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Math. Ann. (2010) 348:689–705 DOI 10.1007/s00208-010-0480-z Mathematische Annalen Points rationnels des variétés de Shimura: un principe du “tout ou rien” Emmanuel Ullmo · Andrei Yafaev Received: 17 September 2008 / Revised: 18 November 2009 / Published online: 24 February 2010 © Springer-Verlag 2010 Résumé Dans cet article on définit et étudie le lieu de Lang d’une variété de Shimura. Une conjecture de Lang prévoit que ce lieu est vide. Nous démontrons que le lieu de Lang d’une variété de Shimura est soit vide soit toute la variété. C’est un “principe du tout ou rien”. Mathematics Subject Classification (2000) 11G18 Table des matières 1 Introduction ............................................. 689 2 Préliminaires ............................................. 690 2.1 Hyperbolicité et variétés de Shimura .............................. 690 2.2 Lieu de Lang des variétés algébriques ............................. 692 2.3 Lieu de Lang en niveau infini des variétés de Shimura et de leur sous-variétés spéciales ... 694 3 Preuve du théorème principal .................................... 699 1 Introduction Un théorème de Nadel [10, thm. 0.2] assure que la compactification de Baily-Borel S d’une variété de Shimura S en niveau suffisamment grand est hyperbolique. Rappelons qu’une variété algébrique complexe projective Z d’espace analytique sous-jacent Z an E. Ullmo (B ) Université de Paris-Sud, Bat 425, 91405 Orsay Cedex, France e-mail: [email protected] A. Yafaev Department of Mathematics, University College London, 25 Gordon Street, London WC1H OAH, UK e-mail: [email protected] 123

Points rationnels des variétés de Shimura: un principe du “tout ou rien”

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Math. Ann. (2010) 348:689–705DOI 10.1007/s00208-010-0480-z Mathematische Annalen

Points rationnels des variétés de Shimura: un principedu “tout ou rien”

Emmanuel Ullmo · Andrei Yafaev

Received: 17 September 2008 / Revised: 18 November 2009 / Published online: 24 February 2010© Springer-Verlag 2010

Résumé Dans cet article on définit et étudie le lieu de Lang d’une variété de Shimura.Une conjecture de Lang prévoit que ce lieu est vide. Nous démontrons que le lieu deLang d’une variété de Shimura est soit vide soit toute la variété. C’est un “principe dutout ou rien”.

Mathematics Subject Classification (2000) 11G18

Table des matières

1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6892 Préliminaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 690

2.1 Hyperbolicité et variétés de Shimura . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6902.2 Lieu de Lang des variétés algébriques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6922.3 Lieu de Lang en niveau infini des variétés de Shimura et de leur sous-variétés spéciales . . . 694

3 Preuve du théorème principal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 699

1 Introduction

Un théorème de Nadel [10, thm. 0.2] assure que la compactification de Baily-Borel S∗d’une variété de Shimura S en niveau suffisamment grand est hyperbolique. Rappelonsqu’une variété algébrique complexe projective Z d’espace analytique sous-jacent Zan

E. Ullmo (B)Université de Paris-Sud, Bat 425, 91405 Orsay Cedex, Francee-mail: [email protected]

A. YafaevDepartment of Mathematics, University College London, 25 Gordon Street,London WC1H OAH, UKe-mail: [email protected]

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690 E. Ullmo, A. Yafaev

est dite hyperbolique si toute application holomorphe de C dans Zan est constante.Une conjecture de Lang [6] prévoit alors que sur tout corps de nombres E sur lequelS est défini, l’ensemble S(E) des points E-rationnels de S est fini.

Nous définissons dans ce texte le lieu de Lang X L d’une variété projective X définiesur un corps de nombres qui mesure la validité des conjectures de Lang sur les variétésprojectives de type général [5, F.5.2]. Ainsi, pour une variété hyperbolique X , Langprévoit que X L = ∅ et pour une variété de type général X , Lang prévoit que X L �= X .

Nous montrons alors un principe du “tout ou rien” suivant qui assure dans ce casque la conjecture de Lang est soit vraie soit très fausse:

Théorème 1.1 Soit S∗, la compactification de Baily-Borel d’une variété de ShimuraS de niveau suffisamment grand. Soit SL = S ∩ (S∗)L son lieu de Lang. Alors soitSL = ∅, soit SL = S.

On rappelle qu’une variété de Shimura S est projective si et seulement si le groupedérivé Gder

Qdu groupe réductif GQ servant à la définition de S est Q-anisotrope. Dans

cette situation S est hyperbolique dès que l’on est en un niveau sans point fixe. Si deplus S = S∗ est de type abélien, il est montré dans [12, thm. 3.2] qu’alors SL = ∅.Ceci est une conséquence de la conjecture de Shafarevich démontrée par Faltings.

Le papier est organisé de la manière suivante. La section deux consiste d’aborden des rappels sur l’hyperbolicité et sur les variétés de Shimura. On définit ensuitele lieu de Lang d’une variété projective définie sur un corps de nombres et on endonne quelques propriétés fonctorielles simples. On conclut cette section par quelquespropriétés spécifiques du lieu de Lang des variétés de Shimura.

Dans la troisième section on précise et démontre le théorème 1.1. Le point clef estla proposition 3.5 qui assure qu’en niveau suffisamment grand, SL est contenu dansses translatés Tq SL par tous les opérateurs de Hecke Tq de S pour q ∈ G(Q)+ :=G(Q)∩G(R)+ où G(R)+ est la composante neutre de G(R). Le théorème 1.1 est alorsune conséquence simple du théorème suivant (théorème 3.6) d’intérêt indépendant.

Théorème 1.2 Soit S = �\X+ une variété de Shimura connexe. Soit Y une sous-variété de S de dimension positive dont toutes les composantes sont Hodge génériques(i.e. pas contenues dans une sous-variété spéciale S′ de S avec S′ �= S). On supposeque pour tout q ∈ G(Q)+, Y ⊂ Tq .Y . Alors Y = S.

