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POUR UNE EUROPE PACIFIQUE ET SOLIDAIRE Dossier (P.11-16) Théâtre Comme une ode à la paix (P.22) Rwanda La paix et la réconciliation avancent-elles ? (P.18/19) La paix en mouvement 3,20 euros / N° 642 / Mai 2019 L’info pacifiste : www.mvtpaix.org

Pour une euroPe Pacifique et solidaire

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Page 1: Pour une euroPe Pacifique et solidaire

Pour une euroPe Pacifique et solidaire

dossier (P.11-16)

théâtreComme une ode à la paix(P.22)

rwandaLa paix et la réconciliation avancent-elles ?(P.18/19)

La paix en mouvement 3,20 euros / N° 642 / Mai 2019

L’info pacifiste :www.mvtpaix.org

Page 2: Pour une euroPe Pacifique et solidaire

Participation à la Marche de Pâques de Hambourg22 avril 2019

Présence et intervention du Mouvement de la Paix à Cosne-sur-Loire (58) - 1er mai

Le 31 mars à Saint-Malo (35).Conférence du

Collectif du Grand Ouest contre la réunion des Ministres des

Affaires Étrangères du G7 qui s’est tenu à Dinard.

(Voir article en P.9)

Manifestation du 1er mai place de la République - Paris (75)

Manifestation du 1er mai - Corrèze (19)Vivicitta : Course avec le Monde et pour la Paix

7 avril à Saint-Ouen (93)

REGARD SUR...

2 N° 642 - Mai 2019 - Planète PaiX

Page 3: Pour une euroPe Pacifique et solidaire

SoMMAiRE

l ’Union Européenne issue des Traités qui la déterminent actuellement est libérale au sens économique du terme et peu démocra-tique. En particulier le rôle du Parlement

européen est très réduit dans les domaines législatif, budgétaire et de contrôle de la Commission malgré quelques évolutions récentes.

Les élu-e-s à ce Parlement ont donc peu de pouvoir d’initiative et la pratique continue des coalitions entre les libéraux de droite et de gauche ajoute à la domi-nation de leur doxa commune et à la perméabilité envers le lobbying des firmes internationales. Le dossier à l’intérieur de ce numéro de Planète Paix est éclairant.

Il nous faut donc beaucoup plus d’élu-e-s qui portent une autre voix, celle du refus des inégalités croissantes, des atteintes aux droits des femmes, des reculs dans des libertés fondamentales, celle de l’opposition aux paradis fiscaux dans l’UE, au « dumping » salarial et fiscal entre pays membres.

Il s’agit d’accentuer l’engagement pour la paix négociée partout dans le monde et les réductions des dépenses militaires pour financer la nécessaire transition écologique et l’impératif de justice sociale. Il faut en finir avec l’inféodation de l’UE à l’OTan et enfin promouvoir le Traité d’interdiction de l’arme nucléaire voté massivement à l’OnU.

Dans une culture de la Paix, démocratie participative et démocratie représentative ne sont pas contradictoires mais peuvent être complémentaires et aboutir à une résurgence de la citoyenneté amplifiant l’engagement populaire et l’émergence de porte-parole régulièrement validés et incorruptibles.

Dans un scrutin proportionnel malgré ses limites actuelles, il n’y a pas lieu de s’abstenir car l’éventail du choix électoral est large.

Tout en sachant donner de la voix dans la vie quoti-dienne, au travail et dans l’espace public, la population a tout intérêt à exprimer dans le prochain scrutin européen ses urgences et ses exigences.

Mensuel édité par LE MoUvEMENt DE LA PAix

9, rue Dulcie September, 93400 Saint-Ouen

Tél. 01 40 12 09 [email protected]

donner de la voix y compris par le vote

actualité6

dossier11

mondialiser la PaiX18

culture22

RECONNAISSANCE P.6La réhabilitation citoyennedes fusillés pour l’exemple

jEuNESSE P.7unis (ies) dans la diversité

DESTRuCTIONS P.8Reconstructions des monuments historiques

INÉGALITÉS ? P.9Face au G7, défendons nos alternatives

THÉâTRE P.22Comme une ode à la paix

FILM P.23Pas en mon nom

RwANDA P.18/19La paix et la réconciliation avancent-elles ?

