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6 | La Lettre du Sénologue • N o 69 - juillet-août-septembre 2015 DOSSIER L’après-cancer du sein Nutrition et prévention tertiaire des cancers du sein : existe-t-il un mode de vie “anticancer” ? Diet and tertiary prevention of breast cancers: does an “anticancer” lifestyle really exist? L. Zelek* * Service d’oncologie médicale, hôpital Avicenne, Bobigny. L a question de l’alimentation après un cancer du sein est une préoccupation majeure pour de nombreuses femmes à l’issue du traitement adjuvant. Il est regrettable qu’un sujet aussi impor- tant ait fait l’objet d’une littérature grand public aussi peu abondante que globalement médiocre. Le problème du surpoids est, en effet, largement sous-estimé, alors qu’il affecte à des degrés divers près de 1 femme sur 2. Si une augmentation du risque de récidive en cas de prise de poids après un cancer du sein, bien que possible, reste à démontrer formel- lement, son effet sur la qualité de vie et les patho- logies associées (notamment cardiovasculaires) est certain. Les stratégies de prévention de la prise de poids après un cancer du sein restent hélas globa- lement mal explorées, alors qu’elles mériteraient de faire l’objet d’essais cliniques bien construits. La consommation de compléments alimentaires a en revanche été mise en exergue, avec de préten- dues vertus “anticancer”. Il est important de rappeler que la consommation de micronutriments à des doses non physiologiques est aujourd’hui largement déconseillée, car nous ne savons pas si, dans certains cas, elle ne peut pas avoir un effet promoteur sur la carcinogenèse. La seule vitamine qui mérite de faire l’objet d’une supplémentation chez une majorité de femmes avec un effet possible sur la prévention des rechutes est la vitamine D, mais elle demeure peu médiatisée. L’effet d’une alimentation “saine”, enrichie en antioxydants naturels, sur le risque de récidive est dans l’état actuel des connaissances improbable. Enfin, il est proprement aberrant de prétendre, comme cela est encore trop souvent entendu dans les médias, agir sur le risque de survenue ou de récidive de cancer au moyen de micronutriments miraculeux, sans se soucier un seul instant de la prévention des addictions (tabac mais aussi alcool, dont le rôle dans le cancer du sein est sous-estimé) et des règles de base de l’éducation à la santé, comme la lutte contre la sédentarité. Mais cela est une tâche ardue et, sans doute, bien plus ingrate financièrement… Le surpoids est-il vraiment un facteur de risque de rechute ? En prévention primaire, le rôle de la surcharge pon- dérale en tant que facteur de risque de cancer du sein a fait l’objet d’une littérature abondante (1, 2). Les mécanismes physiopathologiques en cause commencent à être connus : rôle de l’IGF-1 (Insu- lin-like Growth Factor 1), effet direct des adipokines (notamment leptine et adiponectine) sur le cancer du sein, sécrétion par l’adipocyte de cytokines pro- inflammatoires et proangiogéniques, surproduction de composés oxygénés réactifs et stress oxydatif… Il a, par exemple, été montré dans une série récente que l’IGF-1 régule des gènes responsables de la pro- lifération cellulaire et de l’hormonorésistance (3). Par ailleurs, certains travaux mettent en évidence que le surpoids et, en particulier, le syndrome méta- bolique associé pourrait être à l’origine de tumeurs plus agressives (1). Dans une grande série danoise de plus de 50 000 patientes, l’obésité est associée à une mortalité spécifique plus élevée (4). Il n’est pas certain que l’effet biologique de l’obésité sur la biologie du cancer soit seul en cause : les patientes obèses ont davantage de complications chirurgicales et une moins bonne tolérance à la chimiothérapie, mais, surtout, de fréquents sous-dosages liés à la

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6 | La Lettre du Sénologue • No 69 - juillet-août-septembre 2015

DOSSIERL’après-cancer du sein

Nutrition et prévention tertiaire des cancers du sein : existe-t-il un mode de vie “anticancer” ?Diet and tertiary prevention of breast cancers: does an “anticancer” l ifestyle really exist?

