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Nutr Clin Mbtabol 1998; 12:283-8 Mucoviscidose •. di& tique et support nutritionnel Anne Munck, Muriel Le Bourgeois, Mich~le Gdrardin, Jean Navarro Service de Gastroenterologie et Nutrition P~diatriques, H6pital Robert-Debre, Paris. R~sume Un lien est clairement ~tabli dans la mucoviscidose entre le degr~ de malnutrition et la s~v~rit~ de la maladie respiratoire. L'am~lioration constante de l'esp~rance de vie passe par le maintien d'un bon ~tat nutritionnel. Grace la meilleure connaissance des besoins nutritionnels, la prise en charge di~t~tique, voire le recours fi une assistance nutritionneUe, doit permettre une crois- sance staturo-pond~rale r~guli~re chez l'enfant et I'adolescent, et le maintien de l'~quilibre pond~ral chez l'adulte. rity of the ~sease. The importance o~ nutritional status in long term survival is well d nted in cystic fibro- tervention favour a regular groWth in childhood and adolescence and an adequate weight status in adulthood Mots cles : Besoins energ6tiques, enzymes pancr6atiques, nutrition ent6rale, vitamines. pancrea- Introduction Une croissance staturo-pond6rale r6guli6re avec un bon 6tat nutritionnel participe/t l'am6lioration cons- tante de l'esp6rance de vie des patients atteints de mucoviscidose. Ce souci permanent du m~decin per- mettra le maintien de la croissance et, en cas d'infl6- chissement des param~tres nutritionnels, un r6ajus- tement des apports caloriques voire le recours/t une assistance nutritionnelle. Lors de la prise en charge initiale de la maladie, on b6n~ficie pendant plusieurs ann6es d'une p6riode facile au cours de laquelle une alimentation libre diversifi6e, enrichie et jointe/t la prise d'extraits pan- cr6atiques gastroprot6g6s (EPGP) autorise une crois- sance r6guli~re. Durant la deuxi~me phase de la mala- die, parall~lement aux infections pulmonaires et/t la d6gradation de la fonction respiratoire, on assiste fi une baisse des ingesta ; sont mis en avant le r61e des m6diateurs de l'inflammation, celui de l'hypoxie, d'un syndrome clinique anxieux et d6pressif, d'une cesopha- gite... I1 est alors souvent n6cessaire de faire appel/t une assistance nutritionnelle qui privil6gie la voie digestive et doit ~tre la moins agressive possible. c6t6 de la malnutrition globale, il faut insister sur les risques de d6ficits nutritionnels sp6cifiques qui doivent Correspondance : Dr Anne Munck, Service de Gastroent6rologie et Nutrition P6diatriques, H6pital Robert-Debre, 48, boulevard Serurier, 75019 Paris. Re£u le 21 septembre 1998. 283

Mucoviscidose : diététique et support nutritionnel

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Nutr Clin Mbtabol 1998; 12:283-8

Mucoviscidose •. di& tique et support nutritionnel

Anne Munck, Muriel Le Bourgeois, Mich~le Gdrardin, Jean Navarro

Service de Gastroenterologie et Nutrition P~diatriques, H6pital Robert-Debre, Paris.

R~sume

Un lien est clairement ~tabli dans la mucoviscidose entre le degr~ de malnutrition et la s~v~rit~ de la maladie respiratoire. L'am~lioration constante de l'esp~rance de vie passe par le maintien d'un bon ~tat nutritionnel. Grace la meilleure connaissance des besoins nutritionnels, la prise en charge di~t~tique, voire le recours fi une assistance nutritionneUe, doit permettre une crois- sance staturo-pond~rale r~guli~re chez l'enfant et I'adolescent, et le maintien de l'~quilibre pond~ral chez l'adulte.

rity of the ~sease. The importance o~ nutrit ional status in long term survival is well d nted in cystic fibro-

tervention favour a regular groWth in childhood and adolescence and an adequate weight status in adulthood

Mots cles : Besoins energ6tiques, enzymes pancr6atiques, nutrition ent6rale, vitamines.

pancrea-

Introduction

Une croissance staturo-pond6rale r6guli6re avec un bon 6tat nutritionnel participe/t l'am6lioration cons- tante de l'esp6rance de vie des patients atteints de mucoviscidose. Ce souci permanent du m~decin per- mettra le maintien de la croissance et, en cas d'infl6- chissement des param~tres nutritionnels, un r6ajus- tement des apports caloriques voire le recours/t une assistance nutritionnelle.

