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© 2007. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
Rev Neurol (Paris) 2007 ; 163 : 11, 1103-1105
1103
E. SAGUL et coll.
Brève communication
Névrite optique à
Mycoplasma pneumoniae
E. Sagui
1
, E. Chazalon
2
, M. Bregigeon
1
, M. Oliver
3
, C. Brosset
1
1
Service de neurologie, hôpital d’instruction des armées Laveran, Marseille.
2
Service d’ophtalmologie, hôpital d’instruction des armées Laveran, Marseille.
3
Service de biochimie, hôpital d’instruction des armées Laveran, Marseille. Reçu le : 11/01/2007 ; Reçu en révision le : 28/03/2007 ; Accepté le : 27/04/2007.
RÉSUMÉ
La névrite optique (NO) est une pathologie rare d’étiologie inconnue. Nous décrivons une NO liée à
Mycoplasma pneumoniae
(MP), révélée parune névrite optique bilatérale et asymétrique, survenue sans aucun signe précessif ayant pu faire évoquer une infection broncho-pulmonaire ouORL. L’examen neurologique, le fond d’œil et les potentiels évoqués visuels étaient normaux. L’IRM montrait une plaque médullaire en C2-C3asymptomatique. La ponction lombaire retrouvait 60 éléments blancs faits à 100 p. 100 de lymphocytes, pas de globules rouges, une protéinora-chie normale, avec des bandes oligoclonales dans le LCR. Le diagnostic fut sérologique par mise en évidence d’anticorps de classe M dirigéscontre MP. Le reste du bilan sérologique ou dysimmunitaire fut normal. L’évolution fut favorable avec régression complète des symptômes entrois mois. Aucun traitement ne fut entrepris. Le diagnostic étiologique d’une NO isolée doit comprendre une sérologie envers MP.
Mots-clés :
Névrite optique • Mycoplasma pneumoniae • Infection
SUMMARY
Optic neuritis attributable to Mycoplasma pneumoniae.
E. Sagui, E. Chazalon, M. Regigeon, M. Oliver, C. Brosset, Rev Neurol (Paris) 2007; 163: 11, 1103-1105
Optic neuritis (ON) is an inflammatory disease whose etiology remains obscure. We report a case of ON attributable to Mycoplasma pneumoniae(MP). A 26-year-old man presented a sudden onset bilateral loss of visual acuity, without any history of pulmonary or ear-nose-throat infection.Diagnosis of optic neuritis was made on the basis of visual field loss, though optic disks and visual evoked potentials were normal. Color vision couldnot be assessed due to a congenital dyschromatopsia. The neurological examination was normal. On magnetic resonance imaging, there was noenhancement or enlargement of optic nerves, but a demyelinating lesion of the cervical spinal cord. Lumbar puncture revealed lymphocytic menin-gitis with 60 white blood cells, all of them being lymphocytes. Oligoclonal bands were presents in the CSF. With no evidence of any other infection
or auto-immune disease, the diagnosis of
Mycoplasma pneumoniae
infection was established due to the presence of
Mycoplasma pneumoniae
specific IgM antibodies. Outcome was quite favorable within three months without treatment. Neurological symptoms – encephalitis, meningitis,polyradiculitis, or more rarely ON or cerebella ataxia – are the main extra pulmonary manifestations of
Mycoplasma pneumoniae
infection. Searchfor anti-
Mycoplasma pneumoniae
IgM antibodies should be performed routinely when On is diagnosed.
Keywords:
Optic neuritis • Mycoplasma pneumoniae • Infection
INTRODUCTION
Mycoplasma pneumoniae
(MP) est une bactérie intracel-lulaire de petite taille, sans paroi propre, d’identification etde culture difficile, responsable de pneumopathies aty-piques (Guleria
et al.
, 2005). L’atteinte neurologique en estla principale atteinte extra-pulmonaire (Ginestal
et al.
,2004 ; Daxboeck, 2006). Elle est habituellement centrale oupériphérique. Nous rapportons le cas d’une névrite optique(NO) liée à une primo-infection par MP.
OBSERVATION
Cas n
°
8185548.
Un homme, âgé de 26 ans, gendarme, sans aucunantécédent personnel en dehors d’une dyschromatopsie congénitale,
fut adressé par son médecin traitant pour scotome scintillant bilatéralentravant la vision apparue brutalement le matin au réveil. Il n’existaitaucun autre signe fonctionnel associé, en particulier pas de céphalées,pas de symptôme de la sphère digestive, ORL ou pulmonaire.L’anamnèse ne retrouvait aucune infection des voies respiratoireshautes ou basses les jours précédents.
