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TRAVAUX N° 870 MARS / AVRIL 2010 44 OUVRAGES ART CONSTRUIRE ENTRETENIR RÉHABILITER D’ LGV RHIN-RHôNE BRANCHE EST, TRONçON C : éTUDES DU VIADUC DE LA SAVOUREUSE AUTEURS : CHRISTOPHE CEZARD ET NABIL YAZBECK, INGÉNIEURS OUVRAGES D’ART, EGIS JMI AU SUD DE L’AGGLOMéRATION BELFORTAINE, LA LGV RHIN-RHôNE TRAVERSE LA VALLéE DE LA SAVOUREUSE PAR UN VIADUC DE 792 M. LES NOMBREUX OBSTACLES DE LA VALLéE SONT FRANCHIS PAR DES TRAVéES RéGULIèRES DE 66 M. LE TABLIER EST CONSTITUé DE POUTRES MéTALLIQUES EN CAISSON PLACéES DE PART ET D’AUTRE DES VOIES, ET RELIéES PAR UN HOURDIS EN POUTRELLES ENROBéES. LES POUTRES PORTEUSES SONT ENCASTRéES SUR DES BéQUILLES INCLINéES QUI CONVERGENT DANS L’AXE DES PILES, FORMANT LES TéTRAPODES QUI FONT L’ORIGINALITé DU VIADUC. DE NOMBREUX CALCULS ONT éTé NéCESSAIRES POUR JUSTIFIER LE COMPORTEMENT DYNAMIQUE DE L’OUVRAGE SOUS LE CONVOI UNIVERSEL A DE L’EUROCODE 1 ET SOUS LES TRAINS RéELS, POUR DES VITESSES ALLANT JUSQU’À 420 KM/H. À L’EXéCUTION, LE PROJET INITIAL A éTé LéGèREMENT MODIFIé. LE SCHéMA STATIQUE A éTé MODIFIé, LES POUTRES PORTEUSES DU TABLIER ONT éTé ALLéGéES, ET LES POUTRELLES ENROBéES ONT éTé REMPLACéES PAR UNE STRUCTURE TRANSVERSALE PLUS RIGIDE, CONSTITUéE D’UNE DALLE MINCE SUPPORTéE PAR DES PIèCES DE PONT RAPPROCHéES. sagistes et ingénieurs. Au terme de ce concours, le maître d’ouvrage a confié à l’équipe composée de Egis JMI (nou- velle désignation de Jean Muller Inter- national), Wilkinson Eyre Architects et Alfred Peter, paysagiste, un marché de maîtrise d’œuvre particulière, limité à la phase de conception et au visa des études d’exécution. La consultation des entreprises, la préparation du marché et la direction des travaux sont restés à la charge du bureau d’ingénierie Setec TPI, qui assure également la maîtrise d’œuvre générale de l’ensemble du tronçon C. La vallée de la Savoureuse relie les agglomérations de Montbéliard et de Belfort. Elle est empruntée par de nombreuses voies de communication (autoroute A 36, canal de la Haute- INSERTION DANS LE PAYSAGE Sur le tronçon C de sa branche est, entre les villages de Bermont et de Trévenans (territoire de Belfort), la nou- velle ligne ferroviaire à grande vitesse Rhin-Rhône franchit la vallée de la Savoureuse par un viaduc de près de 800 m. L’insertion du viaduc dans le paysage de la vallée est rendue déli- cate par la géométrie de la ligne (tracé biais, descendant, peu éloigné du sol) et par l’occupation déjà très dense des lieux. C’est pourquoi les engage- ments de l’état prévoyaient de réaliser une étude architecturale et paysagère. À cette fin, le maître d’ouvrage, Réseau ferré de France, a organisé en 2004 un concours de conception, mettant en compétition trois équipes pluridis- ciplinaires associant architectes, pay-

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TRAVAux n° 870 MARS / AVRIL 2010 44

OUVRAGES

ARTCONSTRUIRE ENTRETENIRRÉHABILITER

d’

Lgv rhin-rhône branche est, tronçon c : études du viaduc de La savoureuseauteurs : Christophe CeZard et nabiL yaZbeCk, inGÉnieurs ouVraGes d’art, eGis jmi

Au SuD De l’AggloMérATioN BelForTAiNe, lA lgV rhiN-rhôNe TrAVerSe lA VAllée De lA SAVoureuSe PAr

uN ViADuc De 792 M. leS NoMBreux oBSTAcleS De lA VAllée SoNT FrANchiS PAr DeS TrAVéeS régulièreS

De 66 M. le TABlier eST coNSTiTué De PouTreS MéTAlliQueS eN cAiSSoN PlAcéeS De PArT eT D’AuTre DeS

VoieS, eT reliéeS PAr uN hourDiS eN PouTrelleS eNroBéeS. leS PouTreS PorTeuSeS SoNT eNcASTréeS

Sur DeS BéQuilleS iNcliNéeS Qui coNVergeNT DANS l’Axe DeS PileS, ForMANT leS TéTrAPoDeS Qui FoNT

l’origiNAliTé Du ViADuc. De NoMBreux cAlculS oNT éTé NéceSSAireS Pour JuSTiFier le coMPorTeMeNT

DyNAMiQue De l’ouVrAge SouS le coNVoi uNiVerSel A De l’eurocoDe 1 eT SouS leS TrAiNS réelS,

Pour DeS ViTeSSeS AllANT JuSQu’À 420 kM/h. À l’exécuTioN, le ProJeT iNiTiAl A éTé légèreMeNT MoDiFié.

le SchéMA STATiQue A éTé MoDiFié, leS PouTreS PorTeuSeS Du TABlier oNT éTé AllégéeS, eT leS

PouTrelleS eNroBéeS oNT éTé reMPlAcéeS PAr uNe STrucTure TrANSVerSAle PluS rigiDe, coNSTiTuée

D’uNe DAlle MiNce SuPPorTée PAr DeS PièceS De PoNT rAPProchéeS.

sagistes et ingénieurs. au terme de ce concours, le maître d’ouvrage a confié à l’équipe composée de egis JMI (nou-velle désignation de Jean Muller Inter-national), Wilkinson eyre architects et alfred Peter, paysagiste, un marché de maîtrise d’œuvre particulière, limité à la phase de conception et au visa des études d’exécution. la consultation des entreprises, la préparation du marché

et la direction des travaux sont restés à la charge du bureau d’ingénierie setec tPI, qui assure également la maîtrise d’œuvre générale de l’ensemble du tronçon c.la vallée de la savoureuse relie les agglomérations de Montbéliard et de belfort. elle est empruntée par de nombreuses voies de communication (autoroute a 36, canal de la haute-

iNSerTioN DANS le PAySAgesur le tronçon c de sa branche est, entre les villages de bermont et de trévenans (territoire de belfort), la nou-velle ligne ferroviaire à grande vitesse rhin-rhône franchit la vallée de la savoureuse par un viaduc de près de 800 m. l’insertion du viaduc dans le paysage de la vallée est rendue déli-cate par la géométrie de la ligne (tracé

biais, descendant, peu éloigné du sol) et par l’occupation déjà très dense des lieux. c’est pourquoi les engage-ments de l’état prévoyaient de réaliser une étude architecturale et paysagère. À cette fin, le maître d’ouvrage, réseau ferré de France, a organisé en 2004 un concours de conception, mettant en compétition trois équipes pluridis-ciplinaires associant architectes, pay-

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MARS / AVRIL 2010 TRAVAux n° 870 45

saône, rn 437, rd 25...) et par des réseaux importants. entre les anciens villages ruraux, des zones commercia-les, artisanales ou pavillonnaires se sont développées le long des routes (figure 2). comme l’indiquait dès 2000 le dossier de duP, « le choix d’un long viaduc s’impose pour franchir les obstacles que constituent les différentes infrastruc-tures ». À l’ouest, la limite de la brèche est clairement marquée par un versant relativement abrupt et boisé, que la lgV entaille par un long déblai dont la pro-fondeur dépasse 20 m. ce déblai, qui a reçu le nom de tranchée de bermont, s’achève au PK 16+500. À l’est, la pente du versant est beau-coup plus douce. le profil en long de la ligne se rapproche lentement du terrain naturel, occupé par des pâtures ; il ne le rejoint qu’au PK 18+320.dans cette vallée en voie d’urbanisation rapide, les bois du versant ouest et les prairies du versant est contribuent à conserver aux paysages leur caractère rural. d’autre part, la rivière et le canal constituent des coulées de verdure pro-pices aux activités de détente. la rigidité des contraintes de tracé imposées par la grande vitesse et l’importance des charges ferroviaires confèrent à l’ouvrage une grande visi-bilité. Insérer la ligne dans le tissu déjà très dense de la vallée, préserver et mettre en valeur les éléments naturels qui subsistent, minimiser les effets négatifs de cette nouvelle infrastructure et, si possible, en tirer parti pour lui donner une nouvelle unité : tels ont été les objectifs des concepteurs dans l’étude architecturale et paysagère.

