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1 PATRIMOINE ET MODERNITÉ Comment la modernité peut-elle dialoguer avec le patrimoine ? Coralie VERNAY Rapport d’études – Licence Sous la direction de Marc LEMARIÉ ENSASE 2013

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PATRIMOINE ET MODERNITÉ Comment la modernité peut-elle dialoguer avec le patrimoine ?

Coralie VERNAY

Rapport d’études – Licence

Sous la direction de Marc LEMARIÉ

ENSASE 2013

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SOMMAIRE

REMERCIEMENTS - AVANT-PROPOS ………………………………….…. 5

INTRODUCTION ……………………………………………….…………….. 7

I. Définitions et mise en contexte ……………………………………...... 9

1. Qu’est-ce-que le patrimoine ? 10

a. Des patrimoines en héritage

b. Actes de remanier

2. Patrimoine et architecture contemporaine 14

a. Matières et matériaux

b. Contexte et environnement

II. Confrontation – Opposition – Juxtaposition ………………...……. 19

1. Mise en valeur du patrimoine 20

a. Dialoguer avec le site

b. Transformer le patrimoine

2. Acceptations et critiques 27

a. Protéger ne doit pas dire muséifier

b. Moderniser ne veut pas dire dénaturer

III. Condition des Soies de Saint-Etienne : évolution d’un monument .... 33

1. Protection 34

a. Entre histoire et patrimoine

b. Raisons d’une inscription

2. Et aujourd’hui… 35

a. Respect de l’existant

b. Regard critique

CONCLUSION ……………………………………………………………… 41

ANNEXES ……………………………………………………………………. 43

BIBLIOGRAPHIE …………………………………………………………….. 55

3 ANNÉES A L’ENSASE ……………………………………………………. 59

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REMERCIEMENTS

Je tiens tout d’abord à remercier les professeurs que j’ai eus au cours des

trois années que j’ai passé à l’ENSASE. Ils m’ont permis de porter un autre

regard sur ce qui m’entoure, et en particulier sur l’architecture.

Je souhaite également remercier M. Marc LEMARIE, qui m’a guidé et qui

a suivi mon travail au fil du semestre, en me donnant de nombreux conseils.

Enfin, je remercie l’ensemble des personnes qui m’ont soutenue dans

l’élaboration de ce rapport d’études.

AVANT-PROPOS

« D’une façon ou d’une autre, l’architecture est partout présente

dans notre vie. Elle conditionne en permanence nos choix, notre

liberté. »

HORTA Rui, Danse et architecture, « Un temps pour l’espace »

Ecrire sur l’architecture est un acte délicat. Synthétiser sa pensée et se

confronter à celle des autres, c’est, en quelque sorte, écrire sur les expériences

que nous vivons et sur ce que nous ressentons face au monde qui nous

entoure. Mais poser un regard sur l’architecture qui nous entoure, c’est déjà

commencer à apprendre à la connaitre.

L’observation des monuments historiques parisiens, dans le cadre de

mon stage de première pratique, m’a permis de prendre conscience de

l’importance du patrimoine dans la culture architecturale française. A Paris,

c’est la ville entière qui est protégée. Il existe peu de place pour l’architecture

moderne. J’ai constaté que la limite entre architecture et patrimoine est floue.

C’est essayer de répondre aux questions : Qu’est-ce-que l’architecture ?

Qu’est-ce que le patrimoine ? En réalité, est-ce deux notions différentes ?

A l’école, nous avons une pensée et une vision globale de l’architecture

sans toutefois prendre vraiment en compte le passé et le patrimoine dans nos

projets. Nous sommes majoritairement tournés vers les nouvelles réalisations et

très peu vers la réhabilitation. Une approche davantage historique, concernant

la reconversion, la rénovation manque quelque peu dans notre cycle licence.

En y pensant, je me suis dit qu’il existait probablement une raison à cela, et j’ai

donc voulu comprendre pourquoi le terme de patrimoine fait-il aujourd’hui

débat lorsqu’on l’associe à la modernité, à l’architecture contemporaine.

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INTRODUCTION

Dans ses Dix livres de l’architecture, VITRUVE décrit l’architecture comme

l’une des plus importantes sources de connaissances. Aujourd’hui, en France,

protéger et restaurer sont des actions nécessaires pour conserver le riche

patrimoine architectural mondial, afin que les générations futures soient aussi

les témoins de ce que l’homme a pu construire dans le passé. Le patrimoine

est, en premier lieu, une réalité physique mais il symbolise également le regard

qu’une société porte sur l’héritage qu’elle a reçu.

Il est donc difficile de ne pas prendre en compte le patrimoine

architectural dans les projets actuels. L’architecture est un domaine qui se

renouvelle sans cesse. Et il ne s’agit pas de construire contre le passé, mais bien

de faire et de travailler avec lui. Le contexte actuel invite les architectes à

repenser leur manière de concevoir en se souciant davantage de ce qui est

présent, de ce qui existe. En combinant l’existant avec les méthodes, les

techniques et les matériaux innovants, c’est donc l’ensemble du paysage

architectural qui va être modifié.

En France, la place du patrimoine dans le paysage de demain est un

sujet délicat. Nombreux sont ceux qui favorisent la conservation au détriment

de l’innovation. Pourtant, les architectes, lorsqu’ils sont amenés à construire en

côtoyant un édifice ancien, prennent en compte le contexte du projet. Il en

ressort ainsi de belles réalisations qui peuvent éventuellement (re)mettre en

valeur l’existant. Au contraire, lorsque d’autres initiatives, parfois ambitieuses,

sont mises en place, elles font souvent face aux critiques. Mais privilégier la

conservation, n’est-ce pas un risque de muséifier, d’empêcher un bon

développement de l’architecture ?

Il existe toutefois des interventions audacieuses, notamment à Saint-

Etienne. L’ancienne Condition des Soies va devenir premier bâtiment BBC

(Bâtiment Basse Consommation) de France. Les travaux ont commencé et le

visage de la ville va changer grâce à des projets comme celui-ci. Mais s’agit-il

d’un simple coup de publicité pour l’agence qui développe ce projet ou

existe-t-il une réelle envie d’innover dans le domaine patrimonial ?

En analysant l’architecture patrimoniale et contemporaine en France, il

s’agit d’analyser ce qui est déjà en place, mais aussi ce qui est en devenir.

Cela peut permettre de comprendre comment la modernité peut-elle

dialoguer avec le patrimoine.

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I. Définitions et mise en contexte

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1. Qu’est-ce-que le patrimoine ?

a. Des patrimoines en héritage

En désignant l’ensemble des édifices construits, on peut alors établir une

classification afin d’identifier l’ensemble du patrimoine bâti. Le patrimoine est

constitué de biens, matériels ou immatériels, qui font référence à une histoire

plus ou moins ancienne. Cette notion de patrimoine apparait alors pour

spécifier les particularités et le caractère d’une réalisation, d’une ville...

Chaque type de patrimoine représente un aspect du paysage, ce qui permet

alors de percevoir la diversité architecturale française. Mais le patrimoine est

également apparenté à une notion d’héritage. Architecture, ouvrage d’art ou

fragment de ville, il a une dimension sociale et donc collective.

Patrimoine urbain - Patrimoine monumental - Patrimoine architectural

D’après Françoise CHOAY et Pierre MERLIN, dans le Dictionnaire de

l'urbanisme et de l'aménagement, le patrimoine urbain correspond aux « tissus,

prestigieux ou non, des villes et ensembles traditionnels préindustriels et du XIXe

siècle, et tend à englober de façon plus générale tous les tissus urbains

fortement structurés ». Le patrimoine urbain n’est donc pas la somme de

différents types de bâti, mais bien d’un ensemble. Il repose sur la multitude de

réseaux formés par une diversité d’éléments, matériels ou immatériels, qui

façonnent la ville. Caractérisé par la complexité de son traitement, autant

architectural que social, le patrimoine urbain doit prendre en compte à la fois

les ensembles patrimoniaux importants, et aussi les mutations constantes que

les villes subissent. Elles se transforment et les dynamiques urbaines sont dictées

par les populations résidentes qui voient leurs modes de vie changer.

L’évolution de ce patrimoine est donc entre les mains d’un ensemble de

personnes qui peut modifier, valoriser, et même parfois dégrader cet héritage.

Mais aujourd’hui, peut-on considérer que les nouvelles formes urbaines

constituent un patrimoine urbain ? L’héritage urbain que les générations

précédentes ont légué nous permet de comprendre les modifications qu’une

ville a subies au fil des années. On constate également les différentes phases

historiques, politiques et sociales qu’elle a connues. Le développement actuel

des villes, avec l’étalement urbain, les zones industrielles et commerciales, sont

aussi les témoins de l’évolution d’une société. Cependant, il est difficile

d’admettre que ces nouveaux lieux de vies sont pensés pour durer. Ils sont

davantage conçus en termes de consommation et de besoins, et non en

termes de patrimoine et de mise en valeur d’un paysage.

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Vue satellite de la ville d’Arles (83) – Google Maps

Au centre, on peut voir le cœur historique de la ville, avec notamment les arènes et un tissu

dense. Les zones pavillonnaires et industrielles s’étalent autour du patrimoine de la ville historique.

Aujourd’hui, le visage des villes prend une autre forme. Il est donc difficile

d’utiliser la notion de patrimoine urbain dans les nouveaux tissus qui se

constituent. Malgré des changements, que l’on peut qualifier de

contemporains, l’évolution d’une ville, en termes d’urbanisme, symbolisera

toujours l’évolution des modes de vie.

Dans un paysage urbain, il peut se dégager un édifice monumental qui

apparait généralement plus important et imposant que ce qui l’entoure, même

si c’est parfois davantage le contexte qui met en valeur le monument.

Au fil du temps, le patrimoine monumental est devenu de plus en plus

présent dans l’identité nationale. Il existe aujourd’hui un attachement fort aux

édifices témoins du passé. En s’appuyant sur la mémoire collective, le culte des

monuments devient un phénomène de société dans lequel les citoyens

comprennent le passé de leurs ancêtres. Au service de l’histoire, les monuments

deviennent une incroyable source d’informations car ils restent des témoins et

des porteurs de mémoire. Les monuments sont des édifices qui se prêtent à des

interventions de grandes ampleurs. L’objectif n’est pas de dénaturer le

bâtiment, mais de l’utiliser afin de le rendre accessible au plus grand nombre,

pour que la transmission de l’héritage continue. Souvent utilisés à des fins

touristiques, cela engendre de vifs tiraillements dans la manière de se servir de

ce patrimoine monumental. Mais d’une certaine manière, le monument par lui-

même, et les aménagements qu’il accueille, deviennent tous deux des

supports de diffusion de l’histoire. La conciliation entre tourisme et héritage

peut donc se faire en respectant l’édifice et en l’aménageant de manière à

pouvoir transmettre et donc recevoir les connaissances historiques et

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sociétales. Cela peut avoir lieu sans entrer en résistance contre les innovations

et le progrès. Au contraire, ces derniers peuvent mettre en valeur certaines

notions et aspects qui seront délaissés et oubliés si aucune intervention n’est

réalisée.