2 Préliminaires

2.1 Hyperbolicité et variétés de Shimura

Soit (GQ, X) une donnée de Shimura, GQ est alors un Q-groupe réductif et X uneG(R)-classe de conjugaison d’un morphisme

h : S = ResC/RGm → GR

vérifiant les conditions de Deligne [2,3]. Si K est un sous-groupe compact ouvert deG(A f ), on définit

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Points rationnels des variétés de Shimura: un principe du “tout ou rien” 691

ShK (G, X)C = G(Q)\[X × G(A f )/K ]

qui est une union d’espaces localement symétriques hermitiens. Chaque composanteirréductible de ShK (G, X)C est de la forme S = �\X+, où X+ est une composanteirréductible de X et � est un réseau arithmétique de G(Q). Les conditions de Deligneassurent que X+ est un espace symétrique hermitien et ShK (G, X) est une variétéalgebrique quasi-projective ( théorème de Baily-Borel). On dit dans la suite, par abusde langage, que S est une variété de Shimura associée à (GQ, X, K ).

On rappelle par ailleurs qu’une variété algébrique projective Z , d’espace analytiqueZan associé a Z , est dite hyperbolique si toute application holomorphe

f : C → Zan

est constante. Pour simplifier les notations, on écrira dans la situation précédentef : C → Z à la place de f : C → Zan .

Nadel [10, thm. 0.2] montre le résultat suivant:

Théorème 2.1 (Nadel) Soit S une variété de Shimura associée à (GQ, X, K ) commeprécédemment, où le groupe K est net. Il existe un revêtement étale S1 de S associé à(GQ, X, K ′) pour un sous-groupe compact ouvert K ′ de G(A f ) contenu dans K telque pour toute compactification S∨

1 de S1 et tout morphisme holomorphe non constant

f : C → S∨1 ,

on a f (C) ⊂ S∨1 − S1.

Un corollaire simple de ce résultat est qu’il existe un revêtement étale S2 de Sassocié à (GQ, X, K2) pour un sous-groupe compact ouvert K2 de G(A f ) tel queK2 ⊂ K1 et tel que la compactification minimale (ou de Baily-Borel) S∗

2 de S2 soithyperbolique. Ceci résulte du fait que le bord B = S∗

2 − S de S est stratifié par desvariétés de Shimura auquelles on peut appliquer de manière récursive le résultat deNadel. Nous référons à [1] pour la notion de compactification de Baily-Borel ainsique ses principale propriétés.

Lang [6] propose la conjecture suivante sur les points rationnels des variétés hyper-boliques projectives.

Conjecture 2.2 Lang Soit Z une variété projective définie sur un corps de nombres F .

1. Si il existe un plongement σ de F dans C tel que Zσ = Z ⊗σ C est hyperboliquealors cela est vrai pour tout plongement σ ′ de F dans C.

2. Dans ce cas Z est arithmétiquement hyperbolique: pour toute extension finie Mde F l’ensemble Z(M) des M-points de Z est fini.

On sait par ailleurs par les travaux de Shimura, Deligne, Milne, Shih, Borovoi(voir par exemple [7]) que ShK (G, X) admet un modèle canonique sur le corps réflexE(GQ, X) de (GQ, X). En particulier les variétés de Shimura sont définies sur descorps de nombres. Les corps de définition des composantes de ShK (G, X) sont desextensions abéliennes de E(G, X).

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692 E. Ullmo, A. Yafaev

Il est aussi connu que la compactification de Baily-Borel S∗ d’une variété deShimura S admet le même corps de définition F que S. Le théorème de Nadel et laconjecture de Lang prédisent que S admet un revêtement S1 défini sur une extensionfinie F1 de F , associée à (GQ, X, K1) avec K1 ⊂ K un sous-groupe compact ouvertde G(A f ), tel que la compactification de Baily-Borel S∗

1 de S1 soit arithmétiquementhyperbolique.

2.2 Lieu de Lang des variétés algébriques

Dans tous le texte, une variété algébrique est un schéma de type fini géométriquementréduit. Nous ne supposons pas à priori les variétés irréductibles.

Soit Z une variété projective de type général définie sur un corps de nombres F ,Lang [6] conjecture l’existence d’une sous-variété fermée Y ⊂ Z , Y �= Z définie surune extension finie F ′ de F telle que (Z − Y )(M) soit fini pour toute extension finieM de F ′. Il est donc naturel dans cette situation d’étudier le lieu de Lang Z L de Zque l’on définit de la manière suivante. Nous allons en fait considérer une situationplus générale et supposer que Z est seulement quasi-projective. Cette hypothèse estnaturelle dans le cadre des variétés de Shimura.

Soit E un sous-ensemble de Z , on note E sa clôture de Zariski et on écrit

E = E>0 ∪ {P1, . . . , Pr }.

où E>0est la réunion des composantes irréductibles de dimension positive de

l’adhérence de Zariski E de E et {P1, . . . , Pr } la réunion des composantes de dimen-sion 0.

Pour toute extension finie M de F on écrit la décomposition

Z(M) = Z(M)>0 ∪ {P1, . . . , Pr(M)}.

Le lieu de Lang Z L de Z est défini comme l’adhérence de Zariski de ∪M Z(M)>0

, laréunion portant sur les extensions finies M de F . Avec les notations introduites, on adonc

Z L = ∪M Z(M)>0

. (1)

On remarque que Z L = ∅ si et seulement si Z(M) est fini pour toute extension Mde F . Les conjectures de Lang prévoient que si Z est projective et une extension de Zà C est hyperbolique, alors Z L = ∅ et si Z est de type général alors Z L est une sous-variété propre de Z . Il est facile de voir que le lieu de Lang Z L de Z ne dépend pas d’uncorps de nombres de définition de Z et que l’on a la propriété de fonctorialité suivante:

Lemme 2.3 Soit f : Z1 → Z2 un morphisme fini défini sur un corps de nombres F.Alors

f (Z L1 ) ⊂ Z L

2 .