L. Zelek*

* Service d’oncologie médicale, hôpital Avicenne, Bobigny.

La question de l’alimentation après un cancer du sein est une préoccupation majeure pour de nombreuses femmes à l’issue du traitement

adjuvant. Il est regrettable qu’un sujet aussi impor-tant ait fait l’objet d’une littérature grand public aussi peu abondante que globalement médiocre.Le problème du surpoids est, en effet, largement sous-estimé, alors qu’il affecte à des degrés divers près de 1 femme sur 2. Si une augmentation du risque de récidive en cas de prise de poids après un cancer du sein, bien que possible, reste à démontrer formel-lement, son effet sur la qualité de vie et les patho-logies associées (notamment cardiovasculaires) est certain. Les stratégies de prévention de la prise de poids après un cancer du sein restent hélas globa-lement mal explorées, alors qu’elles mériteraient de faire l’objet d’essais cliniques bien construits.La consommation de compléments alimentaires a en revanche été mise en exergue, avec de préten-dues vertus “anticancer”. Il est important de rappeler que la consommation de micronutriments à des doses non physiologiques est aujourd’hui largement déconseil lée, car nous ne savons pas si, dans certains cas, elle ne peut pas avoir un effet promoteur sur la carcino genèse. La seule vitamine qui mérite de faire l’objet d’une supplémentation chez une majorité de femmes avec un effet possible sur la prévention des rechutes est la vitamine D, mais elle demeure peu médiatisée. L’effet d’une alimentation “saine”, enrichie en antioxydants naturels, sur le risque de récidive est dans l’état actuel des connaissances improbable. Enfin, il est proprement aberrant de prétendre, comme cela est encore trop souvent entendu dans les médias, agir sur le risque de survenue ou de récidive de cancer au moyen de micronutriments miraculeux, sans se soucier un seul instant de la

prévention des addictions (tabac mais aussi alcool, dont le rôle dans le cancer du sein est sous-estimé) et des règles de base de l’éducation à la santé, comme la lutte contre la sédentarité. Mais cela est une tâche ardue et, sans doute, bien plus ingrate financièrement…

Le surpoids est-il vraiment un facteur de risque de rechute ?En prévention primaire, le rôle de la surcharge pon-dérale en tant que facteur de risque de cancer du sein a fait l’objet d’une littérature abondante (1, 2). Les mécanismes physiopathologiques en cause commencent à être connus : rôle de l’IGF-1 (Insu-lin-like Growth Factor 1), effet direct des adipokines (notamment leptine et adiponectine) sur le cancer du sein, sécrétion par l’adipocyte de cytokines pro- inflammatoires et proangiogéniques, surproduction de composés oxygénés réactifs et stress oxydatif…Il a, par exemple, été montré dans une série récente que l’IGF-1 régule des gènes responsables de la pro-lifération cellulaire et de l’hormonorésistance (3). Par ailleurs, certains travaux mettent en évidence que le surpoids et, en particulier, le syndrome méta-bolique associé pourrait être à l’origine de tumeurs plus agressives (1). Dans une grande série danoise de plus de 50 000 patientes, l’obésité est associée à une mortalité spécifique plus élevée (4).Il n’est pas certain que l’effet biologique de l’obésité sur la biologie du cancer soit seul en cause : les patientes obèses ont davantage de complications chirurgicales et une moins bonne tolérance à la chimiothérapie, mais, surtout, de fréquents sous-dosages liés à la

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RésuméDes études d’observation et des essais randomisés ont étudié les liens entre nutrition et prévention tertiaire des cancers, mais ils restent limités. Ainsi, du fait d’un niveau de preuve encore insuffisant, il demeure difficile de proposer des recommandations spécifiques aux patientes ayant terminé leur traitement adjuvant. Parmi les facteurs pour lesquels le niveau de preuve est le plus élevé, le bénéfice de la lutte contre le surpoids, qui va de pair avec la promotion de l’activité physique et d’une alimentation équilibrée, semble bien étayé. Il paraît également important de limiter la consommation de boissons alcoolisées. Enfin, des mises en garde doivent être formulées concernant la supplémentation en micronutriments à des doses supraphysiologiques et l’usage des compléments alimentaires en général.

