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    Centre

    d'Art

    Georges Pompidou

    ue d

    art conternpoelin

    fil du trait

    de Matisse Basquiat

    Collections du Centre Georges Pompidou,

    Muse national d'art moderne, cabinet d'art graphique

    Carr d'art-Muse d'art contemporain de Nmes

    26 juin-27 septembre 1998

    Communiqu de presse

    Du 26 juin au 27 septembre 1998, Carr d'Art - Muse d'art contemporain de Nmes

    prsente sous le titre de : Au

    fil

    du trait : de Matisse Basquiat , une slection de

    200 oeuvres provenant de la collection du Cabinet d'Art Graphique/Muse national

    d'art moderne, Centre Georges Pompidou

    . Cette manifestation s'inscrit dans le

    programme Hors les murs 1998-1999 du Centre Georges Pompidou et constitue une

    des expositions les plus importantes d'oeuvres d'art moderne sur papier jamais

    prsentes . Le double enjeu de cette exposition est, d'une part, de prsenter une

    collection d'art graphique parmi les plus riches au monde, d'autre part, de faire se

    confronter les matres de l'art classique et des artistes contemporains.

    De 1906, date d'un petit paysage au fusain de Piet Mondrian, 1996, date d'une suite

    au lavis de Marlene Dumas, l'exposition Au fil du trait : de Matisse Basquiat

    prsente quasiment un sicle de cration graphique, avec sa part de chefs-d'oeuvre

    classiques du XXe sicle (Kandinsky, Picasso, Matisse, Klee

    .), celle d'oeuvres rares ou

    inconnues (Dali, Pevsner, Kupka, Music, Delarbre .), et enfin celle des travaux rcents

    illustrant la vitalit de l'expression graphique chez les artistes les plus jeunes (Trockel,

    Dumas, Hybert, Orozco, Whiteread) . Ce panorama de la cration graphique au XXe

    sicle sera retrac, non pas de manire chronologique, mais suivant sept thmes autour

    desquels des oeuvres de toutes les priodes seront rassembles . Ces thmes ne

    renvoient pas des genres prcis ou prdtermins, mais apparaissent plutt comme

    des catgories dans lesquelles un certain nombre d'oeuvres d'artistes de gnration et

    de sensibilit diffrentes peuvent tre runies

    . Les titres de ces thmes sont De la

    nature, De la figure au portrait, Eros, L'crit la lettre, L'absolu, La douleur, et La

    joie.

    De la nature :

    L approche contemporaine de ce thme classique de l art offre des ralisations

    profondment originales, qu'elles renvoient une vocation littrale de la faune (vache

    blanche de Dubuffet, cerf de Klee, papillons de Calder) ou de la flore, (feuilles de

    Matisse)

    . Cette vocation peut prendre un tour plus mtaphorique, avec Dezeuze et ses

    plantes amoureuses, Rouan et ses jardins d entrelacs ou encore Mondrian et son

    paysage d'hiver charbonneux.

    De la figure au portrait :

    En Occident, la figure, le portrait, ont toujours tenu une place centrale dans les

    proccupations artistiques

    . Le dveloppement de la photographie, loin de relativiser cet

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    enjeu, a permis une sorte de redfinition du rle de la peinture - et donc du dessin -

    vis--vis de ce thme en offrant aux artistes une libert extraordinaire.

    La restitution de l image de l autre, ou de soi-mme, est devenue une vritable

    exprience ontologique de l'art du XXe sicle, que ce soit sur un mode tragique avec

    Antonin Artaud (Portrait d'Henri Pichette), ou sur un mode plus ironique ou caricatural

    avec Dubuffet (galerie de portraits de personnalits du monde de l'art)

    . Cette ironie se

    retrouve chez Warhol (portrait de Mao en icne hollywoodienne), Gasiorowski

    (autoportraits grinants), et encore Boltanski, o l'image de soi ne peut tre assume

    que sous l'apparence du comdien tragi-comique.

    Eros :

    Un des faits marquants de l'art du XXe sicle est la nouvelle optique adopte par les

    artistes dans la reprsentation du corps. Le corps n apparat plus comme ce tout

    harmonieux et idalis de la Renaissance, mais comme le lieu du dsordre, du

    morcellement, du fantasme. Le dsir sous l'oeil des surralistes, dcoupe, dmembre,

    recompose l'image d'un monde en plein bouleversement (Victor Brauner, Hans

    Bellmer, Andr Masson, Roberto Matta) . Quelques dcennies plus tard, les approches du

    corps donnent naissance des images plus inquites et douloureuses, o les

    questionnements sur l identit passent par une mise en scne des diffrences

    morphologiques entre les sexes (Gnther Brus, Francesco Clemente, Rosemarie Trockel).

    L'crit la lettre :

    Avec le cubisme, puis plus encore avec Dada, la lettre, le mot, l'crit envahissent le

    monde visuel

    . Des natures mortes cubistes de Braque et Picasso aux pomes

    phontiques et aux collages de Raoul Hausmann et Kurt Schwitters, c'est tout un pan du

    vocabulaire plastique et potique de l'art moderne, avec ses multiples emprunts la

    socit industrielle mergeante, qui se trouve runi . Ce vocabulaire s'est dvelopp

    pour conduire des systmes graphiques autonomes, comme le Standart de A

    Penck ou des drives potiques comme celles de Richard Baqui.

    L'absolu :

    Objet ultime toute qute, dont tout dpend et qui ne dpend de rien , la recherche

    d'absolu soutend, et en particulier par le dessin, la dmarche artistique moderne

    . Bel

    idalisme qui, de Mondrian Malevitch en passant par Jawlensky et Otto Freundlich, a

    plus particulirement irrigu la dmarche des tenants d'une abstraction rigoureuse

    . Cet

    idalisme s'est maintenu ces dernires dcennies avec des peintres comme James

    Bishop, Pierre Soulages, Agnes Martin ou Brice Marden.

    La douleur

    A la splendeur d un sicle port par l avance prodigieuse des sciences et des

    techniques, s'oppose la misre des socits et des individus mins par la violence et

    l'injustice. Cette plaie a la forme de l'horreur des camps de concentration vus par ceux

    - Zoran Music, Lon Delarbre - qui l'ont vcu, avec cette ncessit de tmoigner de ce

    qui dpassait l'entendement ; elle a le visage tumfi de la perte de la conscience de

    soi, avec Artaud, Wols, Michaux ; elle a la noirceur infinie des forces du mal qui

    effacent l'espoir du coeur des hommes pour Paul Klee et Olivier Debr.

    La joie :

    Libre bonheur de la forme, pure jubilation de la couleur et de la ligne, l art n est

    parfois qu'un jeu o le trait est le fruit de l'observation comme de l'humeur ou du

    hasard, o la couleur rpond aussi bien des rgles savantes qu' des lois inconnues

    pour des harmonies nouvelles . Matisse dcoupant ses papiers colors, Picasso se livrant

    encore une fois au face--face gourmand avec son modle, Chaissac donnant vie ses

    drles de bonhommes en papier peint, ou encore Jasper Johns grenant, comme dans

    une comptine, les couleurs des chiffres de zro neuf, tmoignent ici de la joie simple

    et communicative de crer

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    Paralllement ces thmes, deux ensembles monographiques ont t rservs

    Wassily Kandinsky et Frantisek Kupka

    Ces deux matres de l'abstraction sont

    reprsents chacun avec une suite d'oeuvres de la fin des annes vingt.

    Liste des artistes prsents

    Antonin ARTAUD

    ; Johannes BAADER; Richard BAQUIE;

    Jean-Michel BASQUTAT

    ; James BISHOP; Hans BELLMER; Joseph BEUYS

    Mel

    BOCHNER ; Christian BOLTANSKI

    ; Louise BOURGEOIS

    ; Georges BRAQUE; Victor

    BRAUNER

    ; Gnther BRUS ; Alexander CALDER; Marc CHAGALL

    ; Gaston CHAISSAC;

    Serge CHARCHOUNE

    ; Eduardo CHILLIDA; Francesco CLEMENTE

    ; Salvador DALI

    ; Olivier

    DEBRE; Lon DELARBRE ; Sonia DELAUNAY

    ; Willem DE KOONING

    ; Daniel DEZEUZE;

    Jim DINE ; Jean DUBUFFET ; Marlene DUMAS

    ; Max ERNST; Jean FAUTRIER

    ; Joel

    FISHER; Lucio FONTANA; Otto FREUNDLICH

    ; Grard GASIOROWSKI

    ; Raoul

    HAUSMANN; Eva HESSE

    ; Fabrice HYBERT

    ; Alexej von JAWLENSKY

    ; Jasper JOHNS;

    Wassily KANDINSKY

    ; Ellsworth KELLY

    ; Paul KLEE; Frantisek KUPKA; Fernand LEGER;

    Richard LONG

    ; Alberto MAGNELLI

    ; Kasimir MALEVITCH

    ; Robert MANGOLD ; Alfred

    MANESSIER; Paul MANSOUROFF

    ; Brice MARDEN ; Agnes MARTIN

    ; Andr MASSON;

    Henri MATISSE

    ; Roberto MATTA

    ; Henri MICHAUX; Piet MONDRIAN

    ; Giorgio MORANDI;

    Gabriel OROZCO ; Giuseppe PENONE ; A

    R

    . PENCK

    ; Antoine PEVSNER

    ; Pablo PICASSO;

    Jean POUGNY; Arnulf RAINER ; Bernard REQUICHOT; Franois ROUAN

    ; Kurt

    SCHWIZTERS; Pierre SOULAGES; Antoni TAPIES

    ; David TREMLETT

    ; Rosemarie

    TROCKEL

    ; Cy TWOMBLY; Claude VIALLAT ; Andy WARHOL

    ; Rachel WHITEREAD;

    Stanislaw WITKIEWICZ ; WOLS.

    Commissaires de l exposition :

    Jonas Storsve

    Guy Tosatto

    Conservateur

    Conservateur du patrimoine

    Cabinet d art graphique/Mnam, Directeur de Carr d art,

    Centre Georges Pompidou

    Muse d art contemporain de Nmes

    Le catalogue

    : A l'occasion de l'exposition Au fil du trait : de Matisse Basquiat est

    publi un catalogue, dans la collection Hors les Murs , sous la direction de Jonas

    Storsve et Guy Tosatto, et avec un essai de Eric Mzil, historien de l art.

    Codition : Editions du Centre Pompidou/Carr d Art, juin 1998

    . Prix : 160 F

    Centre Georges Pompidou

    Direction de la communication

    Attache de presse :

    Emmanuelle Toubiana

    Tl

    : 01 44 78 49 87

    Fax

    : 01 44 78 13 02

    Carr d Art

    Muse d art contemporain Nmes

    Contact presse :

    Barbara Shrder

    Tl : 04 66 76 35 70

    Fax

    : 04 66 76 35 85

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    Au fil du trait

    Publication

    De Matisse Basquiat

    sous la direction de Jonas Storsve et Guy Tosatto

    A l'occasion de l'exposition Au fil du trait : de Matisse Basquiat est publi un

    catalogue, dans la collection Hors les Murs , sous la direction de Jonas Storsve et Guy

    Tosatto, et avec un essai de Eric Mzil, historien de l'art . Ce portrait du cabinet d'art

    graphique, sous forme de dessins d'artistes contemporains mais aussi de grands

    classiques s'articule autour de 9 sections, prcdes chacune d'une courte introduction.

    L'ouvrage est complt par des notices biographiques des artistes prsents ainsi que

    la liste des oeuvres exposes.

