682
HAL Id: tel-00919415 https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00919415 Submitted on 16 Dec 2013 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. L’évaluation scolaire en question : de l’activité des enseignants aux conduites des élèves : impact des évaluations proposées et des modalités de groupement sur les conduites des élèves du secondaire en éducation physique et sportive Lucie Mougenot To cite this version: Lucie Mougenot. L’évaluation scolaire en question : de l’activité des enseignants aux conduites des élèves : impact des évaluations proposées et des modalités de groupement sur les conduites des élèves du secondaire en éducation physique et sportive. Education. Université René Descartes - Paris V, 2013. Français. <NNT : 2013PA05L002>. <tel-00919415>

L'évaluation scolaire en question

Embed Size (px)

Citation preview

  • HAL Id: tel-00919415https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00919415

    Submitted on 16 Dec 2013

    HAL is a multi-disciplinary open accessarchive for the deposit and dissemination of sci-entific research documents, whether they are pub-lished or not. The documents may come fromteaching and research institutions in France orabroad, or from public or private research centers.

    Larchive ouverte pluridisciplinaire HAL, estdestine au dpt et la diffusion de documentsscientifiques de niveau recherche, publis ou non,manant des tablissements denseignement et derecherche franais ou trangers, des laboratoirespublics ou privs.

    Lvaluation scolaire en question : de lactivit desenseignants aux conduites des lves : impact des

    valuations proposes et des modalits de groupementsur les conduites des lves du secondaire en ducation

    physique et sportiveLucie Mougenot

    To cite this version:Lucie Mougenot. Lvaluation scolaire en question : de lactivit des enseignants aux conduites deslves : impact des valuations proposes et des modalits de groupement sur les conduites des lvesdu secondaire en ducation physique et sportive. Education. Universit Ren Descartes - Paris V,2013. Franais. .

    https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00919415https://hal.archives-ouvertes.fr

  • UNIVERSITE PARIS DESCARTES

    UFR STAPS

    cole doctorale 456 Sciences du Sport, de la Motricit et du Mouvement Humain

    Laboratoire : GEPECS quipe Techniques et Enjeux du Corps. EA 3625.

    LVALUATION SCOLAIRE EN QUESTION : DE LACTIVITE DES

    ENSEIGNANTS AUX CONDUITES DES ELEVES.

    Impact des valuations proposes et des modalits de groupement sur les conduites des lves du

    secondaire en ducation physique et sportive.

    Thse en vue de lobtention du grade de Docteur de lUniversit Paris Descartes

    Discipline : Sciences et techniques des Activits Physiques et Sportives

    Prsente et soutenue publiquement par

    Lucie Mougenot

    Le 21 novembre 2013

    Tome 1

    Membres du jury :

    ric DUGAS Professeur, Universit Montesquieu Bordeaux IV, Directeur de thse.

    Ghislain CARLIER Professeur, Universit catholique de Louvain, rapporteur.

    Patrick RAYOU Professeur, Universit Paris VIII, rapporteur.

    Luc COLLARD Professeur, Universit Paris Descartes.

    Marc VANTOUROUT Matre de confrences, Universit Paris Descartes.

  • 1

    Sommaire

    Tome 1

    Table des acronymes _______________________________________________ 2

    Remerciements ___________________________________________________ 3

    Introduction ______________________________________________________ 4

    Partie 1 : enjeux et difficults de lvaluation scolaire __________________________ 22

    Chapitre 1 : lactivit valuative des enseignants, tat des lieux de

    lvaluation scolaire _______________________________________________ 23

    Chapitre 2 : la prise de dcision en contexte collectif ____________________ 69

    Chapitre 3 : les relations socio-affectives dans les situations dinteraction ____ 84

    Partie 2 : prsentation de ltude __________________________________________ 98

    Chapitre 4 : mthodologie gnrale __________________________________ 99

    Chapitre 5 : lactivit valuative des enseignants _______________________ 119

    Chapitre 6 : discussion : des mises en uvre communes qui intgrent les lves

    dans leur valuation en EPS malgr une prsence forte de la notation ________ 168

    Partie 3 : lvaluation des conduites des lves _______________________________ 197

    Chapitre 7 : mthodologie dtaille __________________________________ 198

    Chapitre 8 : analyse sociomtrique ___________________________________ 250

    Chapitre 9 : analyse des conduites motrices ____________________________ 272

    Chapitre 10 : analyse des conduites verbales ___________________________ 320

    Chapitre 11 : discussion ; des progressions ingales selon les choix

    pdagogiques ____________________________________________________ 344

    Conclusion ____________________________________________________________ 380

    Bibliographie __________________________________________________________ 386

    Table des matires ______________________________________________________ 401

    Index des auteurs _______________________________________________________ 411

    Tome 2

    Annexes

  • 2

    Table des acronymes

    ADMEE : Association pour le Dveloppement des Mthodologies dvaluation en

    ducation

    ANOVA : ANalysis Of VAriance

    AS : Association Sportive

    BOHS : Bulletin Officiel Hors Srie

    CP : Comptence Propre

    CRPE : Concours Rgional de Professeur des coles

    DEPP : Direction de lvaluation, de la Prospective et de la Performance

    EPS : ducation Physique et Sportive

    ESPE : cole Suprieure du Professorat et de Lducation

    GEPECS : Groupe dtude Pour lEurope de la Culture de la Solidarit

    IO : Instructions Officielles

    IPR : Inspecteur Pdagogique Rgional

    IUFM : Institut Universitaire de Formation des Matres

    LP : Lyce Professionnel

    PEGC : Professeur dEnseignement Gnral de Collge

    PISA : Program of International Student Assessment

    SEGPA : Section dEnseignement Gnral et Professionnel Adapt

    SNEP : Syndicat National de lducation Physique

    UFR : Unit de Formation et de Recherche

    UNSS : Union Nationale du Sport Scolaire

  • 3

    Remerciements

    Mes premiers remerciements sadressent mon directeur de thse, ric Dugas, qui ma

    transmis son got de la recherche depuis six ans. Toujours trs ractif, je lui adresse un grand

    merci pour ses prcieux conseils, sa patience et sa disponibilit.

    Ensuite, je ne manque pas de remercier deux personnes qui mont aide matriser les

    outils statistiques indispensables dans cette recherche. Il sagit de Marc Elipot et Hlne

    Joncheray.

    Ltude prsente ici a t ralise auprs denseignants en EPS. Ils mritent tous un

    remerciement particulier pour avoir accept de participer, de rpondre sincrement mes

    demandes. Plus spcifiquement, jadresse un grand merci mes anciennes collgues Claire,

    Mlanie, Dora et Marine.

    Enfin, mes remerciements plus personnels sadressent ceux et celles qui mont

    soutenue :

    Merci ma maman, qui mencourage quoi que je fasse et qui a consacr pas mal de temps et

    dnergie me relire.

    Merci mes deux petites filles, Jeanne et Esther, pour leur grande comprhension, leur

    gentillesse et leur patience car la plupart de mes heures de travail ont t passes en leur

    compagnie.

    Enfin, merci mon papa, lorigine de ma destine et fervent dfenseur du bien-tre des enfants.

    Merci davoir fait preuve de bienveillance mon gard. Jespre quil aurait t fier de voir mon

    travail ainsi achev.

  • 4

    Introduction

    Le quotidien de chacun est parsem dchanges, dinteractions avec autrui, de prises de

    dcision. Lhomme est naturellement insr dans un monde o la communication est une

    ncessit. Winkin dfinit la communication partir des travaux de Goffman (1959), Hall (1959)

    et Watzlawick (1964). Pour lui elle se dfinit comme un processus social permanent intgrant

    de multiples modes de comportement : la parole, le geste, le regard, la mimique, lespace

    interindividuel, etc. (Winkin, 1981, p. 24). Par consquent, lensemble de nos faits et gestes

    sont porteurs de signification ; tout comportement est un acte de communication dont de

    multiples facettes demeurent inconscientes car intgres par le processus de socialisation. Agir,

    parler, crire, rester immobile, ltude des comportements sociaux met en vidence la

    permanence de lutilisation de codes de communication intgrs par les individus. Dailleurs

    quon le dcide ou non, chacun est immerg dans la communication car elle est une condition

    sine qua non de la vie humaine et de l'ordre social. Il est non moins vident que ltre humain se

    trouve ds sa naissance engag dans le processus complexe de lacquisition des rgles de la

    communication, mais quil na que trs faiblement conscience de ce que constitue ce corps de

    rgles, ou ce calcul de la communication humaine (Watzlavick, Beavin et al., 1972, p. 7).

    Lensemble des interactions qui dfinit le quotidien est porteur de messages qui entranent des

    adaptations autrui et linterprtation continue des messages mis.

    Lobservation des interactions entre les individus dans le but de dfinir les codes de

    communication est un objet de recherche trs convoit notamment par Winkin (op. cit.) qui

    dfinit une anthropologie de la communication travers ltude des comportements sociaux. Son

    approche rompt avec lanalyse de la communication selon un mode transmissif (dvelopp par

    Shannon et Weaver en 1949) et soriente vers lapproche dite orchestrale : la communication est

    analyse partir du contexte dans lequel se droulent les interactions ; le contexte est un lment

    central qui permet de dfinir la signification des actions de communication utilises. La

    mtaphore de lorchestre musical est trs parlante puisquelle accentue le fait que lindividu joue

    sa partition tout en tant insr dans un orchestre. Sa conduite dpend de sa partition personnelle

    mais aussi et surtout de la conduite des autres car il agit dans un milieu interactionnel permanent.