Le patrimoine architectural, quant à lui, regroupe toutes les constructions

qui présentent un intérêt particulier. Plus général que le patrimoine

monumental, il tend à s’en rapprocher, sans toutefois définir la même chose.

Contrairement au patrimoine urbain, qui mêle biens matériels et immatériels, le

patrimoine architectural est constitué de biens uniquement matériels. Il s’agit

de l’héritage des générations précédentes, que nous devons léguer à nos

descendants. La mémoire architecturale est un élément pérenne, un élément

stable et durable qui nous en apprend autant sur la vie des sociétés que les

écrits historiques. Durable s’apparente à ce qui dure, ce qui reste.

« Je dirai que toute architecture tend vers le permanent, jamais vers

l’éphémère. Donc lorsque l’on fait de l’architecture, on tend vers

l’éternité. »

Luigi SNOZZI, extrait d’un entretien avec Antoine-Frederic NUNES, étudiant à l’ENSASE, juin 2011

Utilisé au sens large, le patrimoine architectural peut qualifier des

constructions d’époques différentes, qui mettent en avant des aspects

remarquables de l’architecture. Pour concevoir l’architecture d’aujourd’hui,

nous devons nous appuyer sur les héritages du passé, les références et les

principes d’architecture de nos ancêtres.

Françoise CHOAY nous rappelle que le patrimoine est défini, à l’origine,

comme un mot « lié aux structures familiales, économiques et juridiques d’une

société stable, enracinée dans l’espace et le temps. » Avec l’évolution

constante des modes de vie, le terme de patrimoine renvoie à la société et aux

questions qui la préoccupent. L’architecture en général permet de se situer

dans la société car il s’agit d’un élément fixe, qui ne bouge pas, contrairement

à la société qui évolue sans cesse. Le patrimoine joue alors un rôle essentiel

dans l’architecture. Il reste rassurant car il nous permet de se référer à des

éléments pérennes, qui ont résisté au temps, et qui sont les traces des

civilisations passées. Il nous guide et nous indique ce qu’il était possible de

réaliser auparavant. Considérer le patrimoine, c’est comprendre le regard

qu’une société peut avoir sur son évolution, sur les traces héritées du passé,

mais également sur sa construction, son évolution actuelle, et donc la façon

dont elle vit aujourd’hui.

Les techniques ont évoluées, et il serait difficilement envisageable de

construire de la même manière qu’il y a 1000 ans. Pour nous, ce qui est

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moderne, c’est le métal, l’acier, le béton, le verre. Modifier et transformer dans

le but de moderniser n’est pas toujours utile mais peu aider à sauvegarder. Les

mentalités ont changé mais ce qui est patrimoine aujourd’hui, le sera encore

demain, car chacun de nous garde ce référentiel commun. S’il le patrimoine

subit des changements, cela ne veut pas dire que ces derniers vont altérer les

qualités d’un édifice mais, au contraire, ils peuvent parfois contribuer à le

mettre davantage en valeur. Et même si des modifications interviennent, nous

pourrons toujours nous référer au patrimoine pour construire le nôtre, qui sera

lui-même également transmis aux générations futures. Et ainsi de suite…

b. Actes de remanier

« Les sites monumentaux doivent faire l’objet de soins spéciaux afin

de sauvegarder leur intégrité »

Article 14, Charte de Venise

Pour que la transmission s’effectue, le patrimoine doit être entretenu,

protégé, valorisé, car il est difficilement reproductible. La disparition d’un

patrimoine constitue une perte de valeur qui se veut définitive. La conservation

passe par différentes actions, qui ont chacune leurs propres caractéristiques.

Restauration. Rénovation. Réhabilitation.

En histoire, une restauration correspond à une période au cours de

laquelle le gouvernement, d’une époque précédente, est remis en place. Se

restaurer signifie également se nourrir. Il s’agit d’un acte vital, dicté par la

propre nature de l’homme. Dans différents domaines, le terme de restauration

signifie remettre en place, c’est aussi réparer, rétablir quelque chose qui aurait

été altérée. En architecture, restaurer c’est redonner son apparence initiale à

un édifice en utilisant les mêmes matériaux et modes de construction qu’à

l’époque où il a été conçu. Il s’agit d’une notion patrimoniale, un acte de

conservation fort, qui tend à valoriser, remettre en état les réalisations des

constructeurs passés.

La rénovation, quant à elle, marque un renouvellement, une

transformation dans le but de moderniser. En urbanisme, on parle de

rénovation urbaine pour éviter l’étalement urbain et les effets néfastes qui

peuvent l’accompagner. Modifier, transformer un bâtiment en vue d’en

améliorer les conditions d’utilisation se veut être un acte architectural fort, qui

tend à un renouvellement stylistique. Différente de la restauration, la rénovation

introduit de nouveaux éléments (matériaux, matières, formes, couleurs…) et de

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nouvelles techniques. Mais les principaux enjeux de cet acte sont les mises en

sécurité et les mises aux normes, afin d’adapter un édifice aux règlementations

incendies et handicapés. Des économies d’énergie en passant par le retrait

des matériaux dangereux (amiante, plomb,…), les rénovations permettent de

créer un environnement plus sain pour la santé et la vie des occupants.

Réhabiliter est un acte qui diffère des deux précédents. Dans le domaine

du droit et de la justice, il s’agit du fait de réintégrer une personne dans ses

droits citoyens supprimés auparavant. Pour la religion, un prêtre peut être

réhabilité après un manquement constaté par un tribunal ecclésiastique. En

architecture, il peut être défini par plusieurs verbes : réparer, reconstruire,

réaménager. Afin de réaménager un édifice, et en prenant en compte les

enjeux environnementaux et sécuritaires qui nous préoccupent aujourd’hui, la

réhabilitation d’un bâtiment peut être effectuée de différentes manières. Il

s’agit d’une action courante qui peut modifier l’usage initial et la perception

que l’on peut avoir de l’édifice.

Chaque terme est toutefois employé à tort dans le langage courant. On

parle de rénovation pour une restauration ou encore d’une réhabilitation pour

une rénovation…

La présence sur le territoire français d’un patrimoine culturel important

pousse à établir une politique de restauration. Conserver le patrimoine

architectural va ouvrir la possibilité de transmettre aux générations futures des

édifices en parfait état. Cependant, il existe toutefois des limites à ces pratiques

de restauration, car certains bâtiments, ou monuments, ont besoin de retrouver

une nouvelle vie, une nouvelle fonction. Cela peut se faire en y insérant des

matériaux innovants, en modifiant leur fonction mais aussi leur aspect initial.

Cela est synonyme de renouveau architectural qui vise à mêler histoire et

modernisme.

2. Patrimoine et architecture contemporaine

a. Matières et matériaux

« Un matériau nouveau permet une architecture nouvelle. »

MARREY Bernard, « Matériaux pour l’innovation » dans La Pierre d’Angle,

avril 2008, numéro 47, page 22 à 53

Un matériau est une matière. Au sens large, il sert à réaliser un objet, un

bâtiment, quelque chose de concret et perceptible. Chaque matériau

possède des caractéristiques qui permettent d’établir une sélection pour les

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utiliser en fonction de leurs propriétés, et ainsi de choisir la meilleure façon dont

il est possible de les mettre en œuvre. Chaque matériau a une signification

différente : le verre pour la transparence, le béton pour la massivité,…

Lorsqu’un matériau est mêlé, ajouté, juxtaposé à un bâtiment existant, il met en

valeur le bâtiment, et le bâtiment également met en valeur le nouveau

matériau.

Utilisé dans la quasi-totalité des projets d’architecture contemporaine, le

verre peut avoir de nombreuses qualités lorsqu’il est associé aux édifices

anciens. Il crée des transparences, des reflets et peut mettre en vitrine un lieu,

le couvrir, projeter des ombres… L’enveloppe de verre invite à entrer, pour

découvrir réellement ce que l’on a pu entrevoir de l’extérieur.

A Châteaubriant, c’est un cube de verre qui signale l’entrée du théâtre,

situé plus à l’arrière. Placé à côté d’un château, qui fait l’objet d’une

protection au titre des Monuments Historiques, ce théâtre a suscité de

nombreuses réactions au niveau local, dont beaucoup sont négatives du fait

de sa modernité. Il a cependant été reconnu nationalement pour sa qualité

architecturale. Hall vide et transparent, le cube placé devant le château

s’apparente à la vitrine de l’architecture elle-même. Il met en valeur

l’architecture déjà existante du château. Dans ce projet, la confrontation

existe au-delà des matériaux (pierre et verre) et des techniques de

constructions (traditionnelles et innovantes). On peut percevoir une dualité

artistique, car ici l’architecture est confrontée à l’image que renvoie le théâtre.

Il s’agit de montrer, d’exposer et de théâtraliser le lieu en lui-même. Ici, on sent

que c’est le verre qui définit, à lui seul, le lieu. Il permet de voir à travers

l’architecture pour découvrir une autre forme d’expression artistique, le théâtre.

Théâtre de verre, HAUMONT & RATTIER Architectes et Associés, 1996, Châteaubriant (44)

- Photo su site internet des architectes : www.haumont-rattier.fr/

Transparence et vue sur le château

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C’est le regard que l’on porte sur un matériau qui stimule notre pensée

et notre perception, et c’est la pratique d’un lieu qui nous permet de mieux

comprendre les caractéristiques du matériau. Cela entraine une autre

utilisation, et même un passage au-delà de sa signification première. Le verre,

synonyme de transparence, autant visuelle que spirituelle, va entrainer une

nouvelle façon de voir l’architecture, à travers de nouveaux effets. La lumière,

qui sera différente, va notamment se refléter et modifier de nombreux éléments

du lieu. Chaque matériau est unique et entraine une nouvelle perception de

l’architecture, de l’édifice sur laquelle l’intervention a lieu, mais également du

le contexte. On pourra ainsi regarder différemment le bâti et le paysage qui

entoure le monument historique. Ce n’est plus le contexte qui met en avant le

monument mais l’intervention qui va mettre en valeur le contexte.

b. Contexte et environnement

La prise en compte des données du site et du contexte répond à une

demande universelle de toute architecture. Que ce soit à l’échelle d’un

quartier, d’une ville ou d’un paysage, c’est souvent ce qui va entourer le

nouvel édifice qui va le mettre en valeur. On perçoit le lieu d’une autre façon

et un projet d’architecture peut difficilement se dégager du contexte et du

milieu dans lequel il vient s’insérer. En arpentant à la fois le patrimoine et la

modernité, nos sens vont être bouleversés. L’alliance de deux typologies

d’architectures différentes va changer la perception du lieu.

L’insertion d’un édifice dans un contexte patrimonial urbain va modifier

également les pratiques des usagers. Habitués à côtoyer un bâti ancien et une

typologie de rues et de places particulières, les habitants se voient contraints

d’adopter et de s’adapter à un nouveau projet.

Centre Georges Pompidou, Renzo PIANO et Richard ROGERS, 1977, Paris (75) – Photo personnelle

Vue de du musée depuis la colline de Montmartre

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On peut considérer le centre Georges Pompidou, à Paris, comme un

bon exemple d’insertion en contexte urbain. Paris est une ville qui souhaite

conserver son patrimoine urbain et architectural (voir II.2.a.), et la construction

de ce musée a reçu de nombreuses critiques. L’aspect industriel de l’extérieur

contraste avec le quartier mais également la ville entière. Lorsque l’on observe

Paris à partir de Montmartre, la différence apparait nettement.