Lors de la prise en charge initiale de la maladie, on b6n~ficie pendant plusieurs ann6es d'une p6riode facile au cours de laquelle une alimentation libre diversifi6e, enrichie et jointe/t la prise d'extraits pan-

cr6atiques gastroprot6g6s (EPGP) autorise une crois- sance r6guli~re. Durant la deuxi~me phase de la mala- die, parall~lement aux infections pulmonaires e t / t la d6gradation de la fonction respiratoire, on assiste fi une baisse des ingesta ; sont mis en avant le r61e des m6diateurs de l'inflammation, celui de l'hypoxie, d'un syndrome clinique anxieux et d6pressif, d'une cesopha- gite... I1 est alors souvent n6cessaire de faire appel/t une assistance nutritionnelle qui privil6gie la voie digestive et doit ~tre la moins agressive possible. c6t6 de la malnutrition globale, il faut insister sur les risques de d6ficits nutritionnels sp6cifiques qui doivent

Correspondance : Dr Anne Munck, Service de Gastroent6rologie et Nutrition P6diatriques, H6pital Robert-Debre, 48, boulevard Serurier, 75019 Paris. Re£u le 21 septembre 1998.

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6tre pr6venus et corrig6s : carence en vitamines liposo- lubles, en acides gras essentiels, en sels min~raux, en oligo-616ments.

Alimentation : principes gdn~raux

Les diff6rents aspects de la prise en charge nutri- tionnelle ont fait l'objet d'une conf6rence de Consen- sus [1]. Les besoins bnerg&iques doivent ~tre adapt6s

la d6pense 6nerg6tique, on y associe une suppl6- mentation optimale en extraits pancr6atiques, vita- mines liposolubles et min6raux [2]. Les besoins ~nergatiques sont modul6s selon l'btat clinique, l'ftge, le sexe, le g6notype [3] ; ils sont estim6s en moyenne A 120-150 % des apports journa- liers recommand6s (RDA) [4]. L'al imentat ion est libre, hypercalorique et normo- lipidique, adapt6e selon les gofits de l'enfant et son gtge. L'~tude comparative de Corey et al. [5] entre les 6quipes de Boston et Toronto a montr6 que les patients de Toronto autoris6s fi s'alimenter librement en graisses avaient un meilleur 6tat nutritionnel et une courbe de survie plus satisfaisante (m6diane de survie fi 30 ans vs 21 ans) par rapport aux patients de Boston soumis fi un r6giane restrictif en graisses. L'apport en prot6ines repr6sente 10 /t 15 % des be- soins 6nerg~tiques ; les graisses 35 /t 45 % des calo- ries, en privil6giant l 'apport de graisses v6g6tales (huile de tournesol, ma~s). Les glucides apportent 45/t 55 % des calories quotidiennes.

Supplementation en extraits pancr~atiques (EP)

Les extraits pancr6atiques efficaces se pr6sentent sous forme de g61ules contenant une centaine de microg61ules gastroprot6g~es r6sistant fi l'acidit6 gas- trique /t condit ion de ne pas ~tre croqu6es. Les g61ules sont /t prendre en d6but e t /ou en milieu du repas d6s lots qu'il contient des graisses. On peut donner les microgranules ou les g~lules avec une boisson acide (jus de pomme). Un extrait pancr6atique se d6finit par le nombre d'unit6s de lipase ; cela varie de 8 000 A 25 000 unit6s lipase/g61ule. Selon la composition du repas et le degr6 d'insuffisance pancr6atique, les besoins sont variables. I1 faut essayer de trouver le meilleur 6quilibre digestif. La recherche se poursuit pour essayer de synth6tiser une nouvelle g6n6ration d'enzymes acide-r6sistantes qui am61iorerait la digestibilit6 des graisses. La description en 1994, par plusieurs 6quipes danoi- ses et anglaises, de jeunes patients [6] ayant pr6sent6 une occlusion intestinale basse (avec une r6section colique pour la plupart) alors qu'ils recevaient de fortes doses quotidiennes d'EP, impose une attitude th6rapeutique prudente.