    Pour Winkin, le contexte est seul capable de donner sens aux lments qui sy inscrivent

    (2000, p. 107). La communication permet ainsi le fonctionnement de la socit ; chacun peut

  • 5

    rguler ses interactions et sadapter lenvironnement social. Cependant, communiquer est un

    apprentissage permanent et le sens du message transmis est rgulirement source

    dincomprhension, dinterprtation dformant alors lintention de dpart. Dans le milieu

    scolaire, lieu de socialisation secondaire, la communication entre lenseignant et les lves est

    parfois difficile. Les recherches en sciences de lducation tmoignent de ces difficults, des

    incomprhensions ressenties voire des carts constats entre lintention des enseignants et ce

    quen retiennent les lves (Issaieva et Crahay, 2010 ; Merle, 1998). Les heures de classe sont

    caractrises par une succession dinteractions matre / lves et lve(s) / lve(s). En fonction

    de ses objectifs, lenseignant utilise un large panel doutils des fins de communication verbale

    et non verbale (Richmond et Croskey, 1987). Tout comme le musicien au sein de son orchestre,

    lenseignant sadapte au contexte, ses lves tout en dvoilant ses traits de personnalit de

    faon plus ou moins consciente. Or, les conflits issus de problmes de communication sont

    nombreux et difficiles grer. Pourtant, la communication entre lenseignant et les lves peut

    tre perue comme un jeu somme non nulle1, cest--dire ce que lun gagne nest pas perdu par

    lautre : ainsi, personne na intrt ce quune mauvaise interprtation aboutisse une

    dgradation des conditions denseignement ; par contre, enseignant comme lves peuvent y

    perdre tous les deux ne pas russir se comprendre. La dgradation de la communication entre

    lenseignant et ses lves peut conduire des manifestations de violence : elle amne un

    sentiment doppression chez lenseignant pour qui les faits de violence verbale sont les plus

    ressentis (Debarbieux, 1999), et des rponses violentes de la part des lves qui ne peroivent

    plus dautres solutions et vitent le dialogue par principe de fonctionnement (Bertucci, 2006).

    Lenseignant communique avec ses lves, met en place des dispositifs visant optimiser

    leur apprentissage. Une des particularits de lenseignement au quotidien tient au fait que cest

    lenseignant lui-mme qui value ses lves. De fait, qui value-t-il ? Ses lves ou lui-mme ?

    La communication des rsultats dune valuation est souvent problmatique : elle peut gnrer

    des incomprhensions de la part des lves qui ne communiquent pas forcment de faon

    explicite leurs sentiments dinjustice perue (Butera, Darnon et al., 2006 ; Lentillon, 2008). Les

    travaux sur leffet matre (Mingat, 1984 ; Bressoux, 2001) tmoignent de la responsabilit des

    enseignants dans lefficacit de lenseignement et donc dans lapprentissage et la russite des

    lves. Les questions dvaluation occupent une place trs importante dans les pratiques : au

    1 Les jeux somme non nulle sont des situations ludiques o la coopration est possible comme cela est le cas dans

    les jeux paradoxaux ou les jeux comptition partageante. En revanche les jeux somme nulle (la plupart des sports par exemple) sont des situations de comptition excluante o les intrts des joueurs sont opposs : le conflit est

    total.

  • 6

    quotidien, selon Braxmeyer, Guillaume et al. (2004) les pratiques valuatives reprsentent entre

    18 et 20 % du temps de travail des enseignants. Lvaluation occupe une place centrale dans les

    proccupations des enseignants comme dans celles des lves, de linstitution et des parents.

    partir dobservations empiriques ralises au cours de dix annes denseignement dans

    le secondaire et de deux annes en tant que formatrice IUFM, il apparat que le moment de

    lvaluation est souvent problmatique pour lenseignant. Il est le sujet dun foisonnement de

    questions, de compromis raliser, de prcautions prendre, dautant plus si on sintresse aux

    conduites dveloppes par les lves. La communication, lors des valuations, est essentielle car

    les attentes doivent tre cohrentes avec les situations proposes. Llve qui choue est-il

    toujours celui qui na pas appris ? Les valuations proposes refltent-elles uniquement les

    apprentissages raliss en amont ? Lactivit valuative des enseignants est complexe car au

    carrefour de multiples dimensions que nous soulverons par la suite. Quil sagisse de la

    prparation dune valuation, des consignes donnes pendant sa mise en uvre ou de la

    correction a posteriori, lenseignant prend de multiples dcisions dans le but dassurer la

    cohrence entre ses objectifs, les apprentissages raliss et la situation telle que propose.

    1. Lactivit valuative des enseignants2

    Effectivement, les choix effectus concernant lvaluation sont lis aux priorits

    pdagogiques et didactiques des enseignants qui disposent dune grande libert (Bressoux, Bru et

    al, 1999). Les pratiques sont encadres par des recommandations officielles mais lespace de

    dcision des enseignants reste vaste et soumis la complexit de la situation denseignement.

    Lapport de la formation initiale ne permet pas de rpondre aux nombreuses attentes puisque la

    singularit des situations vcues ensuite demande une adaptation constante (Baillat, 2009) et

    ncessite des allers-retours permanents entre thorie et pratique. Les enseignants choisissent au

    regard de leur vcu, de leurs connaissances, du contexte denseignement et des contraintes

    institutionnelles, ce qui semble le plus appropri pour leurs lves. Mme si la standardisation

    des pratiques nest pas recherche, la varit des conceptions et des mises en uvre mrite dtre

    analyse pour comprendre si la culture de lvaluation est partage et dans quelle mesure

    lvaluation est redfinie par chacun. Les mthodes utilises sont largement personnalises et

    2. Le terme activit valuative des enseignants est utilis ici pour mettre en avant lacte concret, producteur de

    sens (Chardenet, 1999). Repris pas Figari (2001, p. 4), lutilisation du terme activit valuative , la place de

    celui dvaluation indique que la tendance majeure des volutions constates consiste, travers les pratiques, les

    problmatiques et les mthodes, sintresser particulirement ce qui se passe dans lacte dvaluer, tant chez l

    valuateur que chez l valu , du moins si lon accepte de maintenir cette distinction.

  • 7

    refltent pour une part lidentit de lenseignant, ce qui rend lanalyse des pratiques la fois trs

    pertinente mais aussi complexe. Il semble alors intressant de comprendre comment les

    ressources thoriques peuvent tre exploites par les enseignants sur le terrain.

    Si les pratiques sont disparates cela peut tre conscutif un choix bien mesur de chaque

    enseignant au regard des multiples possibilits qui lui sont offertes, ou alors cela peut plutt tre

    la rsultante de choix par dfaut. Dans ce deuxime cas, le manque de formation et de

    connaissances des rsultats des recherches est fondamental mais pas seulement, car la relation

    entre les thories et la pratique dpasse la seule connaissance des mthodes ou dispositifs rvls

    efficaces par la recherche. Dailleurs, et notamment depuis la cration des IUFM en 1989, la

    formation des enseignants est rgulirement rforme, tiraille entre la forte demande de

    professionnalisation et lapport de donnes thoriques. Si la thorie et la pratique apparaissent

    interdpendantes pour assurer une formation cohrente, les liens entre ces deux entits sont

    complexes (Crahay, 2007). La mise en pratique des savoirs enseigns en formation fait merger

    toute la complexit de la situation denseignement ; cela ncessite une adaptation au contexte qui

    est peu prvisible surtout pour les enseignants dbutants (Rayou et Van Zanten, 2004).

    Aujourdhui, tout un chacun saccorde pour dire que lvaluation est un passage oblig

    dans un parcours dapprentissage (Monteil, 1990). Les formations initiales en Master

    Enseignement font explicitement rfrence la conception, la mise en uvre et lvaluation

    des comptences atteindre. Par exemple dans le premier degr, les formations sont calques sur

    les dix comptences professionnelles attendues3 dont fait partie lvaluation des comptences des

    lves. Les formations continues acadmiques4 en didactique disciplinaire abordent

    lenseignement par comptences dans lequel une place est rserve aux diffrents modes

    dvaluation (notamment formative5) qui sinscrivent dans les dmarches denseignement

    proposes. Seulement, ces formations impliquent-elles directement une mise en pratique par les

    enseignants ? Sont-elles suffisantes pour induire un changement durable et opportun ? Au regard

    des propos de Perrenoud (1998) partags par bon nombre de formateurs et conjugus une

    trentaine dobservations empiriques que nous avons ralises durant des visites de terrain de

    3 Cahier des charges de la formation des matres du 19 dcembre 2006.

    4 Par exemple dans lacadmie dAmiens en EPS plusieurs formations ont pour intitul Construire des formes de

    pratiques scolaires des comptences propres 2 et 3. Concevoir une valuation progressive, formative ().

    5 Talbot (2009) dans Lvaluation formative : comment valuer pour remdier aux difficults dapprentissage

    dfinit lvaluation formative comme un ensemble de procdures plus ou moins formalises visant adapter laction

    pdagogique et didactique en fonction des progrs et des difficults dapprentissage.

  • 8

    futurs enseignants (en amont de lenqute) lvaluation pose un vritable problme de mise en

    uvre. Ladquation entre ce quon enseigne et ce quon value, les formes de lvaluation et

    leurs finalits, le recours la notation sont autant de problmes majeurs rencontrs par les

    praticiens au quotidien. Cela repose le problme de la communication des rsultats dune

    valuation aux lves ! Les difficults rencontres par lenseignant pour valuer et attribuer une

    note sont amplifies du point de vue de linterprtation faite par les lves : quoi correspond la

    note ? Doit-on la comparer celle des autres pour situer son niveau ? partir de quand peut-on

    tre satisfait du rsultat et comment sy prendre pour progresser ?

    Mme si lvaluation scolaire est un sujet transversal aux disciplines, chacune dentre

    elles connat des problmes spcifiques de mise en uvre. Ltude que nous allons prsenter a

    t ralise autour de lvaluation en EPS, discipline qui possde des modalits spcifiques

    comme par exemple le contrle en cours de formation lors des examens scolaires. linstar de

    David (2000), la mise en uvre des valuations en EPS pose problme : il cite par exemple le

    biais denseigner au final que ce que lon peut valuer, pour mettre en uvre des procdures

    dvaluation prcises et objectives. Le contrle en cours de formation au brevet des collges et

    au baccalaurat incite les enseignants dfinir les contenus denseignement en fonction des

    valuations, ce qui a pour consquence la mise lcart dun certain nombre dapprentissages ;

    ceux-ci seraient peut-tre moins occults dans le cadre dune valuation terminale ralise par un

    enseignant diffrent. Par ailleurs, lenseignant dEPS value des conduites motrices6 la grande

    diffrence de ses collgues des autres disciplines. Cette spcificit amne des difficults

    supplmentaires comme la ncessit dobserver chaque lve pendant laction sans prise de recul

    ni retour en arrire possible. Le rsultat est immdiat tant pour llve qui ne peut pas revenir sur

    son action, que pour lenseignant qui est contraint de traduire tout de suite les conduites

    observables en niveau de comptence ou dhabilet atteint selon les critres dvaluation dfinis.

    La prise de dcision est donc trs rapide et demande une forte matrise des critres dobservation.

