Nexus 70 Affaire Clear Stream Interview Denis Robert La Verite Prend Du Temps Sept 2010

8/6/2019 Nexus 70 Affaire Clear Stream Interview Denis Robert La Verite Prend Du Temps Sept 2010

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NEXUS 70septembre-octobre 201014

Propos recuei l l is par Pryska Ducurjoly

DenisRobertDepuis laaire Clearstream,astre noir de la fnance misau jour en 2001 par le travaildinvestigation de Denis Robert,

les rgles nont pas chang pourles banquiers, traders et autresbrokers-dealers. Malgr la crise,lantimatire de la fnance,invisible et en expansion, aspiretoujours lnergie du travail

des hommes...Bio express

N en 1958, Denis Robert est un journaliste etcrivain ranais. Ancien du quotidien Libration,charg des aaires politico-nancires . Ses livreset enqutes sur le systme conomique capitaliste ontgnr de nombreuses procdures judiciaires (unecinquantaine) intentes contre lui par des banquescomme Menatep (une banque russe), la BanqueGnrale de Luxembourg (liale de Fortis) et surtoutla socit Clearstream qui a dpos des plaintes endiamation rptition en France, en Belgique etau Luxembourg. Parmi ses projets actuels, un livre-

enqute paratre en septembre 2011, une sriedocumentaire sur le web journalisme, un documentairesur le cerveau. Le tome III de sa BD doit paratre auprintemps 2011. Et une expo de ses uvres est visibleen permanence la galerie W (44, rue Lepic, Paris).

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tempsLa vrit prend du

Cheveux en bataille, jean grim par les marqueurs couleur, chemise dcontrac-te, Denis Robert trane ses tongs dans latelier de la galerie W, Montmartre.Rattrap par lartiste, le journaliste se gratte dsormais la tte devant des toiles, et non devant sa co-pie. Chez Denis Robert, la fiction a toujours ctoy la ralit. Sa vie est la fois un gros tas de pierres

apportes la connaissance des systmes humains et une uvre dart compose de romans, de docu-mentaires et de peintures. La ralit dpasse souvent la fiction, mais pas toujours. Voyageant de lune lautre, lcrivain livre ici quelques repres. Rencontre.



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NEXUS :Dans La Domination du monde1, roman inspir de

votre enqute sur Clearstream, vous criviez, en 2006 :

Ils ont cr loutil parait pour se goinrer, sen mettre

jusque-l. Ils se jouent des rontires Jamais aucun ap-

pareil rpressi ne les rattrapera. Ils ont pourtant de

srieux dgts. Aprs la crise, nous avons t bercs

de discours sur la moralisation du capitalisme. Les choses

ont-elles chang ?

Denis Robert : Oui et non. Le public a pris conscience delimportance de ces questions, mais en coulisse le bu-siness continue. On voit bien, par exemple actuelle-ment, en Russie, comment les spculateurs sen don-nent cur joie sur le cours du bl, dont la rcolteva tre catastrophique cette anne du fait desincendies. Non, rien na chang. Les les Camanrestent florissantes et tout va bien au Luxem-bourg. Le discours sur la fin des paradis fiscaux

est sans doute lun des plus beaux mensongesmdiatiques des dirigeants du G20. Non seu-lement les paradis fiscaux existent encore,mais ils sont aussi un excellent leurre po-litique. On peut les contraindre fermerici ou l, ils rapparatront ailleurs. Cenest pas en agissant sur eux quon sensortira.

Existe-t-il un moyen ecace pour

lutter contre le blanchiment de

largent et le crime fnancier ?