    Sommaire du catalogue :

    Jean-Jacques Aillagon

    Avant-propos

    Jonas Storsve

    Prface

    Guy Tosatto

    Prface

    Eric Mzil

    Au fil du trait

    Jonas Storsve

    Guy Tosatto

    Catalogue des oeuvres

    De la nature

    De la figure au portrait

    Eros

    L'crit la lettre

    L absolu

    Kupka

    Kandinsky

    La douleur

    La joie

    Jonas Storsve

    Notices

    biographiques

    Liste des oeuvres exposes

    Informations

    pratiques :

    Format

    : 22 x 28 cm, 160 pages, 117 illustrations n b, 63 illustrations couleur.

    Codition : Editions du Centre Pompidou et Carr d'Art, juin 1998.

    Prix : 160 F

    Dj parus dans la collection Hors les Murs

    : Abstraction/France 1945-1965 ;

    De Klein Warhol, Kandinsky; Matisse.

    Editions du Centre Georges Pompidou

    Attache de presse

    : Danile Alers

    tl : 01 44 78 41 27 / fax 01

    44

    78 12 05

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    entre

    Georges Pompidou

    au fil du trait

    de matisse basquiat

    collection

    du C ent re Georges Pompidou

    M u s e n a t i o n a l d a rt m o d e r n e

    Cabinet d ar t graphique

    d Art

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    vant propos

    D octobre 1997 dcembre 1999,

    ie Centre nat ional d art et de culture

    Georges Pom pidou met prof i t la

    pr iode du ramnagement de son

    btiment pour engager, en partenariat

    avec les institutions culturelles en

    rgion et les collectivits qui en sont

    les tu te lles, un vaste programme de

    prsentat ion de sa Col lect ion, qui est

    aujourd hui l une des toutes premires,

    s inon la p rem ire du m onde pour

    l art moderne et contemporain.

    L enjeu de cette entreprise sans prc-

    dent revt, pour le C entre, un caractre

    centra l

    . C est un enjeu de service

    publ ic , celui d exercer toute l tendue

    de sa m ission de di f fusion de la

    culture moderne auprs du p lus grand

    nombre

    . tablissement national, i l se

    dort d assumer cette responsabilit

    l gard de la total i t du te rri toire

    de notre pays, e t se donne pour ce la

    tes moyens de jouer le r le de t te

    de rseau, de centrale de la dcen-

    t ral isat ion, qui lui avait t impart i

    ds sa cration.

    Ce p rog ramme com por te d j

    p lus de quinze exposit ions, dans quinze

    villes franaises, et concerne prs d e

    mille trois cents oeuvres. Au-del de ces

    donnes o uantitatives, c est sur l esprit

    qui l anime qu i l me t ient coeur

    d insister : celui d une v ri table col la-

    borat ion, qui se manifeste tous les

    niveaux de la concept ion et d e l orga-

    nisat ion d e chaque exposit ion, entre

    les quipes du Centre et celles des insti-

    tut ions qui sont ses partenaires dans

    cette aventure partage.

    L exposition Au fil du traits, organise

    conjo intement par le C entre nat ional

    d art et de culture

    Georges Pompidou

    et le Carr d Art , Muse d art contem -

    porain de Nmes, est une tape

    majeure de ce programme, en mm e

    temps que l une des p lus impo rtantes

    exposit ions d art graphique mo derne

    et contemporain jamais prsentes.

    Elle tmoigne de la richesse du C abinet

    d art graphique, fonds qui com pte

    aujourd hui, avec quelque quinze mille

    oeuvres, parmi les p lus remarquables

    de la Collection du Centre Georges

    Pompidou-Muse nat ional d art

    moderne.

    Le choix, effectu au sein de ce

    fonds par Guy Tosatto et Jonas Storsve,

    permet d en dres ser un portrai t subt il

    qui reflte la fois la qualit de ses

    ensembles h istor iques et son at tent ion

    vig i lante l gard de la crat ion la

    plus contemporaine.

    Je forme le voeu que ce choix ren-

    contre, auprs du plus large public,

    le succs qu il m rite.

    Jean-Jacques Aillagon

    Prsident du entre national

    dan et de cul ture Georges Pompidou

    a

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    rf ce

    Le Cabinet d ar t graphique, qui

    s

    expose aujourd hui Nimes avec un

    choix htroc lite et indit d oeuvres n e

    const ituant qu une inf ime p art ie

    de sa collection, est le dpartement

    du Muse na t ional d art moderne

    le plus r iche en nombre d ceuvres

    mais,

    paradoxalement, ie plus secret.

    I l conserve plus de quinze mille dessins,

    en tenant compte des feuilles de car-

    nets et constitue, avec le

    Dpartement

    des arts graphiques du Louvre,

    le principal cabinet dvolu aux

    oeuvres sur papier en France.

    C est dire son importance inst i tution-

    nelle, et son ampleur aussi qui rsulte

    pourtant d une volont relat ivement

    rcente.

    sa fondation au Palais de Tokyo

    en 1937, le Muse nat ional d ar t

    moderne recueille, outre des peintures

    et des sculptures, une partie des

    collections de dessins du muse du

    Luxembourg, cr en 1818 pour t re

    le Muse des artistes vivants

    ; il reoit

    galement une part ie du fonds du

    muse du Jeu de P aume qui, depuis

    1922, abritait les oeuvres modernes

    d artistes trangers.

    Sont admis dans le nouveau muse

    les dessins d artistes ns mo ins de cent

    ans auparavant

    Pour que la nouvel le

    inst i tut ion demeure un m use d ar t

    moderne, des reversements rguliers

    au Cabinet d ar t graphique du muse

    du Louvre ont l ieu, notamme nt lors du

    transfert des collections au Centre

    Georges Pompidou en 1976 . C est

    ainsi que partent environ m il le quatre

    cents dessins, dont ta magnifique

    Femme nue couche de G ustav Kl imt

    ou

    La Tte de mort

    de James Ensor,

    que nous aur ions aim pouvoir int-

    grer l expo sit ion Au f i l du trait,

    et qui f iguraient encore en 1974 dans

    la prsentation de Dessins du Muse

    nat ional d ar t moderne 1890-1945.

    Ne sont ainsi plus conservs que les

    dessins d artistes ns aprs 1870.

    Quelques exceptions sont faites,

    notamment pour H enr i Mat isse, n

    en 1869, Vassily Kandinsky, n en 1866,

    et Alexej Jawlensky, n en 1864, qui

    normalem ent auraient d rejoindre les

    artistes du xtx

    sicle.

    Lors de l inaugurat ion du Centre

    Georges

    Pompidou en 1977, le Cab inet

    d art graphique comptait quelque

    cinq mille dessins . Depuis, la collection

    a

    beaucoup

    volu, elle s est consid-

    rablement enrichie pour devenir

    la mm oire rel le de l expression

    graphique du xx

    sicle

    . Des achats ont

    permis de faire entrer de grands

    chefs-d oeuvre d artistes reconnus mais

    aussi de constituer des ensembles

    d oeuvres d artistes plus jeunes, parfois

    mme t rs jeunes

    . Paralllement, des

    donat ions importantes consent ies

    par des collectionneurs, par des artistes

    ou leurs famil les, comme cel les de

    Sonia et Charles Delaunay, Eugnie

    Kupka, Roberta Gonzalez, ou les dona-

    t ions Louise et Michel Leir is et Daniel

    Cordier , ont parfo is boulevers l ancien

    quil ibre du fonds pour le faire

    s ouvrir vers des voies jusqu alors inex-

    pr imentes

    . Des legs ont galement

    part icip enr ichir le fonds ci tons

    t i tre d exem ple ceux de s sculpteurs

    Brancusi et Despiau, mais aussi celui,

    considrable, de Nina Kandinsky,

    de plusieurs centaines de dessins de

    Vassily Kandinsky en 1981 et, plus

    rcemment, le legs de Paule Thvenin

    grce auquel sont entrs vingt -sept

    dessins d Antonin Artaud.

    La procdure de la dat ion a enf in

    permis l acquisi t ion d ensembles fonda-

    mentaux ou de pices uniques

    : la plus

    belle et la plus importante col lect ion

    de dessins de Chagal l au monde;

    des pices isoles exceptionnelles de

    Henri Matisse Arbre, 1951), de Paul Klee

    (Der Hi rsch, 1919) ou de Kurt Schwitters

    Prikken paa 1 en,

    1939)

    ..

    De cet te co l lect ion secrte les

    dessins sont co nservs l abri de la

    lumire et seulement montrs pendant

    de courtes pr iodes, l occasion d ex-

    posit ions ou d accrochages i l n est

    pas ais de mesurer l ampleur

    Si les expositions organises dans la

    Galerie d art graphique du C entre

    Georges

    Pompidou en dvo i len t rgu-

    l irement certains aspects ( Noir des-

    sin en 1993, Face Face en 1994,

    Dessins s urralistes et Du trait la

    l igne en 1995, Dessins : acquisit ions

    1992-1996

    en 1996), les grandes pr-

    sentat ions d ensem ble sont rares,

    l exception de celle qui, en 1990, sous

    le t i tre Collect ions du C abinet d art

    graphique, prsenta une slect ion en

    trois volets (1906-1940, 1940-1964,

    1964-1990).

    L exposit ion Au f i l du t rait const itue

    donc une occasion except ionnel le d ap-

    prhender l intrt immense de nos

    collections, et c est avec enthousiasme

    que le Cab inet d art graphique a

    accueilli la proposit ion du Carr

    d Art , Muse d art contempo rain de

    Nimes d en dv oi ler le temps d un t

    une inf ime pa rt ie . Une vision chrono-

    logique est apparue t rop l imitat ive

    et peu m me de dcr ire la complexit

    d un tel fonds . Une approche thma-

    t ique perme ttant de confronter, sans

    contraintes de dates ou d coles,

    les dessins des plus anciens aux tout

    rcents d artistes clbres et peu

    connus, semblait plus intressante et

    novatrice

    . L exposit ion ne prtend bien

    entendu pas l exhaust ivi t, ni

    l ob ject iv it . Elle est le rsultat de deux

    regards complices qui se sont poss

    sur des chefs-d ceuvre mondialement

    clbres comm e sur des feuilles secrtes

    et inattendues, peine connues des

    spcialistes. E nsemble, i ls forment

    une image, voire mm e un portrait

    vo lontairement subject i f , mais

    sa faon trs fidle de la collection.

    Jonas Storsve

    C o n s e r v a t e u r a u C a b i n e t d a r t g r a p h i q u e

    M u s e n a t io n a l d a r t m o d e r n e

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    rf ce

    Oprer une slection dans un fonds

    aussi riche que celui du C abinet d art

    graphique du Muse nat ional d art

    moderne relve de la gageure.

    Les premires boites d archivage

    ouvertes, les premiers cartons d ceuvres

    feuillets, le vertige vous saisit pour

    ne plus vous quitter devant la diversit

    extrme des dessins, la varit des

    techniques et des formats, l htrog-

    nit de la reprsentation des artistes,

    depuis les plus grands de ce sicle

    jusqu la gnrat ion la p lus jeune.

    De fa it , un seul lment parait

    premire vue fdrer cette masse impres-

    sionnante, son support

    : le papier, dont

    on embrasse au demeurant la gamme

    ent ire, de la mchante feuil le de

    journal la noble page d Arches pur

    chiffon. Dans un deuxime temps,

    quelque chose d e plus subtil se fait

    jour, de plus prcieux aussi, la prsence

    tangible, tactile, des artistes ou plutt

    de toutes les mains d artistes.

