Merleau Ponty Habitus

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  • 8/17/2019 Merleau Ponty Habitus

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     프랑스문화연구」 제21집

    2 01 0. p p. 3 47 ~3 68

    Une généalogie de la notion d’habitus*

    - Merleau-Ponty et Bourdieu -

    1)H on g S eo ng -M i n**

    차 례

    Ⅰ. Introduction

    Ⅱ. Le «schéma corporel» chez

    Merleau-Ponty  Ⅱ. 1. L a d éf ini ti on d u s ch éma

    corporel

      Ⅱ.2. Aut rui e n t ant

    qu’intercoporéité

      Ⅱ. 3. L a l ib er té d ans l ’e spa ce

    social

    Ⅲ. Q ue l qu es a pp li c at i on ss oc io lo gi que s d e l a no ti on

    d’habitus.

    Ⅳ. La différence de la notion

    d’habitus.

    Ⅴ. L a c onc lus io n

    1. Introduction

    Me rl ea u- Po nt y e st u n a ut eu r d on t B ou rd i eu r ec on na ît e xp li c it em en t

    l’ influence dans ses livres. La critique qu'il fait de la philosophie de

      * Th is ar ti cl e wa s suppo rt ed b y r esea rc h f und s fr om Don g-A Uni ve rsit y* * D on g- A Un iv er is ty , D ep ar tme nt o f P ol it ic s

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    Sar tre est r end ue po ssi bl e pa r l a b ase é pi st émo lo gi que que l ui f our ni t

    Me rl ea u- Po nt y, q ui s ’o pp os e n et te me nt a u s ub je ct iv is me s ar tr ie n. De

    mani ère pl us expl ici te, Bourdieu, so uli gnant dans Le Sens prati que

    l’ importance de "l’ objectivation de l’objectivation", insiste sur la

    nécessité de penser "l'impensé" - concept qu'il emprunte à

    Merl eau-Ponty -, po ur mettre à l 'épreuve l e présupposé théorique àpartir duquel on aborde l’action humaine. En outre, dans La

    Distinction, Bourdieu emploie, sans même le citer, le concept

    merleau-pontien de "schéma corporel", qui est développé dans la

    P hé no mé no l og ie d e l a p er ce pt i on .

    Il n’est toutefois pas facile de mettre au jour l’influence de

    Merl eau-Ponty dans l es travaux sociol ogi ques de Bourdi eu, étant

    donné qu'il ne recourt à la philosophie de ce dernier que pour

    l ég it i me r s a p os it i on c on tr e l ’ an th ro po l og ie s ub je ct i vi st e, e n p ar ti cu li e r

    celle de Sartre .on peut en mentionner, entre autres, ceux de H.

    Dreyfus et P. Rabinow1 ), de J. Ostrow2 ) , de P. Corcuff      3 )  et de L.

    PintoL4 ).

    1) P. Rabinow and H. Dreyfus, “Can there be a science of ExistentialS tr uc tu re a nd s oc ia l Me an in g? ” i n  Bourdieu : Critical Perspective, PolityP re ss , 1 99 3.

    2) J. M. Ostrow, "Culture as a Fundament al Dimension of Experience : ADiscussion of Pierre Bourdieu’s Theory of Human Habitus",  Human

    Studies, n° 4, 1981, pp. 279-297 ; Soci al Sensit ivit y: A study of Habi t and        Experience, S tat e Uni ve rsi ty of Ne w Yo rk Pr ess, 1 99 0.3) P. Corcuff, “Théorie de la Pratique et Sociologie de l’action. Anciens

    p ro bl èm es e t n ou ve au x h or iz on s à p ar ti r d e B ou rd ie u” , d an s     Actuel M arx ,n °2 0, o ct ob re , 1 99 6, p p. 27 -3 8.

    4) L. Pinto, “La t héorie en prat ique”, Critique, a oû t- se pt em br e 1 99 5, p p.610-630.

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    Il est donc évi dent que l 'affi ni té élect ive entre Merleau-Ponty et

    Bourdieu s’ inscrit dans l e cadre de pro bl émati ques phi losophiques

    f on da me nt al es , o ù l a n ot io n b ou rd ie us ie nn e d ’h ab it us t ro uv e u n a pp ui

    profond. Il est donc nécessaire à notre sens de procéder aussi à une

    évaluation de la philosophie de Merleau-Ponty d'un point de vue

    sociologique. Le sens de l’habitus bourdieusien apparaîtra plusclairement dans la perspective globale de ce que nous avons appelé

    "l a généal ogi e de l a phil osophi e du corps". Le détour par cet auteurs

    s’ impo se en effet, dans l a mesure où son i nfl uence a été décisive pour

    la formation de la notion bourdieusienne de l’habitus. Le démarche

    que nous adopterons en conséquence est do ubl e: i l s’ agira d’ abord de

    faire voir quel projet Bourdieu tire du travail conceptuel de ce

    penseur pour ses enquêts sociologiques et , en deuxième lieu, et de

    ma ni èr e c omp lé me nt ai re , d e m on tr er à l ’o eu vr e l a ph il os op hi sa ti on d e

    la notion de l’habitus, qui ne se réduit pas àsa seule signification

    s oc io l og iq ue , ( ma is q ui l ’ ex cè de ).

    Ⅱ. Le «schéma corporel» chez Merleau-Ponty.