    Ce choix de confronter les objectifs des enseignants avec lactivit quils dveloppent et

    les apports des recherches est issu dune volont de notre part danalyser lefficacit de ce qui est

    propos quotidiennement aux lves. travers notre exprience en EPS, il parat vident que

    nombre de dcisions prises sont le fait dhabitudes voire dintuitions. Lexprience nous incite

    agir de telle ou telle manire mais, malgr la tendance penser que ces choix sont justifis et

    6 Parlebas aborde la notion de conduites motrices ds 1968. Elle se dfinit comme lorganisation signifiante du

    comportement moteur (1999, p. 74). Lemploi de ce terme permet de se distinguer de la notion de comportement

    en mettant en avant le sens des actions motrices ralises par les pratiquants ou lves.

  • 9

    pertinents, nous souhaitions valuer scientifiquement leur porte. Cest au cours des nombreuses

    discussions entre collgues de mme discipline ou non, que la grande varit des conceptions et

    des pratiques nous est apparue problmatique. Lenseignant travail seul avec sa classe, si bien

    quil est difficile de percevoir les autres faons de procder et par consquent les rpercussions

    que cela entrane sur les conduites des lves. Les enfants peuvent se comporter de faon trs

    diffrente selon les enseignants avec qui ils sont, tout comme avec leurs parents (des recherches

    ont montr par exemple limpact des attentes sur les conduites comme leffet Pygmalion

    (Rosenthal et Jacobson, 1968)); selon le contexte, les conduites diffrent. Par exemple, les

    reprsentations que se font les enseignants dun lve en conseil de classe sont parfois trs

    loignes et soulvent des dbats houleux. Et il nest pas surprenant de constater que le

    professeur dEPS est souvent l pour contredire, relativiser les avis ngatifs (ou au contraire

    mettre des bmols propos dlves scolairement performants) ; ils apportent souvent un point

    de vue diffrent sur llve car le contexte, les situations denseignement sont trs spcifiques.

    Comme quoi, le type de situations propos et les offres didactiques et pdagogiques qui en

    dcoulent nont pas le mme impact sur les lves. De plus, des diffrences mergent aussi entre

    collgues EPS. Au cours des nombreuses discussions spontanes que nous avons pu vivre,

    quelques constats sont ressortis : les modalits dvaluation sont trs varies et souvent justifies

    par le lien que la notation peut avoir avec le travail des lves. Chacun agit comme bon lui

    semble, mais dans quelle mesure est-il possible daffirmer que nos pratiques sont efficaces ?

    Quelles erreurs commet-on ? Lenjeu est de taille puisque les consquences impactent

    directement sur lapprentissage des lves. En tant quenseignant il est difficile destimer la

    porte de nos choix car nos interprtations et reprsentations sont difficilement autovaluables et

    le rapport dautorit entre professeur et lve semble tre un frein la prise de conscience de

    certaines consquences nfastes des dmarches entreprises. De fait, lvaluation est un lment

    qui reflte beaucoup les diffrences de conception. Les situations dvaluation, les critres

    choisis, la communication faite aux lves et les interprtations qui en dcoulent sont

    dterminants pour les lves ; et pourtant ils paraissent trs disparates. Lors de visites de terrain

    que nous avons ralises avec des futurs enseignants du primaire, nous avons pu remarquer que

    lvaluation est souvent conue comme un contrle de connaissances et quelle est peu anticipe,

    sans rflexion pralable sur les critres dvaluation.

    Ainsi, la recherche prsente ici a pour but daboutir une rflexion sur les effets des

    valuations proposes chez les lves. Dans cette optique, la question de la relation entre les

    effets attendus dune valuation et ceux rellement obtenus a tout son sens. Cela amne se

    poser la question de la concordance entre les attentes des enseignants et entre les objectifs et

  • 10

    conduites des lves. Par exemple, lors dune valuation sommative7 destine en fin de cycle

    dapprentissage mesurer les carts aux objectifs annoncs, lenseignant value et met une note

    chaque lve. Mais llve, sachant quil est not, se conduit-il comme dhabitude ou adopte-il

    une posture destine optimiser ses rsultats ? Est-il davantage motiv pour russir ou ne

    dveloppe-t-il pas des stratgies dvitement en sentant la menace de lchec ? Par exemple,

    lenseignant peut observer des conduites inhabituelles chez des lves le jour de lvaluation

    sommative. Parfois, certains dentre eux ne parviennent plus atteindre leur niveau de pratique

    acquis durant le cycle dapprentissage sous leffet du stress de lvaluation : en gymnastique ou

    escalade, ce cas est assez frquent selon les observations que nous avons pu raliser, le nombre

    de chutes, de dsquilibres est plus important que lors des sances dapprentissage. Au contraire,

    dautres lves paraissent plus motivs et dynamiques et parviennent mettre toutes leurs

    chances de leur ct pour obtenir de bons rsultats. La cohrence entre lintention de

    lenseignant et les rsultats dune valuation peut tre mise mal. Mais cela traduit-il un

    changement de conduite de la part de llve li lenjeu de la situation, un niveau dexigence

    trop lev ou encore une interprtation difficile des consignes par les lves ?

    Communment, les valuations sommatives reprsentent une tape importante du

    processus dapprentissage. Cependant, elles ne refltent pas une unique modalit dvaluation.

    En ce sens, lvaluation formative des lves est une opportunit intressante puisquelle se

    dmarque de la finalit sommative en se plaant au service des apprentissages. De fait, labsence

    de traduction sous forme de note globale des observations ralises, le recours des modalits

    dvaluation plus progressives par rapport aux valuations sommatives laissent penser que ce

    dispositif formatif est plus efficace. Quen est-il alors des pratiques valuatives ? Lvaluation

    formative est-elle rgulirement mise en place et permet-elle effectivement de faire progresser

    davantage les lves ? Les lves sont-ils habitus tre valus en cours de cycle

    dapprentissage et distinguent-ils les finalits diffrentes des valuations ?

    Dans ce cadre, tant lactivit de lenseignant dans les choix quil effectue en matire

    dvaluation que les conduites des lves nous intressent.

    2. Les conduites des lves

    Les lves agissent selon les contraintes poses par lenseignant, par lintermdiaire des

    situations dapprentissage ou dvaluation, mais aussi selon leur propre logique dcisionnelle

    inhrente leur vcu et aux rsultats de leurs expriences passes (Lahire, 1998). Lapproche

    7 Talbot (op.cit.) dfinit lvaluation sommative comme clturant une phase dapprentissage, sous la forme dune

    vrification de lacquis, en sanctionnant la performance.

  • 11

    sociologique de Lahire tend considrer les logiques individuelles avant de les catgoriser. Les

    logiques daction des lves au sein dune classe rpondent des motifs varis, des influences

    diverses issues de lensemble des milieux sociaux dans lesquels chacun est impliqu. Lindividu

    est une ralit sociale caractrise par sa possible complexit dispositionnelle par rapport la

    diversit des domaines de pratiques ou des scnes dactions (Lahire, 2001, p. 77). Les

    conduites des lves en situation dvaluation sommative peuvent ainsi paratre irrationnelles

    lenseignant alors que du ct de llve, les dcisions prises tiennent compte de sa

    reprsentation du contexte. Les rsultats attendus sont parfois diffrents de ceux rels lis des

    perturbations (Talbot, 2012) inhrentes la situation comme nous lavons envisag, voire aux

    stratgies dveloppes par les lves. Ds lors, le niveau de performance atteint lors des

    valuations sommatives et des situations dapprentissage est questionn. Lenjeu tant modifi,

    quelles rpercutions en termes de conduites peut-on observer chez les lves ? Sont-ils davantage

    motivs et cela peut-il entraner de meilleurs rsultats ? Dans le cadre de lEPS la performance

    est-elle reprsentative du niveau de comptence atteint ? Llve qui sapplique lors de

    lvaluation mais ralise une performance au rabais doit-il tre pnalis ?

    Lvaluation en EPS est complexe et les arrangements sont nombreux pour combler les

    difficults des enseignants tre justes dans leur jugement valuatif (David, 2000 ; Cogrino et

    Mnaffakh, 2008). Par ailleurs, si les lves adoptent des conduites diffrentes lors des

    valuations sommatives, quen est-il des valuations formatives ? La distinction entre ces deux

    formes dvaluation devrait a priori tre faite par les lves puisque la seconde nest pas

    accompagne dune notation, ce qui amoindrit ses consquences aux yeux de llve : les erreurs

    sont un point dappui lapprentissage alors que lvaluation sommative les sanctionne.

    Cependant, un autre lment est aussi perturbant dans lvaluation en EPS du fait de

    limplication rcurrente des lves dans des situations collectives. Les conduites des lves sont

    dans certaines situations dpendantes de celles des autres. Ceux-ci sont en activit motrice dans

    des espaces relativement grands compars une salle de classe, et ils sont rgulirement en

    autonomie, car disperss en sous-groupe selon toutefois des modalits diffrentes que nous

    exposerons par la suite. Lobservation empirique dune sance dEPS permet immdiatement de

    visualiser des sous-groupes et des interactions nombreuses (verbales, motrices, praxiques) entre

    le matre et les lves, mais aussi les lves entre eux. Les lves changent rgulirement de

    partenaire dautant plus dans les activits avec interaction motrice comme les jeux dopposition,

    lacrosport, le relais. Ils voluent au gr des sances et des situations dans des sous-groupes

    diffrents. Par rapport aux autres disciplines, les relations humaines sont bien plus prsentes et

    recherches en EPS. Comme le souligne Bordes (2005), les variables socio-affectives dans la

    classe en EPS nont pas souvent fait lobjet de recherches particulires ; et pourtant, les relations

  • 12

    entre lves transparaissent nettement travers les nombreuses interactions verbales et motrices

    qui dfinissent latmosphre gnrale dun cours dEPS. Par consquent les ressources

    relationnelles ont-elles un impact sur les conduites motrices ? Selon ses partenaires, llve

    adopte-il des stratgies diffrentes ? Dans les jeux collectifs par exemple, les conduites

    observes dun lve sont dpendantes de celles des autres : comment prendre en compte cette

    particularit dans lvaluation ?