A quOI SERT L’OTAN ? P.20/21Son avenir : sa disparition !

Bon d’abonnement à Planète Paix page 17

Planète Paix n° 642 - Mai 2019

Pour une euroPe Pacifique et solidaire

uNION EuROPÉENNE P.12/13La culture de la Paix est l’avenir de l’uE

LIbRE CIRCuLATION ? P.14Les migrations à l’intérieur de l’Europe

ENVIRONNEMENT P.15Le climat au cœur de la politique de l’uE

HISTORIquE P.16La paix, l’ambition de l’Europe ?

Raoul Alonso

‘‘ dans une

culture de la

Paix, démocratie

participative

et démocratie

représentative

ne sont pas

contradictoires

mais peuvent être

complémentaires. ’’

L’ÉDito

Directrice de la publication : Annie FrisonRédacteur en chef : Pierre VillardSecrétaire de rédaction : Édtih BoulangerConception maquette : Chérif BeldjoudiGraphiste - maquettiste : Laurence LeclertComité de rédaction : Raoul Alonso, Evelyne Aymard, Édith Boulanger, Nadia Dorny-Bennad, Anne-Marie Brenner, Giselle El Raheb, Guillaume du Souich, Annie Frison, Henry-Xavier Hofbauer, Jeannick Leprêtre, Nicolas Pitsos, Roland Nivet, Alain Rouy, Jean-Paul Vienne, Pierre Villard.Photos et illustrations : Tous droits réservés - Onu Ont participé à ce numéro : Raoul Alonso, Hubert Brunel, Marzia Ronconi, Jean-Paul Vienne, Roland Nivet, Pierre Villard, Catherine Wihtol De Wenden, Édith Boulanger, Laurent Munyandilikirwa, Yves-Jean Galles, Giselle El Raheb, Daniel Kupferstein, Anne-Marie Brenner.Gestion des abonnements : Nassera Macrez, tél. 01 40 12 09 12ISSN 1773-19241. Numéro de commission paritaire : 0322G85601 Imprimeur : Compédit Beauregard - 61600 La Ferté-Macé

N° 642 - Mai 2019 - Planète PaiX 3

Page 4: Pour une euroPe Pacifique et solidaire

PoèME

Opinions, Suggestions, Observations ! Envoyez-nous vos messages pour qu’ils soient diffusés dans le journal et sur le site Internet du Mouvement www.mvtpaix.org. écrire à : Mouvement de la Paix 9 rue, Dulcie September, 93400 Saint-Ouen. Courriel : [email protected] réflexions suivantes sont destinées au débat et n’engagent donc que leurs auteurs.

otan !notre communiqué, intéres-

sant, car il explique ce qu’est l’OTan... ne répond pas à la question primordiale : Par quoi remplacer cette organisation mili-taire, sous direction américaine, et imaginer une construction pour l’Europe de Paix... qui me semble singulièrement absente des débats électoraux !

ne peut-on pas avoir la liste des 50 organisations qui soutiennent cette « sortie de l’OTan ? » ne peut-on s’adresser aux candidats pour

que la « paix » soit au centre des débats ? Car, pour moi, toutes les « bonnes propositions » pour plus de social, plus d’écologie, plus de démocratie sont illusoires dans une Europe dont la « sécurité » resterait basée sur la course aux ar-mements, notamment nucléaires !

Une occasion, pour nous,de faire connaître des « propositions fortes » et demander des réponses aux candidats… notamment ceux qui sont (théoriquement) proches de nos positions ? Leurs réponses pourraient être publiées dans le Planète Paix de mai ?

René Bailly

erratum paru dans Planète Paix n° 641

Page 19 : Dans la légende photo, ce n’est pas antoine de Bollardière mais Jacques de Bollardière.