    Ⅱ-1. La définition

    Si le corps est l’ensemble des conditions concrètes qui rendentpossible la rencontre entre le sujet percevant et l’objet perçu,

    comment un sens unit ai re peut-i l s’ af firmer à parti r du corps propre,

    qui a pour fonction de réaliser le projet existentiel? C’est pour

    ré po nd re à ce tt e ques ti on que Mer leau- Po nt y f ai t i nt erv eni r l a n ot io n

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    de schéma corporel. Comme l e sujet percevant qu’ il décri t di ffère de

    cel ui de l a phi losophi e transcendantal e classi que, dans l a mesure où

    cette dernière présuppose une conscience pure et transparente, le

    corps pr opre n’ apparaî t pas à ma perceptio n co mme «un assemblage

    d’ or gane s j uxt apo sé s d ans l ’es pac e» , mai s co mme l e s ché ma co rpo rel

    grâce auquel l e sujet percevant ti ent ensembl e tous l es organes.Empr unt ée au l exi que d e l a psyc ho log ie mo der ne po ur c ar ac té ri ser

    l’unité spatiale et temporelle, l’unité intersensorielle et l’unité

    sen so ri -mo tr ice, l a no ti on d e sc héma c or po rel no us appre nd a in si que

    l’unité du sens n’est possible qu’à travers «une prise de conscience

    globale de ma posture dans le monde intersensoriel, une "forme" au

    s en s d e l a G es ta lt ps yc ho lo gi e. »5 ) 

    D’ après Merleau-Pont y, l’ acqui si ti on de l’ habi tude, qui consiste

    dans l e remani ement et le renouvel lement du «schéma corporel », est

    « la s ai si e mo tri ce d ’une s ig ni fi ca ti on»6 )  a ct ue ll eme nt f or mu lé e d an s

    l ’e spa ce . L ’h ab it ud e s e p ré se nt e a in si e ss en ti el le me nt c omm e mo tr ic e

    e t p er ce pt i ve .

      Mer le au- Po nt y, r ej et ant l ’anal ys e r éf lex iv e, qui ne sa is it l e s uj et

    et l’objet que sous forme d’idées, propose de ce fait une «analyse

    exi st enti el le». Il faut sel on l ui anal yser l ’expéri ence qui étai t déjà l a

    mi enne en me replaçant dans le suj et inf ini , tout en repl açant l ’objet

    dans les relations qui déjà le sous-tendaient. C’ est à cet endroit que

    la discussion du corps individuel se transforme en discussion du

    corps social. Il est vrai que Merleau-Ponty n’ emploie jamais cette

    expression de «corps social», mais elle est implicitement présente

    5 ) M er l e au P on t y. , bid., p. 11 6.

    6) Merleau-Ponty.,  Ibid    ., p. 167.

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    dans les textes où il est question du «schéma corporel» dans sa

    d ime ns io n s oc ia le , c ’e st -à -d ir e d u « co rp s s tr uc tu ré » a ve c a ut ru i d an s

    l’espace social.

    En effet, soul ignant l ’importance de l ’expéri ence di recte mi se en

    ava nt pa r l ’an al yse exi st ent iel le, Mer leau- Po nt y s e pr op os e c omme

    tâche, dans la Phénoménologie de la perception, de décrire le corpscomme «lieu de l’appropriation» du sens du monde. Pour mener à

    bien cette tâche, il faut, écrit-il, «considérer pour finir le secteur de

    notre expérience qui visiblement n’a de sens et de réalité que pour

    nous, c’ est-à-dire notre milieu affectif.»7 ). En d’autres termes,

    chercher à voir comment un objet ou un être se met à exister pour

    nous par le désir ou par l’amour nous aide à mieux comprendre

    comment des objets et des êtres peuvent exister en général. Notre

    a ff ec ti v it é i nd i vi d ue ll e - « pl a is ir s» , « do ul eu rs », « am ou r» , « se xu al i té » -

    renvoie ainsi par analogie à l’ affectivité en général ; elle n’a donc de

    si gni fi cat io n mé ta phys ique que d ans l e c ad re d e l a d ia le ct ique d u mo i

    e t d ’ au tr ui .

    II-2 Autrui en tant qu’intercoporéité :

      Au dualisme sartrien, dans lequel le regard d’ autrui a le pouvoir

    d’aliéner et d’objectiver le moi s’oppose le monisme corporel de

    Merleau-Ponty, qui n’envisage le regard d’autrui que dans sacommuni catio n possibl e avec le mo i. Un ti mi de ne se consti tue ainsi

    qu’à travers sa croyance qu’autrui le voit comme tel ; il se résigne

    donc à se voir lui-même à travers les yeux des autres, ce qui veut

    7) Merleau-Ponty.,  Ibid., p. 180.

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    dire qu’il tente de comprendre ce qu’il est par ce qu’ils diront de lui.

    Par conséquent, le corps merleau-pontien ne se réduit pas

    si mpl ement à l a dual ité suj et-objet , mai s est un corps parl ant dans la

    mesure où il ne peut dépouiller le regard d’autrui de sa dimension

    expressive qu’en le réduisant à cette seule dimension, elle-même

    réduite au contenu signifié du langage. Ainsi, comme lacompréhension d’autrui n’est possible qu’à partir du langage,

    c’est-à-dire de l’expression corporelle, l’étude du langage nous

    conduira de toute évidence à la dimension du corps social. Le corps

    est d onc ess ent iel lement expre ss if , pui sque l a s exua li té , l a pudeur , l a

    haine, etc., n’ont lieu d’être que dans une communication possible.

    C’est du moins ce que «la généralité de la perception» nous permet

    d’affirmer. Le corps comme expression et comme parole est, en ce

    sens, l a voi e royale vers un «schéma corpor el soci al».

    L’intersubjectivité signifie, de ce fait, d’après Merleau-Ponty,

    l ’appar te nanc e d e t out s uj et i nd ivi duel à l a g éné ra li té d’ un mo nd e. Le

    terme de «généralité» renvoie d’une part à l’existence charnelle, à

    l’intercorporéité et, d’autre part, à la pluralité des consciences

    individuelles, l’accent étant alors mis sur la singularité de chacun.