    Si lon se situe dun point de vue institutionnel, lEPS est particulirement implique

    dans lacquisition des comptences sociales selon les textes lgifrant le Socle Commun de

    comptences et connaissances (Dcret du 11-07-2006), comme si elle avait des prdispositions

    pour cela. Or, la nature des situations vcues en EPS est varie. Les rapports entre les lves,

    selon les situations, peuvent tre trs diffrents et sollicitent ainsi divers modes de

    communication et dinteraction. Plus prcisment, les programmes dEPS abordent dans le

    deuxime objectif de la discipline, le dveloppement des comptences sociales8 mais dune faon

    dtache de la pratique par le biais de la tenue des diffrents rles sociaux (juge, arbitre,

    observateur, pareur). la lecture des textes officiels, les comptences sociales ne sont pas

    explicitement rfrences au dveloppement des relations entre les lves travers la pratique

    physique ; elles apparaissent dune faon complmentaire, mais peu lie. Ce constat est plutt

    surprenant dans la mesure o de nombreuses activits contraignent les lves dvelopper une

    adaptation constante aux autres.

    Consquemment, cela nous interpelle propos des relations affinitaires qui existent entre

    les lves et leur impact sur les conduites motrices quils peuvent dvelopper, notamment dans

    des activits avec interaction motrice9. Certaines croyances attribuent des pouvoirs

    certaines de ces activits comme les sports collectifs ; leur enseignement permettrait ainsi de

    dvelopper des conduites coopratives, de lentraide entre les lves. Or, ces croyances sont

    plutt invalides aujourdhui ou du moins laissent planer un doute important. Par exemple, les

    situations de comptition ou dopposition entre quipes tendraient dvelopper lagressivit et

    lhostilit entre les groupes (Deutsch, 1949 ; Shrif, Harvey et al. 1954 ; Pfister, 1985). La

    pratique assidue dun sport ne saccompagne pas dun effet cathartique (Collard, 2004 et 2012),

    8 Dans le BO spcial du 29/04/10, le deuxime objectif sintitule savoir grer sa vie physique et sociale , le texte

    prcise seulement que lobjectif social est atteignable par la tenue des diffrents rles sociaux.

    9 Les activits avec interaction motrice sont dfinies par la prsence de partenaire(s) et / ou adversaire(s). Le

    pratiquant est ainsi amen prendre des dcisions en tenant compte de celles dautrui, et ces propres actions nont de sens que rfres celles des autres. Lanticipation des actions des autres et ladaptation des siennes sont des

    lments invitables et dcisifs dans ces pratiques.

  • 13

    mais habitue plutt les pratiquants dvelopper des actions dhostilit, dagressivit motrice10

    dans le cadre des jeux collectifs, envers les autres pratiquants.

    Ainsi, poursuivre le dveloppement de comptences sociales orientes vers laltruisme et

    la solidarit nest peut-tre pas compatible avec le fort appui sur les activits dopposition

    majoritairement reprsentes en EPS (Poggi-Combaz, 2002 a et b) ! La pratique dactivits avec

    interaction motrice amne-t-elle une effervescence relationnelle ? Et dans le cadre dactivits

    dopposition, apprendre sopposer aux autres modifie-t-il les relations entre les individus ?

    Pour rebondir sur leffet de lvaluation, comment se conduisent les lves en situation

    dvaluation sommative les uns par rapport aux autres ?

    3. Objet de cette tude

    Suite lexposition de nos motifs et du foisonnement de questions qui merge, lobjet de

    cette tude est lvaluation aborde du point de vue de lactivit valuative des enseignants et des

    conduites dveloppes par les lves. Il nous parat essentiel, pour mieux comprendre les

    conduites des lves face leur valuation, de questionner en amont lactivit valuative en EPS.

    Les habitudes de pratiques, les mthodes employes pour valuer, le rapport la notation sont

    des lments pertinents danalyse quil convient de prendre en compte pour dfinir le contexte

    dans lequel sont impliqus les lves. Lvaluation sera essentiellement questionne au regard

    des finalits sommatives ou formatives. Les mises en uvre de ces deux dispositifs concourent

    des objectifs diffrents, si bien que lon peut estimer que leur impact sur les conduites des lves

    en termes de progression, de niveau atteint, est aussi ingal. Encore faut-il valider lhypothse

    selon laquelle les lves distinguent ces deux types dvaluation ! Ce paramtre sera tudi ici

    pour tenter de comprendre les mcanismes allant parfois lencontre de la distinction entre les

    situations dvaluation sommative et formative.

    De surcrot, dans cette recherche, la communication motrice et les interactions entre

    lves seront fondamentales car dpendantes de lactivit support de lenseignement. De fait, le

    poids des relations socio-affectives sera aussi questionn et mis en relation avec les progrs des

    lves et leur niveau atteint. Ltude sera ralise au cours dun cycle de basketball. Cela

    permettra la fois danalyser les conduites dcisionnelles des lves en fonction de lenjeu de la

    situation (valuation sommative ou non) et des relations que chacun entretient avec ses

    partenaires de jeu.

    10 Le concept dagressivit motrice est identifiable dans les interactions de type ludomotrices. Luc Collard (2004)

    fait la distinction entre lagressivit motrice illicite (interdite par les rgles du jeu, nuisant ladversaire) et licite

    (instrumentale, autorise par le rglement et oriente vers le but du jeu).

  • 14

    4. Prsentation globale de la recherche

    Cette tude a t ralise en deux temps afin daccder une vision globale de

    lvaluation telle quelle est pratique en EPS pour ensuite sintresser aux conduites des lves.

    La premire recherche que nous prsenterons est une enqute sous forme de

    questionnaire destine apprhender lactivit valuative des enseignants (n = 179) travers

    leurs conceptions et mises en uvre. Sans avoir pour ambition de comprendre la complexit de

    leurs pratiques ni de gnraliser ou dextrapoler nos rsultats, cette enqute a pour objet

    dapprhender les diffrences de mise en uvre qui traduisent des interprtations diffrentes

    dune culture commune de lvaluation. Lenqute peut ainsi tre un support aux formations

    lvaluation : elle tmoigne de ladaptation faite par les enseignants leur contexte

    denseignement mais aussi des difficults rencontres pour mettre en pratique les connaissances

    quils ont acquises. De plus, les rsultats seront mis en relation avec ceux dune exprimentation

    que nous avons labore, cette fois-ci in vivo, partir de lobservation des lves au cours de

    leurs apprentissages en EPS.

    Dans cette exprimentation de terrain, les conduites des lves (n = 119) seront analyses

    dans le but de mesurer limpact des valuations vcues au cours dun cycle dapprentissage en

    basket-ball. Lobservation de diffrents groupes permettra dapprhender leffet des valuations

    formatives (et leur absence) sur lapprentissage et limpact des valuations sommatives sur les

    conduites des lves en situation de jeu avec interaction motrice. De fait, dans la recherche

    propose ici, la situation dvaluation sera analyse dans sa complexit partir de trois

    dimensions indissociables : ce triptyque permet de sortir dune approche purement descriptive ; il

    se dfinit partir du cadre de la praxologie motrice initie par Parlebas ds les annes 1960 et

    dune approche systmique dveloppe au dbut du 20me

    sicle par le linguiste Ferdinand De

    Saussure transpose lanalyse des conduites motrices (Dugas, 2011). Lapproche propose a

    pour finalit de montrer que la porte de lvaluation en EPS ne peut se comprendre quau regard

    dune prise en compte simultane et interdpendante de trois lments : le premier est relatif la

    logique interne11

    de la situation et les deux suivants sa logique externe12

    .

    11 Parlebas a abord la notion de logique interne ds 1967 dans la revue EPS. Voici la dfinition propose dans le

    Lexique comment en sciences de laction motrice en 1981 : La logique interne est le systme des traits pertinents

    dune situation motrice et les consquences quil entrane dans laccomplissement de laction motrice

    correspondante (p. 135).

    12 La logique externe interagit avec la logique interne dune situation. Elle est relative aux caractristiques

    organisationnelles des situations sociales et aux caractristiques individuelles du pratiquant (Dugas, 2011, p. 21).

  • 15

    - La situation dans notre cas sera ludomotrice13 : sa structure, ses contraintes et donc les

    possibilits dactions quelle offre aux joueurs doivent tre finement analyses pour saisir

    ensuite les logiques daction. La rfrence la logique interne des situations (Parlebas,

    1967) est centrale ici et indispensable la comprhension des conduites.

    - Le contexte global dans lequel va se drouler la situation implique des enjeux particuliers

    qui orientent lactivit du sujet. Dans le cas de cette tude, lenjeu des valuations

    sommatives sera particulirement apprci en tant que contrainte supplmentaire prise en

    compte par les lves.

    - Enfin la logique individuelle du sujet agissant est le troisime lment ncessaire la

    comprhension des conduites. Ce sera ici loccasion de mesurer principalement leffet

    des affinits entre les lves sur leurs conduites en situation ludomotrice et

    interactionnelle.

    Les dcisions prises par les lves en contexte scolaire ne sont comprhensibles que par

    une analyse rigoureuse des divers lments cits ci-dessus, parmi dautres, qui permettent de

    dfinir la situation dans laquelle ils voluent. Lanalyse des conduites motrices des lves sera

    renforce par quelques entretiens dlves afin daccder leurs reprsentations, leur ressenti

    vis--vis de lEPS, des apprentissages vcus et de lvaluation.

    13 Le terme ludomoteur permet de dfinir ici une situation ludique (de jeu) et motrice la fois. Ce type de situations

    est trs utilis en EPS et sera le support de la recherche propose ici.

  • 16

    Problmatique gnrale

    Pour rsumer cette introduction dont les diffrents axes voqus seront dtaills dans la

    premire partie du travail propos, la rflexion sur lvaluation est dune importance sans

    quivoque. Lvaluation est la question centrale liminaire de cette recherche dans laquelle notre

    ambition est danalyser son impact sur les conduites des lves.

