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Pneumocystose à forme granulomateuse

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Page 1: Pneumocystose à forme granulomateuse

Rev Mal Respir 2004 ; 21 : 989-92 © 2004 SPLF, tous droits réservés 989

Rev Mal Respir 2004 ; 21 : 989-92

Cas clinique

Pneumocystose à forme granulomateuse

S. Pontier1, 2, F. Busato3, G. Daste4, M. Genestal2, P. Recco3, G. Nevez5, R. Escamilla1

Résumé

Introduction La pneumocystose de forme granulomateuse estune entité rare dont la présentation peut être trompeuse.

Cas clinique Nous rapportons le cas d’un patient atteint d’uneleucémie lymphoïde chronique ayant présenté une insuffisancerespiratoire aiguë d’évolution fatale secondaire à une pneumo-cystose granulomateuse. Le lavage broncho-alvéolaire (LBA) estresté négatif et le diagnostic n’a pu être prouvé que tardivementaprès une biopsie pulmonaire chirurgicale.

Conclusion Bien que peu fréquente, la forme granulomateusede la pneumocystose doit être connue car dans ce contextel’examen habituel de référence (LBA) peut être négatif ; denouvelles méthodes d’investigations plus sensibles comme laPolymerase Chain Reaction (PCR) pourraient permettre undiagnostic plus précoce.

Mots-clés : Pneumocystose granulomateuse • Pneumocystis Carinii • Biopsie pulmonaire chirurgicale • PCR.

1 Service de Pneumo-allergologie, CHU Purpan, Toulouse, France.2 Service de Réanimation polyvalente, CHU Purpan, Toulouse,

France.3 Laboratoire de Parasitologie-mycologie, CHU Rangueil-Larrey,

Toulouse, France.4 Laboratoire de Cytologie et d’anatomie pathologique,

CHU Purpan, Toulouse, France.5 Laboratoire de Parasitologie-Mycologie et Médecine

des voyages, CHU Hôpital Sud, avenue René Laënnec-Salouel, Amiens, France.

Tirés à part : S. Pontier Service de Pneumo-allergologie, CHU Purpan, 1, place Baylac, 31059 Toulouse [email protected]

Réception version princeps à la Revue : 21.08.2003. Retour aux auteurs pour révision : 31.10.2003. Réception 1ère version revisée : 18.02.2004. Acceptation définitive : 26.04.2004.

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[email protected]

Summary

Introduction Granulomatous pneumocystis pneumonia (PCP) isa rarity whose presentation may be misleading.

Case report We report the case of a patient suffering fromchronic lymphatic leukaemia presenting with acute respiratoryinsufficiency, with a fatal outcome, due to granulomatous PCP.Broncho-alveolar lavage (BAL) remained negative and the diag-nosis could only be made later by open lung biopsy.

Conclusion Although infrequent, granulomatous PCP should berecognised because in this situation the standard investigation(BAL) may be negative. New, more sensitive, methods of investi-gation such as the polymerase chain reaction (PCR) may permitearlier diagnosis.

Key-words: Granulomatous pneumocystis pneumonia • Pneumocystis carinii • Open lung biopsy • Polymerase chain reaction.

Granulomatous Pneumocystis PneumoniaS. Pontier, F. Busato, G. Daste, M. Genestal, P. Recco, G. Nevez, R. Escamilla

Introduction

La pneumocystose granulomateuse est une forme peufréquente et de diagnostic difficile de cette pathologie car lelavage broncho-alvéolaire (LBA) y est souvent négatif. Nousrapportons une observation d’évolution fatale pour laquelle lediagnostic a été fait grâce à une biopsie pulmonaire chirurgi-cale. Ceci nous permet de refaire une mise au point rapide surcette présentation et de discuter l’intérêt de la PCR afind’optimiser les résultats.

