7
EHESS L'ÉVEIL DES ÉCRITS SUR L'ISLAM CONTEMPORAIN EN EUROPE Les Banlieues de l'islam. Naissance d'une religion en France, (Coll. « L'Épreuve des Faits ») by Gilles KEPEL; Les Musulmans dans la société française, (Coll. « Références ») by Rémy LEVEAU; Gilles KEPEL; Les Immigrés et la politique. Cent cinquante ans d'évolution by Catherine WIHTOL DE WENDEN; Être musulman aujourd'hui by Sadek SELLAM; Europa : nuova frontiera dell'Islam by Felice DASSETTO; Albert BASTENIER; Enseignants ... Review by: Constant HAMÈS Archives de sciences sociales des religions, 34e Année, No. 68.2 (octobre-décembre 1989), pp. 145-150 Published by: EHESS Stable URL: http://www.jstor.org/stable/41623406 . Accessed: 10/06/2014 16:42 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . EHESS is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Archives de sciences sociales des religions. http://www.jstor.org This content downloaded from 91.229.229.89 on Tue, 10 Jun 2014 16:42:53 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

L'ÉVEIL DES ÉCRITS SUR L'ISLAM CONTEMPORAIN EN EUROPE

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: L'ÉVEIL DES ÉCRITS SUR L'ISLAM CONTEMPORAIN EN EUROPE

EHESS

L'ÉVEIL DES ÉCRITS SUR L'ISLAM CONTEMPORAIN EN EUROPELes Banlieues de l'islam. Naissance d'une religion en France, (Coll. « L'Épreuve des Faits ») byGilles KEPEL; Les Musulmans dans la société française, (Coll. « Références ») by Rémy LEVEAU;Gilles KEPEL; Les Immigrés et la politique. Cent cinquante ans d'évolution by CatherineWIHTOL DE WENDEN; Être musulman aujourd'hui by Sadek SELLAM; Europa : nuova frontieradell'Islam by Felice DASSETTO; Albert BASTENIER; Enseignants ...Review by: Constant HAMÈSArchives de sciences sociales des religions, 34e Année, No. 68.2 (octobre-décembre 1989), pp.145-150Published by: EHESSStable URL: http://www.jstor.org/stable/41623406 .

Accessed: 10/06/2014 16:42

Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at .http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp

.JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range ofcontent in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new formsof scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected].

.

EHESS is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Archives de sciences socialesdes religions.

http://www.jstor.org

This content downloaded from 91.229.229.89 on Tue, 10 Jun 2014 16:42:53 PMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

Page 2: L'ÉVEIL DES ÉCRITS SUR L'ISLAM CONTEMPORAIN EN EUROPE

Arch. Sc. soc. des Rei, 1989, 68/2 (octobre-décembre), 145-150 Constant HAMÈS

L'ÉVEIL DES ÉCRITS

SUR L'ISLAM CONTEMPORAIN EN EUROPE (1)

A propos de :

KEPEL (Gilles), Les Banlieues de l'islam. Naissance d'une religion en France, Paris, Éd. du Seuil, 1987, 424 p. (Coll. « L'Epreuve des Faits »). LEVEAU (Rémy), KEPEL (Gilles) (éd.), Les Musul- mans dans la société française, Paris, Presses de la F.N.S.P., 1988, 202 p. (Coll. « Références »). WIHTOL DE WENDEN (Catherine), Les Immigrés et la politique. Cent cinquante ans d'évolution, Paris, Presses de la F.N.S.P., 1988, 393 p. (publié avec le concours du C.N.R.S.). SELLAM (Sadek), Être musulman aujourd'hui, Paris, Éd. Nouvelle Cité, 1989, 178 p. DASSETTO (Felice), BASTENIER (Albert), Europa : nuova frontiera dell'Islam, Rome, Ed. Lavoro, 1988, 283 p. (present. Bruno Etienne). BASTENIER (Albert), DASSETTO (Felice), éd., En- seignants et enseignement de l'Islam au sein de l'école officielle en Belgique, Louvain-la-Neuve, Ed. Ciaco, 1987, 111 p. « Islam, le grand malentendu », Autrement, N° 95, déc. 1987.