Poème de Ziad medoukEn solidarité avec le peuple françaisDe tout cœur avec les amis françaisaprès l’incendie de notre- Dame de ParisC’est tellement triste !C’est malheureux !C’est terrible !Quelle douleur de voir ces atroces images de notre -Dame en feu !La souffrance au quotidien n’empêche pas la solidarité avec un peuple amiDe la Palestine occupée, nous sommes attristésDe Gaza sous blocus, nous avons le cœur briséalors que chez nous, les colons brûlent nos enfantsEt les occupants détruisent nos monuments, notre patrimoine, et nos maisons au quotidienHier, un incendie a touché une partie de la Mosquée al-aqsa à Jérusalem Mais la solidarité dans ces moments est très importanteEn solidarité avec le peuple français dans cette épreuveEn solidarité avec tous les amoureux de l’histoire et du patrimoine humain. La volonté de reconstruire est plus forte.

Hommage à Julien lauprêtreLe Mouvement de la Paix est triste du décès survenu le 26 avril, à l’âge de 93 ans, de Julien Lauprêtre, Pré-sident du Secours Populaire Fran-çais depuis plus de soixante ans et compagnon de route du Mouve-ment de la Paix. Son association a été créée en 1945 avec pour mission d’agir contre la pauvreté et l’exclu-sion en France et dans le monde et

de promouvoir la solidarité et ses valeurs. Elle rassemble des personnes de toutes opinions, conditions et origines qui souhaitent faire vivre la solidarité. Julien Lauprêtre ne disait-il pas vouloir « mondialiser la solidarité », avec des actions concrètes, en France, comme le « Père noël vert », les œufs à Pâques, les vacances pour tous et notamment la fameuse journée à la mer, mais aussi en suscitant la solidarité interna-tionale lors des conflits et catastrophes sévissant dans différents pays à travers l’aide apportée par son association. En 2017, le SPF est venu en aide à 3,3 millions de personnes, en France et dans le monde. C’est au son du « Temps des cerises » que l’hommage qui lui a été rendu place de l’Hôtel de Ville de Paris a com-mencé avec ce slogan « Tout ce qui est humain est nôtre ». ancien résistant dès 16 ans, il disait : « C’est au Secours populaire que j’ai retrouvé la suite de ce que j’ai fait dans la Résistance ». Son combat contre les « injustices et les inégalités » a été sans relâche : aide ali-mentaire, vestimentaire, accès aux soins, à l’éducation, au logement, au sport, à la culture, aux vacances, insertion socioprofessionnelle. avec une mention particulière aux enfants : « Les enfants, c’était sa priorité ». Une de ses dernières apparitions publiques, où le Mouvement de la Paix était présent, aura été la célébration des cent ans de Roland Weyl, à Paris.C’est grâce à son réseau de partenaires que le Secours populaire répond présent partout dans le monde pour venir en aide aux plus démunis. Il n’a de cesse de poursuivre ses actions car, malheureuse-ment, la pauvreté s’enracine, s’amplifie. En France, plus d’un tiers des Français ont déjà basculé dans la précarité.

mia rety (14 ans) orsay « Ne me protégez plus !». illustration sur le budget de la Défense. Janvier 2019.

CoURRiER DES LECtEURS

4 N° 642 - Mai 2019 - Planète PaiX

Page 5: Pour une euroPe Pacifique et solidaire

REPèRES . . .

‘‘Femme aux pivoines’’ Frédéric Bazille (1841-1870)

RoMAN

LivRE

CoNtE

ExPoSitioN

‘‘dounia - l’or bleu’’de HK et Cédric Van OneckerÉd. Riveneuve, Tome 1 - 80 pages

‘‘arbres de Guerre’’De Thomas LemutÉd. Riveneuve - 138 pages - 10€

‘‘Picasso et la Guerre’’Paris - Musée de la Guerrejusqu’au 28 juillet 2019

‘‘le modèle noir’’Musée d’Orsay 1 rue de la Légion d’Honneur - Paris 75007 jusqu’au 21 juillet