    Pour chaque sujet i nd ivi duel , la r elat ion avec aut rui est donc à la foi s

    ré ci pr oque et as ymé tr iqu e : aut rui appr és ent e me s s it ua ti ons vé cues

    et mo i l es si enn es, ma is j e n e peux, ri go ureus eme nt par lan t, épr ouver

    ce qu’il éprouve ; je ne peux qu’apprésenter ce qu’il vit et non le

    vivre moi-même.

    Toutefois, chaque sujet, en tant qu’être charnel, possède ses

    per spe ct iv es pr opr es . Co mme l e mo nd e est t ouj our s r epr is par c haque

    sujet individuel, que le projet du monde se fait à partir de la

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    subjecti vi té et des perspecti ves de chacun, Merl eau-Pont y préf ère

    parler d’un «intermonde» où non seulement je vis avec les autres,

    mais où je conclus aussi un pacte avec eux.

    II-3. La liberté dans l’espace social :

    D’après Merleau-Ponty, c’ est la liberté qui rend possibles une

    nouvelle perception et de nouvelles significations. Elle n’est

    el le -mê me po ss ibl e que d ans l e ch amp auquel ap pa rt ien t l e c or ps . « La

    co uc he o ri gi nai re» , d an s l aquel le s’ insc ri t t out e per cept io n, peut d e c e

    f ai t ê tr e co ns id ér ée co mme l e l ieu où l e s uj et es t hi st or iqueme nt s it ué

    et où apparaît clairement la structure de l’habitude, qui nous donne

    les moyens de réf léchir sur l a li berté humai ne.

    On ne peut penser la liberté, d’après lui, sans prendre en

    considération le «champ» qui est le sien ; ainsi, si la liberté est bien

    une mani èr e d’ être au monde comme nous l ’avons montré pl us haut,

    elle a un champ de «possibles privilégiés».8 ). Ainsi, pour être

    vé ri ta bl emen t l ib re, i l f aut ren onc er a ux pré ju gé s sur l e mo nd e, pa rc e

    qu’«il n’y pas de liberté sans champ»9 ).

    Or cette noti on de champ, qu’ on peut comparer à l ’«espace soci al »

    do nt pa rl e Mer le au- Po nt y, mé ri te un e an al yse d ét ai ll ée , c ar e ll e no us

    é cl ai re sur l a s péc if ic it é d e l a l iber té mer le au -po nt ienne . C ’es t en ef fet

    dans l’espace social que Merleau-Ponty transpose la notion decl assede Sartre po ur criti quer l a concepti on que ce dernier se fai t de

    8 ) Il n’y a donc pas de choix total, exempt de t oute déterminat ion : tout choixs up po se « un a cq ui s p ré al ab le » M er ea u- Po nt y. ,  Ibid., p. 501.

    9) Merleau-Ponty.,  Ibid    . ( no us s ou li gn on s) .

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    la liberté. Il convient donc de porter notre attention sur le problème

    de la consci ence de cl asse soul evé par Sartre et repr is d’ une mani ère,

    il est vrai, tout à fait opposée par Merleau-Ponty. Il est essentiel

    pour notre propos de souligner le désaccord de ces deux auteurs au

    sujet de la définition de cette notion de classe ; on sait en effet que

    Bo ur di eu c ri ti quer a pa r l a s ui te « la c lass e d u po ur -s oi sa rt ri enn e» d upoint de vue de l’anti-subjectivisme dans Le Sens pratique, tout en

    pr opo sant un e no uv el le d imens io n d e l a c on sci enc e d e cl as se d an s La

    Distinction.

    Le «moi » est donc une st ructure psychol ogi que et historique en ce

    sens qu’il a une manière d’exister, un style de vie particuliers.

    Merleau-Ponty est ici très proche de l’analyse sociologique que

    Bourdieu mène dans La Distinction. Étant donnéen effet que la

    so ci ét é es t u ne st ruct ur e f ond ament al e d e l ’ex pé ri en ce i nd iv id ue ll e et

    que l ’ac ti on i nd iv idue ll e env el oppe une di al ec ti que du mo i et d ’a ut rui ,

    l’ intersubject ivi té ne s’ accompl it véri tabl ement que dans un cadre

    so ci al . L ’ac te l ib re do it d on c ê tr e i nt er pr ét é c omme une pr axi s s oc ial e,

    t out e a ct io n n’ ét ant po ss ibl e qu’ avec l ’a cc ord de l ’i ns ti tut io n s oc ia le.

    C’est donc dans le processus de sédimentation historique et de

    l ’ha bi tua ti on s oc ia le que no us po uvo ns d is cer ner l es ar ti cul at io ns du

    « sc hé ma c or po re l» , c om pr i s c om me l i be rt é c on di t io nn ée .

    Il est po ss ib le, à ce rt ai ns é gar ds , d’ envi sager l ’o euvr e d e Bo ur di eu

    comme une recherche sur le corps phénoménal situé dans l’ espace

    vécu. Il est permis de ce fait d’associer le «schéma corporel»

    phi loso phi quement établ i à la not ion d’ habit us pri se dans son usage

    sociologique.

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    Une généalogie de la notion d’habitus 355

    Ⅲ. Quelques applications sociologiques de la

    notion d’habitus.

