluateur, didentifier avant tout les familles de situations-problmes
en contexte que lon dsire faire apprendre ou valuer. Deux tapes indispensables sont donc
ncessaires pour se situer dans cette conception forte de la notion de comptence (ibid, 2001) :
- dfinir un chantillon de problmes rsoudre
- se fixer un objectif terminal cens intgrer lensemble des comptences sollicites.
31
Les programmes scolaires se sont massivement orients vers la dfinition de comptences
atteindre dans les plus rcents programmes ; or, comme le souligne De Ketele (op. cit.),
lacception retenue considre davantage les comptences comme des lments transversaux,
comme nous pouvons par exemple les trouver dans le socle commun de connaissances et de
comptences.
Un autre problme pos par cette approche de lvaluation par comptence est que les
lves comme les enseignants estiment, juste raison dailleurs, que lvaluation doit porter sur
des lments ayant t enseigns. Or, cette reprsentation implique une interprtation de cette
exigence par une dfinition de lvaluation comme un exercice de rptition dune situation dj
vcue ou presque. Cependant, la situation dvaluation dune comptence ne peut faire lobjet
dun enseignement pralable, puisque la situation se veut dtre indite et permet dvaluer ainsi
davantage le transfert dapprentissage (Kahn, 2012).
En dpit des diffrentes conceptions mergeant autour du terme de comptence (issues
des thoriciens ou des programmes scolaires), une dfinition de llve comptent semble
commune tous. Llve comptent serait celui capable de rsoudre des tches complexes et
indites impliquant des choix et la combinaison de procdures apprises (Carette, 2009). Par
consquent le changement apport par cette notion nouvelle se rapporte au caractre indit et
complexe des situations dans lesquelles llve doit tre impliqu notamment pour tre valu.
Or, ce trait spcifique a des difficults sinscrire dans le domaine de lducation : le systme
scolaire est rgul par les valuations privilgiant la fiabilit, lobjectivit par lutilisation
ditems, de grilles, de critres laissant peu de place la crativit et lexpression plus originale
des lves. Cest dailleurs ce qua montr Rayou (2002) travers lanalyse des productions
dlves en philosophie qui tendent se conformer pour satisfaire les exigences du baccalaurat,
dfaut dtre plus personnelles ou originales. Lvaluation certificative amnerait davantage
vers la standardisation des productions dlves que vers laffirmation de leurs ides, de leur
crativit dans cette discipline o justement la normalisation nest pas recherche. Or selon Rey
(2012), lvaluation des comptences implique de remplacer les techniques habituelles et
routinires par une dmarche diffrente o llve se retrouve parfois devant un feuille blanche,
l o il est habitu des questions de cours, des exercices dapplication etc Il montre quune
solution frquente consiste crer des preuves dvaluation en dcoupant la comptence en
sous-parties valuables selon les procdures traditionnelles, rendant ainsi lvaluation plus aise
pour llve et lenseignant. Seulement, ces pratiques tendent dnaturer lvaluation de la
comptence vise.
32
Seulement, mme si lvaluation par comptence est complexe, elle permettrait de rduire
les carts de notation entre les enseignants (Vantourout et Goasdou, 2010). Ces auteurs ont
analys les corrections denseignants en dissertation par le biais de grille de comptences et
dautres grilles plus classiques. Leurs rsultats vont dans le sens dune rduction des carts mais
aussi dune diffrenciation plus fine entre les copies dites moyennes et moins bonnes.
Lapproche par comptences est donc source de problmes difficiles rsoudre dans
limmdiat. Selon De Ketele (2009), dans tous les pays qui ont introduit une approche par
comptences, lvaluation reprsente une problmatique centrale qui devrait tre pense au
moment de la rforme curriculaire et non aprs, comme cela est souvent le cas. Dailleurs
plusieurs rapports de lInspection Gnrale soulignent les problmes poss par lvaluation par
comptences ; une synthse nationale voque ces difficults : lvaluation par comptence est
encore luvre dune minorit denseignants. Ces derniers ont tendance valuer des micro-
comptences en multipliant les micro-tches : llaboration de situations complexes dvaluation
est dlaisse (Rapport du MEN, 2012/136, p. 11).