cArAcTériSTiQueS De lA ligNe À grANDe ViTeSSeles caractéristiques de la branche est de la lgV rhin-rhône sont définies par un référentiel technique spécifique. la vitesse de référence de la ligne est V = 350 km/h. la lgV rhin-rhône et la lgV Perpignan-Figueras sont les pre-mières lignes françaises soumises aux exigences de la spécification technique d’interopérabilité du système ferroviaire transeuropéen à grande vitesse (stI) du 30 mai 2002. celle-ci a durci les exigences relatives aux calculs dyna-miques des ponts-rails : alors que, sur la lgV est, on n’envisageait qu’un petit nombre de convois réels, tous plus ou moins semblables au tgV français ou à l’Ice allemand, la stI prescrit de calculer les accélérations verticales des tabliers sous les dix convois du « train dynamique universel a » défini par l’eurocode 1, partie 2, section 6.

ConCepteurs EGIS JMI Christophe CezardNabil yazbeckBertrand LouppeGilles FrantzFrédéric MenuelJean-Marc Tanis

arChiteCte WILKINSON EyRE ARCHITECTSJim EyreSébastien Ricard

paysaGiste ALFRED PETER PAySAGISTEAlfred Peter

1- Photomontage de nuit avec l’éclairage de mise en valeur proposé par WEA.2- Situation de l’ouvrage.

1- Photomontage by night with the aesthetic lighting proposed by WEA.2- Location of the structure.

situation de L’ouVraGe

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OUVRAGES

ARTCONSTRUIRE ENTRETENIRRÉHABILITER

d’

géoMéTrie De lA ligNe Au FrANchiSSeMeNT De lA VAlléele tracé en plan et le profil en long de la ligne sont définis par un point P situé dans l’axe de la plate-forme ferroviaire, à 2,25 m de l’axe de chaque voie. en section courante des terrassements, ce point est à l’interface entre la couche d’assise et le ballast. sur ouvrage, du fait des particularités du profil en travers, il se trouve 165 mm au-dessus de la surface de la chape d’étanchéité de la dalle. sur presque toute la lon-gueur de la brèche, du PK 16+386 au PK 17+964, le tracé en plan retenu est en courbe de rayon constant, égal à 11 000 m. ce rayon est encadré par deux raccordements progressifs en clo-thoïde. les voies doivent présenter de ce fait un dévers de 100 mm (le dévers est la dénivellation entre les rails, distants de 1 507 mm).

ProFil eN loNg De lA PlATe-ForMeafin de limiter la hauteur des remblais à l’est de l’ouvrage, le profil en long

est en cuvette au passage de la vallée. Il se raccorde, à l’ouest, à une pente descendant d’ouest en est à 2,62 % jusqu’au PK 16+995, et, à l’est, à une rampe montant d’ouest en est à 0,7 % à partir du PK 17+825. le schéma statique retenu par egis JMI découpe le viaduc en plusieurs tronçons de faible longueur dilatable. ainsi, les voies constituées de longs rails soudés peuvent le franchir sans l’aide d’appareils de dilatation. Il a donc été possible de raccorder ces deux déclivités par un rayon uni-que de 25 000 m, long de 830 m. le point bas se trouve sur le rem-blai d’accès est, au PK 17+650, à 4,45 m au-dessus du sol.

éQuiPeMeNTS DeS ouVrAgeSles réseaux d’exploitation sont placés de part et d’autre des voies dans des caniveaux préfabriqués en béton dont les dimensions sont les mêmes d’une lgV à l’autre. les supports des caténaires sont fixés sur des poteaux constitués d’un profilé

l’espacement des boggies de ces dix convois varie par pas d’un mètre de 18 à 27 m, de telle sorte que, pour un ouvrage donné, il se trouve toujours un convoi et une vitesse susceptibles d’exciter l’un des modes de vibration propres de l’ouvrage. de plus, la limite supérieure des vitesses à envisager, jusqu’ici fixée à V + 50 = 400 km/h, a été portée dans la stI à 1,2 V, soit 420 km/h.

lArgeur uTile De lA PlATe-ForMe FerroViAireles deux voies de la ligne sont écartées de 4,50 m. sur l’ouvrage, une piste de 0,75 m est prévue de chaque côté des voies, à 3,05 m au moins de l’axe de la voie la plus proche. la largeur mini-male de la plate-forme ferroviaire entre lisses des mains courantes de sécurité est alors de 12,30 m. sur les remblais d’accès, le bord inté-rieur de la piste doit être à 3,80 m de l’axe de la voie la plus proche. la largeur minimum de la plate-forme à l’interface entre la couche d’assise et le ballast est de 13,90 m.

ProFilS eN TrAVerS De lA PlATe-ForMeles voies sont constituées de longs rails soudés uIc 60, fixés tous les 60 cm sur des traverses en béton. elles sont posées sur ballast. de part et d’autre du viaduc, le ballast repose sur une structure d’assise de 55 cm d’épaisseur, mise en œuvre sur l’arase des terrassements. elle est déversée en toit, avec une pente de 4 %. sur ouvrage, le dévers de la dalle supportant le ballast est réduit à 1 %. l’épaisseur du ballast en tout point doit être au moins égale à 30 cm en zone courante, et à 40 cm sur ouvrage. compte tenu des tolérances d’exé-cution de la plate-forme et de mise en œuvre du ballast, on a pris en compte pour l’étude une épaisseur de 45 cm. suivant l’effet recherché, la masse des voies et du ballast est pondérée par 1 ou 1,3 pour obtenir la valeur caractéristique à considérer dans les calculs.

Vue en pLan du projet initiaL

ÉLÉVation du projet initiaL

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MARS / AVRIL 2010 TRAVAux n° 870 47

Écrans de protection phonique et écrans pare-ballast

une protection phonique est exigée de part et d’autre des voies sur toute la longueur du viaduc. en rive nord de la plate-forme, elle se poursuit sans dis-continuité sur le remblai d’accès ouest jusqu’à l’orée de la tranchée. les écrans de protection s’élèvent jusqu’à 1,10 m au moins au-dessus du rail le plus haut. sur le viaduc, les écrans de protection phonique servent aussi d’écrans pare-ballast destinés à retenir les pierres projetées par le pas-sage des trains, ainsi que de garde- corps pour le personnel d’entretien. À ce titre, ils sont équipés d’une main courante fixée à 1 m au-dessus de la piste. la hauteur des pare-ballast au-dessus de la piste qu’ils bordent est au moins égale à 1,50 m.

AccèS Aux ouVrAgeS eN exPloiTATioNPour pouvoir inspecter les viaducs sans interrompre l’exploitation des lignes à grande vitesse, la sncF a fait l’acqui-sition d’une passerelle mobile Moog, qui peut circuler sur les tabliers sans engager le gabarit ferroviaire. elle est équipée d’un bras télescopique et orientable qui permet d’examiner l’in-

trados et les faces latérales des tabliers, les appareils d’appui et les piles. cependant, elle n’est pas utilisable lors-que les tabliers comportent des poutres latérales hautes et larges. Il faut dans ce cas recourir à des nacelles télesco-piques automotrices.

un accès permanent sous l’ouvrage doit être assuré, dans des conditions qui per-mettent d’examiner toutes les surfaces extérieures. les volumes intérieurs des piles et des culées doivent pouvoir être inspectés. Il en va de même pour ceux des poutres-caissons métalliques, sauf lorsque leurs dimensions sont trop faibles pour le passage d’un homme. Pour amener à pied d’œuvre le maté-riel d’inspection et d’entretien des voies, des plates-formes rail-route reliées à la voirie locale sont prévues de part et d’autre du remblai d’accès est. elles ont été utilisées pour la construction du tablier du viaduc, assemblé sur ce remblai. elles permettront également l’accès des secours en cas d’accident sur la ligne. À l’extrémité ouest du viaduc, à l’orée de la tranchée, deux rampes de carac-téristiques réduites sont également prévues pour permettre l’accès des véhicules de secours.

