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Annales de dermatologie et de vénéréologie (2009) 136, 508—512 MÉMOIRE ORIGINAL Maladies de Bowen multiples des membres inférieurs chez les femmes âgées : une forme clinique particulière et de traitement difficile Multiple Bowen disease of the lower limbs in elderly women: A rare clinical subset involving therapeutic difficulties G. Maury, C. Girard, C. Michot, B. Guillot, O. Dereure Service de dermatologie, CHRU de Montpellier, hôpital Saint-Éloi, université de Montpellier I, 80, avenue A.-Fliche, 34295 Montpellier cedex 5, France Rec ¸u le 31 d´ ecembre 2008 ; accepté le 17 avril 2009 Disponible sur Internet le 27 mai 2009 MOTS CLÉS Maladie de Bowen cutanée multifocale ; Photothérapie dynamique ; Carcinome cutané Résumé Introduction. — La maladie de Bowen cutanée (MBC) correspond histologiquement à un carci- nome épidermoïde intraépithélial et se présente le plus souvent sous la forme de lésions isolées. Nous rapportons quatre cas d’un tableau clinique stéréotypé de MBC multiples localisées aux membres inférieurs chez des femmes âgées, posant des problèmes thérapeutiques spécifiques. Observations. — Quatre observations de MBC multiples ont été regroupées en raison de leurs fortes similitudes. Il s’agissait de lésions survenant chez des femmes âgées de plus de 70 ans, strictement localisées aux membres inférieurs et notamment aux jambes, parfois en nappes, associées à des carcinomes épidermoïdes et basocellulaires ainsi qu’à des kératoses actiniques. Le seul facteur étiologique identifié dans tous les cas était l’exposition solaire chronique, asso- ciée à une possible immunodépression dans un cas. Les quatre patientes ont toutes été traitées par photothérapie dynamique avec une rémission clinique partielle et une bonne tolérance. Discussion. — Ces quatre observations ont de nombreuses similitudes : femmes d’âge avancé, présence de marqueurs de photoexposition chronique, absence d’exposition à d’autres agents carcinogènes tels arsenic ou irradiation, topographie des lésions et évolution chronique. La fréquence de cette forme clinique est probablement sous-estimée en raison d’une histologie parfois peu contributive ou de l’absence de biopsie. Les résultats de la photothérapie dynamique sont relativement encourageants. Ce traitement génère peu d’effets secondaires par rapport à Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (O. Dereure). 0151-9638/$ — see front matter © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.annder.2009.04.011

Maladies de Bowen multiples des membres inférieurs chez les femmes âgées : une forme clinique particulière et de traitement difficile

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Annales de dermatologie et de vénéréologie (2009) 136, 508—512

MÉMOIRE ORIGINAL

Maladies de Bowen multiples des membresinférieurs chez les femmes âgées : une formeclinique particulière et de traitement difficile

Multiple Bowen disease of the lower limbs in elderly women:A rare clinical subset involving therapeutic difficulties

G. Maury, C. Girard, C. Michot,B. Guillot, O. Dereure ∗

Service de dermatologie, CHRU de Montpellier, hôpital Saint-Éloi,université de Montpellier I, 80, avenue A.-Fliche, 34295 Montpellier cedex 5, France

Recu le 31 decembre 2008 ; accepté le 17 avril 2009Disponible sur Internet le 27 mai 2009

MOTS CLÉSMaladie de Bowencutanée multifocale ;Photothérapiedynamique ;Carcinome cutané