c. Les comptences dans les programmes en EPS
La rdaction de la Charte des Programmes de 1992 a constitu une tape centrale du
processus conduisant lEPS se recentrer sur la notion de comptences. Lmergence de cette
notion traduit un changement dintrt par le passage de lvaluation dun niveau moteur ou
psychomoteur une valuation de la capacit de llve construire par exemple son parcours de
progression et de sa capacit adopter des comportements socialement acceptables dans et en
dehors de lcole (Poggi-Combaz, 2002.b.). LEPS est de plus en plus oriente vers une finalit
dautonomie de llve. Ds les programmes de 1996, les enseignants dEPS sont familiariss
avec cette notion de comptences qui rompt davantage avec la logique sportive en soulevant le
caractre gnralisable et transfrable des apprentissages lis une mme comptence.
partir de 2002, lvaluation en EPS concerne toujours trois preuves mais qui portent
dsormais sur des comptences diffrentes. Les activits sont proposes aux lves partir dune
liste nationale et acadmique et, pour chaque preuve, des repres de notation sont proposs dans
des fiches constituant le rfrentiel national dvaluation. Conformment aux programmes en
vigueur, les programmations ne se font plus partir de familles ou de la nature des activits mais
33
en fonction de cinq comptences culturelles15
qui regroupent diffrentes activits. Ces
comptences sont dfinies en fonction du motif de laction, du but pour le pratiquant.
Lutilisation faite par les concepteurs des programmes de la notion de comptences correspond
une nouvelle faon de penser lenseignement, non en termes daccumulation de connaissances
mais plus en termes darticulations de savoirs ncessaires pour rsoudre un problme. Dans les
programmes dEPS, la comptence se dfinit comme un ensemble structur dlments : des
connaissances, des capacits et des attitudes permettant llve de se montrer efficace dans un
champ dactivit donn et de faire face, de faon adapte, aux problmes quil rencontre.
(Bulletin Officiel spcial n 6 du 28 aot 2008, p.3). Une comptence regroupe des situations qui
rpondent au mme problme puisque lon peut atteindre les niveaux de comptences dfinis au
regard de moyens diffrents. Lors des valuations, lenseignant value les lves dans une
comptence particulire qui peut a priori sexprimer travers diffrentes activits. Or, bien des
dbats ont lieu autour de lacception utilise car, sous une mme comptence, plusieurs activits
trs diffrentes sont proposes ; or, leurs modalits sont plutt loignes alors quelles sont
censes prsenter des similitudes en termes dapprentissage. Par exemple, sous prtexte
dapprendre sopposer un camarade ou une quipe, la boxe figure dans la mme
comptence que le volley-ball. Lide dun transfert dapprentissage moteur (Parlebas, 1976)
pouvant exister entre ces deux activits est tout de mme difficile apprhender. Certes, certains
apprentissages stratgiques peuvent tre apparents, comme ladaptation son adversaire mais
les mises en uvre motrices prsentent peu de similarits : dun ct une activit avec contact
direct, un contre un, o il sagit de protger son corps et attaquer simultanment celui de
ladversaire et de lautre une activit collective o les quipes, spares dans lespace par un
filet, entrent en communication par lintermdiaire dun ballon. En EPS, deux types de transfert
dapprentissage sont apprhends (Dugas, 2005) : le transfert intraspcifique qui correspond
pour une activit aux tapes dacquisitions des lves qui se succdent. Les acquisitions servent
de point dappui aux futurs apprentissages. Ensuite, le transfert dapprentissage ayant lieu dune
activit une autre est appel transfert interspcifique . Ce type de transfert peut assurer une
continuit entre certaines activits diffrentes. Lvaluation des comptences en EPS de faon
sommative prend en compte cette possibilit de transfert une autre situation. Or les
programmes placent dans la mme comptence propre lEPS des activits dont la logique est
trs diffrente et porte peu favoriser un transfert moteur.
15 Les cinq comptences culturelles, appeles comptences propres depuis les programmes EPS de 2010 sont :
raliser une performance motrice maximale mesurable une chance donne ; se dplacer en sadaptant des
environnements varis et incertains ; raliser une prestation corporelle vise artistique ou acrobatique ; conduire et
matriser un affrontement individuel ou collectif ; raliser et orienter son activit physique en vue du dveloppement
et de lentretien de soi (BO spcial du 29/04/10).