‘‘la guerre des ânes’’de Pierre TartakoswkyÉd. Folies d’encre - 164 pages - 13€

« C’est de là que nous venons, Dounia, de l’eau d’une source, d’une rivière ou d’un océan. C’est là que la vie est née. Cette eau claire à la couleur du ciel, c’est peut-être, avec l’air que l’on respire, le plus grand des trésors qui nous ait été offert. ni l’or, ni le pétrole, ni les diamants, ne valent autant qu’un seul verre d’eau. ». Dans un futur pas si lointain, une ville est à l’agonie, terrassée par une mystérieuse épidémie et par l’emprise de Bayanto, puissante multinationale chimique aux desseins obscurs. À quelques jours de marche, au pied d’une montagne rocheuse dans une vallée verdoyante, vit un village paisible et oublié. Soudain, il est rappelé à la réalité de ce monde, sommé de ne plus faire parler de lui, de se mettre dans le rang ou de disparaître à jamais. Dounia, Grand-père, Rita, aurore et les autres le savent, ils se trouvent aujourd’hui face à cette décision qu’ils vont devoir prendre ensemble, pour leurs idéaux, leurs enfants et leurs étoiles pas encore éteintes.

L’artiste Thomas Lemut est hanté par les arbres et par la guerre. nombre de ses œuvres traitent de leurs rapports, tant l’écorce des pre-miers garde la mémoire de l’autodestruction des autres. Il est à l’ori-gine d’une plantation de chênes en hommage aux morts de la Première Guerre mondiale et d’une exposition de sculptures « One Hundred Wars ». L’artiste a sollicité plusieurs auteurs : le cinéaste Eric Deroo, réalisateur de documentaires sur la Grande Guerre, le romancier primé François Sureau et l’artiste et commissaire d’exposition Damien Mac-Donald. Ils ont répondu par la fiction, la philosophie, l’entretien intime et l’histoire. Ce livre est un appel à la contemplation et à l’errance en forêt, une méditation sur la mémoire. En choisissant d’esthétiser les reliques désuètes de l’absurdité guerrière, Thomas Lemut interroge ici la recognition de toute empreinte historique, comme sa sublimation.

Picasso a été le contemporain de conflits majeurs. De l’indépendance cubaine et la guerre hispano-américaine, jusqu’à celle du Vietnam. Quelle a été la relation de Picasso à la guerre ? Quelle lecture de l’his-toire a-t-il développée ? L’exposition « Picasso et la Guerre » explore la manière dont les guerres ont influencé et nourri l’œuvre du peintre. Ses prises de position lui ont conféré un rôle et une stature uniques : un artiste engagé et militant. a la Libération, il devient une icône du pacifisme en utilisant le symbole de la Colombe, notamment pour le Mouvement de la Paix et le Conseil mondial de la Paix. L’exposition s’at-telle à décortiquer les liens entre Picasso et les conflits de l’époque, de manières chronologique et chrono-thématique. Découvrez des tableaux du maître, des documents d’archive personnels, des articles de presse, des photographies et une multitude d’autres objets.

Voilà que le quai d’Orsay s’implique dans une banale histoire d’ânes. Ils sont offerts par une association humanitaire aux femmes d’un village du Burundi. Concours de circonstances, les ânes arrivent à destination au moment même où l’Élysée reçoit en grande pompe le chef d’État du Rwanda. Lequel est détesté par son homologue du Burundi... L’innocent cadeau prend subitement la dimension d’un in-gérable conflit diplomatique. au Burundi, les ânes deviennent brusque-ment de la pure contrebande, une insulte raciste à la nation, des bêtes étrangères juste bonnes pour la réclusion et la quarantaine.

Voués aux gémonies, les douze ânes deviennent l’enjeu d’un imbro-glio de folie où se mêlent révolte étudiante, prêches religieux, trafi-quants en tous genres, ministres et militaires, agents du Shin Beth et techniciens de la CIa.

Qui l’eut dit, qui l’eut cru ? La guerre des ânes sera-t-elle évitée ?

L’exposition historique sur la représentation des noirs, de Géricault à Matisse, en passant par Manet bouscule le musée d’Orsay. avec une ap-proche multidisciplinaire, entre histoire de l’art et histoire des idées, cette exposition se penche sur des problématiques esthétiques, politiques, so-ciales et raciales et sur l’imaginaire que révèle la représentation des figures noires dans les arts visuels. Portée par trois moments forts - le temps de l’abolition de l’esclavage (1794-1848), le temps de la nouvelle peinture (Manet, Bazille, Degas, Cézanne) et le temps des premières avant-gardes du XXème siècle - cette exposition propose un nouveau regard sur la contribu-tion de personnes et de personnalités noires à l’histoire des arts.