    Au cours d’une enquête réalisée dans trois villages arabes et

    relatée dans son pr emier l ivre, So ci ol ogie de l 'Algéri e, i l étudi e ai nsi

    les changement s de struct ure économique et des mental ités. Dès ce

    p re mi er o uv ra ge , i l s 'i nt ér es se d on c e ss en ti el le me nt à l a r el at io n e nt re

    l’ agent et le mo nde, entre la subj ecti vit é et l ’objecti vité. Mai s avant

    de procéder à cette lecture, il faut voir comment la notion d’ habitus

    se constitue et identifier l'origine philosophique à laquelle elle se

    rapporte, en prenant Algérie 60 comme point de départ parce que ce

    dernier est une sorte de résum é de Sociologie de l'Algérie .

    Bourdieu se demande dans ce livre dans quelles conditions et de

    q ue ll e ma ni èr e l es pr at iq ues s e t ra ns fo rme nt e n e xi ge nc e é co no mi qu e.L ’é ch an ge mo né ta ir e e t l ’i ns ta ll at io n d u c ré di t, q ui s on t a bs ol ume nt

    nécessaires à l a consti tuti on du capit al isme, ne peuvent en effet être

    ac cep té s qu’ à l a c ond it io n d ’une " ré inv en ti on cr éa tr ic e" qui s épar e l a

    tradition mécanique et forcée du mode d’action de la société

    pr éc api tal ist e. Pou r c ompr end re l ’es se nt iel de l a t hè se d e no tre aut eur

    à ce sujet, i l f audrai t en f ai t résoudre la questi on sui vante : pourquo i

    un système économique bien implanté et soi-disant capitaliste, ne

    correspond-il pas directement au changement de la conscience

    économique ? La réponse de Bourdieu est que la structureéconomique ne crée pas purement et simplement la conscience

    économique

    Ce qu'il nous faut retenir ici, c'est la mise en évidence d'une

    relation entre l’ expérience de la durée et l’expérience de l’activité.

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    Trai tant dans ce texte du même suj et que dans Al géri e 60, Bourdi eu

    y est cependant beaucoup plus proche du problème phi lo sophi que de

    "l ’acti on du temps", problème qui peut êt re éclai ré par la l ecture que

    no us av ons a ppel ée sympt ômal e. C et te ac ti on d u t emps es t expl iquée

    de la manière suivante : l’ abîme créé par le changement de contexte

    é co no mi que d ivi se l ’act io n t rad it io nn el le en d eux f ormes, l ’une qui estintégrée dans la conduite capitaliste et l’autre qui demeure dans la

    c at ég or ie t ra di ti on ne ll e, s ou s l a f or me d e r ég re ss io n f or cé e. C ’e st a in si

    que la vie des sous-prolétaires algériens, situation comparable au

    chômage, se disti ngue de l ’existence des "f ellahs" d’ autref oi s, car le

    st ér éo type de c haque co nd ui te a un e o ri gi ne d if fé rent e.

    Cette di fférence d’ ori gi ne repose sur l a co nsci ence qui maî tri se le

    pr és ent et qui pré vo it l ’ave ni r. Le co nt ext e d if fé re nt , r ésul ta nt d 'une

    situation économique différente, provoque en effet une prise de

    conscience diff érente du présent et du futur, et crée en f in de co mpte

    une attitude différente envers le temps. C'est à cet endroit

    qu'intervient le second thème philosophique de Bourdieu : "la

    conversion de l ’atti tude". Si nous procédo ns à présent à une l ect ure

    symptômale de la conduite économique, il est possible, selon

    Bourdieu, d'affirmer que la conscience économique n’est pas

    co rr él at ive au c han geme nt é con omi que. La co nd ui te pr és ent e d an s l e

    do mai ne économi que do it être ai nsi expli quée par l’ ant ici pati on du

    f ut ur , l ’a ct io n pré sent e d es so us- pro lé tai res dé pen da nt d’ un pl an d’ "à

    venir". Les sous-prolétaires appréhendent en effet de la manière

    synthétique dans leur présent ce qui est à venir, à travers un lien

    consciemment ou inconsciemment établi avec leurs expériences

    antérieures. C’est là la raison pour laquelle Bourdieu souligne la

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    Une généalogie de la notion d’habitus 357

    d if fé re nc e e nt re p ré vo ya nc e e t p ré vi si on .

    Après avoir passé 6 ans en Algérie, Bourdieu mène une autre

    enquête soci ol ogi que dans un pet it vi llage béarnais du sud-est de l a

    France. S' intéressant cett e f oi s au rapport entre cél ibat et condi ti on

    paysanne, il remarque que l e cél ibat y est tr ès mal perçu. "Commentexpliquer, dans ces conditions, que le célibat des hommes soit vécu

    comme excepti onnel lement dramati que et totalement insoli te?"1 0 )

    Ainsi, de même que les sous-prolétaires algériens se sont trouvés

    écartelés dans le temps entre tradition et modernité, de même, les

    célibataires béarnais se sont mal adaptés à la situation issue de la

    guerre. Il s sont eux aussi pri s entre l es deux pôl es contradi cto ires de

    la tradi ti on et de l a modernit é. Bourdieu ne met t outefoi s pas l’ accent

    ici sur l a rel ati on ent re l e temps et la co nsci ence, mai s sur cel le entre

    la situati on soci al e et l a conscience intérieure. La valeur soci al e est

    ai nsi beaucoup plus souli gnée que dans l 'étude sur l' Al géri e. C’ est

    d'ailleurs à cette occasion qu'il introduit pour la première fois la

    notion d’habitus.

