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L’intégration des technologies informatiques à l’enseignement des mathématiques
Michèle ArtigueEquipe DIDIREM & IREM
Université Paris 7
Plan de l’exposé Introduction L’intégration des technologies
informatiques à l’enseignement des mathématiques : des contrastes troublants
Le développement de l’approche instrumentale : un nouveau regard sur les questions d’intégration
La situation actuelle : des questions profondément renouvelées par l’évolution technologique, un champ de recherche didactique encore très peu défriché
Introduction Une histoire personnelle qui globalement reflète l’évolution
des perspectives de recherche et des technologies, avec : L’exploitation du logiciel Euclide dérivé de Logo en géométrie
au collège (programmation) L’exploitation de logiciels de tracé graphique pour
l’enseignement des équations différentielles (visualisation, expérimentation)
L’exploitation de logiciels de calcul formel pour l’enseignement de l’analyse (connections entre cadres et registres sémiotiques)
L’exploitation de ressources en ligne pour l’accompagnement scolaire, le développement d’outils de diagnostic en algèbre
Mais aussi, sur le plan théorique :
Le développement de l’approche instrumentale La recherche de perspectives intégratives (Méta-analyse,
projets TELMA et ReMath) pour dépasser l’atomisation théorique du champ
L’intégration technologique : des décalages troublants
Une intégration spectaculaire de l’informatique dans le monde professionnel et dans la société tout entière
Une politique institutionnelle claire et constante, depuis plus de 20 ans dans de nombreux pays, prônant l’intégration des technologies informatiques à l’enseignement des mathématiques
Le développement d’une multitude de recherches et innovations susceptibles a priori de soutenir cette intégration
La multiplication des ressources logicielles et documentaires pour l’enseignement
Mais, contrastant avec cela
Une intégration à l’enseignement qui reste problématique, même pour les technologies les plus anciennes (calculatrices et logiciels de géométrie dynamique par exemple), alors qu’Internet renouvelle aujourd’hui profondément la donne technologique
Des valeurs et normes de l’enseignement mathématique qui peinent à prendre en compte l’évolution technologique, la façon dont elle influence l’apprentissage et les pratiques mathématiques, les potentialités mais aussi les besoins qui en résultent en terme d’enseignement et de formation des enseignants
Comment expliquer un tel décalage ? Difficultés matérielles Qualité des outils technologiques Inertie du corps enseignant
Ce ne sont pas forcément les obstacles majeurs aujourd’hui…
Une vision de l’intégration technologique qui reste souvent trop naïve, piégée par des attentes irréalistes
Des formations qui outillent insuffisamment les professeurs pour permettre le passage à l’acte
Une attention insuffisante portée aux questions d’ordre institutionnel et écologique, aux contraintes d’implémentation, aux changements d’échelle
Une capitalisation des connaissances rendue difficile par l’éclatement des cadres théoriques et concepts utilisés
Qu’attend-t-on de la technologie dans l’enseignement des maths ?
Elle doit aider à comprendre les concepts mathématiques, accroître le pouvoir mathématique des étudiants
Elle doit aider à renouveler les pratiques pédagogiques, fournir de nouveaux outils
d’enseignement : outils de visualisation, de calcul, de communication
Elle doit aider les élèves à s’adapter à l’univers
technologique
Elle doit économiser dutemps d’enseignement
et d’apprentissage
Elle doit rendre à la fois l’enseignement et l’apprentissage plus faciles et meilleurs
Elle doit aider à motiver les élèves en mathématiques
Un exemple : le quadrilatère qui tourne
Un problème classique en seconde (grade 10) en France pour les élèves qui :
rentrent plus systématiquement dans le monde fonctionnel,
commencent à rencontrer et traiter des problèmes de variation et d’optimisation, mais sans les outils du calcul différentiel.
Le parallélogramme qui tourne
Une résolution algébrique soutenue par une calculatrice symbolique
Du particulier au général
Le minimum de l’aire est obtenu pour une valeur de x qui est le quart du périmètre
Est-ce un cas particulier où est-ce un phénomène plus général ?
Du particulier au général
Du particulier au général
Dans cette situation
La technologie a un potentiel réel : pour explorer un problème de variation, formuler des
conjectures et les tester pour aider le calcul algébrique pour soutenir la production des preuves
mathématiques et la généralisation pour faciliter l’exploitation de cadres et registres
sémiotiques distincts dans la résolution Mais quelle écologie possible pour une telle situation ?
Que suppose sa viabilité côté élèves, enseignant ?
Les origines de l’approche instrumentale Deux projets nationaux successifs concernant
l’utilisation de logiciels de calcul formel et : des décalages importants entre les discours et la
réalité des classes observées, l’apparition de phénomènes didactiques spécifiques
que nous avions envie de comprendre. Une sensibilité croissante :
à la difficulté pour les CAS à se constituer en instruments mathématiques pour les élèves,
aux besoins mathématiques de cette évolution, aux problèmes posés aux enseignants par la gestion
de ces questions, à la faible sensibilité des recherches et formations à
ces question.