    C est l une vidence, mais que

    l exprience du dessin renouvelle

    chaque fois, et qui confre aux oeuvres

    sur papier, qu elles soient de simples

    esquisses ou des compositions labores,

    leur vertu (au sens lat in du m ot)

    inestimable

    . Comm ent, en effet , ne

    pas tre touch, voir boulevers, par le

    sentiment d entrer de plain-pied dans

    le secret d un tre plac face lui-

    mm e, dans la nudit d un dia logue

    silencieux entre son me et sa main?

    Ce dialogue, tout au long du sic le,

    nous le voyons se nouer autour

    de diffrents thmes, des thmes

    classiques inhren ts l art occidental

    ou des thmes spcif iquement l is

    l histoi re de la moderni t . Et il appa-

    rait progressivement que ces thmes

    rassemblent des art istes de gnrat ions

    et de cultures dif frentes

    . Autour

    d eux se dessine ainsi peu peu un

    panorama, non exhaust if mais original,

    de l histoire de l art du o sicle.

    C est cette voie que nous avons ch oisi

    de suivre ici . Elie nous conduit de la

    clbrat ion de la nature, inaugure

    avec un pet i t paysage charbonneux

    de Mondrian, l expression de la joie,

    la joie de vivre et de crer, celle qui

    clate dans une gouache dcoupe

    de Mat isse, aigu comme une lame;

    de l approche du corps interrogation

    ludique ou angoisse, souvent ironique,

    de l identit humaine, le visage, la

    figure, mais aussi de ses pulsions les

    plus profondes, puisions sexuelles,

    puisions de mort l analyse des

    signes, crits ou non, qui inscrivent

    sur le papier les mots d une langue

    secrte

    ; de l apprhension enfin de la

    douleur, avec les actes graphiques d un

    Artaud ou d un Music, la qute

    conf iante ou exaspre d un absolu,

    ou de ce que l on peut appeler

    un sacr.

    Ce parcours est riche en surprises,

    en dcouvertes, en retrouvailles aussi.

    II donne voir l immense richesse

    de l expression graphique de notre

    sicle, sa complexit mme, avec

    l invention d approches no uvelles et

    de techniques indites : cette expres-

    sion est comme saisie vif sur le

    papier qui demeure le support d un

    acte sensible et intime de cration.

    Le dessin par le, ou p lutt murmure.

    Et il dit toujours plus que ce qu e

    l artiste veut laisser entendre

    . nous

    de l couter ou plutt de le suivre,

    pas pas, au fil du trait, avec l attention

    qu

    i l appe lle pour

    rester au plus prs

    de la gense des formes, au coeur

    mm e de l a lchimie de l art .

    Guy Tosatto

    Conservateur du patrimoine,

    Directeur du Carr d Art

    Mus e

    d art contemporain de Nimes

  • 7/25/2019 M5050 ARCV001 DP-2006037 Au Fil Du Trait

    9/25

    r i c

    Mzit

    Au fil du trait

    crire n, n-1, cr ire par s logans:

    Faites

    rh izome et pas

    racine, Ne plan-

    tez jamais

    Ne semez pas, piquez

    Ne soyez pas

    un ni m ult ip le, soyez de s

    mult ip l ic i ts Faites

    la ligne

    et jamais le

    point, La

    vitesse t ransforme le point

    n

    ligne Soyez r a pi d e, m m e sur place

    Ligne

    de chance,

    ligne de hanche,

    ligne de fuite.

    Ne suscitez pas un gnral en vous

    Pas des ides justes,

    juste un e

    ide

    Goda rd ?

    ve zles ides courtes .

    Gales

    Deleuze,

    Mille Plateaux Capi talisme

    et Schizophi nie

    Tel le une Bel le au Bois dormant

    al longe dans un phm re l inceul

    d 'chafaudages

    recouvrant sa structure

    de v erre et de tuyauter ies colores,

    le Muse national d'art moderne est

    plong dans un long sommeil nces-

    saire sa survie . Suivant la let tre le

    voeu utopique d'Andr Malraux, un

    muse imaginaire sur papier se forme,

    le temps d 'une exposit ion, au Carr

    d'Art de Nimes

    . De la Belle endormie

    s 'chappent des images

    : ces visions

    onir iques consti tuent un ensemble

    impressionnant de chefs-d'ceuvres.

    Comme pour les oracles d 'une S ibyl le

    de Cum es ou de Tivol i dont i l fallait

    dcrypter le secret, les dessins, tudes

    et croquis sont ici rassembls selon des

    thmat iques . I lnous appar t ient dsor -

    mais d'en comprendre les associations,

    les regroupements et autres formes

    construct ives d 'opposit ions ou de

    confrontat ions

    . En s'vadant des

    salles consacres aux collections per-

    manentes et des rserves fermes au

    public

    . ces oeuvres sur papier se sont

    en

    effet mlanges, comme est brouill

    un jeu de cartes pour que se perde le

    joueur dans sa logique ludique.

    On l 'aura com pris, le f il conducteur de

    l 'exposit ion ne suit pas le long d rou-

    lement de l 'h is toire

    . Ar iane ne donna

    pas deux fo is la bobine de Ddale

    son amant Thse

    . Le parcours chrono-

    logique est irrmdiablement aban-

    donn au profi t d 'un f i l combien

    plus r iche et s t imulant, mme s ' i l es t

    labyrinthique

    :

    le fil du trait, de la

    l igne de chance, l igne de hanche,

    l igne de fuite

    . Sans pouv oir rembobi-

    ner celui qui noue l 'h is toire en un che-

    min linaire que seuls les mouvements

    art is t iques v iennent rythmer, le specta-

    teur est amen une errance dont

    l ' issue est heureuse

    . Il s'agit pour lui,

    maintenant, de voir cte cte des

    oeuvres qui se tlescopent dans le

    s icle, qui apportent de nouv el les

    lectures et

    renouvellent le regard

    un mom ent de notre histoire souvent

    confus et indchiffrable . Si ole,

    le dieu des verts, s'est charg de trans-

    porter par son souffle habile ces

    oeuvres N imes, une fois sur place, le

    mistral proven al s'est plu crer un

    savant dsordre sur les murs

    . II faut

    tre sensible la prcarit de ce geste

    arien, toutes ces oeuvres pouvant, par

    le souff le, changer d 'ordre et proposer

    d'autres rcits, d'autres pistes pour

    l ' imaginaire . Mais il ne s'agit pas pour

    autant

    de

    croire qu e

    s

    associations

    phmres doivent prf igurer

    une nar-

    rat ion pot ique o la seule interprta-

    t ion prvaud rait, suivant le principe

    d'un Gombrich pour lequel

    Voir, c'est

    in terprter. quoi Artaud rtorqua i t

    catgor iquement Interprter, c'est

    men tir , et s i l'auteur

    d'Hliogabale

    ou l 'anarchie couronne

    est reprsent

    ici avec plusieurs dessins, c'est bien

    parce

    qu il doit

    guider nos pas

    : ces

    associations ne sont pas uniquement

    des inv itat ions la rverie mais plutt

    des aubaines pou r proposer d if frents

    dchif frages l ibrs de tou t contexte

    historique

    . la manire de Wim

    Wenders qui cr ivai t au sujet de son

    road mov ie

    Au f i l du temps

    J'ai

    ainsi eu l ' ide d'un f i lm qui suive un

    it inraire, mais o i l y avait toujours

    la possibil it d'utiliser quelque chose

    qu'on n'a pas vu pendant le

    tournage [

    .] , on peut en se laissant

    aller au fil du trait de ces oeuvres

    choisies, saisir la mise en rseau si

    diversifie organise par les comm is-

    saires, et, au-del de c e l l e c i aperce-

    voir d autres connexions encore.

    En suivant librement la logique offerte

    pa r

    l accrochage

    rythm de sal le en

    salle, trois synthses seront proposes:

    autour de la Nature et l Absolu ; de la

    Figure, d ros et de la Douleur,

    et enfin autour de la Joie et de l 'cri t .

    Contrairement aux mythes des or i-

    gines, l'ordre sera d'abord nonc

    avant le chaos, puis sera englob le

    corps, et enfin tudie la main qui tra-

    duit ses actes par l'criture

    . Au f i l du

  • 7/25/2019 M5050 ARCV001 DP-2006037 Au Fil Du Trait

    10/25

    trait deviendrait donc la geste qui

    annoncerait le

    dsordre et la saine

    confusion.

    Gilles Deleuze cit en exergue rin-

    vente un systme de pense rompant

    avec la logique classique fonde sur les

    strates de la philosophie cartsienne.

    l arbre, longtemps

    impos comme

    image archtypale de tout processus

    de construction analytique avec ses

    racines bien ancres dans leur substrat,

    le tronc renvoyant l ide d un vec-

    teur directeur, les branches fixant le

    concept d une arborescence organise,

    Deleuze prfre le rhizome, autre

    forme vgtale bien plus complexe

    et fertile

    : L arbre e st fi l iation, crit

    Deleuze, mais le rhizome est all iance,

    uniquement d alliance . L arbre impose

    le verbe tre , mais le rhizome a

    pour tissu la conjonction et t t

    II y a

    dans cette conjonction assez de

    force pour secouer et draciner le verbe

    tre [

    ._ ) Entre les choses ne dsigne

    pas une relation localisable qui va de

    l une l autre et rciproquement, m ais

    une direction perpendiculaire, un mou -

    vement transversal qui les emporte

    l une et l autre, ruisseau sans db ut ni

    fin, qui ronge ses deux rives et prend

    de la vitesse au milieu

    . Ainsi,

    l tude d arbres de Piet ondrian

    (v . 1905-1906), on opposera du m me

    art iste l tude pour New York City

    (v . 1941), non p as parce que ce dernier

    dessin intervient plus tard dans la

    maturation de l ceuvre, mais parce

    qu il i l lustre m erveille l ide d u n

    trac devenant rseau, tissu entre

    les choses, comme le dfinit Deleuze.

    Ces m taphores organiques permettent

    de regrouper deux thmes importants

    de l expositidn

    . Le premier rassemble

    sous le titre De la nature

    des oeuvres

    ayant trait prcisment au rgne vg -

    tal et animal

    . Le second, l Absolu,

    associe des oeuvres plus abstraites et

    souvent minimales, dont l amoindrisse-

    ment de la reprsentation et la rarfac-

    tion des lm ents plastiques renvoient

    aussi l image idale du naturel

    Nature et bsolu

    A u

    tr

    e vri t :

    l

    nature rduit

    chaque

    corps en

    ses par ties lmen ta i res; mais

    ne le

    fait point

    prir, ne l

    anantit

    point Sil y en avait de m orte ls en

    toutes

    leurs part ies, les choses dispara-

    traient tout

    coup no s yeux et cesse-

    ra ient

    d exister

    ; i l

    ne serait en effet

    besoin d aucune

    fo r cepou r en spa rer

    les part ies, pour

    en

    dl ier

    les

    noeuds.

    Tand is qu tan t fo rmes d lment

    ternels, jusqu au jour o une

    force les

    heurte

    du dehors ou les pntre pa r

    le s vides

    qu e l les

    prsen ten t e t en

    dtruit

    l assemblage, j a m a is n e n o us

    en laisse

    voir la f in

    Wcrece

    De Nature

    Renom

    En crivant De

    Natura Rerum, le dis-

    ciple d picure dsirait rompre avec la

    thorie de l

    homomtr ie prne par

    Anaxagore, principe issu de la ph iloso-

    phie

    g

    recque et supposant qu un os

    est un assemblage de tout petits os,

    la chair est compose de particules de

    chair, le sang est form p ar une multi-

    tude de gouttes de sang qui s unissent

    [

    .) le feu de particules ignes, l eau

    de particules liquides, et tout le reste

    se composerait de mme.