Mots clésNutrition

Surpoids

Compléments alimentaires

Alcool

Micronutriments

Prévention

SummaryObservational studies and randomized trials addressed the  links between diet and tertiary prevention of cancers but data remain scarce. Thus because of a low level of evidence, it remains difficult to establish recommendations regarding lifestyle in cancer surv ivors. L imi tat ion of overweight, regular physical activity and healthy diet are among factors with highest level of evidence. Furthermore, intake of alcoholic drink should be reduced. Finally, dietary complements and micronutrients can be harmful and their use should be considered cautiously.

KeywordsNutrition

Overweight

Dietary supplements

Alcohol

Micronutrients

Prevention

limitation empirique de la surface corporelle à 2 m2 ; enfin, l’hormonothérapie par antiaromatase serait peut-être moins efficace chez ces femmes, mais ce dernier point reste discuté. La littérature demeure curieusement très limitée sur ce point précis.La question de l’impact de la prise de poids sur le risque de récidive reste ouverte, et les données sont contradictoires. Cependant, le débat a récemment rebondi à la suite de la publication d’une série de plus de 18 000 patientes chez qui une prise de poids supérieure à 10 % du poids initial est associée à une augmentation significative du risque de rechute (+ 14 %) [5]. Cette augmentation n’est pas retrouvée en cas de prise de poids inférieure à 10 %. Par ail-leurs, si la chimiothérapie est le facteur de risque principal de prise de poids, les causes des prises de poids sévères demeurent incertaines, à l’exception d’une pratique moindre d’une activité physique avant le diagnostic de cancer chez les femmes atteintes de surpoids postchimiothérapie (6). Une récente méta-analyse (7) faisant la synthèse de 13 études prospectives portant sur le lien entre surpoids et risque de second cancer primaire après un premier cancer du sein a été publiée. Il en ressort que l’obésité est associée à une augmentation signi-ficative des risques de second cancer primitif du sein, de l’endomètre et du côlon-rectum.Le premier essai d’intervention en phase adjuvante du cancer du sein (8) est l’essai WINS (Women’s Intervention Nutrition Study), dans lequel 2 437 patientes ont été randomisées entre un groupe contrôle et un groupe bénéficiant d’une prise en charge nutritionnelle visant à réduire les apports en graisses à moins de 15 % des apports énergétiques totaux. On observe, lors de l’analyse intermédiaire, une réduction significative du risque de rechute de 24 % dans le bras expérimental mais, sans que cela soit clairement expliqué, plus aucune significativité dans la deuxième analyse, qui a été réalisée avec un recul plus important, sauf dans la population atteinte de cancer ER– (9). Si cela ouvre la voie à des stratégies d’intervention (notamment chez les femmes atteintes de tumeurs triple-négatives), l’intérêt majeur de l’essai WINS est peut-être simplement de démontrer la faisabilité à grande échelle d’une modification du style de vie après un traitement du cancer du sein.

On notera la multiplication des essais d’inter-vention combinant éducation nutritionnelle et pratique de l’activité physique avec un objectif d’amélioration de la santé globale des patientes, correspondant à la notion américaine de “cancer control”. L’essai RENEW est un bon exemple qui montre l’amélioration du score fonctionnel de qualité de vie SF-36 chez des patientes âgées de plus de 65 ans en surpoids après le traitement d’une tumeur localisée (10).