UN MODÈLE ORIENTAL?

Sans qu'il soit nécessaire d'aligner des statistiques, chacun a pu constater que les ouvrages et les numéros de revue consacrés à la découverte de l'islam en France et dans d'autres pays européens (Angleterre, Allemagne, Belgique, Hol- lande essentiellement), sont sortis de presse en nombre croissant, sensiblement à partir de 1985. Durant les trois décennies précédentes, on ne peut trouver aucune étude conséquente sur le même sujet. De ce seul point de vue, il faut comprendre qu'un phénomène nouveau et marquant, à composante religieuse, a atteint l'Europe. On l'a d'abord vu à l'œuvre, sous une forme radicale et politique, au Proche et Moyen-Orient, avec la révolution islamique iranienne (1979) ou l'assassinat « islamiste » du président égyptien Sadate (1981). Et c'est au retour

145

This content downloaded from 91.229.229.89 on Tue, 10 Jun 2014 16:42:53 PMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

Page 3: L'ÉVEIL DES ÉCRITS SUR L'ISLAM CONTEMPORAIN EN EUROPE

ARCHIVES DE SCIENCES SOCIALES DES RELIGIONS

dune thèse sur ces mouvements islamistes en Egypte (2) que G. Kepel consacre un ouvrage aux musulmans en France. Entre les uns et les autres, les distances sont considérables. La mosquée de Paris n'est pas Al-Azhar, le prédicateur de la mosquée de Stalingrad (Paris) n'a rien d'un cheikh Kichk, aucun idéologue analogue à S. Qutb ne s'est signalé et les associations islamiques très récentes en France ne doivent rien à celles des Frères musulmans et des jamacât islamîya d'Egypte. Pourtant, le travail relativement parallèle entre Egypte et France, élaboré par G. Kepel (analyse de sermons, ciblage des associations islamiques et de leurs dirigeants, descriptions de leurs lieux de rencontre et de culte, historique de la mosquée de Paris et de certains mouvements, etc.) déclenche une première série de réflexions. Le paradigme de la forme institutionnelle d'islam qui apparaît en France n'est-il pas justement oriental ? Le modèle de leaders religieux implan- tés dans des mosquées urbaines polyvalentes, leur constitution en associations légalisées par l'État, n'est-il pas d'inspiration proche-orientale ? L'habillement lui-même ou le port de la barbe non taillée ne correspondent pas précisément à la silhouette nord ou ouest-africaine habituelle... La langue institutionnelle de l'islam, l'arabe, s'orientalise également, soit par mimétisme, soit par introduction directe avec des locuteurs et des imâms orientaux. Les idées qui circulent, proviennent, elles aussi, d'Egypte, d'Arabie, du Pakistan. Voilà donc, non pas la « naissance d'une religion en France » mais sa transformation idéologique et institutionnelle, indirectement mise en relief par G. Kepel. C'est en effet à partir d'un fonds religieux de croyances et de pratiques, importé avec l'immigration et vécu de façon peu ostensible jusque-là, que l'organisation islamique actuelle a pu se développer (3). Dans le même sens, on ne peut pas non plus parler des « Arabes majoritaires dans l'immigration (musulmane) en France » (p. 131) alors qu'on connaît le poids majoritaire des berbérophones dans cette... majorité.