coNTrAiNTeS ANThroPiQueSau PK 16+965, l’axe de la ligne coupe celui de l’autoroute a 36 suivant un biais de 57 grades. À cet endroit, l’autoroute est en remblai, à 4 m environ au-dessus du terrain naturel ; le profil en long de la lgV passe à une vingtaine de mètres au-dessus de la chaussée. la largeur droite de la plate-forme est d’une cin-quantaine de mètres entre pieds des talus (figure 3). l’autoroute, qui comportait initialement deux voies dans chaque sens, a été élargie par l’intérieur à 2 x 3 voies au début de la construction du viaduc. des écrans de protection phonique ont aussi été installés en crête des talus du remblai. la société concessionnaire, autoroutes Paris rhin rhône, a été associée dès la phase de concours au choix de la solu-tion de franchissement. des réunions de concertation ont permis de coordonner les travaux du viaduc et de l’autoroute, et de fixer les mesures de sécurité à prendre pendant les travaux. au PK 17+095, la ligne coupe le canal de la haute-saône, désaffecté, suivant un biais de 72 grades. le plan d’eau du canal se trouve à 17 m sous le profil en long de la ligne, et à 3,5 m au-dessus du terrain naturel.

heb 320 de 10 m scellé sur un massif en béton armé. certains sont munis d’un appareil tendeur. la distance entre le profilé et l’axe de la voie la plus proche doit être au moins égale à 2,62 m. l’espacement des poteaux, compris habituellement entre 40 et 45 m, a pu être adapté au rythme des travées conformément aux

souhaits de l’architecte. Pour assurer la protection électrique des ouvrages, leurs parties métalliques doivent être mises à la terre. la dalle en béton armé du tablier est protégée par un complexe d’étanchéité constitué d’une chape adhérant au sup-port et d’une contre-chape de protec-tion lourde anti-poinçonnement.

Écrans de protection phonique

3- Vue en plan du projet initial.4- Élévation du projet initial.5- Étude architecturale des piles.

3- Plan view of the initial design.4- Elevation view of the initial design.5- Architectural design of the piers.

Étude arChiteCturaLe des piLes

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OUVRAGES

ARTCONSTRUIRE ENTRETENIRRÉHABILITER

d’

argileuses et lâches que l’on approche de la surface. Il est altéré et fracturé sur une épaisseur variable de 2 à 8 m. sa surface est irrégulière, striée de fissures remplies d’argile et de cailloutis. Jusqu’à la rd 25, le versant est n’est pas structurellement différent : sous des alluvions et colluvions argilo-graveleu-ses, on retrouve le substratum marno-calcaire à une profondeur variable de 3 à 10 m. Plus encore que dans la vallée, on observe de fortes irrégularités de sa surface, dont le niveau peut varier de 3 à 5 m entre deux forages distants de 10 m seulement. ces hétérogénéités résultent de l’élargis-sement des fractures de la roche par les circulations d’eau : après avoir dissout les matériaux carbonatés broyés qui les tapissaient, celles-ci n’ont laissé subsister que des résidus argileux. cette fracturation intense s’explique par la proximité d’une faille subverticale que signale l’apparition, à l’est de la rd 25, d’un substratum oligocène, plus récent que celui de la plaine alluviale. Il a fallu multiplier les sondages pour étayer cette interprétation, et démontrer que les matériaux argileux compressibles rencontrés sous le futur remblai est ne constituaient pas une couche continue. ainsi, le préchargement et les drains verticaux qui avaient d’abord été envi-sagés ont pu être supprimés.

hydrogéologiePour suivre les mouvements des nappes, on a implanté sur le site une dizaine de piézomètres, relevés chaque mois pendant plus de deux ans. dans le lit majeur de la savoureuse et aux abords de la culée est, la nappe phréa-tique est pratiquement horizontale. elle oscille peu (entre 335 et 336,5 ngF).

karstificationles calcaires jurassiques sont suscep-tibles de contenir des karsts. or l’effon-drement du toit d’une cavité souterraine ou le débourrage brutal des matériaux meubles qui la remplissent peuvent provoquer un affaissement de la plate-forme ferroviaire, risque majeur pour la circulation des trains à grande vitesse. Il est donc très important de détecter et de traiter les karsts au moment des travaux. une première étude, effectuée par calligée sur l’ensemble du tracé, avait signalé que le versant ouest de la vallée était principalement concerné. de fait, dès les premières reconnaissances, en 2003, des sondages ont rencontré des passages argileux de 40 cm à 1 m dans l’épaisseur de bancs calcaires, à des profondeurs variant de 7 à 14 m. une reconnaissance par micro-gravi-métrie, effectuée en mai 2004 par la

Il est contenu par deux digues en rem-blai supportant les chemins de halage, transformés en pistes cyclables. la largeur droite du canal est de 17 m entre berges, et d’une quarantaine de mètres entre pieds des digues. compte tenu de la vétusté de l’ouvrage, il convenait d’éviter tout déblai et toute surcharge susceptibles de compro-mettre l’étanchéité ou la stabilité des digues. là encore, le gestionnaire du canal, Voies navigables de France, a été associé dès la phase de concours au choix de la solution de franchissement. À sa demande, l’étanchéité de la digue a été renforcée au début des travaux du viaduc par un rideau de palplanches de 60 m de longueur.

au PK 17+175, la lgV coupe l’an-cienne rn 437 suivant un biais de 79 grades. son profil en long passe à 18 m environ au-dessus de la chaussée. celle-ci a 8 m de large et ne comporte qu’une voie dans chaque sens, mais la circulation est intense.

Parmi les réseaux à franchir, l’obstacle le plus important était, au milieu de la brèche, une ligne électrique aérienne à trois câbles de 63 kV qu’il a fallu enterrer avant le démarrage des tra-vaux du viaduc, le profil en long de la lgV n’étant pas compatible avec les gabarits d’isolement. Il a aussi fallu protéger une conduite de gaz de 150 mm et une ligne électrique enterrée de 20 kV qui passaient sous le futur remblai est, ainsi qu’une conduite d’eau potable de 600 mm située entre le canal et l’a 36. enfin, de nombreux réseaux longeaient la rn 437. les tra-vaux de repérage et de déviation ont duré plusieurs semaines au démarrage du chantier.

Activités commerciales le long de la route nationale

À l’est de la rn 437, la nouvelle ligne survolait, sur une longueur de 70 m environ, la halle abritant la réception des marchandises et le service après-vente d’un grand magasin d’ameublement. Il aurait été très onéreux d’exiger que la construction du viaduc n’affecte pas ce bâtiment, car il eût fallu pour le franchir une travée d’une centaine de mètres de portée. Il eût été plus coûteux encore de déplacer l’ensemble du magasin. rFF a donc accepté de prendre en charge la démolition de la halle, qui a été incluse dans le marché de travaux du viaduc. les services correspondants ont été transférés dans un nouveau hangar, construit au nord du bâtiment principal, où l’activité du magasin a été

maintenue pendant toute la durée des travaux. aucune reconnaissance préalable n’a pu être effectuée dans l’emprise de la halle. si la géologie est restée sans sur-prises, de nombreux réseaux non réper-toriés ont été découverts à l’ouverture des fouilles. les magasins de taille plus modeste implantés à l’ouest de la route ont pu être achetés en totalité au démarrage des travaux, avec les parcelles qu’ils occupaient.

coNTrAiNTeS géologiQueSla vallée de la savoureuse est le lieu d’un grand accident tectonique, d’orientation générale nne-sso. les abrupts qui marquent le versant ouest correspondent à des plans de faille. Mais d’autres lignes de fracture, masquées par les alluvions de la rivière, découpent aussi les marnes et les cal-caires qui constituent le substratum de la vallée. du fait de cette histoire géologique mouvementée, la géométrie et l’état d’altération des différents matériaux du sous-sol sont très variables. À l’ouest, le massif rocheux du bois de bermont est constitué de bancs de marnes et de calcaires, faiblement inclinés vers l’est. dans la zone concernée par les travaux, deux plans de faille principaux d’inclinaison quasi verticale délimitent deux gradins qui dominent la rivière. leurs bords sont découpés en festons par des fractures secondaires, orientées suivant deux directions bien percepti-bles dans la topographie. dans la plaine alluviale de la savou-reuse, large de près d’un kilomètre, le substratum jurassique est recouvert par 5 à 10 m d’alluvions, d’autant plus

6- Attache des poutrelles enrobées du projet initial.7- Raidissage interne de l’embase métallique.8- Modèle aux éléments finis de l’encastrement du tablier sur les béquilles (projet initial).