RésuméIntroduction. — La maladie de Bowen cutanée (MBC) correspond histologiquement à un carci-nome épidermoïde intraépithélial et se présente le plus souvent sous la forme de lésions isolées.Nous rapportons quatre cas d’un tableau clinique stéréotypé de MBC multiples localisées auxmembres inférieurs chez des femmes âgées, posant des problèmes thérapeutiques spécifiques.Observations. — Quatre observations de MBC multiples ont été regroupées en raison de leursfortes similitudes. Il s’agissait de lésions survenant chez des femmes âgées de plus de 70 ans,strictement localisées aux membres inférieurs et notamment aux jambes, parfois en nappes,associées à des carcinomes épidermoïdes et basocellulaires ainsi qu’à des kératoses actiniques.Le seul facteur étiologique identifié dans tous les cas était l’exposition solaire chronique, asso-ciée à une possible immunodépression dans un cas. Les quatre patientes ont toutes été traitéespar photothérapie dynamique avec une rémission clinique partielle et une bonne tolérance.Discussion. — Ces quatre observations ont de nombreuses similitudes : femmes d’âge avancé,présence de marqueurs de photoexposition chronique, absence d’exposition à d’autres agents

carcinogènes tels arsenic ou irradiation, topographie des lésions et évolution chronique. Lafréquence de cette forme clinique est probablement sous-estimée en raison d’une histologieparfois peu contributive ou de l’absence de biopsie. Les résultats de la photothérapie dynamiquesont relativement encourageants. Ce traitement génère peu d’effets secondaires par rapport à

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (O. Dereure).

0151-9638/$ — see front matter © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.doi:10.1016/j.annder.2009.04.011

Maladies de Bowen multiples des

KEYWORDSMultifocal Bowen’sdisease;Photodynamictherapy;Cutaneous carcinoma

results with a good efficacy/safety ratio compared to imiquimod or 5-fluorouracil. However,while this treatment could be considered a first-line option in multiple CBD, its therapeutic

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La maladie de Bowen cutanée (MBC) est un carcinome épi-dermoïde intraépithélial réalisant des lésions le plus souventisolées et situées majoritairement sur la face, le cou et letronc. Elle peut survenir à n’importe quel âge mais elleest rare avant 30 ans ; la plupart des lésions surviennentaprès 60 ans, avec un pic pendant la septième décennie.Elle se présente le plus souvent comme une plaque velou-tée ou érythématosquameuse à peine saillante, discoïde,d’évolution très lente. Nous rapportons quatre cas remar-quablement homogènes qui dessinent les contours d’uneforme clinique plus rare où les lésions de MBC sont multiples,parfois en nappes et situées sur les zones photoexposées desmembres inférieurs de femmes âgées. Cette forme pose desproblèmes thérapeutiques spécifiques mais l’utilisation dela photothérapie dynamique (PTD) pourrait être d’un grandintérêt dans ce contexte.

Observations

Cas no 1

Une femme de 94 ans était adressée pour des lésionshyperkératosiques multiples et bien limitées de la faceantérieure de la jambe gauche et du dos du pied droit,évoluant depuis plus de dix ans et associées à des kéra-toses actiniques du dos des mains, du décolleté et duvisage. Des biopsies des lésions des membres inférieurs mon-traient des MBC multiples de la jambe gauche ainsi quedeux carcinomes épidermoïdes (pied droit et face anté-

rieure de la jambe gauche). L’interrogatoire ne mettaiten évidence aucun facteur favorisant particulier en dehorsd’une photoexposition chronique très prolongée, attestéepar un photovieillissement important (absence de radiothé-rapie antérieure ou d’exposition à des agents carcinogènes

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himiques ; recherche d’arsenic dans les cheveux négative ;echerche de papillomavirus humain (HPV) dans les lésionségative en histologie et par hybridation in situ). Compteenu du nombre important de lésions, de l’âge de la patientet des difficultés prévisibles de cicatrisation (œdèmes desembres inférieurs), un traitement par PTD était décidé enremière intention. L’agent photosensibilisant utilisé étaite méthylaminolévulinate, (MAL-PTD), appliqué après cure-age des lésions trois heures avant l’illumination en lumièreouge (75 j/cm2, 570—670 nm, dix minutes d’illumination).n premier cycle de traitement, comportant deux séancese PTD séparées d’une semaine, a d’abord été effectué. Laolérance immédiate du traitement était bonne, avec uneouleur d’intensité modérée pendant l’illumination, jugu-ée par la prise d’antalgiques de palier 1. En raison de laersistance de lésions un mois après le premier cycle deAL-PTD, un deuxième cycle de deux séances a été réa-