Observation

Un patient de 57 ans est hospitalisé pour insuffisance respiratoire aiguë. Ilprésente une leucémie lymphoïde chronique diagnostiquée depuis deuxmois, traitée par chlorambucil (3 comprimés par jour) et prednisolone(1 mg/kg/jour). Il ne prend aucun traitement supplémentaire et notammentaucune prophylaxie contre les pathologies opportunistes.Il se plaint depuis 3 semaines d’une toux initialement productive puis sèche,ne cédant pas après antibiothérapie probabiliste (amoxicilline puis macro-lide), aggravée depuis quelques jours d’une dyspnée d’effort d’intensité crois-sante. À son entrée dans le service, le patient est apyrétique ; l’auscultationretrouve des râles crépitants fins bilatéraux. Il existe une hypoxémie majeure(PaO2 : 45 mmHg, PaCO2 : 31 mmHg et pH : 7,49 en air ambiant). Le cli-ché thoracique retrouve une pneumopathie interstitielle confirmée par l’exa-men tomodensitométrique. Une aspiration bronchique effectuée au coursd’une fibroscopie ne retrouve aucun germe. En raison d’une aggravation deson état respiratoire, le patient est transféré en réanimation et mis sous venti-lation assistée après intubation oro-trachéale. À son arrivée, il présente unrapport PaO2/FiO2 inférieur à 150, une hémodynamique normale et unediurèse conservée. Ce tableau clinique survenant chez un patient immunodé-primé, du fait de l’hémopathie sous-jacente et de la corticothérapie prescrite àhautes doses pendant plusieurs semaines, fait évoquer une pneumopathieinfectieuse opportuniste, en particulier une pneumocystose. Le traitementprobabiliste initial comprend : cotrimoxazole, ceftriaxone, érythromycine etméthylprednisolone (1 mg/kg/jour). Deux LBA réalisés à 2 jours d’intervalle,ne mettent pas en évidence d’ agent infectieux causal significatif, motivantalors l’arrêt du cotrimoxazole au bout de cinq jours, et l’introduction de lavancomycine.L’évolution est défavorable, avec aggravation des paramètres ventilatoires etdu cliché thoracique. Une biopsie pulmonaire chirurgicale diagnostique estréalisée après 2 semaines d’hospitalisation, le patient décédant le lendemainde cette intervention. Les résultats obtenus post mortem montrent :– en anatomo-pathologie, une destruction massive du parenchyme pulmo-naire remplacé par une fibrose extensive ainsi que de multiples granulomes àcentre nécrotique renfermant des kystes de Pneumocystis Carinii mis en évi-dence avec la coloration de Grocott (fig. 1 et 2) ;– en parasitologie et en mycologie : on retrouve de nombreux kystes de Pneu-mocystis.Les 2 LBA sont alors réétudiés. Au sein de l’un d’eux, on retrouve de rareskystes de Pneumocystis Carinii en immunofluorescence, sur un spot (les 6autres spots étudiés étaient négatifs). Une amplification génique par PCRsemi-quantitative retrouve une positivité forte pour le premier LBA et unepositivité faible pour le second.

Discussion

Fréquemment décrite depuis l’apparition du SIDA, lapneumonie à Pneumocystis Carinii (PCP) peut survenir danstous les états d’immunodépression, notamment chez lespatients porteurs de pathologies hématologiques malignes. Lacorticothérapie, les neuropénies ainsi que les traitements anti-

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rejet sont des facteurs de risques importants pour le dévelop-pement de cette infection [1]. Elle se présente habituellementsous la forme d’une pneumopathie alvéolo-interstitielle plusou moins hypoxémiante. La forme granulomateuse de lapneumocystose est peu fréquente. Elle est retrouvée chezenviron 5 % des patients porteurs du SIDA et n’est décriteque de manière isolée dans les autres types de déficit immuni-taire [1-3]. Sur le plan anatomopathologique, on retrouve desgranulomes centrés par des kystes de Pneumocystis Carinii.De nombreuses descriptions font état d’une palissade d’his-tiocytes isolant les kystes [4] et rendant Pneumocystis inacces-sible par LBA.

Le diagnostic de pneumocystose se fait habituellementpar coloration de Grocott, MGG ou immunofluorescencesur le LBA ou éventuellement l’expectoration induite si leLBA n’est pas réalisable en raison de l’altération de l’héma-tose du patient ; comme dans notre observation, cette tech-nique peut être mise en défaut en cas de formegranulomateuse. Il est cependant intéressant et troublantde noter que l’étude approfondie du LBA a posteriori apermis de retrouver un kyste de Pneumocystis, d’où l’intérêtd’une communication étroite entre cliniciens et parasitolo-gistes. Les biopsies bronchiques ou trans-bronchiques peu-vent réalisées mais sont le plus souvent négatives comptetenu de l’aspect aléatoire de la localisation des granulomes.Tous les diagnostics de pneumocystose granulomateuserapportés dans la littérature ont été posés après biopsie pul-monaire chirurgicale. Celle-ci permet en effet non seule-ment de poser le diagnostic mais aussi d’éliminer unerécidive de la maladie initiale (Wegener) ou une pneumo-pathie iatrogène.

La recherche de Pneumocystis peut se faire par Polyme-rase chain reaction (PCR) [5], permettant une amplificationde l’ADN, technique très spécifique et très sensible. Cettetechnique est réalisable dans les sécrétions oro-pharyngées[6]. Cette technique paraît en effet prometteuse mais l’inter-prétation des résultats est encore difficile à préciser en termede spécificité, le portage asymptomatique de Pneumocystisétant fréquent. Cependant, la réalisation d’une PCR semi-quantitative pourrait permettre d’identifier et de quantifier legerme ; un résultat positif à intégrer avec un terrain favori-sant et une symptomatologie correspondante pourrait ainsipermettre de poser le diagnostic et d’éviter le recours à desméthodes plus agressives et non dépourvues de morbidité.Chez les patients immunodéprimés non VIH, le diagnosticde pneumocystose ne doit pas être éliminé sur un simpleLBA négatif, notamment en absence de prophylaxie pri-maire. La présence de kystes étant souvent très faible, l’utili-sation de la PCR semble très utile dans ce contexte,permettant de poser le diagnostic et d’éviter des examensdont la morbidité n’est pas négligeable.