6- Attachment of composite joists in the initial design.7- Internal stiffening of the steel base.8- Finite element model of deck embedment on the struts (initial design).

attaChe des poutreLLes enrobÉes du projet initiaL

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MARS / AVRIL 2010 TRAVAux n° 870 49

pour l’étude des composantes hori-zontales du séisme est alors de 2 m/s² pour les justifications vis-à-vis de l’état limite ultime, et de 0,6 m/s² pour les justifications vis-à-vis de l’état limite de service. l’accélération verticale est égale à 70 % des valeurs précédentes. le viaduc est supposé libre de toute charge d’exploitation lors du séisme. en revanche, le référentiel de la ligne exige que, sous l’action sismique de service, l’ensemble de l’ouvrage reste dans le domaine élastique, et cette condition s’est avérée déterminante.

le Milieu NATurelles zones directement concernées par le viaduc ne font l’objet d’aucune protection réglementaire. cependant, le marché de travaux a inclus un plan de respect de l’environ-nement, exigeant notamment que la

végétation soit préservée sur les berges des cours d’eau, et dans la zone humide comprise entre l’autoroute et le canal. des mesures de protection étaient également prescrites au pas-sage des pistes de chantier dans la zone située à l’ouest du canal et au sud du viaduc, dont une grande partie est classée ZnIeFF. la ligne nouvelle traverse la savou-reuse vers le PK 16+770, suivant un biais de 70 grades. le lit mineur a une largeur droite de 25 m ; il est encaissé d’environ 3 m par rapport à la plaine. au pied du remblai d’accès est (PK 17+349), le ruisseau de la Varonne est le dernier obstacle franchi par le viaduc. la qualité de ces eaux est moyenne, et la faune est peu déve-loppée. néanmoins, les travaux ont été entourés de toutes les précautions couramment exigées.

compagnie générale de géophysique, a néanmoins permis d’écarter le risque de cavités de grande taille dans l’emprise du remblai ouest. elle a été confirmée par des sondages destructifs réalisés à l’emplacement des anomalies les plus accentuées, puis, en octobre 2006, par une nouvelle reconnaissance par pan-neaux électriques effectuée par edg. dans la plaine alluviale, la recherche systématique de cavités sous les futurs appuis a confirmé la fréquence, à la surface du substratum, de zones de surcreusement ou de fracture remplies de matériaux meubles. lors de l’exé-cution des fondations profondes, cette topographie très irrégulière a occasionné des difficultés. dans l’épaisseur du substratum, des indices de karstification ont été obser-vés sous la plupart des piles. cependant, les mesures géophysiques

au cylindre électrique effectuées autour d’une trentaine de forages n’ont révélé aucune anomalie qui puisse remettre en cause les dimensions des fondations.

la recherche systématique des cavités souterraines s’est poursuivie pendant les travaux, en réalisant un sondage destructif dans l’axe de chacun des pieux de fondation avant de commencer le forage. les cavités rencontrées sont restées de petite taille, de l’ordre de quelques décimètres, plus rarement du mètre. on a rencontré très peu de vides francs : les cavités étaient presque tou-jours remplies de matériaux argileux.

SiSMiciTéle viaduc est situé en zone I b (sismi-cité faible). Il est rangé dans la classe c définie par le décret du 14.5.1991. l’accélération nominale à considérer

raidissaGe interne de L’embase mÉtaLLique

modÈLe auX ÉLÉments finis de L’enCastrement du tabLier sur Les bÉquiLLes(PROJET INITIAL)

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TRAVAux n° 870 MARS / AVRIL 2010 50

OUVRAGES

ARTCONSTRUIRE ENTRETENIRRÉHABILITER

d’

les quatre béquilles d’une pile sont identiques et symétriques. le décalage des tôles au niveau de l’encastrement des béquilles sur les poutres-caissons du tablier reste en effet compatible avec les tolérances d’exécution des assemblages soudés.

cArAcTériSTiQueS Du ProJeT iNiTiAlc’est le franchissement biais de l’a 36 qui détermine la longueur des travées. Pour qu’elle soit la plus courte possible tout en minimisant les fouilles à réaliser dans le remblai de l’autoroute, les

semelles des piles adjacentes ont été disposées parallèlement aux talus, et on les a rehaussées au-dessus du terrain naturel. ainsi, la circulation a pu être maintenue pendant les travaux, au prix d’un blindage battu en crête des talus. la même disposition a été adoptée pour les piles encadrant le canal, pour éviter d’entailler les digues. on a pu ainsi franchir la vallée par douze travées de 66 m, encadrées par deux tronçons courts de 12 m prolongeant la traverse des portiques de rives. la longueur entre axes des appuis extrêmes était de 816 m.

les crues de la savoureuse sont rapides et violentes. elles surviennent entre novembre et mars, quand de fortes pluies tombent en plaine alors que la neige fond sur les sommets des Vosges. au droit de l’ouvrage, la rivière sort de son lit mineur pour des crues de période de retour voisine de 5 ans (environ 100 m3/s). elle inonde alors la plaine jusqu’au remblai de l’a 36. au-delà du débit décennal (140 m3/s), l’eau envahit la zone comprise entre l’autoroute et le canal. Pour des crues plus importantes (période de retour de 30 à 40 ans), l’eau franchit la diguette construite à l’est du canal, à 300 m en amont du viaduc, pour protéger le village de trévenans. la nappe d’eau atteint alors 10 à 50 cm de part et d’autre de la rn 437. l’enjeu principal était donc de ne pas augmenter la fré-quence des crues susceptibles d’inon-der le village et sa zone commerciale. Il convenait aussi de ne pas aggraver la vulnérabilité de deux habitations situées au pied du village de bermont.une étude spécifique a été réalisée par hydratec en novembre 2005 pour éva-luer l’impact de l’ouvrage sur l’écoule-ment des crues, en situation définitive et pendant sa construction. elle a établi qu’une fois construit, le viaduc n’ag-graverait pas la situation antérieure, même si l’on rehaussait la semelle des piles voisines de l’autoroute et du canal en les entourant par des remblais de remodelage adossés au remblai et aux digues. l’impact des travaux sur l’écoulement des crues a été étudié en détail, en tenant compte des obstruc-tions engendrées par les échafaudages de trois piles, supposées construites en même temps, et par les rampes d’ac-cès du pont provisoire à construire pour accéder aux appuis ouest. en outre, le marché de travaux a imposé de réali-ser par décaissement toutes les pistes de chantier tracées au travers du lit majeur.

choix De coNcePTioNla dissymétrie du profil en long, incliné d’un seul côté, le biais de l’ouvrage par rapport à la vallée et aux voies qui la parcourent et la dispersion des obsta-cles sur toute la longueur du futur via-duc constituaient autant d’arguments en faveur d’une structure simple et régulière, ordonnée selon son rythme propre, et où le cheminement des efforts serait clairement lisible. un tablier d’épaisseur constante découpé en travées égales et des piles façonnées suivant une forme unique malgré la forte variation du tirant d’air

ont paru le meilleur moyen de relier entre eux les divers éléments d’un site morcelé et relativement hétérogène. le tablier devait être aussi mince que possible pour ne pas être écrasant. afin de minimiser son impact visuel, on a choisi des poutres porteuses en acier, et on les a placées de part et d’autre des voies pour qu’elles tiennent lieu d’écrans phoniques et de pare-ballast. ainsi, la hauteur vue des poutres ne s’ajoute pas à celle des écrans. Pour diminuer encore la hauteur des poutres porteuses, on a imaginé de les encastrer sur des béquilles inclinées, suivant un schéma statique assez proche de celui que n. esquillan avait adopté en 1952 pour le pont ferroviaire de la Voulte, sur le rhône. les béquilles encastrées sur les pou-tres devaient être en acier comme elles. Pour diminuer leur encombrement et améliorer leur aspect, on a donné aux unes comme aux autres une section en caisson.le schéma fonctionnel retenu par l’équipe de conception est celui d’une succession de portiques indépendants, séparés au niveau du tablier par des joints de dilatation, mais réunis à la base des béquilles par un soubasse-ment commun. la continuité géomé-trique du tablier au droit des joints est assurée par des appareils d’appui glissants, qui transmettent les efforts perpendiculaires à l’axe du pont en lais-sant libres les mouvements relatifs des tronçons suivant l’axe longitudinal de l’ouvrage. afin de prévenir tout décol-lement des appuis sous chargement dissymétrique, les joints sont décalés par rapport à l’axe des piles (figure 4). entre deux joints successifs, la longueur dilatable des tronçons est suffisamment courte pour que l’on puisse se passer d’appareils de dilatation des voies et de joints garde-ballast. Il en résulte une simplification des opérations d’entretien.