Mais l’audace de Renzo PIANO et Richard ROGERS, souvent décriée, est

aujourd’hui félicitée car l’insertion urbaine est finalement assez réussie et fut

acceptée par tous. En effet, les visiteurs sont heureux de pouvoir profiter de ce

lieu qui offre des expositions remarquables, et surtout de la grande place qui

permet de dégager un espace considérable devant l’entrée. Animations et

artistes viennent animer la piazza. Maintenant, elle fait partie intégrante de la

vie des habitants du quartier des Halles et du Marais. C’est cette place qui

favorise l’adéquation entre le musée et le lieu dans lequel il se trouve.

La relation directe avec le bâti alentour illustre la façon dont un

architecte peut considérer la présence forte d’un édifice de type patrimonial

dan son projet. L’ensemble du site, le projet et son contexte, doit alors

fonctionner ensemble afin de créer un lieu cohérent, qui se voudra durable

dans le temps.

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II. Confrontation – Opposition – Juxtaposition

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1. Mise en valeur du patrimoine

a. Dialoguer avec le site

« La juxtaposition d’une création contemporaine et d’un

élément existant […] génère des espaces, des sensations qu’on ne

soupçonnait pas. »

Marie-Christine LORIERS

Afin de redynamiser un tissu urbain qui s’affaiblit, les interventions

ponctuelles deviennent courantes. Au cœur de la ville, dans le centre

historique ou à proximité de monuments emblématiques, il s’agit souvent de

concilier ancien et moderne afin de recréer une forme d’attractivité dans un

lieu isolé, qui aurait perdu de l’influence sur ce qui l’entoure. En prenant en

compte le contexte urbain, l’enjeu architectural est aussi important que

l’intégration dans le site. La juxtaposition de deux éléments d’époques

différentes s’avère être à double tranchant. Cela peut redonner un véritable

souffle à la ville ou au contraire dévaloriser le site existant.

Pour une réussite autant architecturale que sociale, il s’agit en quelque

sorte de répondre à l’existant. Les deux réalisations se doivent d’être discrètes

l’une par rapport à l’autre tout en prenant chacune leur place dans le

nouveau paysage créé. Opposé à la pensée conceptuelle qui tend à

transformer l’architecture en objet ou en œuvre d’art, la démarche

contextuelle travaille avec le réel, le bâti, le paysage, et propose alors une

réponse en lien avec les éléments proches. Un dialogue avec le contexte est

alors mis en place, et l’architecte a pour mission de regarder le site

différemment. Poser un nouveau regard, avoir une nouvelle perception des

lieux… Cela a pour objectif de créer une architecture qui ne va pas copier

l’existant mais au contraire le mettre en valeur en y insérant un élément neuf.

Centre Paul Klee, Renzo PIANO Building Workshop, 2005, Berne (Suisse) - Photo personnelle

21

Renzo PIANO, autrement nommé « l’architecte du contexte », réussi à

adapter ses bâtiments à l’environnement dans lequel ils prennent place.

Nombre de ses projets en sont les parfaits exemples, et notamment le Centre

Paul KLEE de Berne où les ondulations rappellent les collines environnantes. En

questionnant les commanditaires et en étudiant les modes de vie, l’architecte

s’adapte à l’environnant tout en répondant à une demande. Cette pensée du

contexte engendre alors un renouvellement perpétuel des formes, des

couleurs, des matériaux.

Cependant, pour ce projet en Suisse, il ne s’agit que d’une apparence

en façade. En pratiquant ce lieu, il est difficile de ne pas se rendre compte que

les usagers et les œuvres exposées ne bénéficient pas des qualités que

l’architecte a développées dans la forme extérieure du musée. Des lieux

sombres, mal insonorisés et peu confortables pour l’administration ont été

délaissés au bénéfice de l’intégration au site.

La question est alors de se demander si l’adaptation au site est-elle

réellement nécessaire au profit des usagers du lieu. C’est cette question que

Norman FOSTER s’est posé en intervenant pour la première fois en France, à

Nîmes.

Au cœur du centre historique de Nîmes, à proximité des arènes et du

forum des Halles, la Maison Carrée est un monument symbolique de l’époque

romaine. Construite au début du Ier siècle, elle est l’une des emblèmes de la

ville. Faisant partie de l’un des temples les mieux conservés au monde, elle a

fait l’objet d’un classement au titre des monuments historiques en 1840.

En vis-à-vis avec la Maison Carrée et à l’emplacement d’un ancien

théâtre qui a brulé en 1952, la municipalité évoque le souhait de construire un

bâtiment à caractère culturel afin de regrouper différentes formes artistiques

en un seul et même lieu, à la manière du centre Pompidou à Paris.

A la suite d’un concours lancé en 1984 et lors de sa première visite à

Nîmes, Norman FOSTER, futur gagnant, s’est imprégné du lieu, de l’intensité de

la lumière, des contrastes avec l’ombre des arbres, et bien sûr de la présence

imposante et non négligeable de la Maison Carrée. Il a décidé de travailler

avec, de considérer le site comme l’acteur principal de sa réalisation.

Norman Foster a construit le pendant contemporain de la Maison

Carrée. En effet, en façade et dans le plan, le Carré d’Art fait penser à la

Maison Carrée dans ses proportions et sa typologie constructive. En reprenant

certains systèmes, dont la colonnade en façade, l’architecte ne copie pas

mais s’inspire en réinterprétant. Sublimée par cette nouvelle réalisation, qui

reste toutefois en retrait, la Maison Carrée n’est pas écrasée sous le poids du

verre, du béton et de l’acier.

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Croquis réalisé par Norman FOSTER, étude du contexte, 1984, Nîmes (84)

- Croquis du site internet de Norman FOSTER : www.fosterandpartners.com/

« Ce n’est pas juste un site, mais LE site dans Nîmes. Mais plus qu’un site, c’est un espace. »

Norman FOSTER a trouvé les bonnes solutions pour traiter la juxtaposition

du nouveau et de l’ancien, dans un tissu urbain déterminé par la présence de

marqueurs historiques forts. Aujourd’hui, le Carré d’Art réussit à respecter la

Maison Carrée en restant discret tout en devenant lui aussi un emblème de la

ville. Reste à savoir si Rudy RICCIOTTI a réussi à faire de même à Marseille, avec

le MUCEM.

Premier musée au monde qui évoque les cultures de la Méditerranée,

c’est en considérant les deux rives de cette mer que le MUCEM a été pensé.

Ouvert sur la mer, le vent, le sel et l’horizon, il dialogue avec les rives nord-

africaines et permet ainsi de partager une histoire commune afin de percevoir

les enjeux actuels. Le MUCEM se veut être un lieu accueillant capable de parler

des cultures au quotidien afin de mieux les présenter, de mieux les connaître

pour ainsi mieux les comprendre.

En choisissant de s’implanter à Marseille, à proximité de deux

monuments emblématiques de la ville, le MUCEM dialogue avec l’existant en

se tournant vers l’avenir. Le site, sur lequel le musée se place, est chargé

d’histoire avec, d’une part, une histoire militaire grâce au fort Saint-Jean et

d’autre part, une histoire religieuse avec la Cathédrale Sainte-Marie-Majeure. Il

est relié au fort Saint-Jean par une passerelle, signe fort du passage de l’ancien

et l’histoire au nouveau et au futur.

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MUCEM, Rudy RICCIOTTI, 2013, Marseille (13)

- Photo d’un article : http://www.europe1.fr/Culture/Marseille-2013-une-offre-culturelle-a-la-hauteur-1376129/

Au premier-plan, on peut voir le musée relié au Fort Saint-Jean par une passerelle.

En arrière-plan, on distingue la Cathédrale Sainte-Marie-Majeure.

Grâce à l’architecture que développe Rudy RICCIOTTI, le visiteur crée

son propre parcours, en passant involontairement de la modernité au

patrimoine, de la ville à la mer, du sol au ciel, grâce aux rampes qui entourent

le musée. Les odeurs, les couleurs, les ambiances seront captées au fil de la

progression pour atteindre le fort Saint-Jean. La juxtaposition de différentes

architectures, parfaitement lisible sur le front de mer, interpelle et questionne.

La couleur sombre de la résille en béton utilisé pour l’enveloppe

contraste avec la pierre lumineuse du fort, qui reflète le soleil. Une juxtaposition

qui soulève de nombreux avis. Une dualité apparait clairement. Les innovations

matérielles et l’architecture contemporaine s’opposent à la massivité de la

pierre et du fort qui sont là depuis le XIIème siècle.

Contrairement au Carré d’Art qui reprend les principes de la Maison

Carrée, le MUCEM vient se placer comme un édifice indépendant à côté du

fort. Avant d’être un musée, il est comme un objet à part entière. C’est

pourtant la proximité établie avec les éléments naturels et architecturaux qui

aident la nouvelle réalisation à trouver sa place dans le lieu.

La construction d’un édifice moderne à proximité d’un bâti, de type

patrimonial, génère de nouveaux espaces, de nouvelles lumières. La capacité

du site à supporter une autre architecture réside dans le fait que cette

architecture doit dialoguer avec le site. L’ambiance du lieu est alors

transformée par l’ajout du nouvel édifice et cela modifie également les

pratiques des usagers, qui vont ainsi aborder et arpenter le site d’une manière

différente.

24

b. Transformer le patrimoine

Agir sur le patrimoine est un acte délicat. Modifier, agrandir, rénover un

patrimoine signifie également respecter le site. En effet, il s’agit d’un héritage

qui est arrivé jusqu’à nous et qui doit encore rester pour les futures générations.

Les exigences de la vie d’aujourd’hui appellent, dans certains cas, à réaliser

des interventions contemporaines directement sur de l’architecture

patrimoniale. Tout comme la construction d’un édifice moderne à proximité

d’un monument historique, les éléments nouveaux qui seront apportés sur du

bâti ancien doivent être conçus pour « s’intégrer harmonieusement à l’ancien,

tout en se distinguant des parties originale ». (Article 11, Chartre de Venise)

Les vestiges gallo-romains, situés à Saint-Romain-en-Gal, sont protégés

au titre des monuments historiques depuis 1983. Le site s’étends sur 7 hectares

et constituait, à l’époque, un quartier commercial et résidentiel de la ville de

Vienne, qui se trouve actuellement de l’autre côté du Rhône. Les archéologues

ont donc mis au jour des maisons d’artisans, des ateliers, des fours, des

entrepôts...

Suite à la découverte de ses différents vestiges, une campagne de

valorisation est mise en place afin de continuer les fouilles, d’analyser les

matériaux recueillis et de les restituer à travers un musée. Au terme d’un

concours, la conception de ce musée est confiée à l’Atelier d’architecture

CHAIX et MOREL. Ainsi, c’est un bâtiment d’acier et de verre qui vient prendre

place sur les berges du Rhône, dans le prolongement du pont qui relie Saint-

Romain-en-Gal à Vienne.