    D’après Bourdieu, la guerre a mis un terme àcette logique du

    mar iage t rad it io nne l. L’ in fl at ion c ons éc ut ive à l a guer re a a insi br isé

    l’ équival ence entr e l a dot comme part du patrimoi ne et la dot comme

    donation faite à ceux qui se marient. Le statut social, ou le style de

    vie corrélatif, acquiert bien plus d'importance à mesure que

    l’importance de l’économie décroît ; à l’ébranlement de la base

    é co no mi qu e q ui a s ou te nu l ’é ch an ge ma tr imo ni al v ie nt a in si s ’a jo ut er

    1 0 ) B o ur d ie u , " C él i ba t e t c o nd i ti o n p ay s an ne " , Études rurales, avril-septembre1962, p. 33.

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    la nouvelle valeur sociale. Il s'intéresse à cet égard plus

    pa rt ic ul iè re me nt à l ’a tt it ud e i nd iv id ue ll e d an s c e t yp e d e r en co nt re .

    C'est l à l e poi nt essenti el sur l equel nous voul ions i nsister pour ce

    qui est des rapports qu'entretient Bourdieu avec la philosophie de

    Merleau-Ponty. L’ habitus doit ainsi être considéré dans un milieu

    so ci al : " le r ega rd d ’a ut rui ", " le se nt imen t" , " l’ espac e s oci al ", " le co rpsso ci al " so nt quel ques -uns d es é lé men ts qui peuv ent ê tr e r el evé s d ans

    ce contexte. C’est pour cela que, malgré la filiation évidente qui

    exi st e ent re Bo ur di eu e t Mer lea u- Po nt y, no us no us so mmes e ff or cé s

    de relire l'oeuvre de ce dernier d’un point de vue qui soit adapté à la

    p ro bl éma ti qu e d e n ot re a ut eu r, e t q ui r ec ou pe c el le d e Me rl ea u- Po nt y,

    surtout en ce qui concerne l’analyse des styles de vie dans La

    Di st in ct io n. Cet te l ect ur e a mi s en é vi denc e l a po rt ée s oci ol ogi que d e

    la pensée merleau-pontienne.

    Il est toutefois imprudent d'affirmer que Bourdieu adopte

    c on sc ie mme nt l es t hé or ie s d e Me rl ea u- Po nt y, mê me s i l eu r i nf lu en ce

    sur ses études empiriques est incontestable. Sa préoccupation

    maj eur e, en t ant que s oc io lo gu e, co mme l e mo nt rent l es é tud es f ai tes

    sur le terrain dans sa jeunesse (celles sur la Kabylie et sur le Béarn

    en particulier) consiste à analyser de manière dialectique l’action

    humaine, dialectique qui permet de saisir l’intériorisation de

    l’extériorité dans l’action. Il ne nous reste plus qu’à examiner la

    po rtée spécifi quement phi lo sophi que d e l a noti on d’ habi tus, qui , du

    fait qu’elle s’inspire des pensées et de Merleau-Ponty, finit par

    dépasser l e caché étroit de la sociologie pour se constituer comme

    u ne n ot i on p hi l os op hi qu e e ss en ti el l e.

  • 8/17/2019 Merleau Ponty Habitus

    13/22

    Une généalogie de la notion d’habitus 359

    Ⅳ. La diff érence de la notion d’habitus.

    Nous arrivons ici en quelque sorte à la raison d’être de la lecture

    cr oi sé e que n ous a vo ns t ent ée d e Bour di eu e t Me rl ea u- Po nt y, d ans l e

    but de mieux cerner la notion bourdieusienne d’habitus. Notre

    tentative de mettre en lumière les éléments constitutifs de cettenotion nous a ainsi conduit à nous rapporter à la tradition

    phi lo so phi que f ranç ai se. Tout ef oi s, bi en que Bo ur di eu r eco nna is se

    lui-même l’influence de ce dernier sur son oeuvre, leurs pensées

    diffèrent considérablement.

    1. La différence de problématique entre ces deux auteurs

    - phi lo so phi que ( phé no mé no lo gi que sur to ut ) po ur l ’un , so ci ol ogi que

    pour l’autre -, doit être ainsi soulignée, car c’est à travers

    l’explicitation de cette différence que nous pourrons saisir la

    spécificité de la pensée bourdieusienne. Néanmoins, la thèse

    bourdieusienne selon laquelle le sens culturel n’est pas égal d’un

    i ndi vi du à l ’aut re no us r évè le c la ir ement l ’é car t av ec Merl ea u- Po nt y.

    So n an al yse d e l a ma ni ère d ’êt re a u mo nd e n’ int ér ess e ai ns i Bo ur di eu

    que dans la mesure où elle lui permet de mettre au jour l’inégalité

    culturelle (symbolique) dans la société. Cela revient à dépasser le

    point de vue phénoménologique, y compris la position de

    Me rl ea u- Po nt y. Ma is s i l ’e ff et s ymb ol iq ue d e d omi na ti on e st t ou jo ur sinscrit dans le corps de chaque agent social par la faute de l’ habitus,

    n’est-il pas possible de songer à un nouvel habitus qui rendrait

    po ss ib le u ne no uv el le cul tur e? E n ef fet , co mme l ’age nt s oc ia l ne r es te

    pas toujours passif en face de l’inégalité sociale, il faut nous

  • 8/17/2019 Merleau Ponty Habitus

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    360 Hong Seong-Min

    demander si Bourdieu ne décrit pas de manière trop négative la

    f on ct io n d e l ’h ab it us .