Il faut mettre en place descontrles stricts sur les socitscharges de transfrer les valeursdun pays lautre, dune banque lautre, dune socit off shore lautre. Les chambres de compensa-tion internationales, Clearstream etEuroclear, brassent elles deux lessen-tiel du march obligataire mondial. Au-

jourdhui, largent se transforme ds quilentre dans une banque. On peut comparerles flux financiers aux flux autoroutiers. Il estpossible aujourdhui de mettre en place des sys-

tmes de contrle informatique qui tudient lesmouvements de fonds et cherchent la traabilitdes valeurs. Les chambres de compensation interna-tionales jouent l un rle cl. Les initis savent bienque beaucoup de valeurs passent par l. Ce sont despices matresses dans les circuits financiers. Presquedes points de passage obligs. De la mme manire queles automobilistes sont contrls en permanence, il fau-drait mettre en place des radars, des pages et des gen-darmes sur ces circuits financiers. La solution est dansles mains du politique, du G20, qui pourrait placer soustutelle les socits charges du transfert transfrontalier.

Des milliers de comptes y sont ouverts par des banquesou des socits financires ayant leur sige dans des pa-

. Clearstream, aaire tiroirset double ond...

Mis en examen pour recel dabus de confance

et de vol , sur une plainte de Clearstream,Denis Robert est sorti blanchi par le jugementdu tribunal de Paris rendu dbut 2010. Cestla clture du procs de laaire Clearstream2 (volet politique), lie aux aux listings posts

par un corbeau en 2004 et qui auront bien balad le juge dinstructionRenaud Van Ruymbeke1. Il est nettement ressorti que le journaliste navait

rien voir avec les aux listings. Ces derniers, abriqus de toutes pices,taient le ruit dune entreprise de dstabilisation politique au sommet de

ltat, alors que les listings produits par Denis Robert (aaire Clearstream1, 2001) sont, eux, bel et bien authentiques. Cette manipulation mdiatique

aura opportunment servi discrditer le travail du journaliste et dtournerdnitivement lattention du public sur le ond de laaire.

Clearstream ne sest jamais retrouve sur le banc des accuss, malgr la gra-vit des soupons qui psent encore sur elle (contrle, traabilit, comptes non

publis). En eet, du ct du pouvoir judiciaire, linstruction au Luxembourg a tbien vite enterre (non-lieu en 2004) dans des conditions assez douteuses. Mais

pas acile de aire avancer un tel dossier dans un pays o le ministre du Trsorest aussi le ministre de la Justice Du ct du pouvoir politique, les parlementaires

europens nont jamais t capables dimposer une commission denqute2. Pourtant,laaire Clearstream 1, dclenche par Denis Robert avec Rvlation$ et La Bote noire,

cest un grand coup de projecteur sur des aits incroyables :

Absence de contrle. Il existe deux structures bancaires prives dans le monde dans les-quelles seules les banques et institutions nancires peuvent ouvrir des comptes pour schan-

ger des valeurs sans contact direct entre elles. Appeles chambres de compensation, il sagitde Clearstream et dEuroclear. Par-del les rontires et malgr les confits internationaux,

largent peut acilement passer de compte en compte en quelques clics. Plus besoin de d-placements physiques des titres ou de largent. Plus besoin non plus de valises.Cr en 1970, le clearing est loutil par excellence de la mondialisation nancire, etparadoxalement le moins connu. Toutes ces valeurs qui se dplacent virtuellement auxquatre coins de la plante restent en ait dans les cores-orts de Clearstream ou dEu-roclear qui ont oce dintermdiaires, de gares de triage et de stockage. En loc-currence, 10 000 milliards de dollars pour Clearstream. Exactement le montant dela dette des tats-Unis Cest aussi le montant des dpenses eectues par lesprincipales conomies de la plante pour sortir de la rcente crise conomique. Quelque 10 000 milliards de dollars ont t mobiliss, dont une grande partiesous orme de garanties bancaires. Ce qui, pour les tats-Unis, reprsente 25 %de leur PIB, et pour la Grande-Bretagne, 94 % , selon LExpansion3.Autrement dit, labme nancier de la crise conomique (et bancaire) de 2008-2009, que doivent supporter les tats (et donc les citoyens, hausses dimptset rduction des acquis sociaux la cl), correspond exactement aux va-leurs dtenues par les banques du monde entier chez Clearstream (sansparler dEuroclear, environ 15 000 milliards de dollars en rserve).Selon la mission parlementaire Peillon-Montebourg4 saisie de ce dossier, labsence de contrle international public sur ces structures et les cri-tiques ormules par de multiples interlocuteurs relatives lidentifca-tion des intervenants dans ces systmes mritaient den approondirla connaissance Bel euphmisme.