chacune des piles sert d’appui com-mun aux deux portiques qui l’encadrent. elle se compose donc de quatre béquilles métalliques qui convergent vers un socle unique en béton armé de hauteur variable, encastré sur la semelle de fondation. l’ensemble a fait l’objet d’une recherche architecturale très approfondie (figure 5). toutes les piles se déduisent d’un modèle unique par simple troncature de la partie basse du socle. À cette fin, l’axe de symétrie de la pile est disposé perpendiculairement au profil en long de la lgV, et non suivant la verticale. Malgré la courbure en plan du tablier,

rÉsistanCe des matÉriauX auX États Limites de serViCe et auX États Limites uLtimes LES CONTRAINTES NORMALES EXTRêMES RELEVÉES à L’ÉTAT LIMITE ULTIME SONT Dans les poutres-caissons du tablier : • En travée (S 355) :

• à l’encastrement sur les béquilles des culées (S 460) :

• à l’encastrement sur les béquilles des piles (S 460) :

En tête des béquilles des tétrapodes (S 460) :

rÉsistanCe des matÉriauX à La fatiGue sous soLLiCitations rÉpÉtÉes L’AMPLITUDE DE VARIATION DES CONTRAINTES EST CALCULÉE SOUS LES CHARGES FERROVIAIRES DE L’UIC • En fibre supérieure du tablier : • En fibre inférieure du tablier : • Au sommet des béquilles :

CritÈres spÉCifiques auX ponts-raiLs SÉCURITÉ DES CIRCULATIONS FERROVIAIRES

Limitation de la longueur des tronçons : longueur maximale : 80,2 m < 90 mLimitation du gauche des voies : t = 0,1 mm < 1,5 mm sur 3 mLimitation des rotations d’extrémités des tronçons du tablier : • Sur culée ouest : q = 0,6.10-3 radian < 3,5.10-3 radian • Sur culée est : q = 0,9.10-3 radian < 3,5.10-3 radianEntre tronçons successifs : q1 + q2 = 1,3.10-3 radian < 5.10-3 radianLimitation des déformations du tablier dans le plan de la dalle : • Cassure angulaire au droit des culées :

q = 0,02.10-3 radian < 1,5.10-3 radian • Rayon de courbure en plan imposé au tablier :

R = 28 900 m > 17 000 mLimitation à 5 mm du déplacement longitudinal du tablier sous freinage-démarrage des trains : le critère est respecté strictement.

CONFORT DES VOyAGEURS (CRITèRES SIMPLIFIÉS DU FASCICULE 2.01)

Flèche de la traverse des portiques : 22,5 mm < 24 mmFlèche du tablier à l’aplomb des piles : 10,3 mm < 17 mm

prinCipauX rÉsuLtats des CaLCuLs statiques

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MARS / AVRIL 2010 TRAVAux n° 870 51

trois quarts de leur hauteur. l’épaisseur des membrures supérieures, larges de 1,30 m, variait de 40 à 70 mm, et celle des membrures inférieures, larges de 1,60 m, de 35 à 85 mm. dans les zones d’encastrement des béquilles, les âmes des poutres-caissons et les diaphragmes obliques prolongeant les parois des béquilles étaient prévus en acier s 460. les autres tôles étaient de nuance s 355.le hourdis de 13 m de largeur était constitué de poutrelles hea 500 en acier s 355 enrobées de béton. l’épaisseur maximale du béton était de 62 cm dans l’axe du pont (coffrage perdu compris). des relevés latéraux enrobaient les attaches des poutrelles et calaient les caniveaux préfabriqués. Ils étaient connectés sur la paroi des poutres-caissons latérales au moyen de goujons nelson. comme sur la plupart des raPl, les poutrelles étaient espa-cées de 75 cm. Il était prévu de les boulonner sur des mouchoirs soudés sur la paroi des caissons. une poutrelle

sur quatre, disposée dans le plan des diaphragmes des poutres-caissons principales, devait jouer le rôle d’entre-toise de rigidité lors du lancement du tablier ; ses attaches sur les caissons latéraux étaient renforcées afin d’as-surer son encastrement. les poutrelles courantes n’étaient boulonnées qu’au niveau de leur âme (figure 6). au droit des béquilles d’appui du tablier, le dis-positif précédent avait dû être renforcé : les poutrelles étaient remplacées par des profilés reconstitués soudés plus épais, afin de constituer avec le tirant transversal reliant la tête des béquilles un entretoisement très rigide.

leS PileSla partie métallique des piles, baptisée tétrapode, était composée de tôles de 50 à 100 mm. compte tenu de l’inten-sité des efforts d’encastrement sur le tablier, il était prévu de réaliser le haut des béquilles en acier s 460. Initiale-ment, le passage du matériau acier au matériau béton devait avoir lieu au niveau le plus étroit de la pile. Malgré son faible diamètre (4,40 m) et l’ajout d’une précontrainte de clouage consti-tuée de 20 barres Ø 50 mm, la section d’appui n’était pas assez comprimée pour assurer par simple frottement le transfert des efforts horizontaux dus aux séismes et au freinage des trains. Pour que les barres de clouage ne soient sollicitées qu’en traction, on avait donc ajouté une clé de cisaillement cylin-drique en tôle de 60 mm d’épaisseur, scellée dans une réservation ménagée au sommet du socle. À la fin des études de projet, le calcul aux éléments finis d’un tétrapode a montré que, pour obtenir la rigidité escomptée dans les calculs de stabilité générale, l’embase métallique com-mune aux quatre béquilles devait être très fortement raidie. Pour y parvenir tout en maintenant l’accès nécessaire à la mise en œuvre et à la surveillance des barres de clouage, il a fallu multi-plier les raidisseurs (figure 7).

transversalement, le tablier prévu par l’équipe de conception s’apparentait aux ponts types raPl de la sncF : les deux poutres maîtresses, placées de part et d’autre des voies, étaient reliées à leur base par un hourdis en poutrelles enrobées disposées per-pendiculairement à l’axe de l’ouvrage. après le viaduc de saint-andré à lille (V = 200 km/h), plusieurs ponts-rails de ce type ont été réalisés sur la lgV Méditerranée, la lgV est et la lgV Perpignan-Figueras, pour une vitesse de référence de 350 km/h. la solution proposée se distinguait ici par le remplacement des poutres en I des raPl classiques par des caissons, de rigidité supérieure. ces caissons hauts et étroits (3,50 m x 1,10 m) étaient raidis intérieurement par des diaphragmes espacés de 3 m, disposés dans le plan des poutrelles principales du hourdis. l’épaisseur des âmes des poutres-caissons variait de 16 à 20 mm. elles étaient raidies longitudinalement par des plats disposés au tiers et aux

9- Premier mode de vibration du projet initial : F = 1,08 hertz (balancement transversal).10- Déformation du tablier du projet initial sous l’effet d’une augmen-tation de sa température de 35° C.

9- First vibration mode of the initial design: F = 1.08 Hertz (transverse swaying).10- Deformation of the deck in the initial design due to a 35°C increase in its temperature.

premier mode de Vibration du projet initiaL : f = 1,08 hertZ(BALANCEMENT TRANSVERSAL)

dÉformation du tabLier du projet initiaLSOUS L’EFFET D’UNE AUGMENTATION DE SA TEMPÉRATURE DE 35° C

9

10

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OUVRAGES

ARTCONSTRUIRE ENTRETENIRRÉHABILITER

d’

de vérins permettant de régler finement sa position dans l’espace, puis scellé au mortier sans retrait.