Musée Gallo-romain, Philippe CHAIX et Jean-Paul MOREL, 1996, Saint-Romain-en-Gal (69)

- Photo du site internet du musée : http://www.musees-gallo-romains.com/

25

Placé sur pilotis, surplombant ainsi les vestiges, le musée a été pensé

pour présenter les éléments recueillis au cours des fouilles. Il met donc en valeur

à la fois le site en lui-même et les objets qui s’y trouvent. Le but est alors de

replacer les objets dans leur contexte, mais aussi d’évoquer le cadre dans

lequel ils se trouvaient avant de se placer au cœur du musée.

Le lien entre le site et le contenu du musée est ici évident et primordial.

C’est la transparence du bâtiment qui permet d’avoir constamment un œil sur

l’extérieur tout en regardant les expositions à l’intérieur. Observer le lieu

d’origine des éléments exposés est une expérience unique, qui permet de

comprendre leur histoire. L’architecture de CHAIX et MOREL permet de réaliser

ce lien important, qui est rare dans la plupart des lieux archéologiques.

Dans un autre contexte, plutôt urbain, et sur un autre type de

patrimoine, plusieurs interventions ont été réalisées directement sur des édifices,

en modifiant alors l’aspect et la fonction du bâtiment.

Situé en plein de centre de Lyon, à proximité de l’hôtel de ville, l’opéra

de Lyon est un monument qui caractérise l’architecture lyonnaise. Un concours

est lancé en 1996 afin d’agrandir et de rénover les locaux. Jean Nouvel

décroche le projet en établissant un « dialogue entre histoire et modernité ».

(Jean NOUVEL)

Opéra de Lyon, Jean NOUVEL, 1993, Lyon (69)

- Photo d’un dossier sur l’opéra : http://www.opera-lyon.com/uploads/media/Plaquette_b%C3%A2timent.pdf

Contexte urbain du centre de Lyon

L’opéra occupe une place importante dans le contexte urbain de la

ville de Lyon. Imposant par sa hauteur de 62 mètres, le bâtiment attire le regard

et invite à entrer pour découvrir les secrets qui sont cachés à l’intérieur. En effet,

de l’extérieur, on distingue les quatre murs de façade du XIXème siècle, qui ont

été conservés. On se demande alors ce qu’il se passe à l’intérieur. On

découvre que l’architecte a mis en œuvre une ambiance différente et

26

davantage contemporaine. Le noir est omniprésent et cette couleur plonge le

spectateur dans une ambiance théâtrale dès l’entrée. Les vues et les volumes

créés par cette couleur profonde sont surprenants dans un bâtiment construit

initialement en 1831. Mais ce qui est encore plus étonnant, c’est le demi-

cylindre que l’architecte à greffer au sommet du bâtiment. Six niveaux ont

donc été créés, abritant principalement des salles de répétitions. Offrant une

vue incontournable sur la ville de Lyon, cette verrière appelle les passants à

partir à la découverte de cette architecture qui est aussi belle que l’art qu’elle

abrite.

Au musée, du Louvre, c’est un nouveau département qui ouvre ses

portes en septembre 2012. Définie comme « une opération complexe dans un

mouchoir de poche » (Rudy RICCIOTI), la cour Visconti change de visage et

laisse place à une couverture dorée. Celle-ci protège les lieux d’exposition et

été l’objet de nombreux surnoms de la part des architectes, Rudy RICCIOTTI et

Mario BELLINI : « aile de libellule », « tapis volant »… Mario BELLINI évoque même

« un voile qui reste soulevé par le souffle du vent ».

Département des Arts de l’Islam, Musée du Louvre, Rudy RICCIOTTI et Mario BELLINI, 2012, Paris (75)

- Photo personnelle

Des fenêtres du premier étage, on surplombe cette résille sur laquelle le

soleil vient se refléter. Les couleurs changent en fonctions du moment de la

journée et on redécouvre également les façades, mises en lumière par cette

résille qui ondule, qui repose, sans toutefois peser. Lorsque l’on se trouve sous la

verrière, on aperçoit, par semi-transparence, la cour et ses façades. Imposée

lors du concours, cette volonté fut respectée par les architectes. Le geste

délicat des architectes dans ce projet continue de prouver que le Louvre ne

souhaite pas rester figé dans ses murs, mais éprouve un désir de renouvèlement

en intégrant la modernité.

En effet, il y a 24 ans, la cour Napoléon accueillait déjà une réalisation

qui a longtemps été l’objet de tous les débats. Qualifiée d’objet passe-partout,

27

la pyramide de verre a dû faire face aux critiques, notamment de la part des

conservateurs du patrimoine parisiens. Certains jugent qu’une architecture

aussi moderne dénature le style classique du musée, mais pourtant, ils sont aussi

nombreux à apprécier la juxtaposition des styles architecturaux. C’est un

contraste fort et le projet illustre bien la fusion du classique et du contemporain.

Véritable symbole aujourd’hui, la pyramide fait partie du paysage parisien, tout

comme Beaubourg. Ils symbolisent, tous les deux, une ville qui tente d’évoluer

petit à petit.

Pyramide du Louvre, Ieoh Ming PEI, 1989, Paris (75)

- Photo personnelle

Jeu de transparence à travers la pyramide

2. Acceptations et critiques

a. Protéger ne doit pas dire muséifier

Les monuments historiques bénéficient d’une inscription ou d’un

classement, ce qui signifie qu’ils sont protégés aux yeux du public. Cette

reconnaissance passe par une préservation, qui laisse peu de place au

renouvellement. C’est pourquoi de nombreuses critiques fusent lorsque la

créativité contemporaine est intégrée dans les programmes de conservation.

Lors de la Biennale d’Architecture de Venise en 2010, Rem KOOLHAAS

présente une exposition intitulée Préservation. Deux thèses sont alors évoquées,

et l’une d’entre elle constate que la conservation prend le dessus sur la

création. Au risque de transformer une ville entière en musée, les projets sont

mis à l’écart lorsqu’ils abordent le patrimoine. Il faudrait alors prendre en

compte cette question en trouvant une harmonie entre les réalisations

nouvelles et le patrimoine. Cela demande alors un savoir-faire et une

expérience.

28

Charles GARNIER disait « Paris ne doit pas se transformer en usine ; il doit

rester un musée. » Paris va-t-elle devenir ou est-elle déjà une ville-musée ? C’est

la question que se posent de nombreux politiques, architectes, citoyens…

L’architecture de Paris est aujourd’hui un argument touristique et les

touristes considèrent alors la ville comme un lieu où l’on découvre, à chaque

angle de rue, un témoignage du passé, où l’on va pouvoir se balader en

rencontrant l’histoire sans forcément fréquenter un musée. Contrairement aux

villes du monde qui se renouvellent et évoluent après les épreuves du passé

qu’elles ont subies (comme Londres, après le grand incendie, ou Berlin,

bombardée lors de la seconde guerre mondiale), Paris reste figée dans son

image d’avant-guerre. Le bâti et les boulevards Haussmannien font partie d’un

héritage culturel, architectural et urbain unique. Certains vont regretter le

manque d’ambition de la ville sur le plan architectural, et ainsi dire que Paris est

devenu une ville d’histoire qui a échappé au renouvellement urbain. Il s’agit en

réalité d’une ville qui n’a pas évolué comme elle aurait dû le faire, même si le

risque était de perdre son authenticité que certains se battent pour conserver.

Schéma symbolisant l’évolution de trois capitales au cours du XXème siècle

Paris - Londres – Shanghaï

Lors de mon stage avec les Architectes des Bâtiments de France (ABF),

j’ai pu observer que des politiques de conservation ont été mises en œuvre à

Paris. Mais dans certains cas, les monuments, qui nécessitent une réelle

restauration, ne sont pas considérés comme tel. Le premier immeuble en

béton, construit par Auguste PERRET, se détériore sans que les propriétaires

actuels n’interviennent. C’est dans ce cas précis qu’une restauration prend du

sens, afin de remplacer des éléments qui auraient été endommagés. Au Palais

de Tokyo, c’est le restaurant qui subit des modifications. Le projet présenté à

l’ABF va considérablement modifier l’espace, en requalifiant les entrées, les

accès, mais sans toutefois enlever le caractère du lieu. Il s’agit d’un projet qui

se veut innovant et intéressant pour sa qualité architecturale.

29

Les changements appliqués sur des monuments historiques ou plus

généralement sur un patrimoine architectural ne sont pas toujours en

contradiction avec la véritable nature de l’existant. Ils cherchent à valoriser

celui-ci en créant de nouveaux espaces et de nouvelles ambiances qui visent

à lui donner un second souffle, une seconde vie. Au musée Rodin, un projet

d’extension a été souhaité il y a quelques années. En 1988, l’agence

Architecture Studio propose un projet où une « cage » de verre entourerait le

musée.

« Nous voulions exprimer clairement que l’on a le droit de toucher

un bâtiment historique, que Paris n’est pas un musée. Ce projet est une

manière d’effleurer et… de ne pas y toucher. Il n’apporte pas de

modifications au bâtiment classé, mais il en bouleverse la perception. Il

le met en vitrine. Il le tient à distance. Il respecte son identité, crée une

muséographie et une identité nouvelles. »

Architecture Studio dans Techniques et architecture, numéro 381, janvier 1989

Le projet n’aura finalement pas été retenu. Il est évident que la

perception du site aurait été modifiée mais la transparence du verre permettait

encore d’entrevoir le monument au travers.

La muséification d’une ville n’est pas seulement urbanistique mais, dans

certains cas, elle s’avère être surtout architecturale. Seulement, beaucoup de

personnes pensent qu’intervenir sur un monument, éventuellement protégé,

c’est perdre son identité et ainsi perdre l’identité d’une société qui a transmis

un héritage. Mais effectuer des changements ne revient pas toujours à

« falsifier » le monument ou un lieu, bien au contraire…

b. Moderniser ne veut pas dire dénaturer

Moderniser signifie rendre une chose plus actuelle, plus contemporaine.

Pour ce qui est de l’architecture et de l’urbanisme, il peut s’agir de moderniser

un quartier, un site, un bâtiment… Lorsqu’il s’agit de moderniser le patrimoine,

l’objectif est de concilier le nouveau et l’ancien, en veillant, dans chaque

projet, à garder le bon équilibre entre ces deux typologies.

Dénaturer veut dire déformer, altérer, modifier le sens, changer les

caractéristiques. C’est donc en respectant les proportions, en observant et en

prenant en compte la rue, l’environnement du projet, que la réalisation devra

s’ajouter sans dévaloriser l’existant. Le nouveau volume redéfinira l’ensemble

en s’y adaptant et en remplissant une autre fonction qui complètera celles qui

30

existent déjà. Il faut également que le patrimoine corresponde à des usages et

des fonctions précises afin qu’il continue à vivre, et fonctionner de façon

complémentaire avec la nouvelle architecture.

Lorsque Daniel BUREN installe les colonnes en marbre noir et blanc, en

1986, cela provoque de nombreuses polémiques. Une hypothèse évoquant la

destruction de l’œuvre fut même envisagée. Il est vrai que les couleurs des

colonnes contrastent avec le lieu dans lequel elles se trouvent. Le Palais Royal,

qui abrite le ministère de la Culture, est construit au XVIIème siècle et a connu de

nombreuses phases de travaux. La dernière intervention fût l’installation des

colonnes dans la Cour d’Honneur.