    2. Bourdieu insiste sur le rôle des conditions sociales pour ce qui

    est de la production de l’habitus. La tentative sociologique de

    Bourdieu de saisir le sens «préréflexif»de la pratique dans la vie

    quotidienne nourrit des liens évidents avec la problématiquephi loso phi que de Merl eau-Ponty. L’ intérêt const ant que Bourdi eu

    montre pour la culture en est la preuve. Si la culture en tant

    qu’ expéri ence peut avec rai son être i nterpr étée comme l a rencontre

    du sujet avec le monde - le thème central de la phénoménologie de

    Merl eau-Ponty, sans aucun doute -, ell e permet de rendre compte de

    l’incarnation à la fois individuelle et sociale du sujet. En d’autres

    termes, si l a percepti on du sujet dans le champ phénoménal, au sens

    où l’entend Merleau-Ponty, se développe dans l’interaction

    i nt er subj ec ti ve, co mme no us l ’av ons vu pl us haut , l a cu lt ure est a lo rs

    la dimension fondamentale à laquelle renvoie la dialectique de

    l’expérience subjective et des conditions objectives dont parle

    Bourdieu1 1 ).

    3. La culture ne peut être étudiée qu’à travers la notion d’habitus,

    dans la mesure où celle-ci a pour fonction capitale de relier les

    d is po si ti on s h is to ri qu eme nt f or mé es d u s uj et a u c on te xt e s it ua ti on ne l

    qui est le sien pour ce qui est de la constitution d e la perception et

    de la conduite. A cet égard, il est intéressant de remarquer

    l’existence dans la sociologie de Bourdieu d’exemples similaires à

    11 ) L ’ouvrage que Bourdieu consacre à la photographie nous indique saposition en ce qui concerne la relation qu’il y a entre la culture etl’expéri ence (Bourdi eu, Un Art Moyen, Minui t, 19 93 ( ré éd. ), p. 20 ).

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    Une généalogie de la notion d’habitus 361

    ceux qu’ inv oque Mer lea u-Po nt y à pr opo s d es t hè me s p ri nci pau x que

    sont l e regard d’ aut rui , la per cepti on, l a modal it é des prati ques, etc.

    En premier lieu, en ce qui concerne le regard d’autrui, on peut

    renvoyer au troisième chapitre de La Distinction, où Bourdieu

    critique, on s’en souvient, «l’aliénation générique» de Sartre1 2 ).

    D’ ap rè s n ou s, l a t en ta ti ve b ou rd ie us ie nn e d e t ra ns fo rme r l ’a li én at io ngénérique de Sartre en un produit de la société s’appuie sur

    l ’i nt er pré ta ti on mer leau- pon ti enne. No us en vo ul ons po ur pr euve l e

    choix par Bourdieu de l’exemple de la timidité du petit-bourgeois

    pour i llustrer «l’ al iénati on soci al e» de cel ui qui est exposé au regard

    d’ aut rui , exempl e s an s c on tes te s imi la ir e à ceux que Merl ea u- Po nt y

    do nne d an s l a t ro is iè me pa rt ie d e l a Phé no mé no lo gi e de l a per cep ti on.

    Cet exe mp le e st l ongue ment d év el oppé d ans L a Di st in ct io n.1 3 )

    Pour ce qui est à présent du deuxième exemple de Bourdieu,

    c’est-à-dire de la perception, il est nécessaire de se référer à

    l’ ouvrage i nt itulé Un Art Moyen1 4 ). Comme le sens de l’expérience

    qu’on fait d’autrui s’exprime essentiellement à travers le rôle du

    corps, c’ est-à-di re de ce que nous avons appel é le «schéma corporel

    social»dans la philosophie de Merleau-Ponty, la tentative

    bo urd ieus ie nne de s ai si r l e co rps st ruc tur é d an s s a d imen si on s oc ia le

    se traduit dans la pratique dans son analyse de l’usage social de la

    photographie. A cet égard, la thèse merleau-pontienne, que nous

    1 2 ) Cf . B o ur d ie u ,  La Distinction, op. cit., p p. 2 28 -2 29 .13) Bourdieu.,  Ibid., p. 229. Ce qui est frappant à cet égard, c’est qu’alors

    même qu’ il r epr end l ’e xe mpl e me rl eau- po nt ien de l a t imi di té, Bo urd ieun ’e n me nt io nn e j ama is l a s our ce .

    1 4 ) B ou rd ie u, Un Art Moyen; Essai sur les usages sociaux de la      photographie, M in ui t , 1 9 93 .

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    362 Hong Seong-Min

    avons déjà exposée, d’ après laquel le la per cepti on est une mo dali té

    d’ une vue préobjective1 5 ) se vérifie aussi dans l’interprétation

    bourdieusienne de la manière dont chaque agent social perçoit le

    mo nd e l or sq u’ il s e s er t d ’u n a pp ar ei l p ho to gr ap hi qu e.

    4. En ce qui concerne en dernier lieu la modalité des pratiques,

    nous devons montrer à l ’oeuvr e les «stratégi es de condescendance»d on t p ar le Bo ur di eu1 6 ). La manière de s’exprimer est le paradigme de

    ces pratiques qui ne s’instaurent que par obéissance à l’injonction

    soci ale. En intro dui sant l a notio n de «profi t» en rapport avec la force

    performative du langage, Bourdieu insinue que l’utilisation de la

    parole est si limitée par la logique du «marché» que l’on ne peut pas

    produire des discours efficaces sans se référer à la norme

    linguistique, c’est-à-dire sans prendre en considération «les

    c on di t io ns s oc ia le s d e l ’ ac ce pt ab il i té »1 7 ) de c es d is co ur s.