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Points rationnels des variétés de Shimura: un principe du “tout ou rien” 693

Preuve. En effet, soit M une extension finie de F , on a f (Z1(M)) ⊂ Z2(M). Commef est fini (donc en particulier fermé)

f (Z1(M)) = f (Z1(M)) ⊂ Z2(M).

Comme f est à fibres finies, l’image par f d’une sous-variété de Z1 de dimensionpositive est une sous-variété de dimension positive de Z2. En particulier

f (Z1(M)>0

) ⊂ Z2(M)>0 ⊂ Z L

2

donc

∪M f (Z1(M)>0

) = f (∪M Z1(M)>0

) ⊂ Z L2 .

On en déduit en utilisant une nouvelle fois le fait que f est fermé et la définition (1)du lieu de Lang que

f (Z L1 ) = f (∪M Z1(M)

>0) = f ((∪M Z1(M)

>0)) ⊂ Z L

2 .

�On en déduit le résultat suivant:

Corollaire 2.4 Soit α : X ′ → X un revêtement galoisien (au sens de la définition 6.1de [8]) de groupe�défini sur un corps de nombres. Soit Z une sous-variété irréductiblede X définie sur un corps de nombres. On note Z1, Z2, . . . , Zr les composantes deα−1 Z. Alors � permute transitivement les Z L

i .

Preuve. En effet, � permute transitivement les Zi et on peut appliquer le lemme 2.3aux différents f ∈ �. �Lemme 2.5 Soit Z1 une sous-variété d’une variété quasi-projective Z2, avec Z1 et Z2définies sur un corps de nombres. Alors Z L

1 ⊂ Z L2 . Pour toute variété quasi-projective

Z sur un corps de nombres

(Z L)L = Z L .

En particulier, si Z L2 ⊂ Z1 ⊂ Z2 alors Z L

2 = Z L1 .

Preuve. Le premier énoncé est une conséquence immédiate de la définition du lieude Lang.

Pour le deuxième énoncé, notons que l’inclusion (Z L)L ⊂ Z L est une conséquencedu premier avec Z1 = Z L et Z2 = Z . Pour l’autre inclusion, écrivons Z L = Z1 ∪· · · ∪ Zr la décomposition en composantes irréductibles. Alors, pour toute extensionfinie M de F , on a

Z(M)>0 ⊂ Z1(M)

>0 ∪ · · · ∪ Zr (M)>0

.

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694 E. Ullmo, A. Yafaev

On en déduit que

M

Z(M)>0 ⊂

M

Z1(M)>0 ∪ · · · ∪

M

Zr (M)>0

.

On constate que le terme de gauche est Z L et que le terme de droite est Z L1 ∪· · ·∪Z L

r =(Z L)L . D’où l’inclusion Z L ⊂ (Z L)L .

On en déduit bien le dernier énoncé car si Z L2 ⊂ Z1 alors

Z L2 = (Z L

2 )L ⊂ Z L1 .

2.3 Lieu de Lang en niveau infini des variétés de Shimura et de leur sous-variétésspéciales

On fixe dans la suite une variété de Shimura S associée à un triplet (GQ, X, K ). Noussupposons que le groupe K est net. Pour la définition d’un sous-groupe compact ouvertK net de G(A f ) le lecteur pourra consulter [11] sec. 0.6. On rappelle que S∗ désignela compactification minimale (ou de Baily-Borel) de S. La définition de la sectionprécédente nous donne les lieux de Lang SL et S∗L . Remarquons que SL = S∗L ∩ S.

Pour tout sous-groupe compact ouvert K1 ⊂ K de G(A f ) et tout revêtement S1 deS associé à (GQ, X, K1), on dispose d’un morphisme fini canonique

f1 : S1 −→ S

défini sur une extension finie du corps réflex E(G, X). A noter ici qu’il peut y avoirplusieures composantes S1 au dessus de S. D’après le lemme 2.3

f1(SL1 ) ⊂ SL .

On définit le lieu de Lang en niveau infini SL∞ de S par

SL∞ = ∩Ki fi (SLi )

l’intersection portant sur tous les revêtements Si de S associés à (GQ, X, Ki ) pourun sous-groupe compact ouvert normal Ki ⊂ K de G(A f ). On définit le lieu deLang infini S∗L∞ de manière analogue en remarquant que l’inclusion de sous-groupescompacts ouverts Ki ⊂ K comme ci-dessus induit un morphisme fini S∗

i −→ S∗ eton a encore

SL∞ = S∗L∞ ∩ S

Notons que deux variétés de Shimura S1 et S2 recouvrant S associées à (GQ, X, Ki ),i ∈ {1, 2} sont couvertes par une variété de Shimura S1,2 associée à (GQ, X, K1,2)

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Points rationnels des variétés de Shimura: un principe du “tout ou rien” 695

pour un sous-groupe compact ouvert K1,2 de G(A f ) tel que K1,2 ⊂ K1 ∩ K2. Parconsequent, dans la définition du lieu de Lang infini, il suffit de prendre une tourde revêtements donnée par des sous-groupes compacts ouverts de K inclus les unsdans les autres. On en déduit pour des raisons de dimensions qu’il existe en fait unrevêtement S1 de S associé à (GQ, X, K1) comme précédemment tel que

SL∞ = f1(SL1 ).

Tout revêtement f ′ : S′ −→ S donné par un sous-groupe compact ouvert de K1 sefactorise par fS1 donc

f ′(S′L) ⊂ SL∞ .

Par définition de SL∞ , on a

f ′(S′L) = SL∞ .

En utilisant cette remarque, on voit également que

f1(SL∞1 ) = SL∞ .

Tout revêtement donné par un sous-groupe compact ouvert de K est dominé par unrevêtement galoisien étale avec un certain groupe �. Les remarques précédentes nouspermettent alors de supposer que f1 est galoisien de groupe �. Nous avons le résultatsuivant.