L’examen clinique réalisé cinq jours après le début des symp-tômes était normal, avec en particulier une absence de signemoteur ou sensitif pouvant faire évoquer une atteinte médullaireou cérébrale, de trouble oculomoteur.
L’examen ophtalmologique réalisé au cinquième jour montraitun scotome central bilatéral,
(Fig. 1)
. Les potentiels évoquésvisuels (PEV) et le fond d’œil étaient normaux.
Les examens biologiques habituels étaient normaux, éliminant enparticulier tout syndrome inflammatoire, atteinte hépatique ourénale, ou trouble de la numération formule sanguine. L’IRM céré-
Correspondance :
E. S
AGUI
, service de neurologie, hôpital d’instruction des armées Laveran, BP 50, 13998 Marseille.E-mail : [email protected]
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brale était normale, avec notamment absence d’hypersignal enséquence T2, d’élargissement ou de prise de contraste sur les nerfsoptiques, mais il semblait exister un hypersignal T2 sur la moellecervicale haute. L’IRM médullaire confirmait cette lésion en hyper-signal T2, haute d’un métamère, ne prenant pas le contraste
(Fig. 2)
.La ponction lombaire montrait une méningite lymphocytaire,
avec 60 éléments blancs constitués à 100 p. 100 de lymphocytes,une absence d’éléments rouges, une protéinorachie à 0,29 g/l, et
une glycorachie à 3,15 mmol/l. Il existait une synthèse intra-thécale sans altération de la barrière hémato-méningée. Des ban-des oligo-clonales étaient présentes dans le liquide céphalo-rachidien (LCR).
Les examens sérologiques montraient une positivité en IgMenvers MP, contrôlé sur deux prélèvements espacés de deux moiset demi. Les sérologies envers
Francisella tularensis
,
Bartonellahenselae
,
Coxiella burnetii
, virus de l’immunodéficience humaine,cytomégalovirus, virus
Toscana
et West Nile étaient négatives ;celles envers les virus Herpes simplex 1 et 2, varicelle zona,
EpsteinBarr
et les flavivirus montraient un contage ancien.Les anticorps anticytoplasme des polynucléaires neutrophiles et
antinucléaires, anti-tissus, anti-neuronaux et anti-NMO étaientabsents.
L’évolution fut spontanément favorable sans traitement anti-inflammatoire ou antibiotique, avec régression complète dessymptômes en trois mois
(Fig. 1)
.
DISCUSSION
L’atteinte neurologique est la principale atteinte extra-pulmonaire d’une infection à MP (Ginestal
et al.
, 2004 ;Daxboeck, 2006). Les symptômes neurologiques succèdentà une atteinte des voies respiratoires hautes ou basses dansun délai médian de deux semaines (8 jours à 4 semaines)(Michel
et al.
, 1981 ; Nadkarni et Lisak, 1993 ; Henderson
et al.
, 1998 ; Milla
et al.
, 1998 ; Pfausler
et al.
, 2002 ;Ginestal
et al.
, 2004 ; Candler et Dale, 2004). Il ne semblepas y avoir d’âge de prédilection.
Les atteintes neurologiques sont centrales ou périphé-riques et consistent habituellement en une encéphalite ouméningo-encéphalite, une atteinte des nerfs crâniens, unemyélite transverse, ou un syndrome de Guillain Barré(Guleria
et al.
, 2005 ; Daxboeck, 2006). Une NO est plus
Fig. 1. – Évolution du déficit campimétrique.Course of the visual field deficit.
Fig. 2. – IRM médullaire, coupe sagittale T2 SATFAT : hypersignalC2-C3.Brain stem cervical cord MRI: sagittal T2 fat saturation: hyposignalat the C2-C3 level.
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rarement observée. Elle peut rarement constituer le seulsymptôme (Michel
et al.
, 1981 ; Milla
et al.
, 1998) ou bien êtreassociée à une atteinte centrale ou périphérique : méningiteou méningo-encéphalite, encéphalite, myélite transverse,polyradiculonévrite aiguë (Nadkarni et Lisak, 1993 ; Hen-derson
et al.
, 1998 ; Pfausler
et al.
, 2002 ; Candler et Dale,2004 ; Ginestal
et al.
, 2004).Dans notre cas, l’IRM médullaire montrait une lésion
haute d’un métamère en hypersignal T2, mais sans aucunsymptôme ou signe clinique ayant pu faire évoquer unetelle atteinte. Les rares cas de NO isolées décrits dans lalittérature n’avaient pas eu d’IRM médullaire (Michel
etal.
, 1981 ; Nadkarni et Lisak, 1993). Le fond d’œil montrele plus souvent une pâleur ou un œdème papillaire, maispeut rarement être normal (Candler et Dale, 1998, 2004).Les PEV, normaux dans notre cas, peuvent être altérés(Milla
et al.
, 1998 ; Ginestal
et al.
, 2004) ou non contribu-tifs (Pfausler
et al.
, 2002). Les bandes oligoclonales peuventêtre rencontrées dans le LCR (Henderson
et al.
, 1998 ;Pfausler
et al.
, 2002 ; Ginestal
et al.
, 2004) mais peuventmanquer (Nadkarni et Lisak, 1993 ; Candler et Dale, 2004).
La physiopathologie reste débattue : l’atteinte directe aété évoquée sur la mise en évidence du germe après miseen culture du LCR et, dans un cas, de tissu cérébral (Launes
et al.
, 1997), ou une réaction positive par polymerase chainreaction (PCR) (Guleria
et al.
, 2005). Mais l’isolement oula culture sont excessivement difficiles en raison del’absence de membrane de MP et de sa très petite taille(Daxboeck, 2006). L’existence d’une neurotoxine a étéévoquée, par analogie avec d’autres Mycoplasma affectantl’animal et sécrétrices d’une neurotoxine, mais n’a jamaisété isolée (Guleria
et al.
, 2005). Une atteinte auto-immuneest le mécanisme le plus communément admis, de par larégression de l’atteinte neurologique sous corticothérapieisolée (Candler et Dale, 2004), l’absence de mise enévidence dans le LCR du germe ou de son ADN par poly-merase chain reaction (PCR) alors qu’il existe une sérocon-version (Pfausler
et al.
, 2002 ; Candler
et al.
, 2004).Plusieurs mécanismes ont été évoqués mais aucun n’a étéformellement confirmé : rôle des anticorps anti-galactocé-rébrosides, des cytokines ou des complexes immuns circu-lants (Guleria
et al.
, 2005 ; Tsiodras
et al.
, 2005 ; Daxboeck,2006).
La mise en évidence d’IgM dans le sang signe une primo-infection à MP (Michel
et al.
, 1981). D’autres techniquessont utilisées : recherche d’antigènes de MP dans le LCR parPCR, technique très sensible mais qui manquerait de spécifi-cité et ne peut signer une primo-infection (Tsiodras
et al.
,2005). Toutefois la PCR peut être négative dans le LCR alorsque sont présents des IgM anti MP (Candler et Dale, 2004 ;Pfausler
et al.
, 2002). La mise en évidence du germe à l’exa-men direct ou après culture est très difficile, d’où une faiblesensibilité de ces techniques (Guleria
et al.
, 2005).Le traitement ne fait pas l’objet de consensus (Tsiodras
etal.
, 2005 ; Guleria
et al.
, 2005). L’antibiothérapie habituelle-ment utilisée fait appel aux macrolides, aux cyclines et auxfluoroquinolones, trois molécules actives sur MP mais ne tra-
versant pas ou très médiocrement la barrière hémato-encéphalique (Tsiodras
et al.
, 2005). Par ailleurs, ce traite-ment ne se conçoit qu’en postulant une atteinte directe dugerme sur le système nerveux, ce qui reste discutable. La cor-ticothérapie est l’autre alternative thérapeutique (Michel
et al.
,1981 ; Nadkarni et Lisak, 1993 ; Pfausler
et al.
, 2002 ;Ginestal
et al.
, 2004 ; Candler et Dale, 2004) mais ne béné-ficie d’aucun consensus quant à sa dose et sa durée (Tsio-dras
et al.
, 2005). Ces thérapeutiques peuvent se concevoirdans des formes cliniquement inquiétantes (Dallot
et al.
,2005). Elles doivent être proposées à la lumière d’une évo-lution possiblement favorable
ad integrum
(Candler et Dale,2004), comme ce fut le cas chez notre patient. Une diminu-tion de l’acuité visuelle ou une dyschromatopsie séquellairesont cependant possibles (Nadkarni et Lisak, 1993 ; Milla
etal.
, 1998 ; Ginestal
et al.
, 2004).Une infection par MP devra donc être recherchée devant
une NO isolée, et a fortiori s’il existe d’autres signes asso-ciés. Une NO isolée ne fait pas parti des complicationsneurologiques classiques d’une infection par MP.
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