    Les enseignants qui forment et valuent leurs lves se posent des questions essentielles :

    quvalue-t-on ? quel moment et pourquoi faire ? Ltude de lvaluation est un enjeu au

    niveau de la formation : il sagit de comprendre pourquoi les effets attendus et obtenus par la

    mise en place des valuations ne sont pas forcment en concidence optimale. En rponse aux

    thories dclinant les diffrentes formes dvaluations et leurs intrts (Allal et al., 1991 ;

    Perrenoud, 1998), les drives et effets parfois nfastes ou paradoxaux (Rayou, 2002 ; Merle,

    2007 ; Vantourout et Goasdoue, 2010), il parat pertinent danalyser dans quelle(s) mesure(s) les

    pratiques voluent dans la direction des approches issues des recherches. Par exemple pour

    Perrenoud (op. cit.), ce qui transparat nettement, cest la primaut de la fonction sommative14 de

    lvaluation. Malgr les avances proposant de nouvelles pistes denseignement visant

    optimiser les processus dapprentissage, Perrenoud relve que le ct traditionnel perdure, et se

    manifeste par la persistance de la fonction sommative de lvaluation et de ses rapports

    entretenus avec la notation. Pourtant, la fonction sommative nest plus la rfrence unique en

    termes dvaluation. Les recherches menes autour de lvaluation formative, puis formatrice

    senchanent depuis une quarantaine dannes. Or, au regard des propos de Perrenoud (op. cit.)

    partags par bon nombre de formateurs et conjugus la vingtaine dobservations empiriques

    que nous avons ralises durant des visites de terrain de futurs enseignants (en amont de

    lenqute) , lvaluation pose un vritable problme de mise en uvre. Ladquation entre ce

    quon enseigne et ce quon value, les formes de lvaluation, le recours la notation sont autant

    de problmes majeurs rencontrs par les praticiens au quotidien et notamment en EPS.

    Lvaluation des conduites motrices directement observables implique-t-elle le recours des

    procdures spcifiques ? Lenseignant ne corrige pas des copies mais observe des lves en

    activit, et plusieurs en mme temps ! Lors de lvaluation il ne corrige pas leur production,

    mais analyse leurs conduites au regard de critres et niveaux prtablis. Les lves sont-ils

    14 Talbot (op.cit.) dfinit lvaluation sommative comme clturant une phase dapprentissage, sous la forme dune

    vrification de lacquis, en sanctionnant la performance.

  • 17

    davantage impliqus dans leur valuation du fait quen EPS ils peuvent plus facilement

    sobserver et se comparer entre eux ?

    Cette tude vise questionner limpact des valuations sommatives et formatives sur les

    conduites des lves en EPS. Le point de vue envisag ici est orient vers les consquences en

    termes dinteractions qui dcoulent de la mise en uvre des diffrentes formes dvaluation.

    Comment ragissent-ils quand ils sont valus ? Les dcisions quils prennent sont-elles

    pertinentes au regard des attentes de lenseignant ? Seulement, sintresser aux conduites des

    lves dans ces situations spcifiques ne peut faire limpasse dune analyse a priori des pratiques

    quotidiennes au cours desquelles les lves sont rgulirement valus. Une premire analyse de

    lactivit valuative des enseignants en EPS permet daccder leurs conceptions et de

    confronter leurs intentions et leurs pratiques. Effectivement, dans lhypothse o cet tat des

    lieux met en vidence un dcalage entre des intentions ducatives orientes vers lapprentissage

    et des mises en uvre plutt traditionnelles, comment vont ragir les lves ? Peuvent-ils tre

    impliqus dans une logique dapprentissage si les situations valuatives proposes sont perues

    comme des sanctions ? En revanche, des lves rgulirement impliqus dans des dmarches

    formatives voire formatrices, sont-ils plus enclins progresser davantage et dmontrer leur

    niveau de comptence rel lors des valuations sommatives ?

    Lexprimentation ralise en EPS, dont la mthodologie est prsent au chapitre 7, ne pouvait

    se concevoir sans questionner en amont lvaluation en EPS dans sa globalit afin den saisir les

    points forts et les problmes. Ltat de lart propos en premire partie de cette recherche sera

    loccasion dinterroger dun point de vue scientifique lvaluation. Cela sera un point dappui

    important pour discuter les rsultats des recherches entreprises ici. Dans ce cadre, lvaluation

    sera interroge aussi dun de vue pdagogique : par la mise en place dune quasi-exprimentation

    (Matalon, 1988), nous mesurerons les effets des valuations formatives sur les progrs des lves

    en EPS. Impliqus dans une activit avec interaction motrice, la dimension collective sera mise

    en avant dans les valuations que nous proposerons. Car lune des difficults de ces activits

    nest-elle pas dvaluer les lves en sachant que leur conduite dpend de celle des autres ?

    Lvaluation formative portant sur des observations de jeu collectif peut-elle permettre

    doptimiser les progrs ?

    Du point de vue de lvaluation sommative, les enjeux conscutifs sa mise en place sont

    importants pour les lves. Elle se traduit par une note qui est annonce, transmise aux parents,

    autres enseignants voire aux autres lves. Cela nous questionne quant son influence sur les

    conduites des lves pendant la situation dvaluation, dautant plus quen jeu collectif les

    stratgies dployes font appel des actions dopposition et de coopration. La situation

    dvaluation sommative incite-elle cooprer pour russir individuellement ? Notre regard se

  • 18

    portera plus prcisment sur les stratgies des joueurs plutt orientes vers la rivalit ou la

    coopration afin de mesurer aussi le poids des relations socio-affectives sur les conduites

    motrices. partir de lanalyse fine des conduites de chacun nous dterminerons les lments sur

    lesquels portent les progrs voire les rgressions des lves en fonction des valuations quils ont

    vcues et des affinits quils entretiennent avec les membres de leur quipe. Les lves amis se

    conduisent-ils entre eux de la mme faon quand ils sont valus de faon sommative ou quand

    ils jouent pour le plaisir ? Cela sera loccasion dobserver si limpact des relations affinitaires est

    le mme quand le contexte, lenjeu dans le lequel sinsre la situation, volue. Par-l, nous

    essaierons de montrer que selon les situations dvaluation proposes aux lves, les

    consquences en termes de conduites dcisionnelles peuvent se rvler fluctuantes. Cela aboutit

    dfinir la question centrale de cette recherche :

    En quoi le type dvaluation, formative ou sommative, a des effets diffrents sur

    lapprentissage des lves ?

    Cette recherche vise apprhender lvaluation en EPS dans sa complexit. Lanalyse de

    lactivit valuative des enseignants et des consquences observes sur les conduites des lves

    sera aborde dun point de vue scientifique et pdagogique. Les dcisions prises par les lves en

    situation de jeu collectif seront tudies en mesurant limpact de deux variables provoques :

    dune part, la prsence ou non dvaluation durant un cycle dapprentissage, dautre part, les

    caractristiques socio-affectives des quipes de joueurs. partir de ces deux variables

    principales qui dterminent la logique externe de la situation, nous pourrons mesurer leurs effets

    ventuels sur les progrs des lves ainsi que sur le type de dcisions quils prennent dans le jeu,

    plutt orients vers la coopration ou lopposition.

    Ainsi, nous pensons que les lves adaptent leurs conduites en fonction de leurs reprsentations

    des situations scolaires qui leur sont proposes. Les finalits des diffrentes formes dvaluation,

    selon les priorits accordes par les enseignants, engendrent des stratgies diffrentes dautant

    plus en situation dinteraction motrice quand les lves doivent agir ensemble, avec des

    partenaires pas toujours apprcis, dans une tche but opratoire.

    Hypothses spcifiques

    Diffrentes hypothses ont orient cette recherche. De fait, diffrentes mthodes pourront

    parfois, mais selon des moyens diffrents, interroger les mmes hypothses de dpart. Nous les

    prsentons ici de faon assez gnrale en sachant quensuite nous les dtaillerons en fonction des

    mthodologies spcifiques envisages. Le tableau 1 ci-dessous met en vidence six hypothses

  • 19

    mises en correspondance avec les mthodes utilises. Aprs chaque analyse, nous reviendrons

    sur ces hypothses de dpart pour les valider ou non en fonction des rsultats observs.

  • 20

    Hypothses

    Enqute :

    lactivit

    valuative des

    enseignants

    dEPS

    Exprimentation de

    terrain : relation entre

    lvaluation, les conduites

    motrices, et les relations

    socio affectives.

    Entretiens

    dlves : relation

    lEPS,

    lvaluation, aux

    apprentissages.

    H1 Les conceptions des enseignants et leur activit valuative sont varies et la fois

    trs orientes vers la finalit sommative de lvaluation et vers la notation.

    H2 Lvaluation formative destine lapprentissage dont les effets bnfiques seraient

    reconnus par les enseignants ne serait pourtant que peu mise en place, en tant que

    situation dvaluation part entire, anticipe, et adresse lensemble des lves.

    H3 Les valuations sommative et formative ont des incidences directes sur les conduites

    motrices des lves : lvaluation sommative modifie le contexte de la situation et oriente

    ainsi leurs dcisions et actions ; quant lvaluation formative elle permet doptimiser

    leurs progrs.

    H4 Les lves, selon leurs caractristiques (genre, niveau de jeu, affinits avec les

    membres de leur quipe) et les dispositifs formatifs vcus ragissent diffremment la

    mise en place dune valuation sommative.

    H5 Le poids des relations socio-affectives dans la prise de dcision serait moins fort en

    situation dvaluation sommative, les enfants tant davantage centrs sur le but du jeu.

    H6 Les progrs des lves sont optimiss avec la mise en place dvaluations formatives

    au cours du cycle dapprentissage vcu dans lactivit en question.

    Tableau 1 : relation entre les hypothses spcifiques et les mthodes utilises dans cette tude.

  • 21

    Plan de ltude

    Dans une premire partie, lvaluation sera aborde sous ses diffrentes formes dun

    point de vue pistmologique et critique. Ensuite, un point sur la prise de dcision en contexte

    collectif nous amnera saisir le poids que peuvent avoir les relations socio-affectives sur les

    choix des individus en contexte ludomoteur et particulirement dans le milieu scolaire.

    La seconde partie sera loccasion de dvelopper la mthodologie globale de cette

    recherche. Puis, la premire tude relative lactivit valuative des enseignants sera prsente

    et ses rsultats accompagns dune discussion.

    Enfin la troisime partie sera consacre la mise en uvre dune exprimentation in vivo,

    au cours de laquelle les conduites des lves en situation dinteraction motrice seront analyses

    et commentes au regard des types dvaluation proposes et de la variable socio-affective

    (groupes affinitaires ou non).

  • 22

    Partie 1

    Enjeux et difficults de lvaluation

    scolaire.