Colonnes de Buren, Daniel BUREN, 1986, Paris (75) - Photo personnelle

Alignement avec les colonnes antique du Palais Royal

L’artiste, en alignant les colonnes, reprend l’architecture antique du lieu

tout en choisissant des couleurs blanches et noires, qui contrastent avec le ton

plutôt lumineux des façades. Et lorsque l’on se trouve dans cette cour, on ne

peut s’empêcher de grimper sur ces colonnes. Adultes et enfants s’imprègnent

de l’ambiance en testant, jouant, en pratiquant le lieu. Les hauteurs varient,

donnant une dynamique, contrastant ainsi avec le jardin qui se veut calme et

apaisant.

Cette cour, où sont installées les colonnes, se veut être un bon passage

entre l’agitation de Paris et le calme du jardin du Palais Royal, situé au cœur de

l’îlot. Dans la cour d’Honneur, on se retrouve dans un lieu clos, loin du bruit,

mais où l’on continue à être en mouvement, passant d’une colonne à une

31

autre. L’artiste a su s’imprégner du lieu, et malgré les nombreuses contestations,

les colonnes se veulent complémentaires au contexte urbain qui les entoure.

La modernisation sera davantage réussie si le passant se sent impliqué. Il

veut être invité à expérimenter les lieux. L’usager prendra alors pleinement

possession de l’espace et l’intervention apparaitra comme naturelle. En

s’intégrant au site, sans dévaloriser le lieu, elle complètera les usages qui

manquaient autrefois.

32

33

III. Condition des Soies de Saint-Etienne :

évolution d’un monument

34

1. Protection

a. Entre histoire et patrimoine

Témoin du passé industriel de Saint-Etienne, la Condition des Soies reste

le seul édifice majeur stéphanois qui retrace cette histoire. En 1909, Clément

BROSSY, important fabricant de rubans stéphanois et Président de la Chambre

de Commerce, charge les frères LAMAIZIERE de bâtir un édifice, à l’angle des

rues d’Arcole et Elisée Reclus. Celui-ci remplacerait une première Condition des

Soies, construite par Jean Michel DALGABIO. C'est donc dans un nouveau

bâtiment plus spacieux que le précédent que s'effectuent, jusqu'en 1962, les

opérations techniques et réglementaires propres à la rubanerie : décreusage,

conditionnement de la soie… Peu à peu, l’activité diminue et finit par

disparaitre. De 1969 à 1997, c’est l'institut supérieur du commerce qui s'y installe.

Mais depuis, le bâtiment est resté désaffecté et en juin 2001, c’est le Conseil

Général qui le rachète.

Considérée comme une ville noire, où l’activité minière était importante,

Saint-Etienne est également devenu le centre de l’industrie de la soie, qui a

ainsi marqué l’histoire de la ville. Activité majeure de la région au cours du

XIXème siècle, elle s’essouffle au XXème siècle avec l’apparition de la production

industrielle à grande échelle. C’est donc pendant l’âge d’or de la rubanerie

stéphanoise que la Condition des Soies a été construite. Grâce à la qualité

architecturale, le bâtiment met en avant en avant l’essor de la profession. Les

décors en façades et les parties accessibles au public font preuve de détails

remarquables qui reflètent l’activité autrefois présente à l’intérieur.

Condition des Soies, Frères LAMAZIERE, 1909, Saint-Etienne (42)

- Carte postale personnelle

35

b. Raisons d’une inscription

C’est son architecture mais surtout sa valeur historique qui ont conduit à

s’intéresser de plus prêt à la Condition des Soies. L’architecture n’est donc pas

toujours le premier motif de demande de protection. Savoir apprécier la valeur

historique d’un lieu, où de nombreuses personnes ont œuvré pour développer

l’économie de toute une région, c’est en quelque sorte être reconnaissant

envers le travail fourni. L’aspect architectural est alors considéré dans un

second temps pour compléter les arguments présentés pour établir une

protection.

La protection au titre des Monuments Historiques s’effectue en mai 2002,

un an après le rachat par le Conseil général. Comme le précise l’arrêté,

« l’Ancienne Condition de Soies […] est un des rares édifices en France

témoignant de l’activité de conditionnement de la soie et qu’à ce titre, son

intérêt historique est suffisant pour en rendre désirable la préservation ».

Il ne s’agit pas du seul aspect remarquable de cet édifice. Les détails

architecturaux reflètent également la qualité de la production des soies. Cette

activité, installée dans un édifice prestigieux, a permis de donner une image

différente à Saint-Etienne. Trois parties du bâtiment sont inscrites sur l’ISMH

(Inventaire Supplémentaire des Monuments Historiques) : les façades sculptées,

les toitures et l’escalier avec sa cage. Architecturalement, cette œuvre fait

preuve d’une grande homogénéité. Son aspect monumental, dans un espace

restreint, rend impressionnante cette maîtrise de l’architecture. Les courbes de

l’art nouveau sont intégrées en façade et les motifs de rubanerie se retrouvent

dans la pierre extérieure, dans le fer forgé des fenêtres et dans la rampe

d’escalier.

2. Et aujourd’hui…

a. Respect de l’existant

Aujourd’hui, c’est un autre projet qui replace au centre des débats le

bâtiment de la Condition des Soies. Il s’agit de celui du Groupe CREQUY, qui

prévoit de réhabiliter cette ancienne fabrique afin qu’elle devienne le premier

Monument Historique BBC (Bâtiment Basse Consommation) de France.

Dans un appel d’offre a été lancé en juillet 2009, le Conseil Général de

la Loire met en vente cet immeuble. Le Groupe Créquy qui le rachète émet la

volonté de redonner un nouveau souffle à ce bâtiment en le réhabilitant. En

effet, les modifications successives l’ont énormément endommagé. Le manque

36

d’entretien et l’abandon de cet ouvrage ont conduit à une aggravation de

son état. Une intervention était donc nécessaire pour ne pas perdre ce

patrimoine bâti définitivement.

Plusieurs possibilités s’offraient aux nouveaux propriétaires : restaurer

l’ouvrage dans son état d’origine, rénover les parties endommagées ou le

réhabiliter entièrement. La restauration était un risque de figer l’édifice, en

sachant que l’activité de la soie n’est plus la même qu’auparavant et le

bâtiment n’est plus adapté aux techniques actuelles. Beaucoup trop détérioré,

il a été retenu d’effectuer une réhabilitation afin de lui donner de nouvelles

fonctions. Pour assurer la pérennité de cet édifice, le projet devra composer

avec les réglementations et attentes actuelles. Seul un projet qui prendra en

compte à la fois les aspects historiques et les nouvelles technologies sera réussi

et offrira une nouvelle vie à un patrimoine qu’il faut préserver.

- Photo du Groupe CREQUY

Etat de délabrement de la toiture en 2012

C’est ainsi que les parties inscrites feront l’objet d’une restauration en

faisant appel à des techniques de mises en œuvre ancestrales. Ayant subi les

dommages climatiques et temporels, il est important de restaurer les éléments

qui valorisent le bâtiment en utilisant des matériaux utilisés autrefois, qui

remplaceront les parties délabrées. Cette prise en compte de l’existant impose

des techniques de mises en œuvre anciennes telles que la taille de pierre, le

travail du ciment prompt, la pose de l’ardoise ou la réalisation de zinguerie

d’art. Ce sont des entreprises qualifiées qui devront agir sur l’édifice au risque

de dévaloriser les parties classées.

Cette phase de restauration se fera en amont de la phase de

réhabilitation, qui va entièrement changer l’aspect de l’édifice côté cour, à

l’intérieur de l’ilot.

37

b. Regard critique

Les parties qui ne font pas l’objet d’une protection seront entièrement

réhabilitées avec des technologies innovantes qui répondent aux critères BBC.

Une étude thermique a été réalisée, en comparant plusieurs solutions possibles.

Une solution a été retenue, mais il ne s’agit pas seulement de modifier le

moyen de chauffage. D’autres procédés doivent être mis en place afin de

limiter les pertes d’énergie. Les moyens mis en œuvre seront complémentaires,

mais cela implique des modifications concernant l’aspect extérieur du

bâtiment.

Le changement de fonction de ce bâtiment amène à repenser

l’ensemble de l’édifice. Cette nouvelle fonction devra s’insérer dans l’existant

et le respecter. Mais pour assurer sa pérennité, le projet devra admettre la

modification des ouvertures, des modes de distribution, de la répartition des

nouveaux locaux, et également répondre aux exigences réglementaires

d’aujourd’hui. Il n’est donc pas facile de concilier toutes ces attentes. C’est

pour cela que le Groupe Créquy a décidé de traiter de manières différentes les

parties protégées et les parties non protégées.

Cela a pour incidence d’avoir une façade sur rue entièrement

restaurée, et des façades sur cour plutôt contemporaine. Le projet peut être

considéré comme un projet de façade, un projet qui ne montre pas réellement

ce qu’il est. Ce contraste d’architecture est étonnant, mais arrive, tout de

même, à garder une certaine cohérence. Même s’il est dommageable de ne

pas conserver l’architecture d’origine, celle-ci étant trop endommagée, la

réhabilitation amène à effectuer de nombreux changements pour avoir la

possibilité de modifier la fonction du bâtiment. Cette intervention ambitieuse

appelle à développer de nouvelles techniques de construction dans un

monument historique.

- Photo du Groupe CREQUY

Croquis du projet – Vue de la cour intérieure

38

Nombreux sont les projets de logements qui sont réalisés selon le label

BBC. Ici, le Groupe Créquy, responsable de la réhabilitation, a choisi

d’appliquer cette innovation sur un monument historique à l’abandon. Il s’agit

d’une première en France. Mais appliquer un label, qui est habituellement

utilisé pour de la construction neuve, sur monument historique, est une idée qui

se veut novatrice dans le domaine de la réhabilitation.

Seul un projet d’ensemble, qui prend en compte toutes les contraintes

du site, qui inclue des techniques anciennes et également des techniques

innovantes, permettra une intégration réussie. Cela offrira une nouvelle vie à

cet édifice, qui fait parte du patrimoine stéphanois qu’il faut préserver tout en

arrivant à le faire évoluer sans le dénaturer.

39

40

41

CONCLUSION

« Le patrimoine est une richesse que nous devons utiliser. Il n’est

pas plus cher de transformer un bâtiment existant si l’on rend en compte

l’économie d’espaces qui évite le grignotage des terres qui ne sont pas

urbanisées ».

Aurélie FILIPETTI, ministre de la Culture, extrait d’une interview, propos recueillis par

DAVOINE Gilles et ERRARD Dominique, « L’architecte est garant d’une construction durable »,

dans Le Moniteur, avril 2013, numéro 5709, pages 15 et 16

L’architecture est intemporelle. Elle a toujours existé et sera toujours

nécessaire. Quelque soit le moment de son édification, elle s’inscrit dans la

durée. Associer deux architectures permet de conjuguer passé et présent et

ainsi développer une nouvelle manière de voir ce qui nous entoure.