    Pour reprendre l’exemple qu’il donne à ce propos, un discours

    comme le discours que le maire de Pau avait consenti à faire en

    béarnais au cours d’une cérémonie officielle ne peut être accepté

    qu’en tant qu’il exprime une autorité symbolique et la référence

    impl icite à une hi érarchi e, sans l aquel le aucune reconnai ssance de

    l ’u sa ge l in gu is ti qu e l ég it ime n ’e st po ss ib le . L a m an iè re d e s ’e xp ri me r,

    qui est tri butai re de l’ habitus li nguisti que, est un exempl e pri vi légi é

    en ce sens, puisqu’elle comporte un grand nombre de modalités des

    p ra ti qu es s oc ia le me nt e xi gé es : « ai sa nc e, t im id it é, t en si on , e mb ar ra s,

    s il en ce , e tc .»1 8 ) Le langage est de ce fait la dimension la plus visible

    15) Merleau-Ponty, ibid, p. 94.16) Bourdieu, Ce que parler veut dire, Fayard, 1991, p. 61.

    17) Bourdieu.,  Ibid., p. 75.

    18) Bourdieu.,  Ibid., p. 77.

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    Une généalogie de la notion d’habitus 363

    des différentes techniques du corps où s’exprime le rapport

    intersubjectif dans le monde social.1 9 ). . Pour Bourdieu, comme

    l’ indiquent les termes qu’il emploie et qu’ il emprunte à l’économie

    («profit», «marché», «capital», etc.), la formation de l’usage

    linguistique légitime, qui est accepté par le marché, n’est pas

    soci alement neut re, mai s produit des écarts di sti ncti fs. Le l angageétant un capital inégalement réparti entre les différents agents

    sociaux, l’effet distinctif tient, selon Bourdieu, à la compétence

    reconnue comme légitime dont on tire profit dans des situations

    c on cr èt es , c om me l es e xa me ns s co la ir es .

    Les examens scolaires, dont il est notamment question dans La

    Reproduction, sont symptomatiques de cette violence sociale. Cet

    ou vrag e es t d ’ai ll eur s e ss ent iel po ur no tr e d éma rc he , c ar Bour di eu y

    expl ique c omment l es é car ts d is ti nct if s pr od usen t l e p ro fi t s oc ial .

    Il faudrait bien entendu menti onner d’ autres si tuat ions sco laires,

    o ut re l a r el at io n i nt er lo cu to ir e q ue n ou s v en on s d ’e xp li ci te r, p ou r b ie n

    souligner le fait que l’effet distinctif s’installe dans l’usage

    linguistique ; qu’on songe par exemple à la manière dont on fait une

    soutenance, à la présentation ou à l’élocution en cours, etc. Le

    maniement de la langue à l’école ne s’ explique ainsi qu’à partir «des

    c on di ti on s s oc ia le s d ’a cq ui si ti on e t d ’u ti li sa ti on d u l an ga ge ».2 0 )

    Comme les aspirations des étudi ants sont stri ctement contrôl ées

    pa r « l’ id éo lo gi e t ec hn oc ra ti qu e»2 1 ) de l’École, l’éthos de la classe

    19) Bourdieu.,  Ibid., p. 41. It est ut ile de se referer a (Merleau-Ponty.,  Ibid    ,p. 214) pour savoir l’explication merleau-pont ienne de la fonction dulangage.

    20) Bourdieu,  La Reproduction., p. 147.

    21) Bourdieu,  Ibid, p. 2 19 .

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    364 Hong Seong-Min

    dominée ne permet pas aux étudiants qui en font partie de réaliser

    les leurs dans la société. Tout étudiant devient de ce fait une sorte

    d’ automate! Produi t de l’ intériori sati on des condi tions obj ecti ves,

    l’habitus a donc pour effet de provoquer une auto-élimination des

    cl as se s d éf avo ri sé es. On appr end a insi aux é tud ia nt s à n e dé si re r que

    ce qui est du domaine du probable dans leur futur. C’est pour celaque Bourdieu accuse la culture scolaire de pratiquer une «violence

    symbolique».2 2 )

    Ⅴ. La conclusion

    Ces observati ons de Bourdi eu offrent toutefoi s prise à la cri ti que.

    En effet, si les condi ti ons objectives détermi nent réell ement àla fo is

    les aspirati ons et leur degré de sati sfacti on, si nous vi vons vrai ment

    dans un monde où règne une harmonie préétablie, au point que les

    indi vidus n’ ont que des désirs déterminés par le champ soci al ement

    dél imi té de l eurs possi bi li tés, toute r ési stance à l ’ordre so ci al établ i

    est -ell e de ce fai t inuti le? Les agents sociaux sont-i ls condamnés à

    demeurer toujours dans «l’illusion bien fondée de la création

    d ’i mp ré vi si bl e n ou ve au té e t d e l ’i mpr ov is at io n l ib re »2 3 ), et à répéter

    indéfiniment le passé de leur classe? Il s’agira alors de voir, d’un

    po in t de v ue phi lo so phi que , ce lui d e Mer leau- Po nt y e n pa rt icul ier , l amani èr e d ont Bo urd ieu cl ôt ure l e c hamp so ci ol ogi que . La ques ti on qui

    se pose par rapport à cette caractérisation de la subjectivité est la

    22) Bourdieu,  Ibid., p. 248.

    23) Bourdieu, Un Ar t Moyen, 1 99 3, pp. 2 2-2 3.