I1 est difficile d'incriminer la pr6sentation << haute concentration >> : il semble que des posologies ale- v6es de lipase d61ivr6es au niveau colique puissent ~tre fi l'origine de ces complications ; pour d'autres auteurs, cela serait imputable aux quantit~s 61ev6es de trypsine ou fi une modification de la flore bact6- rienne digestive, ou encore ft l 'excipient contenu dans les g61ules, l'acide m6tacrylique. I1 est actuel lement proposb de ne pas d6pas- ser 10 000 U/kg.j de lipase et 250 000 U/j pour l'adulte [7]. Lorsque cette suppl6mentation ne se montre pas assez efficace, la prescription de m6dicaments dimi- nuant l'acidit6 gastrique (antis6cr6toire H2) [8] amb- liorerait l'activit~ des enzymes pancr6atiques.

Supplementation en vitamines

Pour tous le s patients en insuffisance pancraatique exocrine, il est n6cessaire d'instaurer une suppl6men- tation en vitamines liposolubles (ADEK). Les carences vitaminiques retentissent sur la trophi- cit6 des muqueuses et l'immunit~ cellulaire avec un effet potent ie l lement d~16t~re sur l 'at teinte pul- monaire. Les doses quotidiennes habituellement pro- pos6es [1, 9] (tableau I) sont de l'ordre de 5 000 UI pour la vitamine A, 1 000 UI pour la vitamine D, 25 A 400 UI pour la vitamine E. Une suppl6menta- tion en vitamine K (5 fi 10 mg, 1 fois par semaine) est n6cessaire la premiare ann6e de vie, lors d'une cho- lestase ou d'une antibioth6rapie quasi continue. I1 faut conseiller d 'absorber les vitamines lipo- solubles au cours des repas avec les extraits pan-

Tableau I ." Apports conseillds en vitamines dans la mucoviscidose.

Vitamins support in cystic fibrosis.

Comit~ de nutrition Ramsey et al. Soci~t~ Fran~aise 1992 p~diatrie, 1991

Vit A

Vit D

Vit E

Vit K

Vit B

Vit C

Vit B12 si r6section il6ale

5 000-10 000 UI/j 5000 UI/j

400-800 UI/j 1 000 UI/j

25-400 UI/j 200 UI/j

2,5 mg/3 j < l an 5 m g / 7 j 5 mg/3 ou 7j

antibioth6rapie si carence cholestase

? ?

? ?

100 ~zg/mois IM

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cr6atiques. Les formes hydrosolubles, lorsqu'elles seront disponibles, seront peut-6tre /t privil6gier ; pour l'instant, leur sup6riorit6 n'est pas 6tablie [10]. Quant aux vitamines hydrosolubles, l'6tat de nos connaissances ne permet pas de faire des recomman- dations [9] hormis pour la vitamine B12 lors d'une r~section il6ale (100 ~tg |M/mois pour un il6us m~- conial).

Suppl6mentation en min6raux et oligo-616ments

Les besoins en sodium sont plus importants que pour tout autre nourrisson ou enfant, et il est n6cessaire de suppl6menter les biberons, surtout lors de p6riode chaude mais 6galement lorsque l'on utilise des laits base d'hydrolysats de prot6ine, ou l'allaitement ma- ternel. Ainsi, on peut jusqu'/t l'age de 1 an prescrire des ampoules de chlorure de sodium (1 mL = 1 mEq) A raison de 2 mEq/kg.j puis 1 mEq/kg.j jusqu'a 5 ans sous forme de sachet de sel ou en salant l'alimen- tation. Par la suite, une suppl6mentation de 20 /t 40 mEq/jour est conseill~e. Certains points tels que la supplementation en oligo- 616ments restent impr6cis. Lorsque l'6tat nutritionnel est pr6caire, des carences en fer, zinc, s616nium peuvent appara]tre et augmenter la sensibilit6 aux infections. I1 est alors souhaitable de les doser pour d6buter une supplbmentation sur la base de 10 fi 20 mg/j de fer, 10/t 20 mg/j de zinc et 50 fi 150 ~zg/j de s616nium.