Proposition 2.6 Dans la situation ci-dessus, on a

SL1 = SL∞

1 .

De plus pour tout revêtement S′ de S1 donné par un sous-groupe compact ouvert deK1, on a aussi

S′L = S′L∞ .

Preuve. Soit f2 : S2 −→ S1 un revêtement galoisien étale tel que

f := f1 ◦ f2 : S2 −→ S

soit également galoisien étale, de groupe �′ et tel que

SL∞1 = f2(SL

2 ).

Pour trouver un tel revêtement, il suffit de prendre un sous-groupe compact ouvertK2 normal dans K , contenu dans K1 et suffisamment petit.

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696 E. Ullmo, A. Yafaev

Supposons que SL1 �= SL∞

1 . Soit Z une composante de SL1 qui ne soit pas dans SL∞

1 .Soit

Z0 = f1(Z) ⊂ SL∞ .

Puisque f1(SL∞1 ) = SL∞ , il existe une composante Z ′ de SL∞

1 au dessus de Z0.Considerons maintenant f −1(Z0). Puisque f (SL

2 ) = SL∞ , il existe une composanteZ2 de f −1(Z0) qui est une composante de SL

2 . Nous allons vérifier que Z L2 = Z2.

Pour cela écrivons

SL2 = Z2 ∪ Z3 ∪ · · · ∪ Zr

la décomposition de SL en composantes irréductibles. D’après le lemme 2.5, nousavons

(SL2 )L = SL

2 = Z L2 ∪ Z L

3 ∪ · · · ∪ Z Lr .

Par conséquent, Z2 ⊂ Z L2 et on a donc l’égalité.

D’après le corollaire 2.4, pour tout α ∈ �′ nous avons

(αZ2)L = α(Z L

2 ) = α(Z2) ⊂ SL2 .

Comme �′ agit transitivement sur les composantes de f −1(Z0), toute composante def −1(Z0) est contenue dans SL

2 . Comme f2(SL2 ) = SL∞

1 , on voit que Z ⊂ SL∞1 , ce qui

contredit l’hypothèse de départ. On conclut que SL∞1 = SL

1 .Pour la deuxième assertion, il suffit de remplacer S′ par un revêtement galoisien

étale convenable et de refaire le raisonnement ci-dessus. �On renvoie au paragraphe 2 de [9] pour les définitions concernant les sous-variétés

spéciales des variétés de Shimura. Notons que [9] (ainsi que [4]) utilise la terminologie‘subvarieties of Hodge type’ au lieu de ‘sous-variétés spéciales’. Cette terminologieest motivée par le fait que les sous-variétés spéciales sont les lieux où certaines classesrationelles dans les variations de structures de Hodge associées aux représentations deGQ sont des classes de Hodge. Nous préferons la terminologie ‘sous-variété spéciale’car d’une part elle est consistante avec la notion de point spécial et d’autre part ellesouligne l’analogie avec le cas abélien. On rappelle d’autre part qu’un point x d’unevariété de Shimura S est dit Hodge générique dans S si S est la plus petite sous-variété spéciale de S contenant x . On dit de même qu’un point x d’une sous-variétéspéciale Z de S est Hodge générique dans Z si Z est la plus petite sous-variété spécialecontenant x .

Lemme 2.7 Supposons que le groupe K soit net. Soit (H, X H ) une sous-donnée deShimura de (G, X) où H est le groupe de Mumford-Tate générique sur X H et soitg ∈ G(A f ). Fixons une composante X+

H de X H et soit H(Q)+ son stabilisateur dansH(Q). Soient �g = gK g−1 ∩ G(Q)+, �H,g := gK g−1 ∩ H(Q)+ et Zg = �H,g\X+

HSoit Zg l’image de Zg dans ShK (G, X) par le morphisme π qui envoit la classe de

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Points rationnels des variétés de Shimura: un principe du “tout ou rien” 697

x sur (x, g). Alors Zg est une sous-variété spéciale de ShK (G, X) contenue dansSg := �g\X+. Notons que toute sous-variété spéciale est obtenue de cette façon. Lemorphisme π : Zg −→ Zg est alors birationnel et fini.

Preuve. Une adaption simple de la preuve de [13, lemma 2.2], assure que le le mor-phisme

ShgK g−1∩H(A f )(H, X H ) −→ ShK (G, X)

envoyant (x, h) sur (x, hg) est birationnel sur son image. En particulier le morphismeπ : Zg −→ Zg est birationnel. Notons que dans le lemme mentionné plus haut, ondémontre que la restriction de ce morphisme à l’ensemble des points Hodge génériquesest injective. Par ailleurs si x est Hodge générique dans Zg et y ∈ Zg n’est pas Hodgegénérique dans Zg alors π(x) �= π(y).

Soit x ∈ Zg tel que π−1(x) n’est pas de cardinal fini. La discussion précédenteassure que les composantes de π−1(x) de dimension positive sont contenues dans dessous-variétés spéciales strictes (π−1(x) ne contient pas de points Hodge génériquesdans ShgK g−1∩H(A f )

(H, X H )). Soit Zx une composante irréductible de dimension

positive de π−1(x) et soit Sx la plus petite sous-variété spéciale (necessairementstricte) contenant Zx . Considerons la restriction de π à Sx , par [13, lemma 2.2], cetterestriction est de nouveau injective sur les points Hodge génériques. D’autre part, lesconsidérations ci-dessus montrent que tous les points de Zx sont Hodge génériquesdans Sx , et par définition ils sont envoyés sur le même point de Z . On en déduit queπ est à fibre fini, comme c’est un morphisme propre (il s’étend en un morphismeprojectif au niveau des compactifications de Baily-Borel [11, théorème 12.3.b]) il estfini. �

On déduit alors du lemme 2.3 et de la discussion précédente que

π(Z L) = Z L .

Comme Z est une composante de la variété de Shimura ShK∩H(A f )(H, X H ) on

peut définir son lieu de Lang en niveau infini Z L∞ . On définit alors le lieu de Langinfini de Z comme étant

Z L∞ := π(Z L∞).

Lorsque Z est une réunion de sous-variétés spéciales, disons Z = Z1 ∪ · · · ∪ Zr , ondéfinit

Z L∞ =⋃

i

Z L∞i

Nous avons la propriété suivante.

Lemme 2.8 Soit S une variété de Shimura associée à (GQ, X, K ). On suppose que legroupe compact ouvert K ⊂ G(A f ) est net. Soit Z une sous-variété spéciale. Il existeun revêtement galoisien étale f : S′ −→ S et une composante Z ′ de f −1 Z telle que

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698 E. Ullmo, A. Yafaev

Z ′L = Z ′L∞

et donc en particulier Z L∞ = f (Z ′L).

Preuve. Il existe un revêtement fini f : S1 −→ S tel que

S1L∞ = S1

L et donc SL∞ = f (SL1 ).

Le revêtement S1 de S est donné par un sous-groupe compact ouvert K1 de K . D’aprèsla discussion précédente, du point de vue du lieu de Lang et du lieu de Lang infini,on peut identifier Z avec une composante d’une variété de Shimura. Il existe donc unrevêtement g : Z1 −→ Z de Z tel que

Z L∞1 = Z L

1

Ce revêtement est donné par un sous-groupe compact K H,1 de H(A f ) où (H, X H )

est une donnée de Shimura intervenant dans la définition de Z .Soit N un entier tel que le N -ième groupe de congruence KN (défini par rapport à

une representation fidèle de G) vérifie les conditions suivantes:

1. KN ⊂ K12. KN ∩ H(A f ) ⊂ K H,1

Un tel groupe existe parce que pour une représentation fidèle de G (et donc de H )fixée, les KN (resp. KN ∩ H(A f )) forment un système fondamental de voisinages de1. Notons que KN est un sous-groupe normal de K , posons F = K/KN .

Le revêtement de S donné par le groupe KN vérifie par construction les conditionsde l’énoncé. �

Nous allons également avoir besoin du lemme suivant.

Lemme 2.9 Soit Z une sous-variété spéciale de S, comme précedemment. Soit f :S′ −→ S le revêtement galoisien de groupe F donné par le lemme 2.8.

Alors toute composante Zi de f −1 Z vérifie

f (Z Li ) = Z L∞ .

Preuve. D’après le corollaire 2.4, le groupe F permute les lieux de Lang Z Li des Zi .

Comme de plus f (Z L1 ) = Z L∞ , on voit que pour tout i ,

f (Z Li ) = Z L∞ .

�Lemme 2.10 Soit S une variété de Shimura telle que le groupe compact ouvert inter-venant dans la définition de S est net. Soit Z une sous-variété de S. On suppose queles composantes irréductibles de Z sont spéciales et que SL∞ ⊂ Z, alors

SL∞ = Z L∞ .

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Points rationnels des variétés de Shimura: un principe du “tout ou rien” 699

Preuve. On peut trouver un revêtement galoisien étale f : S1 −→ S ayant les pro-priétés données au lemme 2.8 pour toute composante irréductible de Z . Par construc-tion, f vérifie

f (SL1 ) = SL∞ ⊂ Z

Par consequent

SL1 ⊂ f −1(Z).

Le lemme 2.5 implique alors que

( f −1(Z))L = SL1 .

En appliquant f et en utilisant le lemme 2.9, on obtient l’égalité voulue. �

3 Preuve du théorème principal

La conjecture de Lang et les travaux de Nadel prévoient que SL∞ = ∅. Le but de lanote est de montrer le principe du “tout ou rien” suivant:

Théorème 3.1 Pour toute variété de Shimura S associée à un triplet (GQ, X, K ), ona SL∞ = ∅ ou SL∞ = S.

Au vu de la discussion précédente, on peut en remplaçant S par un revêtementconvenable supposer que SL∞ = SL . Expliquons brièvement la stratégie de la preuve.Les propriétés de fonctorialité du lieu de Lang assurent que Tq SL contient SL pourtout opérateur de Hecke Tq (proposition 3.5). On cherche à construire un opérateur deHecke Tq dont les orbites sont denses dans S et tel que TqYα est irréductible pour toutecomposante irréductible Yα de SL . Dans cette situation Tq SL = SL et la densité desorbites de Tq assure que SL = S. Pour obtenir l’irréductibilié de TqYα (lemme 3.11) onutilise un argument de monodromie de Deligne et André (lemme 3.10). Cet argumentne fonctionne que si G est adjoint et si Yα est Hodge générique dans S. On ne peut passupposer que Yα est Hodge générique dans S mais en appliquant cette méthode dansla plus petite sous-variété spéciale Sα contenant Yα on conclut au moins que Yα = Sα

est spéciale. Un argument simple est donné à la fin de l’article pour en déduire queSL = S.Preuve du théorème 3.1. Comme expliqué plus haut on peut supposer que SL∞ = SL .Pour tout revêtement f1 : S1 → S du type considéré on a alors

f1(SL∞1 ) = SL∞ . (2)

On suppose dans la suite que SL∞ �= ∅. Nous allons montrer que les com-posantes irréductibles de SL∞ sont spéciales et en déduire qu’en fait SL∞ = S. SoientZ1, . . . , Zn les composantes irréductibles de SL∞ et soient SM1 , . . . , SMn les pluspetites sous-variétés spéciales contenant Z1, . . . , Zn . D’après le lemme 2.10, quitte àpasser à un revêtement, on peut supposer que pour tout i , on ait SL

Mi= SL∞

Mi.

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700 E. Ullmo, A. Yafaev

Lemme 3.2 Pour tout i = 1, . . . , n, Zi est une composante de SLMi

.

Preuve. D’après le lemme 2.5, on a Z Li = Zi ⊂ SL

Mi. �

Proposition 3.3 Pour tout i , Zi = SMi .

On rappelle qu’une sous-variété irréductible Y d’une variété de Shimura S est diteHodge générique (dans S) si S est la plus petite sous-variété spéciale contenant Y .Comme les Zi sont Hodge génériques dans SMi , la proposition est une conséquencedu lemme 3.2 et de l’énoncé suivant:

Proposition 3.4 Soit S une variété de Shimura associée à (GQ, X, K ). On supposeque SL = SL∞ et que SL a une composante irréductible de dimension positive qui estHodge générique. Alors SL = S.

On écrit SL = Y ∪ Y ′ où Y est la réunion des composantes Hodge génériquesde SL et Y ′ est la réunion des autres composantes. On remarque aussi que dans lesarguments qui suivent on peut toujours passer à un revêtement fini de S. Cela résultede la définition de SL∞ et du fait que la préimage et l’image d’une sous-variété Hodgegénérique par un revêtement donné par un sous-groupe compact ouvert est Hodgegénérique.

On a une description de S de la forme S = �\X+ pour une composante connexe X+de X et un réseau arithmétique � que l’on peut supposer net en passant une nouvellefois à un revêtement convenable. On peut supposer aussi que � = G(Q)+ ∩ K . Onsait en effet que � = G(Q)+ ∩ αKα−1 pour un α ∈ G(A f ). On peut alors choisir unrevêtement Sα de S associé à (GQ, X, K ∩ αKα−1 = Kα) tel que Sα = �α\X+ avec�α = G(Q)+ ∩ Kα .

Pour tout q ∈ G(Q)+, on note �q = � ∩ q−1�q et Sq = �q\X+. Il existe alorsdeux morphismes finis

αq : Sq → S et βq : Sq → S

qui sont induits respectivement par l’identité et l’application x �→ q.x de X+ → X+.La variété Sq est associée à une donnée (GQ, X, K ′) pour un sous-groupe compactouvert K ′ ⊂ K de G(A f ) et les morphismes αq et βq sont définis sur une exten-sion finie Eq du corps réflex E(GQ, X) de (GQ, X). En utilisant le lemme 2.3 etl’équation (2), on voit que

αq(SLq ) = βq(SL

q ) = SL = SL∞ . (3)

La correspondance de Hecke Tq est classiquement définie par Sq , son action sur lescycles de S étant donnée par βq�α

�q . Dans ce langage, l’équation (3) se traduit par la

proposition suivante.

Proposition 3.5 Pour tout q ∈ G(Q)+, SL ⊂ Tq .SL .

Reprenons la décomposition SL = Y ∪ Y ′. Pour un q dans G(Q)+, Tq SL =TqY ∪ TqY ′. Les composantes de TqY sont Hodge génériques et les composantes deTqY ′ ne le sont pas. On déduit de l’inclusion SL ⊂ Tq SL que Y ⊂ TqY . On utilisemaintenant l’énoncé suivant:

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Points rationnels des variétés de Shimura: un principe du “tout ou rien” 701

Théorème 3.6 Soit S = �\X+ une variété de Shimura comme ci-dessus et Y unesous-variété de S de dimension positive dont toutes les composantes sont Hodgegénériques. On suppose que pour tout q ∈ G(Q)+, Y ⊂ Tq .Y . Alors Y = S.

Nous allons d’abord nous ramener au cas où le groupe G est adjoint. Soit Gad legroupe adjoint de G et Gad = G1 ×· · ·×Gr sa décomposition en facteurs Q-simples.Quitte à passer une nouvelle fois à un revêtement, on peut supposer que l’image deK dans Gad(A f ) par l’application adjointe est contenue dans un produit de sous-groupes compacts ouverts des Gi (A f ). On note Sad la variété de Shimura associée à(Gad , Xad) et ce sous-groupe compact ouvert de Gad(A f ). Alors Sad est un produitde variétés de Shimura associées aux facteurs Gi et on a un morphisme fini de variétésde Shimura

S −→ Sad .

L’image Y ad de Y dans Sad est spéciale si et seulement si Y est spéciale. Soit Gder lesous-groupe derivé de G et F le noyau (fini) de πad : Gder −→ Gad et g le cardinalde F(Q). La suite exacte

1 −→ F(Q) −→ Gder (Q) −→ Gad(Q) −→ H1(Q, F)

montre que pour tout q dans Gad(Q), qg appartient à l’image de G(Q) par πad . Onen déduit que pour tout q dans Gad(Q),

Y ad ⊂ Tqg Y ad . (4)

Comme S → Sad est un morphisme fini Y = S si et seulement si Y ad = Sad . Lethéorème 3.6 se ramène donc au cas d’une variété de Shimura associée à un groupeadjoint et d’une sous-variété vérifiant la condition un peu plus faible (4).

On remplace donc G par Gad , Y par Y ad et S par Sad . Nous devons montrer queY = S sous l’hypothèse que pour toute puissance g-ième q dans G(Q), Y ⊂ TqY .Ecrivons

Y = Y1 ∪ · · · ∪ Yt

la décomposition de Y en composantes irréductibles.

Lemme 3.7 Ecrivons la décomposition S = S1 × · · · × Sr de S en produit suivantles facteurs simples de G = Gad. La projection de toute composante de Y sur toutfacteur Si est de dimension strictemment positive.

Preuve. Pour tout sous-ensemble I de {1, . . . , r}, on note SI = ∏i∈I Si , G I =∏

i∈I Gi et I ∨ le complémentaire de I dans {1, . . . , r}.Pour tout α ∈ {1, . . . , t}, soit Iα le sous-ensemble de {1, . . . , r} tel que la projection

de Yα sur Si pour i ∈ Iα soit de dimension strictement positive. On écrit

Yα = Y ′α × {xα}

où Y ′α est une sous-variété de SIα et xα est un point de SI ∨

α.