    Cet hymne adress Vnus peut trou-

    ver rsonance dans l art du dessin . La

    vision du monde, la fois matrialiste

    et bucolique

    propose par Lucrce,

    passe par la source fconde de l en-

    gendrement . Mais si une telle concep-

    tion picurienne affirme le plaisir des

    sens, elle passe surtout par l apprhen-

    sion du vide,

    composante essentielle

    aux mouvements des corps, donc la

    vie de tous les tres sur terre : Ne

    crois pas, cependant qu i l n y ait par-

    tout que matire : car i l y a du vide

    dans la nature

    . [

    .] Posons donc en

    principe qu il y a un espace intangible

    et immatriel, le vide

    . S il n y en avait

    point les corps ne pourraient absolu-

    ment se mouvoir ; cette proprit qu a

    chaque corps de s opp oser, de rsister

    ferait, tout moment,

    obstacle

    tous;

    rien

    n avancerai t parce que rien ne

    commencerait cder

    a

    . Ce postulat

    pos par Lucrce ne renvoie-t-i l pas

    l acte mme de dessiner, ce geste cra-

    teur qui util ise le support du papier

    pour composer, avec des lignes, les

    vides et les pleins qui se

    meuvent au fil

    du trait? Cette thorie

    philosophique

    minemm ent sensuelle

    s adapte mer-

    veille la

    technique

    du dessin, plus

    encore qu celle de la peinture, dont

    le support, avec ses recouvrement et

    s e s

    emptement consiste

    davantage

    en un jeu de superpositions, d addi-

    tions et d effacements de matire.

    Le papier est

    ainsi

    comme une mta-

    phore de la nature selon Lucrce,

    un espace vierge que les m ouvements

    et les signes viennent emplir et habiter,

    mouvement qui ne sont pas sans s

    ap-

    procher des mouvements nomades et

    rhizomiques de la pense deleuzienne.

    L tude pour

    trous de Lucio Fontana

    (1949), et surtout le dessin Sans

    titr

    de Cy Twom bly (1959), constituent des

    exemples f rappant de la thorie de

    Lucrce et des conceptions atom istes

    (Galile, Robert Boyle,

    Newton, etc

    .)

    qui lui font suite . L atomisme est en

    effet l oeuvre dans toute la dm arche

    de Fontana : trou qui constelle le sup-

    port traditionnel feuille de papier

    qu i

    enregistre l acte de perforation,

    boule

    de terre qui cuit le geste dans le four,

    fente qui

    spare des espaces en tran-

    chant du vide dans du plein.

    L hdonisme, m l cette fois-ci aux

    gestes les plus rotiss, est prsent

    dans les tracs de Cy Twombly, mm e

    si Vnus il prfre D ionysos, qu i l

    associe au dsordre raffin qu inven-

    tait Mallarm travers l alchimie des

    mots

    : la feuille de papier s em plit de

    signes rudimentaires, rappelant la

    fois les crit raturs qu on inscrit la

    sauvette dans les vespasiennes

    pour

    clamer ses amours secrtes, et les bla-

    sons retrouvs comme autant de gril les

    de lecture indchiffrables dans les

    abimes de quelque grotte paritale

  • 7/25/2019 M5050 ARCV001 DP-2006037 Au Fil Du Trait

    11/25

    du

    Magdalnien

    suprieur.

    ces oeuvres peut

    tre

    ra pproc h

    le dessin Sans t i t re (1995) de Gabr ie l

    Orozco qui, par son

    a m p le u r h o r iz o n -

    tale (32,5 x 168,5 cm), do nne un e

    vision

    pancal ique de l univers. Autre

    associat ion enco re qui re l ierait la fois

    le princ ipe fondateur de Lucrce et

    l image du ru isseau de Deleuze:

    l oeuvre de Richard Long, S ans t i t re

    (1989), fai te avec du sable de la r iv ire

    A v o n dp o s s ur du p ap ier - c ar to uc he

    (51,6 x 131 cm), at teste le mouvement

    ncessaire tabl i entre toutes sortes

    de matires, ici l lment minral

    (le sable) et l lment f luide (l eau).

    Une fois disparue, pu isq u e b u e pa r

    le support , l eau donne aux part icules

    cristallines du sable les images de

    la dure de son mouvement naturel

    jamais f ix sur le

    papier

    e s r ap p r o -

    chements r p o ndent d tranges

    coincidences

    dix ans seulement spa-

    rera les dessins de Fontana et de

    Twombly, conus tous d eux sur la terre

    de l nide et dont les formats sont

    presque ident iques. De mme, les

    oeuvres d Orozco et de Long sont

    presque

    contemporaines

    l une de

    l autre, et leur droulement gnreux

    est l image d une reprsentat ion

    d un monde plus horizontal que vert i-

    c a . exprimant a insi l ide co ntenue

    dans le t i t re de l essai de Koyr,

    monde clos

    l'univers infini .

    Mais ces inscr ipt ions du vide et du

    plein qui engend rent l ' in i t iat ion pre-

    mire au mouvement des corps

    ciestes ou terrestres dans l 'espace,

    ces Am biente Spaziale, pour reprendre

    le t i tre d'un autre dessin de Fontana

    l 'encre verte (1949), s'opposent des

    visions du monde dont la construction

    passe p ar l 'quilibre

    . Mme si celui-ci

    reste prcaire, i l est toujours envisag

    dans une srnit cratrice

    . Le mouve-

    ment, comme l iant const itut f d e

    'oeuvre, re lve d 'une qute d 'absolu,

    cars le dessin l 'encre de Chine de

    Bamett Newman, Sans t i tre (The Break

    de 1946, o sont radical ises les intui-

    t ions de Lucrce . Tout le t ravail de

    cet art iste amricain est un combat

    int imement ncessaire entre le v ide

    et le plein pour gnrer la vie qui do i t

    tendre une forme de spi r i tual i t

    iconoc laste (un peu comme lut taient les

    deux mains de Robert Mitchum dans

    La Nui t du

    chasseur, la droite tatoue

    du m o t

    Love,

    la g a u c h e d u m ot Ha te ) .

    Cette sensat ion d une unit qui ne

    t ient qu un f i l sous-tend ainsi l oeuvre

    de Robert Mangold : dans le t r iptyque

    Sans t i t re de 196 9, t rois parall lpi-

    pdes aux angles improbables

    flott nt

    dans un v ide salutaire pour leur surv ie.

    Encore plus bancales sont les t ro is

    construc t ions de James Bishop dessi-

    nes en 1978

    . Nul besoin de grands

    fo r m ats p o ur exp r i m er en qu e l ques

    trai ts l ide d un e fondation hs i tante,

    comme si l art iste se rfrait la

    gens e d un m o nde ba l bu t i an t. Mme

    c o ns t a t. encore, avec les deux assem-

    blages de blocs minraux, Pierre

    (1932)

    e t tu d e pou r P ie r re n

    10 (1933)

    d Alber to Magnel l i , qui voquent une

    reprsentat ion semblable du cosmos,

    o les v ides et les pleins gnrent

    d tran

    g

    es sensat ions de suspension

    d un espace et d un temps f lot tants.

    Plus paisibles sont les

    Sans t i t re

    d Agns Mart in s chelonnant chrono-

    l o g iq uement (196 0, 196 5, 197 4 )

    : ce ne

    sont pas les lments mais la tempo ra-

    l i t e l le-mme qui est ic i suspendue

    dans le vide ini t ial du su pport . Cette

    amricaine, qui a chois i depuis 1967 de

    quit ter New York pour s isoler dans le

    dsert du Nouveau Mexique, inscri t

    avec de l encre sur des p et i ts papiers

    ses expriences d un temps dont la

    quasi- immobil i t

    est l

    image des

    panoramas dploys devant e l le

    : des

    montagnes inf in ies de sable brl par

    un solei l de plomb . Traverse gogra-

    phique, qui est comme une tentat ive,

    une et mu l t ip le, d un qua dr i l lage idal

    autant qu imaginaire, crant des

    rseaux sur le papier. Les gri l les qui

    enchevtrent l ignes vert ica les et hori-

    zontales syntht isent la d isc ipl ine du

    t r a it qu aur o nt ten t M o ndr i an to u te

    sa v ie (bien v idemment c i t ic i en pre-

    mier lieu) mais aussi, plus prs de

    nous, Ad R einhardt , Sol LeWit t ou Cari

    A n d re. L essent iel est formul t ravers

    ces grilles srielles et rptitives qui

    n oprent pas comme l imite ou c lture

    mais comme ouverture asymptoma-

    t ique ve rs l inf ini. Sensualiste sa

    manire, Agnes Mart in nonce ainsi

    la qute d une juste mesure de l mo-

    t ion, plus qu elle ne

    p r op ose

    un e

    mthode de connaissance du monde:

    Le travail artistique, crit-elle, est

    la s t imulat ion de nos sens ibi li ts.

    Le retour la mmoire des moments de

    perfect ion

    s

    Paradoxalement , l oeuvre

    in t i tu le W here r

    ryoanji r/13

    (1990)

    de John Cage, qui fa it c i ta t ion du plus

    clbre jardin zen de Kyoto, ne s op-

    pose pas l ide de l tendue inf in ie

    du dsert d Agnes Mart in . N existe-il

    pas en effet , dans la consc ience des

    moines-jardiniers, la volont de crer,

    avec quinze rochers runis en c inq

    groupes sur une p et i te bande de sable

    de trente mtres sur dix mtres,

    l tourdissante perte de repres spat io-

    temporels? Ces jardins de pierre, une

    f o is de p lus , ado p t ent

    le

    v ide pour

    per-

    mettre chaque c ole shimoiste d y

    t rouver un sens symbolique part icul ier.

    Une oeuvre plus ancienne, la

    Composit ion suprmat iste (1915-1920)

    de K asimir Malev itch, syntht ise toutes

    les autres . Dans ce tout pet i t dessin

    (13,8 x 11,4 c m), ral is la mine de

    plomb sur papier quadri l l , l motion

    est porte un niveau de justesse et de

    d i sc r t ion a d m ir a b le

    Rconc i l iant

    toutes les

    applications

    mathmatiques,

    astrophysiques ou atomistes, Malev itch

    s introduit dans le champ de la phno-

    mnologie

    : la couleur blanche ou

    son absence d e couleur est l gal

    d u vide, l ieu de passage nonc dans

    De Nature

    Rerum

    : Le blanc suprma-

    t iste inf in i, cri t- i l , donne au rayon

    visuel la possibilit de passer sans

    rencontrer de l imite

    . Nous voyons des

    corps qui se meuvent . Quel est leur

  • 7/25/2019 M5050 ARCV001 DP-2006037 Au Fil Du Trait

    12/25

    mouvement e t quels sont ces corps?

    Cela i l faut le dcou vr i r. Ayant invent

    ce systme, j 'ai entrepris l 'tude des

    forces de

    passages

    qu' i l convient de

    dcouvrir, dont il faut dfinir l 'essence,

    car elles se sont ranges dans l 'en-

    semble du monde des choses a

    Devanant les dmarches de Fontana,

    Twombly, Newman ou Orozco,

    Malevitch dclare

    : Dans l ' inf ini , tout

    deviendra

    r ien, c 'est--d ire

    quelque

    chose que la conscience de celui qui

    pense se rendre matre des dvoile-

    ments de la l igne ou du vo lume ou

    de la surface ne peut embrasser.