Alirnentation du nourrisson et du jeune enfant

Grace/ t une meilleure information m6dicale et gen6- rale, le diagnostic de la maladie se fait chez la plupart des patients avant l'age de deux ans, certains pays ou certaines r6gions proc6dant d'ailleurs au d6pistage n6onatal. D~jA pendant cette p~riode, il est important de faire b6n6ficier l'enfant d'une ali- mentation riche en calories. Comme pour tout nouveau-n~ (en dehors de situa- tion particuli6re telle un il6us m6conial n~onatal opbr6), l 'allaitement maternel assure le meilleur d6marrage dans la vie ; pour certains, l 'apport pro- t idique peut ~tre insuffisant (ced6mes hypo- protidiques) ; par ailleurs, l 'apport sod6 est t rop faible no tamment lots des p6riodes chaudes. En cas d'impossibilit6 d'allaitement ou en compl6ment de celui-ci, on utilise les laits industriels habituels que l'on enrichit en dextrine maltose, farine sans gluten, voire huiles de tournesol ou de ma~s d6s la diversification. Le hombre de biberons est souvent major6 de un par rapport au nourrisson du m~me age, afin de ne pas augmenter les volumes hydriques

de fagon trop importante chez ces nourrissons plus A risque de reflux gastro-cesophagien [11]. L'identifi- cation d'une insuffisance pancr6atique exocrine jus- title la prescription d'EP qui doivent 6tre pris avec tous les types de lairs y compris le lair de m6re. La posologie d'enzymes pancr6atiques est 6tablie sur une base individuelle. Une dose habituelle est de l 'ordre de 1/4 de g61ule pour 120 mL de lair ; il faut s'assurer que le nourrisson ne stocke pas dans les joues les microgranules 6tant donn6 le risque de micro-ulc6rations muqueuses. Les 6tapes de la diver- sification sont identiques /t celles des autres nour- rissons. L'aide d 'une di6t6ticienne est souvent utile pour guider les parents vers les aliments les plus riches en prot6ines et en lipides tout en faisant participer l 'enfant /t la discussion. Avec l'age, l 'enfant d6ve- loppe ses pr6f6rences alimentaires et il ne pourra coop6rer avec la prise en charge m6dicale et di~t6- tique que si l'on tient compte de son comportement alimentaire. Afin de ne pas transformer les repas en moments d'opposition, il semble important de limi- ter la dur6e de ceux-ci ; une anxi6t6 parentale impor- tante concernant la prise pond6rale peut 6tre fi l'origine de troubles s6v6res du comportement ali- mentaire m6me chez de jeunes enfants [12], justifiant l'aide d'une psychologue.

Alimentation de I'adolescent, de I'adulte

Pendant l'adolescence, la croissance staturo-pond6- rale s'acc~l~re de nouveau et les besoins bnerg6tiques sont accrus. Par ailleurs, les m6dias v6hiculent le culte de la minceur, ce qui est dangereux, surtout pour l'adolescent malade pour lequel des carences nutritionnelles retardent la maturation pubertaire et favorisent les infections. Cette p6riode de la vie s 'accompagne d'un d6sir d 'autonomisation face /t des parents souvent tr6s impliqu6s darts les soins quotidiens. Pour devenir adulte, beaucoup d'adolescents chroniquement ma- lades pensent n6cessaire de se mettre en opposition contre l'exc+s de protection familiale et utilisent la prise alimentaire comme un ~16ment de contr61e. L'~quilibre alimentaire reste le m~me que celui cit6 ci-dessus. Aux collations de la matin6e et du gofiter, on peut en ajouter une autre dans la soir6e pour essayer d 'apporter les 3 500-4 000 cal dont aura besoin l'adolescent.