  • 23

    Chapitre 1

    Lactivit valuative des enseignants,

    tat des lieux de lvaluation scolaire

  • 24

    Aborder les questions dducation et dapprentissage dans le cadre scolaire ne peut se

    passer dun questionnement autour de lvaluation. Cela est en effet inconcevable, dautant plus

    aujourdhui o la place de lvaluation lcole suscite de nombreux dbats sur le rapport

    entretenu entre les apprentissages et les valuations. La ncessit dvaluer aujourdhui est

    admise par tous, comme le souligne Monteil (1990, p. 34) si dans les annes 1970 il a paru

    illgitime, certains, de procder des valuations, on ne peut raisonnablement accepter une

    telle attitude . valuer est une pratique quasi quotidienne pour les enseignants mais sous cette

    dnomination, diffrentes acceptions et pratiques sont identifiables.

    Lvaluation sous toutes ses formes implique un recueil dinformations, une

    confrontation entre un rfr et un rfrant dont le rsultat amne une prise de dcision (Hadji,

    1997). Ceci est une dfinition de base quil convient de spcifier, en fonction des finalits de

    lvaluation, des dmarches utilises. Dans le milieu scolaire, valuer peut satisfaire diffrentes

    fonctions dordre pdagogique et/ou du didactique mais aussi, elle peut servir aussi maintenir

    la tranquillit dans la classe et prserver un climat plutt calme (Bressoux et Pansu, 2003),

    hirarchiser les lves (Grisay, 1988 ; Crahay, 2007), voire rguler lenseignement et

    lapprentissage (Allal, 1983 et 1991 ; Allal et Mottier Lopez, 2007). Les fonctions recherches

    sont nombreuses et aboutissent des pratiques disparates.

    Ce chapitre est loccasion daborder ce concept dvaluation, la fois complexe et bien

    connu des enseignants et des lves car il rythme les priodes dapprentissage de faon rgulire.

    Seulement, lobjet de cette tude est de montrer que la multiplicit des approches proposes afin

    dvaluer les lves, aboutit des rsultats diffrents en termes dapprentissage. Dans un premier

    temps, lvaluation des lves en EPS sera aborde dun point de vue diachronique afin de mieux

    saisir ses enjeux actuels. Lhistoire de lvaluation certificative sera prsente paralllement

    lessor de nouvelles pratiques. Ensuite, les diffrentes formes dvaluation, leurs finalits et les

    effets sur les conduites des lves seront mis en relief pour rendre compte de la multiplicit des

    approches. Puis, lactivit valuative des enseignants sera interroge et complte par lapport de

    quelques recherches sur leffet de lvaluation sur les lves.

  • 25

    A. Lvaluation en EPS : perspective historique

    Aborder lvaluation des apprentissages des lves ne peut se concevoir sans auparavant

    comprendre lenjeu fondamental qua reprsent lvaluation tout au long de lhistoire de lEPS.

    Nous nous situons donc ici selon une perspective diachronique dans laquelle va rapidement tre

    retrace lvolution des preuves dEPS au baccalaurat, tmoin de lvolution de la discipline,

    pour analyser les enjeux actuels de lvaluation certificative. Ceci permettra aussi de saisir le fort

    pouvoir de lvaluation dans le fonctionnement quotidien de lenseignement.

    1. Performance et mesure

    a. LEPS au baccalaurat

    travers lhistoire de lEPS, la place et la dfinition de lvaluation voluent et

    permettent de situer llve dans son valuation. Des premires preuves au baccalaurat

    jusquau dbut des annes 1980, la place de llve est particulirement restreinte car lobjet de

    son valuation est sa performance, le rsultat concret de son action. Le type dvaluation

    privilgi en EPS va largement influer sur la lgitimit scolaire de cette discipline et dfinir, par

    consquent, la place de llve dans son apprentissage et son valuation. Par exemple, ds les

    annes 1920, certains concepteurs comme Boigey (1923) ou Bellin Du Cotteau (1930) prnent

    une valuation certificative en EPS pour asseoir la rationalit et donc la lgitimit de la discipline

    au sein du systme scolaire. Lvaluation des lves est dabord centre sur les donnes

    anthropomtriques des lves et elle est fortement encadre par les mdecins. Dimportantes

    difficults sont souleves lors des tentatives de rforme des preuves dEPS au baccalaurat qui

    visent les rendre obligatoires. En 1959, Maurice Herzog considre lvaluation en EPS au

    baccalaurat comme une priorit car, depuis 1941, elle est facultative. Son obligation est

    toutefois difficile mettre en place dans la mesure o lide dune quivalence entre lEPS et les

    autres disciplines pose problme dans les mentalits. Le poids de lacadmisme scolaire est fort

    et ne joue pas en faveur de lEPS car ceci amne de fortes rsistances au changement au sein

    mme de lducation nationale. Lobligation faite dvaluer lEPS au baccalaurat (1959) nest

    toutefois pas bien assume car seuls les points au-dessus de la moyenne comptent ! La question

    suscite rapidement des dbats : la ligne de dmarcation entre le sport et lEPS est floue ds

    lintroduction du sport lcole : cette discipline scolaire est assimile une pratique ludique, ce

    qui nest pas acceptable pour la sphre scolaire.

  • 26

    Selon Attali et Saint-Martin (2010), les options privilgies par les enseignants dEPS en

    matire dvaluation sont dterminantes pour convaincre de limportance de la discipline. Ainsi,

    jusque dans les annes 1980, lvaluation en EPS aux examens est centre sur la rigueur et

    lobjectivit : performance et mesure sont valorises par lutilisation du chronomtre, du

    dcamtre, du code de gymnastique prcis, laissant peu de place la subjectivit. On mesure la

    performance, le rsultat de lapprentissage. Lvaluation certificative est donc au maximum

    rationalise et chiffre ; lenseignant prpare les lves une preuve certificative (le

    baccalaurat) dont seul le niveau de performance sera pris en compte.

    b. Premier changement de perspective de lvaluation

    Dans les annes 1960-70, lEPS se situe dans une conjoncture qui voit remise en cause

    son appartenance la sphre scolaire, notamment par les rformes Comiti (1968), Mazeaud

    (1975) et Soisson (1978) ; le fort attrait pour la pratique sportive est un vritable obstacle son

    intgration dans le systme au mme titre que les autres disciplines ; les enseignants sont

    rapidement menacs dtre remplacs par des animateurs sportifs issus dun secteur extrieur

    lducation Nationale. Il sagit donc de prouver lintrt que recle lenseignement de lEPS et

    son insertion dans les problmatiques ducatives pour prouver sa lgitimit. Il nest plus

    possible, comme cela tait le cas jusque-l, de se limiter aux seuls produits des apprentissages

    constitus par la performance, mais il sagit de sintresser aux moyens mis en uvre par les

    lves pour apprendre. Une attention nouvelle est porte lvaluation et la redfinition de sa

    finalit qui, jusque-l, tait sommative. Lapport des recherches en valuation a ici tout son

    intrt et permet aux enseignants dEPS dy trouver les arguments pour valoriser leur discipline.

    Lmergence dune nouvelle fonction de lvaluation dite formative tend redfinir lvaluation

    comme un lment dynamique dans lapprentissage (Scriven, 1967 puis Bloom, Hastings et al.,

    1971).

    Lintroduction des donnes relatives la psychologie de lenfant, notamment par la

    rfrence aux travaux de Piaget, va permettre de faire voluer les reprsentations autour de

    lapprentissage de lenfant. Par exemple en EPS, Famose, ds 1963, dveloppe lapprentissage

    par lamnagement du milieu et soumet ses propositions en rupture avec lapprentissage

    traditionnel (Famose, 1963 et 1964). Divers courants de pense mergent et se dveloppent en se

    centrant sur le dveloppement de lenfant. Par exemple, Le Boulch (1971) met en vidence la

    ncessaire prise de conscience pour lenfant de ses actions en se rfrant aux thories

    psychomotrices. Il considre le mouvement comme une manifestation signifiante de la conduite

    de lhomme alors que jusque-l, le mouvement tait davantage considr comme une forme en

    soi, un automatisme sans le rfrer son sens. De faon plus globale, la mme priode, la

  • 27

    thorie de la reproduction de Bourdieu et Passeron (1970) soulve fortement les contradictions

    entre les finalits scolaires et les moyens utiliss qui conduisent lcole reproduire les

    ingalits de dpart entre les individus en proposant pour tous une mme culture litiste. Au sujet

    de lvaluation, proposer une procdure identique pour tous est une illusion dgalit. Ceci

    revient classer les individus selon leur cart cette culture dominante et ne pas tenir compte de

    leurs diffrences de dpart. La spcificit de lEPS est mise en avant car le corps en jeu rend

    visibles directement les diffrences entre les lves.

    Dans ce contexte merge la ncessit de dfinir de nouvelles formes dvaluation afin de

    constituer un renouvellement majeur des mthodes pdagogiques en EPS. Lvaluation nest

    plus conue dans sa fonction quantitative mais prend une valeur qualitative (Maccario, 1982).

    Ces avances conduisent les enseignants sinterroger sur les formes et la pertinence des

    valuations certificatives proposes au baccalaurat, en attendant le renouvellement des textes

    officiels relatifs aux examens de 1983.

    2. Lvaluation critrie

    a. Une valuation certificative plus qualitative

    partir du dbut des annes 1980, le retour de lEPS au ministre de lducation

    Nationale implique de poursuivre les objectifs gnraux tels que la lutte contre lchec scolaire,

    et la lutte contre les ingalits (Savary, 1982, p. 4). Or, le systme dvaluation propos en EPS

    et centr sur la performance est inadapt cet objectif. merge alors, sous limpulsion dHbrard

    notamment (1986), lide dune valuation plus juste o lon associerait la performance des

    niveaux dhabilet ; cela permettrait de rendre compte aussi de la faon dont les lves sy

    prennent pour raliser leur performance. La circulaire du 11 juillet 1983 fixe les nouvelles

    modalits de lpreuve dEPS au baccalaurat ; cette discipline passe dailleurs dans le premier

    groupe dpreuves et est affecte du coefficient 1. La performance ne reprsente plus quun quart

    de la note et porte sur une activit physique barme national, accompagne par une autre

    activit laisse au choix de lenseignant. La rupture est fondamentale puisque les critres

    dvaluation ont une incidence majeure sur lenseignement. Les processus sont valus travers

    lhabilet de llve, au mme titre que le produit de son action, cest--dire la performance. De

    surcrot, les connaissances de llve, son investissement et ses progrs tiennent une part aussi

    importante dans la note, soit la moiti.