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702 E. Ullmo, A. Yafaev

Supposons qu’il existe une composante, disons Y1 de la forme Y1 = Y ′1 × {x1}

correspondant à un sous-ensemble I := I1 de {1, . . . , r} distinct de {1, . . . , r}. SoitY ′ la réunion des composantes Yα de Y correspondant à ce sous-ensemble I . Lescomposantes de Y ′ sont donc de la forme Y ′′ × {y} où y est un point de SI ∨ . Notons{y1, . . . , yt ′ } l’ensemble des points de SI ∨ qui sont les projections des composantes deY ′. Comme par hypothèse les Yα sont Hodge génériques dans S, les yα sont Hodgesgénériques dans Si pour tout i ∈ {1, . . . , t ′}.

Le fait que Y ⊂ TqY pour tout q puissance g-ième dans G(Q)+ implique au vu dela définition de Y ′ que Y ′ ⊂ TqY ′. On en déduit que pour toute puissance g-ième qdans G I ∨(Q)+

{y1, . . . , yt ′ } ⊂ Tq{y1, . . . , yt ′ }. (5)

Noter que dans cette équation Tq désigne l’opérateur de Hecke de SI ∨ défini par q.Nous allons voir que ceci est impossible. Soit q ∈ G I ∨(Q)+ tel que l’équation (5)

soit vérifiée. En particulier y1 ∈ Tq(yα) pour un certain α. Notons que l’image d’unpoint par l’operateur de Hecke ‘classique’ Tq est contenue dans l’image par un oper-ateur de Hecke Tq défini par des doubles classes adéliques. On utilise la descriptionadélique dans ce qui suit. Ecrivons y1 = [s1, g1] et yα = [sα, gα]. Il existe donc unθi ∈ G I ∨(Q) et k1, k2 ∈ K I ∨ := K ∩ G I ∨(A f ) tels que

si = θi s1 (6)

et g1 = θi gi k1qk2. On en déduit que

k1qk2 = g−1i θ−1

i g1. (7)

Soit K∞ = K∞,s1 := ZG I∨ (R)(s1(√−1)) le compact maximal de G I ∨(R) associé

à s1. Un θi vérifiant l’équation (6) est unique à multiplication par un élément deG I ∨(Q) ∩ K∞ près. Le lemme suivant montre qu’en fait un tel θi est unique. �Lemme 3.8 Soit S une variété de Shimura associée à (GQ, X, K ) pour un groupeadjoint GQ = Gad

Q. Soit y = [s, g] un point Hodge générique de S et K∞ le sous-

groupe compact maximal de G(R) associé à s. Alors

G(Q) ∩ K∞ = {1}.

Preuve. Une représentation fidèle de GQ définit une variation de Q-structures deHodge sur X . Soit Vs la Q-structure de Hodge associée à s : S → GL(Vs), oùS désigne le tore de Deligne ResC/RGm [3, section 1.1.1]. Soit Ds l’algèbre desQ-endomorphismes de structures de Hodge de Vs . Un élément g de G(Q)∩K∞ définitun endomorphisme de la structure de Hodge Vs . Soit MT (s) le groupe de Mumford-Tate de Vs (le plus petit Q-sous-groupe de GL(Vs) par lequel s se factorise). Il estclassique (voir par exemple [3, section 1.1.11]) que

Ds = End(Vs)MT (s)

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Points rationnels des variétés de Shimura: un principe du “tout ou rien” 703

(ensemble des Q-endomorphismes de Vs qui commutent à s.) On en déduit que g ∈ Ds .Comme s est Hodge générique le groupe de Mumford-Tate de s est GQ. On voitfinalement que g appartient au centre de GQ qui est trivial car GQ est adjoint. Doncg = 1. �

On peut maintenant finir la preuve du lemme 3.7. La discussion précédente montrequ’il n’y a qu’un nombre fini (au plus t) de choix pour θ . L’équation (7) montre queq appartient à un ensemble fini et fixe de double classes dans K I ∨\G I ∨(A f )/K I ∨ .Le lemme ci-dessous montre qu’on peut trouver q ∈ G I ∨(Q)+, qui est une puissanceg-ième, et qui est en dehors de cet ensemble fini de doubles classes.

Lemme 3.9 Soit G un groupe semi-simple de type adjoint et K ⊂ G(A f ) un sous-groupe compact ouvert. Soit q1, . . . , qs, s éléments de G(A f ). Pour tout entier g,l’ensemble des puissances g-ièmes dans G(Q)+ n’est pas contenu dans la réuniondes doubles classes K qi K .

Preuve. Soit S cette réunion finie de doubles classes. Soit T un tore maximal dansG. L’intersection T (A f ) ∩ S est une union finie (éventuellement vide) ST de doublesclasses KT \T (A f )/KT où KT := T (A f ) ∩ K . En effet, si ST est non-vide, alorsc’est un sous-ensemble compact de T (A f ). Il est donc recouvert par un nombre finid’ouverts de la forme KT t KT avec t ∈ T (A f ). Supposons que toute puissance g-ièmedans T (Q) soit dans ST . Comme l’ensemble des puissances g-ièmes dans T (Q) estun sous-groupe d’indice fini de T (Q) cela implique que T (Q) est contenu dans uneréunion finie de doubles classes ce qui n’est pas le cas. Cela impliquerait en effet quel’image de T (Q) dans T (A f ) est compact ce qui n’est pas le cas comme on le voit enconsidérant un premier p décomposant T . �Lemme 3.10 Soit Yα une composante irréductible de Y . Soit M l’adhérence del’image de la réprésentation de monodromie associée à Y sm

α (lieu lisse de Yα). AlorsM = G.

Preuve. D’après un théorème de Deligne et André [9, thm. 1.4], M est un produit defacteurs Q-simples de G, soit M = G I pour un certain sous-ensemble I de {1, . . . , r}.La proposition 3.7 de [9] implique que les images des projections sur les facteurs deSI ∨ sont des points. Le lemme 3.7 assure alors que I ∨ = ∅ et par conséquent M = G.