Comprendre ce qui se rapporte au patrimoine permet de concevoir

l’architecture d’aujourd’hui. Héritages et innovations se mêlent pour créer un

nouvel environnement. Le nouveau cadre de vie dans lequel nous allons

évoluer va s’enrichir grâce à cette association de deux typologies

d’architecture qui ont chacune leurs propres qualités.

Cette analyse du bâti ancien qui se mêle à la modernité m’a permis de

comprendre que l’architecture est intemporelle. J’aime cette idée qui me

pousse à me dire que cet art a toujours existé et qu’il sera toujours nécessaire.

L’architecture s’inscrit dans la durée et à chaque période de l’histoire, de

nouveaux questionnements viennent s’ajouter. Cela amène à produire

d’autres solutions, parfois innovantes, qui vont ouvrir d’autres portes pour les

nouvelles générations d’architectes.

« La seule discipline qui s’occupe de poser des points fixes pour

l’Homme, c’est l’architecture. L’architecture, c’est le permanent, la

longue durée, c’est la base. »

Luigi SNOZZI, extrait d’un entretien avec Antoine-Frederic NUNES, étudiant à l’ENSASE, juin 2011

42

43

ANNEXES

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Château de Châteaubriant

Adresse

Place Charles de Gaulle

44110 Châteaubriant

Fonctions

Château fort

Château de plaisance

Date d’inauguration

XIème et XIXème siècle

Contexte

Le château est situé entre la ligne de Châteaubriant à Rennes. La vieille

ville de Châteaubriant se trouve à l'ouest. Au nord, il est bordé par la Chère, qui

forme des douves naturelles autour du château.

Matériaux de construction

Pierre

Description architecturale

Le château médiéval est divisé en deux espaces. La basse-cour, au

sud, permet l'accès à la haute-cour. Cette haute-cour se trouve au nord, sur la

partie la plus élevée du terrain, en surplomb de la Chère. Elle est bordée par la

chapelle et les logis. Le donjon se dresse entre les deux cours et sur l'enceinte

nord.

Le château de la Renaissance est situé dans la basse-cour. Il forme un

long alignement de logis adossés sur l'enceinte est.

La Grande Galerie était à l'origine reliée au donjon par une colonnade.

Cette colonnade fermait ainsi le jardin à la française

45

Théâtre de verre

Architectes

HAUMONT & RATTIER

Architectes et Associés

Adresse

27 Place Charles de Gaulle

44110 Châteaubriant

Fonctions

Théâtre municipal

Date d’inauguration

1996

Contexte

Situé à côté du château, le théâtre se situe au cœur de la ville. Il

rayonne sur toute la région grâce à sa riche programmation.

Matériaux de construction

Verre - Métal

Description architecturale

L’architecture audacieuse du Théâtre de Verre de Châteaubriant

rappelle la boutique Apple store de la 5ème Avenue à New-York. Derrière le

cube de verre aux murs transparents et aux piliers rouges se cache en effet une

salle de spectacle de 496 places assises. La nuit, la mise en scène lumineuse

transforme le cube en une véritable lanterne.

46

Centre Georges POMPIDOU

Architectes

Renzo PIANO

Richard ROGERS

Adresse

19 Rue Beaubourg

75004 Paris

Fonctions

Centre national d'art et de culture

Date d’inauguration

1977

Contexte

Le projet de PIANO et ROGERS était le seul, parmi tous les projets

proposés, à implanter le bâtiment selon un axe nord-sud, respectant la trame

urbaine du quartier. Ce parti pris permet de n'occuper que la moitié du terrain

en dégageant une vaste esplanade, la piazza, permettant l'accueil du public

et une liaison plus fluide entre le bâtiment et la ville.

Matériaux de construction

Verre - Métal

Description architecturale

« C'est un bâtiment qui fait semblant, c'est une parodie de la

technologie » - Renzo PIANO

Le bâtiment comporte une surface totale de 90 000 m2 sur 10 niveaux.

Chaque niveau forme un vaste plateau, entièrement modulable. La structure

porteuse, qui reste apparente, ainsi que les différentes gaines techniques, sont

rejetés à la périphérie du bâtiment. Cela lui a valu d’être comparé à une

raffinerie de pétrole. Toutes les circulations verticales, personnes et fluides sont

confinées sur la façade : les tuyaux extérieurs colorés constituent une

particularité du bâtiment. Les conduites d'air climatisé sont bleues, les tuyaux

d'eau sont verts, les ascenseurs sont rouges…

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Maison Carrée

Adresse

Place de la Maison Carrée

30000 Nîmes

Fonctions

Temple romain

Date de construction

Ier siècle

Contexte

Edifiée sur la place du forum, ce temple est placé en hauteur, ce qui lui

donne une position dominante sur ce qui l’entoure.

Matériaux de construction

Pierre

Description architecturale

La façade est rythmée par trente colonnes de neuf mètres de haut. La

structure intérieure est formée d’une cella (partie close du temple) qui est

précédée d’un pronaos (situé à l’avant du temple). L’accès au temple se fait

par un escalier unique.

La Maison Carrée tient son nom de l’ancien français qui désignait par le

mot « carré », toute figure géométrique possédant quatre angles droits.

48

Carré d’Art

Architecte

Norman FOSTER

Adresse

16, place de la Maison Carrée

30000 Nîmes

Fonctions

Musée d’art contemporain

Bibliothèque municipale classée de Nîmes

Date d’inauguration

1993

Contexte

Situé à proximité de la Maison Carrée et dans le centre historique de

Nîmes, le Carré d’Art donne un second souffle à ce lieu chargé d’histoire.

Matériaux de construction

Béton - Acier - Verre

Description architecturale

De forme rectangulaire avec des lignes épurées, la principale

caractéristique du Carré d’Art réside dans la transparence qu’il offre grâce à

ses façades entièrement en verre. Un atrium central, qui évoque les cours

intérieures des maisons nîmoises, est coiffé d'une verrière permettant à la

lumière, autre élément fondamental de cette architecture, de pénétrer

largement dans le bâtiment. En utilisant un porte-à-faux et de fins, la façade

orientée vers la Maison Carrée rappelle les portiques des temples romains.

C’est dans le souvenir d’une architecture inscrite dans l’histoire et avec

la volonté de la réinventer, que Norman Foster a créé un bâtiment qui se veut

à la fois discret et imposant.

49

Fort Saint-Jean

Adresse

Promenade Louis BRAUQUIER

13002 Marseille

Fonctions

Fort militaire

Date de construction

XIIème, XIIIème, XVème et XVIIème siècle

Contexte

Situé à l’entrée du Vieux Port de Marseille, le fort Saint-Jean fait face au

Palais du Pharo. Il a été construit sur trois buttes différentes.

Matériaux de construction

Pierre

Description architecturale

Actuellement, on trouve sur les trois buttes le fort Saint-Jean et l'église

Saint-Laurent, puis la place des Moulins et enfin l'église des carmes.

Trois éléments principaux caractérisent le fort. La tour du roi René se

place à l’angle de l’entrée du port. De plan carré, elle se compose de quatre

salles et d’un toit terrasse. La tour ronde du fanal a été érigé pour les armateurs

marseillais et marque l’entrée du port, plus à l’ouest. Enfin, une ancienne

caserne a été construite sur le front ouest, au nord de la tour du fanal.

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MUCEM

Architecte

Rudy RICCIOTTI

Adresse

Quai de la Tourette

13002 Marseille

Fonctions

Musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée

Remplace le Musée National des Arts et Traditions Populaires de Paris, fermé en 2005

Date d’inauguration

2013

Contexte

Situé à proximité du fort Saint-Jean et de la Cathédrale Sainte-Marie-

Majeure, le MUCEM ouvre ses portes en juin 2013, alors que Marseille est

devenue capitale européenne de la culture cette année.

Matériaux de construction

Béton - Verre

Description architecturale

« Le projet parle à la fois au ciel, à la mer, au sel et au vent »

Le MUCEM est en réalité un cube minéral bordé de douves, enserré

par une résille de béton fibré et des façades brise-vent qui laisseront passer

la lumière, l’air et les odeurs d’iode. Davantage intéressé par la vue vers le

fort, vers la mer ou vers le port, le visiteur culturellement distrait choisira son

propre parcours.

Le fonctionnement sociologique du rez-de-chaussée du musée

s'adressera à la mer comme à la halle de la Méditerranée. La volumétrie

sera horizontale et ne fera aucun tort au Fort Saint-Jean. Cette vision

urbanistique est fondatrice du projet dans ces principes car elle évoque la

ville et surtout le visiteur.

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Opéra de Lyon

Architectes

Antoine-Marie CHEVANARD

Jean-Marie POLLET

puis Jean NOUVEL

Adresse

1 Place de la Comédie

69001 Lyon

Fonctions

Salle d’opéra

Espaces de répétitions et de stockage des costumes et décors...

Date d’inauguration

1831 puis 1993

Contexte

Situé près de l'hôtel de ville de Lyon, l’opéra fait désormais parti de

l’histoire et du paysage urbain de la ville de Lyon.

Matériaux de construction

Granit - Bois - Verre

Description architecturale

De l’ancien édifice du 19ème siècle sont préservés les quatre murs de

façades et le foyer du public. A l’intérieur de cette enveloppe originelle évidée,

un nouveau bâtiment de dix-huit niveaux est érigé, offrant un volume trois fois

plus important qu’auparavant. Compte-tenu des contraintes urbaines du site,

cinq niveaux sont construits en sous-sol, les six derniers s’inscrivent dans une

verrière demi-cylindrique posée sur les façades du théâtre pré-existant.

Jean Nouvel établit un “dialogue entre histoire et modernité“. L’Opéra de

Lyon se fait théâtre dès l’entrée du public, invité à un parcours qui est spectacle

en soi. Des escaliers donnent accès à la salle ; dans cette ascension, le

spectateur découvre des jeux de volumes, de lumières, de reflets colorés.

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Musée gallo-romain

Architectes

Philippe CHAIX

Jean-Paul MOREL

Adresse

Route départementale 502

69560 Saint-Romain-en-Gal

Fonctions

Musée archéologique

Date d’inauguration

1996

Contexte

Situé le long du Rhône, deux bâtiments reçoivent les visiteurs. Le premier,

perpendiculaire au Rhône, sert d’accueil, de boutique, de restaurant… Le

deuxième, sur pilotis, s’élève au-dessus d’une ancienne maison romaine et

accueille les expositions permanentes.

Matériaux de construction

Acier - Verre - Béton

Description architecturale

Elément fort du paysage, le musée, placé le long du Rhône et visible

depuis l’autre côté du fleuve, assure une continuité et un lien entre les deux rives.

Construit sur pilotis, le bâtiment abritant les expositions permanentes se veut

aérien et transparent sur toutes ses faces. Il offre ainsi une vue sur le quartier gallo-

romain, sur le Rhône mais également sur la ville de Vienne.

L’architecture permet de faire entrer la lumière et les rapports entre les

œuvres et le site sont alors considérablement mis en valeur. Cela est rendu

possible grâce à la transparence du bâtiment, qui crée une scénographie unique

qui valorise les collections.

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Département des Arts de l’Islam

Architectes

Rudy RICCIOTTI

Adresse

Musée du Louvre

75058 Paris

Fonctions

Espace muséographique

Date d’inauguration

2012

Contexte

Au cœur du Musée du Louvre, ce nouveau département va prendre

place dans la cour Visconti, située dans l’aile sud du musée, le long de la Seine.