isé selon les mêmes modalités techniques, mais n’a putre mené à bien que du côté gauche en raison d’un refuse la patiente. L’évaluation clinique après le deuxièmeycle montrait une réponse clinique partielle, avec dispa-ition d’environ la moitié des MBC du membre inférieurauche. Parallèlement, les carcinomes épidermoïdes du piedroit et de la jambe gauche ont été retirés chirurgicale-ent.

as no 2

a deuxième patiente, âgée de 77 ans, avait depuis cinq

membres inférieurs chez les femmes âgées 509

l’imiquimod ou au 5-fluorouracil topique et pourrait donc être proposé en première intentiondans cette forme clinique particulière, mais il nécessiterait une évaluation plus précise.© 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

SummaryBackground. — Cutaneous Bowen’s disease (CBD) is a form of intraepithelial squamous cell car-cinoma that usually presents as a solitary lesion. We report four similar cases of a peculiar andwell-delimited clinical subset of multiple Bowen’s disease seen in the lower limbs in elderlywomen and associated with specific therapeutic problems.Observations. — Four women aged over 70 years presented with multiple CBD limited to thelower limbs associated with squamous cell and superficial basal cell carcinomas along withactinic keratosis. No significant aetiological factors were present apart from chronic sun expo-sure other than one case possibly involving immunodeficiency. The four patients were treatedusing photodynamic therapy, and partial clinical response and good tolerance were observed.Discussion. — These four cases share numerous clinical similarities: elderly women, markers ofchronic sun exposure, lack of other aetiological factors such as arsenic or irradiation, localiza-tion of the lesions (multiple and/or continuous layer pattern, restricted to the lower limbs inall cases) and a chronic course. The frequency of this subset is probably underestimated due toabsence of biopsies or to inconclusive histology reports. Photodynamic therapy yields valuable

ns des lésions de MBC multiples en nappes, histologi-uement démontrées, sur les faces antérieures des deuxambes (siège d’un œdème chronique important) et de lauisse droite, associées à des kératoses actiniques du doses mains et du front et à un antécédent de carcinome

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pidermoïde du cou traité chirurgicalement trois ans aupa-avant. L’examen histologique d’une lésion évolutive et plusnfiltrée de la jambe droite montrait par ailleurs un car-inome épidermoïde compliquant une MBC préexistante.’interrogatoire retrouvait là encore une photoexpositionncienne et importante, isolée. Parallèlement, l’apparitionlus récente de nodules violacés des bras conduisait à uniagnostic de lymphome B systémique à petites cellules deocalisation cutanée et ganglionnaire, traité par chlorambu-il. En raison de la faible efficacité du 5-fluorouracil (5-FU)n crème (Efudix®, une application par jour, cinq joursur sept pendant quatre semaines), deux cycles de deuxéances de MAL-PTD ont été réalisés à un mois d’intervalle.es lésions de MBC ont alors progressivement diminué enombre, tandis que le carcinome épidermoïde était retiréhirurgicalement. Trois mois après la dernière séance deTD, la patiente décédait d’une infection pulmonaire.