Le traitement de la pneumocystose granulomateuse estle même que celui d’une pneumocystose « classique » com-portant l’association Trimétoprime-Sulfaméthoxazole et corti-costéroïdes. Son évolution est le plus souvent mortelle. Laprophylaxie primaire serait donc très intéressante à envisagerdans ce contexte ; en raison des effets secondaires potentiels etdu coût du traitement, elle est actuellement réservée à desgroupes à risque, notamment les patients ayant subi unetransplantation d’organe dans les 6 mois précédents [7]. Lacorticothérapie prolongée étant un facteur de risque de pneu-mocystose les plus importants chez le non VIH [8], il serait

Fig. 1.

Coupes anatomo-pathologiques d’une biopsie pulmonairechirurgicale réalisée dans le lobe supérieur droit : coloration parhématoxilline-éosine (³ 400) montrant une destruction duparenchyme pulmonaire par un infiltrat inflammatoire associée à unefibrose diffuse et à des granulomes (flèche) à centre nécrotique entrelesquels persistent quelques alvéoles à revêtement hypertrophique.

Fig. 2.

Coupes anatomo-pathologiques d’une biopsie pulmonairechirurgicale réalisée dans le lobe supérieur droit : coloration deGrocott (³ 400) montrant des kystes de Pneumocystis Carinii(flèche) au centre des granulomes précédemment décrits.

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probablement intéressant chez ces patients de prescrire uneprophylaxie en se basant sur le taux sanguin de CD4.

Conclusion

Le diagnostic de pneumocystose est fréquemment évo-qué dans les pneumopathies des patients VIH. De nombreuxcas sont aussi décrits dans d’autres types d’immunodépres-sion, la corticothérapie prolongée semblant en être un desprincipaux facteurs de risque. Le problème de la prophylaxiepourrait donc être évoqué dans ce contexte en se basantnotamment sur la taux sanguin de CD4.

Cette observation nous permet de faire état d’une formeméconnue de la pneumocystose dont les caractéristiquesprincipales sont la présentation anatomopathologique granu-lomateuse particulière et de ce fait la négativité des investiga-tions paracliniques habituelles. L’indication de la biopsiepulmonaire doit donc être discutée de même que la pour-suite d’un traitement approprié tant que l’incertitude du dia-gnostic persiste. La réalisation d’une PCR sur le LBA sembleintéressante mais sa valeur positive reste à préciser. Il s’agitcependant probablement de la technique d’avenir dans cettepathologie.

Références

1 Fishman JA : Prevention of infection due to Pneumocystis Carinii.Antimicrob; Agents Chemother 1998 ; 42 : 995-1004.

2 Bleiweiss IJ, Jagirdar JS, Klein MJ : Granulomatous PneumocystisCarinii pneumonia in three patients with the acquired immunedefiency syndrome. Chest 1988 ; 94 : 580-3.

3 Ullmer E, Mayr M, Binet I : Granulomatous Pneumocystis Carinii pneu-monia in Wegener’s granulomatosis. Eur Respir J 2000 ; 15 : 213-6.

4 Foley NM, Griffiths MH, Miller RF : Histologically atypicalPneumocystis Carinii pneumonia. Thorax 1993 ; 48 : 996-1001.

5 Wakefield AE, Miller RF, Guiver LA, Hopkin JM : GranulomatousPneumocystis Carinii pneumonia: DNA amplification studies onbronchoscopic alveolar lavage samples. J Clin Pathol 1994 ; 47: 664-6.

6 Wakefield AE, Miller RF, Guiver LA, Hopkin JM : Oropharyngealsamples for detection of Pneumocystis Carinii by DNA amplification.Q J Med 1993 ; 86 : 401-6.

7 Hopkin JM, Turney JH, Young JA, Adu D, Michael J : Rapid diagno-sis of obscure pneumonia in immunosuppressed renal patients bycytology of alveolar lavage fluid. Lancet 1983 ; 2 : 299-301.

8 Kovacs JA, Hiemenz JW, Macher AM, Stover D, Murray HW,Shelhamer J, Lane HC, Urmacher C, Honig C, Longo DL :Pneumocystis Carinii pneumonia: a comparison between patientswith the acquired immunodeficiency syndrome and patients withother immunodeficiencies. Ann Inetrn Med 1984 ; 100 : 663-71.