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    Une généalogie de la notion d’habitus 365

    suivante : si le corps propre est déjà un sujet en lui-même, est-il

    encore nécessaire de parler de conscience? Cette question ne peut

    être bien comprise qu’à condition de savoir si le sujet

    s ’a ut o- co ns ti tu e o u e st l ui -mê me c on st it ué , d ’a ut an t p lu s q ue l ’a ut eu r

    de la Phénoménologie de la perception et celui du Sens pratique

    s’ ef fo rc ent t ous d eux c ons tamment d e d épas ser c e du al is me.En somme, la discussi on du «probabl e» et du «possi bl e» autour de

    la liberté dans la philosophie de Merleau-Ponty prend dans la

    so ci ol ogi e d e Bo urd ieu l a f or me d ’u ne i nt er ro ga ti on sur « la pos si bi li té

    de la vertu» ; il s’agit, en d’autres termes, de «la logique de la

    pratique»2 4 ). Ainsi, là où le philosophe développe une perspective

    é th iq ue , l e s oc io lo gu e s ’i nt ér es se p lu tô t a ux e nj eu x p ol it iq ue s.2 5 )

    Bibliographie

    Bourdieu (P.), "Célibat et condition paysanne", Études rurales,

    2 4) Les deux l ivres majeurs de Bourdieu sur ce point sont  Le Sens pratique  et  Raisons pratiques.

    2 5 ) B ou rd ie u,  Raisons pratiques, 1994 pp. 242-243. En reliant le projetb our di eus ie n d e l ’a ct e u ni ve rs el à l a p er spe ct iv e d e l ’é ma nc ip at io n a u s en smarxien, du point de vue contractualiste qui est selon lui à la base de la

    c onst it ut ion d e l a t héo ri e d e l a so ci ét é, J . Bi de t af fi rme c ont re Bour di eu l efai t que l e po int de dé par t ant hr op ol ogique qu’ il ad op te da ns l ’ana ly se d el a d omi na ti on e st i ns uf fi sa nt p ou r é ta bl ir l a d éc la ra ti on c on tr ac tu el le , qu iest d’après nous la source de l’universalisabilité (voir J. Bidet,"Métastructure/Structure/Système", C ol lo qu e S tr uc tu re , s ys tè me , c ha mpet t hé or ie d u s uj et , t ex te i né di t, P ar is -X e t P ar is -V II I, 2 1- 22 m ar s 1 99 6,p. 10).

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    366 Hong Seong-Min

    avril-septembre, 1962

       La Reproduction, Mi muit , 1970.

       La distinction, Mi mui t, 1979.

      Ce que parler veut dire, Fayard, 1991

      Un Art Moyen, Mi nui t, 1993 (ré éd. )

       Raisons pra tiques, seuil, 1994B idet (J. ), "Métastructure/Structure/Système", C ol l oq ue S tr uc tu re ,

    système, champ et théorie du sujet        , texte inédit, Paris-X et

    P ar is -VI II , 2 1- 22 ma rs 1 99 6

    Co rcuf f ( P. ), " Thé ori e d e l a Pra ti que et S oc io lo gi e d e l ’a ct io n. An ci ens

    problèmes et nouveaux horizons à partir de Bourdieu", dans

        Actuel Ma rx, n° 20, , octobre 1996,

    Merleau-Ponty (M.), Phénoménologie de la perception, G al li ma rd , t el ,

    1994

    Os tr ow ( J. M. ), " Cul tur e as a Fund ament al Di mens io n o f Ex peri en ce :

    A Di sc us si on o f Pi err e Bo ur di eu’ s Theo ry of Huma n Ha bi tus ",

     Human Studies, n° 4,

    P in to ( L. ), "L a t hé or ie e n p ra ti qu e" , Critique, a oû t- se pt emb re 1 99 5, p p.

    Rab ino w ( P. ) and Dr eyf us ( H. ), " Can t her e b e a sc ienc e o f Exi st ent ial

    Structure and social Meaning?" in  Bourdieu : Critical

    Perspective, Pol it y Press, 1993.

     

  • 8/17/2019 Merleau Ponty Habitus

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    Une généalogie de la notion d’habitus 367

    《국문요약》

    Une généalogie de la notion d’habitus

    - Merleau-Ponty et Bourdieu -

    홍 성 민

     

    본 논문은 부르디외가 사용하고 있는 아비투스 개념의 철학적 기원을

    찾아보기 위해서 메를로 퐁티의 철학을 집중 탐구하고 이것을 부르디외의

    초기 사회학에 등장하는 사회적 활용과 비교해 보았다. 메를로 퐁티 철학

    을 연구하기 위해서 선택한 텍스트는 지각의 현상학(La phénoménologie

    de l a pe rc ept io n)이었으며, 여기서 “육체적 도식” (s ch éma c or po re l) “상

    호육체성” (i nt er co po ré i té ), “사회적 공간에서의 자유”(La liberté dans

    l’espace social)”라는 세 가지 주제를 집중적으로 살펴보았다.

    한편 부르디외 사회학에서 등장하는 아비투스 개념의 기원을 살펴보기

    위해서 인류학에 해당하는 알제리 지역연구와 프랑스 베아른의 토착민 연

    구를 비교해 연구해 보았다. 두 논문은 부르디외의 초기 저작으로 아비투

    스 개념의 철학적 근거가 비교적 뚜렷하게 들어나는 논문이며, 여기서 메

    를로 퐁티와의 연관성을 추적하는 것이 매우 용이하여 선택했다.두 사람의 사상적 비교를 통해서 얻은 결론은 동일한 문제의식을 가지고

    출발하여 현상학과 사회학에서 육체적 도식, 아비투스라는 개념을 사용하고

    있다는 점에서 매우 유사하지만, 부르디외에게는 사회적 불평등과 권력에

    대한 관심이 집중되고 있다는 점에서 차이가 있다는 점을 발견했다.

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    368 Hong Seong-Min

    Mots-clés(주제어) : schéma corporel(육체적 도식), intercoporéité(상호

    육체성) , l ib er té (자유) , h ab it us (아비투스), 권력(pouvoir),

    2 6 )

    논문투고일 : 2010. 9. 24최종심사일 : 2010. 11. 14게재확정일 : 2010. 11. 22