L’approche instrumentale
La conjonction de deux perspectives :
Approche ergonomique(Rabardel & Vérillon)
Approche anthropologique(Chevallard)
Les éléments principaux de l’approche ergonomique
La genèse instrumentale
L’artefact
Instrumentalisation Instrumentation
Contraintes Potentialités
L’instrument
Schèmes
Un cas particulier : les schèmes de cadrage
f(x)=x(x+7)+9/x
Les éléments principaux de l’approche anthropologique Une vision de la connaissance comme un émergent de pratiques
institutionnellement situées et conditionnées par des normes institutionnelles
Des outils d’analyse de ces pratiques via les notions de praxéologies mathématiques et didactiques
Un modèle de structuration des praxéologies didactiques en termes de moments de l’étude
La reconnaissance que l’avancée de la connaissance passe par la routinisation de tâches et de techniques et la naturalisation des technologies associées, ceci induisant une dé-mathématisation des gestes associés
Praxéologie = (Tâche, Technique, Technologie, Théorie)
Pourquoi faire interagir ces deux cadres ?
Le fait que la recherche didactique a construit ses cadres théoriques en référence à des environnements technologiques pauvres, à l’inverse de l’ergonomie cognitive.
Le fait qu’il existe des différences essentielles entre l’apprentissage instrumenté en situation de travail auquel s’intéresse l’ergonomie cognitive et l’apprentissage instrumenté scolaire, en termes de légitimité et valeurs.
Un exemple : L’étude des variations (thèse de Badr Defouad)
Une tâche emblématique dont les techniques d’étude évoluent au cours du lycée
Des praxéologies stabilisées dans l’environnement papier-crayon, enrichi par les calculatrices graphiques
Un observatoire intéressant pour étudier les questions posées par l’intégration d’un nouvel outil (ici la TI92)
La méthodologie de l’étude
Le suivi d’élèves choisis suivant leur sexe, leur niveau mathématique, leur rapport à la technologie, deux années successives via: des questionnaires, des entretiens, des observations de classe régulières, le recueil systématique des productions
écrites.
Les entretiens Recueil d’informations sur l’usage hors de la
classe, pendant les contrôles, sur la structuration personnelle de la calculatrice.
Etude des variations d’une fonction particulière en deux temps : Représenter graphiquement et conjecturer, Tester les conjectures et essayer ensuite de les
prouver si le test est positif, sinon de les rectifier. La fonction est choisie hors du champ de
familiarité des élèves au moment de l’entretien.
Quels résultats ? La complexité inattendue de la genèse instrumentale
Premier entretien : comprendre les variations de f(x)=x(x+7)+9/x
La seconde étape : le calcul symbolique
A priori tout semble réglé sauf que…
Le retour à l’application graphique
Des sur-vérifications utilisant l’application Table et des Zooms
Le troisième entretien : étude d’une fonction trigonométrique
Des déstabilisations multiples L’apparition d’un nouveau type de phénomène lié à la
discrétisation sous-jacente aux tracés, au-delà des problèmes d’asymptotes alors maîtrisés.
La complexité ostensive de la dérivée. D’où : Le temps passé à obtenir un tracé qui touche l’axe
horizontal L’impossibilité d’un travail instrumenté autonome
efficace sur la dérivée La fragilité révélée de l’articulation graphique –
symbolique (doutes sur la parité, la périodicité…)
Le travail assisté par l’interviewer
La genèse instrumentale de la variation
La résistance de la culture pré-analyse Le statut des différentes applications (Home, Graph,
Table) comme un indicateur de l’évolution La dépendance forte de la genèse instrumentale de
l’évolution des connaissances mathématiques. L’identification de phénomènes spécifiques : zapping,
sur-vérification, éclatement / réduction
Comment expliquer ces résultats ?
Pourquoi ? Des difficultés spécifiques…
La diversité des commandes et des techniques possibles et les réactions dominantes face à cette diversité.
Le mélange de connaissances mathématiques (certaines nouvelles) et «machine » engagé nécessairement dans un discours explicatif et justificatif.
L’accessibilité problématique de certaines de ces connaissances.
La distance existante avec les normes et valeurs usuelles de l’enseignement des mathématiques qui rend la gestion difficile.
La seconde année d’expérimentation une évolution sensible de la gestion
Introduction d’une sélection. Un travail officiel d’institutionnalisation et de
routinisation. Une gestion du contrat didactique prenant en
compte son évolution nécessaire au fil de l’avancée des connaissances.