Matériaux de construction

Acier - Verre - Métal

Description architecturale

Les espaces actuels d'exposition, organisés sur deux étages, se situent

dans la cour Visconti. Ils prennent place sous une verrière aux formes ondulées,

rappelant, d'après Rudy RICCIOTTI, une « aile de libellule » ou un « tapis volant ».

2350 triangles de verre, couverts d'une maille métallique argentée et dorée,

composent cette couverture. Les architectes revendiquent, par cette

architecture « organique », une architecture éloignée des traditions classiques

occidentales, mais qui reste respectueuse des façades de la cour Visconti.

54

55

BIBLIOGRAPHIE

56

OUVRAGES

BOULANGER Philippe, HULLO-POUYAR Céline, Espaces urbains à l’aube du

XXIème siècle, patrimoine et héritages culturels, Paris, Presse de l’Université

Paris-Sorbonne, 2010, 285 pages

CHASTEL André, Architecture et Patrimoine, Paris, Editions du Patrimoine -

Centre des monuments nationaux, 1994, 239 pages

CHOAY Françoise, L’allégorie du patrimoine, Paris, Editions du Seuil, 1999, 270

pages

LEONI Giovanni, Norman Foster, Arles, Actes Sud, 2008, 120 pages

POULOT Dominique, Patrimoine et modernité, Paris, L’Harmattan, 1998, 311

pages

ROUILLARD Dominique, Architectures contemporaines et monuments

historiques, Guide des réalisations en France depuis 1980, Paris, Le Moniteur,

2006, 341 pages

Patrimoine et développement des cœurs de ville, 4èmes assises du patrimoine du

Grand-Ouest, Bordeaux, Editions Confluences, 2003, 402 pages

ARTICLES DE REVUES PERIODIQUES

BANDARIN Francesco, JANKOVIC Nikola, PESTELLINI LAPARELLI Ippolito, Monde

= Ville = Musée ?, dans L’Architecture d’Aujourd’hui, novembre-décembre

2010, numéro 380, pages 44 à 58

CHAMPY Florent, Architecture contemporaine et patrimoine, la construction ou

l’intervention dans un site ?, dans Les annales de la recherche urbaine, mars

1999, numéro 82, pages 34 à 43

CARDANI Elena, Aventure démuséifiante, MUCEM Marseille, dans L’Arca

Internationale, mai-juin 2004, numéro 58, pages 62 à 67

MONNIER Gérard, Foster, un Carré d’art à Nîmes, dans Techniques et

architecture, septembre 1993, numéro 409, pages 38 à 47

57

NUNES Antoine-Fréderic, A propos de la permanence en architecture, extrait

d’un entretien avec Luigi SNOZZI, dans Qui ne dit mot consent, avril 2013,

numéro 1, pages 36 à 41

Matériaux pour l’innovation, dans La Pierre d’Angle, matériaux innovants, avril

2008, numéro 47, pages 22 à 53

PAGES WEB

Architecture, histoire et patrimoine – Notion de patrimoine architectural

http://htapmp.blogspot.fr/2007/12/notion-de-patrimoine-patrimoine.html

Encyclopédie Universalis - Patrimoine monumental

http://www.universalis.fr/encyclopedie/patrimoine-monumental/

Foster + Partners

http://www.fosterandpartners.com/

La vie des idées – Comment Paris devint un musée

http://www.laviedesidees.fr/Comment-Paris-devint-un-musee.html

Opéra de Lyon

http://www.opera-lyon.com/uploads/media/Plaquette_b%C3%A2timent.pdf

Wikipédia

http://fr.wikipedia.org/

AUTRES

Magazine en ligne

Architecture, l'insertion du bâti dans le site dans Mag-arts, le magazine

des arts plastiques en ligne, décembre 2002, numéro 5

MISE EN ŒUVRE DU RAPPORT D’ETUDES

VERDIER Thierry, Guide pour la rédaction du mémoire en architecture,

Montpellier, Editions de l’Espérou, 2009, 168 pages

58

59

3 ANNÉES A L’ENSASE

60

Ce bilan personnel sur ces trois années passées à l’ENSASE clôture le

cycle licence et vise à mettre en avant l’enseignement reçu, les connaissances

acquises, l’évolution de ma pensée aussi bien architecturale que personnelle

mais aussi les obstacles, les déceptions que j’ai eu au cours de mon cursus.

Au fil de ces trois ans, mon intérêt pour le monde architectural, ma

curiosité personnelle, mes lectures et découvertes m’ont permis d’acquérir des

repères qui me suivront, je l’espère, tout au long de l’exercice du métier

d’architecte.

« L’architecture est une science qui embrasse une grande variété d’étude et de

connaissances […]. Elle est le fruit de la pratique et de la théorie. »

Vitruve, De l’architecture, 25 avant J.-C., Livre I

GRANDIR – S’ORIENTER

Durant cette belle période d’insouciance qu’est l’enfance, il y a toujours

un adulte qui pose cette question : « Que veux-tu faire quand tu seras

grand ? ». Je me souviens avoir eu toujours la même réponse : « Je veux

dessiner des maisons ».

Enfant unique, je suis rapidement allée vers les autres, afin de partager,

d’échanger. Curieuse de tout, les voyages entrepris avec mes parents ont

comblé cette envie d’exploration. Les yeux émerveillés et l’envie de découvrir

toujours plus, j’ai arpenté des paysages variés, sac sur le dos et carte à la main.

Au collège, j’ai pu affiner ma réplique à la fameuse question. D’une voie

catégorique, je répondais : « Je veux être architecte ». Lorsqu’il nous est

demandé d’effectuer un stage, j’ai immédiatement effectué des recherches

pour le faire dans une agence d’architecture. Une architecte indépendante a

accepté de m’accueillir et m’a transmis sa passion du métier.

Après de nombreuses visites des écoles, lors des portes ouvertes, les

rencontres avec les étudiants n’ont fait qu’accentuer l’envie de pouvoir suivre

ce parcours. C’est ainsi que j’ai pu finalement accéder à l’école de Saint-

Etienne, celle pour qui j’avais une forte préférence. Une chose qui parait

anodine pour certains, mais qui pour d’autres marque le tournant d’une vie…

DÉCOUVRIR – APPRENDRE

Au cours de ces trois années passées à l’ENSASE, chaque enseignement

ou nouvelle découverte m’a permis de construire et d’établir une culture

architecturale. Aujourd’hui, je peux alors clairement définir les étapes

d’évolution au cours de la licence. La première année a permis de fixer les

61

bases communes notamment concernant les outils de conception et de

représentation, ainsi que sur l’histoire de l’architecture. Elle a également permis

d’établir des repères dans l’école, au sein d’une promotion de 90 étudiants, de

pouvoir s’affirmer en tant que tel et montrer ce dont on est capable, ensemble

et individuellement. Au cours de la deuxième année, ma compréhension du

projet s’est affinée, en travaillant en milieu urbain et rural, en prenant en

compte les différentes échelles, en partant du paysage pour arriver au détail

technique. Enfin, en troisième année, j’ai découvert le projet urbain et une

méthode de travail propre à cela. Ce fut aussi et surtout l’année de tous les

questionnements concernant le futur que j’envisage à plus ou moins long

terme.

« En toute science, et principalement en architecture, on distingue deux choses, celle qui

est représentée, et celle qui représente. […] La connaissance de l'une et de l'autre paraît donc

nécessaire à celui qui fait profession d'être architecte. »

Vitruve, De l’architecture, 25 avant J.-C., Livre I

ANALYSER – ÉCRIRE – TESTER

L’analyse permet d’assimiler un principe, un détail constructif, une

manière de construire… Appliquée à l’architecture, l’analyse d’une référence

permet de déchiffrer les règles de conception, le fonctionnement mais aussi le

rapport au contexte. Elle permet de comprendre l’architecture.

Etudier les montées de Saint-Etienne lors du deuxième semestre est une

première approche de la ville où je suis mes études. Habitant à seulement 30

minutes de cette ville, je n’avais jamais eu l’opportunité de la découvrir de

cette manière. Comprendre son développement grâce à son histoire, sa

démographie et sa géographie me permet dorénavant de me sentir

concernée par ce qui m’entoure. La connaissance de la ville s’est amplifiée au

troisième semestre avec l’analyse du quartier de Carnot et notamment du

viaduc qui traverse la ville.

Pendant le quatrième semestre, c’est un contexte plus rural que nous

avons découvert. Etablir un atlas de paysage ardéchois fut une étape

laborieuse dans mon cursus. Par groupe de six, accompagnés par deux

étudiants de master, nous avons souhaité présenter notre travail sous forme de

BD, afin que notre analyse soit compréhensible par les élus des villages

ardéchois, ce qui était l’un des objectifs principaux. Malheureusement, nous

n’avons pas proposé un travail intéressant aux yeux des enseignants, même si

nous pensions avoir réussi un point essentiel et parfois difficile : avoir eu

l’audace de faire un travail différent.

62

En première année, les cours théoriques en amphi mais aussi les activités

telles que les workshops d’arts plastiques, ou encore les dossiers que l’on doit

écrire en groupe, me paraissaient totalement isolés et je n’arrivais pas à

comprendre comment ceux-ci pouvaient nourrir le projet. Peu à peu, j’ai

découvert que l’on pouvait se forger une vision de l’espace, et plus

généralement du monde, grâce à ces ouvertures d’esprit qui nous sont

proposées. Même si quelques fois, il est encore un peu difficile pour moi de faire

le lien, je pense que plus tard chaque expérience, chaque lecture, chaque

écriture me reviendra à l’esprit pour me permettre de justifier un choix ou de

prendre position par rapport à un avis ou à une réalisation.

PROJETER

En nous suivant tout au long de notre formation et constituant l’exercice

primordial de notre métier, le projet permet de mettre à profit l’ensemble des

compétences, connaissances et expériences acquises au fil du temps.

Les visites du Couvent de la Tourette et de l’abbaye du Thoronet, lors de

la première semaine à l’école, m’ont permis de m’imprégner d’une

architecture chargée de sens. Le travail en groupe pour le relevé et le redessin

ont constitué une première étape à franchir. Chacun avait sa personnalité et

sa volonté d’imposer ses choix. Nous avons découvert une nouvelle manière

de travailler, très différente de celle que nous avons eu l’habitude de connaitre

au lycée. Echanger, discuter, débattre, et apprendre à accepter le point de

vue de l’autre nous a tous enrichi pour fournir un travail de qualité et nous a

appris rapidement à être efficace dans les tâches que nous accomplissons. Par

la suite, Pierre-Albert PERILLAT et Evelyne CHALAYE nous proposait de réfléchir à

un refuge de montagne, qui s’établit dans un site fictif. Peu habituée à

manipuler la multitude d’outils que l’on peut avoir à disposition, il était difficile

pour moi à l’époque d’avoir une approche complète de l’architecture.