as no 3

ne patiente était une femme de 72 ans, sans facteur deisque carcinologique cutané particulier en dehors d’unehotoexposition importante, avait développé depuis huitns des MBC multiples documentées histologiquement,’étendant progressivement mais en restant strictementocalisées aux dos des deux pieds, associées à des car-inomes basocellulaires superficiels multiples de la facentérieure de la jambe gauche et à un carcinome épi-ermoïde de l’épaule droite. Compte tenu des conditionsocales (œdèmes chroniques des membres inférieurs etarices saphènes internes), le choix thérapeutique s’estorté sur des séances de MAL-PTD. Cinq cycles ont été effec-ués en 18 mois sur le dos des pieds et la jambe gauche,raitement bien toléré qui a permis une nette améliora-ion clinique avec disparition apparente de plus de 50 % desBC et des carcinomes basocellulaires superficiels (Fig. 1).

n traitement complémentaire par imiquimod topique ansuite été mis en place, bien toléré mais d’efficacité limi-ée. Parallèlement, le carcinome épidermoïde de l’épauleroite a été retiré chirurgicalement.

igure 1. Persistance d’environ 50 % des lésions de maladie deowen cutanée après photothérapie dynamique chez la patienteo 3.

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G. Maury et al.

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ne patiente âgée de 75 ans, était adressée pour desésions hyperkératosiques multiples en nappes des facesntérieures des jambes et en éléments isolés sur le doses mains. Ces lésions évoluaient depuis environ dix ansans un contexte de photovieillissement majeur succédant àne exposition solaire chronique intense. Les éléments desembres inférieurs, siège par ailleurs d’un œdème chro-

ique, étaient identifiés histologiquement comme des MBC à’exception d’un carcinome basocellulaire infiltrant et sclé-odermiforme de la jambe gauche ; les lésions des mainsorrespondaient à des kératoses actiniques. Les MBC ontnitialement été traités par des applications d’imiquimodopique (cinq jours sur sept pendant 30 jours), sans résultatlinique satisfaisant. Deux cycles de MAL-PTD comprenanthacun deux séances ont ensuite été réalisés à un mois’intervalle, avec une bonne tolérance et une améliora-ion significative mais incomplète, tandis que le carcinomeasocellulaire était retiré chirurgicalement. Le résultat cli-ique s’est maintenu pendant neuf mois, puis des lésionsyperkératosiques sont progressivement réapparues sur leseux jambes, de nouveau identifiées comme des MBC. Troiséances supplémentaires de MAL- PTD ont alors été effec-uées uniquement sur la jambe gauche, la jambe droiteervant de témoin comparatif d’efficacité. Aucune diminu-ion significative du nombre de MBC n’était cette fois notéeur le membre traité par MAL-PTD, dont la tolérance se révé-ait par ailleurs médiocre. Un essai de traitement par 5-FUopique devait être rapidement interrompu en raison d’unerès mauvaise tolérance locale.

iscussion

es quatre observations de MBC multiples des membres infé-ieurs partagent un grand nombre de caractéristiques et des-inent un tableau assez particulier pour être individualisé.

La distribution des lésions est comparable dans les quatreas avec, comme l’avait déjà montré Cox en 1994 [1],ne atteinte élective des zones situées sur les membresnférieurs et soumises à une photoexposition chronique etrolongée : il s’agit donc essentiellement de femmes déve-oppant, probablement pour des raisons liées à l’absence derotection vestimentaire (port de la jupe), des lésions pré-ominant sur les faces antéro-externes des jambes et le doses pieds. L’aspect clinique est assez typique de MBC, avecne dominance de lésions hyperkératosiques parfois verru-ueuses, mais le caractère multiple, parfois en nappes, et’évolution chronique sur plusieurs années apparaissent trèsaractéristiques de cette forme clinique et en font toute’originalité ainsi que la difficulté de prise en charge. CesBC multiples s’associent par ailleurs dans nos observationsd’autres types de carcinomes cutanés photo-induits, baso-ellulaires ou épidermoïdes invasifs (présents chez toutesos patientes), situés soit à distance (une patiente), soiturtout dans la même zone que les MBC multiples (trois

atientes). Dans certains cas, il semble que ces carci-omes puissent venir compliquer une MBC plus ancienne,insi que l’illustre notre patiente no 2, alors qu’une tellevolution est habituellement considérée comme assez rareans la MBC en général. C’est dire l’importance de vérifier

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histologiquement toute lésion suspecte dans ce contexte,même si l’identification clinique de telles lésions se révèleen fait aléatoire au sein de nappes hyperkératosiques ou ver-ruqueuses étendues. C’est donc surtout l’évolutivité, plusque l’aspect clinique proprement dit, qui va guider la véri-fication histologique.