Des effets évidents…
Un retour réflexif sur la dialectique technique / conceptuel
La double valence des techniques
Valence pragmatique
Valence épistémique
Deux valences qui fondent la légitimité des techniques
Un retour réflexif sur la dialectique technique/ conceptuel
Environnement standard
EIAH
Résultats immédiats
Résolution pas à pas
Multiplicité des résultats accessibles
Résultats surprenants
De nouveaux besoins mathématiques
Des conséquences immédiates Une vision renouvelée des résistances des
enseignants. La nécessité de trouver les moyens d’accroître la
valeur épistémique des techniques instrumentées, par l’élaboration de situations adaptées et une gestion adéquate de ces situations.
La nécessité de prendre en compte ces besoins ainsi que ceux des genèses instrumentales dans la formation des enseignants et dans la constitution de ressources pour les enseignants.
Comprendre les processus de discrétisation et leurs effets graphiques :
f(x)=sin(x)/x
Comprendre les transformations et simplifications algébriques et apprendre à
les piloter efficacement
Une opportunité pour travailler sur l’équivalence, les relations entre « sens et dénotation », pour
aborder des questions syntaxiques
Des calculs avec des radicaux
75 3 18 - 128 +10 32 ( 3 - 6)2, ( 3 - 5)2
3/(3 - 5) + 2/(2 + 5) (5 - 3)/(3 – 5) + 2/(3 + 5) (5 - 3)/(3 – 5) + 2/(3 + 5)
Comprendre les différences induites par le choix des modes de calcul
Ceci amène à différencier deux catégories de situations
Celles issues de l’usage de la technologie elle-même et en particulier exploitant les nouveaux besoins de connaissance résultant de la transposition informatique.
Celles exploitant le potentiel pragmatique des TICE pour susciter des questions et développer des activités de mathématisation, pour motiver des généralisations, pour attaquer des problèmes plus complexes. Une littérature qui favorise trop exclusivement les secondes et n’exploite pas toutes les potentialités
épistémiques des techniques instrumentées
Les retombées et prolongements La relecture des ingénieries didactiques réalisées et une vision
plus claire des problèmes délicats d’écologie des CAS dans l’enseignement secondaire.
La construction de situations prenant en charge les besoins épistémiques.
Le développement de logiciels plus spécifiques à la résolution de certains types de tâches, s’appuyant sur des noyaux de CAS existants (Casyopée, l’Algebrista).
L’extension de ce type d’approches à d’autres technologies : les travaux de Brigitte Grugeon sur Géoplan et Cabri-géomètre. la thèse de Mariam Haspekian sur le tableur,
Des technologies classiques à la situation actuelle Une évolution des métaphores dominantes : des métaphores
associées aux micro-mondes aux métaphores associées à la notion de réseaux de connaissances, de cognition distribuée, de communautés de pratiques
Des produits qui essaient de gérer de plus en plus la scénarisation et l’interaction didactique
Des produits qui font de plus en plus éclater la structure scolaire classique de la classe
Un foisonnement de ressources et d’informations impossible à maîtriser
L’émergence de dynamiques nouvelles
Tout ceci crée une masse de questions nouvelles ou partiellement renouvelées auxquelles le
travail mené jusqu’ici n’apporte pas de réponses directes
Un exemple illustratif: Sesamath Au départ, un petit groupe d’enseignants qui
créent un site web Ensuite, une association plus structurée:
une croissance exponentielle des ressources produites, une croissance exponentielle des échanges entre
enseignants via Internet Des chercheurs peu intéressés, une institution
éducative méfiante : rien de réellement innovatif, des ressources de qualité diverse, contenant des erreurs
Une attitude très différente des enseignants qui plébiscitent ces ressources
Un exemple illustratif: Sesamath Les premiers contacts avec les IREMs:
Sesamath veut bénéficier de leur réflexion et expérience pour : obtenir un feedback sur les ressources
développées, Obtenir des suggestions pour inclure des
tâches plus riches. Une certaine résistance puis la
constitution of groupes mixtes dans plusieurs IREMs et le début d’un travail collaboratif.
Des premiers résultats intéressants.
Un example, rien d’idéal mais…
Une dynamique qui défie notre vision habituelle des rapports entre recherche didactique et pratique
La confirmation que nous devons : Être plus sensibles à la distance entre pratiques ordinaires
et pratiques instrumentées, Être plus confiants dans les capacités de créativité et de
travail collaboratif des enseignants à l’heure d’Internet, Reflechir sérieusement à ce que nous pouvons faire via nos
recherches et actions pour soutenir cette créativité et énergie et faire en sorte qu’elle bénéficie réellement à l’enseignement et l’apprentissage des mathématiques.
C’est la raison d’être d’un certain nombre de recherches en cours au sein de l’équipe DIDIREM : projet Lingot, projet
Ile-de-France, projet GUPTEN, thèses de Laurent Souchard et Jean-Philippe Georget qui feront l’objet de présentations
à EMF2006 dans le thème 5