    Le monde est comm e une porosit et

    un trou dont le corps n 'est pas v ide' .

    Enfin, avec les deux dessins de

    Kandinsky, Tension en hauteur

    (1924)

    et Accord (1928), de mme format,

    le premier vert ica l , le second horizon-

    ta l , parai t atteinte la sen sation d'un

    absolu qui pu isera it encore et tou jours

    son nerg ie dans les profondeurs

    d'une nature abstrai te et spi r ituel le.

    Sur le substrat vacant e t ouvert de

    ta feu i l le blanche peuvent cro tre les

    bel les ramures serpent ines de Matisse.

    Simple Arabesque trace l'encre noire

    ( 1944-1947) , Feuil le de lagon encore

    trs stylise (1944-19 47) ou Feuille de

    chne plus d finie (1944 -1946 ) ,

    la forme vgtale est b ien pour

    Matisse l 'unique prtexte pour tracer

    dans l 'espace des lignes libres de

    toute contrainte . Sa main guide la

    plume avec des gestes quasi enfantins

    et pou rtant parfai ts, tout en faisant

    l 'exprience quotidienne de la simplifi-

    cation, de l 'pure et d 'une reconqute

    de la b eaut nature l le e t essentie l le .

    l ' laboration des lments d 'un

    cosmos f lottant entre les l ignes d'un

    bout de papier (Malevi tch, Martin,

    Mangold), aux formes minra les

    (Magne l l i e t Cage, d 'une certa ine

    manire), succdent, comme dans

    La Gense, les images organiques.

    Matisse a eu ses disciples, par exemp le

    en la personne d 'El lsworth K el iy , qu i,

    ds les annes cinquante Paris,

    a poursuivi les

    explorations infinies

    du Martre . Les Colot Fields

    qui caractri-

    sent la peinture abstraite amricaine de

    cette poque prennent en

    effet leur

    source dans les leons

    des fameux

    papiers dcoups

    . Brandi of Leaves

    (1982 ) poursuit en revanche la

    recherche d'une

    occupation de l 'espace

    sur une grande feuille de papier

    (76,5 x 56 cm ) par des formes simples

    et vgtales.

    Si l 'Arbre de Matisse (19 51) cache la

    fort, alors Der Hirsch [Le Cerf] de Paul

    Klee (1919 ) se camouf le dans un jeu de

    construct ion gomtrique

    : les ramures

    du cerf se confondent avec le sous-bois

    color

    . I I en est de mme po ur le Sans

    t i t re de Joel Fischer (1980), qu i, part ir

    d 'une peti te asprit trouve dans

    le papier, esquisse alors en quelques

    coups de fusain un autre animal de

    nos forts, la belette, le furet, ou

    peut-tre le lo i r , que les p roportions

    g i gan tesques (194 x 118 cm) lven t

    au rang d 'un spectre vanescent qu i

    traverse le vide de sa surface

    . C'est la

    vie qui s' installe peu peu dans le

    dessin, et comme le prconisait Lucrce,

    la vie dans sa forme la plus noble, celle

    de l 'engendrement

    . Daniel Dezeuze

    la fte travers

    La Vie

    amoureuse

    des p lantes (19 92), en jouant avec des

    crayons aquarelle

    qui appor tent la

    couleur, la chaleur solaire

    . Alexander

    Calder insta lle sur un grand papier

    ( 108 x 75 cm) des

    Papillons

    ( 1966)

    de couleurs franches, et un peu btes,

    qui auraient volu plus aisment dans

    l 'espace s' ils avaient t accrochs aux

    f i ls d 'un mob i le dont l 'ar t is te matr ise

    mieux les lois de la gravitation Gauch e

    semble aussi la

    Vache b lanche, fond

    vert de Dubuffet (1954) , t rop l 't roi t

    dans son enclos de 32,6 x 40,2 cm:

    preuve que lorsque la nature insuff le

    la vie, elle demande au dessin un

    espace tou jours p lus pars, ouvert

    et fcond

    Figure ros Douleur

    Si on vous unit D ieu, c est pa r grce,

    non par nature.

    S i o n

    v o u s a b a is s e , c e s t

    par

    p n i t en c e ,

    n o n

    pa r

    na t u re ,

    Ainsi, cette double capacit:

    v ous n tes

    p as

    dan s l ta t

    de

    v o t r e

    cr a tion .

    Pascal,

    Penses

    Un mons t re

    e s t un prodige.

    U n prod ige es t

    qu lqu

    chose de

    surpren an t qu i

    e s t s e lon

    l ordre de

    la

    natu re e t dont

    on ign ore l a u s e

    Dictionnaire

    de ondillac

    Avec des brindi lles et des branchages

    tremps dl icatement dans de l 'encre

    et de la gouache, Brice Marden dresse

    le portrait imaginaire des fi lles de

    Zeus et de M nmosyne, dtentrice de

    la mmoi re de l 'human i t . The Muses

    Drawing (1991-1993)

    est un hommage

    aux neuf inspiratrices des potes et des

    savant

    . Nul le nymphe n'a t attr ibue

    t 'art du dessin, de la peinture ou de

    la sculpture . C'est au cours d'un long

    processus, au xwr et xvnr` sicles, que

    ces disciplines se hissrent la dignit

    des arts libraux

    : le muse sera leur

    revanche.

    Faut-il

    rappeler que le premier nom

    donn, ds l 'Ant iqui t, l 'art isan qui

    enrayai t le systme cono mique de

    base, est le dmiurge , dont l tymo-

    logie renvoie au dmoniaque, au

    mons trueux

    . Dans les socits

    archaiques, le monstrueux se df ini t

    comme accidente l , dans la mesure o

    i l s 'oppose au rationnel . La monstruo-

    sit apparais ds lors que

    l 'application

    des rgles, des recettes empiriques

    et de la routine aveugle est dpasse.

    Les turbulentes, inquitantes niais fra-

    g i les muses de Brice Marden dfendent

    les arts l ibraux en

    s'opposant

    aux arts

    mcaniques, car justement ces derniers

    taient lis des savoir-faire artisanaux

  • 7/25/2019 M5050 ARCV001 DP-2006037 Au Fil Du Trait

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    Le Moyen ge conservera ce t te

    concept ion rdu ctr ice, et

    i l faudra

    at tend re l Acad mi e d e Sa i n t Lu c

    Rome e t F l orence p u i s , en F rance,

    l Acadmie Royale de Peinture conue

    p ar Leb ru n p ou r q u e l a r t is te acq u i er t

    le statut qu on lui reconna t aujour-

    d h u i

    . S i Louis XIV codi f ie l

    Acad mi e ,

    Ka n t

    conceptual ise ensuite la crat ion

    de l a r t dg a g d e to ute fo n c t io n -

    nal i t

    . La non-conformi t u n mod l e

    rfrentiel prtabl i prend souda in le

    caractre d une russi te

    exceptionnel le

    qui n est p lus suscep tib le d une ap pl i -

    cat ion gnral ise. Le dmiurge est

    alors inquitant en ce que son savoir

    es t moi ns h u mai n q u e d moni aq u e .

    Seules les choses dont la connaissance

    la plus complte ne suff i t pas donne r

    l habi li t ncessaire les produire,

    a ppa r t ie n n e n t

    l ar t, cr it K ant

    Les beaux-arts sont pour le phi losophe

    les arts du gnie, qui sont un don str ic-

    te me n t in d iv idue l e t in c o mm un ic a b le .

    En cela, le g nie re jo int le dmiurge

    archaique, dans la mesu re o i l cre

    sans aucune rgle arbitra ire , l ibre de

    to ute c o n tra in te . L e pro d ig e fa i t de

    l orig inal i t sa premire particulari t.

    C omm e l e d f i n i t C ond i l lac , c es t d ans

    cet cart la rgle que se si tue le

    g n i e , au x ant i p od es d u d mi u rge ,

    p ou r tant tou t au ss i mon st ru eu x .

    Ce t te n o t io n re n d c o mpte d un e s o l i -

    tude nouvelle face la cration.

    Dmiurge, prodige, gnie : ces termes

    renvoient un mme comportement,

    qui n'en est pas moins jug comme

    monstrueux et laid

    . Pour l'artiste, deux

    issues se prsentent : soit il considre

    que son gnie est exemplaire et

    deviendra un modle plbiscit par

    l' institution, soit il joue, comm e dans

    l 'Antiquit, le rle prsum du paria,

    celui du bouffon que la socit sa it

    gnrer l'envi. Grard Gasiorowski

    n'hsite pas se fondre dans cet te

    seconde catgorie, qui rappelle les

    poques o les cours d'Europe s'entou-

    raient de monstres afin de magnifier

    leur beaut prsume

    . La srie

    inti-

    tule Autocr i t ique

    du bouffon (1974)

    dfinit bien sa volont de se mettre

    en scne dans le rle social le plus gro-

    tesque, s'accordant ipso

    f ac to le rle

    de l' idiot_ avant que tes autres ne le

    lui attribuent Dans ses Sayntes

    comiques contemporaines des trois

    autoportraits de Gasiorowski, Christian

    Bottanski n'hsite

    pa s

    lu i

    non plus

    revti r l 'habi t du clown, un peu pa th-

    t ique et un peu stupide . Les pitreries

    d'un enfant sont toujours tolrables,

    cel les d'un adulte relvent du mons-

    trueux ; l'effet de miroir dstabilise et

    drgle la convenance

    . Bouffon, charo-

    gnard, Jui f et Chrt ien'

    portrait

    grotesque dont Bottanski assume l 'am-

    bivalence dans son rle d'artiste, qu'i l

    dfinit ainsi

    : la fois bte et mchant,

    iconoclaste et iconodule, contradictoi re,

    broui l lant toutes les pistes pour rester

    libre_.

    Autres att i tudes encore de mise en

    pices d'une image noble de l'artiste:

    cel le de Malevi tch, avec son tude

    de paysan (1911), o l 'ar t iste revendique

    un statut cultiv, mais par la connais-

    sance de la terre et non par l 'exercice

    de l' intelligence ; celle de Gaston

    Chaissac qui assume son inculture

    art is t ique avec une sincri t qui fai t de

    lui le gnie le plus sublime de l 'Art

    brut

    . Les commissaires de l exposition

    ne s y sont pas tromps, en plaant

    les trois collages raliss avec des frag-

    ments de papiers peints : Personnage

    aux cheveux verts roses

    et blancs,

    Personnage la barbiche

    et l tte

    rose, Personnage

    au grand oei l bleu

    (1960-1962) dans la sect ion consacre

    la joie.

    Gasiorowski , Boltanski ,

    ou Chaissac:

    chacun sa manire dpasse par la

    c o md ie l o u t re c u ida n c e pr te n due

    du sta tut d'ar t iste. celui-ci de revti r

    un masque ou de nous le faire porter.