l'adolescence o u / t l'age adulte les infections pul- monaires se multiplient, aboutissant A une d~gra- dation de la fonction respiratoire qui s'intrique /t une d6nutr i t ion d ' instal la t ion insidieuse. I1 est alors important de d6buter une assistance nutrition- nelle. Les patients de sexe f6minin sont plus A risque

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de d6nutrition en raison de leur plus faible masse maigre.

Alimentation en cours de grossesse et lactation

Les derni~res ann6es ont permis de montrer qu'il ~tait possible fi des femmes atteintes de mucovisci- dose ayant une fonction respiratoire stable et mod& rbment sav~re, de mener une grossesse sans encourir de risque vital et fonctionnel majeur. Ces grossesses n6cessitent un suivi tr}s r~gulier, notamment sur le plan nutritionnel ; le dernier trimestre de la gros- sesse doit s'accompagner d'une prise pond~rale ad& quate. L'allaitement au sein repr~sente une fatigue suppl& mentaire pour ces m&es ; il n~cessite une majoration de la prise calorique estim~e /t 750 kcal/j pour un nourrisson de 3 mois si l'on veut aviter une perte pond6rale chez la m&e. Au cas off leur 6tat nutri- tionnel ne leur permet pas de poursuivre l'allaite- ment, il est important de les rassurer sur le fair que leur nourrisson sera correctement nourri par les formules industrielles.

Alimentation et diabete

L'incidence du diabete varie de 5 /t 15 % et s'~16ve avec l'fige [13]. I1 s'agit d'un diab~te non acidoc6to- sique, de d~veloppement insidieux et insulino-d6pen- dant. Une d6t&ioration clinique lente pr6c~de sou- vent le diagnostic du diab~te. I1 faut savoir y penser et ~valuer la tol&ance glucidique par des ~preuves d'hyperglyc~mie provoqu~e orale. Sa prise en charge repose essentiellement sur les injections d'insuline associ6es fi des consignes di~t~tiques simples. L'ali- mentation doit rester hypercalorique et hyperproti- dique pour maintenir le meilleur 6tat nutritionnel. Sous r~serve d'un contrNe satisfaisant de la glyc& mie, le r6gime peut rester riche en glucides mais il faut r6duire les sucres rapides (aliments sucres) au profit des sucres lents (amidon, pfites, f~culents) ; les repas doivent ~tre fractionn~s dans la journ6e.

Supplements caloriques oraux

Lorsque l'6quilibre nutritionnel commence /t se d& grader, on peut dans un premier temps avoir recours fi des suppl6ments caloriques [2, 4] sous forme de preparations hypercaloriques (1 fi 1,5 kcal/mL) dis- ponibles en pharmacie (riches en prot6ines, lipides, 61ectrolytes, oligo-616ments, vitamines), faciles /t prendre entre les repas au cours de la vie quoti- dienne. La majeure partie de leur cofit est prise en charge par la S6curit6 sociale depuis 1991. Certaines

pr6cautions sont fi prendre : les suppl6ments calori- ques ne doivent pas remplacer les repas, pour cela il faut les donner fi distance de ceux-ci ; la vari6t~ des textures (liquides, flan, cr~me, barre...), des gofits (sucr6s, sal~s), des ar&mes et des pr6sentations per- met d'&viter la lassitude ; il est souhaitable de servir les liquides sucr6s bien frais pour limiter l'~coeure- ment. La prise concomitante d'extrait pancr6atique est n~cessaire 6tant donn~ leur richesse lipidique. En cas de refus de la part de l'enfant, il ne faut pas h&iter/ t les reproposer r6guli&ement.