LES RELATIONS ENTRE LA RECHERCHE ET SON OBJET : L'IDÉOLOGIE AMBIANTE

Le voyage dans la France des associations islamiques, de leur encadrement et de leurs lieux de culte nous fait passer par des banlieues mais aussi par les centres les plus importants du pays : Paris, Lyon, Marseille, Nancy, Roubaix, etc. Le fait, à cette occasion, de circuler dans un univers de groupes et de notions exclusivement islamiques produit un effet de perspective tout à fait saisissant. Par exemple, si pour certains, Lyon peut apparaître comme la ville du voyage du pape Jean-Paul II (octobre 1986), ici elle devient la ville du rassemblement islamique de décembre 1985, organisé sous l'égide de Cheikh Abbas et de la mosquée de Paris (p. 327 et stes). Devant l'image, renvoyée par l'ouvrage de G. Kepi, d'une islamisation importante en œuvre en France, on ne peut manquer de s'interroger sur le statut de cette image. L'addition de « gros plans » sur des associations réparties sur tout le territoire, le caractère missionnaire de certaines d'entre elles, la multiplication des mosquées, la présence de nombreux « imams », etc. suggère un effet de masse, alors même que le projecteur n'atteint qu'une partie de l'encadrement de ces mouvements et qu'il n'y a guère d'éléments d'analyse qui permettraient de se faire une idée de la proportion et du degré selon lesquels la population immigrée et française est touchée par le phénomène.

A côté de cet effet de cadrage, il y en a un autre, plus général, qui est lié au rôle de la recherche et de ses résultats dans les rapports qu'ils peuvent entretenir, sur le

146

This content downloaded from 91.229.229.89 on Tue, 10 Jun 2014 16:42:53 PMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

Page 4: L'ÉVEIL DES ÉCRITS SUR L'ISLAM CONTEMPORAIN EN EUROPE

ISLAM EN EUROPE

plan idéologique et social, avec l'objet même de la recherche. Contribuons-nous seulement à éclaircir le fonctionnement d'une religion ou bien ne sommes-nous pas aussi, dans certains cas, les artisans du développement ou du renforcement d'un type de regard religieux porté sur le monde ? Réflexion qui peut survenir, lorsqu'on découvre, par exemple, dans le chapitre qui ouvre Les Banlieues de Vislám , la question suivante, posée lors d'entretiens avec 58 « personnes de confession musulmane vivant en France » : « Accepteriez-vous que vous et vos enfants soyez invités à manger chez un non-musulman ? » (p. 34 et stes). On peut se demander si une définition des relations sociales établie a priori en termes de musulmans et de non-musulmans n'enferme pas l'enquêté dans un rôle prédé- fini, lui suggérant des réponses conformes à l'image qu'il a, dans le cas présent, des interdits alimentaires islamiques. On dénombre en effet une majorité de réponses soit négatives (10), soit fortement (1 1) ou moyennement (12) restrictives, à côté de 9 réponses positives. Notons qu'il s'agit d'une question d'opinion et qu'on ne connaît pas la pratique sociale effective des enquêtés ni même l'éventail de leurs possibilités dans ce domaine. Il aurait été intéressant aussi de savoir si l'enquêteur s'est présenté ou a été perçu comme musulman, ce qui, on le sait, n'est pas sans effet normatif sur l'enquêté.

Difficultés donc de ne pas contribuer à modeler l'objet de la recherche en même temps qu'il est étudié. Un chercheur, même muni des viatiques de la méthode scientifique, ne reste pas sans interagir avec son enquête, particulière- ment lorsqu'elle se déroule, comme c'est le cas, « sur le terrain ».

On trouvera, sur le plan du regard porté sur la religion, un exemple de tendance inverse, dans l'ouvrage de C. Wihtol de Wenden, Les Immigrés et la politique , où, au terme d'un long travail, l'attention est surtout fixée sur des types de manifestations collectives qui balisent l'entrée des immigrés dans la politique « par le bas » : grèves pour le loyer et l'habitat, revendications de droits civiques, conflits en entreprises, mouvements antiracistes, expressions sur les radios F.M., etc. Sur plus d'un siècle de relevés, l'islam n'apparaît furtivement au catalogue quin fine ; en 1983, dans les ateliers d'entreprise où, écrit l'auteur, « il s'impose paradoxalement par sa dimension quotidienne, pacifique, extra-conflictuelle » (p. 360).