  • 28

    Ds le dbut des annes 1980, lappel du Syndicat National de lEducation Physique

    (SNEP) lensemble de la corporation par lintermdiaire dun appel tous les enseignants

    faire connatre leurs expriences dvaluation, rencontre un grand succs (SNEP, 1982). Les

    rponses sont regroupes en 1984 au sein dun ouvrage qui permet de diffuser les expriences :

    lvaluation en EPS . Ce recueil est constitu de propositions pratiques issues des expriences

    des enseignants ; il rpond ainsi une forte demande professionnelle au moment o beaucoup

    denseignants sont en difficult pour appliquer les nouvelles modalits dvaluation plus

    complexes et qui concernent un ensemble bien plus tendu dactivits. Progressivement,

    lvaluation en EPS devient plus qualitative et scarte dune conception davantage techniciste

    oriente vers la reproduction de modle. Alors qu la priode prcdente lvaluation tait

    essentiellement sommative, quantitative et rfre un modle, les pratiques pdagogiques vont

    davantage sorienter vers lvaluation formative, qualitative et critrie.

    En 1991 un groupe de pilotage men par lInspection Gnrale (C. Pineau) travaille

    autour dune rforme de lvaluation et publie diffrentes propositions en 1992 dans la revue

    EPS sous le titre les preuves dEPS aux examens de lducation nationale . Ceci marque une

    volont de mieux articuler valuation et formation. En 1993, les modalits des preuves au

    baccalaurat sont modifies faisant place un systme complexe qui ncessite la prise en compte

    dun indice de performance. Ce texte de 1993 sera rapidement remplac en 1995. Ds lors, la

    matrise de lexcution est associe la performance, sur quinze points, auxquels sont ajouts

    cinq points de connaissances. LEPS partir de la rentre 1995 est dote dun coefficient deux

    au baccalaurat. La notion de comptence merge peu peu dans les textes certificatifs pour

    dfinir la fois la matrise de lexcution et la performance. On distingue ainsi la comptence

    qui svalue dans laction, des connaissances qui accompagnent laction et servent la

    comptence. Les preuves dEPS au baccalaurat ont fortement volu : elles souvrent une

    varit dactivits physiques (mais toujours dominante sportive) et redfinissent les critres

    dvaluation davantage vers une matrise de sa conduite que vers la performance proprement

    dite.

    b. Une rflexion collective en EPS : la place plus importante pour llve

    Dans tous les tablissements, la rdaction dun projet pdagogique EPS est obligatoire

    depuis 1989 et doit proposer un systme docimologique applicable pour tous les lves, tous

    les niveaux. Les valuations mises en place doivent tre spcifies par crit dans leurs modalits

    de mise en uvre ; de fait lvaluation sommative en EPS est issue dun travail collectif, toute

    lquipe pdagogique EPS participe llaboration du projet et sa mise en uvre. Le contrle

  • 29

    en cours de formation au baccalaurat porte dsormais sur trois activits de nature diffrente,

    figurant dans le projet pdagogique d'EPS.

    Pour Cardinet et Laveault (2001) lvolution de lvaluation tend vers une intgration

    croissante de la communication. En effet, lvaluation ne poursuit pas uniquement le but de

    communiquer llve sil a russi ou non mais elle doit lui permettre de comprendre ce quil a

    fait et de le situer par rapport ses objectifs. Ainsi, limportance de mieux expliciter les critres

    dvaluation llve est rvle, tout comme la ncessit de lui apprendre mieux les satisfaire

    dans sa pratique.

    3. La nouvelle approche par comptences

    a. Vers un changement dobjet

    Actuellement, lvaluation centre sur les comptences acquises est une conception trs

    rpandue notamment au sein des recherches de lAssociation pour le Dveloppement des

    Mthodologies dvaluation en ducation (ADMEE), association internationale francophone qui

    runit chercheurs et praticiens intresss par les questions dvaluation en formation et en

    ducation. Lvaluation a connu un renouvellement conceptuel ces dernires annes par

    lintroduction de la notion de comptences qui amne un changement dobjet valuer. Cette

    nouvelle perspective apporte de profonds changements dans la conception de lvaluation. Celle-

    ci nest plus tourne vers le rsultat de lapprentissage ni vers des conduites observables, mais

    tend se consacrer aux processus sous-jacents lapprentissage et au sens donn par lapprenant

    aux diffrentes situations dans lesquelles il volue. Cest davantage une autonomie qui est

    recherche, une adaptation une famille de situations complexes plutt que lapplication de

    mthodes de travail.

    Selon Vergnaud (2001), lvaluation dune comptence fait rfrence non seulement

    lanalyse du rsultat de lactivit mais aussi lorganisation de cette activit. La dfinition de

    lindividu comptent peut se dcliner, selon lui, sous trois formes complmentaires :

    Lindividu le plus comptent est celui qui sait faire quelque chose que dautres ne savent pas.

    Il est aussi celui qui sy prend dune manire plus fiable, conomique ou encore plus lgante

    selon le type de situation.

    Enfin, il est celui qui dispose dune plus grande varit de procdures pour traiter une famille

    de situations complexes.

  • 30

    La notion de comptence apporterait du sens et une cohrence aux apprentissages en

    vitant la dcomposition en tches isoles et en se centrant sur lactivit des lves et le

    rinvestissement de leurs apprentissages. Concevoir lenseignement par comptences permettrait

    dinsister sur la transformation de lorganisation cognitive de llve car il sagit bien de voir

    comment le savoir est appropri et utilisable dans des contextes varis, et pas seulement rpt

    voire restitu dans les mmes conditions que celles de son acquisition (Rey, Carette et al., 2006).

    b. Les difficults rencontres par cette approche

    Cette approche est plutt rcente dans le monde de lducation, si bien que sa mise en

    uvre nest pas encore gnralise et pose quelques problmes. Cette nouvelle conception est

    prsente ici en sachant toutefois que, pour cette recherche, nous avons fait le choix de ne pas

    aborder cette notion directement afin dviter les confusions et problmes de sens chez les

    enseignants avec qui nous avons travaill. Dailleurs lutilisation de la notion de comptence

    spcifie dans les programmes scolaires est plutt controverse, en privilgiant une acception

    faible de la notion (De Ketele, 2001).

    En 1994, Le Boterf opre un transfert du concept de comptence du monde de la

    formation en entreprise celui de lcole. Lobjectif, au sein de lentreprise, est de parvenir

    caractriser les comptences d'adaptation aux situations indites et aux mutations technologiques

    et sociales par rapport la formation souvent standardise issue du milieu scolaire (Rey, Carette

    et al., 2006). Or selon De Ketele (2001), les valuations proposes en milieu scolaire sont le plus

    couramment centres sur les contenus o lenseignant prlve un chantillon reprsentatif de

    lensemble des contenus enseigns. Pour lui, dans la sphre scolaire, les acteurs sappuient sur un

    concept faible des comptences : ceci est particulirement le cas quand les auteurs des

    programmes ou les enseignants parlent de comptences transversales. Il distingue ainsi une

    conception faible au dtriment dune forte ce qui, au final, dtourne lintrt premier de cette

    notion. Dans une acception forte, le concept de comptence peut se dfinir comme la capacit

    dune personne mobiliser un ensemble de ressources (cognitives, affectives, gestuelles,

    relationnelles, motrices etc.) pour raliser une catgorie de tches ou rsoudre une famille de

    situations-problmes. Cette conception forte implique pour les concepteurs des programmes

    scolaires, lenseignant et lvaluateur, didentifier avant tout les familles de situations-problmes

    en contexte que lon dsire faire apprendre ou valuer. Deux tapes indispensables sont donc

    ncessaires pour se situer dans cette conception forte de la notion de comptence (ibid, 2001) :

    - dfinir un chantillon de problmes rsoudre

    - se fixer un objectif terminal cens intgrer lensemble des comptences sollicites.

  • 31

    Les programmes scolaires se sont massivement orients vers la dfinition de comptences

    atteindre dans les plus rcents programmes ; or, comme le souligne De Ketele (op. cit.),

    lacception retenue considre davantage les comptences comme des lments transversaux,

    comme nous pouvons par exemple les trouver dans le socle commun de connaissances et de

    comptences.

    Un autre problme pos par cette approche de lvaluation par comptence est que les

    lves comme les enseignants estiment, juste raison dailleurs, que lvaluation doit porter sur

    des lments ayant t enseigns. Or, cette reprsentation implique une interprtation de cette

    exigence par une dfinition de lvaluation comme un exercice de rptition dune situation dj

    vcue ou presque. Cependant, la situation dvaluation dune comptence ne peut faire lobjet

    dun enseignement pralable, puisque la situation se veut dtre indite et permet dvaluer ainsi

    davantage le transfert dapprentissage (Kahn, 2012).

    En dpit des diffrentes conceptions mergeant autour du terme de comptence (issues

    des thoriciens ou des programmes scolaires), une dfinition de llve comptent semble

    commune tous. Llve comptent serait celui capable de rsoudre des tches complexes et

    indites impliquant des choix et la combinaison de procdures apprises (Carette, 2009). Par

    consquent le changement apport par cette notion nouvelle se rapporte au caractre indit et

    complexe des situations dans lesquelles llve doit tre impliqu notamment pour tre valu.

    Or, ce trait spcifique a des difficults sinscrire dans le domaine de lducation : le systme

    scolaire est rgul par les valuations privilgiant la fiabilit, lobjectivit par lutilisation

    ditems, de grilles, de critres laissant peu de place la crativit et lexpression plus originale

    des lves. Cest dailleurs ce qua montr Rayou (2002) travers lanalyse des productions

    dlves en philosophie qui tendent se conformer pour satisfaire les exigences du baccalaurat,

    dfaut dtre plus personnelles ou originales. Lvaluation certificative amnerait davantage

    vers la standardisation des productions dlves que vers laffirmation de leurs ides, de leur

    crativit dans cette discipline o justement la normalisation nest pas recherche. Or selon Rey

    (2012), lvaluation des comptences implique de remplacer les techniques habituelles et

    routinires par une dmarche diffrente o llve se retrouve parfois devant un feuille blanche,

    l o il est habitu des questions de cours, des exercices dapplication etc Il montre quune

    solution frquente consiste crer des preuves dvaluation en dcoupant la comptence en

    sous-parties valuables selon les procdures traditionnelles, rendant ainsi lvaluation plus aise

    pour llve et lenseignant. Seulement, ces pratiques tendent dnaturer lvaluation de la

    comptence vise.