Assistance nutritionnelle

Les signes d'alerte de d6faillance nutritionnelle sont d~finis assez clairement par tranches d'~tge :

enfant de moins de 5 ans : indice poids/ taille < 85 % du poids id6al/taille, ou per te de poids d'une dur6e > 2 mois, ou stagnation pond& rale de plus de 3 mois ;

patient de 5 fi 18 ans : indice poids/taille < 85% du poids id6al/taille, ou perte de poids pendant plus de 2 mois ou stagnation pond6rale de 6 mois ; -- patient > 18 ans (post-pubertaire) : indice poids/ taille < 85% du poids id6al/ tai l le ou perte de poids ~> 5% du poids habituel pour une dur6e > 2 mois. Ces diff&ents 616ments justifient une 6valuation m6- dicale et une intervention nutritionnelle. Si la croissance staturo-pond&ale ou le poids s'infl& chit malgr~ les moyens simples, l'assistance nutri- tionnelle devient n~cessaire sous la forme la moins agressive possible [14-16], aid~e par une preparation psychologique adapt~e, car l 'image corporelle et l'estime de soi sont souvent perturb~es par la mala- die. Ainsi, on a recours /t la nutrition ent&ale par voie nasogastrique ou gastrostomie. Le succ~s de cette derni&re technique passe par l 'acceptation de la sonde de nutri t ion ; c'est souvent un moment difficile. Les progr~s techniques ont aln~lior& la facilit~ de ce geste r6alisable par voie endoscopique sous anesth6sie g6n~rale. Les complications, rares, concernent des probl&mes cutan6s locaux autour de la stomie, un retard de vidange gastrique, une majo- ration d'un reflux gastro-0esophagien qui doit ~tre 6valu6 (pHm6trie...) et trait6 (prokin&iques, parfois intervention chirurgicale de type Nissen) avant route nutrition ent~rale. II faut se m~fier de la r&61ation d'un diab~te insulino-d6pendant suite fi l 'augmenta- tion souvent considerable des apports caloriques compar~ aux ingesta spontan6s. Ainsi, par cette nutri t ion ent&ale, la majeure patt ie des calories quotidiennes requises est infus6e pendant la nuit, permet tant une activit~ diurne normale avec des repas fi la demande. En plus du b~n~fice pond6ral, on observe chez l'enfant une reprise d6cal6e de quel-

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ques mois de la croissance staturale fi condition de maintenir cette technique /t moyen ou long terme [15, 16]. On note de fagon souvent spectaculaire une reprise de l'activit6 physique (retour fi l'~cole ou /t l'activit6 professionnelle), une facilitation de la kin6- sith6rapie grace aux muscles respiratoires plus puis- sants [17]. Lorsque l'atteinte puhnonaire n'est pas trop s6v~re, on peut observer la stabilisation ou l'am61ioration de la fonction respiratoire [15] et du score de Shwachman et, pour certaines 6quipes, la r6duction du nombre des pouss6es des surinfections pulmonaires. Les m~langes nutritifs utilis6s sont des formules hypercaloriques g~n6ralement de type polym6rique pouvant apporter jusqu'fi 1,5 kcal /mL pour l'enfant de plus de 5 ans. Pour les enfants plus jeunes, il est preferable d'utiliser des m61anges plus adapt6s aux jeunes enfants qui apportent de l'ordre d ' l kcal/mL. Certains centres de soins utilisent des produits 616- mentaires dont la composition est moins riche en graisses (m61ange de TCM et TCL) et qui ne n6cessi- teraient pas d'extraits pancr~atiques. Leur cofit est 61ev6 et, pour l 'instant, leur sup~riorit~ n'est pas prouv6e. Nous avons d6j/~ soulign~ le risque de carence en acides gras essentiels. Le d6ficit en acide linol6ique btait habituel lors des r6gimes restreints en graisses mais cela n'est plus d'actualit~ ; il se voit encore lors d'insuffisances pancr6atiques exocrines mal com- pens6es. Cependant, il reste difficile d'expliquer la carence en acides gras essentiels observ6e chez des nouveau-n6s ayant b6n~fici~ d 'un d6pistage 6nerg6tique n6onatal [18] ou chez des patients << normo- >> pancr~atiques [19]. L'hypoth~se 6voqu~e est celle d'une utilisation accrue d'acide linol6ique/~ vis~e bnerg~tique, li6e aux besoins caloriques qui sont major6s ou bien / t une anomalie m6tabolique qui alt~re l'utilisation d'acide linol6ique. Le lien entre le d~ficit en acide arachidonique et la physiopathologie de la mucoviscidose est un point important fi consid~rer. Nous avons observ6 fi la suite d'une perfusion de lipides une modification significative de la valeur de la diff6rence du potentiel nasal vers des valeurs proches de sujets normaux [20] ; le rble exp6rimental des acides gras libres sur les 6changes ioniques transmembranaires a 6t6 r6- cerement confirm~ par Car twright-Shammoon et Dodge [21] grgtce /~ une ~tude sur l'intestin de rat avec stimulation des passages ioniques et des cou- rants transmembranaires. La nutrit ion ent~rale nocturne est habituellement r~alis6e sur 8 fi 12 h (en l'arr~tant 1 & 2 h avant la kin6sith~rapie respiratoire du matin) et appor te 40/t 70 % des besoins ~nerg6tiques quotidiens. Selon l'6tat nutritionnel et la reprise pond6rale, les quanti- t6s seront r6guli6rement adapt~es. La tol6rance de cette technique est am61ior~e chez l'adolescent si on