éTuDeS De ProJeTle référentiel technique de la ligne renvoie au fascicule 2.01 de la sncF, complété par le cahier-programme relatif à l’étude dynamique des ponts-rails qui détaille les prescriptions de la stI. l’étude sous charges statiques inclut : la vérification des contraintes aux états limites de service et aux états limi-tes ultimes, la vérification des états limites spécifiques aux ponts-rails, la vérification des matériaux vis-à-vis de la fatigue. les calculs dynamiques concer-nent l’accélération verticale et les déformations du tablier sous le convoi universel et les trains réels et la vérification de la structure sous solli-citations sismiques. les effets de l’interaction voie-ouvrage d’art et le confort des voyageurs ont fait l’objet d’une étude spécifique, car, du fait de son schéma statique inhabi-tuel, on pouvait craindre que les critères simplifiés définis dans le référentiel ne soient plus valides pour le viaduc de la savoureuse. cette étude a été sous-traitée à la direction de l’ingénierie de la sncF.

c’est pourquoi on a ajouté dans le dossier de consultation des entreprises une variante, dans laquelle l’embase des tétrapodes était réalisée en béton armé. les quatre béquilles métalliques étaient ancrées individuellement dans cette embase, au moyen de 18 barres de pré-contrainte. là encore, chacun des plans de contact acier-béton était traversé par une clé de cisaillement en acier.aux extrémités de l’ouvrage, les deux béquilles des portiques de rive venaient s’encastrer dans un socle en béton armé, solidaire de la palée supportant les appareils d’appui du tronçon de rive, long de 12 m seulement. cette palée était noyée dans le bloc technique du remblai d’accès, dont le talus était protégé par un perré.

FoNDATioNSla compacité médiocre des matériaux de couverture impose des fondations profondes. Pour respecter la limite imposée par le référentiel au déplacement horizontal du tablier sous les efforts de freinage et démarrage des trains, ces fondations doivent être très rigides. en effet, en l’absence d’appareils de dilatation sur les voies, ce déplacement ne doit pas dépasser 5 mm, sous un effort qui peut atteindre 7 Mn. les fondations prévues pour les piles dans le projet initial étaient constituées de dix barrettes de 82 cm d’épaisseur ancrées dans le rocher sain. suivant la hauteur de la pile et la profondeur du rocher, les barrettes avaient une lon-gueur de 2,20 ou 2,70 m. elles formaient autour du socle une enceinte discontinue de plan carré, offrant la plus grande surface possible à la réaction horizontale du sol. l’épaisseur des semelles de répartition variait de 1,65 à 2,60 m suivant les dimensions du socle. elles étaient calées au plus près de la surface du sol afin de minimiser le coût des batardeaux provisoires nécessaires à leur exécution dans des matériaux perméables, saturés par la nappe alluviale. sous les culées, le massif d’encastrement des béquilles était fondé sur huit barrettes disposées comme sous les piles, et la palée enterrée sur quatre autres, placées sous les poteaux. deux butons reliant les semelles permettaient de mobiliser l’ensemble de la culée pour résister aux poussées des béquilles et du remblai.

MéThoDeS De coNSTrucTioN eNViSAgéeSles pentes raides du versant ouest, la rivière, l’autoroute, le canal et la route

nationale découpent la brèche en six secteurs, entre lesquels les commu-nications sont difficiles. ainsi, pour traverser l’autoroute a 36, le passage supérieur le plus proche est à un kilomètre du site. afin de réduire les circulations de chantier, on a prévu de mettre en place l’ossature métallique du tablier par lancement à partir d’une plate-forme d’assemblage installée sur le remblai est, le plus facilement acces-sible. néanmoins, on a dû inclure dans le marché de travaux près de quatre kilomètres de pistes, un pont provisoire sur la savoureuse, ainsi que le rem-placement du tablier d’un pont existant sur le canal. en outre, la piste principale du chan-tier, tracée entre la culée ouest et la rn 437, devait aussi être utilisée par les terrassiers de la section courante pour transférer 320 000 m3 de maté-riaux d’une rive à l’autre de la brèche.dès le stade du projet, on s’est préoc-cupé des problèmes posés par la mise en place des tétrapodes et par l’assem-blage du tablier sur les béquilles. Pour pouvoir régler avec toute la précision nécessaire la position du tétrapode sur le socle, on a prévu d’interposer entre les deux un anneau de positionnement. ajusté en usine à la face inférieure du tétrapode, cet anneau d’acier très rigide devait être calé sur le socle au moyen

projet initiaL : portiques à bÉquiLLes

«»

LA COMPACITÉ MÉDIOCRE

DES MATÉRIAUX DE COUVERTURE

IMPOSE DES FONDATIONS

PROFONDES

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été effectuée afin de valider les rigidités introduites dans les modèles à barres, et d’étudier en détail la résistance des tôles aux efforts locaux. Pour s’affranchir des effets de bord induits par la proximité entre la zone d’étude et les points d’introduction des efforts, et pour tenir compte de la parti-cipation du hourdis et des tirants trans-versaux, les deux tranches du tablier couvrant les sections d’encastrement des béquilles ont été modélisées aussi (figure 8).

cAlculS STATiQueSles dimensions de l’ouvrage sont déter-minées par les critères de sécurité des circulations ferroviaires, qui exigent une très grande rigidité. c’est notamment le cas de la limitation à 5 mm du déplacement longitudinal du tablier sous l’effet du freinage des trains, que l’on s’est appliqué à respec-ter sans tenir compte de la participation des rails, conformément aux prescrip-tions simplifiées du fascicule 2.01. de ce fait, les critères de stabilité et de résistance sont aisément satisfaits, sauf en deux zones dont le haut niveau de sollicitation a été mis en évidence par le calcul aux éléments finis : l’em-base commune aux quatre béquilles d’un tétrapode, qu’il a fallu fortement raidir et les nœuds supérieurs des por-

tiques, notamment la partie supérieure des béquilles, qu’il a fallu passer en acier s 460. les résultats principaux sont présentés dans l’encadré page 50.

cAlculS DyNAMiQueS SouS SéiSMeSles effets des séismes ont été étudiés par analyse multimodale, en appliquant les spectres normalisés de l’aFPs. on a exploité les 120 premiers modes propres. aux els, les déplacements relatifs entre tronçons successifs du tablier, ou entre les extrémités de celui-ci et les culées, restent inférieurs aux limites exigées par la circulation des trains : déplacements suivant la direction lon-gitudinale du pont, 15 mm < 20 mm ; déplacements suivant la direction trans-versale du pont, 10 mm < 20 mm ; cassure angulaire au droit des joints, 0,8.10-3 radian < 3.10-3 radian. les contraintes dans la charpente sous combinaison sismique de service ne dépassent pas 250 MPa.

cAlculS DyNAMiQueS SouS TrAiN DyNAMiQue uNiVerSelsous les dix trains du convoi univer-sel, l’accélération verticale du tablier doit être calculée pour la vitesse de référence V (350 km), pour 1,2 V (420 km/h) et pour trois vitesses cri-tiques déterminées par Vc = λ F, où λ est l’espacement des boggies et F la période d’un mode propre associant une déformation importante dans le plan vertical et une masse modale conséquente. on ne s’attache qu’aux modes de fré-quence inférieure à 20 hertz. la structure proposée étant fortement hyperstatique, ses modes propres de vibration sont complexes et ne la mobi-lisent qu’en partie. ainsi, les premiers modes correspon-dent au balancement de quatre travées consécutives dans le plan transversal (figure 9). Faute de vitesses critiques bien identi-fiées, les calculs ont été menés en aug-mentant progressivement la vitesse des convois par pas de 25 km/h entre 200 et 350 km/h, puis par pas de 20 km/h entre 380 et 420 km/h. on constate que l’amplification dyna-mique reste faible jusqu’à 350 km/h. c’est dans les travées de rive et dans les tronçons courts entre V des béquilles qu’ont été constatées les accélérations les plus fortes. les déformations du tablier restaient très inférieures aux limites fixées.