34
Ainsi lapproche par comptence a toutefois lambition de renouveler lobjet de
lvaluation en EPS : ce nest plus le rsultat de lapprentissage qui est valu mais lintelligence
motrice du pratiquant, cest--dire sa capacit d'utiliser son corps de faon pertinente en fonction
de la situation (Dugas et During, 2007). Des tudes sur les transferts interspcifiques dans le
cadre de lEPS devraient venir appuyer les propositions des concepteurs des programmes, afin de
respecter lacception de la notion de comptences telle quelle a t au dpart dfinie et viter
ainsi de supposer des transferts entre diffrentes pratiques.
4. Le contrle en cours de formation en EPS
Aujourdhui, lpreuve dEPS est une des seules se drouler sous forme de contrle en
cours de formation o lenseignant de la classe value ses propres lves pour les examens
certificatifs. La forte crainte des biais pouvant tre infrs cette mise en uvre fait que
lpreuve dEPS est trs cadre par les textes officiels. Tant par le choix limit des activits
enseignes que les critres, barmes et dfinitions des attentes en termes de niveaux dhabilet,
la marge de libert des enseignants est particulirement restreinte au niveau de lvaluation et
implique donc des choix stratgiques prcis dans leur enseignement. Par exemple, lenseignant
daujourdhui ayant des classes en terminale gnrale doit tenir compte des programmes dEPS
et du texte relatif lvaluation certificative (Bulletin officiel spcial n5 du 19 juillet 2012). Il
doit proposer ses classes un groupement de trois preuves pour lanne, issues dune liste
nationale (au moins deux preuves) et acadmique ; les activits sont choisies, thoriquement et
dans la mesure du possible, par ses lves. Pour chaque activit lvaluation sera faite en
rfrence une grille dvaluation nationale prcisant les critres, les niveaux et notes
correspondantes. Cependant, en fonction des rsultats des commissions dharmonisation des
notes ayant lieu chaque anne par secteur gographique et au niveau national, lenseignant a une
connaissance assez fine des preuves qui permettent dobtenir des bonnes notes ou, au contraire,
qui sont juges plutt difficiles. Sa volont de faire russir ses lves nest pas toujours
concordante avec les gots de ces derniers ports sur certaines activits (comme le volleyball) o
les notes sont, tous les ans, parmi les plus basses. Dautres problmes se surajoutent ces choix :
les carts de notes entre les garons et les filles qui dcoulent en partie du choix des activits, la
ncessit de proposer au moins une activit collective et de reprsenter trois comptences
propres diffrentes. Finalement, le choix des activits est assez rduit et trs stratgique. De plus,
35
les programmations16
des classes prcdentes sont aussi complexes dfinir car elles aboutissent
cette valuation certificative et ncessitent un nombre dheures denseignement suffisant.
Les textes officiels rgissant lpreuve dEPS au baccalaurat ont un impact vident sur
lenseignement de la classe de terminale, mais pas seulement. La certification au baccalaurat est
lobjectif des lves, des parents et des enseignants dsireux dassurer la russite au maximum
dlves. Complmentairement la certification, les recherches sur lapprentissage et les effets
de lvaluation ont aussi permis une rflexion importante sur les formes et lutilit de
lvaluation. Outre sa fonction certificative qui est essentielle car obligatoire un moment
donn, les finalits ont volu dun contrle des acquis une vritable aide au service de
lapprentissage des lves, ce qui assure une rupture avec le caractre butoir et rigide des
valuations sommatives.
La frise ci-dessous (figure 1) rcapitule les tapes importantes de lvaluation en EPS.
16 Une programmation en EPS est une organisation sur lanne des diffrentes priodes auxquelles correspond
lenseignement dune activit. Elle est construite par lquipe pdagogique.
36
Lvaluation en EPS : perspective diachronique
Au baccalaurat Contexte
preuve obligatoire (1959) Prdominance de lvaluation sommative
valuation de la performance : vise normative
Athl, gym et natation
1res approches de lvaluation formative
(Scriven, Bloom) fin des annes 1960
Ncessaire redfinition en EPS des valuations
pour se dmarquer du sport. (annes 1970)
Ouverture des APS 7 domaines valuation formatrice (Scallon) 1982
Instauration du CCF Renouvellement des valuations en EPS :
valuation des conduites motrices approche critrie, valeur qualitative
(= performance + matrise), des progrs
et des connaissances (1983)
Charte des programmes 1992 : introduction des
comptences : dveloppement des
problmatiques de sens de lapprentissage et de
transfert
valuation des comptences
[matrise et performance (matrise perf)]
et des connaissances (1995)