    Michel Foucault dsigne ainsi cet

    absolu de dris ion dans L es Mots et

    les choses

    : L 'Homme va dispara tre,

    l 'homm e est en train de disparatre

    Plus que la m ort de Dieu, ou plutt

    dans le sillage de cette mort, et selon

    une corrlat ion profonde avec el le,

    c e qu a n n o n c e la pe n s e de Nie tzs c he ,

    c

    es t

    la

    f in de son meurtrier, c est l cla-

    t e m e n t d u visage de l H o m m e

    dans

    l e r ire , e t le re to ur de s ma s que s

    S i l a r t c o m m e f o r m e d e

    d p a s s e m e n t

    fonde son orig ine dans l art i f ice , a lors

    le rire triste d u c l own

    e t

    le s m a s que s

    d u bou ffon cor r esp on d ent la d f in i -

    t ion d u p or t r a i t- r obot d u c r a t eu r .

    la

    l imite , cri t

    M u r ie l le Gagnebin ,

    dans Fascinat ion

    d e la la id eu r ,

    l ' homme du arnaval , c 'es t l ' homme

    social dmasqu, l 'homme rdui t son

    tre vrai . J

    . J

    Grandvil le , c i tan t

    Salomon, crit : Mets ton masque e t

    je te dirai qui tu es , et plus loin i l

    ajoute

    : Le masque a t donn

    l 'homme pour faire connatre sa pense.

    Qu'est-ce, cependant, qu'un homme

    masqu, s inon un monstre? [

    .]

    C'est un m onstre invent

    . II relve

    non d'un drglement

    interne de la vie

    organise, mais de la fiction, du jeu,

    de l'art

    . Nanmoins prenons garde:

    toute f ict ion est un produi t de l 'ac t iv i t

    art is t ique de l 'homm e et, comme tel,

    toute f ict ion expr ime son c rateur .

    Carnaval drle ou

    macabre : Andy

    Warhol esquisse un portrai t de Ma o

    (1972), qui sera par la suite dupliqu

    l infini dans

    les

    gammes de couleurs

    toujours plus criardes . Jean Dubuf fet

    fai t sor t i r

    Charles-Andr Cingria et

    Edith

    Boissonnas (1947) d'un trombi-

    noscope de foire

    . son tour, Antoine

    Pevsner a l igne des ma sques anonymes

    avec ses Ttes de femme (1920) et sa

    Tte

    d 'homme (1923) L'Au topor t ra i t

    de Louise

    Bourgeo is ( 1942) , avec ses

    peti ts seins comm e des oeufs sur

    le plat et sur son visage en forme de

    potiche une ombre se m b la b le u n e

    barbe de tr ois jours, fonctionne selon

    le mme registre de la femm e sans fard,

    dt ru i sant sa pr opre image

    : Bas les

    masques Rosemarie 7rockel , avec

    une douce

    arrogance,

    prfre plaquer

    le buste face au mur, dans Sans

    t i t r e

  • 7/25/2019 M5050 ARCV001 DP-2006037 Au Fil Du Trait

    14/25

    (1996)

    . Mar lene Dumas, dans une

    grande composi t ion (60 x 300 cm) inti-

    tule

    Mixed Blow (19 96), dforme les

    visages o se mlangent des apparte-

    nances ethniques grce une technique

    fluide brouillant limage

    Tous les visages sont permis sauf

    le visage de l homme tait- i l inscrit

    dans le Talmud

    Amutf Ra ine r le s a i t a u

    p l u s profond d e lu i -m me e n ra l is a nt,

    avec de

    l hui le et

    d e

    l e nc re d e

    Chine

    sur photographies, des masques mor-

    tuaires qu e le trai t rature, gr i ffe au

    point de dtruire la l isibi l i t de l image :

    ses quatre

    T o te n m a s ke n ( 1 97 8 ) s o n t

    d un e v io le nce ins oute na ble

    Les por-

    tra its de Gottfried von Schadow, de

    Moltke ou d Adalbert Stif ter dessinent

    l m o rt, d ia lo guen t avec celle qui inscrit

    sur les traits des v isages son act ion.

    Les doigts de Rainer semblent guids

    pa r L a m ain du diable qui accompagne

    ses g estes en lu i dictant l indic ible.

    Cette exprience de l e xtrme est proche

    de cel le dcrite par Henri Michaux:

    l a p l um e, r ageusem en t r a tur an t

    je balafre les su rfaces, pour faire

    ravage dessu s, c o m m e ravage to ute la

    journe passe en moi, fa isant de mon

    tre une p la ie

    . Q ue de ce

    papier

    u s s i

    vienne la plaie

    l2

    . Que le papier rvle

    la vrit de l tre est aussi le propos

    de Joseph Beuys. Dans son

    Autoportrai t

    (1954) s inscrit cette priode la plus

    prcaire de sa v ie , o alternaient

    longues crises de dpression et pr-

    misses d une crat ion balbut iante.

    Sans son chapeau de feutre lgendaire,

    i l t race dj une croix au-dess us de

    deux gran ds yeux h a l luc in s

    . I I cha-

    fa ud e toute s on oe uv re a utour d e ce

    thme, conscient que ceux qui revien-

    nent de la m ort ont jouer un rle

    quasi messianique.

    La beaut n'est que le commen-

    cement de l

    pouvantable que nous

    aurons peine la force de supporters,

    notait Rilke dans l'une des lgies de

    Duino

    Le thme de la D ouleur associ

    celui de la Figure restitue la violence

    de ce constat . Les trois petits dessins

    sombres et peu connus de Eva Hesse,

    Sans t i tre

    (1960-1961)

    en c o n den sen t

    l insupportable.

    Le grotesque t ransform en subl ime?

    L'hypothse d 'une runif icat ion de

    l 'homme par l 'rotisme sera la

    deuxime alternat ive . ros entre ici

    en scne mais apporte selon Lyotard

    la d istorsion, l 'cartlement, la d i f f-

    rence et l 'extr ior i t toute forme.

    L' informe et le df igur

    5

    .

    part le beau

    Nu

    sensuel

    de

    Matisse

    (1930-1931), les

    images voues l'ro-

    t isme apparaissent p lutt carte les

    entre l ' in forme e t le dfigur, confi r-

    mant le t i tre de l 'essai de

    Georges

    Bataille,

    Les Larmes

    d ros. Le Nu de

    Jean Fautrier (vers 1940) il lustre, dix

    ans p lus tard, la venue d 'une sexual it

    plus complexe, nerveuse, reprsente

    ht ivement Est abandonne la prat ique

    Baudelai r ienne du luxe, calme

    et volupt pour cel le de la bea ut

    convulsive de Breton

    Le Monde pai-

    sible

    (1927) de Victor Brauner rappel le

    plus prcisment un autre essai de

    Bataille, engag dans l'rotisme au

    point d'en deve nir une sorte d' i l lustra-

    tion

    :

    Histoire de l 'oeil

    Sa srie de trois

    grands dessins (65 x 50

    n), titre

    Anatomie du dsir (1936), voque les

    dbordements du fantasme sur le rel.

    Trois Cadavres exquis (1929-1931)

    tendent prouver que le sexe se loge

    partout, ncessaire au quotidien

    comme l 'ai r qu'on respire, comme le

    vide auquel Lucrce attribuait la vertu

    d 'engendrement du monde

    . C'est aussi

    ce que f redonne Max E rnst avec

    Chanson

    de la chair v

    1920) ,

    en associant des fragments d'illustra-

    tion, dcoups et colls sur papier:

    Le chien qui chie le chien bien coiff

    malgr les difficults du terrain cau-

    ses par une neige abondante la

    femme bel le gorge la chanson de la

    chair. Enf in, Roberto Matta, avec une

    efficacit trs contemporaine, exprime

    dans

    Les Dlits

    (1941-19 42) le dsordre

    amoureux, la distorsion, l'cartlement.

    Plus proches encore, Gnther Brus,

    Rosemarie Trockel ou Fabrice Hybert

    poursuivent la voie de l ros dans

    la brche subversive ouve rte par les

    surralistes . Associant la laideur rel le

    l a l a ideur f igure, i ls inventent e s

    images corporelles toujours plus mons-

    trueuses dans lesquelles les organes

    sexuels jouent un rle

    bo uf fo n .

    Sigm un d Freud ava i t d j so u l ign

    le regard

    ng at i f or ig ine l port s ur le

    s e x e

    : Les

    organes g n i taux n e so n t

    pourtant presque jamais considrs

    comme beaux . Par contre, un caractre

    de be aut s attache, semb le-t- il ,

    certains signes sexuels

    secondaires

    l`.

    Dans la mme veine, Batai l le c ite dans

    L r o ti s me u n e p a g e d e s C a r ne t s d e

    L o n ard de V in ci : L ac te d ac c o up le-

    ment et les membres dont i l se sert

    sont d une te lle la ideur qu e s i l n y

    avait la beaut des visages , les orne-

    ments des participants et l lan

    effrn, la nature perdrait l'espce

    humaine

    5 . Toute une srie de petits

    dessins de Rosemarie Trockel. Sans

    titre

    (1984 -1987), permet de r ire de la la i-

    deur

    p r s um e d e nos propres tords

    en voyant des sexe s en rect ion

    comme autant de nez au m i l ieu de la

    figure

    . Stigmatisant ce tabou initial,

    Gnther Brus n'hsite pas faire pous-

    ser sur de s corps flasques ou vieil l is

    des gros

    sexes mous, qui

    penden t

    sur le torse la p lace d 'un tton (Sans

    t i tre, 1970), ou qui se logent comme

    une horrible protubrance sous les

    aisselles d'un homme au visage

    moit i cach (Sans t i t re (nu] de 19 70).

    Le monstrueux aura t l

    image du

    drglement dans la socit grecque,

    de la honte

    prcamineuse chez les

    chrt iens, i l fascinera ceux qui veulent

    rinventer la v ie en engageant un corps

    corps avec ros

    . La pense dviante

    de Sade est ic i

    omniprsente : le Dieu-

    monstre, fantme

    gard ien de la lo i

    morale, const i tue l 'ternelle m enace

    pour les dsirs sans fin de s libertins.

    Leur rve n'est pas de chasser sa

    tyrannie, mais de devenir tyrans eux-

    mm es pour fa ire rgner La loi

  • 7/25/2019 M5050 ARCV001 DP-2006037 Au Fil Du Trait

    15/25

    de leurs dsirs : Quel est ce d ieu

    par qu i vous nous avez si b ien fouett

    et foutre , ds que vous rv lez nos

    yeux le mystre de la nature, p o u r q u o i

    craindr iez-vous de nou s dvoi le r ceux

    de vot re maison?

    d e m and e

    Jul iet te.

    Cette fasc ination engendre le dsi r

    et l idolt r ie de ce D ieu tuer Par de ux

    fois, en parlant d e Di e u , Sade associe

    son c arac t re c h i m r iqu e l im age d e

    l rect ion de l idole . Car si les person-

    nages sad iens aborhent

    Dieu, i l s sont

    prt s adore r son phal l us qu i dev ient

    alors un instrum ent sacr i f ic ie l . Hans

    Bellmer s immisce dans ce t un ivers

    avec Mad am e e stse rvi e (1 9 60 )

    : c est

    un sexe qu i es t serv i cette femme

    dans un cal ice chr ist ique. Dans l imagi -

    naire sadien, plus le sexe a des propor-

    t ions ext raordinai res, plus l homme

    peut se vanter d chapper aux mis-

    rab les normes de l humani t : Je suis,

    di t le comte Minsk i au sexe dmesur,

    un monstre vomi par la nature, vomi

    par e l le pour cooprer avec el le aux

    dest ruct ions qu el le exige

    .