MoDèleS De cAlculaux stades du concours et de l’avant-projet, deux modèles tridimensionnels à barres de la totalité de l’ouvrage avaient été construits. le premier, réa-lisé à l’aide du logiciel st1, était utilisé pour les calculs sous charges statiques. le second, réalisé à l’aide du logiciel hercule, était utilisé pour les calculs dynamiques (passage du tgV double rame à 400 km/h et séismes). l’étude de cas élémentaires avait per-mis de s’assurer que les deux modèles donnaient les mêmes résultats. au stade du projet, un troisième modèle tridimensionnel complet a été réalisé à l’aide d’un nouveau logiciel afin d’étudier les effets des dix convois du train dynamique universel a jusqu’à 420 km/h, conformément à la spécifi-cation technique d’interopérabilité. ce logiciel permettait de systématiser la génération des cas de charge pour des gammes étendues de véhicules et de vitesses, et d’obtenir dans des délais acceptables tous les résultats requis sous une forme synthétique. la défini-tion des éléments restait inchangée à une exception près : le gril de poutres représentant le hourdis du tablier avait été remplacé par des éléments finis isotropes de type coque. enfin, une modélisation fine d’un tétra-pode au moyen d’éléments coques a

11- Schémas fonctionnels comparés. Projet initial : poutres en caissons reliées par une dalle en poutrelles enrobées. Ouvrage exécuté : poutres en C reliées par des pièces de pont.

11- Comparative block diagrams. Initial design: box girders connected by a composite joist-slab system. As-built structure: box girders connected by transverse girders.

ouVraGe eXÉCutÉ : traVÉes indÉpendantes11

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OUVRAGES

ARTCONSTRUIRE ENTRETENIRRÉHABILITER

d’

cAlculS DyNAMiQueS SouS coNVoiS réelSles effets d’une double rame tgV ont été également examinés. les valeurs extrêmes de l’accélération verticale res-taient inférieures à la limite de 3,5 m/s² fixée par le référentiel. l’endomma-gement des soudures sous les effets dynamiques de la double rame, calculé suivant les prescriptions du référentiel, restait inférieur à 0,6 pour une valeur limite de 1.

iNTerAcTioN Voie-ouVrAge D’ArTcette étude particulière avait pour but de calculer les contraintes supportées par les rails du fait de l’interaction voie-ouvrage d’art, et de confirmer qu’il était loisible de négliger cette interaction dans la justification de l’ouvrage lui-même. cet objectif a été atteint. les contraintes obtenues dans les rails en cumulant les effets extrêmes de la température, du freinage et de la flexion du tablier restaient bien inférieures aux limites fixées par l’eurocode (nF en 1991-2 art. 6.5.4.5.1) : contraintes maximales de compression, 48 MPa < 72 MPa ; contraintes maximales de traction, 58 MPa < 92 MPa. les efforts calculés sous les effets de la température et du freinage en tenant compte de l’interac-tion voie-ouvrage étaient près de deux fois plus faibles que lorsque cette inte-raction était ignorée. apparemment, du fait de la continuité des rails, les effets du freinage ou de la température se répartissent entre les portiques succes-sifs constituant le viaduc et se reportent en partie sur les remblais d’accès.

coNForT DeS VoyAgeurSles critères de flèche définis dans le fascicule 2.01 de la sncF ne couvrent que les travées isostatiques et les tabliers assimilables à une poutre conti-nue sur appuis simples. Il a donc fallu calculer directement l’accélération verticale subie par les passagers d’une double rame tgV lorsqu’elle traverse l’ouvrage, à 300 puis à 350 km/h, en modélisant la sus-pension et la masse de ses différents éléments. on a observé que c’étaient les montagnes russes engendrées par la déformation des portiques sous l’effet de la température qui étaient prioritai-rement responsables des accélérations subies par les voyageurs (figure 10). À 350 km/h, l’accélération maximale dans les voitures passe de 0,7 m/s² lorsque la température n’intervient pas à 1,9 m/s² lorsqu’une variation de

35° c de la température de l’ouvrage impose au tablier et à la voie un profil en long ondulé.d’après le tableau a2.9 de l’annexe a2 de la nF en 1990/a1, une accélération de 2 m/s² correspond à un niveau de confort acceptable, et une accélération de 1 m/s² à un très bon niveau de confort. c’est ce très bon niveau qui est recherché sur les chemins de fer français. cette étude indépendante a confirmé les accélérations verticales du tablier qui avaient été calculées, sauf aux extrémités de l’ouvrage où elle a fourni des valeurs plus élevées. Il avait donc été décidé de raidir les extrémités du hourdis par une entretoise d’appui plus rigide que les poutrelles courantes.

le ProJeT exécuTéle dossier de consultation a été remis aux concurrents retenus le 4 août 2006. six offres ont été rendues. les concurrents avaient soigneusement étudié les méthodes de construction du viaduc en tenant compte des contraintes imposées. le groupement constitué des entreprises eiffel (mandataire), eiffage tP, Forézienne d’entreprises et sPIe Fondations a été retenu. les modifications apportées par l’en-trepreneur au projet de l’équipe de conception concernent :à le schéma fonctionnel : initialement constitué de douze portiques réunis à la base des béquilles par une fondation commune, il est désormais constitué de douze travées indépendantes de 45,55 m, appuyées aux extrémités de courts tronçons de tablier (20,45 m), encastrés sur les quatre béquilles de chacun des tétrapodes (figure 11) ;à les poutres porteuses latérales : les caissons métalliques de 3,5 m de hau-teur ont été remplacés par des poutres en c de 4 m, plus faciles à façonner (figure 12) ;à la structure transversale du tablier : les poutrelles enrobées qui reliaient les poutres latérales ont été remplacées par un système plus léger mais beau-coup plus rigide, constitué de pièces de pont hautes et rapprochées, supportant une dalle mince en poutrelles enrobées (figure 12) ;à les fondations profondes : les barrettes en parois moulées ont été remplacées par des pieux forés de 1,6 m de diamètre, moins sensibles aux irrégularités du substratum.

TrAVure eT iMPlANTATioN DeS APPuiSl’implantation des piles n’a pas été modifiée. l’extrémité ouest du tablier a

projet initiaLPOUTRES CAISSONS RELÉES PAR UNE DALLE EN POUTRELLES ENROBÉES

ouVraGe eXÉCutÉPOUTRES EN C RELIÉES PAR DES PIèCES DE PONT

12

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MARS / AVRIL 2010 TRAVAux n° 870 55

TABlierau départ, l’entrepreneur avait prévu de remplacer les poutres-caissons latérales par des poutres en I. on éliminait ainsi les contraintes d’ajustage des raidis-seurs et d’accessibilité du volume intérieur. soucieux de rester fidèle au parti architectural, le maître d’ouvrage a demandé d’excentrer l’âme unique vers l’extérieur du tablier. cette disposition inhabituelle a simplifié le raidissage de l’âme et facilité la tran-sition avec les sections en caisson, qui ont été conservées dans les zones où les béquilles viennent s’encastrer sous les poutres, ainsi qu’au droit des appareils d’appui. en revanche, elle engendre des déformations et des contraintes dues à la torsion gênée des poutres, inconnues dans le cas des tabliers à poutres latérales classiques. Pour y remédier, le bureau d’étude a choisi de bloquer le gauchissement de la section en c à l’extrémité des poutres par du béton armé relevé le long de l’âme et solidement connecté. l’épaisseur de ce doublage varie progressivement de 20

à 75 cm, afin d’assurer la diffusion de l’effort tranchant de l’âme unique de la section courante vers les deux âmes des caissons d’appui. l’efficacité de ce dispositif innovant a été vérifiée par un calcul aux éléments finis (figure 12).

Pour obtenir la rigidité nécessaire sous sollicitations dynamiques, la hauteur totale des poutres longitudinales a été portée à 4 m. la distance entre parements extérieurs des âmes est égale à 14,44 m. l’épaisseur de celles-ci est de 24 mm. dans les travées indépendantes, elles sont raidies par un plat longitudinal disposé au tiers du panneau supérieur. l’épaisseur des membrures, larges de 1,08 m, varie de 35 à 85 mm.la structure transversale proposée par l’entrepreneur reconduit les dispositions mises en œuvre sur le nouveau pont ferroviaire de bordeaux. sa grande rigi-dité la rend très efficace vis-à-vis des effets dynamiques des trains. Forte consommatrice d’acier, elle per-met cependant de réduire les charges

été décalée de 24 m vers la vallée. la première travée indépendante du tablier repose directement sur un chevêtre en béton armé, encastré sur trois voiles longitudinaux de 1,20 m d’épaisseur noyés dans le remblai d’ac-cès. leur forme en trapèze leur confère une très grande rigidité vis-à-vis des efforts horizontaux dirigés suivant l’axe du pont. À l’extrémité est du viaduc, la présence du ruisseau au pied du remblai d’accès n’a pas permis d’adopter une structure aussi simple. la douzième travée indépendante a dû être poursuivie par un dernier tronçon de tablier, long de 24,5 m, encastré d’un côté sur deux béquilles en acier semblables à celles des tétrapodes (appui P13), et de l’autre sur une palée en béton armé noyée dans le remblai (culée c14). la palée et l’embase en béton des deux béquilles reposent sur une fondation commune, comme dans la solution initiale. la longueur du viaduc a ainsi été réduite à 792 m entre axes des appareils d’appui extrêmes.