Plus d'islam, moins d'islam... On peut avoir recours, bien entendu, à de multiples considérations pour expliquer deux « visions » politologiques de l'im- migration aussi parallèles et différentes mais cela ne met que plus en évidence les conditionnements sociaux, idéologiques et académiques qui président à la production du savoir scientifique. Trop d'exemples récents (révolution iranienne, conflit sénégalo-mauritanien, « montée » de l'islam en Europe, etc.) tendent à prouver que les sciences sociales sont apparemment dépourvues de capacités prévisionnelles et que, dans ce cadre, elles travaillent à prévoir, après coup, les phénomènes d'un passé immédiat. Ce faisant, elles sont « enveloppées » par l'ambiance idéologique qui a présidé et préside encore à l'événement et, au mieux, elles accompagnent cette idéologie, au pire, elles en deviennent partie prenante. Les Immigrés et la politique rendent compte, dans cette perspective, de courants idéologiques qui ont parcouru tout ce qui touche à l'immigration avant la nouvelle vague islamique dans l'ambiance de laquelle s'inscrit le travail de G. Kepel. C'est pourquoi, peut-être, chez ce dernier, lorsqu'il se fait plutôt historien que sociologue de l'immédiat, ses apports scientifiques paraissent plus solides et décisifs ; c est le cas, notamment, des chapitres sur l'histoire de la mosquée de Paris et sur l'histoire du mouvement missionnaire indo-pakistanais jama at at-tabligh.

147

This content downloaded from 91.229.229.89 on Tue, 10 Jun 2014 16:42:53 PMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

Page 5: L'ÉVEIL DES ÉCRITS SUR L'ISLAM CONTEMPORAIN EN EUROPE

ARCHIVES DE SCIENCES SOCIALES DES RELIGIONS

MUSULMANS ET AUTRES GROUPES SOCIAUX : LA NATION, L'ÉTAT, LA LAÏCITÉ

A la question générale qui parcourt Les Banlieues de l'islam, à savoir qu'à une « demande intensifiée » d'islam répond une « offre importante », compte tenu du processus de « sédentarisation inéluctable et aléatoire » de l'immigration, font suite des interrogations plus problématisées et plus délimitées sur Les Musulmans dans la société française, réunies en ouvrage collectif par R. Leveau et G. Kepel. Particulièrement stimulantes sont les comparaisons établies, dans le cas de la France, entre le rôle de l'islam dans l'immigration et le rôle d'autres idéologies, politiques ou religieuses, liées à d'autres groupes sociaux. S. Courtois et G. Kepel (4) tentent ainsi de dégager les analogies entre le communisme historique français et l'islam actuel, dans leurs effets d'intégration à la nation (politique et écono- mique), de la classe ouvrière pour l'un, des immigrés pour l'autre. Dans les deux cas, on constate la mise en place d'un même mécanisme de différenciation identitaire, à référence nationale et internationale, permettant une reconnais- sance et un dialogue dans la nation, préludes à une « intégration en douceur dans le système français ». En contrepoint de cette analogie, à la jointure, si on peut dire, du communisme et de l'islam, C. Wihtol de Wenden et R. Mouriaux (5) étudient, de leur côté, les rapports historiques entre les syndicats français et l'immigration ; on retiendra notamment leurs analyses des modalités de prise en compte, ces dernières années, de l'islam par les instances syndicales.

Une autre comparaison, menée par R. Leveau et D. Schnapper (6) et plutôt inédite en sociologie de l'immigration, se réfère au processus historique d'inté- gration des Juifs dans la société française, pour en tirer une typologie (« prati- quants, militants, israélites ») qui sera, avec nuances et adaptation prudentes, confrontée aux attitudes présentes des musulmans en France et de France. Ici également, une conclusion dans le sens de la possibilité de l'intégration est avancée ; elle constate la coexistence d'identités et de pratiques spécifiques, notamment religieuses, avec une acceptation et souvent une participation à l'État national français. Les auteurs insistent sur le rôle qu'ils souhaitent voir jouer, dans cette perspective, par les « associations et les municipalités », c'est-à-dire par l'échelon local plutôt qu'étatique central.