Par ailleurs, les caractéristiques épidémiologiques deces MBC sont remarquables. Les lésions touchaient danstous les cas des femmes de plus de 70 ans présen-tant des marqueurs d’exposition solaire chronique majeure(kératoses actiniques, lentigos solaires, carcinomes baso-cellulaires et épidermoïdes), la photoexposition chroniqueétant d’ailleurs le principal élément causal reconnu desMBC [2]. Les autres facteurs étiologiques pertinents deMBC sont l’exposition à des carcinogènes chimiques telsl’arsenic et des irradiations antérieures, thérapeutiques ouaccidentelles [2]. En revanche, l’infection HPV n’est pasparticulièrement fréquente dans la MBC cutanée en général(sauf les MBC des extrémités, notamment sous-unguéales,chez les patients immunodéprimés), à l’inverse de sonéquivalent muqueux, et l’association à des néoplasies pro-fondes est une notion controversée [3,4]. Une exposition àdes carcinogènes chimiques ou une irradiation antérieuren’était retrouvée dans aucun de nos cas et il n’existaitpas d’élément en faveur d’une infection à HPV, tant sur leplan histologique qu’en biologie moléculaire. Aucun examenmorphologique à la recherche d’une néoplasie sous-jacenten’a été réalisé chez nos patientes nos 1, 3 et 4 en raisonde l’absence de signe clinique d’appel. Une immunosup-pression, facteur aggravant potentiel (comme le démontrel’augmentation de fréquence de la MBC chez les greffésd’organe), était probablement présente chez notre patienteno 2, atteinte d’un lymphome. Cette possibilité est d’ailleursillustrée dans la littérature médicale par l’observation d’unhomme atteint de leucémie lymphoïde chronique qui pré-sentait des lésions de MBC plurifocales des mains et des piedssans stigmate d’infection HPV [5]. Cox avait rapporté en1994 quelques cas très proches de MBC multiples sous formede lésions étendues des jambes chez des femmes âgées de55 à 87 ans, également sans facteur étiologique retrouvé endehors d’une exposition solaire prolongée [1]. Il est possibleque la fréquence réelle de cette forme clinique particulièresoit sous-estimée en raison du caractère souvent peu contri-butif de l’examen histologique, ou de l’absence de biopsie.

Il faut en effet insister sur la difficulté toute particulièredu diagnostic de MBC dans cette forme clinique. Le diagnos-tic devrait être évoqué de facon systématique en fonction dela topographie et des circonstances épidémiologiques (zonessoumises à une photo-exposition ancienne et chronique).Toute la difficulté est ensuite d’identifier les lésions de MBCau sein de téguments remaniés, siège de zones hyperkéra-tosiques en nappes, et d’effectuer un choix judicieux dessites de biopsies. De plus, l’interprétation histologique desbiopsies n’est pas toujours évidente, pour les mêmes raisonsqui gênent le diagnostic clinique. Il est donc nécessaire deréitérer les biopsies si le doute persiste, et d’être vigilant enraison de la fréquence de l’association avec des carcinomesinvasifs de tous types, comme l’illustrent nos observations.