12- Coupes transversales comparées.13- Ouvrage exécuté : travée indépendante de 45,55 m.

12- Comparative cross sections.13- As-built structure: independent 45.55 m span.

13

ouVraGe eXÉCutÉ : traVÉe indÉpendante de 45,55 m

COUPE DU BÉTON AU DROIT DE LA PISTE

ACIER SEUL

COUPE DANS L’AXE DU TABLIER

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TRAVAux n° 870 MARS / AVRIL 2010 56

OUVRAGES

ARTCONSTRUIRE ENTRETENIRRÉHABILITER

d’

architectural. Mais c’est encore une structure imposante, au ferraillage dense : le volume de béton c35/45 varie de 300 à 430 m3, et le ratio d’ar-matures de 180 à 220 kg/m3.

FoNDATioNSles piles P2 à P12 sont fondées sur huit pieux forés de 1 600 mm de dia-mètre, dont la longueur varie de 8,5 à 18,5 m. les pieux sont surmontés par une semelle de répartition carrée de 15 m de côté et de 2,1 m d’épaisseur, calée au plus près de la surface du sol. la culée ouest est fondée sur neuf

pieux disposés en trois files, sous les voiles longitudinaux supportant le chevêtre. À l’est, l’embase des deux béquilles P13 est fondée sur quatre pieux, et la palée d’extrémité c14 sur huit pieux, l’ensemble étant coiffé par une semelle commune de 280 m², épaisse de 2,1 m. m

permanentes qui sollicitent les poutres porteuses, et donc les efforts horizon-taux transmis lors d’un séisme aux appuis et aux fondations. les pièces de pont ont une hauteur de 1,25 m et une inertie de 2,16.10-3 m4. leur espacement est de 2,60 m dans les travées indépendantes et de 2,70 m au droit des tétrapodes. elles sont assemblées par soudage sur les rai-disseurs verticaux des poutres longi-tudinales. le hourdis en béton armé de 12,04 m de largeur a une épaisseur variable de 26 à 32 cm. Il est connecté sur les pièces de pont par des goujons nelson. 20 poutrel-les enrobées hea 200, disposées parallèlement à l’axe du pont avec un espacement de 65 cm, permettent de se passer d’outil coffrant. de part et d’autre du hourdis, des relevés laté-raux de 120 x 40 cm connectés sur les poutres apportent une contribution significative à la rigidité du tablier.

TéTrAPoDeSles dimensions extérieures des béquilles métalliques ont été conser-vées mais leur épaisseur a été réduite : elle varie de 35 à 45 mm. les béquilles sont désormais entière-ment réalisées en acier s 355. elles sont remplies sur 4,5 m de hauteur par du béton c50/60, connecté sur les parois. le raidissage intérieur des caissons est assuré par des plats lon-gitudinaux que traversent les armatures passives assurant la connexion. chaque béquille est encastrée sur l’em-base en béton armé du tétrapode au moyen de 15 barres de précontrainte de 76 mm de diamètre, de résistance à

la traction au moins égale à 1 030 MPa. sous l’effet de cette précontrainte, les sections d’appui restent entièrement comprimées aux états-limites de ser-vice. le principe de platines de posi-tionnement réglées puis scellées sur le socle avant l’assemblage des béquilles a été conservé. le béton des embases est fortement sollicité. sa résistance caractéristique est de 50 MPa et il est densément armé (173 kg/m3 pour un massif de 217 m3).

le socle pyramidal des piles P2 à P5 a été simplifié sans dénaturer le parti

rhine-rhone hsL, eastern branch, section c: design engineering of the La savoureuse viaduct Christophe CeZard et nabiL yaZbeCk, eGis jmi

The new Rhine-Rhone high-speed train line will cross the La Savoureuse valley south of Belfort on a 792 m long viaduct. The numerous obstacles in the valley are crossed by regular spans 66 metres long. The deck is formed of steel box-girders located on either side of the railway tracks, connected by steel crossbeams embedded in concrete. The main girders are fixed on inclined struts converging on the pier axes, forming the so-called tetrapods that are the distinctive feature of the bridge. Numerous design calculations were needed to check the structure’s dynamic behaviour under real trains and under the HSLM-A universal train defined by Eurocode 1, for speeds of up to 420 km/h. In the construction stage, the initial design was altered slightly. The static scheme was changed, the main girders were lightened and the concrete-embedded crossbeams were replaced with a more rigid structure, made of closely placed transverse steel girders supporting a thin concrete slab. m

abstract

Lgv rin-ródano ramaL este, tramo c: estudios deL viaducto de La savoureuseChristophe CeZard et nabiL yaZbeCk, eGis jmi

Situándose en el Sur de la aglomeración urbana de Belfort, la línea de alta velocidad Rin-Ródano atraviesa el valle de La Savoureuse mediante un viaducto de 792 metros. Los numerosos obstáculos del valle se franquean por tramos regulares de 66 metros. El tablero está compuesto por vigas metálicas en cajón ubicadas por ambos lados de las vías, y conectadas por medio de una bovedilla en vigas embebidas. Las vigas portadoras van empotradas sobre soportes inclinados que convergen con el eje de las pilas, formando los tetrápodos que constituyen la originalidad del viaducto. Fueron necesarios numerosos cálculos para justificar el comportamiento dinámico de la obra con el tren universal A del Eurocódigo 1 y con los trenes reales, para velocidades que pueden alcanzar los 420 km/h. Durante la ejecución, se modificó ligeramente el proyecto inicial y, el esquema estático también se modificó, se ha reducido el peso de las vigas portadoras del tablero y las vigas embebidas fueron sustituidas por una estructura transversal de mayor rigidez, formada por una losa plana soportada por diversas piezas de puente acortadas. m

MAîTRE D’OUVRAGE : Réseau Ferré de France

ASSISTANT TECHNIqUE DU MAîTRE D’OUVRAGE : Inexia

MAîTRE D’œUVRE GÉNÉRAL : Setec TPI

CONCEPTEURS : Egis JMI (mandataire), Wilkinson Eyre Architects, Alfred Peter paysagiste

ENTREPRENEURS : Eiffel (mandataire), Eiffage TP, Forézienne d’entreprises, SPIE fondations

ÉTUDES D’EXÉCUTION : Stabilité générale et charpente (ouvrage en service) ; SNCF IGOAGénie civil (ouvrage en service) : CorediaTerrassements : Forézienne d’entreprisesGéotechnique et karsts : FondasolAppareils d’appui : MaurerMéthodes de construction : Eiffel (charpente), Eiffage TP (génie civil)Ouvrages provisoires : Leduc

CONTRôLE EXTERNE DES ÉTUDES D’EXÉCUTION : CCS (charpente), BIEP (génie civil)

CONTRôLE EXTÉRIEUR DES ÉTUDES D’EXÉCUTION : Egis JMI

prinCipauX interVenants

tabLier ACIER LAMINÉ S 355 : 3 660 t

ACIER LAMINÉ S 460 : 610 t

POUTRELLES HEA 500 : 2 250 t

BÉTON DU HOURDIS : 7 000 m3

bÉquiLLesACIER LAMINÉ S 355 : 2 680 t

ACIER LAMINÉ S 460 : 880 t

embases des bÉquiLLesSOLUTION EN ACIER - ACIER LAMINÉ S 355 : 1 720 t

SOLUTION EN BÉTON - BÉTON C50/60 : 2 540 m3

fondations profondesBÉTON DES BARRETTES : 3 750 m3

tÉtrapodes p2 à p12BÉTON DES SEMELLES : 4 200 m3

BÉTON DES SOCLES : 1 780 m3

CuLÉes C0-p1 et p13-C14BÉTON DES CULÉES : 1 350 m3

prinCipaLes quantitÉs du dCe