  • 32

    Seulement, mme si lvaluation par comptence est complexe, elle permettrait de rduire

    les carts de notation entre les enseignants (Vantourout et Goasdou, 2010). Ces auteurs ont

    analys les corrections denseignants en dissertation par le biais de grille de comptences et

    dautres grilles plus classiques. Leurs rsultats vont dans le sens dune rduction des carts mais

    aussi dune diffrenciation plus fine entre les copies dites moyennes et moins bonnes.

    Lapproche par comptences est donc source de problmes difficiles rsoudre dans

    limmdiat. Selon De Ketele (2009), dans tous les pays qui ont introduit une approche par

    comptences, lvaluation reprsente une problmatique centrale qui devrait tre pense au

    moment de la rforme curriculaire et non aprs, comme cela est souvent le cas. Dailleurs

    plusieurs rapports de lInspection Gnrale soulignent les problmes poss par lvaluation par

    comptences ; une synthse nationale voque ces difficults : lvaluation par comptence est

    encore luvre dune minorit denseignants. Ces derniers ont tendance valuer des micro-

    comptences en multipliant les micro-tches : llaboration de situations complexes dvaluation

    est dlaisse (Rapport du MEN, 2012/136, p. 11).

    c. Les comptences dans les programmes en EPS

    La rdaction de la Charte des Programmes de 1992 a constitu une tape centrale du

    processus conduisant lEPS se recentrer sur la notion de comptences. Lmergence de cette

    notion traduit un changement dintrt par le passage de lvaluation dun niveau moteur ou

    psychomoteur une valuation de la capacit de llve construire par exemple son parcours de

    progression et de sa capacit adopter des comportements socialement acceptables dans et en

    dehors de lcole (Poggi-Combaz, 2002.b.). LEPS est de plus en plus oriente vers une finalit

    dautonomie de llve. Ds les programmes de 1996, les enseignants dEPS sont familiariss

    avec cette notion de comptences qui rompt davantage avec la logique sportive en soulevant le

    caractre gnralisable et transfrable des apprentissages lis une mme comptence.

    partir de 2002, lvaluation en EPS concerne toujours trois preuves mais qui portent

    dsormais sur des comptences diffrentes. Les activits sont proposes aux lves partir dune

    liste nationale et acadmique et, pour chaque preuve, des repres de notation sont proposs dans

    des fiches constituant le rfrentiel national dvaluation. Conformment aux programmes en

    vigueur, les programmations ne se font plus partir de familles ou de la nature des activits mais

  • 33

    en fonction de cinq comptences culturelles15

    qui regroupent diffrentes activits. Ces

    comptences sont dfinies en fonction du motif de laction, du but pour le pratiquant.

    Lutilisation faite par les concepteurs des programmes de la notion de comptences correspond

    une nouvelle faon de penser lenseignement, non en termes daccumulation de connaissances

    mais plus en termes darticulations de savoirs ncessaires pour rsoudre un problme. Dans les

    programmes dEPS, la comptence se dfinit comme un ensemble structur dlments : des

    connaissances, des capacits et des attitudes permettant llve de se montrer efficace dans un

    champ dactivit donn et de faire face, de faon adapte, aux problmes quil rencontre.

    (Bulletin Officiel spcial n 6 du 28 aot 2008, p.3). Une comptence regroupe des situations qui

    rpondent au mme problme puisque lon peut atteindre les niveaux de comptences dfinis au

    regard de moyens diffrents. Lors des valuations, lenseignant value les lves dans une

    comptence particulire qui peut a priori sexprimer travers diffrentes activits. Or, bien des

    dbats ont lieu autour de lacception utilise car, sous une mme comptence, plusieurs activits

    trs diffrentes sont proposes ; or, leurs modalits sont plutt loignes alors quelles sont

    censes prsenter des similitudes en termes dapprentissage. Par exemple, sous prtexte

    dapprendre sopposer un camarade ou une quipe, la boxe figure dans la mme

    comptence que le volley-ball. Lide dun transfert dapprentissage moteur (Parlebas, 1976)

    pouvant exister entre ces deux activits est tout de mme difficile apprhender. Certes, certains

    apprentissages stratgiques peuvent tre apparents, comme ladaptation son adversaire mais

    les mises en uvre motrices prsentent peu de similarits : dun ct une activit avec contact

    direct, un contre un, o il sagit de protger son corps et attaquer simultanment celui de

    ladversaire et de lautre une activit collective o les quipes, spares dans lespace par un

    filet, entrent en communication par lintermdiaire dun ballon. En EPS, deux types de transfert

    dapprentissage sont apprhends (Dugas, 2005) : le transfert intraspcifique qui correspond

    pour une activit aux tapes dacquisitions des lves qui se succdent. Les acquisitions servent

    de point dappui aux futurs apprentissages. Ensuite, le transfert dapprentissage ayant lieu dune

    activit une autre est appel transfert interspcifique . Ce type de transfert peut assurer une

    continuit entre certaines activits diffrentes. Lvaluation des comptences en EPS de faon

    sommative prend en compte cette possibilit de transfert une autre situation. Or les

    programmes placent dans la mme comptence propre lEPS des activits dont la logique est

    trs diffrente et porte peu favoriser un transfert moteur.

    15 Les cinq comptences culturelles, appeles comptences propres depuis les programmes EPS de 2010 sont :

    raliser une performance motrice maximale mesurable une chance donne ; se dplacer en sadaptant des

    environnements varis et incertains ; raliser une prestation corporelle vise artistique ou acrobatique ; conduire et

    matriser un affrontement individuel ou collectif ; raliser et orienter son activit physique en vue du dveloppement

    et de lentretien de soi (BO spcial du 29/04/10).

  • 34

    Ainsi lapproche par comptence a toutefois lambition de renouveler lobjet de

    lvaluation en EPS : ce nest plus le rsultat de lapprentissage qui est valu mais lintelligence

    motrice du pratiquant, cest--dire sa capacit d'utiliser son corps de faon pertinente en fonction

    de la situation (Dugas et During, 2007). Des tudes sur les transferts interspcifiques dans le

    cadre de lEPS devraient venir appuyer les propositions des concepteurs des programmes, afin de

    respecter lacception de la notion de comptences telle quelle a t au dpart dfinie et viter

    ainsi de supposer des transferts entre diffrentes pratiques.

    4. Le contrle en cours de formation en EPS

    Aujourdhui, lpreuve dEPS est une des seules se drouler sous forme de contrle en

    cours de formation o lenseignant de la classe value ses propres lves pour les examens

    certificatifs. La forte crainte des biais pouvant tre infrs cette mise en uvre fait que

    lpreuve dEPS est trs cadre par les textes officiels. Tant par le choix limit des activits

    enseignes que les critres, barmes et dfinitions des attentes en termes de niveaux dhabilet,

    la marge de libert des enseignants est particulirement restreinte au niveau de lvaluation et

    implique donc des choix stratgiques prcis dans leur enseignement. Par exemple, lenseignant

    daujourdhui ayant des classes en terminale gnrale doit tenir compte des programmes dEPS

    et du texte relatif lvaluation certificative (Bulletin officiel spcial n5 du 19 juillet 2012). Il

    doit proposer ses classes un groupement de trois preuves pour lanne, issues dune liste

    nationale (au moins deux preuves) et acadmique ; les activits sont choisies, thoriquement et

    dans la mesure du possible, par ses lves. Pour chaque activit lvaluation sera faite en

    rfrence une grille dvaluation nationale prcisant les critres, les niveaux et notes

    correspondantes. Cependant, en fonction des rsultats des commissions dharmonisation des

    notes ayant lieu chaque anne par secteur gographique et au niveau national, lenseignant a une

    connaissance assez fine des preuves qui permettent dobtenir des bonnes notes ou, au contraire,

    qui sont juges plutt difficiles. Sa volont de faire russir ses lves nest pas toujours

    concordante avec les gots de ces derniers ports sur certaines activits (comme le volleyball) o

    les notes sont, tous les ans, parmi les plus basses. Dautres problmes se surajoutent ces choix :

    les carts de notes entre les garons et les filles qui dcoulent en partie du choix des activits, la

    ncessit de proposer au moins une activit collective et de reprsenter trois comptences

    propres diffrentes. Finalement, le choix des activits est assez rduit et trs stratgique. De plus,

  • 35

    les programmations16

    des classes prcdentes sont aussi complexes dfinir car elles aboutissent

    cette valuation certificative et ncessitent un nombre dheures denseignement suffisant.

    Les textes officiels rgissant lpreuve dEPS au baccalaurat ont un impact vident sur

    lenseignement de la classe de terminale, mais pas seulement. La certification au baccalaurat est

    lobjectif des lves, des parents et des enseignants dsireux dassurer la russite au maximum

    dlves. Complmentairement la certification, les recherches sur lapprentissage et les effets

    de lvaluation ont aussi permis une rflexion importante sur les formes et lutilit de

    lvaluation. Outre sa fonction certificative qui est essentielle car obligatoire un moment

    donn, les finalits ont volu dun contrle des acquis une vritable aide au service de

    lapprentissage des lves, ce qui assure une rupture avec le caractre butoir et rigide des

    valuations sommatives.

    La frise ci-dessous (figure 1) rcapitule les tapes importantes de lvaluation en EPS.

    16 Une programmation en EPS est une organisation sur lanne des diffrentes priodes auxquelles correspond

    lenseignement dune activit. Elle est construite par lquipe pdagogique.

  • 36

    Lvaluation en EPS : perspective diachronique

    Au baccalaurat Contexte

    preuve obligatoire (1959) Prdominance de lvaluation sommative

    valuation de la performance : vise normative

    Athl, gym et natation

    1res approches de lvaluation formative

    (Scriven, Bloom) fin des annes 1960

    Ncessaire redfinition en EPS des valuations

    pour se dmarquer du sport. (annes 1970)

    Ouverture des APS 7 domaines valuation formatrice (Scallon) 1982

    Instauration du CCF Renouvellement des valuations en EPS :

    valuation des conduites motrices approche critrie, valeur qualitative

    (= performance + matrise), des progrs

    et des connaissances (1983)

    Charte des programmes 1992 : introduction des

    comptences : dveloppement des

    problmatiques de sens de lapprentissage et de

    transfert

    valuation des comptences

    [matrise et performance (matrise perf)]

    et des connaissances (1995)