la r6alise 6 nuits sur 7. Les modalit6s de suppl6men- tation en extraits pancr6atiques lors de la nutrition ent6rale continue ne sont pas bien codifi6es. I1 est souhaitable de proposer le hombre de g61ules corres- pondant aux calories et/ t l 'apport lipidique nocturne en le r6partissant au moment du d6marrage de la nutrition, avant de se coucher voire lors de r~veils spontan6s en pleine nuit. En effet, la tol6rance digestive de la nutrition ent6- rale nocturne pose encore un certain nombre de probl~mes tels des naus6es, un inconfort abdominal, des diarrh6es dans lesquels la dysmotricit6 intesti- nale [22] ainsi que l'6quilibre enzymatique difficile fi obtenir jouent un rble important. Le recours fi la nutrition parent6rale [23] par vole veineuse p6riph6rique ou par cath6ter central (cham- bre implantable pos6e lors de cures antibiotiques intraveineuses it6ratives) peut ~tre r6alis6 en compl6- ment / t l 'alimentation orale ou de fagon intermittente lors des cures antibiotiques. L'effet pond6ral reste habituellement transitoire. I1 en est de m~me lors des perfusions discontinues d'~mulsions lipidiques. La nutrition parent~rale quasi exclusive doit rester une proc6dure exceptionnelle fi r~server fi des pa- tients ayant un syndrome de gr61e court sur r6section intestinale, lors de gastroent~rites s6v6res, de pan- crbatites et pour des patients profondbment d~nutris inscrits sur une liste de transplantation pulmonaire. Les r~sultats imm~diats peuvent ~tre spectaculaires, mais il faut garder/t l'esprit le cofit tr~s ~lev6 de cette technique, le risque infectieux, la mauvaise tol6rance des apports glucidiques importants li6e ",i la produc- tion de CO2 et des apports lipidiques 61ev~s chez des malades/ t la fonction pulmonaire pr~caire.

Conclusion

L'objectif de maintenir un bon 6tat nutritionnel chez les malades atteints de mucoviscidose doit faire par- tie int6grante de la prise en charge de cette maladie. Des progr~s restent fi accomplir dans la comprehen- sion de la balance 6nergbtique tr6s sp6cifique fi cette pathologie, dans l'6valuation des param6tres nutri- tionnels, dans l 'adaptation des m61anges de nutrition ent~rale lorsque l'6tat clinique du patient se d~grade et qu'un support nutritionnel s'av6re n6cessaire. Les espoirs th6rapeutiques sont r6els et on comprend l'int6r6t majeur de maintenir le meilleur 6tat clinique afin qu'ils puissent b6n6ficier des travaux de recher- che en cours.

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