Comptes non publis. Denis Robert a accus Clearstream deproposer des comptes non publis ses clients. Non seu-lement des banques, pas toujours clean (blanchi-ment, nancement du 11-Septembre5), mais aussi des

entreprises et des particuliers. Plusieurs tmoins armentque des comptes auraient servi eectuer des transerts de


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radis fiscaux. Quand nous avons renfloules banques, hauteur de 300 milliards enFrance, 10 000 milliards taient stocks dansles coffres de Cleartream. Pourquoi ces va-leurs ne pouvaient-elles pas tre mobilisespour restaurer la confiance entre banques ?

Avec le recul, comment avez-vous observ la

crise 2008/2009 ?

Le renflouage des banques, sans vritablecontrepartie, a t une magnifique arnaque. Si nous navions pas donn de largent auxbanques, cest tout le systme qui se serait effon-dr , nous dit-on. Et alors ? Cela naurait sansdoute pas t le drame annonc, sauf pourles gros actionnaires On aurait pu recons-truire. Malheureusement, largument a fonc-

tionn auprs des journalistes, des politiqueset en dfinitive des populations, qui ont peur

de lcher la proie pour lombre.

Le rpit semble provisoire. Nest-on pas

proche dune nouvelle crise ?

Dans LAffaire Clearstream raconte un ouvrier de chez Daewoo, nous

avons montr comment lvasiondes capitaux survient invitable-

ment lorsque les industries sontprises en main par des prda-

teurs financiers qui invitable-ment transforment le travail deshommes en produits financiers. La

crise argentine est un cas dcole. Ladette du pays, 135 milliards de dollars,

avoisinait le montant des comptes desbanques ou socits argentines placs

chez Clearstream, 150 milliards. La detteprive des riches a t transfre, avec

lappui du FMI, au peuple argentin... L en-core, Clearstream a jou un rle majeur et si

ses comptes avaient t contrls, on auraitfacilement pu prvenir la fuite des capitaux et

lempcher.

Quel est le profl du criminel en col blanc ?

Il ny a pas de profil. Les escrocs que jai rencontrsprsentent quelques traits en commun. Des hommes

assez seuls, qui font leurs coups en douce et ne peu-vent finalement dire la vrit personne. Ils ont g-

nralement plusieurs nationalits, voyagent beaucoup,possdent plusieurs proprits, autant de passeports. Il

leur arrive parfois, rarement, dtre rongs par les scru-pules, rattraps par le test du miroir. Ce sont gnrale-ment des types qui ne croient plus en rien, except au

fric. Ils cherchent consolider le systme qui les nourritsi bien, bercs par le dni collectif. Laffaire Bettencourt

onds illgaux, ce qua toujours

ni Clearstream.Fait plus grave, de nombreusestransactions auraient purementet simplement t eaces dusystme darchivage ( la botenoire de la rme) par le biaisde programmes inormatiqueslabors, rendant impossibletoute traabilit. Le principaltmoignage sur lequel sest ap-puy Denis Robert est celui deRgis Hempel, ancien respon-sable inormatique de la rme.