ExPoSitioN

N° 642 - Mai 2019 - Planète PaiX 5

Page 6: Pour une euroPe Pacifique et solidaire

ACtUALitÉ

Par-delà l’inauguration du monument en hommage aux fusillés pour l’exemple, c’est à une réhabilitation citoyenne de ces malheureux que nous avons assisté

tant l’émotion était palpable. Une foule dense se pres-sait en cette matinée du samedi 6 avril pour écouter M. Marcel Lalonde, maire de Chauny, dont on peut ici saluer le courage politique pour accueillir dans sa ville ce monument. après avoir brièvement rappelé que son département est la sépulture de milliers de soldats de toutes origines, et les combats sanglants et inhumains de la Première Guerre mondiale, il posait la question : « Qu’aurions-nous fait à leur place ? au-rions-nous obéi à des ordres qui nous mèneraient à une mort certaine ? »

Puis vint le moment de dévoiler ce monument. Il est le fruit d’un long travail porté par la Libre Pensée avec l’appui de l’UPF1, de la Fédération nationale laïque des monuments pacifistes, du Mouvement de la Paix, de la Ligue des Droits de l’Homme, de l’aRaC2, des syndicats FO, FSU et CGT. Le monument représente quatre suppliciés dont l’un est originaire d’afrique du nord (rappe-lons qu’un fusillé sur dix vient des colonies). Il est complété par deux plaques : l’une à la mémoire des fusillés, l’autre rend hommage à Jean Jaurès, pre-mière victime de cette guerre, assassiné pour avoir lutté pour la paix.

RECONNAISSANCE

la réhabilitation citoyennedes fusillés pour l’exemple

DiversitéL’après-midi, les associations prennent le relais.

Toutes, dans leur diversité et leur spécificité, appor-tent leur soutien à cette initiative et rappellent leurs combats passés et à venir pour un monde plus juste, plus solidaire exempt de toutes les guerres. nicole aurigny de la Libre Pensée de l’aisne et coordinatrice du projet rappelle la genèse de ce monument, en maîtresse de cérémonie charismatique : « Ce monu-ment n’est pas une commande de l’État, il est le fruit d’une souscription. » Elle poursuit « Ce monument est le vôtre soyez-en toutes et tous remerciés. » Si l’Union pacifiste de France rappelle qu’elle est la pre-mière association à s’être intéressée aux fusillés pour l’exemple, la Ligue des Droits de l’Homme informe que les premiers réhabilités l’ont été à son initiative. La Fédération des monuments Laïques - qui fait l’in-ventaire de ces monuments - annonce qu’un livre est en cours d’impression de Gentioux à Chauny. L’aRaC à son tour donne son analyse de l’infamie de la Première guerre mondiale. Mireille Marchioni du Mouvement de la Paix insiste sur le nouveau concept de Culture de la paix et rappelle qu’en terme de non-respect des engagements pris la France est dans l’il-légalité puisqu’elle ne met pas en œuvre les termes du Traité de non-prolifération nucléaire qu’elle a pourtant signé en 1992. Le Secrétaire général de FO dénonce l’usage du carnet B de fichage d’individus. La FSU fustige les rapports que l’on promeut au-jourd’hui entre l’école et l’armée. La CGT rappelle son engagement contre toutes les guerres, et celle d’algérie en particulier. Enfin, constatant l’opprobre qui cent ans après traumatise encore les familles, la Libre Pensée déclare : « Les fusillés n’étaient pas cou-pables, alors il faut les réhabiliter. »

C’est pourquoi il est important de continuer l’ac-tion toutes et tous - ensemble-, comme le propose la Libre Pensée. après cette réhabilitation citoyenne, plus que jamais une réhabilitation officielle des six cents trente neuf fusillés pour l’exemple s’impose.

Hubert Brunel

1 Union pacifiste de France2 association républicaine des anciens combattants

le village de chauny

dans la marne

accueillait ce 6 avril

une cérémonie

toute particulière.

Plusieurs centaines

de personnes

ont inauguré un

monument national

en hommage aux

soldats dits ‘‘fusillés

pour l’exemple’’.