Il est certain que les attaches multiples de l'immigration elle-même et de l'islam dont elle se réclame maintenant publiquement, permettent et nécessitent des approches et des comparaisons elles aussi multiples : rapports avec les idéologies islamiques orientales, rapports avec les processus migratoires déjà observés en France et à l'étranger, rapports encore - et pour combien de temps ? - , avec les sociétés et les Etats d'origine, rapports de tous ordres enfin avec l'intérieur de la société et de l'État français. Mais il restera encore à démêler et à interpréter, au fur et à mesure de l'avancée générationnelle, l'évolution de la prise en compte ou du rejet, par les « descendants » de l'immigration, des attaches diverses qu'on vient d'évoquer. Dans ce sens, les conclusions en pointillé qui ressortent de l'enquête, menée auprès d'adolescents scolarisés, « "nouvelles" générations issues de l'immigration maghrébine », par Y. Gonzalez-Quijano (7), laissent présager que les référents culturels et religieux de ces groupes sont loin d'être assurés pour l'avenir; un clivage significatif apparaît déjà entre une « culture populaire », plus immergée dans la référence culturelle islamique et une « culture d'élite » qui, par contre, s'en distancie (A. Beatrix) (8). Dans cette évolution, en effet, le problème, le défi, selon S. Sellam, provient des rapports inédits entre islam et laïcité ; « la principale influence » qu'ont à subir les

148

This content downloaded from 91.229.229.89 on Tue, 10 Jun 2014 16:42:53 PMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

Page 6: L'ÉVEIL DES ÉCRITS SUR L'ISLAM CONTEMPORAIN EN EUROPE

ISLAM EN EUROPE

communautés musulmanes en France, dira-t-il, n'est pas à chercher à l'étranger ; elle « provient de la société française », à travers son mode de vie sécularisé et son organisation idéologico-politique laïque. Se situant du point de vue de l'islam et des musulmans confrontés concrètement, en France, à des rapports nouveaux entre les sphères religieuse et civile, il préconise avec insistance la création d'une institution islamique pouvant faire avancer ces débats par l'enseignement et la recherche.

L'ENSEIGNEMENT ISLAMIQUE

L'enseignement proprement dit de la religion islamique aux enfants musul- mans en Europe suscite d'ailleurs des questions et des débats sur la place du religieux (ou des religions) dans les programmes des éducations nationales. Chaque État européen se trouve confronté, dans ce domaine, non pas tant aux particularités de l'islam qu'à ses propres traditions de rapport plus ou moins exclusif avec telle ou telle religion qui a fait partie intégrante de son édifi- cation.

A travers les éléments d'une enquête menée en Belgique sur les migrants musulmans et les pays d'origine, A. Bastenier et F. Dassetto nous permettent de saisir la spécificité de la situation de l'enseignement belge en matière de religion. L'enseignement religieux est obligatoire (dans le primaire et le secondaire) et dispensé parle personnel religieux des cultes officiellement reconnus, ce qui est le cas de l'islam depuis 1978. L'enquête concerne uniquement l'enseignement officiel (d'État) et si on veut avoir une idée d'ensemble, il faut se rappeler qu'il existe, en Belgique, un enseignement privé (catholique) majoritaire, qui, par définition, s'auto-enseigne sur le plan religieux et exclut, par conséquent, les enfants qui voudraient suivre un autre enseignement religieux ou un enseigne- ment de morale laïque. L'enquête auprès des enseignants musulmans (Turcs et Marocains) ainsi que les analyses juridiques et sociologiques de leur situation - qui dépend à la fois de l'État belge et d'organisations musulmanes étrangères (Arabie Saoudite, Turquie) - montrent fort bien que les minorités musulmanes immigrées ne se trouvent pas isolées dans un face à face avec chacun des États européens. Le dialogue engagé sur les questions religieuses se complique par la présence de nombreux partenaires. On en trouvera des illustrations précises dans cet ouvrage comme dans celui qu'ont édité R. Leveau et G. Kepel. Aussi on comprend fort bien que face à la similitude et à la spécificité des situations des États européens dans leurs rapports avec « un islam transplanté », F. Dassetto et A. Bastenier aient tourné leurs regards vers cette « Europe : nouvelle frontière de l'islam », dans le cadre d'un ouvrage qui tente, pour la première fois, une analyse non compartimentée par pays d'origine ou d'accueil et qui, par là-même, nous fait prendre conscience de l'étendue et de la vitesse d'évolution d'un phénomène religieux aux retombées multiples qui, hier encore, paraissait marginal.