Ni vu ni connu. Ce dernier a maintenu ses propos devant la mission Peillon-Montebourg : Prenons une instruction pour un achat, une vente, un mouvementde onds ou de titres. Nous la aisions disparatre ou nous la aisions mettre sur unautre compte. Ctait cela le hard coding, savoir corriger dans le programme-source. Cest pour cela que javais imprim chez Cedel (ex-Clearstream, Ndlr) lesprogrammes-sources. Vous pouvez vous renseigner car cest laspect le plus dendude linormatique. On compilait le programme le matin. Nous savions quelles transac-tions venaient. Si telle transaction vient, tu ais cela et cela... Ctait lexception.Ensuite, quand tout tait fni, on remettait lancien programme et on enlevait lexcep-

tion. Ctait ni vu ni connu (). Nous ne regardions passil sagissait de 100 millions de dollars ou de 50 millions ! un moment, on perd la notion de millions de dollars.Pour nous, 50 millions de dollars, ctait la mme chose que

50 000 dollars. Nous avons ait de grosses transactions...() Peut-tre pas quotidiennement, mais tous les deux outrois jours. En tout cas, ctait rquent. Cest la raisonpour laquelle cette pratique ne chionnait plus personnedans linormatique. Nous ne aisions mme pas atten-tion. On liminait la transaction ; on mettait cela sur unautre compte titres. Ctait une manipulation et on secontentait de regarder si lopration avait march.Point la ligne !

1. Ds la fn 2004, Renaud Van Ruymbeke sait quil a ait lobjet dune manipulation. Les nomsde personnalits ont t ajouts des listings remanis de Clearstream. Une procdure estlance pour dnonciation calomnieuse. Cest le dbut de laaire Clearstream 2, qui nedeviendra une aaire dtat quau printemps 2006 lorsque Nicolas Sarkozy se portera partiecivile, convaincu dun complot ourdi par les chiraco-villepinistes.2. En 2001, lancien commissaire europen Frits Bolkestein, grand libral, avait annonclui-mme le reus de la Commission europenne denquter sur Cedel International-Clearstream aprs la parution du livreRvlation$ de Denis Robert (Les Arnes, 2001).Ce livre mettait gravement en cause la banque russe Menatep, au pass sulureux et laquelle collabore Frits Bolkestein. Dans son dition du 26 avril 2006, le quotidiengratuit20 minutes afrme que par deux ois, la Commission europenne a reusdenquter sur Clearstream. La Menatep a dpos une douzaine de plaintes endiamation contre Denis Robert et son diteur Les Arnes , rsume Wikipdia.3. La crise a cot 10 000 milliards de dollars , LExpansion du 11/09/2009.4. Mission dinormation commune sur les obstacles au contrle et larpression de la dlinquance fnancire et du blanchiment des capitaux enEurope, janvier 2002. www.assemblee-nationale.r/rap-ino/i2311-51.asp#P1089_155970.5. Une vingtaine de banques cites dans des rapports denqute sur le

11-Septembre comme ayant pu participer au fnancement des attentatsfgurent dans les listings des comptes non publis dvoils par Denis Robert.

Punition, toile de Denis Robert (162 x 130 cm).

un moment,on perd la notionde millions dedollars. Pour nous,50 millions dedollars, ctait lamme chose que50 000 dollars.


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montre bien comment persister dans le mensonge. Lavieille dame senferre dans sa logique. Cest pathtique.Quand je pense ces gens, je me dis quils fonctionnentcomme si la mort nexistait pas.

Vous tes-vous pench sur les think tanks, comme le

groupe Bilderberg ou la Trilatrale ?

a sert tre influent. Sans plus. Je ne suis pas un adepte de lathorie du complot. Je ne crois pas une poigne dhommestirant les ficelles. Je crois aux zones dinfluence. Les gens trsriches ont pour vocation de faire perdurer le systme et leurpouvoir. Je nai pas dcouvert de structure pyramidale, maisdes rseaux o sexercent des rapports dominants/domins.Entre un magnat du ptrole, un oligarque ou un financier, il ya un dress code, une forme dentraide. Au final, cest lhistoirede la mante religieuse, ils finissent pas se dvorer.

La corruption a toujours exist. En quoi la situationactuelle est-elle plus dramatique ?

Ce qui est nouveau, cest lexplosion des capitaux clandes-tins, la vitesse des changes et la parfaite inadaptationdes systmes de contrle. En ouvrant les frontires cono-miques sans changer les rgles judiciaires ni les missionsdes tats, les dirigeants europens ont donn un coupdacclrateur une conomie souterraine invisible.

Dans LAaire des aaires, la BD consacre Clearstream,

vous crivez, par la voix de Magic Man , un ancien ban-

quier pourri : Si vous retirez du systme les 10 % du

ptrole ou les 10 % de la drogue, le monde implose. Lar-

gent sale est utile au systme, car il retarde la chute du

capitalisme.

Cest corrobor par Antonio Maria Costa, le directeur ex-cutif de lOffice des Nations unies pour le contrle desdrogues et la prvention du crime : Nous avons clairementvu dans nos tudes lan dernier que, au plus fort de la crise, pourcertaines banques importantes, dans certains pays, les revenusde la criminalit organise taient les seules liquidits dispo-nibles en capital investissement. Limportance de ces sommesleur a permis dviter la faillite. On estime les revenus du com-merce de la drogue environ 400 milliards deuros annuels. Selonnos recherches, la majorit de cet argent a t absorb dans le

systme conomique lgal et a servi de pilier fondamental contrela crise , a-t-il dclar, fin 20092. Lconomie actuelle nestni blanche ni noire, elle est grise.

Toutes vos enqutes ont t rcompenses par de nom-

breux procs. Finalement, le systme perdure. Navez-vous

pas le sentiment davoir travaill pour rien ?

La vrit prend du temps. Je nai ni rancune, ni colre. Mal-gr les fortes pressions (Clearstream na pas hsit payerune pleine page dans Le Monde pour me pousser ngocier),

je nai jamais cd. Ctait le combat du pot de terre contre lepot de fer, mais plus le temps passe plus la terre durcit. Tou-

jours lhistoire de la glace, le matin Cder, ctait me trahiret trahir mes amis.

Je ne dirai plus de mal de Clearstream, Mafa is back, cri-

vez-vous sur quelques toiles. Cest drle, beau mais aussi

assez rvlateur Est-ce un moyen de continuer par-

ler tout en vitant les problmes judiciaires ?

Lart fait partie de ma vie. Je suis multicarte et jassume le faitde naviguer entre diffrents continents : mdia, dition, lit-trature, arts plastiques. Jai toujours fonctionn linstinct.Quand je suis journaliste, je le suis 100 %. Jai des projetsen cours dans ce domaine, comme un 4 x 52 minutes sur le

journalisme, qui sera tourn la rentre. Paralllement, je

viens Paris pour menfermer la galerie W. La fiction estune passerelle pour la vrit , disait Hunther S. Thompson.

Images extraites de la BD LAffaire des affaires,

tome II : LEnqute, d. Dargaud 2009.


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Peut-on parler dun art militant ?

Cest du Kombart . Mes premires toiles jouaient sur uneconfrontation basique. Sur le langage universel, froid et nu-mrique des listings, jcris la main coups de marqueursou de craies grasses. Il sen dgage une motion, le combatdun homme contre un systme. Mes premiers acheteurs nelisaient pas le franais et ne me connaissaient pas. Je suis aus-si sur des crations plus intimes, qui renvoient lenfance, des interrogations plus personnelles. Linterdiction de monlivre Clearstream, lenqute, courant 2006, a acclr le passage lacte artistique. Jusquici, dans le cadre de mes enqutes,

javais tout eu : procs, filature, coutes, perquisition, huis-siers. Mais quon puisse en France empcher la diffusion dunlivre, pendant un mois, dans le silence assourdissant des m-dias, ma transform. Quand on se retrouve ensuite derrireson clavier, a fait plutt bizarre. Je me suis demand o jal-lais enfin pouvoir avoir la paix !

Comment expliquez-vous le manque de soutien et le silence

des journalistes ?

Dabord beaucoup me soutiennent et aujourdhui, surtoutdepuis la relaxe, je redeviens trs frquentable. Je paye leprix de mon indpendance et ma libert daction. Avec lapublication de Rvlation$ en 2001, je ne me doutais pas que

je prenais le train pour des annes demmerdements. Javaisbien bord mon sujet, pris toutes les prcautions indispen-sables, mais je navais pas prvu la raction de la presse.Le fond du problme tient beaucoup lconomie de lapresse. Elle est en trs mauvaise sant. Il en rsulte une

grande frilosit car les procdures en diffamation cotentcher. Un signe est rvlateur. Il ne faut plus que trois moisen ce moment pour juger une procdure en diffamation. Ilfallait attendre deux ans avant. Ce nest pas parce que lestribunaux ont plus de moyens, mais parce quil y a de moinsen moins de plaintes, donc de moins en moins darticlessuscitant ces plaintes. Donc de plus en plus dautocensure.Donc de plus en plus de censure.

Les citoyens sont-ils plus ractis ?

Oui. Sans comit de soutien3, jaurais t beaucoup plus malque je ne le suis linitiative de mes amis, un groupe sestcr trs actif, crant des tee-shirts, vendant du vin, orga-

nisant des concerts et des ventes de planches originalesde BD. Plus de 150 000 euros ont t dpenss en frais deprocdure divers. On ma fait des procs un peu partout.Ce nest pas encore fini. Il reste trois gros procs et jesprebien faire perdre Clearstream. Les gens qui font des donssont plus en colre que moi. Jen ai tellement vu depuis dixans. L je suis zen.

Et les politiques ?

Peu de soutiens et quelques retournements de veste assezspectaculaires. Il faut dire que je sentais un peu le soufre. En2006, je ntais pas loin du croc de boucher 4...

Propos recueillis par Pryska Ducurjoly

BibliographieRomans. Chair Mathilde, 1991. Je erai un malheur, 1995. Notre hrosau travail, 1997. Tout va bien puisque nous sommes en vie, 1998.Le Bonheur, 2000. Une ville, 2003. La Domination du monde, 2006.Dunk(2009).Essais. Pendant les aaires , les aaires continuent, 1996.La Justice ou le Chaos, 1996. Rvlation$, 2001. La Bote noire,2002. Clearstream, lenqute, 2006. Une aaire personnelle,(autobiographie) 2008.Filmographie.Journal intime des aaires en cours (1998).Les Dissimulateurs (2001, premier documentaire sur Clearstream et sescomptes non publis). LAaire Clearstream raconte un ouvrier dechez Daewoo(2002).

Autres et collaborations. Deux heures de lucidit : entretien avec NoamChomsky(avec Denis Robert et Weronika Zarachowicz). LAaire desaaires T1 et T2, bande dessine avec Laurent Astier et Yan Lindingre,

d. Dargaud, 2009.

Notes1. Cest aussi le titre du site de Denis Robert o le lecteur pourraapproondir le sujet : www.ladominationdumonde.blogspot.com/

2. Les banques sauves par largent de la drogue , CourrierInternational, 15/12/2009.3. La majorit des procs en diamation a t gagne par le journaliste.Les rais de procdures ont t pris en charge par le comit de soutiende Denis Robert (dons de citoyens en aveur de la libert dinormer,produit de la vente des tee-shirts Travailler plus pour travailler plus etdune cuve Denis Robert !). On peut toujours se procurer les flms enDVD (33,60 , port inclus) de Denis Robert, notamment le documentaireLAaire ClearStream raconte un ouvrier de chez Daewooauprs ducomit de soutien : http://lesoutien.blogspot.com/ (Comit de soutien Denis Robert, BP 93602 54016 Nancy Cedex, [email protected]).4. Nicolas Sarkozy, cit dans les aux listings, aurait dit vouloir pendre un croc de boucher lauteur des aux, selon Franz-Olivier Giesbertdans La Tragdie du prsident, Flammarion, 2006.

Mafa is back, Denis Robert (162 x 130 cm).

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