Les risques de l’utilisation des compléments alimentaires et des micronutriments“In light of the recent data strongly hinting that much of late-stage cancer’s untreatability may arise from its possession of too many antioxidants, the time has come to seriously ask whether antioxidant use much more likely causes than prevents cancer”, écrit J. Watson (11).La prise de compléments alimentaires en auto-médication pourrait poser des problèmes dans certaines populations spécifiques telles que les sujets atteints ou ayant été atteints d’un cancer ou présentant des tumeurs infracliniques. En effet, d’un point de vue mécanistique, il a été suggéré que certains nutriments, comme le bêtacarotène par exemple, pourraient potentialiser la progres-sion d’une tumeur latente et jouer un rôle anti- ou pro-oxydant, selon le potentiel redox de leur envi-ronnement bio logique (11).Les compléments nutritionnels utilisés en cancéro-logie (souvent de façon empirique et avec un faible niveau de preuve) incluent des micronutriments, vitamines et minéraux essentiels au fonctionne-ment de l’organisme ainsi qu’une large proportion de substances telles que certains extraits de plantes, comme les phytoestrogènes. Certaines études ont porté sur les compléments alimentaires stricto sensu (en libre accès), d’autres sur des micro-nutriments administrés par un médecin. En toute rigueur, nous devrions donc parler ici de “supplé-mentation en vitamines et minéraux ou usage de compléments alimentaires à base de plantes ou d’extraits naturels”.

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DOSSIERL’après-cancer du sein

Nutrition et prévention tertiaire des cancers du sein : existe-t-il un mode de vie “anticancer” ?

L’usage spontané de compléments alimentaires vita-miniques et minéraux chez des adultes américains atteints de cancer ou en rémission a fait l’objet d’une revue générale qui reprend près d’une cinquantaine d’études (12). Même si l’essentiel concerne la popu-lation nord-américaine, quelques chiffres méritent d’être rappelés :

➤ l’utilisation de vitamines ou de minéraux concerne près de 2/3 des patientes atteintes d’une affection maligne aux États-Unis, ce qui en fait le traitement complémentaire le plus répandu ;

➤ jusqu’à 68 % des patientes, selon le type de cancer, consomment des compléments alimentaires sans en avoir informé leur médecin ;

➤ vingt-deux pour cent des patientes incluses dans des essais cliniques du National Cancer Institute consomment des compléments alimentaires.Dans le rapport du World Cancer Research Fund et de l’American Institute of Cancer Research (WCRF/AICR) de 2007, 39 essais cliniques portant sur l’utilisation de compléments nutritionnels chez les patientes en rémission après un cancer ont été évalués (13) : dans la plupart des essais, le bras témoin utilisait un placebo et la compliance a été mesurée. Cependant, la méthodologie de ces études est très hétérogène et globalement jugée insuffi-sante, avec des effectifs généralement faibles. Aucun effet bénéfique n’a pu être démontré après le traite-ment d’une tumeur solide mise en rémission, quel que soit le composé étudié. Par ailleurs, il n’existe aucune démonstration d’un quelconque effet de ces compléments sur le contrôle du surpoids après un cancer. La possibilité d’interactions négatives avec le traitement anti tumoral doit être mentionnée de même qu’un possible rôle promoteur sur les réci-dives et les seconds cancers.Une revue de la littérature évalue en détail 1 491 interactions entre 213 compléments alimen-taires et 509 médicaments (14). Il ressort de ce travail que les compléments alimentaires à base de magnésium, de calcium, de fer et de ginkgo sont ceux pour lesquels le plus d’interactions avec les médicaments ont été documentées. Les médica-ments ayant pour cible le système nerveux central ou le système cardiovasculaire sont ceux pour les-quels le plus d’interactions indésirables avec les compléments alimentaires ont été décrites. Sur les 882 interactions entre compléments alimentaires et médicaments pour lesquelles les mécanismes étaient décrits précisément, la pharmacocinétique du médicament était altérée dans 42,3 % des cas, et 240 interactions étaient présentées comme pouvant occasionner un risque majeur pour la patiente.