* * *

Ainsi les livres se succèdent, répondant dans un premier temps, à un besoin d'inventaire général (repérage des associations musulmanes, des lieux de culte et

149

This content downloaded from 91.229.229.89 on Tue, 10 Jun 2014 16:42:53 PMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

Page 7: L'ÉVEIL DES ÉCRITS SUR L'ISLAM CONTEMPORAIN EN EUROPE

ARCHIVES DE SCIENCES SOCIALES DES RELIGIONS

de leurs « mouvances ») puis, de plus en plus, au besoin ďaffiner les connais- sances dans des secteurs plus précis, plus « sensibles » aussi (enseignement religieux, abattage et commercialisation ďanimaux de sacrifice (9), par exemple). En même temps, des tentatives d'analyse politologique ou sociologique plus globales et théoriques apparaissent. Au niveau des ouvrages, l'absence, comme on le voit, se situe - momentanément, espérons-le - du côté de l'anthropologie de terrain et de l'islamologie.

Constant HAMÈS Groupe de Sociologie des Religions - C.N.R.S.

NOTES :

(1) Il ne s'agit ici que dune note de lecture à propos des derniers ouvrages ou numéros de revue parvenus aux A.S.S.R. Ainsi, le dernier en date des ouvrages, celui de ETIENNE (Bruno), L'Islam et la France, Paris, Ed. Hachette, 1989, 321 p., n'y apparaît pas. Pour les ouvrages précédents, SELLAM (Sadek), L'Islam et les musulmans en France, Paris, Ed. Tougui, 485 p., 1987 ; KRIEGER- KRYNICKI (A), Les Musulmans en France, Paris, Ed. Maisonneuve et Larose, 1985, 143 p. et DASSETTO (F.), BASTENIER (A L'Islam transplanté, Bruxelles-Anvers, Ed. Epo, 1984, 200 p., voir les comptes rendus dans Arch., n° 65.352, n° 61.309 et n° 58.250.

(2) KEPEL (Gilles), Le Prophète et le Pharaon. Les mouvements islamistes dans l'Egypte contem- poraine, Paris, Ed. La Découverte, 1984, 245 p. (Coll. « Armillaire »).

(3) Sadek Sellam, dans son dernier ouvrage, suggère quelques points de repère pour appréhender la religion et la religiosité dans les conduites des immigrés maghrébins, dès les débuts de leur présence en France. (4) COURTOIS (S.), KEPEL (G.), « Musulmans et prolétaires », in op. cit., 27-38. (5) MOURIAUX (R.), WIHTOL DE WENDEN (C), « Syndicalisme français et islam », in op.

cit., 39-64. (6) LEVEAU (R.), SCHNAPPER (D.), « Religion et politique : Juifs et Musulmans en France »,

in op. cit., 99-140. (7) GONZALEZ-QUIJANO (Y.), « Les "nouvelles" générations issues de l'immigration maghré- bine et la question de l'islam », in op. cit., 65-87. (8) BEATRIX (A), « Attitudes culturelles et positions sociales dans la population musulmane en

France », in op. cit., 89-97. (9) BAGUET (G.), « Le Mouton et le minaret », Autrement, op. cit., 70-75. KEPEL (G.) (entretien

avec), « Le Marché islamique en France », Autrement , op. cit., 107-11.

150

This content downloaded from 91.229.229.89 on Tue, 10 Jun 2014 16:42:53 PMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions