22
UNS. Mythologie. Zucker. 2012 1 Cours UEL Mythologie (HLLC706W) Plan 1. introduction au champ et aux approches de la mythologie 2. Etude des textes et des idées : les récits de création a. commencement du monde b. commencement des hommes c. commencement de lʼhistoire «récente» d. commencement du langage e. commencement de la culture et des inventions [monde] Texte 1a : HÉSIODE, Théogonie 116232 « Au commencement exista le Chaos, puis la Terre à la large poitrine, demeure toujours sûre de tous les Immortels qui habitent le faite de l'Olympe neigeux ; ensuite le sombre Tartare, placé sous les abîmes de la Terre immense ; enfin l'Amour, le plus beau des dieux, l'Amour, qui amollit les âmes, et, s'emparant du cœur de toutes les divinités et de tous les hommes, triomphe de leur sage volonté. Du Chaos sortirent l’Érèbe et la Nuit obscure. L'Éther et le Jour naquirent de la Nuit, qui les conçut en s'unissant d'amour avec l'Érèbe. La Terre enfanta d'abord Ouranos couronné d'étoiles et le rendit son égal en grandeur afin qu'il la couvrît tout entière et qu'elle offrît aux bienheureux Immortels une demeure toujours tranquille ; elle créa les hautes montagnes, les gracieuses retraites des Nymphes divines qui habitent les monts aux gorges profondes. Bientôt, sans goûter les charmes du plaisir, elle engendra Pontus, la stérile mer aux flots bouillonnants ; puis, s'unissant avec Ouranos, elle fit naître l'Océan aux gouffres immenses, Céus, Créus, Hypérion, Japet, Théa, Thémis, Rhéa, Mnémosyne, Phébè à la couronne d'or et l’aimable Téthys. Le dernier et le plus terrible de ses enfants, l'astucieux Cronos, devint l'ennemi du florissant auteur de ses jours. La Terre enfanta aussi les Cyclopes au cœur superbe, Brontès, Stéropés et l'intrépide Argès, qui remirent son tonnerre à Zeus et lui forgèrent sa foudre : tous les trois ressemblaient aux autres dieux, seulement ils n'avaient qu'un œil au milieu du front et reçurent le surnom de Cyclopes, parce que cet œil présentait une forme circulaire. Dans tous les travaux éclataient leur force et leur puissance. La Terre et Ouranos eurent encore trois fils grands et vigoureux, funestes à nommer, Cottus, Briarée et Gygès, race orgueilleuse et terrible ! Cent bras invincibles s'élançaient de leurs épaules et cinquante têtes attachées à leurs dos s'allongeaient audessus de leurs membres robustes. Leur force était immense, infatigable, proportionnée à leur haute stature. Ces enfants, les plus redoutables de tous ceux qu'engendrèrent la Terre et Ouranos, devinrent dès le commencement odieux à leur père. À mesure qu'ils naissaient, loin de leur laisser la lumière du jour, Ouranos les cachait dans les flancs de la Terre et se réjouissait de cette action dénaturée. La Terre immense gémissait, profondément attristée, lorsque enfin elle médita une cruelle et perfide vengeance. Dès qu'elle eut tiré de son sein l'acier éclatant de blancheur, elle fabriqua une grande faux, révéla son projet à ses enfants et, pour les encourager, leur dit, consumée de douleur : "Mes fils ! si vous voulez m'obéir, nous vengerons l'outrage que vous fait subir votre coupable père : car il est le premier auteur d'une action indigne." Elle dit. La crainte s'empara de tous ses enfants ; aucun n'osa répliquer. Enfin le grand et astucieux Cronos, ayant pris confiance, répondit à sa vénérable mère : "Ô ma mère! je promets d'accomplir notre vengeance, puisque je ne respecte plus un père trop fatal : car il est le premier auteur d'une action indigne." A ces mots, la Terre immense ressentit une grande joie au fond de son cœur. Après avoir caché Cronos dans une embuscade, elle remit en ses mains la faux à la dent tranchante et lui expliqua sa ruse tout entière. Le grand Ouranos arriva, amenant la Nuit, et animé du désir amoureux, il s'étendit sur la Terre de toute sa longueur. Alors son fils, sorti de l'embuscade, le saisit de la main gauche, et de la droite, agitant la faux énorme, longue, acérée, il s'empressa de couper l'organe viril de son père et le rejeta derrière lui. Ce ne fut pas vainement que cet organe tomba de sa main : toutes les gouttes de sang qui en découlèrent, la Terre les recueillit, et les années étant révolues, elle produisit les redoutables Furies, les Géants monstrueux, chargés d'armes étincelantes et portant dans leurs mains d'énormes lances, enfin ces Nymphes qu'on appelle Mélies sur la terre immense. Cronos mutila de nouveau avec l'acier le membre qu'il avait coupé déjà et le lança du rivage dans les vagues agitées de Pontus : la mer le soutint longtemps, et de ce débris d'un corps immortel jaillit une blanche écume d'où naquit une jeune fille qui fut d'abord portée vers la divine Cythère et de là parvint jusqu'à Chypre entourée

Mythologie. 2013. Textes - lcnice.free.frlcnice.free.fr/files/Mythologie._2013._Textes.187.pdf · 1. introduction au champ et aux approches de la mythologie 2. ... a. commencement

Embed Size (px)

Citation preview

UNS. Mythologie. Zucker. 2012

1

Cours  UEL  Mythologie  (HLLC706W)   Plan

1. introduction au champ et aux approches de la mythologie 2. Etude des textes et des idées : les récits de création

a. commencement du monde b. commencement des hommes c. commencement de lʼhistoire «récente» d. commencement du langage e. commencement de la culture et des inventions

 

[monde]  Texte  1a  :  HÉSIODE,  Théogonie  116-­‐232    «  Au   commencement   exista   le   Chaos,   puis   la   Terre   à   la   large   poitrine,   demeure   toujours   sûre   de   tous   les  Immortels  qui  habitent  le  faite  de  l'Olympe  neigeux  ;  ensuite  le  sombre  Tartare,  placé  sous  les  abîmes  de  la  Terre  immense  ;  enfin  l'Amour,  le  plus  beau  des  dieux,  l'Amour,  qui  amollit  les  âmes,  et,  s'emparant  du  cœur  de  toutes  les  divinités  et  de  tous  les  hommes,  triomphe  de  leur  sage  volonté.    Du  Chaos  sortirent  l’Érèbe  et  la  Nuit  obscure.  L'Éther  et  le  Jour  naquirent  de  la  Nuit,  qui  les  conçut  en  s'unissant  d'amour  avec  l'Érèbe.    La  Terre  enfanta  d'abord  Ouranos  couronné  d'étoiles  et  le  rendit  son  égal  en  grandeur  afin  qu'il  la  couvrît  tout  entière   et   qu'elle   offrît   aux   bienheureux   Immortels   une   demeure   toujours   tranquille   ;   elle   créa   les   hautes  montagnes,  les  gracieuses  retraites  des  Nymphes  divines  qui  habitent  les  monts  aux  gorges  profondes.  Bientôt,  sans  goûter  les  charmes  du  plaisir,  elle  engendra  Pontus,  la  stérile  mer  aux  flots  bouillonnants  ;  puis,  s'unissant  avec  Ouranos,   elle   fit   naître   l'Océan  aux   gouffres   immenses,   Céus,   Créus,  Hypérion,   Japet,  Théa,  Thémis,  Rhéa,  Mnémosyne,  Phébè  à  la  couronne  d'or  et  l’aimable  Téthys.  Le  dernier  et  le  plus  terrible  de  ses  enfants,  l'astucieux  Cronos,  devint  l'ennemi  du  florissant  auteur  de  ses  jours.  La  Terre  enfanta  aussi  les  Cyclopes  au  cœur  superbe,  Brontès,  Stéropés  et  l'intrépide  Argès,  qui  remirent  son  tonnerre  à  Zeus  et  lui  forgèrent  sa  foudre  :  tous  les  trois  ressemblaient  aux  autres  dieux,   seulement   ils  n'avaient  qu'un  œil  au  milieu  du   front  et   reçurent   le  surnom  de  Cyclopes,  parce  que  cet  œil  présentait  une   forme  circulaire.  Dans   tous   les   travaux  éclataient   leur   force  et   leur  puissance.  La  Terre  et  Ouranos  eurent  encore  trois   fils  grands  et  vigoureux,   funestes  à  nommer,  Cottus,  Briarée  et  Gygès,  race  orgueilleuse  et   terrible   !  Cent  bras   invincibles  s'élançaient  de   leurs  épaules  et  cinquante  têtes  attachées  à  leurs   dos   s'allongeaient   au-­‐dessus   de   leurs   membres   robustes.   Leur   force   était   immense,   infatigable,  proportionnée  à  leur  haute  stature.    Ces   enfants,   les   plus   redoutables   de   tous   ceux   qu'engendrèrent   la   Terre   et   Ouranos,   devinrent   dès   le  commencement  odieux  à  leur  père.  À  mesure  qu'ils  naissaient,  loin  de  leur  laisser  la  lumière  du  jour,  Ouranos  les  cachait   dans   les   flancs   de   la   Terre   et   se   réjouissait   de   cette   action   dénaturée.   La   Terre   immense   gémissait,  profondément  attristée,   lorsque  enfin  elle  médita  une  cruelle  et  perfide  vengeance.  Dès  qu'elle  eut   tiré  de  son  sein   l'acier   éclatant   de   blancheur,   elle   fabriqua   une   grande   faux,   révéla   son   projet   à   ses   enfants   et,   pour   les  encourager,  leur  dit,  consumée  de  douleur  :  "Mes  fils  !  si  vous  voulez  m'obéir,  nous  vengerons  l'outrage  que  vous  fait  subir  votre  coupable  père  :  car  il  est  le  premier  auteur  d'une  action  indigne."  Elle  dit.  La  crainte  s'empara  de  tous  ses  enfants  ;  aucun  n'osa  répliquer.    Enfin  le  grand  et  astucieux  Cronos,  ayant  pris  confiance,  répondit  à  sa  vénérable  mère  :  "Ô  ma  mère!  je  promets  d'accomplir  notre  vengeance,  puisque  je  ne  respecte  plus  un  père  trop  fatal  :  car  il  est  le  premier  auteur  d'une  action  indigne."  A  ces  mots,  la  Terre  immense  ressentit  une  grande  joie  au  fond  de  son  cœur.  Après  avoir  caché  Cronos  dans  une  embuscade,   elle   remit   en   ses  mains   la   faux   à   la   dent   tranchante   et   lui   expliqua   sa   ruse   tout   entière.   Le   grand  Ouranos  arriva,  amenant  la  Nuit,  et  animé  du  désir  amoureux,  il  s'étendit  sur  la  Terre  de  toute  sa  longueur.  Alors  son  fils,  sorti  de  l'embuscade,  le  saisit  de  la  main  gauche,  et  de  la  droite,  agitant  la  faux  énorme,  longue,  acérée,  il  s'empressa  de  couper  l'organe  viril  de  son  père  et  le  rejeta  derrière  lui.  Ce  ne  fut  pas  vainement  que  cet  organe  tomba   de   sa  main   :   toutes   les   gouttes   de   sang   qui   en   découlèrent,   la   Terre   les   recueillit,   et   les   années   étant  révolues,  elle  produisit   les  redoutables  Furies,   les  Géants  monstrueux,  chargés  d'armes  étincelantes  et  portant  dans  leurs  mains  d'énormes  lances,  enfin  ces  Nymphes  qu'on  appelle  Mélies  sur  la  terre  immense.  Cronos  mutila   de  nouveau   avec   l'acier   le  membre  qu'il   avait   coupé  déjà   et   le   lança  du   rivage  dans   les   vagues  agitées  de  Pontus   :   la  mer   le   soutint   longtemps,  et  de  ce  débris  d'un  corps   immortel   jaillit  une  blanche  écume  d'où  naquit  une  jeune  fille  qui  fut  d'abord  portée  vers  la  divine  Cythère  et  de  là  parvint  jusqu'à  Chypre  entourée  

UNS. Mythologie. Zucker. 2012

2

de  flots.  Bientôt,  déesse  ravissante  de  beauté,  elle  s'élança  sur  la  rive,  et  le  gazon  fleurit  sous  ses  pieds  délicats.  Les   dieux   et   les   hommes   appellent   cette   divinité   à   la   belle   couronne   Aphrodite,   parce   qu'elle   fut   nourrie   de  l'écume  des  mers  ;  Cythérée,  parce  qu'elle  aborda  Cythère,  Cyprigénie,  parce  qu'elle  naquit  dans  Chypre  entourée  de  flots  et  Philomédée,  parce  que  c'est  d'un  organe  générateur  qu'elle  reçut  la  vie.  Accompagnée  de  l'Amour  et  du  beau  Désir,   le  même   jour  de   sa  naissance,   elle   se   rendit   à   la   céleste   assemblée.  Dès   l'origine,   jouissant  des  honneurs   divins,   elle   obtint   du   sort   l'emploi   de   présider,   parmi   les   hommes   et   les   dieux   immortels,   aux  entretiens  des   jeunes   vierges,   aux   tendres   sourires,   aux   innocents   artifices,   aux  doux  plaisirs,   aux   caresses  de  l'amour  et  de  la  volupté.  Le  grand  Ouranos,  irrité  contre  les  enfants  qu'il  avait  engendrés  lui-­‐même,  les  surnomma  les  Titans,  disant  qu'ils  avaient  étendu  la  main  pour  commettre  un  énorme  attentat  dont  un  jour  ils  devaient  recevoir  le  châtiment.    La  Nuit  enfanta  l'odieux  Destin,  la  noire  Parque  et  la  Mort  ;  elle  fit  naître  le  Sommeil  avec  la  troupe  des  Songes,  et  cependant  cette  ténébreuse  déesse  ne  s'était  unie  à  aucun  autre  dieu.  Ensuite  elle  engendra  Momus,  le  Chagrin  douloureux,   les  Hespérides,  qui  par  delà   l'illustre  Océan,  gardent   les  pommes  d'or  et   les  arbres  chargés  de  ces  beaux  fruits,  les  Destinées,  les  Parques  impitoyables,  Clotho,  Lachésis  et  Atropos  qui  dispensent  le  bien  et  le  mal  aux   mortels   naissans,   poursuivent   les   crimes   des   hommes   et   des   deux   et   ne   déposent   leur   terrible   colère  qu'après  avoir  exercé  sur  le  coupable  une  cruelle  vengeance.  La  Nuit  funeste  conçut  encore  Némésis,  ce  fléau  des  mortels,  puis   la  Fraude,   l'Amour  criminel,   la  triste  Vieillesse,  Éris  au  cœur  opiniâtre.    L'odieuse  Éris   fit  naître  à  son   tour   le   Travail   importun,   l'Oubli,   la   Faim,   les   Douleurs   qui   font   pleurer,   les   Disputes,   les   Meurtres,   les  Guerres,  le  Carnage,  les  Querelles,  les  Discours  mensongers,  les  Contestations,  le  Mépris  des  lois  et  Até,  ce  couple  inséparable,  enfin  Horcus,  si  fatal  aux  habitants  de  la  terre  quand  l'un  d'eux  se  parjure  volontairement.    

[monde]  Texte  1b  :  Genèse  I  (Ed.  du  cerf,  1988)    Au  commencement,  Dieu  créa  le  ciel  et  la  terre.  Or  la  terre  était  vide  et  vague,  les  ténèbres  couvraient  l’abîme,  un  vent  de  Dieu  tournoyait  sur  les  eaux.    Dieu  dit  :  «  Que  la  lumière  soit  »  et  la  lumière  fut.  Dieu  vit  que  la  lumière  était  bonne,  et  Dieu  sépara  la  lumière  et  les  ténèbres.  Dieu  appela  la  lumière  «  jour  »  et  les  ténèbres  «  nuit  ».  Il  y  eut  un  soir  et  il  y  eut  un  matin  :  premier  jour.    Dieu  dit  :  «  Qu’il  y  ait  un  firmament  au  milieu  des  eaux  et  qu’il  sépare  les  eaux  d’avec  les  eaux  »  et  il  en  fut  ainsi.  Dieu   fit   le   firmament,   qui   sépara   les   eaux   qui   sont   sous   le   firmament   d’avec   les   eaux   qui   sont   au-­‐dessus   du  firmament,  et  Dieu  appela  le  firmament  «  ciel  ».  Il  y  eut  un  soir  et  il  y  eut  un  matin  :  deuxième  jour.    Dieu  dit  :  «  Que  les  eaux  qui  sont  sous  le  ciel  s’amassent  en  une  seule  masse  et  qu’apparaisse  le  continent  »  et  il  en  fut  ainsi.  Dieu  appela  le  continent  «  terre  »  et  la  masse  des  eaux  «  mers  »,  et  Dieu  vit  que  cela  était  bon.    Dieu  dit  :  «  Que  la  terre  verdisse  de  verdure  :  des  herbes  portant  semence  et  des  arbres  fruitiers  donnant  sur  la  terre  selon  leur  espèce  des  fruits  contenant  leur  semence  »  et  il  en  fut  ainsi.  La  terre  produisit  de  la  verdure  :  des  herbes   portant   semence   selon   leur   espèce,   des   arbres   donnant   selon   leur   espèce   des   fruits   contenant   leur  semence,  et  Dieu  vit  que  cela  était  bon.  Il  y  eut  un  soir  et  il  y  eu  un  matin  :  troisième  jour.    Dieu  dit  :  «  Qu’il  y  ait  des  luminaires  au  firmament  du  ciel  pour  séparer  le  jour  et  la  nuit  ;  qu’ils  servent  de  signes,  tant   pour   les   fêtes   que   pour   les   jours   et   les   années  ;   qu’ils   soient   des   luminaires   au   firmament   du   ciel   pour  éclairer  la  terre  »  et  il  en  fut  ainsi.  Dieu  fit  les  deux  luminaires  majeurs  :  le  grand  luminaire  comme  puissance  du  jour   et   le   petit   luminaire   comme  puissance  de   la   nuit,   et   les   étoiles.  Dieu   les  plaça   au   firmament  du   ciel   pour  éclairer  la  terre,  pour  commander  au  jour  et  à  la  nuit,  pour  séparer  la  lumière  et  les  ténèbres,  et  Dieu  vit  que  cela  était  bon.  Il  y  eut  un  soir  et  il  y  eut  un  matin  :  quatrième  jour.    Dieu  dit  :  «  Que   les  eaux  grouillent  d’un  grouillement  d’êtres  vivants  et  que  des  oiseaux  volent  au-­‐dessus  de   la  terre  contre  le  firmament  du  ciel  »  et  il  en  fut  ainsi.  Dieu  créa  les  grands  serpents  de  mer  et  tous  les  êtres  vivants  qui  glissent  et  qui  grouillent  dans  les  eaux  selon  leur  espèce,  et  toute  la  gent  ailée  selon  son  espèce,  et  Dieu  vit  que  cela  était  bon.  Dieu  les  bénit  et  dit  :  «  Soyez  féconds,  multipliez,  emplissez  l’eau  des  mers,  et  que  les  oiseaux  multiplient  sur  la  terre.  »  Il  y  eut  un  soir  et  il  y  eut  un  matin  :  cinquième  jour.    Dieu  dit  :  «  Que   la   terre  produise  des  êtres  vivants  selon   leur  espèce  :  bestiaux,  bestioles,  bêtes  sauvages  selon  leur  espèce  »  et  il  en  fut  ainsi.    Dieu   fit   les  bêtes  sauvages  selon   leur  espèce,   les  bestiaux  selon   leur  espèce  et   toutes   les  bestioles  du  sol  selon  leur  espèce,  et  Dieu  vit  que  cela  était  bon.    Dieu  dit  :  «  Faisons  l’homme  à  notre  image,  comme  notre  ressemblance,  et  qu’ils  dominent  sur  les  poissons  de  la  mer,  les  oiseaux  du  ciel,  les  bestiaux,  toutes  les  bêtes  sauvages  et  toutes  les  bestioles  qui  rampent  sur  la  terre.  »    Dieu  créa  l’homme  à  son  image,  à  l’image  de  Dieu  il  le  créa,  homme  et  femme  il  les  créa.    Dieu   les   bénit   et   leur   dit  :   «  Soyez   féconds,   multipliez,   emplissez   la   terre   et   soumettez-­‐la  ;   dominez   sur   les  poissons  de  la  mer,  les  oiseaux  du  ciel  et  tous  les  animaux  qui  rampent  sur  la  terre.  »    Dieu  dit  :  «  Je  vous  donne  toutes  les  herbes  portant  semence,  qui  sont  sur  toute  la  surface  de  la  terre,  et  tous  les  arbres   qui   ont   des   fruits   portant   semence  :   ce   sera   votre   nourriture.   À   toutes   les   bêtes   sauvages,   à   tous   les  oiseaux  du  ciel,  à  tout  ce  qui  rampe  sur  la  terre  et  qui  est  animé  de  vie,  je  donne  pour  nourriture  toute  la  verdure  

UNS. Mythologie. Zucker. 2012

3

des  plantes  »  et   il  en   fut  ainsi.  Dieu  vit   tout  ce  qu’il  avait   fait  :   cela  était   très  bon.   Il  y  eut  un  soir  et   il  y  eut  un  matin  :  sixième  jour.    Ainsi  furent  achevés  le  ciel  et  la  terre,  avec  toute  leur  armée.  Dieu  conclut  au  septième  jour  l’ouvrage  qu’il  avait  fait  et,  au  septième  jour,  il  chôma,  après  tout  l’ouvrage  qu’il  avait  fait.    Dieu  bénit  le  septième  jour  et  le  sanctifia,  car  il  avait  chômé  après  tout  son  ouvrage  de  création.    Telle  fut  l’histoire  du  ciel  et  de  la  terre,  quand  ils  furent  créés.      

[monde]  Texte  1c  :  Popol  vuh      «  (1)  Voici  le  récit  du  temps  où  tout  était  en  suspension,  tout  calme,  tout  en  silence,  tout  immobile,  muet  et  vide  dans   l'extension  du  ciel.  Ceci  est   la  première  expression,   la  première  parole.   Il  n'y  avait   encore  ni  hommes,  ni  animaux,  ni  oiseaux,  ni  poissons,  ni  crustacés,  ni  arbres,  ni  pierres,  ni  cavernes,  ni  gorges,  ni  herbes,  ni   forêts   :  seul   le   Ciel   existait.   La   face   de   la   Terre   ne   se  manifestait   pas.   Seuls   étaient   la   mer   calme   et   le   ciel   dans   son  extension.  Il  n'y  avait  rien  d'assemblé  qui  fasse  de  bruit,  ni  chose  qui  se  meuve,  ni  qui  s'agite  dans  le  Ciel.  Il  n'y  avait  rien  qui  soit  sur  pied;  seule  l'eau  en  repos,  la  mer  impassible  et  tranquille.  Rien  n'émergeait  de  l'immobilité  et   du   silence,   dans   l'obscurité   de   la   nuit.   Seuls   Tzacol,   le   Créateur;   Bitol,   le   Formateur;   Tepeu,   le   Puissant;  Gucumatz,  Serpent  Emplumé,  les  Géniteurs,  étaient  dans  l'eau,  entourés  de  clarté,  cachés  sous  des  plumes  vertes  et   bleues.   Leur   nature   était   celle   de   grands   sages   et   de   grands   penseurs.   Ils   étaient   l'œuvre   du   Cœur   du   Ciel,  Huracan,   qui   vint   près   de   Tepeu   et   Gucumatz   dans   l'obscurité   de   la   nuit.   Ils   parlèrent,   se   consultèrent,   et  méditant   entre   eux,   ils   se   mirent   d'accord   pour   assembler   leurs   paroles,   et   leurs   pensées.   Tandis   qu'ils  méditaient  sur  l'apparition  de  l'homme  à  la  venue  de  l'aube,  la  clarté  se  manifesta.  Ils  disposèrent  de  la  création,  et  de  la  croissance  des  arbres  et  des  lianes,  de  la  naissance  de  la  vie  et  de  la  création  de  l'homme.  Tout  se  mit  en  place  dans  les  ténèbres  et  dans  la  nuit,  par  le  Cœur  du  Ciel  qui  se  nomme  Huracan.  Le  premier  signe  se  nomme  Caculha   Huracan,   Maître   Géant   Eclair;   le   deuxième   est   Chipi   Caculha,   Trace   de   l'Éclair;   le   troisième   est   Raxa  Caculha,  Splendeur  de  l'Éclair  3  :  tous  trois  soont  le  Cœur  du  Ciel.  Tous  se  joignirent  à  Tepeu  et  Gucumatz  pour  tenir   conseil   sur   la  vie  et   la   clarté,  pour  concevoir   l'aube  et   celui  qui   serait   le  producteur  de   l'aliment  et  de   la  substance.  -­‐  Que  cela  soit  ainsi!  Que  se  remplisse  le  vide!  Que  cette  eau  se  retire,  et  désoccupe  l'espace,  que  surgisse  la  terre  et  qu'elle  se  raffermisse  !  Que  naisse  l'aube  dans  le  ciel  et  sur  la  terre!  Il  n'y  aura  ni  gloire  ni  grandeur  dans  notre  création  et  formation  jusqu'à  ce  que  naisse  la  créature  humaine,  l'homme  formé,  ainsi  dirent-­‐ils.  -­‐  Terre!  dirent-­‐ils,  et  à  l'instant  elle  parut.  Comme  la  brume,  comme  le  nuage,  comme  un  tourbillon  fut  la  création,  lorsque  surgirent  de  l'eau  les  montagnes,  et  qu'elles   se  mirent  aussitôt  à  grandir.  C'est   seulement  par  un  prodige,  par   l'art  de   la  magie  que  se   réalisa   la  formation  des  montagnes  et  des  vallées,  et  qu'aussitôt  apparurent  avec  elles  les  cyprières  et  les  pinèdes.  Le  Serpent  Emplumé  fut  rempli  d'allégresse  -­‐  Bonne  est  ta  venue,  Cœur  du  Ciel!  Huracan  et  toi,  Maître  Géant  Éclair,  Trace  de  l'Éclair,  Splendeur  de  l'Éclair.  -­‐  Notre  œuvre,  notre  création  sera  achevée,  répondirent-­‐ils.  Après   les  montagnes   et   les   vallées,   furent   conçus   les   fleuves,   qui   se   divisèrent   en   rivières,   courant   librement  entre   les  monts.  C'est  ainsi  que   fut  créée   la   terre   lorsque  Cœur  du  Ciel,  Cœur  de   la  Terre   l'engendrèrent,  alors  que  le  ciel  était  en  suspension  et  la  terre  submergée  par  les  eaux.  C'est  ainsi  qu'ils  exécutèrent  leur  œuvre  dans  sa  perfection,  après  avoir  pensé,  et  médité  sur  son  heureux  achèvement.    (2)  Puis   ils   donnèrent  naissance   aux   animaux  des  montagnes,   les   gardiens  de   toutes   les   forêts,   les   génies  des  montagnes,  cerfs,  oiseaux,  jaguars,  pumas,  serpents,  vipères,  gardiens  des  lianes.  Les  Engendreurs  dirent  alors  :  -­‐  Ne  régnera-­‐t-­‐il  que  le  silence  et  l'immobilité  sous  les  arbres  et  les  lianes  ?  Il  convient  qu'il  y  ait  des  gardiens.  A  l'instant  même  où  ils  méditèrent  et   les  nommèrent  apparurent   les  cerfs  et   les  oiseaux.  Puis   ils   leur  répartirent  leurs  demeures  -­‐  Toi,  cerf,  tu  dormiras  sur  le  chemin  des  fleuves  et  dans  les  ravins.  Là,  tu  te  tiendras  entre  les  broussailles  et  les  herbes;  dans  la  forêt  tu  te  reproduiras;  sur  quatre  pattes  tu  iras  et  t'alimenteras.  Ainsi  dit,  ainsi  fait.  Puis  ce  fut  le  tour  des  oiseaux,  des  plus  petits  et  des  plus  grands  -­‐  Vous,  oiseaux,  vous  habiterez  sur  les  arbres  et  les  lianes;  là,  vous  ferez  vos  nids  et  vous  vous  reproduirez;vous  vous  multiplierez  entre  les  branches  des  arbres  et  les  lianes.  Ainsi  fut-­‐il  dit  aux  cerfs  et  aux  oiseaux  pour  qu'ils  fassent  ce  qu'ils  devaient,  et   tous  prirent  habitation  et  nid.  C'est  ainsi  que   les  engendreurs  donnèrent  gîte  aux  animaux  de  la  terre.  Puis  Tzacol,  Bitol,  Alom,  Qaholom  ayant  terminé  de  les  former  leur  dirent  -­‐  Parlez,  criez,  gazouillez;  que  chacun  fasse  entendre  son  langage  selon  son  espèce,  sa  variété.  Ainsi  fut-­‐il  dit  aux  cerfs,  oiseaux,  jaguars,  pumas,  serpents.  -­‐  Dites  désormais  nos  noms,   louangez-­‐nous,   nous,   votre  père,   votre  mère.   Invoquez  Huracan,   le  Cœur  du  Ciel,  Splendeur  de  l'Éclair,  Trace  de  l'Éclair,  Esprit  du  Ciel,  Esprit  de  la  Terre,  le  Créateur,  le  Formateur,  les  Géniteurs;  parlez,   invoquez-­‐nous,   adorez-­‐nous,   dirent-­‐ils.   Mais   ils   ne   purent   parler   comme   les   hommes.   Ils   caquetèrent,  mugirent,  croassèrent  sans  qu'il  se  manifeste  de  forme  de  langage,  chacun  criant  à  sa  manière.  

UNS. Mythologie. Zucker. 2012

4

Lorque  Tzacol  et  Bitol  virent  cela:  -­‐  Its  n'ont  pas  pu  dire  notre  nom,  celui  de  leur  Créateur  et  Formateur.  Cela  n'est  pas  bien,  dirent-­‐ils  entre  eux.  -­‐ Vous   serez   changés   puisqu'il   n'a   pas   été   possible   que   vous   parliez.   Nous   avons   changé   d'avis   :   votre  alimentation,   votre   pâture,   votre   habitation,   vos   nids,   ce   seront   les   ravins   et   les   forêts,   puisqu'il   n'est   pas  possible  que  vous  nous  adoriez,  ni  que  vous  nous  invoquiez.  Ceux  qui  nous  adoreront  sont  encore  à  venir,  nous  les  ferons  dignes  de  nous.  Quant  à  vous,  acceptez.    

[monde]  Texte  1d  :  Rig  Veda  10.129  (Tad  Ekam)      (1) Il n'y avait pas l'être, il n'y avait pas le non-être en ce temps. Il n'y avait ni l'espace, ni le firmament au-delà. Quel était le contenu ? Où était-ce ? Sous la garde de qui ? Y avait-il de l'eau profonde, de l'eau sans fond. (2) Ni la mort, ni la non-mort n'étaient en ce temps, Point de signe distinguant la nuit du jour. L'Un respirait sans souffle mû de soi-même: Rien d'autre n'existait par ailleurs. (3) A l'origine les ténèbres couvraient des ténèbres, Tout ce qu'on voit n'était qu'onde indistincte. Enfermé dans le vide, le Devenant, L'Un prit alors naissance par le pouvoir de la Chaleur. (4) Au commencement Cela qui était la semence première de la Pensée se mua en Désir: les sages cherchant en leur cœur découvrirent intuitivement que le lien de l'être se situait dans le non-être (5) Leur cordeau était tendu en diagonale: Quel était le dessus, quel était le dessous ? Il y eut des porteurs de semence, il y eut des énergies féminines: En bas était l'Instinct, en haut le Don. (6) Qui sait en vérité, qui pourrait l'annoncer ici: D'où est issue, d'où vient cette création ? Les dieux sont en deçà de cet acte créateur: Qui sait d'où il émane ? (7) Cette création, d'où elle émane, Si elle a été fabriquée ou si elle ne l'a pas été, Celui qui veille sur elle au plus haut du ciel, Le sait sans doute: ou bien ne le sait-il pas ?

[monde]  Texte  1e  :  CORAN,  Sourate  21,  Versets  30  et  33    Les  incrédules  n'ont-­‐ils  pas  vu  que  les  cieux  et  la  terre  formaient  une  masse  compacte?  Nous  les  avons  ensuite  séparées.  Et  c'est  lui  qui  a  créé  la  nuit  et  le  jour,  le  soleil  et  la  lune.  Chacun  voguant  dans  une  orbite.    

*    

 [homme]  Txt.  2a  :  OVIDE,  Métamorphoses,  1.21-­‐88)        Un  dieu,  ou  la  nature  plus  puissante,  termina  tous  ces  combats,  sépara  le  ciel  de  la  terre,  la  terre  des  eaux,  l'air  le  plus   pur   de   l'air   le   plus   grossier.   Le   chaos   étant   ainsi   débrouillé,   les   éléments   occupèrent   le   rang   qui   leur   fut  assigné,   et   reçurent   les   lois   qui   devaient   maintenir   entre   eux   une   éternelle   paix.   Le   feu,   qui   n'a   point   de  pesanteur,  brilla  dans  le  ciel,  et  occupa  la  région  la  plus  élevée.  Au-­‐dessous,  mais  près  de  lui,  vint  se  placer  l'air  par   sa   légèreté.   La   terre,   entraînant   les   éléments   épais   et   solides,   fut   fixée   plus   bas   par   son   propre   poids.   La  dernière  place  appartint  à  l'onde,  qui,  s'étendant  mollement  autour  de  la  terre,  l'embrassa  de  toutes  parts.  [32]  Après  que  ce  dieu,  quel  qu'il  fût,  eut  ainsi  débrouillé  et  divisé  la  matière,  il  arrondit  la  terre  pour  qu'elle  fût  égale  dans   toutes   ses  parties.   Il   ordonna  qu'elle   fût   entourée  par   la  mer,   et   la  mer   fut   soumise  à   l'empire  des  vents,  sans  pouvoir  franchir  ses  rivages.  Ensuite  il  forma  les  fontaines,  les  vastes  étangs,  et  les  lacs,  et  les  fleuves,  qui,  renfermés  dans  leurs  rives  tortueuses,  et  dispersés  sur  la  surface  de  la  terre,  se  perdent  dans  son  sein,  ou  se  jettent  dans  l'océan;  et  alors,  coulant  plus  librement  dans  son  enceinte  immense  et  profonde,  ils  n'ont  à  presser  

UNS. Mythologie. Zucker. 2012

5

d'autres   bords   que   les   siens.   Ce   dieu   dit,   et   les   plaines   s'étendirent,   les   vallons   s'abaissèrent,   les   montagnes  élevèrent  leurs  sommets,  et  les  forêts  se  couvrirent  de  verdure.  Ainsi  que  le  ciel  est  coupé  par  cinq  zones,  deux  à  droite,  deux  à  gauche,  et  une  au  milieu,  qui  est  plus  ardente  que  les  autres,  ainsi  la  terre  fut  divisée  en  cinq  régions  qui  correspondent  à  celles  du  ciel  qui  l'environne.  La  zone  du  milieu,  brûlée  par  le  soleil,  est  inhabitable;  celles  qui  sont  vers  les  deux  pôles  se  couvrent  de  neiges  et  de  glaces  éternelles  :   les  deux  autres,  placées  entre   les  zones  polaires  et   la  zone  du  milieu,  ont  un  climat   tempéré  par   le  mélange  du  chaud  et  du  froid.  Étendu  sur  les  zones,  l'air,  plus  léger  que  la  terre  et  que  l'onde,  est  plus  pesant  que  le  feu.  [54]  C'est  dans  la  région  de  l'air  que  l'auteur  du  monde  ordonna  aux  vapeurs  et  aux  nuages  de  s'assembler,  au  tonnerre  de  gronder  pour  effrayer  les  mortels,  aux  vents  d'exciter  la  foudre,  la  grêle  et  les  frimas;  mais  il  ne  leur  abandonna  pas  le  libre  empire  des  airs.  Le  monde,  qui  résiste  à  peine  à  leur  impétuosité,  quoiqu'ils  ne  puissent  franchir   les   limites   qui   leur   ont   été   assignées,   serait   bientôt   bouleversé,   tant   est   grande   la   division   qui   règne  entre  eux,  S'il  leur  était  permis  de  se  répandre  à  leur  gré  sur  la  terre  !  Eurus  fut  relégué  vers  les  lieux  où  naît  l'aurore,  dans  la  Perse,  dans  l’Arabie,  et  sur  les  montagnes  qui  reçoivent  les   premiers   rayons   du   jour.   Zéphyr   eut   en   partage   les   lieux   où   se   lève   l'étoile   du   soir,   où   le   soleil   éteint   ses  derniers  feux.  L'horrible  Borée  envahit  la  Scythie  et  les  climats  glacés  du  septentrion.  Les  régions  du  midi  furent  le  domaine  de   l'Auster  pluvieux,   au   front   couvert  de  nuages  éternels;   et  par-­‐delà   le   séjour  des  vents   fut  placé  l'éther,  élément  fluide  et  léger,  dépouillé  de  l'air  grossier  qui  nous  environne.  À  peine  tous  ces  corps  étaient-­‐ils  séparés,  assujettis  à  des  lois  immuables,  les  astres,  longtemps  obscurcis  dans  la  masse  informe  du  chaos,  commencèrent  à  briller  dans  les  cieux.  Les  étoiles  et  les  dieux  y  fixèrent  leur  séjour,  afin  qu'aucune  région  ne  fût  sans  habitants.  Les  poissons  peuplèrent  l'onde;  les  quadrupèdes,  la  terre;  les  oiseaux,  les  plaines  de  l'air.  Un  être  plus  noble  et  plus  intelligent,  fait  pour  dominer  sur  tous  les  autres,  manquait  encore  à  ce  grand  ouvrage.  L'homme   naquit  :   et   soit   que   l'architecte   suprême   l'eût   animé   d'un   souffle   divin,   soit   que   la   terre   conservât  encore,  dans  son  sein,  quelques-­‐unes  des  plus  pures  parties  de  l'éther  dont  elle  venait  d'être  séparée,  et  que  le  fils  de  Japet,  détrempant  cette  semence  féconde,  en  eût  formé  l'homme  à  l'image  des  dieux,  arbitres  de  l'univers;  l'homme,  distingué  des  autres  animaux  dont   la  tête  est   inclinée  vers   la  terre,  put  contempler  les  astres  et  fixer  ses   regards   sublimes  dans   les   cieux.  Ainsi   la  matière,   auparavant   informe  et   stérile,  prit   la   figure  de   l'homme,  jusqu'alors  inconnue  à  l'univers.      

[homme]  Txt.  2b  :  EMPÉDOCLE  (fr.  57  D)      Ainsi  poussèrent  nombre  de  têtes  sans  cou,  |  errèrent  des  bras  nus  sans  épaule,  |  et  des  yeux  qui  n'étaient  pas  fixés   à   des   visages   |   ..(fr.   59   D)   mais   quand   le   divin   (élément)   s'unit   davantage   au   divin,   |   ces   membres  s'ajustèrent  comme  ils  se  rencontrèrent,  |  et  là-­‐dessus  nombre  d'autres  provinrent  sans  discontinuer  ..  (fr.  61  D)  Il   y   eut   donc   nombre   d'êtres   à   double   visage   et   à   double   poitrine,   |   des   formes   bovines   à   tête   humaine,   et  inversement  |  des  formes  humaines  à  tête  bovine,  qui  possédaient  à  la  fois  les  attributs  de  l'homme  |  et  ceux  de  la  femme,   avec   ses  membres   ombreux   |...   les   pieds   traînants,   des  mains   innombrables   |..   (fr.   62   D)  Maintenant,  comment  des  hommes  et  des  femmes  aux  pleurs  faciles  |  la  race  fut  produite  au  jour  par  le  feu  qui  se  dégageait,  |  écoute-­‐le;  ce  n'est  pas  un  discours  hors  de  propos  ou  frivole.  |  D'abord  des  formes  indistinctes  s'élevèrent  du  sol,  |   à   la   fois  constituées  d'eau  et  de   terre.   |  Le   feu,   cherchant  à   se   réunira  son  semblable,   les   faisait   sortir,   |   sans  qu'elles  montrassent  déjà  le  gracieux  arrangements  des  membres,  |  sans  qu'elles  eussent  la  voix  ni  les  attributs  du  sexe  viril    

[homme]  Txt.  2c  :  Bible,  Genèse  1.26-­‐28,  2.6-­‐8,  2.22-­‐23    1.26  Puis  Dieu  dit:  Faisons  l'homme  à  notre  image,  selon  notre  ressemblance,  et  qu'il  domine  sur  les  poissons  de  la  mer,  sur  les  oiseaux  du  ciel,  sur  le  bétail,  sur  toute  la  terre,  et  sur  tous  les  reptiles  qui  rampent  sur  la  terre.    1.27.  Dieu  créa  l'homme  à  son  image,  il  le  créa  à  l'image  de  Dieu,  il  créa  l'homme  et  la  femme.    1.28.  Dieu  les  bénit,  et  Dieu  leur  dit:  Soyez  féconds,  multipliez,  remplissez  la  terre,  et  l'assujettissez;  et  dominez  sur  les  poissons  de  la  mer,  sur  les  oiseaux  du  ciel,  et  sur  tout  animal  qui  se  meut  sur  la  terre.  […]  2.6  Mais  une  vapeur  s'éleva  de  la  terre,  et  arrosa  toute  la  surface  du  sol.    2.7   L'Éternel   Dieu   forma   l'homme   de   la   poussière   de   la   terre,   il   souffla   dans   ses   narines   un   souffle   de   vie   et  l'homme  devint  un  être  vivant.    2.8  Puis  l'Éternel  Dieu  planta  un  jardin  en  Éden,  du  côté  de  l'orient,  et  il  y  mit  l'homme  qu'il  avait  formé.  2.21  Alors  l'Éternel  Dieu  fit  tomber  un  profond  sommeil  sur  l'homme,  qui  s'endormit;  il  prit  une  de  ses  côtes,  et  referma  la  chair  à  sa  place.    2.22  L'Éternel  Dieu  forma  une  femme  de  la  côte  qu'il  avait  prise  de  l'homme,  et  il  l'amena  vers  l'homme.    

UNS. Mythologie. Zucker. 2012

6

2.23  Et  l'homme  dit:  Voici  cette  fois  celle  qui  est  os  de  mes  os  et  chair  de  ma  chair!  on  l'appellera  femme,  parce  qu'elle  a  été  prise  de  l'homme.    

[homme]  Txt.  2d  :  PLATON,  Protagoras  320c    Je  ne  te  le  cacherai  pas  non  plus,  reprit  Protagoras,  mais  choisis  :  veux-­‐tu  que,  comme  un  vieillard  qui  parle  à  des  jeunes  gens,  je  te  fasse  cette  démonstration  par  le  moyen  d'une  fable,  ou  bien  que  j'emploie  le  raisonnement  ?  A  ces  mots,  la  plupart  de  ceux  qui  étaient  là  assis  se  sont  écriés  qu'il  était  le  maître.  Puisque  cela  est,  dit-­‐il,  je  crois  que   la   fable   sera   plus   agréable.   Il   fut   un   temps   où   les   dieux   existaient,   et   où   il   n'y   avait   point   encore   d'êtres  mortels.  Lorsque  le  temps  de  leur  existence  marqué  par  le  destin  fut  arrivé,  les  dieux  les  formèrent  dans  le  sein  de  la  terre,  les  composant  de  terre,  de  feu,  et  des  autres  éléments  qui  se  mêlent  avec  le  feu  et  la  terre.  Quand  ils  furent  sur  le  point  de  les  faire  paraître  à  la  lumière,  ils  chargèrent  Prométhée  et  Épiméthée  du  soin  de  les  orner,  et   de   pourvoir   chacun   d'eux   des   facultés   convenables.   Épiméthée   conjura   son   frère   de   lui   laisser   faire   cette  distribution.  Quand  je   l'aurai  faite,  dit-­‐il,   tu  examineras  si  elle  est  bien.  Prométhée  y  ayant  consenti,   il  se  met  à  faire  le  partage  :  il  donne  aux  uns  la  force  sans  vitesse,  compense  la  faiblesse  des  autres  par  l'agilité;  arme  ceux-­‐ci,  et  à  ceux-­‐là  qu'il  laisse  sans  défense  il  réserve  quelque  autre  moyen  d'assurer  leur  vie  ;  les  petits  reçoivent  des  ailes,  ou  une  demeure  souterraine  ;  et  ceux  qui  ont  la  grandeur  en  partage,  il  les  met  en  sûreté  par  leur  grandeur  même.   Il   suit   le  même  plan  et   la  même   justice  dans   le   reste  de   la  distribution,  pour  qu'aucune  espèce  ne   soit  détruite.   Après   avoir   pris   les   mesures   nécessaires   pour   empêcher   leur   destruction   mutuelle,   il   s'occupe   des  moyens  de  les  faire  vivre  sous  les  diverses  températures,  en  les  revêtant  d'un  poil  épais  et  d'une  peau  ferme,  qui  pussent  les  défendre  contre  le  froid  et  la  chaleur,  et  tinssent  lieu  à  chacun  de  couvertures  naturelles,  quand  ils  se  retireraient  pour  dormir.  De  plus,  il   leur  met  sous  les  pieds,  aux  uns  une  corne,  aux  autres  des  callosités  et  des  peaux   très   épaisses   et   dépourvues   de   sang.   Il   leur   fournit   ensuite   des   aliments   de   différente   espèce,   aux   uns  l'herbe  de  la  terre,  aux  autres  les  fruits  des  arbres,  à  d'autres  des  racines.  La  nourriture  qu'il  destina  à  quelques-­‐uns  fut  la  substance  même  des  autres  animaux.  Mais  il  fit  en  sorte  que  ces  bêtes  carnassières  multipliassent  peu,  et   attacha   la   fécondité   à   celles   qui   devaient   leur   servir   de   pâture,   afin   que   leur   espèce   se   conservât.   Comme  Épiméthée   n'était   pas   fort   habile,   il   ne   s'aperçut   pas   qu'il   avait   épuisé   toutes   les   facultés   en   faveur   des   êtres  privés  de  raison.  L'espèce  humaine  restait  donc  dépourvue  de  tout,  et  il  ne  savait  quel  parti  prendre  à  son  égard.  Dans   cet   embarras,   Prométhée   survint   pour   jeter   un   coup-­‐d'œil   sur   la   distribution.   Il   trouva   que   les   autres  animaux  étaient  partagés  avec  beaucoup  de  sagesse,  mais  que  l'homme  était  nu,  sans  chaussure,  sans  vêtements,  sans  défense.  Cependant  le   jour  marqué  approchait,  où  l'homme  devait  sortir  de  terre  et  paraître  à  la,   lumière.  Prométhée,   fort   incertain   sur   la  manière  dont   il  pourvoirait   à   la   sûreté  de   l'homme,  prit   le  parti  de  dérober  à  Vulcain  et  à  Minerve  les  arts  et  le  feu  :  car  sans  le  feu  la  connaissance  des  arts  serait  impossible  et  inutile  ;  et  il  en  fil  présent  à  l'homme.  Ainsi  notre  espèce  reçut  l'industrie  nécessaire  au  soutien  de  sa  vie  ;  mais  elle  n'eut  point  la  politique,  car  elle  était  chez  Jupiter,  et   il  n'était  pas  encore  au  pouvoir  de  Prométhée  d'entrer  dans  la  citadelle,  séjour  de  Jupiter,  devant  laquelle  veillaient  des  gardes  redoutables.  Il  se  glisse  donc  en  cachette  dans  l'atelier  où  Minerve  et  Vulcain  travaillaient  en  commun,  dérobe  l'art  de  Vulcain,  qui  s'exerce  par  le  feu,  avec  les  autres  arts  propres  à  Minerve,  et   les  donne  à   l'homme  ;  voilà  comment   l'homme  a   le  moyen  de  subsister.  Prométhée,  à  ce  qu'on   dit,   porta   dans   la   suite   la   peine   de   son   larcin,   dont   Épiméthée   avait   été   la   cause.   L'homme   ayant   donc  quelque  part  aux  avantages  divins,  fut  aussi  le  seul  d'entre  les  animaux  qui,  à  cause  de  son  affinité  avec  les  dieux,  reconnut   leur   existence,   conçut   là   pensée   de   leur   dresser   des   autels,   et   de   leur   ériger   des   statues.   Ensuite   il  trouva  bientôt  l'art  d'articuler  des  sons,  et  de  former  dès  mots;  il  se  procura  une  habitation,  des  vêtements,  une  chaussure,  de  quoi  se  couvrir  la  nuit,  et  tira  sa  nourriture  de  la  terre.  Ainsi  pourvus  du  nécessaire,  les  premiers  hommes  vivaient  dispersés,  et  les  villes  n'existaient  pas  encore.  C'est  pourquoi  ils  étaient  détruits  par  les  bêtes,  étant  trop  faibles  à  tous  égard  pour  leur  résister  :  et  leurs  arts  mécaniques,  qui  suffisaient  pour  leur  donner  de  quoi  vivre  ne  suffisaient  point  pour  combattre   les  animaux;   car   ils  ne  connaissaient  pas  encore   l'art  politique,  dont  celui  de  la  guerre  fait  partie.  Aussi  ils  cherchaient  à  se  rassembler,  et  à  se  mettre  en  sûreté  en  bâtissant  des  villes  ;  mais,  lorsqu'ils  étaient  réunis,  ils  se  nuisaient  les  uns  aux  autres,  parce  que  la  politique  leur  manquait,  de  sorte  que,  se  dispersant  de  nouveau,  ils  devenaient  la  proie  des  bêtes  féroces.  Jupiter,  craignant  donc  que  notre  espèce  né  pérît  entièrement,  envoya  Mercure  pour  faire  présent  aux  hommes  de  la  pudeur  et  de  la  justice,  afin  qu'elles  missent  l'ordre  dans  les  villes,  et  resserrassent  les  liens  de  l'union  sociale.  Mercure  demanda  à  Jupiter  de  quelle  manière  il  devait  taire  la  distribution  de  la  justice  et  de  la  pudeur.  Les  distribuerai-­‐je  comme  on  a  fait  les  arts   ?   or   les   arts   ont   été   distribués   de   cette   manière   :   la   médecine   a   été   donnée   à   un   seul   pour   l'usage   de  plusieurs  qui  n'en  ont  aucune  connaissance,  et  de  même  par  rapport  aux  autres  artisans.  Suivrai-­‐je  la  même  règle  dans  le  partage  de  la  justice  et  de  la  pudeur,  ou  les  distribuerai-­‐je  entre  tous?  Entre  tous,  repartit  Jupiter  ;  et  que  tous  y  aient  part.  Car  si   la  distribution  s'en   fait  entre  un  petit  nombre,  comme  celle  des  autres  arts,   jamais   les  villes  ne  se   formeront.  De  plus,   tu   leur   imposeras  de  ma  part   cette   loi,  de  mettre  à  mort  quiconque  ne  pourra  participer  à  la  pudeur  et  à  la  justice,  comme  un  fléau  de  la  société.    

[homme]  Txt.  2e  :  ESOPE,  Fables  (Chambry)  57,  120,  139    

UNS. Mythologie. Zucker. 2012

7

[57] Zeus et les animaux On dit que les animaux furent façonnés d’abord, et que Dieu leur accorda, à l’un la force, à l’autre la vitesse, à l’autre des ailes ; mais que l’homme resta nu et dit : « Moi seul, tu m’as laissé sans faveur. » Zeus répondit : « Tu ne prends pas garde au présent que je t’ai fait, et pourtant tu as obtenu le plus grand ; car tu as reçu la raison, puissante chez les dieux et chez les hommes, plus puissante que les puissants, plus rapide que les plus rapides. » Et alors reconnaissant le présent de Dieu, l’homme s’en alla, adorant et rendant grâce. Tous les hommes ont été favorisés de Dieu qui leur a donné la raison ; mais certains sont insensibles à une telle faveur et préfèrent envier les animaux privés de sentiment et de raison.    [57]  ZEUS  ET  LES  HOMMES  Zeus, ayant modelé les hommes, chargea Hermès de leur verser de l’intelligence. Hermès, en ayant fait des parts égales, versa à chacun la sienne. Il arriva par là que les hommes de petite taille, remplis par leur portion, furent des gens sensés, mais que les hommes de grande taille, le breuvage n’arrivant pas dans tout leur corps, eurent moins de raison que les autres. Cette fable s’applique à un homme grand de taille, mais dépourvu d’esprit.  [139]  LE  CHEVAL,  LE  BŒUF,  LE  CHIEN  ET  L'HOMME  Quand   Zeus   créa   l'homme,   il   ne   lui   accorda   qu'une   courte   existence.   Mais   l'homme,   tirant,   parti   de   son  intelligence,  quand  vint  l'hiver,  se  bâtit  une  maison  et  y  vécut.  Or  un  jour  le  froid  étant  devenu  violent  et  la  pluie  s'étant  mise  à  tomber,   le  cheval,  ne  pouvant  y  durer,  vint  en  courant  chez  l'homme  et  lui  demanda  de  l'abriter.  Mais  l'homme  déclara  qu'il  ne  le  ferait  qu'à  une  condition,  c'est  que  le  cheval  lui  donnerait  une  partie  des  années  qui  lui  étaient  départies.  Le  cheval  en  fit  l'abandon  volontiers.  Peu  après  le  bœuf  aussi  se  présenta  :  lui  non  plus  ne  pouvait  soutenir  le  mauvais  temps.  L'homme  répondit  de  même  qu'il  ne  le  recevrait  pas,  s'il  ne  lui  donnait  un  certain  nombre  de  ses  propres  années  ;  le  bœuf  en  donna  une  partie  et  fut  admis.  Enfin  le  chien  mourant  de  froid  vint  aussi,  et,  en  cédant  une  partie  du  temps  qu'il  avait  à  vivre,  il  obtint  un  abri.  Voici  ce  qui  en  est  résulté  quand  les  hommes  accomplissent  le  temps  que  leur  a  donné  Zeus,  ils  sont  purs  et  bons;  quand  ils  arrivent  aux  années  qu'ils   tiennent  du  cheval,   ils  sont  glorieux  et  bau  tains;  quand   ils  en  ont  aux  années  du  bœuf,   ils  s'entendent  à  commander   ;  mais  quand  ils  achèvent   leur  existence,   le  temps  du  chien,   ils  deviennent   irascibles  et  grondeurs.  On  pourrait  appliquer  cette  fable  à  un  vieillard  colère  et  morose.      

[homme]  Txt.  2f  :  HÉSIODE  Travaux  &  Jours    Ce  dieu  qui  rassemble  les  nuages  lui  dit  en  son  courroux  :  "Fils  de  Japet,  ô  le  plus  habile  de  tous  les  mortels  !  tu  te  réjouis  d'avoir  dérobé  le  feu  divin  et  trompé  ma  sagesse,  mais  ton  vol  te  sera  fatal  à  toi  et  aux  hommes  à  venir.  Pour  me  venger  de  ce  larcin,   je   leur  enverrai  un  funeste  présent  dont  ils  seront  tous  charmés  au  fond  de  leur  âme,  chérissant  eux-­‐mêmes  leur  propre  fléau."  En  achevant  ces  mots,  le  père  des  dieux  et  des  hommes  sourit  et  commanda  à  l'illustre  Vulcain  de  composer  sans  délais  un  corps,  en  mélangeant  de  la  terre  avec  l'eau,  de  lui  communiquer  la  force  et  la  voix  humaine,  d'en  former  une  vierge  douée  d'une  beauté   ravissante   et   semblable   aux  déesses   immortelles   ;   il   ordonna  à  Minerve  de   lui  apprendre  les  travaux  des  femmes  et  l'art  de  façonner  un  merveilleux  tissu,  à  Vénus  à  la  parure  d'or  de  répandre  sur  sa  tête  la  grâce  enchanteresse,  de  lui  inspirer  les  violents  désirs  et  les  soucis  dévorants,  à  Mercure,  messager  des   dieux   et   meurtrier   d'Argus,   de   remplir   son   esprit   d'impudence   et   de   perfidie.   Tels   furent   les   ordres   de  Jupiter,  et   les  dieux  obéirent  à  ce  roi,   fils  de  Saturne.  Aussitôt   l'illustre  Vulcain,  soumis  à  ses  volontés,   façonna  avec   de   la   terre   une   image   semblable   à   une   chaste   vierge   ;   la   déesse   aux   yeux   bleus,   Minerve,   l'orna   d'une  ceinture  et  de  riches  vêtements  ;  les  divines  Grâces  et  l'auguste  Persuasion  lui  attachèrent  des  colliers  d'or,  et  les  Heures   à   la   belle   chevelure   la   couronnèrent   des   fleurs   du   printemps.   Minerve   entoura   tout   son   corps   d'une  magnifique  parure.  Enfin   le  meurtrier  d'Argus,  docile  au  maître  du   tonnerre,   lui   inspira   l'art  du  mensonge,   les  discours  séduisants  et  le  caractère  perfide.  Ce  héraut  des  dieux  lui  donna  un  nom  et  l'appela  Pandore,  parce  que  chacun  des  habitants  de  l'Olympe  lui  avait  fait  un  présent  pour  la  rendre  funeste  aux  hommes  industrieux.  Après  avoir  achevé  cette  attrayante  et  pernicieuse  merveille,   Jupiter  ordonna  à   l'illustre  meurtrier  d'Argus,  au  rapide  messager  des  dieux,   de   la   conduire   vers  Épiméthée.   Épiméthée  ne   se   rappela   point   que  Prométhée   lui  avait  recommandé  de  ne  rien  recevoir  de  Jupiter,  roi  d'Olympe,  mais  de  lui  renvoyer  tous  ses  dons  de  peur  qu'ils  ne   devinssent   un   fléau   terrible   aux   mortels.   Il   accepta   le   présent   fatal   et   reconnut   bientôt   son   imprudence.  Auparavant,  les  tribus  des  hommes  vivaient  sur  la  terre,  exemptes  des  tristes  souffrances,  du  pénible  travail  et  de  ces  cruelles  maladies  qui  amènent  la  vieillesse,  car  les  hommes  qui  souffrent  vieillissent  promptement.  Pandore,  tenant   dans   ses   mains   un   grand   vase,   en   souleva   le   couvercle,   et   les   maux   terribles   qu'il   renfermait   se  répandirent  au  loin.  L'Espérance  seule  resta.  Arrêtée  sur  les  bords  du  vase,  elle  ne  s'envola  point,  Pandore  ayant  remis  le  couvercle,  par  l'ordre  de  Jupiter  qui  porte  l'égide  et  rassemble  les  nuages.  Depuis  ce  jour,  mille  calamités  entourent   les   hommes   de   toutes   parts   :   la   terre   est   remplie   de  maux,   la  mer   en   est   remplie,   les  maladies   se  plaisent   à   tourmenter   les  mortels   nuit   et   jour   et   leur   apportent   en   silence   toutes   les   douleurs,   car   le   prudent  Jupiter  les  a  privées  de  la  voix.  Nul  ne  peut  donc  échapper  à  la  volonté  de  Jupiter.      

UNS. Mythologie. Zucker. 2012

8

 

[homme]  Txt.  2g  :  LUCIEN  Prométhée  ou  le  Caucase    11.  Passons  à  mon   talent  plastique  et   à   la   fabrication  des  hommes   :   c’est   le  moment  d’en  parler.   Sur   ce  point,  Mercure,  l'accusation  se  divise  en  deux  chefs,  et  je  ne  sais  trop  lequel  vous  me  reprochez  le  plus  :  en  premier  lieu,  de   ce   que   j'ai   fait   des   hommes,   tandis   qu'il   aurait   mieux   valu   qu'il   n'y   en   eût   pas,   ou   tout   an   moins   qu'ils  demeurassent  tranquilles,  terre  immobile  et  inerte  ;  et  en  second  lieu,  de  ce  que,  les  ayant  faits,  je  ne  leur  ai  pas  donné  une  autre  forme  que  celle  qu'ils  ont  aujourd'hui.  Je  vais  toutefois  parler  sur  ces  deux  points  :  et  d'abord,  je  m'efforcerai  de  démontrer  que  les  dieux  n'ont  éprouvé  aucun  dommage  de  ce  que  les  hommes  ont  été  produits  à  la  vie  ;  ensuite,  que  c'est  même  pour  eux  un  avantage  réel  et  beaucoup  plus  considérable,  que  si  la  terre  fût  restée  déserte  et  privée  d'habitants.  12.   Dans   l'origine,   car   il   me   sera   plus   facile,   en   remontant   jusque   là,   de   prouver   si   j'ai   fait   une   innovation  criminelle  en  fabriquant  des  hommes,  dans  l'origine,  dis-­‐je,  il  n'y  avait  qu'une  seule  espèce  divine  et  céleste  ;  la  terre,   inculte   et   difforme,   était   tout   entière   couverte  de   forets,   hérissée  de  bois   impénétrables   au   soleil.   Aussi  point  d'autels  pour  les  dieux,  point  de  temples  :  où  les  aurait-­‐on  placés  ?  point  de  statues  ni  d'images,  rien  enfin  de  semblable  à  ce  qui  se  pratique  aujourd'hui  avec  tant  de  soin  et  de  déférence.  Moi,  toujours  le  premier  à  songer  à  l'intérêt  commun,  toujours  attentif  aux  moyens  d'augmenter  la  gloire  des  dieux,  de  contribuer  à  leur  splendeur,  à   leur   magnificence,   je   regardai   comme   une   invention   excellente   de   prendre   un   peu   de   boue,   d'en   façonner  certains  êtres,  et  de  leur  donner  une  forme  semblable  à  la  nôtre.  Il  me  semblait  qu'il  manquait  quelque  chose  à  la  divinité,   tant   qu'il   n'existait   rien   qui   lui   pût   être   opposé,   un   être   qui,   comparé   à   elle,   prouvât   qu'elle   est   plus  heureuse  :  je  voulais  toutefois  que  cet  être  fût  mortel,  quoique  industrieux,  intelligent,  et  capable  d'apprécier  ce  qui  vaut  mieux  que  lui.  13.  Alors,  suivant  le  langage  des  poètes,  je  mêlai  de  la  terre  et  de  l'eau,  et  de  cette  substance  molle  je  formai  des  hommes,  puis  j'appelai  Minerve  et  la  priai  de  mettre  la  main  à  mon  ouvre.  Voilà  le  grand  crime  que  j'ai  commis  envers  les  dieux  ;  tu  vois  quel  tort   j'ai  pu  leur  causer  en  fabriquant  des  animaux  avec  de  la  boue  qui,   jusque  là  immobile,   a   été   douée   par  moi   du  mouvement.   Il   paraît   que,   depuis   ce   temps,   les   dieux   sont   devenus   un  peu  moins  dieux,  parce  qu'il  existe  sur  la  terre  certains  êtres  mortels  ;  et  voilà  pourquoi  Jupiter  se  fâche,  comme  si  les  dieux  étaient  amoindris  par  la  naissance  des  hommes  :  à  moins  qu'il  ne  craigne  que  ceux-­‐ci  ne  conspirent  contre  lui  et  ne  déclarent  la  guerre  aux  dieux  comme  les  Géants.  Mais  que  vous  ayez  reçu  quelque  dommage  de  moi  ou  de  mes  créatures,   le  contraire,  Mercure,  est  évident   :  montre-­‐moi  que   je  vous  ai   fait   le  plus   léger  tort,  et   je  me  tairai,  et  j'avouerai  que  vous  avez  raison  de  me  traiter  ainsi.  14.  Au  contraire,  j'ai  été  de  la  plus  grande  utilité  aux  dieux  ;  et,  pour  t'en  convaincre,  tu  n'as  qu'à  jeter  les  yeux  sur  la  terre,  jadis  aride  et  sans  beauté,  aujourd'hui  parée  de  villes,  de  campagnes  cultivées,  sur  la  mer  sillonnée  de  navires,  sur  les  îles  remplies  d'habitants,  sur  les  autels,  les  sacrifices,  les  temples,  les  solennités  qui  se  voient  de  tontes  parts  :  les  rues,  les  places  publiques  sont  pleines  de  Jupiter.  Encore,  si  j'avais  formé  les  hommes  pour  moi  tout  seul,  ou  pourrait  me  taxer  d’avarice  ;  mais  c'est  en  vue  de  l'intérêt  commun  que  je  vous  les  ai  fabriqués.  Que  dis-­‐je  ?  On  voit  partout  des  temples  consacrés  à  Jupiter,  à  Apollon,  et  à  toi,  Mercure,  mais  à  Prométhée  pas  un.  Tu  vois  si  je  ne  songe  qu'à  mes  intérêts,  si  j'ai  trahi  ou  diminué  ceux  des  autres.  15.  Songe  en  outre  à  ceci,  Mercure,  qu'un  bien,  quel  qu'il  soit,  possession  ou  œuvre  d'art,  que  personne  ne  peut  voir  ou  louer,  ne  saurait  être  doux  et  agréable  à  celui  qui  le  possède.  Or,  pourquoi  parlé-­‐je  ainsi  !  Pour  montrer  que,  si   les  hommes  n'eussent  pas  été  créés,   la  beauté  de   l'univers  serait  demeurée  sans  témoin,  et  nous  autres  dieux  nous  serions  riches  d'une  richesse  que  personne  n'admirerait,  et  qui,  par  suite,  n'aurait  pour  nous  aucune  valeur,   attendu   que   nous   ne   pourrions   la   comparer   à   rien   d'inférieur   ;   enfin   nous   ne   comprendrions   pas  l'étendue  de  notre  félicité,  si  nous  ne  voyions  aucun  être  privé  de  ce  bonheur  :  car  la  grandeur  d'un  objet  ne  se  prouve  que  par  sa  comparaison  avec  un  petit.  Et  vous,  qui  deviez  me  combler  d'honneurs  pour  cet  acte  de  bon  citoyen,  vous  me  clouez  à  un  rocher  en  récompense  de  mes  bonnes  idées  !  16.  Mais,  dis-­‐tu,  il  y  a  des  méchants  parmi  les  hommes  :  ils  commettent  des  adultères,  se  font  la  guerre,  épousent  leurs  sœurs,  tendent  des  embûches  à  leurs  pères.  N'y  a-­‐t-­‐il  pas  chez  nous  aussi  abondante  moisson  de  vices  ?  Et  doit-­‐on  pour  cela  accuser  Uranus  et  la  Terre  de  nous  avoir  donné  l'existence  ?  Tu  me  diras  peut-­‐être  encore  que  c'est  pour  nous  une  rude  affaire  que  de  prendre  soin  des  hommes.  Autant  vaudrait  alors  qu'un  berger  se  plaignit  d'être  obligé  de  soigner  son  troupeau  :  s'il  lui  donne  du  mal,  il  lui  procure  aussi  des  plaisirs  et  une  occupation  qui  n'en   pas   sans   agrément.   Que   ferions-­‐nous,   si   nous   n'avions   à   veiller   sur   rien.   Plongés   dans   l'oisiveté,   nous  boirions  le  nectar,  nous  nous  remplirions  d'ambroisie,  sans  rien  faire.  17.  Mais  ce  qui  me  dépite  le  plus,  c'est  que,  me  reprochant  d'avoir  fait  des  hommes,  et  plus  encore  des  femmes,  vous   ne   vous   faites   pas   faute   de   les   aimer,   de   descendre   sur   la   terre,   tantôt   changés   en   taureaux,   tantôt   en  satyres,  ou  en  cygnes,  et  vous  ne  dédaignez  pas  d'en  avoir  des  dieux.  Mais  il  fallait,  diras-­‐tu  peut-­‐être,  faire  des  hommes  avec  une  autre  forme,  et  non  pas  à  notre  ressemblance.  Hé  !  quel  autre  mode  pouvais-­‐je  me  proposer  que  celui  qui  me  paraissait   le  plus  beau  ?  Devais-­‐je  faire  de  l'homme  un  être  sans  raison,  une  brute  sauvage  et  grossière   ?   Et   comment   les   hommes   auraient-­‐ils   offert   des   sacrifices   aux   dieux   ?   comment   nous   auraient-­‐ils  rendu   les   autres   hommages,   s'ils   n'eussent   pas   été   tels   qu'ils   sont   ?   Mais   vous,   sitôt   qu'ils   vous   offrent   des  hécatombes,   vous   ne   perdez   pas   un   instant,   dussiez-­‐vous   aller   à   l'extrémité   de   l'Océan,   chez   les   Éthiopiens  

UNS. Mythologie. Zucker. 2012

9

irréprochables.  Et  celui  qui  vous  procure  ces  honneurs  et  ces  sacrifices,  vous  l'avez  cloué  à  un  rocher  !  Mais  en  voilà  assez  su  sujet  des  hommes.    

[homme]  Txt.  2h  :  PLATON,  Timée  69b-­‐71a    Ainsi  que  nous  l'avons  dit  en  commençant,  toutes  choses  étaient  d'abord  sans  ordre,  et  c'est  Dieu  qui  fit  naître  en  chacune  et  introduisit  entre  toutes  des  rapports  harmonieux,  autant  que  leur  nature  admettait  de  la  proportion  et  de  la  mesure;  car  alors  aucune  d'elles  n'en  avait  la  moindre  trace,  et  il  n'eût  pas  été  raisonnable  de  leur  donner  les  noms  qu'elles  portent  aujourd'hui,  et  de  les  appeler  du  feu,  de  l'eau  ou  tout  autre  élément.  Dieu  commença  par  constituer  tous  ces  corps,  puis  il  en  composa  cet  univers,  dont  il  fit  un  seul  animal  qui  comprend  en  soi  tous  les  animaux  mortels  et  immortels.  Il  fut  lui-­‐même  l'ouvrier  des  animaux  divins,  et  il  chargea  les  dieux  qu'il  avait  formés  du  soin  de  former  à  leur  tour  les  animaux  mortels.  Ces  dieux,  imitant  l'exemple  de  leur  Père,  et  recevant  de   ses  mains   le   principe   immortel   de   l'âme   humaine,   façonnèrent   ensuite   le   corps  mortel,   qu'ils   donnèrent   à  l'âme  comme  un  char,  et  dans  lequel  ils  placèrent  une  autre  espèce  d'âme,  âme  197  mortelle,  siège  d'affections  violentes  et  fatales  :  d'abord  le  plaisir,  le  plus  grand  appât  du  mal;  puis  la  douleur  qui  fait  fuir  le  bien;  l'audace  et  la  peur,  conseillers  imprudents;  la  colère  implacable,  l'espérance  que  trompent  aisément  la  sensation  dépourvue  de  raison  et   l'amour  qui  ose   tout.   Ils  soumirent   tout  cela  à  des   lois  nécessaires,  et   ils  en  composèrent   l'espèce  mortelle  ;  mais  craignant  de  souiller  par  ce  contact,  plus  que  ne  l'exigeait  une  nécessité  absolue,  l'âme  divine,  ils  assignèrent  pour  demeure  à  l'âme  mortelle  une  autre  partie  du  corps,  et  construisirent  entre  la  tête  et  la  poitrine  une  sorte  d'isthme  et  d'intermédiaire,  mettant  le  cou  au  milieu  pour  la  séparation.  Ce  fut  donc  dans  la  poitrine  et  dans  ce  qu'on  appelle  le  tronc,  qu'ils  logèrent  l'âme  mortelle;  et  comme  il  y  avait  encore  dans  cette  âme  mortelle  une  partie  meilleure  et  une  pire,   ils  partagèrent  en  deux   l'intérieur  du  tronc,   le  divisèrent  comme  on   fait  pour  séparer   l'habitation  des   femmes  de   celle  des  hommes,   et  mirent   le  diaphragme  au  milieu   comme  une   cloison.  Plus  près  de  la  tête,  entre  le  diaphragme  et  le  cou,  ils  placèrent  la  partie  virile  et  courageuse  de  l'âme,  sa  partie  belliqueuse,  pour  que,  soumise  à  la  raison  et  de  concert  avec  elle,  elle  puisse  dompter  les  révoltes  des  passions  et  des  désirs,  lorsque  ceux-­‐ci  198  ne  veulent  pas  obéir  d'eux-­‐mêmes  aux  ordres  que  la  raison  leur  envoie  du  haut  de  sa  citadelle.  Le  cœur,   le  principe,  des  veines  et   la  source  d'où  le  sang  se  répand  avec  impétuosité  dans  tous  les  membres,  fut  placé  comme  une  sentinelle;  car  il  faut  que,  quand  la  partie  courageuse  de  l'âme  s'émeut,  averti  par  la   raison   qu'il   se   passe   quelque   chose   de   contraire   à   l'ordre,   soit   à   l'extérieur,   soit   au   dedans   de   'la   part   des  passions,   le   cœur   transmette   sur-­‐le-­‐champ   par   tous   les   canaux,   à   toutes   les   parties   du   corps,   les   avis   et   les  menaces   de   la   raison,   de   telle   sorte   que   toutes   ces   parties   s'y   soumettent   et   suivent   exactement   l'impulsion  reçue,   et   que   ce   qu'il   y   a   de   meilleur   en   nous   puisse   ainsi   gouverner   tout   le   reste.   Mais   comme   les   dieux  prévoyaient  que,  dans   la  crainte  du  danger  et  dans   la  chaleur  de   la  colère,   le  cœur  battrait  avec  force,  et  qu'ils  savaient  que  cette  excitation  de  la  partie  belliqueuse  de  l'âme  aurait  pour  cause  le  feu;  pour  y  remédier,  ils  firent  le  poumon,  qui  d'abord  est  mou  et  dépourvu  de  sang,  et  qui  en  outre  est  percé,  comme  une  éponge,  d'une  grande  quantité  de  pores,  afin  que,  recevant  l'air  et  les  breuvages,  il  rafraîchisse  le  cœur,  et  par  là  adoucisse  et  soulage  les   ardeurs   qui   nous   brûlent.   C'est   pour   cela   qu'ils   conduisirent   la   trachée-­‐artère   jusqu'au   poumon   et   qu'ils  placèrent  199  le  poumon  autour  du  cœur,  comme  un  de  ces  corps  mous  qu'on  oppose  dans  les  sièges  aux  coups  du  bélier;  ils  voulurent  que  quand  la  colère  fait  battre  le  cœur  avec  force,  rencontrant  quelque  chose  qui  lui  cède  et  dont  le  contact  rafraîchit,  il  puisse  avec  moins  de  peine  obéir  à  la  raison  en  même  temps  qu'il  obéit  à  la  colère.  Pour   la  partie  de   l'âme  qui  demande  des  aliments,  des  breuvages  et   tout  ce  que   la  nature  de  notre  corps  nous  rend  nécessaire,  elle  a  été  mise  dans  l'intervalle  qui  sépare  le  diaphragme  et  le  nombril,  et  les  dieux  l'ont  étendue  dans  cette  région  comme  dans  un  râtelier  où  le  corps  pût  trouver  sa  nourriture.  Ils  l'y  ont  attachée  comme  une  bête  féroce,  qu'il  est  pourtant  nécessaire  de  nourrir  pour  que  la  race  mortelle  subsiste.  C'est  donc  pour  que,  sans  cesse   occupée   à   se   nourrir   à   ce   râtelier,   et   aussi   éloignée  que   cela   se   pouvait   du   siège  du   gouvernement,   elle  causât  le  moins  de  trouble  et  fit  le  moins  de  bruit  possible,  et  laissât  le  maître  délibérer  en  paix  sur  les  intérêts  communs,  c'est  pour  cela  que  les  dieux  la  reléguèrent  à  cette  place      

[homme]  Txt.  2i  :  PLATON  Banquet  189d-­‐192a    Platon,  Banquet  189d-­‐192a  Mais  il  faut  commencer  par  dire  quelle  est  la  nature  de  l'homme  et  quels  sont  les  changements  qu'elle  a  subis.  La  nature  humaine  était  primitivement  bien  différente  de  ce  qu'elle  est  aujourd'hui.  D'abord,  il  y  avait  trois  sortes  d'hommes,  les  deux  sexes  qui  subsistent  encore,  et  un  troisième  composé  des  deux  premiers  et  qui  les  renfermait  tous  deux  :  il  s'appelait  androgyne  ;  il  a  été  détruit,  et  la  seule  chose  qui  en  reste,  est  le  nom  qui  est  en  opprobre.  Puis   tous   les   hommes   généralement   étaient   d'une   figure   ronde,   avaient   des   épaules   et   des   côtes   attachées  ensemble,   quatre  bras,   quatre   jambes,   deux  visages  opposés   l'un  à   l'autre   et  parfaitement   semblables,   sortant  d'un  seul  cou  et  tenant  à  une  seule  tête»  quatre  oreilles,  un  double  appareil  des  organes  de  la  génération,  et  tout  le  reste  dans  la  même  proportion.  Leur  démarche  était  droite  comme  la  nôtre,  et  ils  n'avaient  pas  besoin  de  se  tourner  pour  suivre  tous  les  chemins  qu'ils  voulaient  prendre;  quand  ils  voulaient  aller  plus  vite,  ils  s'appuyaient  

UNS. Mythologie. Zucker. 2012

10

de   leurs   huit   membres,   par   un   mouvement   circulaire,   comme   ceux   qui   les   pieds   en   l'air   imitent   la   roue.   La  différence   qui   se   trouve   entre   ces   trois   espèces   d'hommes   vient   de   la   différence   de   leurs   principes   :   le   sexe  masculin   est   produit   par   le   soleil,   le   féminin   par   la   terre,   et   celui   qui   est   composé   de   deux,   par   là   lune,   qui  participe  de  la  terre  et  du  soleil.  Ils  tenaient  de  leurs  principes  leur  figure  et  leur  manière  de  se  mouvoir,  qui  est  sphérique.  Leurs  corps  étaient  robustes  et  leurs  courages  élevés,  ce  qui  leur  inspira  l'audace  de  monter  jusqu'au  ciel  et  de  combattre  contre  les  dieux,  ainsi  qu'Homère  l'écrit  d'Éphialtès  et  d'Otos.  Jupiter  examina  avec  les  dieux  ce  qu'il  y  avait  à  faire  dans  cette  circonstance.  La  chose  n'était  pas  sans  difficulté  :  les  dieux  ne  voulaient  pas  les  détruire  comme  ils  avaient  fait  les  Géants  en  les  foudroyant,  car  alors  le  culte  que  les  hommes  leur  fendaient  et  les   temples  qu'ils   leur  élevaient,  auraient  aussi  disparu;  et,  d'un  autre  côté,  une  telle   insolence  ne  pouvait  être  soufferte.   Enfin,   après  hien  des   embarras,   il   vint  une   idée   à   Jupiter   :   Je   crois   avoir   trouvé,   dit-­‐il,   un  moyen  de  .conserver  lès  hommes  et  de  les  rendre  plus  retenus,  c'est  de  diminuer  leurs  forces  :  je  les  séparerai  en  deux  ;  par  là  ils  deviendront  faibles  ;  et  nous  aurons  encore  un  autre  avantage,  qui  sera  d'augmenter  le  nombre  de  ceux  qui  nous  servent  :  ils  marcheront  droits,  soutenus  de  deux  jambes  seulement  ;  et,  si  après  cette  punition  leur  audace  subsiste  ,  je  les  séparerai  de  nouveau,  et  ils  seront  réduits  à  marcher  sur  un  seul  pied,  comme  ceux.  qui  dansent  sur  les  outres  à  la  fête  de  Bacchus.  Après  cette  déclaration  le  dieu  fit  la  séparation  qu'il  venait  de  résoudre,  et  il  la  fit  de   la  manière  que   l'on   coupe   les  œufs   lorsqu'on  veut   les   saler,  ou  qu'avec  un  cheveu  on   les  divise  en  deux  parties  égales.  Il  commanda  ensuite  à  Apollon  de  guérir  les  plaies,  et  de  placer  le  visage  des  hommes  du  côté  que  la  séparation  avait  été  faite,  afin  que  la  vue  de  ce  châtiment  les  rendît  plus  modestes.  Apollon  obéit,  mit  le  visage  du  coté  indiqué,  et,  ramassant  les  peaux  coupées  sur  ce  qu'on  appelle  aujourd'hui  le  ventre,  il  les  réunit  toutes  à  la  manière  d'une  bourse  que  l'on  ferme,  n'y  laissant  qu'une  ouverture  qu'on  appelle  le  nombril.  Quant  aux  autres  plis  en  très-­‐grand  nombre,  il  les  polit  et  façonna  la  poitrine  avec  un  instrument  semblable  à  celui  dont  se  servent  les  cordonniers  pour  polir  les  souliers  sur  la  forme,  et  laissa  seulement  quelques  plis  sur  le  ventre  et  le  nombril,  comme  des  souvenirs  de  l'ancien  état.  Cette  division  étant  faite,  chaque  moitié  cherchait  à  rencontrer  celle  qui  lui  appartenait;  et  s'étant  trouvées  toutes  les  deux,  elles  se  joignaient  avec  une  telle  ardeur  dans  le  désir  de  rentrer  dans  leur  ancienne  unité,  qu'elles  périssaient  dans  cet  embrassement  de  faim  et  d'inaction,  ne  voulant  rien  faire  l'une  sans  l'autre.  Quand  l'une  des  deux  périssait,  celle  qui  restait  en  cherchait  une  autre,  à  laquelle  elle  s'unissait  de   nouveau,   soit   qu'elle   fut   la  moitié   d'une   femme   entière,   ce   qu'aujourd'hui   nous   autres   nous   appelons   une  femme,   soit   que   ce   fût   une  moitié   d'homme;   et   ainsi   la   race   allait   s'éteignant.   Jupiter,   touché   de   ce  malheur,  imagine   un   autre   expédient.   Il   change   de   place   les   instruments   de   la   génération   et   les   met   par-­‐devant.  Auparavant  ils  étaient   'par-­‐derrière,  et  on  concevait,  et   l'on  répandait   la  semence,  non  l'un  dans  l'autre,  mais  à  terre,  comme  les  cigales.  Il  les  mit  donc  par-­‐devant  ,  et  de  cette  manière  la  conception  se  fit  par  la  conjonction  du  mâle  et  de  la  femelle.  Il  en  résulta  que,  si  l'homme  s'unissait  à  la  femme,  il  engendrait  et  perpétuait  l'espèce,  et  que,  si  le  mâle  s'unissait  au  mâle,  la  satiété  les  séparait  bientôt  et  les  renvoyait  aux  travaux  et  à  tous  les  soins  de  la  vie.  Voilà  comment  l'amour  est  si  naturel  à  l'homme;  l'amour  nous  ramène  à  notre  nature  primitive  et,  de  deux  êtres  n'en   faisant  qu'un,   rétablit  en  quelque  sorte   la  nature  humaine  dans  son  ancienne  perfection.  Chacun  de  nous   n'est   donc   qu'une  moitié   d'homme,  moitié   qui   a   été   séparée   de   son   tout,   de   la  même  manière   que   l'on  sépare  une  sole.  Ces  moitiés  cherchent  toujours  leurs  moitiés.  Les  hommes  qui  sortent  de  ce  composé  des  deux  sexes,  nommé  androgyne,  aiment  les  femmes,  et  la  plus  grande  partie  des  adultères  appartiennent  à  cette  espèce,  comme   aussi   les   femmes   qui   aiment   les   hommes.   Mais   pour   les   femmes   qui   sortent   d'un   seul   sexe,   le   sexe  féminin,   elles   ne   font   pas   grande   attention   aux   hommes,   et   sont   plus   portées   pour   les   femmes;   c'est   à   cette  espèce  qu'appartiennent   les   tribades.  Les  hommes  qui   sortent  du  sexe  masculin   recherchent   le   sexe  masculin.  Tant  qu'ils  sont   jeunes,  comme  portion  du  sexe  masculin,   ils  aiment   les  hommes,   ils  se  plaisent  à  coucher  avec  eux  et  à  être  dans  leurs  bras  ;   ils  sont  les  premiers  parmi  les   jeunes  gens,   leur  caractère  étant  le  plus  mâle  ;  et  c'est  bien  à  tort  qu'on  leur  reproche  de  manquer  de  pudeur:  car  ce  n'est  pas  faute  de  pudeur  qu'ils  se  conduisent  ainsi,  c'est  par  grandeur  d'âme,  par  générosité  de  nature  et  virilité  qu'ils  recherchent  leurs  semblables  ;  la  preuve  en  est  qu'avec  le  temps  ils  se  montrent  plus  propres  que  les  autres  à  servir  la  chose  publique.      

*    

[histoire]  Texte  3a.  HESIODE,  Les  Travaux  et  les  jours,  v.109-­‐201                  D’or    fut  la  première  race  d’hommes  périssable  que  créèrent  les  Immortels,  habitants  de  l’Olympe.  C’était  au  temps  de  Cronos,  quand  il  régnait  encore  au  ciel.  Ils  vivaient  comme  des  dieux,  le  cœur  libre  de  soucis,  à  l’écart  et  à   l’abri  des  peines  et  des  misères.   :   la  vieillesse  misérable  sur  eux  ne  pesait  pas   ;  mais,  bras  et   jarret   toujours  jeunes,     ils   s’égayaient  dans   les   festins,   loin  de   tous   les  maux.  Mourant,   ils   semblaient   succomber  au   sommeil.  Tous  les  biens  étaient  à  eux  :   le  sol   fécond  produisait  de  lui-­‐même  une  abondante  et  généreuse  récolte,  et  eux,  dans  la  joie  et   la  paix,  vivaient  de  leurs  champs,  au  milieu  de  biens  sans  nombre.  Depuis  que  le  sol  a  recouvert  ceux  de  cette  race,   ils  sont,  par   le  vouloir  de  Zeus  puissant,   les  bons  génies  de   la   terre,  gardiens  des  mortels,   [  l’œil   ouvert   aux   sentences   et   aux   crimes,   vêtus  de  brume,   partout   répandus   sur   la   terre   ]   dispensateurs  de   la  richesse  :  c’est  le  royal  honneur  qui  leur  fut  départi.    

UNS. Mythologie. Zucker. 2012

11

         Puis  une  race  bien  inférieure,  une  race  d’argent,  plus  tard  fut  créée  encore  par  les  habitants  de  l’Olympe.  Ceux-­‐là  ne  ressemblaient  ni  pour  la  taille  ni  pour  l’esprit    à  ceux  de  la  race  d’or.  L’enfant,  pendant  cent  ans,  grandissait  en   jouant   aux   côtés   de   sa   digne  mère,   l’âme   toute   puérile,   dans   sa  maison.   Et   quand,   croissant   avec   l’âge,   ils  atteignaient  le  terme  qui  marque  l’entrée  de  l’adolescence,  ils  vivaient  peu  de  temps,  et,  par  leur  folie,  souffraient  mille   peines.   Ils   ne   savaient   pas   s’abstenir   entre   eux   d’une   folle   démesure.   Ils   refusaient   d’offrir   un   culte   aux  Immortels   ou   de   sacrifier   aux   saints   autels   des   Bienheureux,   selon   la   loi   des   hommes   qui   se   sont   donné   des  demeures.  Alors  Zeus,  fils  de  Cronos,  les  ensevelit,  courroucé,  parce  qu’ils  ne  rendaient  pas  hommage  aux  dieux  bienheureux  qui  possèdent   l’Olympe.    Et,  quand  le  sol   les  eut  recouverts  à   leur  tour,   ils  devinrent  ceux  que  les  mortels  appellent  les  Bienheureux  des  Enfers,  génies  inférieurs,  mais  que  quelque  bonheur  accompagne  encore.              Et  Zeus,  père  des  dieux,  créa  une  troisième  race  d’hommes  périssables,  race  de  bronze,  bien  différente  de  la  race  d’argent,   fille  des   frênes,   terrible  et  puissante.  Ceux-­‐là  ne  songeaient  qu’aux   travaux  gémissants  d’Arès  et  aux  œuvres  de  démesure.   Ils  ne  mangeaient  pas   le  pain   ;   leur  cœur  était   comme   l’acier   rigide   ;   ils   terrifiaient.  Puissante   était   leur   force,   invincibles   les  bras  qui   s’attachaient     contre   l’épaule   à   leurs   corps  vigoureux.   Leurs  armes  étaient  de  bronze,  de  bronze  leurs  maisons,  avec  le  bronze  ils  labouraient,  car  le  fer  noir  n’existait  pas.  Ils  succombèrent,  eux,  sous  leurs  propres  bras  et  partirent  pour  le  séjour  moisi  de  l’Hadès  frissonnant,  sans  laisser  de  nom  sur  la  terre.  Le  noir  trépas  les  prit,  pour  effrayants  qu’ils  fussent,  et  ils  quittèrent  l’éclatante  lumière  du  soleil.              Et  quand  le  sol  eu  de  nouveau  recouvert  cette  race,  Zeus,  fils  de  Cronos,  en  créa  encore  une  quatrième  sur  la  glèbe   nourricière,   plus   juste   et   plus   brave,   race   divine   des   héros   que   l’on   nomme   demi-­‐dieux,   et   dont   la  génération   nous   a   précédé   sur   la   terre   sans   limites.   Ceux-­‐là   périrent     dans   la   dure   guerre   et   dans   la   mêlée  douloureuse,   les   uns   devant   les  murs   de   Thèbes   aux   sept   portes,   sur   le   sol   cadméen,   en   combattant   pour   les  troupeaux   d’Œdipe   ;   les   autres,   au-­‐delà   de   l’abîme   marin,   à   Troie,   où   la   guerre   les   avait   conduits   sur   des  vaisseaux,  pour  Hélène  aux  beaux  cheveux,  et  où  la  mort,  qui  tout  achève,  les  enveloppa.  A  d’autres  enfin,  Zeus,  fils  de  Cronos  et  père  des  dieux,  a  donné  une  existence  et  une  demeure  éloignée  des  hommes,  en  les  établissant  aux  confins  de  la  terre.  C’est  là  qu’ils  habitent,  le  cœur  libre  de  soucis,  dans  les  Iles  des  Bienheureux,  aux  bords  des  tourbillons  profonds  de  l’Océan,  héros  fortunés,  pour  qui  le  sol  fécond  porte  trois  fois  l’an  une  florissante  et  douce  récolte.          Et  plût  au  ciel  que  je  n’eusse  pas  à  mon  tour  à  vivre  au  milieu  de  ceux  de  la  cinquième  race,  et  que  je  fusse  ou  mort  plus  tôt  ou  né  plus  tard.  Car  c’est  maintenant  la  race  de  fer.  Ils  ne  cesseront  ni  le  jour  de  souffrir  fatigues  et  misères,  ni  la  nuit  d’être  consumés  par  les  dures  angoisses  que  leur  enverront  les  dieux.  Du  moins  trouveront-­‐ils  encore   quelques   biens   mêlés   à   leurs   maux.   Mais   l’heure   viendra   où   Zeus   anéantira   à   son   tour   cette   race  d’hommes  périssables  :  ce  sera  le  moment  où  ils  naîtront  avec  des  tempes  blanches.  Le  père  alors  ne  ressemblera  plus  à  ses  fils  ni  ses  fils  à  leur  père  ;  l’hôte  ne  sera  plus  cher  à  son  hôte,  l’ami  à  son  ami,  le  frère  à  son  frère,  ainsi  qu’aux  jours  passés.  A  leurs  parents,  sitôt  qu’ils  vieilliront,  ils  ne  montreront  que  mépris  ;  pour  se  plaindre  d’eux,  ils  s’exprimeront  en  paroles  rudes,  les  méchants  !  et  ne  connaîtront  même  pas  la  crainte  du  Ciel.    Aux  vieillards  qui  les  ont  nourris,  ils  refuseront  les  aliments.  [mettant  le  droit  dans  la  force  ;  et  ils  ravageront  les  cités  les  uns  des  autres]  Nul  prix  ne  s’attachera  plus  au  serment  tenu,  au  juste,  au  bien  :  c’est  à  l’artisan  de  crimes,  à  l’homme  tout  démesure  qu’iront  leurs  respects  ;  le  seul  droit  sera  la  force,  la  conscience  n’existera  plus.  Le  lâche  attaquera  le   brave   avec   des   mots   tortueux,   qu’il   appuiera   d’un   faux   serment.   Aux   pas   de   tous   les   misérables   humains  s’attachera   la   jalousie,   au   langage  amer,   au   front  haineux,  qui   se  plaît   au  mal.  Alors,   quittant  pour   l’Olympe   la  terre  aux  larges  routes,  cachant  leurs  beaux  corps  sous  des  voiles  blancs,  Conscience  et  Vergogne,  délaissant  les  hommes,  monteront  vers   les  Eternels.  De   tristes  souffrances  resteront  seules  aux  mortels   :  contre   le  mal   il  n’y  aura  point  de  recours.      

(histoire)  Texte  3b.  ARATOS,  Phénomènes  1.-­‐253-­‐312    Et  sous  les  deux  pieds  du  Bouvier  tu  peux  contempler    la  Vierge,  qui  tient  à  la  main  un  Epi  étincelant.  Est-­‐ce  la  fille  d’Astrée,  dont  on  dit  Qu’il  fut  le  père  antique  des  constellations,  ou  bien  de  quelqu’un  d’autre  ?  Puisse-­‐t-­‐elle  de  toute  façon  suivre  paisiblement  son  chemin.  Mais  une  autre  tradition  court  (100)  parmi  les  humains.  Elle  aurait  jadis  séjourné  sur  la  terre.    Elle  venait  à  la  rencontre  des  humains.  Elle  ne  dédaignait  pas    la  foule  des  hommes  et  des  femmes  d’autrefois.    Bien  au  contraire,  elle  s’asseyait  au  milieu  d’eux,  tout  immortelle  qu’elle  fût.  Et  on  l’appelait  Justice.  Elle  rassemblait  les  anciens    soit  sur  la  place  du  marché,  soit  dans  une  large  rue,    et  là  elle  énonçait,  d’un  ton  pressant,  des  sentences  bonnes  pour  son  peuple.  En  ce  temps-­‐là  ils  ignoraient  encore  la  chicane  funeste,    les  rivalités  préjudiciables  et  les  désordres  de  la  guerre.    Et  ils  vivaient  sans  avoir  besoin  d’autre  chose  ;  la  mer  et  ses  épreuves  restaient  loin  de  leur  pensée,  

UNS. Mythologie. Zucker. 2012

12

les  navires  n’apportaient  pas  encore  de  vivres  des  pays  lointains  ;    les  bœufs,  les  charrues,  et  elle-­‐même,  Justice,  maîtresse  des  peuples,  dispensatrice  des  biens  légitimes,  leur  procuraient  tout  en  abondance.    Elle  fut  là  tant  que  la  terre  continua  à  nourrir  la  race  d’or    mais  celle  d’argent,  elle  ne  la  fréquentait  que  peu    et  mal  volontiers,  car  elle  regrettait  les  mœurs  des  anciens  peuples.    Cependant,  même  sous  la  race  d’argent,  elle  était  encore  là.    Elle  descendait  le  soir  des  montagnes  bruissantes,  et  elle  restait    à  l’écart,  sans  s’approcher  de  personne  pour  lui  parler  aimablement.    Mais  quand  elle  avait  rempli  d’êtres  humains  de  vastes  collines,  (120)  alors  elle  les  menaçait  et  leur  reprochait  leur  perversité.    Elle  ne  viendrait  plus,  disait-­‐elle,  se  montrer  à  leurs  yeux  quand  ils  l’appelleraient  :    «  Quelle  descendance  vos  pères  d’or  ont-­‐ils  laissée  derrière  eux,    combien  dégénérée  !  Et  vous  mettrez  au  monde  des  enfants  pires  encore  !    Alors  il  y  aura  des  guerres,  il  y  aura  des  meurtres    abominables  chez  les  humains,  et  une  peine  cruelle  s’appesantira  sur  eux  ».    Ayant  dit,  elle  regagnait  les  montagnes,  et  laissait  là  les  gens,    qui  la  cherchaient  encore  tous  des  yeux.    Mais  quand  ceux-­‐là  moururent  à  leur  tour,  et  qu’apparurent    les  hommes  de  la  race  d’airain,  plus  affreux  que  les  précédents,    qui  les  premières  forgèrent  le  couteau  criminel    des  grands  chemins,  et  les  premiers  aussi  dévorèrent  la  chair  des  bœufs  laboureurs,    alors  Justice  prit  cette  race  en  haine,    s’envola  vers  le  ciel,  et  s’établit  dans  la  région    où  elle  apparaît  encore  la  nuit  aux  humains  sous  la  forme    de  la  Vierge,  auprès  de  l’éclatant  Bouvier.    

(histoire)  Texte  3c.  OVIDE,  Métamorphoses  I,  89-­‐150    L'âge  d'or  commença.  Alors  les  hommes  gardaient  volontairement  la  justice  et  suivaient  la  vertu  sans  effort.  Ils  ne   connaissaient   ni   la   crainte,   ni   les   supplices;   des   lois   menaçantes   n'étaient   point   gravées   sur   des   tables  d'airain;  on  ne  voyait  pas  des  coupables   tremblants  redouter   les  regards  de   leurs   juges,  et   la  sûreté  commune  être   l'ouvrage   des  magistrats.   Les   pins   abattus   sur   les  montagnes   n'étaient   pas   encore   descendus   sur   l’océan  pour   visiter   des   plages   inconnues.   Les  mortels   ne   connaissaient   d'autres   rivages   que   ceux  qui   les   avaient   vus  naître.  Les  cités  n'étaient  défendues  ni  par  des  fossés  profonds  ni  par  des  remparts.  On  ignorait  et  la  trompette  guerrière  et  l'airain  courbé  du  clairon.  On  ne  portait  ni  casque,  ni  épée;  et  ce  n'étaient  pas  les  soldats  et  les  armes  qui  assuraient  le  repos  des  nations.  [101]  La  terre,  sans  être  sollicitée  par  le  fer,  ouvrait  son  sein,  et,  fertile  sans  culture,  produisait  tout  d'elle-­‐même.  L'homme,  satisfait  des  aliments  que  la  nature  lui  offrait  sans  effort,  cueillait  les   fruits   de   l'arbousier   et   du   cornouiller,   la   fraise   des   montagnes,   la   mûre   sauvage   qui   croît   sur   la   ronce  épineuse,   et   le   gland  qui   tombait  de   l'arbre  de   Jupiter.   C'était   alors   le   règne  d'un  printemps  éternel.   Les  doux  zéphyrs,   de   leurs   tièdes   haleines,   animaient   les   fleurs   écloses   sans   semence.   La   terre,   sans   le   secours   de   la  charrue,  produisait  d'elle-­‐même  d'abondantes  moissons.  Dans  les  campagnes  s'épanchaient  des  fontaines  de  lait,  des   fleuves   de   nectar;   et   de   l'écorce   des   chênes   le   miel   distillait   en   bienfaisante   rosée.   Lorsque   Jupiter   eut  précipité  Saturne  dans  le  sombre  Tartare,  l'empire  du  monde  lui  appartint,  et  alors  commença  l'âge  d'argent,  âge  inférieur   à   celui   qui   l'avait   précédé,  mais   préférable   à   l'âge   d'airain   qui   le   suivit.   Jupiter   abrégea   la   durée   de  l'antique   printemps;   il   en   forma  quatre   saisons   qui   partagèrent   l'année   :   l'été,   l'automne   inégale,   l'hiver,   et   le  printemps  actuellement  si  court.  Alors,  pour  la  première  fois,  des  chaleurs  dévorantes  embrasèrent  les  airs;  les  vents   formèrent   la   glace   de   l'onde   condensée.   On   chercha   des   abris.   Les   maisons   ne   furent   d'abord   que   des  antres,  des  arbrisseaux  touffus  et  des  cabanes  de  feuillages.  Alors  il  fallut  confier  à  de  longs  sillons  les  semences  de  Cérès;  alors   les   jeunes  taureaux  gémirent   fatigués  sous   le   joug.   [125]  Aux  deux  premiers  âges  succéda   l'âge  d'airain.  Les  hommes,  devenus   féroces,  ne  respiraient  que   la  guerre;  mais   ils  ne   furent  point  encore  tout  à   fait  corrompus.  L'âge  de  fer  fut  le  dernier.  Tous  les  crimes  se  répandirent  avec  lui  sur  la  terre.  La  pudeur,  la  vérité,  la  bonne  foi  disparurent.  À  leur  place  dominèrent  l'artifice,  la  trahison,  la  violence,  et  la  coupable  soif  de  posséder.  Le  nautonier  confia  ses  voiles  à  des  vents  qu'il  ne  connaissait  pas  encore;  et  les  arbres,  qui  avaient  vieilli  sur  les  montagnes,   en   descendirent   pour   flotter   sur   des  mers   ignorées.   La   terre,   auparavant   commune   aux   hommes,  ainsi  que  l'air  et  la  lumière,  fut  partagée,  et  le  laboureur  défiant  traça  de  longues  limites  autour  du  champ  qu'il  cultivait.  Les  hommes  ne  se  bornèrent  point  à  demander  à  la  terre  ses  moissons  et  ses  fruits,  ils  osèrent  pénétrer  dans  son  sein;  et  les  trésors  qu'elle  recelait,  dans  des  antres  voisins  du  Tartare,  vinrent  aggraver  tous  leurs  maux.  Déjà  sont  dans  leurs  mains  le  fer,  instrument  du  crime,  et  l'or,  plus  pernicieux  encore.  La  Discorde  combat  avec  l'un   et   l'autre.   Sa   main   ensanglantée   agite   et   fait   retentir   les   armes   homicides.   Partout   on   vit   de   rapine.  L'hospitalité   n'offre   plus   un   asile   sacré.   Le   beau-­‐père   redoute   son   gendre.   L'union   est   rare   entre   les   frères.  

UNS. Mythologie. Zucker. 2012

13

L'époux  menace   les   jours   de   sa   compagne;   et   celle-­‐ci,   les   jours   de   son  mari.   Des  marâtres   cruelles  mêlent   et  préparent  d'horribles  poisons  :  le  fils  hâte  les  derniers  jours  de  son  père.  La  piété  languit,  méprisée;  et  Astrée  [=  la  Justice]  quitte  enfin  cette  terre  souillée  de  sang,  et  que  les  dieux  ont  déjà  abandonnée.»    

(histoire)  Texte  3d.  PLATON,  Lois  III  677a679d    L'ATHÉNIEN  Eh   bien,  maintenant   représentons-­‐nous   une   de   ces   nombreuses   catastrophes,   par   exemple,   celle  qui  fut  autrefois  causée  par  le  déluge.  CLINIAS  Quelle  idée  faut-­‐il  s'en  faire  ?  L'ATHÉNIEN  Que   ceux   qui   échappèrent   alors   à   la   destruction   furent   sans   doute   des   bergers,   habitants   des  montagnes,  sur  le  sommet  desquelles  se  conservèrent  de  faibles  étincelles  du  genre  humain.  CLINIAS  C'est  évident.  L'ATHÉNIEN  Ces  gens-­‐là  étaient   forcément   ignorants  de  tous   les  arts  et  des   intrigues  où   l'avarice  et   l'ambition  mettent  aux  prises  les  habitants  des  villes,  et  de  tous  les  méfaits  qu'ils  imaginent  les  uns  contre  les  autres.  CLINIAS  C'est  du  moins  vraisemblable.  L'ATHÉNIEN  Posons  donc  pour  certain  que  les  villes  situées  en  rase  campagne  et  sur  les  bords  de  la  mer  furent  en  ce  temps-­‐là  détruites  de  fond  en  comble.  CLINIAS  Posons-­‐le.  L'ATHÉNIEN  Ne  dirons-­‐nous  pas  aussi  que  tous  les  instruments  et  toutes  les  découvertes  importantes  touchant  les   arts,   la   politique   ou   toute   autre   science   s'en   allèrent   à-­‐vau-­‐l'eau   en   ce   temps   là   ?   Comment   en   effet,  mon  excellent   ami,   si   ces   connaissances   s'étaient   toujours   conservées   dans   l'état   où   elles   sont   à   présent,   comment  aurait-­‐on  inventé  quoi  que  ce  soit  de  nouveau  ?  CLINIAS  Les  gens  de  ce  temps-­‐là  ne  se  doutaient  pas  que  des  milliers  et  des  milliers  d'années  s'étaient  écoulées  avant  eux   ;   et,   il  n'y  a  pas  plus  de  mille  ou  de  deux  mille  ans  que   les  découvertes  de  Dédale,   celles  d'Orphée   ,  celles  de  Palamède    ont  vu  le  jour,  que  Marsyas  ont  inventé  la  musique,  Amphion    la  lyre,  et  d'autres,  une  foule  infinie  d'autres  choses,  nées  pour  ainsi  dire  d'hier  et  d'avant-­‐hier.  L'ATHÉNIEN  Savez-­‐vous,  Clinias,  que  tu  as  oublié  un  ami  qui  n'est  véritablement  que  d'hier  ?  CLINIAS  Veux-­‐tu  parler  d'Épiménide    L'ATHÉNIEN  Oui,  de   lui-­‐même   ;   car   il   a  de  beaucoup  dépassé   tout   le  monde  chez  vous  par   son  esprit   inventif,  mon  ami,  et  ce  qu'Hésiode  avait  depuis   longtemps  présagé  dans  ses  écrits,   il   l'a,   lui,  effectivement  réalisé,  à  ce  que  vous  dites.  CLINIAS  C'est  en  effet  ce  que  nous  disons.  L'ATHÉNIEN  Dès   lors   ne   pouvons-­‐nous   pas   nous   faire   une   idée   de   la   condition   de   l'homme   en   ce   temps   de  destruction   ?   Le   monde   n'était   plus   qu'un   immense   et   effrayant,   désert,   une   étendue   immense   de   terre   ;   et,  comme   tous   les  autres  animaux  avaient  péri,  quelques   troupeaux  de  bœufs  et   ce  qui  était   resté  de   la   race  des  chèvres,  qui,  elles  aussi,  étaient  en  petit  nombre,  telle  étaient  les  ressources  que  les  bergers  eurent  d'abord  pour  assurer  leur  subsistance.  CLINIAS  Sans  doute.  L'ATHÉNIEN  Et  pour  cc  qui  est  de  l'État,  de  la  politique  et  de  la  législation,  dont  nous  nous  occupons  à  présent,  peut-­‐on  croire  qu'ils  en  eussent  gardé,  le  moindre  souvenir  ?  CLINIAS  Pas  du  tout.  L'ATHÉNIEN    N'est-­‐ce  pas  de  cet  état  de  choses  que  s'est  formé  tout  ce  que  nous  voyons  à  présent,  Etats,  gouvernements,  arts  et  lois,  et  bien  des  vices  et  bien  des  vertus  ?  CLINIAS  Comment  cela  ?  L'ATHÉNIEN  Devons-­‐nous   croire,   mon   admirable   ami,   que   les   hommes   de   ce   temps   là,   qui   n'avaient   aucune  expérience  des  biens  et  des  maux  propres  aux  villes,  fussent  tout  à  fait  bons  ou  tout  à  fait  méchants  ?  CLINIAS  Ta  question  est  bien  posée,  et  nous  comprenons  ce  que  tu  veux  dire.  L'ATHÉNIEN  N'est-­‐ce  pas  avec   le  progrès  du  temps  et   la  multiplication  de  notre  espèce  que   les  choses  en  sont  venues  au  point  où  nous  les  voyons  ?  CLINIAS  C'est  très  juste.    L'ATHÉNIEN.  —  Non  pas  tout  d'un  coup,  naturellement,  mais  peu  à  peu,  en  un  temps  considérable.  CLINIAS.  -­‐-­‐  C'est  fort  vraisemblable.  L'ATHÉNIEN.   -­‐-­‐   En   effet,   à   l'idée   de   descendre   des   hauteurs   dans   les   plaines,   tous,   j'imagine,   sentaient   se  renouveler  leur  terreur  CLINIAS.  —  Évidemment.  L'ATHÉNIEN.  —  Ne  leur  était-­‐ce  pas  une  joie,  en  ce  temps-­‐là,  du  fait  de  leur  petit  nombre,  de  se  voir  entre  eux  ?  Mais  les  moyens  de  transport,  qui  les  auraient  reliés  alors  les  uns  aux  autres  par  terre  ou  par  mer,  n'avaient-­‐ils  pas  péri  avec  les  métiers,  autant  dire  à  peu  près  tous?  Ainsi  donc,  il  ne  leur  était  guère  possible,  je  pense,  de  se  mêler   les  uns  aux  d  autres   :   le   fer,   le  cuivre,   tous   les  minerais  avaient  disparu  pêle-­‐mêle,  de  sorte  qu'il  y  avait  toute  sorte  de  difficultés  pour  en  extraire  à  nouveau,  et  on  était  à  court  de  bois  de  charpente.  Car  si  des  outils  

UNS. Mythologie. Zucker. 2012

14

avaient  pu  subsister  quelque  part  dans  les  montagnes,   ils  avaient  bientôt  disparu  par  usure,  et   il  ne  devait  pas  s'en  fabriquer  d'autres  jusqu'à  ce  que  l'art  des  mineurs  revint  parmi  les  hommes.  CLINIAS.  Le  moyen,  en  effet  ?  L'ATHÉNIEN.  —  Et  combien  de  générations  plus  tard  pensons-­‐nous  que  cela  s'est  produit  ?  CLINIAS.  —  Apparemment,  un  grand  nombre.  L'ATHÉNIEN.  Mais  alors,   les  métiers  qui  ont  besoin  de  fer,  de  cuivre  et  de  tous   les  métaux,  ne  dirons-­‐nous  pas  qu'ils  avaient  disparu  aussi  à  cette  époque,  pour  le  même  temps  et  un  plus  long  encore  ?  CLINIAS.  —  Et  comment  L'ATHÉNIEN.  —   Ce   sont   donc   aussi   la   discorde   et   la   guerre   qui   étaient  mortes   en   ce   temps-­‐là   sur   plusieurs  points.    CLINIAS.  —  De  quelle  manière  ?  L'ATHÉNIEN.  Tout  d'abord,   ils  s'aimaient  et  se  regardaient  avec  bienveillance  dans   leur   isolement   ;  ensuite,   ils  n'avaient   pas   à   se   disputer   la   nourriture.   Les   pâturages   ne   manquaient   pas,   sauf   peut-­‐être   au   début   pour  quelques-­‐uns,    et  c'est  de  cela  surtout  qu'ils  vivaient  à  cette  époque  ;  car  le  lait  et  la  viande  ne  leur  faisaient  aucunement  défaut  ;  et  de  plus  la  chasse  leur  fournissait  des  vivres  d'une  qualité  et  d'un  nombre  appréciables.  D'ailleurs  vêtements,  couvertures,  habitations,  ustensiles  qui  s'emploient  au  feu  ou  sans  feu    existaient  en  abondance  ;  en  effet,  les  arts  plastiques   et   tous   ceux  qui   relèvent  du   tissage   se  passent   complètement  de   fer,   et   la  divinité   avait   donné   aux  hommes  ces  deux  sortes  de  métiers  pour  leur  procurer  toutes  ces  ressources,  afin  que,  le  jour  où  ils  viendraient  à  manquer   de  métal,   ceux   de   notre   race   pussent   naître   et   se   développer.   Dans   cette   situation,   ils   n'étaient   pas  tellement   pauvres,   ni   poussés   par   la   pauvreté   à   entrer   en   contestation   ;   mais   ils   ne   seraient   jamais   devenus  riches,   étant   dépourvus   d'or   et   d'argent   comme   ils   l'étaient   en   ce   temps-­‐là.   Or,   quand   une   société   ne   connaît  jamais   ni   la   richesse   ni   la   pauvreté,   c'est   bien   dans   celle-­‐là   que   pourraient   apparaître   les   plus   généreux  caractères:  ni  démesure  ni   injustice,  ni  non  plus   jalousies  ou   rivalités  n'y  prennent  naissance.   Ils   étaient  donc  bons,  pour  ces  raisons  et  du  fait  de  leur  prétendue  simplicité  :  ce  qu'ils  entendaient  dire  de  beau  ou  de  laid,  ils  estimaient,   en  gens   simples,  que   c'était   la   vérité  pure  et   ils   y   croyaient.  Nul  n'aurait   su,   comme  aujourd'hui,   à  force  de  sagesse,  y   flairer  un  mensonge;  mais,   tenant  pour  vrai  ce  que   l'on  disait  des  dieux  et  des  hommes,   ils  vivaient  en  s'y  conformant  ;  et  voilà  comment  ils  étaient  absolument  tels  que  nous  venons  de  les  décrire.  duite.  C'est  pourquoi  ils  étaient  tout  à  fait  tels  que  je  viens  de  les  représenter.  CLINIAS  :  Mégillos  et  moi,  nous  sommes  là-­‐dessus  d'accord  avec  toi.    

(histoire)  Texte  3e.  BIBLE,  Genèse  6-­‐8    6.1      Lorsque  les  hommes  eurent  commencé  à  se  multiplier  sur  la  face  de  la  terre,  et  que  des  filles  leur  furent  nées,  6.2      les  fils  de  Dieu  virent  que  les  filles  des  hommes  étaient  belles,  et  ils  en  prirent  pour  femmes  parmi  toutes  celles  qu'ils  choisirent.  6.3       Alors   l'Éternel   dit:  Mon   esprit   ne   restera   pas   à   toujours   dans   l'homme,   car   l'homme   n'est   que  chair,  et  ses  jours  seront  de  cent  vingt  ans.  6.4      Les  géants  étaient  sur  la  terre  en  ces  temps-­‐là,  après  que  les  fils  de  Dieu  furent  venus  vers  les  filles  des   hommes,   et   qu'elles   leur   eurent   donné   des   enfants:   ce   sont   ces   héros   qui   furent   fameux   dans  l'antiquité.  6.5      L'Éternel  vit  que  la  méchanceté  des  hommes  était  grande  sur  la  terre,  et  que  toutes  les  pensées  de  leur  cœur  se  portaient  chaque  jour  uniquement  vers  le  mal.  6.6      L'Éternel  se  repentit  d'avoir  fait  l'homme  sur  la  terre,  et  il  fut  affligé  en  son  cœur.  6.7       Et   l'Éternel   dit:   J'exterminerai   de   la   face   de   la   terre   l'homme   que   j'ai   créé,   depuis   l'homme  jusqu'au  bétail,  aux  reptiles,  et  aux  oiseaux  du  ciel;  car  je  me  repens  de  les  avoir  faits.  6.8      Mais  Noé  trouva  grâce  aux  yeux  de  l'Éternel.  6.9      Voici  la  postérité  de  Noé.  Noé  était  un  homme  juste  et  intègre  dans  son  temps;  Noé  marchait  avec  Dieu.  6.10    Noé  engendra  trois  fils:  Sem,  Cham  et  Japhet.  6.11    La  terre  était  corrompue  devant  Dieu,  la  terre  était  pleine  de  violence.  6.12    Dieu  regarda  la  terre,  et  voici,  elle  était  corrompue;  car  toute  chair  avait  corrompu  sa  voie  sur  la  terre.  6.13    Alors  Dieu  dit  à  Noé:  La  fin  de  toute  chair  est  arrêtée  par  devers  moi;  car  ils  ont  rempli  la  terre  de  violence;  voici,  je  vais  les  détruire  avec  la  terre.  6.14    Fais-­‐toi  une  arche  de  bois  de  gopher;  tu  disposeras  cette  arche  en  cellules,  et  tu  l'enduiras  de  poix  en  dedans  et  en  dehors.  

UNS. Mythologie. Zucker. 2012

15

6.15    Voici   comment   tu   la   feras:   l'arche  aura   trois   cents   coudées  de   longueur,   cinquante   coudées  de  largeur  et  trente  coudées  de  hauteur.  6.16    Tu  feras  à  l'arche  une  fenêtre,  que  tu  réduiras  à  une  coudée  en  haut;  tu  établiras  une  porte  sur  le  côté  de  l'arche;  et  tu  construiras  un  étage  inférieur,  un  second  et  un  troisième.  6.17    Et  moi,  je  vais  faire  venir  le  déluge  d'eaux  sur  la  terre,  pour  détruire  toute  chair  ayant  souffle  de  vie  sous  le  ciel;  tout  ce  qui  est  sur  la  terre  périra.  6.18    Mais  j'établis  mon  alliance  avec  toi;  tu  entreras  dans  l'arche,  toi  et  tes  fils,  ta  femme  et  les  femmes  de  tes  fils  avec  toi.  6.19    De   tout   ce  qui  vit,  de   toute   chair,   tu   feras  entrer  dans   l'arche  deux  de   chaque  espèce,  pour   les  conserver  en  vie  avec  toi:  il  y  aura  un  mâle  et  une  femelle.  6.20    Des  oiseaux  selon  leur  espèce,  du  bétail  selon  son  espèce,  et  de  tous  les  reptiles  de  la  terre  selon  leur  espèce,  deux  de  chaque  espèce  viendront  vers  toi,  pour  que  tu  leur  conserves  la  vie.  6.21    Et   toi,   prends  de   tous   les   aliments  que   l'on  mange,   et   fais-­‐en  une  provision  auprès  de   toi,   afin  qu'ils  te  servent  de  nourriture  ainsi  qu'à  eux.  6.22    C'est  ce  que  fit  Noé:  il  exécuta  tout  ce  que  Dieu  lui  avait  ordonné.  Genèse  7  7.1      L'Éternel  dit  à  Noé:  Entre  dans  l'arche,  toi  et  toute  ta  maison;  car  je  t'ai  vu  juste  devant  moi  parmi  cette  génération.  7.2      Tu  prendras  auprès  de  toi  sept  couples  de  tous  les  animaux  purs,  le  mâle  et  sa  femelle;  une  paire  des  animaux  qui  ne  sont  pas  purs,  le  mâle  et  sa  femelle;  7.3      sept  couples  aussi  des  oiseaux  du  ciel,  mâle  et   femelle,  afin  de  conserver   leur  race  en  vie  sur   la  face  de  toute  la  terre.  7.4       Car,   encore   sept   jours,   et   je   ferai   pleuvoir   sur   la   terre   quarante   jours   et   quarante   nuits,   et  j'exterminerai  de  la  face  de  la  terre  tous  les  êtres  que  j'ai  faits.  7.5      Noé  exécuta  tout  ce  que  l'Éternel  lui  avait  ordonné.  7.6      Noé  avait  six  cents  ans,  lorsque  le  déluge  d'eaux  fut  sur  la  terre.  7.7      Et  Noé  entra  dans  l'arche  avec  ses  fils,  sa  femme  et  les  femmes  de  ses  fils,  pour  échapper  aux  eaux  du  déluge.  7.8      D'entre  les  animaux  purs  et  les  animaux  qui  ne  sont  pas  purs,  les  oiseaux  et  tout  ce  qui  se  meut  sur  la  terre,  7.9       il   entra   dans   l'arche   auprès   de   Noé,   deux   à   deux,   un  mâle   et   une   femelle,   comme  Dieu   l'avait  ordonné  à  Noé.  7.10    Sept  jours  après,  les  eaux  du  déluge  furent  sur  la  terre.  7.11    L'an  six  cent  de  la  vie  de  Noé,  le  second  mois,  le  dix-­‐septième  jour  du  mois,  en  ce  jour-­‐là  toutes  les  sources  du  grand  abîme  jaillirent,  et  les  écluses  des  cieux  s'ouvrirent.  7.12    La  pluie  tomba  sur  la  terre  quarante  jours  et  quarante  nuits.  7.13    Ce  même  jour  entrèrent  dans  l'arche  Noé,  Sem,  Cham  et  Japhet,  fils  de  Noé,  la  femme  de  Noé  et  les  trois  femmes  de  ses  fils  avec  eux:  7.14    eux,  et   tous   les  animaux  selon   leur  espèce,   tout   le  bétail   selon  son  espèce,   tous   les  reptiles  qui  rampent  sur  la  terre  selon  leur  espèce,  tous  les  oiseaux  selon  leur  espèce,  tous  les  petits  oiseaux,  tout  ce  qui  a  des  ailes.  7.15    Ils  entrèrent  dans  l'arche  auprès  de  Noé,  deux  à  deux,  de  toute  chair  ayant  souffle  de  vie.  7.16    Il   en   entra,   mâle   et   femelle,   de   toute   chair,   comme   Dieu   l'avait   ordonné   à   Noé.   Puis   l'Éternel  ferma  la  porte  sur  lui.  7.17    Le  déluge  fut  quarante  jours  sur  la  terre.  Les  eaux  crûrent  et  soulevèrent  l'arche,  et  elle  s'éleva  au-­‐dessus  de  la  terre.  7.18    Les  eaux  grossirent  et  s'accrurent  beaucoup  sur  la  terre,  et  l'arche  flotta  sur  la  surface  des  eaux.  7.19    Les  eaux  grossirent  de  plus  en  plus,  et   toutes   les  hautes  montagnes  qui  sont  sous   le  ciel  entier  furent  couvertes.  7.20    Les  eaux  s'élevèrent  de  quinze  coudées  au-­‐dessus  des  montagnes,  qui  furent  couvertes.  7.21    Tout  ce  qui  se  mouvait  sur  la  terre  périt,  tant  les  oiseaux  que  le  bétail  et  les  animaux,  tout  ce  qui  rampait  sur  la  terre,  et  tous  les  hommes.  7.22    Tout   ce   qui   avait   respiration,   souffle   de   vie   dans   ses   narines,   et   qui   était   sur   la   terre   sèche,  mourut.  

UNS. Mythologie. Zucker. 2012

16

7.23    Tous   les   êtres   qui   étaient   sur   la   face   de   la   terre   furent   exterminés,   depuis   l'homme   jusqu'au  bétail,  aux  reptiles  et  aux  oiseaux  du  ciel:  ils  furent  exterminés  de  la  terre.  Il  ne  resta  que  Noé,  et  ce  qui  était  avec  lui  dans  l'arche.  7.24    Les  eaux  furent  grosses  sur  la  terre  pendant  cent  cinquante  jours.  Genèse  8  La  décrue  8.1      Dieu  se  souvint  de  Noé,  de  tous  les  animaux  et  de  tout  le  bétail  qui  étaient  avec  lui  dans  l'arche;  et  Dieu  fit  passer  un  vent  sur  la  terre,  et  les  eaux  s'apaisèrent.  8.2      Les  sources  de  l'abîme  et  les  écluses  des  cieux  furent  fermées,  et  la  pluie  ne  tomba  plus  du  ciel.  8.3      Les  eaux  se  retirèrent  de  dessus  la  terre,  s'en  allant  et  s'éloignant,  et  les  eaux  diminuèrent  au  bout  de  cent  cinquante  jours.  8.4      Le  septième  mois,  le  dix-­‐septième  jour  du  mois,  l'arche  s'arrêta  sur  les  montagnes  d'Ararat.  8.5      Les  eaux  allèrent  en  diminuant  jusqu'au  dixième  mois.  Le  dixième  mois,  le  premier  jour  du  mois,  apparurent  les  sommets  des  montagnes.  8.6      Au  bout  de  quarante  jours,  Noé  ouvrit  la  fenêtre  qu'il  avait  faite  à  l'arche.  8.7       Il   lâcha   le   corbeau,  qui   sortit,   partant   et   revenant,   jusqu'à   ce  que   les   eaux  eussent   séché   sur   la  terre.  8.8      Il  lâcha  aussi  la  colombe,  pour  voir  si  les  eaux  avaient  diminué  à  la  surface  de  la  terre.  8.9      Mais   la  colombe  ne   trouva  aucun   lieu  pour  poser   la  plante  de  son  pied,  et  elle  revint  à   lui  dans  l'arche,  car   il  y  avait  des  eaux  à   la  surface  de  toute   la  terre.   Il  avança   la  main,   la  prit,  et   la   fit  rentrer  auprès  de  lui  dans  l'arche.  8.10    Il  attendit  encore  sept  autres  jours,  et  il  lâcha  de  nouveau  la  colombe  hors  de  l'arche.  8.11    La  colombe  revint  à  lui  sur  le  soir;  et  voici,  une  feuille  d'olivier  arrachée  était  dans  son  bec.  Noé  connut  ainsi  que  les  eaux  avaient  diminué  sur  la  terre.  8.12    Il  attendit  encore  sept  autres  jours;  et  il  lâcha  la  colombe.  Mais  elle  ne  revint  plus  à  lui.  8.13    L'an  six  cent  un,  le  premier  mois,  le  premier  jour  du  mois,  les  eaux  avaient  séché  sur  la  terre.  Noé  ôta  la  couverture  de  l'arche:  il  regarda,  et  voici,  la  surface  de  la  terre  avait  séché.  8.14    Le  second  mois,  le  vingt-­‐septième  jour  du  mois,  la  terre  fut  sèche.  Sortie  de  l'arche  8.15    Alors  Dieu  parla  à  Noé,  en  disant:  8.16    Sors  de  l'arche,  toi  et  ta  femme,  tes  fils  et  les  femmes  de  tes  fils  avec  toi.  8.17    Fais  sortir  avec  toi  tous  les  animaux  de  toute  chair  qui  sont  avec  toi,  tant  les  oiseaux  que  le  bétail  et   tous   les  reptiles  qui   rampent  sur   la   terre:  qu'ils  se  répandent  sur   la   terre,  qu'ils   soient   féconds  et  multiplient  sur  la  terre.  8.18    Et  Noé  sortit,  avec  ses  fils,  sa  femme,  et  les  femmes  de  ses  fils.  8.19    Tous  les  animaux,  tous  les  reptiles,  tous  les  oiseaux,  tout  ce  qui  se  meut  sur  la  terre,  selon  leurs  espèces,  sortirent  de  l'arche.  8.20    Noé  bâtit  un  autel  à   l'Éternel;   il  prit  de   toutes   les  bêtes  pures  et  de   tous   les  oiseaux  purs,   et   il  offrit  des  holocaustes  sur  l'autel.  8.21    L'Éternel  sentit  une  odeur  agréable,  et   l'Éternel  dit  en  son  cœur:   Je  ne  maudirai  plus   la  terre,  à  cause  de  l'homme,  parce  que  les  pensées  du  cœur  de  l'homme  sont  mauvaises  dès  sa  jeunesse;  et  je  ne  frapperai  plus  tout  ce  qui  est  vivant,  comme  je  l'ai  fait.  8.22    Tant  que   la  terre  subsistera,   les  semailles  et   la  moisson,   le   froid  et   la  chaleur,   l'été  et   l'hiver,   le  jour  et  la  nuit  ne  cesseront  point.    

(histoire)  Texte  3f.  LUCRÈCE,  Nature  des  choses  5.925  sq.    Une  race  d'hommes  vécut  alors,  race  des  plus  dures,  et  digne  de  la  dure  terre  qui  l'avait  créée.  Des  os  plus  grands  et  plus   forts  que   les  nôtres   formaient   la  charpente  de  ces  premiers  hommes,   leur  chair  avait  une  armature  de  muscles  puissants,   ils   résistaient  aisément  aux  atteintes  du   froid  et  du  chaud,  aux  changements  de  nourriture,  aux  attaques  de  la  maladie.  Que  de  révolutions  le  soleil  accomplit  à  travers  le  ciel,  tandis  qu'ils  menaient  leur  vie  errante  de  bêtes  sauvages!  Nul  ne  mettait   sa   force  à  conduire   la  charrue  recourbée,  nul  ne  savait   retourner   la  terre  avec  le  fer,  ni  planter  de  tendres  rejetons,  ni  couper  aux  grands  arbres,  avec  la  faux,  leurs  rameaux  vieillis.  Ce  que  le  soleil  et  la  pluie  donnaient,  ce  que  la  terre  offrait  d'elle-­‐même,  voilà  les  présents  qui  contentaient  leurs  cœurs.  C'est  parmi  les  chênes,  avec  leurs  glands,  qu'ils  se  nourrissaient  le  plus  souvent;  et  ces  fruits  que  tu  vois  de   nos   jours   à   la   saison   d'hiver   annoncer   leur  maturité   en   se   colorant   de   pourpre,   les   arbouses,   la   terre   les  portait   alors   plus   nombreux   et   plus   gros.   Enfin,   dans   sa   fleur,   la   nouveauté   du  monde   abondait   en   grossières  

UNS. Mythologie. Zucker. 2012

17

pâtures   qui   suffisaient   aux   misérables   mortels.   Pour   apaiser   leur   soif,   les   cours   d'eau   et   les   sources   les  appelaient,  comme  aujourd'hui  la  voix  claire  des  torrents  qui  tombent  du  haut  des  montagnes  invite  de  loin  les  fauves  altérés.  Enfin  leurs  courses  nocturnes  les  entraînaient  aux  demeures  sylvestres  des  nymphes,  certains  d'y  voir   sourdre   des   eaux   vives   qui   lavaient   de   leurs   ondes   abondantes   les   humides   rochers,   humides   rochers  couverts  d'une  verte  mousse  à  travers  laquelle  elles  perlaient,  ou  bien  qui,   jaillissant  en  ruisseaux,  s'élançaient  dans  la  plaine.  Ils  ne  savaient  encore  quel  instrument  est  le  feu,  ni  se  servir  de  la  peau  des  bêtes  sauvages,  ni  se  vêtir   de   leurs  dépouilles.   Les  bois,   les   cavernes  des  montagnes,   les   forêts   étaient   leur  demeure;   c'est   dans   les  broussailles  qu'ils  cherchaient  pour  leur  corps  malpropre  un  abri  contre  le  fouet  des  vents  et  des  pluies.  Le  bien  commun  ne  pouvait  les  préoccuper,  ni  coutumes  ni  lois  ne  réglaient  leurs  rapports.  La  proie  offerte  par  le  hasard,  chacun   s'en   emparait;   être   fort,   vivre   à   sa   guise   et   pour   soi,   c'était   la   seule   science.   Et   Vénus   dans   les   bois  accouplait  les  amants.  Ce  qui  donnait  la  femme  à  l'homme,  c'était  soit  un  mutuel  désir,  soit  la  violence  du  mâle  ou  bien   sa   passion   effrénée,   ou   encore   l'appât   d'une   récompense,   glands,   arbouses   ou   poires   choisies.   Confiants  dans  l'étonnante  vigueur  de  leurs  mains  et  de  leurs  pieds,  ils  poursuivaient  les  bêtes  des  forêts  en  leur  lançant  des  pierres  à  la  fronde,  en  les  écrasant  de  leurs  massues;  ils  triomphaient  de  la  plupart,  quelques-­‐unes  seulement  les   faisaient   regagner   leurs   retraites;   et  pareils   aux   sangliers   couverts  de   soies,   ils   étendaient  nus   sur   la   terre  leurs  membres  sauvages,  quand  la  nuit  les  surprenait,  se  faisant  une  couverture  de  feuilles  et  de  broussailles.  Le  jour,  le  soleil  disparus,  ils  n'allaient  pas  par  les  campagnes  les  chercher  à  grands  cris,  errant  pleins  d'épouvante  à  travers  les  ombres  de  la  nuit;  mais  silencieux  ils  attendaient,  ensevelis  dans  le  sommeil,  que  le  soleil  de  sa  torche  rouge  rendit  au  ciel  la  lumière.  Dès  l'enfance  accoutumés  à  voir  les  ténèbres  et  le  jour  renaître  alternativement,  il  ne  pouvait  leur  arriver  de  s'en  étonner,  ni  de  redouter  pour  la  terre  une  nuit  éternelle  qui  leur  dérobât  à  jamais  la  lumière  du  soleil.  Mais  leur  plus  grande  inquiétude,  c'était  l'attaque  des  bêtes  sauvages  qui  souvent  faisaient  du  sommeil  un  péril  pour  ces  malheureux;  chassés  de  leur  gîte,  ils  fuyaient  leur  abri  de  pierre  à  l'approche  d'un  sanglier   écumant   ou   d'un   lion   puissant,   et   en   pleine   nuit,   glacés   d'effroi,   ils   cédaient   à   ces   hôtes   cruels   leur  couche  de  feuillage.  Ne  crois  pas  qu'à  cette  époque  plus  qu'aujourd'hui  la  race  des  mortels  avait  à  quitter  dans  les  gémissements  la  douce  lumière  de  la  vie.  Il  arrivait  sans  doute  plus  souvent  que  l'un  d'eux,  surpris  par  les  bêtes,  leur  offrait  une  proie  vivante  pour  leurs  dents  cruelles  et  remplissait  de  ses  cris  les  bois,  les  monts  et  les  forêts  en  voyant   sa   chair   ensevelie   vivante   dans   un   tombeau   vivant.   Certains,   sauvés   par   la   fuite  mais   le   corps  mutilé,  tenant   leurs  mains   tremblantes   appliquées   sur   d'horribles   plaies,   appelaient   par   de   terribles   cris   Orcus,   puis  mouraient   dans   ses   d'affreuses   convulsions,   sans   le   moindre   secours,   ignorant   quels   soins   réclamaient   leurs  blessures.   Mais   en   revanche,   il   n'y   avait   pas   des  milliers   d'hommes   à   périr   sous   les   drapeaux   en   un   jour   de  bataille,   la   mer   démontée   ne   broyait   pas   sur   les   rochers   des   navires   avec   leur   équipage.   C'est   pour   rien,  vainement  et  en  pure  perte  que  les  flots  soulevés  déchaînaient  leur  colère,  et  sans  plus  de  raison  qu'ils  laissaient  tomber  leur  menace  inutile.  Et  la  mer  apaisée  avait  beau  multiplier  ses  sourires,  les  hommes  ne  se  laissaient  pas  prendre  au  piège.  L'art  funeste  de  la  navigation  appartenait  encore  au  néant.  Alors  c'était  la  disette  qui  livrait  le  corps  épuisé   à   la  mort,   tandis  que  maintenant   c'est   l'abondance  qui  nous  y  plonge.   Souvent  par   ignorance   les  hommes   s'administraient   eux-­‐mêmes   le   poison,   aujourd'hui   à   force  d'art   nous   le   donnons   aux   autres.  Dans   la  suite,  les  hommes  connurent  les  huttes,  les  peaux  de  bêtes  et  le  feu;  la  femme  unie  à  l'homme  devint  le  bien  d'un  seul,   les  plaisirs  de  Vénus   furent  restreints  aux  chastes  douceurs  de   la  vie  conjugale,   les  parents  virent  autour  d'eux  une  famille  née  de  leur  sang:  alors  le  genre  humain  commença  à  perdre  peu  à  peu  sa  rudesse.  En  effet  le  feu  rendit  les  corps  plus  délicats  et  moins  capables  d'endurer  le  froid  sous  le  seul  abri  du  ciel;  et  Vénus  énerva  leur  vigueur,  et  les  enfants  par  leurs  caresses  n'eurent  pas  de  peine  à  fléchir  le  caractère  farouche  des  parents.  Alors  aussi   l'amitié   unit   pour   la   première   fois    des   voisins,   qui   cessèrent   de   s'insulter   et   de   se   battre;   et   ils   se  recommandèrent  mutuellement  les  enfants  ainsi  que  les  femmes,  faisant  entendre  confusément  de  la  voix  et  du  geste  qu'il  était   juste  d'avoir  pitié  des  faibles.  Assurément  la  concorde  ne  pouvait  pas  s'établir  entre  tous,  mais  les  plus  nombreux  et  les  meilleurs  restaient  fidèles  aux  pactes;  autrement  le  genre  humain  eût  dès  lors  péri  tout  entier   et   n'aurait   pu   conduire   jusqu'à  nous   ses   générations.   Ce   sont   ensuite   les   sons   variés  du   langage  que   la  nature  poussa  les  hommes  à  émettre,  et  le  besoin  assigna  un  nom  à  chaque  chose.    

[histoire]  Texte  3g.  HYGIN,  Fable  153      DEUCALION  AND  PYRRHA  When  the  cataclysm  which  we  call   the  flood  or  deluge  occurred,  all   the  human  race  perished  except  Deucalion  and  Pyrrha,  who  fled  to  Mount  Etna,  which  is  said  to  be  the  highest  mountain  in  Sicily.  When  they  could  not  live  on  account  of  loneliness,  they  begged  Jove  either  to  give  men,  or  to  afflict  them  with  a  similar  disaster.  Then  Jove  bade  them  cast  stones  behind  them;  those  Deucalion  threw  he  ordered  to  become  men,  and  those  Pyrrha  threw,  to  be  women.  Because  of  this  they  are  called  laos,  “people”,  for  stone  in  Greek  is  called  las.      

[histoire]  Texte  3h.  OVIDE,  Métamorphoses  1.-­‐253-­‐312    

UNS. Mythologie. Zucker. 2012

18

Déjà  tous  ses  foudres  allumés  allaient  frapper  la  terre;  mais  il  craint  que  l'éther  même  ne  s'embrase  par  tant  de  feux,  et  que  l'axe  du  monde  n'en  soit  consumé.  Il  se  souvient  que  les  destins  ont  fixé,  dans  l'avenir,  un  temps  où  la  mer,  et  la  terre,  et  les  cieux  seront  dévorés  par  les  flammes,  et  où  la  masse  magnifique  de  l'univers  sera  détruite  par  elles  :  il  dépose  ses  foudres  forgés  par  les  Cyclopes;  il  choisit  un  supplice  différent.  Le  genre  humain  périra  sous  les  eaux,  qui,  de  toutes  les  parties  du  ciel,  tomberont  en  torrents  sur  la  terre.  [262]  Soudain  dans  les  antres  d'Éole  il  enferme  l'Aquilon  et  tous  les  vents  dont  le  souffle  impétueux  dissipe  les  nuages.   Il   commande  au  Notus,  qui   vole   sur   ses   ailes  humides  :   son  visage  affreux  est   couvert  de   ténèbres;   sa  barbe  est  chargée  de  brouillards;  l'onde  coule  de  ses  cheveux  blancs;  sur  son  front  s'assemblent  les  nuées,  et  les  torrents   tombent  de   ses  ailes  et  de   son  sein.  Dès  que  sa   large  main  a   rassemblé,  pressé   tous   les  nuages  épars  dans   les   airs,   un   horrible   fracas   se   fait   entendre,   et   des   pluies   impétueuses   fondent   du   haut   des   cieux.   La  messagère   de   Junon,   dont   l'écharpe   est   nuancée   de   diverses   couleurs,   Iris,   aspire   les   eaux   de   la  mer,   elle   en  grossit  les  nuages.  Les  moissons  sont  renversées,  les  espérances  du  laboureur  détruites,  et,  dans  un  instant,  périt  le  travail  pénible  de  toute  une  année.  Mais  la  colère  de  Jupiter  n'est  pas  encore  satisfaite;  Neptune  son  frère  vient  lui  prêter   le  secours  de  ses  ondes;   il  convoque  les  dieux  des  fleuves,  et,  dès  qu'ils  sont  entrés  dans  son  palais  :  "Maintenant,   dit-­‐il,   de   longs   discours   seraient   inutiles.   Employez   vos   forces   réunies;   il   le   faut  :   ouvrez   vos  sources,   et,   brisant   les   digues   qui   vous   arrêtent,   abandonnez   vos   ondes   à   toute   leur   fureur".   Il   ordonne  :   les  fleuves   partent,   et   désormais   sans   frein,   et   d'un   cours   impétueux,   ils   roulent   dans   l'océan.  Neptune   lui-­‐même  frappe   la   terre  de  son  trident;  elle  en  est  ébranlée,  et   les  eaux  s'échappent  de  ses  antres  profonds.  Les   fleuves  franchissent  leurs  rivages,  et  se  débordant  dans  les  campagnes,  ils  entraînent,  ensemble  confondus,  les  arbres  et  les  troupeaux,  les  hommes  et  les  maisons,  les  temples  et  les  dieux.  Si  quelque  édifice  résiste  à  la  fureur  des  flots,  les  flots  s'élèvent  au-­‐dessus  de  sa  tête,  et  les  plus  hautes  tours  sont  ensevelies  dans  des  gouffres  profonds.  [291]   Déjà   la   terre   ne   se   distinguait   plus   de   l'océan  :   tout   était   mer,   et   la   mer   n'avait   point   de   rivages.   L'un  cherche   un   asile   sur   un   roc   escarpé,   l'autre   se   jette   dans   un   esquif,   et   promène   la   rame   où   naguère   il   avait  conduit   la  charrue  :  celui-­‐ci  navigue  sur   les  moissons,  ou  sur  des   toits  submergés;  celui-­‐là   trouve  des  poissons  sur  le  faîte  des  ormeaux;  un  autre  jette  l'ancre  qui  s'arrête  dans  une  prairie.  Les  barques  flottent  sur  les  coteaux  qui   portaient   la   vigne  :   le   phoque   pesant   se   repose   sur   les   monts   où   paissait   la   chèvre   légère.   Les   Néréides  s'étonnent  de  voir,  sous  les  ondes,  des  bois,  des  villes  et  des  palais.  Les  dauphins  habitent  les  forêts,  ébranlent  le  tronc  des  chênes,  et  bondissent  sur   leurs  cimes.  Le   loup,  négligeant  sa  proie,  nage  au  milieu  des  brebis;   le   lion  farouche   et   le   tigre   flottent   sur   l'onde  :   la   force   du   sanglier,   égale   à   la   foudre,   ne   lui   est   d'aucun   secours;   les  jambes  agiles  du  cerf  lui  deviennent  inutiles  :  l'oiseau  errant  cherche  en  vain  la  terre  pour  s'y  reposer;  ses  ailes  fatiguées  ne  peuvent  plus  le  soutenir,  il  tombe  dans  les  flots.  L'immense  débordement  des  mers  couvrait  les  plus  hautes  montagnes  :  alors,  pour   la  première  fois,   les  vagues  amoncelées  en  battaient   le  sommet.  La  plus  grande  partie  du  genre  humain  avait  péri  dans  l'onde,  et  la  faim  lente  et  cruelle  dévora  ceux  que  l'onde  avait  épargnés.    

[histoire]  Texte  3i.  VIRGILE,  Enéide,  6.789      Voici César, et toute la descendance de Iule, qui un jour apparaîtra sous l'immense voûte céleste. Oui, c'est lui, voici le héros, dont si souvent on te répète qu'il t'est promis; Auguste César, né d'un dieu, fondera un nouveau siècle d'or; régnant sur les terres où régnait autrefois Saturne, il étendra son empire au-delà des Garamantes et des Indiens; au-delà des étoiles, au-delà des routes de l'année et du soleil, un territoire où Atlas, qui porte le ciel, fait tourner sur ses épaules l'axe semé d'étoiles de feu.  

*  [langage]  Texte  4a.  HÉRODOTE,  Enquêtes,  2.2  

Les  Égyptiens,  avant  que  Psammétique  ne  devienne  leur  pharaon,  se  croyaient  les  tout  premiers  hommes  à  être  apparus  sur  la  terre.  Mais  depuis  le  jour  où  Psammétique,  une  fois  sur  le  trône,  chercha  à  savoir  quels  avaient  été  les  premiers  hommes,  ils  croient  que  les  Phrygiens  les  ont  précédés,  bien  qu’ils  soient  eux-­‐mêmes  apparus  avant  les  autres  peuples.  Psammétique,  constatant  qu’il  ne  pouvait,  par  le  biais  d’une  enquête,  trouver  aucun  moyen  de  déterminer   quels   hommes   étaient   apparus   les   premiers   imagina   l’astuce   suivante.   Il   confia   à   un   berger   deux  nouveau-­‐nés  d’origine  populaire,  pour  qu’il  les  élève  parmi  ses  bêtes  en  leur  donnant  une  éducation  particulière  :  il  ordonna  que  personne  ne  prononce  en  leur  présence  le  moindre  mot,  qu’ils  soient  installés  à  l’écart,  dans  une  cabane  isolée,  et  que  le  berger  leur  amène  régulièrement  des  chèvres  et,  après  leur  avoir  procuré  leur  comptant  de   lait,   leur   donne   les   autres   soins   nécessaires.   Psammétique   voulait,   à   travers   cette   mise   en   scène   et   ces  dispositions,   entendre   quel   serait   le   premier   mot   que   prononceraient   les   bébés,   abstraction   faite   de   leurs  vagissements   incohérents.   Tout   se   produisit   comme   prévu.   Lorsque   deux   années   se   furent   écoulées   au   cours  

UNS. Mythologie. Zucker. 2012

19

desquelles  le  berger  appliqua  les  instructions,  un  jour  qu’il  ouvrait  la  porte  et  pénétrait  dans  la  cabane,  les  deux  enfants   rampèrent   vers   lui   et   prononcèrent   en   tendant   les   bras   le   mot   «  bécos  ».   La   première   fois   qu’il   les  entendit,  le  berger  ne  fit  rien  ;  mais  comme  ce  mot  revenait  souvent,  lors  des  nombreuses  visites  qu’il  faisait  pour  s’occuper  d’eux,  il  décida  alors  d’en  aviser  son  maître  et,  ce  dernier  lui  en  ayant  intimé  l’ordre,  amena  les  enfant  sous  ses  yeux.  Lorsqu’il  eut,  personnellement,  entendu  ce  mot,  Psammétique  fit  une  enquête  pour  savoir  quels  hommes  utilisaient  dans  leur  langue  le  mot  «  bécos  ».  Et  il  découvrit,  au  cours  de  cette  enquête,  que  les  Phrygiens  appelaient   ainsi   le   pain.   Les   Égyptiens   se   rendirent   à   une   preuve   aussi  manifeste,   et   durent   admettre   que   le  peuple  Phrygien  était  plus  ancien  que  le  leur.    

[langage]  Texte  4b.  DIODORE,  Bibliothèque,  1.8.   Voilà   ce   que   nous   savons   sur   l'origine   du  monde.   Les   hommes   primitifs   devaient  mener   une   vie   sauvage,   se  disperser  dans  les  champs,  cueillir  les  herbes  et  les  fruits  des  arbres  qui  naissent  sans  culture.  Attaqués  par  les  bêtes  féroces,  ils  sentaient  la  nécessité  de  se  secourir  mutuellement,  et,  réunis  par  la  crainte,  ils  ne  tardaient  pas  à  se  familiariser  entre  eux.  Leur  voix  était  d'abord  inarticulée  et  confuse;  bientôt  ils  articulèrent  des  paroles,  et,  en  se  représentant  les  symboles  des  objets  qui  frappaient  leurs  regards,  ils  formèrent  une  langue  intelligible  et  propre  à  exprimer  toutes  choses.  L'existence  de  semblables  réunions  d'hommes  en  divers  endroits  du  continent  a  donné  naissance  à  des  dialectes  différents  suivant  l'arrangement  particulier  des  mots  de  chacun.  De  là  encore  la   variété  des   caractères  de   chaque   langue,   et   le   type  naturel   et   primitif   qui   distingue   toute  nation.  Dans   leur  ignorance  des  choses  utiles  à  la  vie,  les  premiers  hommes  menaient  une  existence  misérable;  ils  étaient  nus,  sans  abri,  sans  feu  et  n'ayant  aucune  idée  d'une  nourriture  convenable.    

[langage]  Texte  4c.  GENÈSE  11.1-­‐9.   Toute  la  terre  avait  une  seule  langue  et  les  mêmes  mots.  Comme  ils  étaient  partis  de  l’orient,  ils  trouvèrent  une  plaine   au   pays   de   Chmunter,   et   ils   y   habitèrent.   Ils   se   dirent   l'un   à   l'autre  :   "Allons  !   Faisons   des   briques,   et  cuisons-­‐les   au   feu."   Et   la   brique   leur   servit   de   pierre,   et   le   bitume   leur   servit   de   ciment.   Ils   dirent   encore  :  "Allons  !  Bâtissons-­‐nous  une  ville  et  une   tour  dont   le   sommet   touche  au  ciel,   et   faisons-­‐nous  un  nom,  afin  que  nous  ne  soyons  pas  dispersés  sur  la  face  de  toute  la  terre."  L'Éternel  descendit  pour  voir   la   ville   et   la   tour  que  bâtissaient   les   fils  des  hommes.  Et   l'Éternel  dit  :   "Voici,   ils  forment  un  seul  peuple  et  ont  tous  une  même  langue,  et  c’est  là  ce  qu'ils  ont  entrepris  ;  maintenant  rien  ne  les  empêcherait  de  faire  tout  ce  qu'ils  auraient  projeté.  Allons  !  descendons,  et  là  confondons  leur  langage,  afin  qu’ils  n’entendent  plus  la  langue,  les  uns  des  autres."  Et  l’Éternel  les  dispersa  loin  de  là  sur  la  face  de  toute  la  terre  ;  et  ils  cessèrent  de  bâtir  la  Ville.  C’est  pourquoi  on  l’appela  du  nom  de  Babel,  car  c’est  là  que  l’Éternel  confondit  le  langage  de  toute  la  terre,  et  c’est  de  là  que  l’Éternel  les  dispersa  sur  la  face  de  toute  la  terre.    Cf.  10.  5  :  De  ceux-­‐là  se  formèrent  les  colonies  de  peuples  répandues  dans  divers  pays,  chacune  selon  sa  langue,  selon  sa  tribu,  selon  son  peuple  ;  10.31  :  Tels  sont  les  enfants  de  Cham,  selon  leurs  familles  et  leur  langage,  selon  leurs   territoires   et   leurs  peuplades   ;  10.21   :   Tels   sont   les   enfants  de   Sem,   selon   leurs   familles   et   leur   langage,  selon  leurs  territoires  et  leurs  peuplades.    

[langage]  Texte  4d.  LUCRÈCE,  Nature  des  choses,  5.1028  sq.      Ce  sont  ensuite   les  sons  variés  du   langage  que   la  nature  poussa   les  hommes  à  émettre,  et   le  besoin  assigna  un  nom  à  chaque  chose;  c'est  à  peu  près  ainsi  que  l'enfant  est  conduit  au  geste  par  l'impuissance  à  s'exprimer  avec  des  mots:  il  montre  du  doigt  tout  ce  qui  s'offre  à  ses  yeux.  Car  chaque  être  a  le  sentiment  des  facultés  dont  il  peut  user;  avant  même  que  la  corne  commence  à  poindre  sur  sa  tête,  le  veau  irrité  en  menace  et  en  frappe  déjà.  Les  petits  de  la  panthère  et  de  la  lionne  se  défendent  de  leurs  griffes,  de  leurs  pattes  et  de  leurs  crocs  à  peine  dents  et  griffes  leur  sont-­‐elles  poussées.  Et  les  oiseaux  de  toute  espèce  se  confient  tous  à  leurs  ailes,  et  demandent  à  leurs  plumes  un  appui  tremblant.  Ainsi  donc  penser  qu'un  homme  ait  pu  alors  distribuer  des  noms  aux  choses  et  que  de  lui  tous  les  autres  aient  appris  les  premiers  mots  du  langage,  c'est  folie;  car  s'il  a  pu  désigner  toutes  choses  par  un  terme  et  émettre  les  sons  variés  du  langage,  comment  à  la  même  époque  d'autres  que  lui  n'ont-­‐ils  pu  le  faire?  De  plus,  si  les  autres  hommes  ne  s'étaient  pas  encore  servis  de  la  parole,  d'où  a  pu  lui  venir  l'idée  de  son  utilité?  Où  a-­‐t-­‐il  pris  le  pouvoir  de  faire  le  premier  comprendre  et  voir  aux  autres  ce  qu'il  voulait  faire?  Au  reste,  un  seul  homme  ne  pouvait  en  contraindre  beaucoup,  et  domptant  leur  résistance,  les  obliger  à  recevoir  de  lui  les  noms  des  choses.  Pouvait-­‐il  davantage  enseigner,  persuader  à  des  sourds  ce  qu'il  y  avait  à  faire?  Ils  ne  l'auraient  pas  supporté,   ils   n'auraient   pas   souffert   d'avoir   les   oreilles   fatiguées   en   vain   de   sons   inconnus.   Enfin,   est-­‐il   si  surprenant   que   le   genre   humain   doué   d'une   voix   et   d'une   langue   ait   suivi   la   variété   de   ses   impressions   pour  désigner   de   sa   voix   la   variété   des   objets?   Les   troupeaux  muets,   les   bêtes   sauvages   elles-­‐mêmes,   ont   des   cris  différents  et  divers  accents,  selon  que  la  crainte,  la  douleur  ou  la  joie  les  possède.  L'expérience  nous  l'apprend.  

UNS. Mythologie. Zucker. 2012

20

Quand   la   grande   chienne  des  Molosses,   dans   le   premier   accès   de   sa   fureur,   gronde   en   retroussant   ses  molles  babines  sur  ses  dents  dures,  elle  nous  menace  de  sa  rage  qui   lui   fronce   le  mufle  avec  des  sons  tout  autres  que  ceux  dont  elle  fait  retentir  l'espace  quand  elle  aboie.  Et  quand  d'une  langue  caressante  elle  lèche  ses  petits  ou  les  caresse   de   ses   pattes,   ou   que   les   agaçant   de  morsures   inoffensives   elle   feint   de   vouloir   les   dévorer,   le   tendre  accent  de  sa  voix  ne  ressemble  ni  à  ses  hurlements  quand  on  l'a  laissée  seule  à  la  maison,  ni  à  ses  plaintes  quand  elle   fuit   en   rampant   les   coups   qui   vont   la   frapper.   Est-­‐ce   le  même   hennissement   que   pousse   le   jeune   cheval  lorsque   au   milieu   des   juments   il   bondit   dans   la   fleur   de   son   âge,   étalon   fougueux   qu'éperonne   l'amour,   ce  cavalier  ailé,  ou  bien  lorsque  ses  larges  naseaux  frémissent  au  bruit  des  armes  ou  que  toute  autre  émotion  l'agite  et  le  fait  hennir?  La  gent  ailée,  les  oiseaux  de  toute  espèce,  éperviers,  orfraies,  plongeons,  qui  dans  les  flots  salés  vont   chercher  nourriture  et  vie   jettent  des   cris   tout  différents   selon   les   circonstances:   ils   en  ont  de   tout  à   fait  particuliers  lorsqu'ils  luttent  pour  leur  subsistance  et  que  leurs  proies  se  défendent.  Il  y  en  a  dont  la  voix  rauque  varie   avec   les   saisons   telles   sont   les   corneilles   vivaces   et   les   bandes   de   corbeaux,   selon   qu'elles   semblent  réclamer   la   pluie   ou   qu'elles   appellent   les   vents   et   la   tempête.   Si   donc   des   émotions   différentes   amènent   les  animaux,  tout  muets  qu'ils  sont,  à  émettre  des  sons  différents,  combien  n'est-­‐il  pas  plus  naturel  encore  que  les  hommes  aient  conformé  leur  voix  à  la  diversité  des  choses?      

[langage]  Texte  4e.  APOLLODORE,  Biblothèque  1.9.11      Amythaon  habitait  Pylos  où  il  épousa  Idomène,  fille  de  Phérès  ;  il  en  eut  deux  fils,  Bias  et  Mélampe.  Ce  dernier,  habitant  la  campagne,  avait  devant  sa  maison  un  chêne  dans  lequel  était  un  repaire  de  serpents;  ses  domestiques  ayant  tué  ces  serpents,  Mélampe  fit  apporter  du  bois,  les  brûla  et  éleva  leurs  petits.  Ces  serpents  étant  devenus  grands,  s'entortillèrent  autour  de  ses  épaules  pendant  son  sommeil,  et  lui  purifièrent  les  oreilles  avec  leur  langue  Il  s'éveilla  saisi  de  frayeur,  mais   il  s'aperçut  ensuite  qu'il  entendait   le   langage  des  oiseaux   ;  et  d'après  ce  qu'ils  disaient,  il  prédisait  l'avenir.  Il  s'instruisit  aussi  dans  la  partie  de  la  divination  qui  se  fait  par  les  sacrifices.  Enfin,  ayant   rencontré  Apollon  près  du   fleuve  Alphée,   il   s'instruisit   à   fond  dans   toutes   les  parties  de   l'art  de  prédire  l'avenir.    

[langage]  Texte  4f.  PORPHYRE,  Abstinence  3.3-­‐4      Cependant  s'il  en  faut  croire  les  anciens  et  quelques-­‐uns  de  ceux  qui  ont  vécu  du  temps  de  nos  pères  et  même  du  nôtre,   il   y   a   eu   des   gens   qui   ont   entendu   et   compris   le   langage   des   animaux.   On   compte   parmi   les   anciens  Mélampe  et  Tirésias  avec  quelques  autres,  et  parmi  les  modernes  Apollonius  de  Tyanes.  On  assure  de  ce  dernier  qu'étant  avec  ses  amis,  et  entendant  une  hirondelle  qui  gazouillait,  il  dit  qu'elle  avertissait  ses  compagnes  qu'un  âne  chargé  de  blé  était  tombé  près  de  la  ville  et  que  le  blé  était  répandu  par  terre.  Un  de  nos  amis  nous  a  raconté  qu'il  avait  eu  un  jeune  domestique  qui  entendait  le  langage  des  oiseaux.  […]  Mais  laissons  ces  faits  à  part,  à  cause  de  l'incrédulité  qui  n'est  que  trop  naturelle.  Personne,  je  crois,  n'ignore  qu'il  y  a  plusieurs  nations  qui  ont  encore  une  grande  facilité  pour  entendre  la  voix  de  quelques  animaux.  Les  Arabes  entendent   le   langage  des  corbeaux,  les  Tyrrhéniens  celui  des  aigles;  et  peut-­‐être  que  tous  tant  que  nous  sommes  d'hommes,  nous  entendrions  tout  ce  que  disent   les  animaux,   si  un  dragon   léchait  nos  oreilles.  La  variété  et   la  différence  de   leurs   sons  prouvent  assez   qu'ils   signifient   quelque   chose.   Ils   s'expriment   différemment   lorsqu'ils   ont   peur,   lorsqu'ils   s'appellent,  lorsqu'ils  avertissent   leurs  petits  de  venir  manger,   lorsqu'ils  se  caressent  ou   lorsqu'ils  se  défient  au  combat  et  cette  différence  est  si  difficile  à  observer  à  cause  de  la  multitude  des  diverses  inflexions,  que  ceux  même  qui  ont  passé  leur  vie  à  les  étudier,  y  sont  fort  embarrassés.    

*  [langage]  Texte  5a.  HYGIN,  Fables  274  

   Inventeurs  et  inventions  .  .  .  A  certain  man  named  Cerasus  mixed  wine  with  the  river  Achelous  in  Aetolia,  and  from  this  “to  mix”  is  called  kerasai.    Then,  too,  the  ancient  men  of  our  race  had  on  the  posts  of  their  dining-­‐couches  heads  of  asses  bound  with  vines  to  signify  that  the  ass  had  discovered  the  sweetness  of  the  vine.  The  vine,  too,  which  a  goat  had  nibbled,  brought  fort  more  fruit,  and  from  this  they  invented  pruning.  Pelethronius  first  invented  bits  and  saddles  for  horses.  Belona  first  invented  the  needle,  which  in  Greek  is  called  Beloné.  Cadmus,  son  of  Agenor,  first  produced  bronze  at  Thebes.  Aeacus,  son  of  Jove,  first  discovered  gold  in  Panchaia  on  Mount  Tasus.  Indus,  king  in  Scythia,  first  discovered  silver  which  Erichthonius  was  first  to  bring  to  Athens.  At  Elis,  a  city  in  the  Peloponnesus,  races  of  four-­‐horse  chariots  were  first  established.  

UNS. Mythologie. Zucker. 2012

21

King  Midas,  a  Phrygian,  son  of  Cybele,  first  discovered  black  and  whie  lead.  The  Arcadians  first  made  offerings  [?]  to  the  gods.  Phoroneus,  son  of  Inachus,  first  made  arms  for  Juno,  and  because  of  this  first  obtained  authority  to  rule.  Chiron,  son  of  Saturn,  first  used  herbs  in  the  medical  art  of  surgery;  Apollo  first  practiced  the  art  of  treating  eyes,  and  third,  Asclepius,  son  of  Apollo,  began  the  art  of  clinical  medicine.  The  ancients  didn’t  have  obstetricians,  and  as  a  result,  women  because  of  modesty  perished.  For  the  Athenians  forbade   slaves   and   women   to   learn   the   art   of   medicine.   A   certain   girl,   Hagnodice,   a   virgin   desired   to   learn  medicine,  and  since  she  desired  it,  she  cut  her  hair,  and  in  male  attire  came  to  a  certain  Herophilus  for  training.  When  she  had  learned  the  art,  and  had  heard  that  a  woman  was  in  labor,  she  came  to  her.  And  when  the  woman  refused  to  trust  herself   to  her,   thinking  that  she  was  a  man,  she  removed  her  garment  to  show  that  she  was  a  woman,  and  in  this  way  she  treated  women.  When  the  doctors  saw  that  they  were  not  admitted  to  women,  they  began  to  accuse  Hagnodice,  saying  that  “he”  was  a  seducer  and  corruptor  of  women,  and  that  the  women  were  pretending   to   be   ill.   The   Areopagites,   in   session,   started   to   condemn  Hagnodice,   but   Hagnodice   removed   her  garment  for  them  and  showed  that  she  was  a  woman.  Then  the  doctors  began  to  accuse  her  more  vigorously,  and  as   a   result   the   leading  women   came   to   the   Court   and   said:   “You   are   not   husbands,   but   enemies,   because   you  condemn   her  who   discovered   safety   for   us.”   Then   the   Athenians   amended   the   law,   so   that   free-­‐born  women  could  learn  the  art  of  medicine.  Perdix,  son  of  Daedalus’  sister,  invented  the  compass,  and  also  the  saw  from  the  spine  of  a  fish.  Daedalus,  son  of  Eupalamus,  first  made  statues  of  the  gods.  Oannes,  who  in  Chaldaea  is  said  to  have  come  from  the  sea,  interpreted  astrology.  The  Lydians  first  dyed  raw  wool  with  a  substance  from  twigs,  and  afterward  learned  to  dye  the  thread.  Pan  first  invented  the  music  of  the  pipes.  In  Sicily  Ceres  first  invented  grain.  Tyrrhenus,   son   of   Hercules,   first   invented   a   trumpet   for   this   reason:   When   his   comrades   were   apparently  feasting  on  human  flesh,   the   inhabitants  of   the  region  around  fled  from  the  cruel  practice.  So  when  any  one  of  them  died  he  blew  on  a  hollow  conch-­‐shell  and  called  the  district  together,  and  declared  they  were  giving  burial  to  the  dead  and  not  devouring  them.  Thus  the  trumpet  is  called  the  Tyrrhenian  melody.  The  Romans  today  have  this  custom:  whenever  anyone  dies,  trumpeters  sound  and  friends  are  called  together,  to  testify  that  he  did  not  die  from  poison  or  the  sword.  Summoners,  too,  invented  the  horn  [?].  Egyptians  first  fought  with  clubs;  later  Belus,  son  of  Neptune,  fought  with  a  sword,  and  bellum,  “war,”  is  named  from  this.    

[langage]  Texte  5b.  HYGIN,  Fables  277,  147        [277]  Inventions  The  Parcae,  Clotho,  Lachesis,  and  Atropos  invented  seven  Greek  letters  -­‐  A  B  H  T  I  Y.  Others  say  that  Mercury  invented  them  from  the  flight  of  cranes,  which,  when  they  fly,  form  letters.  Palamedes,   too,   son   of   Nauplius,   invented   eleven   letters;   Simonides,   too,   invented   four   letters   –   Ó   E   Z   PH;  Epicharmus  of  Sicily,  two  -­‐  P  and  PS.    The   Greek   letters   Mercury   is   said   to   have   brought   to   Egypt,   and   from   Egypt   Cadmus   took   them   to   Greece.  Cadmus  in  exile  from  Arcadia,  took  them  to  Italy,  and  his  mother  Carmenta  changed  them  to  Latin  to  the  number  of  15.  Apollo  on  the  lyre  added  the  rest.  The  same  Mercury  first  taught  wrestling  to  mortals.  Ceres  showed  how  to  tame  oxen,  and  taught  her  foster-­‐son  Triptolemus  [to  sow  grain].  When  he  had  sown  it,  and  a  pig  rooted  up  what  he  had  planted,  he  seized  the  pig,  took  it  to  the  altar  of  Ceres,  and  putting  grain  on  its  head,  sacrificed  it  to  Ceres.  From  this  came  the  custom  of  putting  salted  meal  on  the  victim.  Isis  first  invented  sails,  for  while  seeking  her  son  Harpocrates,  she  sailed  on  a  ship.  Minerva  first  built  a  two-­‐prowed  ship  for  Danaus  in  which  he  fled  from  Aegyptus  his  brother.    [147]  Triptolème  Cum   Ceres   Proserpinam   filiam   suam   quaereret,   deuenit   ad   Eleusinum   regem,   cuius   uxor   Cothonea   puerum  Triptolemum  pepererat,  seque  nutricem  lactantem  simulauit.  hanc  regina  libens  nutricem  filio  suo  recepit.  Ceres  cum  uellet  alumnum  suum  immortalem  reddere,  interdiu  lacte  diuino  alebat,  noctu  clam  in  igne  obruebat.  itaque  praeterquam  solebant  mortales  crescebant;  et  sic  fieri  cum  mirarentur  parentes,  eam  obseruauerunt.  cum  Ceres  eum  uellet  in  ignem  mittere,  pater  expauit.  illa  irata  Eleusinum  exanimauit,  at  Triptolemo  alumno  suo  aeternum  beneficium  tribuit.  nam  fruges  propagatum  currum  draconibus  iunctum  tradidit,  quibus  uehens  orbem  terrarum  frugibus  obseuit.  postquam  domum  rediit,  Celeus  eum  pro  benefacto  interfici  iussit.  sed  re  cognita,  iussu  Cereris  Triptolemo   regnum   dedit,   quod   ex   patris   nomine   Eleusin[um]   nominauit,   Cererique   sacrum   instituit   quae  Thesmophoria  Graece  dicuntur.  

UNS. Mythologie. Zucker. 2012

22

 [langage]  Texte  5c.  OVIDE,  Métamorphoses  5,  641-­‐661  

   La  déesse  de  la  fertilité  attela  à  son  char  deux  serpents  qu'elle  maîtrisa  en  leur  plaçant  un  frein  dans  la  bouche,  puis  elle  se  déplaça  entre  le  ciel  et  la  terre  à  travers  l'espace.  Elle  dirigea  son  char  léger  vers  la  ville  de  la  Tritonide,  qu'elle  confia  à  Triptolèmeavec  ordre  de  répandre  les  semences  qu'elle  lui  donnait,  les  unes  sur  un  sol  inculte,  les  autres,  sur  un  sol  reposé  et  retravaillé.  Déjà  le  jeune  homme  avait  survolé  l'Europe  et  la  terre  d'Asie  et,  emporté  dans  les  airs,  il  se  tournait  vers  les  régions  de  la  Scythie,  là  où  régnait  Lyncus.  Triptolème  pénétra  dans  la  demeure  du  roi.  Interrogé  sur  son  itinéraire,  sur  la  raison  de  sa  venue,  sur  son  nom  et  sa  patrie,  il  dit  :  “  Ma  patrie  est  l'illustre  Athènes,  mon  nom  est  Triptolème.  Je  ne  suis  venu  ni  en  bateau  par  la  mer,  ni  à  pied,  par  les  terres  ;  l'éther  m'a  été  ouvert,  accessible.  J'apporte  les  dons  de  Cérès  :  s'ils  sont  semés  dans  les  vastes  plaines  ils  produiront  des  récoltes  fructueuses  et  de  douces  nourritures.  ”  Le  Barbare  envieux,  rêvant  d'être  lui-­‐même  l'auteur  d'un  tel  présent,  lui  accorde  l'hospitalité  ;  puis,  le  voyant  plongé  dans  un  lourd  sommeil,  il  l'agresse  à  l'épée.  Mais  pendant  qu'il  tentait  de  lui  percer  le  coeur,  Cérès  le  métamorphosa  en  lynx  et  ordonna  au  jeune  Mopsopien  de  mener  à  nouveau  à  travers  les  airs  l'attellage  sacré.  »    

[langage]  Texte  5d.  PALAIPHATOS,  Dédale  et  Icare  (12)      On  dit  que  Minos  enferma  Dédale  et  son  fils  Icare  pour  une  raison  ou  pour  une  autre,  et  que  Dédale  fabrica  des  ailes  postiches  pour  lui  et  son  fils,  et  qu’il  s’envola  avec  Icare.  Il  est  impossible  d’imaginer  qu’un  homme  puisse  voler,  surtout  avec  des  ailes  postiches.  Voici,  en   fait,  ce  qui  s’est  passé.  Dédale,  qui  était  en  prison,  se   faufila  par  une  fenêtre,  hissa  son  fils   jusqu’à   lui,  grimpa  dans  une  barque  et  partit.  Lorsqu’il  s’en  aperçut  Minos  envoya  des  navires  à  sa  poursuite.  Les   fuyards,  lorsqu’il  se  virent  pourchassés,  poussés  qu’ils  étaient  par  un  vent  très  fort  et  favorable  donnaient  l’impression  de  voler.  Puis,  au  cours  de  leur  traversée,  tandis  que  soufflait  un  vent  du  sud  favorable,   ils  firent  naufrage  dans  la  mer  de  Crète.  Dédale  parvient  à  se  sauver  et  gagne  la  terre  ferme,  mais  Icare  périt  (et  c’est  pourquoi  la  mer  reçut  de  lui  son  nom  de  ‘mer  icarienne’),  et  son  père  enterra  le  corps  rejeté  par  les  flots  sur  la  grève.    

[langage]  Texte  5e.  PLATON,  Phèdre,  274      J'ai  entendu  dire  que  près  de  Naucratis,  en  Égypte,   il  y  eut  un  dieu,   l'un'  des  plus  anciennement  adorés  dans  le  pays,  et  celui-­‐là  même  auquel  est  consacré  l'oiseau  que  l'on  nomme  Ibis.  Ce  dieu  s'appelle  Theuth.  On  dit  qu'il  a  inventé   le  premier   les  nombres,   le   calcul,   la   géométrie  et   l'astronomie   ;   les   jeux  d'échecs,  de  dés,   et   l'écriture.  L'Égypte  toute  entière  était  alors,  sous  la  domination  de  Thamus,  qui  habitait  dans  la  grande  ville  capitale  de  la  haute  Égypte;  les  Grecs  appellent  la  ville  de  Thèbes  l'Égyptienne,  elle  dieu,  Ammon.  Theuth  vint  donc  trouver  le  roi,   lui  montra   les   arts   qu'il   avait   inventés,   et   lui   dit   qu'il   fallait   en   faire   part   à   tous   les  Égyptiens,   Celui-­‐ci   lui  demanda  de  quelle  utilité  serait  chacun  de  ces  arts,  et  se  mit  à  disserter  sur  tout  ce  que  Theuth  disait  au  sujet  de  ses  inventions,  blâmant  ceci,  approuvant  cela.  Ainsi  Thamus  allégua,  dit-­‐on,  au  dieu  Theuth  beaucoup  de  raisons  pour  et  contre  chaque  art  en  particulier.  Il  serait  trop  long  de  les  parcourir  ;  mais  lorsqu'ils  en  furent  à  l'écriture  :  Cette  science,  ô  roi!  lui  dit  Theuth,  rendra  les  Égyptiens  plus  savants  et  soulagera  leur  mémoire.  C'est  un  remède  que  j'ai  trouvé  contre  la  difficulté  d'apprendre  et  de  savoir.  Le  roi  répondit  :  Industrieux  Theuth,  tel  homme  est  capable  d'enfanter  les  arts,  tel  autre  d'apprécier  les  avantages  ou  les  désavantages  qui  peuvent  résulter  de  leur  emploi;  et  toi,  père  de  l'écriture,  par  une  bienveillance  naturelle  pour  ton  ouvrage,  tu  l'as  vu  tout  autre  qu'il  n'est  :  il  ne  produira  que  l'oubli  dans  l'esprit  de  ceux  qui  apprennent,  en  leur  faisant  négliger  la  mémoire.  En  effet,  ils  laisseront  à  ces  caractères  étrangers  le  soin  de  leur  rappeler  ce  qu'ils  auront  confié  à  l'écriture,  et  n'en  garderont  eux-­‐mêmes   aucun   souvenir.   Tu   n'as   donc   point   trouvé   un   moyen   pour   la   mémoire,   mais   pour   la   simple  réminiscence,   et   tu   n'offres   à   tes   disciples   que   le   nom   de   la   science   sans   la   réalité;   car,   lorsqu'ils   auront   lu  beaucoup  de  choses  sans  maîtres,  ils  se  croiront  de  nombreuses  connaissances,  tout  ignorants  qu'ils  seront  pour  la  plupart,  et   la   fausse  opinion  qu'ils  auront  de,   leur  science   les  rendra   insupportables  dans   le  commerce  de   la  vie.