Le traitement de ces formes multiples représente unvéritable défi thérapeutique en raison des difficultés decicatrisation après chirurgie, liées à la topographie deslésions, à la présence d’un œdème local très fréquent

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t au contexte général, et de l’effet irritant qui limiteouvent l’emploi de l’imiquimod ou du 5-FU topique. Laryothérapie, qui doit être appuyée et prolongée pour êtrefficace dans la MBC, pose également des problèmes deicatrisation sur les jambes de ces patientes âgées. La PTDst une option thérapeutique intéressante dans la MBCvec, selon des études randomisées multicentriques [6,7],n taux de récidive minimal et moins d’effets secondairesue le 5-FU topique ou la cryothérapie. Une de ces études6] a comparé 20 patients traités par PTD à 20 autres traitésar 5-FU topique. Initialement, l’évolution était favorablehez 88 % des malades du groupe PTD contre 66 % de ceuxu groupe 5-FU ; surtout 10 % des patients avaient récidivé12 mois dans le groupe PTD contre 30 % dans le groupe

-FU ; des effets secondaires étaient rapportés chez 40% desatients du groupe 5-FU (irritation, eczéma, ulcérations,rosions) contre aucun dans le groupe PTD ; enfin, la douleurtait identique dans les deux groupes. Une autre étudeandomisée [7] a démontré qu’une lésion de MBC avaitne probabilité significativement plus élevée de disparaîtreprès une séance de PTD qu’après une séance de cryothéra-ie, et cela sans les effets secondaires à type d’ulcérationt de surinfection qu’on peut observer avec la cryothéra-ie. Une étude non randomisée [8] a également montré’efficacité de la PTD dans les MBC, avec 60 % de réponsesomplètes à un an après une séance de PTD et 80 % aprèseux séances. Enfin, une étude récente [9] portant sur 112ésions de MBC ou carcinomes basocellulaires superficiels,raités par deux séances de PTD à une semaine d’intervalle,montré un taux de réponse totale de 73,2 % à trois mois

t 53,6 % à deux ans, toujours avec une bonne tolérance.La PTD offre par ailleurs, tout comme les topiques au

-FU, à l’imiquimod ou au diclofénac, la possibilité de trai-er des « champs de cancérisation », c’est-à-dire des zonesutanées où des cellules épithéliales engagées sur la voiee la transformation cancéreuse sont déjà présentes mais neont décelables ni cliniquement, ni même histologiquement.e concept, déjà utilisé pour les kératoses actiniques [10],ourrait parfaitement s’appliquer aux MBC multifocales sur-enant sur de larges zones photoexposées des jambes. Dansette optique, la PTD permet un traitement global de toutene zone en deux à quatre séances, de facon probablementlus satisfaisante en termes d’observance que des applica-ions quotidiennes de produits locaux, et avec une bonneolérance et des résultats cosmétiques satisfaisants. La PTDourrait donc répondre de facon pertinente au problèmehérapeutique posé par ces patientes, où le caractère pluri-ocal et étendu des lésions, l’âge avancé et la topographiemembres inférieurs, siège d’œdèmes chroniques parfoisssociés à des varices) rendent les alternatives thérapeu-iques, notamment chirurgicales, délicates [11—13]. Cetteechnique a permis effectivement d’obtenir une rémissionlinique partielle chez toutes nos patientes, avec une bonneolérance. Toutefois, ce bénéfice était incomplet et s’estévélé fragile, avec une récidive à neuf mois chez uneatiente. Ce caractère incomplet et limité dans le tempsst peut-être lié au terrain local particulier, marqué par desroubles vasculaires et un œdème chronique des membres

nférieurs. L’intérêt de la PTD mérite donc d’être confirméar des études à plus grande échelle avec un suivi plus pro-ongé, avant de la recommander en première intention danses situations.

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En conclusion, les MBC étendues et multifocales desembres inférieurs des femmes âgées, sans autre facteur

tiologique qu’une forte photoexposition chronique, repré-entent une forme clinique très particulière de diagnosticélicat et probablement sous-estimée. Il est important deépéter les biopsies en cas de doute clinique persistant.a PTD pourrait constituer une alternative thérapeutiquentéressante.

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