    I l ne s agi t p lus d avoi r un sexe,

    toujours dtachable, mais d t re un

    sexe

    . Comme le serpent du Paradis

    perdu se mord ant la queue, Fabr ice

    Hyber t , dans Le C ontors ionniste (1989),

    s enroule sur lu i-mme dans un

    immense papier p lus grand que lu i

    (124 x 204 cm) pou r tenter la mei l leure

    fel lation, cel le qu on se ferait soi-mme:

    l artiste fait corps avec son sexe, runi-

    f i comme l imaginai t Ar istophane dans

    Le Banqu e t de Platon.

    Autodes t ruc t ion : les oeuvres les plus

    ext raordinai res de l exposi t ion sont

    peu t t re ce l l es d Antonin Ar taud .

    Elles disent la ncessit de vio lence

    fa i te au corps, au corps du sexe.

    L au teu r du

    Thtre de la cruaut sug-

    g

    re l invention d une s cne dvorant

    ses propres acteurs

    . C est par la peau

    u on fera rent rer la mtaphysique

    dans les esprits h b .

    L Excrat ion du

    pre-mre ( 194 6) e t La Maladresse

    se xu e l le d e D i e u ( f vr i e r 1 9 46 ) syn th -

    t isent ce rapport t range ent re ros

    et Dieu dcouvert par Sade.

    Enfin, une sr ie de dessins sur les

    camps de concentrat ion ne peut pas

    tre oublie, tant la force de son tmoi-

    gnage s impose d e l le-mme

    d une

    manire totalement ind i te . On peut

    bien sr rapprocher ces oeuvres des

    eaux-for tes de

    Goya,

    multipliant les

    images de la guerre comme pour mieux

    rsister la barbar ie, des croquis de

    Manet sur les barr icades, au moment

    o l u rgence de tmoigner le trans-

    f orme en repor te r de guer re

    . La seule

    numrat ion des t i t res des dessins

    de Lon Delarbre

    Trois

    ttes

    de mort

    Pendus, Mort de misre,

    Camarades

    juifs

    hongro is, Le chef de b loc du

    13 2 Folette aprs son ex cut ion,

    D c harge m e nt d u c am i on

    de cadavres,

    suf f i t d i re l at roce

    . Mme constat

    avec Zoran Music, tmoin ocula ire des

    crimes commis Dachau, avec les ti tres

    laconiques pour mieux encore trans-

    mett re ce qu i est de l ordre de l indi -

    cible

    . Seul , le support du papier tai t

    alors possib le pour reprsenter les

    corps morts . Tmoins dmunis, i ls ont

    m m e u t i l is d u pap i e r d e m ba l lage

    rapic. Le mdium du dessin devient

    ic i ncessit visuel le, comm unicat ive

    et commmorative

    crits La Joie

    `En faisant le

    mal dlectable,

    cette

    droutante, prouvante Providence a

    cr une com plication et un

    problme:

    car la beaut, faisant question, est pro-

    blmatique, en

    effet et elle inquite

    dans le t em p s m m e

    qu elle

    charme,

    parle travail vrif icateur qu elle nous

    impose et par la dception inv itable

    qu elle nous rserve.

    Une bel le qui est une sot te , un

    mufle qui a

    des faons distingues,

    un imbci le quia une

    oi ture

    intres-

    sante, un arriviste prtentieux qui a

    l air dsintress : v o i l que l ques-uns

    des rbus que chaque

    journe nous

    propose Avoir l air ,

    tel est bien le

    hiroglyphe

    dchiffrer .

    V

    . Janklvitch

    r it

    des Vertus

    Prendre distance avec la solitude

    dm iurgique en s accordant les plaisirs

    des sens, s abandonner la rptition

    d un mm e acte, non pas jusqu

    l puisement vers le tragique, mais

    avec la conscience d une r igueur qui

    donne une srnit intime et un calme

    presque envoirtant : c est ce que

    com prend Picasso la fin de sa vie,

    en reproduisant tous les jours le mm e

    acte, sensuel et appliqu, autour du

    thme classique du Peintre et son

    mod le (1970 ) ; hu i t dess ins de formats

    presque identiques rythment ces

    moments de grce . Les trois acryliques

    sur affiche de Claude Viallat (1982)

    exploitent ce mm e procd d une

    rptition q ui ravit l oeil et l esprit c e s

    grands espaces occups par des ballons

    colors (159 x 1 19 an) attestent du

    plaisir festif de l artiste pendan t la

    g

    ense de sa cration

    . Par leur facture

    presque simpliste, les trois Small

    Heart

    Paintings de Jim Dine (1970 ) tentent

    de prolonger la pratique ludique

    des papiers dcoups de M atisse.

    Ral iss dans des morceaux de papier

  • 7/25/2019 M5050 ARCV001 DP-2006037 Au Fil Du Trait

    16/25

    ou vaporiss au pochoir sur le support

    les coeurs colors recouvrent la toile

    selon

    une compos it ion et un

    ordre

    quasi similaire. Enfin, la srie des

    chiffres de Jasper Johns est

    placer

    dans ce mme espri t

    de

    rpt t o

    sductrice et

    apaisante.

    U ne

    te lle organisation

    srielle

    d u n e

    oeuvre

    consti tue dj une sorte

    d cr iture. Ernst Cassirer, en df in issant

    les formulations de la l inguistique et

    de la smant i que moderne , donne sens

    au vocabula ire de formes qu i s i mpo-

    sent aux

    regardeurss c omme d es

    s ignes reconnaissabl es e t

    appro-

    priables

    Les coeurs de 1 im D ine, les

    aplats arrondis de Viallat les chi ffres

    de Johns

    fonc t ionnent

    c omme d es

    mots. Ces formes

    di a loguent avec le

    spectateur, participent

    d u n e g r a m -

    maire de signes qu i devient cr i ture.

    I l s agit ds lors d une construction de

    hiroglyphes d chif f rer .

    Mme le Katastrophe

    de Jean Pougny

    peut tre regard comme tel tant est

    efficace sa composit ion , sans la charge

    violente de son titre ; ce grand dessin

    (54 x 65 cm) s'inscrit dans la suite

    des jeux cubistes o les mots

    remplaent progressivement dans la

    peinture les objets reprsents.

    e Projet de dcoration de la place

    rouge pour le

    1 ' mai 7927, de Pave

    Mansourof f , lague, quant lui, toute

    reprsentation du monde

    ; comme dans

    les compositions futuristes italiennes,

    o la vitesse est suggre par l'acte

    pictural, l'espace y est dcoup en

    obliques irises de couleurs dgrades

    formant une trame organique o les

    mots rvolutionnaires viennent s'ins-

    crire

    : leurs lettres composent une sorte

    d' idogramme quasi indchi f f rable

    qui opre peut-tre plus par la beaut

    de son graphisme que par son sens.

    Encore plus actives paraissent les

    lettres parfois call igraphies, parfois

    typographiques, inscrites par Raoul

    Hausmann comme corps mme de

    ses dessins . Les deux

    Plakatgedichte

    pomes-affiche) de 1918, raliss selon

    un systme de reproduct ion photo-

    mcanique de typographies sur papiers,

    v e r t p o u r l un,

    o r a n g e p o u r

    l autre,

    annonce nt l abstract ion e t la l i ber t de

    l

    posie dada

    . Reproduct i b le l i n f in i ,

    l acte pot i que est a i ns i tota lemen t

    remis

    en que st ion , chappe

    toute

    mot ion

    romant i que , sollicite

    a u

    contraire le

    plaisir

    e s sens, tout autant

    visuel qu audit i f D a n s

    Grirn

    [Vert], le s

    mots les plus

    identi f iables

    Mensch,

    Erde)

    forment un dispositif qui rap-

    pelle davantage celui des Calligrammes

    d pollinaire. Enfin, le clbre A B C D

    1923-1924), ral

    s avec des collages de

    photos et des papiers imprims, repro-

    duit dans sa composition le dsordre

    de la Grande Guerre. Dans un mme

    ordre de signif ication, les compositions

    mcanistes de Picabia, constitues de

    chanes enroules sur un drailleur

    entranant dans son mouvement

    cylindres, essieux et mots, proposent

    une vision tout aussi cynique d un

    monde o les passions seraient broyes

    par une socit qui aurait mis sur le

    seul progrs technologique : le Portrait

    de Marie

    Laurencin v . 1916-1917)

    rappelle sa manire la drle de

    guerre

    ombre

    d un

    boches.

    Les papiers imprims colls de

    Johannes Baader , Collage (1920-1922),

    ou le collage de papiers divers sur

    contreplaqu peint de Kurt Schwitters,

    Prikken paa

    en (1939),

    fonctionnent

    comme autant de variations de ces

    dispositifs d'assemblages de fragments

    du rel mis en place comme des

    oprat ions de drglement et de

    drision . Henri Fo cil lon, faisant l 'loge

    de la main, crit : Les rbellions de

    la main n 'ont pas pour but d'annuler

    l ' instrument, mais d'tabl i r sur de nou-

    velles bases une possession rciproque.

    Ce qui agit est agi son tour.

    Pour comprendre ces actions et ces

    ractions, cessons de con sidrer isol-

    ment forme, m atire, outil et main et

    plaons-nous au point de rencontre, au

    lieu gomtrique de leur activit

    On saisit q uel point le collage,

    depuis les premires natures mortes

    cubistes de Braque et de Picasso,

    constitue un point de

    rencontre

    entre

    la

    main et la technique,

    rvlant mieux

    que le crayon ou la peinture le

    dsordre d'un monde nouveau.

    L 'cri tu re, le g raphe, le

    hiroglyphe ou

    le simple mot interviennent dans l 'art

    comme des inscriptions de la ralit

    sociale et humaine . Dans Les Mots

    et

    les choses, Foucault note

    : cette

    question

    nietzschenne

    : qu i parle?

    Mallarm rpond, et ne cesse de

    reprendre sa rponse, en disant que

    ce qui parle, c est en sa solitude, en sa

    vibration fragi le, en son nant le m ot

    lui-mme non pas le sens du mot,

    mais son tre nigm atique et prcaire.

    Alors que Nietzsche maintenait

    jusqu'au bout l ' in terrogation

    de celui

    qui parle Mallarm ne cesse de

    s'effacer lui-mme de son propre

    langage au point de ne plus vouloir y

    f igurer qu' t i t re d'excuteur dans une

    pure crmonie du Livre o le

    discours

    se

    composerait

    lui-mme

    1 B

    .

    Sonia Delaunay peut tre ici voque

    pour conclure notre errance au fi l

    du trait, avec trois pices matresses

    de 1914, d'une mlodie toute mallar-

    menne

    . Dans le magnifique collage

    du projet d'aff iche pour les montres

    Znith,

    l'association

    de couleurs lumi-

    neuses et sombres, com plmentaires,

    dynamise encore cette construction

    clatante ; les mots sont irradis autour

    d'une sorte d

    horloge marquant les

    douze coups de m idi, l'heure o le

    soleil est son znith dans le ciel.