Le deuxième semestre a marqué pour moi un grand changement dans

la façon de pratiquer le projet. Jean-Pierre VETORELLO et Pierre MAZODIER

m’ont fait découvrir les premières bases de l’architecture. Lumière, vue,

orientation... Entre ville et nature, deux projets m’ont permis de prendre un

véritable plaisir à créer, concevoir, penser et dessiner. Ce fut pour moi un

moment important en termes de compréhension de la discipline du projet. Je

considère avoir franchi, au cours de ce semestre, une étape importante tant

au niveau du travail de synthèse, d’utilisation des outils, qu’au niveau de la

réponse architecturale que j’ai pu donner.

63

Au cours de la deuxième année, j’ai reçu deux enseignements différents.

Le premier s’organisait dans la continuité du semestre 2. Le deuxième, au

contraire, venait en opposition aux différentes méthodes que j’ai pu connaitre

auparavant.

En s’inscrivant dans le centre de Saint-Etienne, le projet de maison de

quartier a été fondateur pour passer du problème d’insertion urbaine au détail

technique de la toiture terrasse. Eric DAVID et Marcel RUCHON accordait une

large place au dialogue entre élèves et professeurs et au partage de

découvertes, de références et d’idées. Ce semestre symbolise l’acquisition

d’une certaine autonomie d’une part, et le développement de l’échange

constructif d’autre part.

En deuxième partie d’année, le projet s’implantait dans un paysage

ardéchois, totalement différent du contexte précédent. Etablir un projet par

groupe de deux a été une expérience très enrichissante car échanger des

idées et des méthodes de travail pour concevoir, représenter et dessiner une

chèvrerie et une scierie ont été bénéfiques autant à mon binôme qu’à moi-

même.

Cette année, la troisième, a débuté par une lecture de ville. Montélimar,

territoire inconnu. Travail de groupe, c’est à six que nous étudions la

morphologie de cette ville. Puis, grâce à cette approche, nous élaborons un

projet urbain. André SOLNAIS et Daniel FANZUTTI nous initient à une nouvelle

méthode de projet. En se préoccupant de la ville dans sa globalité, nous

devons à la fois mettre en cohérence les interventions ponctuelles avec leur

contexte proche, et également les modifications globales de la ville qui

entraineront un nouvel usage du territoire. Le projet urbain m’a permis d’avoir

une pensée générale et d’élargir ma façon d’élaborer le projet.

Le dernier semestre de licence clôture trois ans de découverte de

l’architecture. Il s’agit d’un semestre où l’on met en application les

connaissances que nous avons pu apprendre avant de pouvoir débuter nos

années de master. Jean-Michel DUTREUIL et Sylvain GASTE nous entrainent sur

des exercices implantés en contexte urbain. Avec deux projets courts et un

projet long, nous réunissons toutes les connaissances que nous avons acquises

au fil des trois ans passés à l’école. Ce semestre est pour moi une très bonne

conclusion du cycle licence que je viens de passer.

EXPERIMENTER – PRATIQUER

En dehors de l’enseignement que l’on reçoit à l’école, les différents

stages sont indispensables pour se rendre compte de la réalité du métier qui

64

nous attend. L’approche que j’ai pu avoir en 3ème, au collège, m’avait déjà fait

prendre contact avec ce métier. Le stage ouvrier, effectué en fin de première

année, est bénéfique car j’ai pu passer de « l’autre côté » et cela permet de

découvrir les véritables acteurs d’un chantier. Le stage de première pratique

fut, quant à lui, l’occasion de découvrir davantage plutôt que de pratiquer à

proprement parler.

Le stage ouvrier, que j’ai effectué chez un plâtrier-peintre, a été une

bonne approche de la vie sur un chantier. Je pense que nous devrions

renouveler cette expérience en 5ème année, là où nous sommes proches de

la réalité d’un chantier. La connaissance du gros-œuvre me paraît également

primordiale dans le métier d'architecte et si j'avais la possibilité d'effectuer un

deuxième stage, je me dirigerai vers cette discipline-là.

Au fil de mes recherches pour effectuer le stage de première pratique,

la volonté de faire deux stages différents a été de plus en plus évidente. En

confrontant deux visions de l’architecture, je souhaitais mettre en application

mes propres connaissances et découvrir de nouveaux aspects que j’ignorais

jusque-là. Deux semaines ne m’ont pas permis d’approfondir les notions que j’ai

commencé à découvrir mais je ne regrette pas d’avoir pu réaliser deux stages

qui, finalement, se sont complétés l’un et l’autre.

Peu évoqué à l’école, le patrimoine constitue une grande partie du

paysage architectural français. Afin de découvrir un autre univers architectural

et urbain, c’est à Paris, avec les Architectes des Bâtiments de France, que j’ai

effectué mon premier stage

Pour la deuxième partie du stage, j’ai choisi de travailler dans une

agence d’architecture et d’urbanisme proche de chez moi. Les moyens de

représentation actuels qui sont utilisés en agence ne sont pas toujours les

mêmes qu’à l‘école. Je souhaitais avoir alors une vision globale du métier

d’architecte.

Je résumerais ces différents stages en un mot : complémentarité. Il s’agit

de stages qui s’additionnent, s’ajoutent pour se compléter les uns et les autres.

Ces expériences m’ont permis de découvrir l’architecture d’une autre manière.

L’école nous apporte une méthodologie d’approche et de pensée. Une fois

mis en application, ces principes évoluent puis s’enrichissent avec les méthodes

utilisées dans le monde du travail. Au cours de ces semaines de stage, j’ai pu

me rendre compte que l'entente entre les différents corps de métier est

essentielle au bon déroulement des travaux. Travailler en groupe à l’école est

donc nécessaire.

65

Au cours de la deuxième année, nous avons pu accéder aux Grands

Ateliers de l’Isle d’Abeau. Répartis en plusieurs groupes nous avons réalisé des

sculptures en bambous dans le cadre de l’enseignement d’arts plastiques. La

manipulation d’un matériau différent de ceux que nous utiliserons dans notre

métier m’a permis d’expérimenter un autre univers, dans un autre cadre que

celui de l’école. Lors de ce séjour, l’équipe de la Team Rhône-Alpes qui

participait au Solar Décathlon 2012 réalisait le prototype de leur projet qui allait

être présenté au mois de septembre à Madrid. Cet esprit d’entraide et les

solutions apportées concernant l’éco-habitat m’ont réellement donné envie

de participer à ce type de projet collectif et innovant.

S’INVESTIR – S’OUVRIR

Lors de nos études, nous sommes régulièrement confrontés au travail de

groupe. Considéré au départ comme un obstacle, je pense aujourd’hui qu’il

est indispensable, non seulement dans notre cursus universitaire mais surtout

pour devenir un bon architecte.

L’envie de s’investir au sein de l’école, au sein d’un groupe, s’est traduit

par l’intégration d’Archimatos (vente de matériel) au cours de ma première

année. En devenant trésorière en troisième année, ce sont des responsabilités

plus importantes qui nous ont été confié à une étudiante de ma promo et moi-

même. Participer activement aux activités de l’école permet de rencontrer des

étudiants d’autres promos, de créer des liens différents et de faire vivre l’école

autrement.

De nombreuses initiatives sont mises en place par des collectifs

d’étudiants afin de faire découvrir un autre univers. Cette année, c’est dans

l’équipe d’organisation de la Semaine des Jeunes Créateurs que j’ai décidé de

m’investir. Cette semaine vise à faire connaître de jeunes talents au grand

public. Pour nous, étudiants en architecture, c’est un véritable avantage car

cela nous permet d’échanger avec des créateurs de tous horizons,

notamment sur le thème du processus de création, communs à nos disciplines

respectives.

« Les voyages forment la jeunesse » disait Montaigne. C’est en explorant,

en arpentant que l’on apprend. J’ai découvert Venise une première fois en

2009 au lycée, j’ai eu l’opportunité d’y retourner en 2011 avec l’ENSASE. Le

regard que j’ai alors porté sur la ville était totalement différent de celui que j’ai

pu avoir deux ans auparavant. Plus attentive aux ambiances, j’ai observé que

les couleurs et les odeurs créent une atmosphère particulière dans cette ville

hors du commun.

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Lors de mon stage à Paris, j’ai profité des deux semaines pour arpenter la

ville autrement qu’en tant que simple touriste. Ma maitre de stage m’a

beaucoup guidé dans ma découverte de la capitale afin que je puisse

observer des éléments inattendus. Cette expérience parisienne a depuis ouvert

en moi une envie très forte, encore plus qu’auparavant, de voyage, de

découverte.

POURSUIVRE

Au bout de ces trois ans passés à l’école, les études ont fait leur chemin.

Lorsqu’avant je n’arrivais pas à prendre de la distance par rapport à ce que je

pouvais lire, voir ou entendre, aujourd’hui je pense pouvoir dire que j’ai acquis

une pensée critique et que je peux prendre du recul face à certains points de

l’architecture, et même de la vie en général. L’enseignement dispensé à

l’école a été indispensable à ma progression et mon évolution. Le travail de

groupe, très difficile à mon entrée, devient aujourd’hui essentiel à l’avancée

de mes idées et à l’enrichissement personnel que je peux en tirer.

Au cours de mon apprentissage et de mes découvertes, j’ai pu déceler

quelques aspects qui m’intéressaient plus que d’autres. J’aurais ainsi tendance

à me diriger davantage dans l’univers patrimonial de l’architecture. C’est pour

cela que j’ai choisi de traiter ce sujet dans mon rapport d’études. Je souhaitais

également poursuivre mon master dans cette voie. J’avais l’envie de

demander un transfert à Lyon ou à Clermont-Ferrand, où les masters proposés

sont en relation avec le patrimoine. Mais après de longues réflexions et

quelques conseils de certains de mes professeurs, j’ai choisi de rester à Saint-

Etienne afin d’avoir de plus larges connaissances en architecture. Je n’oublie

toutefois pas cette spécialisation, que je pourrais envisager une fois diplômée

de l’ENSASE.

Mon envie de voyager, visiter, arpenter, regarder autrement, est de plus

en plus forte ces derniers temps. Cette envie de s’ouvrir, de découvrir un autre

paysage se traduirait plutôt un voyage de quelques années à l’étranger à la fin

de mes études. Cela serait l’occasion de mettre en application, en travaillant,

les connaissances que j’aurais acquises en France.

Il est difficile de conclure un bilan, mais cela m’a permis de faire un point

sur ces quelques années de ma vie, et surtout d’en laisser une trace écrite.

Cela marque un repère dans mes études, repère sur lequel je pourrais

m’appuyer s’il m’arrive toutefois de perdre le fil…

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68

- Résumé -

Poser un regard sur l’architecture qui nous entoure,

c’est déjà commencer à apprendre à la connaitre.

En France, la place du patrimoine dans le paysage de

demain est un sujet délicat. Nombreux sont ceux qui

favorisent la conservation au détriment de l’innovation. En

analysant l’architecture patrimoniale et contemporaine

en France, il s’agit d’analyser ce qui est déjà en place, ce

qui a pu être réalisé, mais aussi ce qui est en devenir. Cela

peut permettre de comprendre comment la modernité

peut-elle dialoguer avec le patrimoine.

Coralie VERNAY

- Page de garde -

Pyramide et musée du Louvre - Photo personnelle

Rapport d’études – Semestre 6

Sous la direction de Marc LEMARIÉ

ENSASE 2013