Plus spécifiquement, ce travail a mis en évidence des types de compléments alimentaires à base de produits naturels particulièrement contre-indiqués chez les patientes atteintes de cancer gynécologique (gattilier, DHEA, trèfle rouge, luzerne, soja, igname sauvage), de cancer du sein (gattilier, DHEA, trèfle rouge, luzerne, soja, igname sauvage, actée à grappes), de cancer de la prostate (gattilier, DHEA, trèfle rouge, huile de lin) et de leucémie (échinacée).Les protéines de soja et les isoflavones méritent une mention particulière, car elles sont susceptibles d’être utilisées après le traitement du cancer du sein, notamment pour réduire les effets de la pri-vation estrogénique induite par les traitements, et le plus souvent en automédication (compléments alimentaires en phytoestrogènes). Les données pré-cliniques montrent que les propriétés estrogéniques de la génistéine à faibles doses se traduisent par un effet positif sur la croissance tumorale dans au moins une lignée cellulaire de cancer du sein. Sous tamoxifène, un effet antagoniste est possible d’après certaines études précliniques, mais nous n’avons pas de données concernant les traitements par antiaromatases. Cependant, la récente série chinoise de plus de 5 000 patientes ne retrouve pas de surmortalité pour la consommation de soja à des doses nutritionnelles, voire suggère un pos-sible effet favorable sur le risque de récidive (15). Il faut rester prudent quant à l’extrapolation de ces résultats à notre pratique, car seules 60 % des patientes RH+ ont reçu une hormonothérapie par tamoxifène, et le recul est court – seulement 3 ans. Cela étant, il est possible d’être rassurant quant à la consommation de soja à des doses nutritionnelles, d’autant plus que celle-ci demeure en Europe très en deçà de celle observée en Asie. Toutefois, dans l’état actuel des connaissances, la consommation de compléments alimentaires à base de phytoes-trogènes (extraits de soja, de sauge) est décon-seillée chez les patientes ayant eu un cancer du sein (rapport Afssa, 2005).La vitamine D fait depuis peu l’objet d’un regain d’intérêt. L’incidence des carences en vitamine D a été longtemps sous-estimée, et il est important de les dépister et de les traiter, en particulier chez les patientes recevant des inhibiteurs de l’aroma-tase en raison du risque accru d’ostéoporose. Il est probable que des taux insuffisants de vitamine D soient associés à un risque de rechute accru, sans qu’on puisse pour l’instant affirmer un lien de cau-salité (16) ; seul l’effet sur le risque ostéoporotique est à ce jour indiscutablement démontré, ce qui est au demeurant loin d’être négligeable (17).

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DOSSIER

La prévention basée sur une alimentation “saine” – healthy eating

Seuls 12 essais de qualité globalement médiocre ont été répertoriés par le WCRF (14). Ces essais concer-naient diverses localisations tumorales. Certains suggèrent un bénéfice en termes de qualité de vie, mais aucun ne montre une association significative entre intervention et survie spécifique. L’essai WHEL, publié plus récemment, apporte quelques éléments de réponse : il s’agit du deuxième grand essai de prévention nutritionnelle dans le cancer du sein dont l’intervention consistait en un programme de conseil téléphonique. Les premiers résultats publiés en 2007 montrent des objectifs nutritionnels partiellement atteints et aucune amé-lioration de la survie dans le groupe intervention (18). Des études de sous-groupes, réalisées a posteriori, sont en faveur d’un bénéfice du régime chez les femmes ayant une activité physique suffisante (19).Il conviendra par ailleurs d’évaluer dans les travaux futurs l’impact de ces changements de mode de vie sur la mortalité spécifique, notamment cardio-vasculaire, car cette dernière est désormais au moins égale à la mortalité spécifique dans bien des sous-groupes de patientes.