    Aux oeuvres cites d'un V iallat, d'un

    Dine, aux

    papiers dcoups de

    Matisse,

    ce collage

    apporte

    une juste perspec-

    tive historique

    . Il en va de mme pour

    l 'autre collage, qui est un projet

    d'aff iche pour Chocolat

    : les lettres,

    part iculirement le cs e t le os,

    deviennent visuellement des invitations

    solaires au rayonnement joyeux e t

    intense

    . Excut la peinture la cire,

    le projet d'af fiche pour Dubon net

    possde le pouvoir d'un hiroglyphe,

  • 7/25/2019 M5050 ARCV001 DP-2006037 Au Fil Du Trait

    17/25

    actif, vivant, presque sensuel;

    les let t res y forment une comp osit ion

    presque abstraite : elles s effacent,

    s agencent dans t espace comme un

    pu2zle, o les vides et les pleins dan-

    sent en crant le mouvemen t de la vie

    qu voquait

    Lucrce Le corps donc

    mail, la main, le bras, l organisme

    tout ent ier vibre et se m et en fte:

    tat divin de la crat ion que dj

    Raoul Hausmann avait remarqu en

    1920 dans son entret ien avec Vera

    Broido-Cohn

    : Tout commence par la

    danse, les mouvements viennent bien

    avant l expression verbale ou mme la

    musique, car la danse possde sa propre

    musique

    . Quand tu te t iens l, debout,

    tu n es pas dans l espace mais hors

    de l espace, tu n es pas sur terre ni en

    dehors de la terre et pa rt ir de l,

    la cration commence ; dif ie toi-mme

    les murs et les limites de ton univers

    .

    . Cf

    . Entretien avec Hubert Niogret,

    Positif,

    n 187, nov

    . 1976, p. 25

    2. Gilles Deleuze, Mille Plateata, Capitalisme et

    Schizophrnie, Paris, Minuit, 1980, p

    .36

    3. L ucr ce , De Natura

    Rerum, Paris, GF, p

    . 2 7

    4. Alexandre Koyr,

    Du

    monde clos

    l univers

    infini, Paris . Gallimard, 1973

    5.

    Agnes Martin, Notes for On the Perfection

    Linderlying Lite, cit par Gaya Goldcymer dans

    un texte crit pour la oalerie Won Lambert,

    Paris

    1973

    6. Kasimir MalevitdL in crits, L ausanne.

    L Age d Homme

    . 1920, p

    . 220

    7. Kasimir Malevitch, in De Czanne au

    Supematisme, traduit par J .-C- et V Marcad,

    Lausanne, L Age d Homme, 1922,

    p

    15 4

    8. Emmanuel Kant

    Cridoue de

    la facult

    de

    juger, traduit par A. Phiionenko, Pariss, Vr in, 1993

    ans de nombreux entretiens contradictoires

    connes

    par

    Christ ian ottanski ce s quatre

    terminologies reviennent trs souvent

    10 Michel Foucault

    es

    Mots et

    les

    choses.

    Paris, Gallimard, 1966 . p

    396-397

    11

    Muriel Gagnebin, Fascination de

    la laideur,

    Lausanne, L Age d Homme, 1978,

    p

    39

    12 Henri Michaux, mergences - Rsurgences,

    Genve, Skira, 1972, p. 3 5

    13 iean-Franois Lyotard. Des dispositifs

    pulvonnels Paris, .10116 ., 1973. P B-9

    14

    Sigmund Freud Malaise

    dans

    la civilisation,

    Paris. P

    U

    ., 1973,

    p

    29

    15

    Georges Bataille, L rotisme, Paris, 10/16.

    196 5 . p . 15 7

    16. Antonin Artaud

    Le Thtre et son

    double,

    in Ouvres compltes, Paris, Gallimard 1964,

    t N,

    p

    . 102

    17.

    Henri Fodllon, trie des formes, Paris, PU.F

    .,

    1943,

    p

    63

    18.

    Michel Foucault

    . Les Mots et les choses,

    op cit

  • 7/25/2019 M5050 ARCV001 DP-2006037 Au Fil Du Trait

    18/25

    Au fil du trait

    De Matisse Basquiat

    Collections du Centre Georges Pompidou,

    Muse national d art moderne, cabinet d art graphique

    Carr d Art, Muse d art contemporain, Nurses

    26 juin-27 septembre 1998

    Lgendes des photographies pour la presse :

    1 - Antonin Artaud, L excration du pre-mre, 1946

    Crayon et craies de couleurs sur papier

    64,5 x 49,5 cm

    Centre Georges Pompidou, Cabinet d art graphique, Mnam

    Photo : Jean-Claude Planchet / Centre Georges Pompidou

    ADAGP 1998

    2-Jean-Michel Basquiat, sans titre, 1984

    Acrylique et crayons de couleur sur papier

    56 x 76

    cm

    Centre Georges Pompidou, Cabinet d art graphique, Mnam

    Photo

    : Jean-Claude Planchet / Centre Georges Pompidou

    ADAGP 1998

    3 - Louise Bourgeois, Autoportrait, 1942

    Encre sur papier

    28 x 21,5 cm

    Collection Centre Georges Pompidou, Cabinet d art graphique, Mnam

    Photo

    : Jacques Faujour / Centre Georges Pompidou

    ADAGP

    1998

    4 - Georges Braque, Nature morte sur une table (Gilette), 1914

    Papiers colls, gouache et fusain sur papier

    48 x 62 cm

    Collection Centre Georges Pompidou, Cabinet d art graphique, Mnam

    Photo : Centre Georges Pompidou

    ADAGP 1998

    5 - Alexander Calder, Les papillons, 1966

    Gouache sur papier

    108 x 75 cm

    Collection Centre Georges Pompidou, Cabinet d art graphique, Mnam

    Photo

    : Jacques Faujour / Centre Georges Pompidou

    ADAGP 1998

    6 - Marc Chagall, Chagall, 1918

    Crayon, encre noire, gouache et empreintes de dentelle sur papier

    47,6 x 34

    cm

    Collection Centre Georges Pompidou, Cabinet d art graphique, Mnam

    Photo

    : Philippe Migeat / Centre Georges Pompidou

    ADAGP 1998

  • 7/25/2019 M5050 ARCV001 DP-2006037 Au Fil Du Trait

    19/25

    7 - Gaston Chaissac, Personnages aux cheveux verts, roses et blancs,

    vers 1960/62

    Encre noire et papiers peints dcoups, colls sur papier kraft

    215 x 64,5 cm

    Collection Centre Georges Pompidou, Cabinet d art graphique, Mnam

    Photo : Philippe Migeat / Centre Georges Pompidou

    : ADAGP 1998

    8 - Willem De Kooning, Woman, Femme), vers 1952

    Graphite et pastels sur papier

    37,5 x 29,3 cm

    Collection Centre Georges Pompidou, Cabinet d art graphique, Mnam

    Photo : Philippe Migeat / Centre Georges Pompidou

    : ADAGP 1998

    9 - Sonia Delaunay, Znith, 1914

    Papiers de couleur dcoups et colls sur papier

    66 x 81,5 cm

    Collection Centre Georges Pompidou, Cabinet d art graphique, Mnam

    Photo : Jacques Faujour/Centre Georges Pompidou

    : ADAGP 1998

    10 - Jean Dubuffet, Vache blanche, fond vert, 1954

    Gouache sur papier

    32,6 x 40,2 cm

    Collection Centre Georges Pompidou, Cabinet d art graphique, Mnam

    Photo

    : Philippe Migeat / Centre Georges Pompidou

    : ADAGP 1998

    11 - Marlene Dumas, Mixed Blood 1 Sang Ml), 1996

    Technique mixte sur papier

    62,5 x 50 cm

    Collection Centre Georges Pompidou, Cabinet d art graphique, Mnam

    Photo : Adam Rzepka / Centre Georges Pompidou

    : ADAGP 1998

    12 - Marlene Dumas, Mixed Blood 2 Sang Ml), 1996

    Technique mixte sur papier

    62,5 x 50 cm

    Collection Centre Georges Pompidou, Cabinet d art graphique, Mnam

    Photo

    : Adam Rzepka / Centre Georges Pompidou

    : ADAGP 1998

    13 - Marlene Dumas, Mixed Blood 3 Sang Ml), 1996

    Technique mixte sur papier

    62,5 x 50 cm

    Collection Centre Georges Pompidou, Cabinet d art graphique, Mnam

    Photo : Adam Rzepka / Centre Georges Pompidou

    : ADAGP 1998

    14 - Marlene Dumas, Mixed Blood 4 Sang Ml), 1996

    Technique mixte sur papier

    62,5 x 50 cm

    Collection Centre Georges Pompidou, Cabinet d art graphique, Mnam

    Photo : Adam Rzepka / Centre Georges Pompidou

    : ADAGP 1998

  • 7/25/2019 M5050 ARCV001 DP-2006037 Au Fil Du Trait

    20/25

    15 - Marlene Dumas, Mixed Blood 5 Sang Ml), 1996

    Technique mixte sur papier

    62,5 x 50 cm

    Collection Centre Georges Pompidou, Cabinet d art graphique, Mnam

    Photo : Adam Rzepka / Centre Georges Pompidou

    : ADAGP 1998

    16 - Marlene Dumas, Mixed Blood 6 Sang Ml), 1996

    Technique mixte sur papier

    62,5 x 50 cm

    Collection Centre Georges Pompidou, Cabinet d art graphique, Mnam

    Photo : Adam Rzepka / Centre Georges Pompidou

    : ADAGP 1998

    17 - Raoul Hausmann, ABCD, 1923-1924

    Encre de Chine, collage de photos et papiers imprims sur papier

    40,4 x 28,2 cm

    Collection Centre Georges Pompidou, Cabinet d art graphique, Mnam

    Photo : Centre Georges Pompidou

    : ADAGP 1998

    18 - Eva Hesse, sans titre, 1960

    Crayon, encre et gouache sur papier

    15,5 x 22,8 cm

    Collection Centre Georges Pompidou, Cabinet d art graphique, Mnam

    Photo : Jean-Claude Planchet/Centre Georges Pompidou

    : ADAGP 1998

    19 - Fabrice Hybert, Le contorsionniste, 1989

    Craie grasse fusain et rsine sur papier

    124 x 204 cm

    Collection Centre Georges Pompidou, Cabinet d art graphique, Mnam

    Photo : Philippe Migeat / Centre Georges Pompidou

    : ADAGP 1998

    20 - Paul Klee, Der Hirsch le Cerf), 1919

    Aquarelle et gouache sur toile

    32 x 24,3 cm

    Collection Centre Georges Pompidou, Cabinet d

    art graphique, Mnam

    Photo : Philippe Migeat / Centre Georges Pompidou

    : ADAGP 1998

    21 - Kasimir Malevitch, Etude de paysan, 1911

    Gouache sur papier

    27,4 x 32,1

    Collection Centre Georges Pompidou, Cabinet d art graphique, Mnam

    Photo : Centre Georges Pompidou

    : ADAGP 1998

    22 - Brice Marden, The Muses Drawing Les Muses-Dessin), 1991-1993

    Encre et gouache sur papier

    37,7 x 74,2 cm

    Collection Centre Georges Pompidou, Cabinet d art graphique, Mnam

    Photo : Philippe Migeat / Centre Georges Pompidou

    : ADAGP 1998

  • 7/25/2019 M5050 ARCV001 DP-2006037 Au Fil Du Trait

    21/25

    23 - Henri Matisse, Arabesque, 1944-1947

    Encre sur papier

    27x 21 cm

    Collection Centre Georges Pompidou, Cabinet d art graphique, Mnam

    Photo

    : Philippe Migeat / Centre Georges Pompidou

    : Succession H

    . Matisse 1998

    24 - Henri Matisse, Femme l amphore, 1953

    Gouache, papiers dcoups, colls sur papier maroufl sur toile

    168,5 x

    48 cm

    Collection Centre Georges Pompidou, Cabinet d art graphique, Mnam

    Photo : Philippe Migeat / Centre Georges Pompidou

    : Succession H. Matisse 1998

    25 - Henri Michaux, Repos dans le malheur, 1945

    Fusain sur papier

    3

    x 24 cm

    Collection Centre Georges Pompidou, Cabinet d art graphique, Mnam

    Photo :