�On suppose dorénavant que le groupe K intervenant dans la définition de S est de

la forme K = ∏l Kl (produit portant sur les nombres premiers l). Ceci est toujours

possible en passant au besoin à un niveau assez grand, par exemple un sous-groupede congruence principal. On en déduit maintenant le résultat d’irréductibilité suivant.

Lemme 3.11 Soit Yα une composante irréductible de Y . Il existe un entier Nα tel quepour tout q ∈ G(Q)+ satisfaisant la propriété que si pour tout premier p divisant Nα ,l’image qp de q dans G(Qp) est contenue dans K p, alors TqYα est irréductible.

Preuve. Compte tenu du lemme précédent, on suit à la lettre la preuve du théorème 5.1de [4]. Remarquons que l’hypothèse que la variété contient un point spécial lisse dansce theorème est utilisée pour assurer que l’image de la répresentation de monodromieest Zariski dense. Dans notre cas cette propriété est assurée par le lemme 3.10. �

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704 E. Ullmo, A. Yafaev

Soit T un Q-tore maximal de G. Alors T est un tore dont les projections sur lesfacteurs directs de G sont des tores maximaux. On choisit maintenant un premier lsuffisamment grand de sorte que:

(a) l ne divise pas les entiers Nα du lemme précedent appliqué à chaque composanteYα de Y .

(b) Pour tout facteur Q-simple Gi de G, Gi (Ql) n’est pas compact. Cette propriétéest satisfaite par presque tout l.

(c) Pour tout q ∈ G(Q) dont les projections dans les Gi (Ql) ne sont pas contenuesdans un sous-groupe compact de Gi (Ql), les orbites de tout point s de S sous(Tq + Tq−1) sont denses pour la topologie archimédienne. Cette propriété estsatisfaite par presque tout l par [4, thm. 6.1].

(d) Le tore TQl est totalement décomposé. Cette propriété est satisfaite par une densitépositive de premiers l.

On choisit un élément m ∈ T (A f ) tel que

(i) pour tout facteur Q-simple Gi de G, l’image de m dans Gi (Ql) n’est pas contenuedans un sous-groupe compact de Gi (Ql). Noter que c’est possible grâce à lacondition (d).

(ii) Pour tout p divisant un des entiers Ni de la condition (a) l’image m p de m dansG(Qp) est dans K p.

En remplaçant m par une puissance, les conditions (i) et (ii) ne changent pas. C’estclair pour la condition (ii). Pour la condition (i), on utilise le fait que, pour tout n, lemorphisme puissance n-ième sur T (Ql) a un noyau fini.

En remplaçant m par une puissance, on peut supposer que m s’écrit m = qk où q estdans T (Q)∩G(Q)+ et k est dans KT := T (A f )∩K . Rappelons que nous avons définiun entier g tel que Y ⊂ TqY dès que q est une puissance g-ième. L’élément qg vérifieégalement les conditions (i) et (ii). La condition (ii) est vérifiée car qg

p = mgpk−g

p ∈ K p

pour p divisant un des entiers Ni de la condition (a). Pour la condition (i) : supposonsque l’image de la i-ème projection de qg soit contenue dans un sous-groupe compactde Gi (Ql). Alors la projection de mg dans Gi (Ql) est contenue dans le sous-groupecompact maximal de la projection de T (Ql). Ce n’est pas le cas par le choix de m.

On remplaçant q par qg , on voit que l’on dispose d’un q ∈ T (Q) ∩ G(Q)+ qui estune puissance g-ième et qui vérifie les conditions (i) et (ii).

Les choix de l et de q montrent que pour toute composante Yα de Y , TqYα etTq−1 Yα sont irréductibles. Par conséquent TqY a le même nombre de composantesque Y . L’inclusion Y ⊂ TqY implique donc que Y = TqY . On remarque que q−1

est une puissance g-ième dans G(Q)+ vérifiant les conditions (i) et (ii) précédentes.L’inclusion Y ⊂ Tq−1 Y implique donc de même que Y = Tq−1 Y . Par conséquent Ycontient une (Tq + Tq−1)-orbite. La propriété (c) vérifiée par l assure alors que Y = S.Ceci termine la preuve du théorème 3.6 et donc de la proposition 3.3.

Nous pouvons maintenant finir la preuve du théorème 3.1. Soit donc S une variétéde Shimura et SL son lieu de Lang. On peut supposer que SL = SL∞ . Nous venonsde montrer que les composantes de Z := SL sont spéciales. Soit Z1, . . . , Zr lescomposantes irréductibles de Z . Le lemme 2.10 entraine que Zi = Z L∞

i pour touti ∈ {1, . . . , r}.

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Points rationnels des variétés de Shimura: un principe du “tout ou rien” 705

Soit q dans G(Q)+, soit Z ′1 une composante de Tq Z1. Par définition des opérateurs

de Hecke, Z ′1 est une image par un morphisme fini d’un revêtement de Z1. Par définition

du lieu de Lang en niveau infini de Z1, on voit que

Z ′1 = Z ′

1L = Z ′

1L∞ ⊂ Z = SL

On en déduit que Tq Z ⊂ SL = Z . En faisant varier q, ou en prenant des q tels queles orbites de Tq soient denses on voit que Z = S.

Remerciements Le deuxième auteur est très reconnaissant à l’Université de Paris-Sud où ce travail a étéinitié pour son invitation et son hospitalité. Le deuxième auteur est également reconnaissant au LeverhulmeTrust pour le support financier. Nous remercions les rapporteurs du textes pour leurs remarques qui ontpermis d’améliorer la présentation des résultats.

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Berlin (2000)6. Lang, S.: Hyperbolic and diophantine analysis. Bull. AMS 14, 159–205 (1986)7. Milne, J.S.: The action of an automorphism of C on a Shimura variety and its special points in Arithmetic

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