Conclusion

La recherche sur la prise en charge des patientes en rémission prolongée après le traitement d’un cancer en est à ses débuts. Il est clair que les problèmes nutri-tionnels doivent être mieux pris en compte dans cette population, avec pour objectifs de limiter les compli-cations des traitements et d’améliorer le bien-être des patientes, voire la survie spécifique. Il faut par ail-leurs avoir une analyse plus fine de l’état nutritionnel des patientes traitées pour une tumeur maligne, afin d’élaborer des stratégies d’intervention adaptées. On notera la multiplication récente des essais d’intervention combinant éducation nutritionnelle

et pratique de l’activité physique avec un objectif d’amélioration de la santé globale des patientes. Il faut, en effet, souligner que les interventions des-tinées à lutter contre le surpoids et la sédentarité dans cette population auront également un effet sur le diabète et le risque cardiovasculaire.D’un point de vue pragmatique, on rappellera les conclusions du rapport de l’Institut national du cancer (INCa) à la demande de la Direction générale de la santé (DGS) réalisé en collaboration avec le Réseau national alimentation cancer recherche (NACRe) [accessible sur le site de l’INCa : www.e-cancer.fr] pour la prévention primaire des cancers par la nutrition, qui s’appliquent également aux patientes ayant un antécédent de tumeur maligne, faute de recomman-dations spécifiques consensuelles pour le moment pour l’après-cancer. Par ailleurs, pour les patientes atteintes de cancer du sein, la question a déjà été traitée dans le passé par un des groupes d’experts de la conférence de Saint-Paul-de-Vence, dont les premières conclusions ont été présentées en janvier 2009, avec une réactualisation en 2011. Même si les conclusions n’ont pas été réactualisées depuis, la littérature sur le sujet a peu évolué au cours des dernières années.En pratique, on retiendra que :

➤ la prise de poids affecte une proportion impor-tante de patientes au cours du traitement médical adjuvant (près de 50 % dans les cancers du sein), mais son rôle dans la survenue ultérieure d’une rechute reste incertain ; il est possible que le risque de rechute ne soit significativement augmenté qu’en cas de prise de poids supérieure à 10 % du poids initial ;

➤ les mécanismes de la prise de poids sous traite-ment demeurent mal connus ;

➤ la prise en charge du mode de vie dans l’après-cancer doit être considérée comme une néces-sité ;les seuls bénéfices actuellement indiscutables concernent l’amélioration de la qualité de vie et la réduction de la mortalité non liée au cancer.On n’omettra pas d’insister sur le fait que les inter-ventions doivent associer à l’aspect strictement nutritionnel la promotion de l’activité physique ainsi que la prise en charge des addictions à l’alcool et au tabac. ■

L. Zelek déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.

1. Demark-Wahnefried W, Platz EA, Ligibel JA et al. The role of obesity in cancer survival and recurrence. Cancer Epide-miol Biomarkers Prev 2012;21(8):1244-59.

2. Body fatness. In : World Cancer Research Fund/American Institute for Cancer Research. Food, Nutrition, physical acti-vity, and the prevention of cancer: a global perspective. Washington DC: AICR; 2007. p. 210-28.

3. Creighton CJ, Casa A, Lazard Z et al. Insulin-like growth factor-I activates gene transcription programs strongly associated with poor breast cancer prognosis. J Clin Oncol 2008;26(25):4078-85.

4. Ewertz M, Jensen MB, Gunnarsdottir KA et al. Effect of obesity on prognosis after early-stage breast cancer. J Clin Oncol 2011; 29(1): 25-31.

5. Caan BJ, Kwan ML, Shu XO et al. Weight change and survival after breast cancer in the after breast cancer pooling project. Cancer Epidemiol Biomarkers Prev 2012;21(8):1260-71.

Références bibliographiques

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