Inauguration du monument national en hommage aux ‘‘fusillés pour l’exemple’’ à Chauny (02)

6 N° 642 - Mai 2019 - Planète PaiX

Page 7: Pour une euroPe Pacifique et solidaire

ACtUALitÉ

e fais partie de cette minorité privilé-giée qui a eu la possibilité de jouir des choses parmi les plus positives de l’Union Européenne (EU). Italienne, titulaire d’un diplôme obtenu en an-

gleterre et d’un master en allemagne, ayant effectué un Erasmus en Espagne, et ayant vécu en France où j’ai été bénévole au sein du Mou-vement de la Paix, j’ai aussi pu voyager avec le même passeport dans la majorité des pays européens.

L’Europe comme une familleJe vois l’UE comme une famille, liée par

l’histoire, la géographie, la politique, l’écono-mie et par des valeurs communes. En voya-geant hors de l’UE, en particulier en amérique du sud, j’ai commencé à percevoir l’existence d’une unité plus profonde entre ces vingt huit pays, d’une identité européenne. Là-bas aux yeux des autres j’étais d’abord européenne, alors que je m’accrochais à mon identité nationale et à ses particularités. J’ai ainsi ressenti et compris que mon « européanité » n’était pas incompatible avec mon identité nationale, au contraire elle l’enrichissait.

avec le Brexit, le scepticisme grandissant à l’égard de l’UE et ses scandaleuses politiques migratoires, j’ai commencé à m’inquiéter sur son futur et à comprendre qu’il fallait lutter pour elle, la défendre, et participer activement pour la reconstruire d’en bas grâce à l’aide de mouvements sociaux et de la jeunesse.

Inégalités dans l’uEEn effet, tout en étant pro-européenne, il y

a plusieurs aspects de l’UE qui nécessitent des changements pour réduire les inégalités et supprimer des discriminations. ainsi pour la situation des femmes au sein de l’UE : 30,1% de femmes de vingt neuf ans dans l’UE n’ont

unis (ies) dans la diversité

une partie des jeunes voient l’union européenne comme une opportunité .

leurs pérégrinations à travers le monde et le regard de jeunes d’autres continents les

conduisent, de plus en plus, à s’identifier comme européens sans vivre cette identité comme

contradictoire avec leur identité nationale, ni réduire leurs exigences vis-à-vis de l’ue.

pas d’emploi et ces chiffres varient largement entre les pays les mieux et les moins bien clas-sés (Malte : 14,3%, Italie : 52,2%). De même le pourcentage des femmes qui ont fait des études supérieures connaît des différences abyssales puisque la moyenne européenne est de 44,6, alors qu’en Roumanie le taux est de 28,3%, et à Chypre 68.5%. (Source : eurostat).

Les programmes de mobilité pour la jeu-nesse, comme Erasmus+, pour des expé-riences d’étude et de travail, ne sont également pas accessibles à tout le monde et ce malgré leur bénéfices indéniables en termes de pro-motion de la solidarité, de la tolérance, de la participation et d’une conscience européenne. Tout ceci en augmentant les possibilités d’em-ploi et d’inclusion sociale. Ces programmes qui permettent l’interaction entre jeunes européens, migrants et réfugiés contribuent aussi à lutter contre les extrémismes violents et à créer des communautés plus ouvertes et résilientes basées sur la compréhension inter-culturelle. Par contre ces programmes restent inaccessibles pour beaucoup de jeunes, en particulier ceux avec une mobilité réduite, ou provenant de zones rurales ou de milieux éco-nomiques et sociaux plus modestes (Source :

EYCa, ERYICa & Eurodesk 2017). La mobilité pour les jeunes devrait être un droit et non un privilège : la démocratiser devrait être une priorité pour l’UE.

Enfin, si l’UE a gagné le prix nobel de la Paix en 2012 pour avoir réussi, en partie, à pré-server la Paix en son sein depuis sa création, elle est marquée par de aspects très insatis-faisants. L’UE selon les textes fondateurs s’en-gage à « promouvoir et protéger les droits de l’homme, la démocratie et l’État de droit » (eu-ropa.eu). Mais où sont ces belles paroles face aux flux migratoires vers l’UE de gens fuyant les guerres et la misère? Il n’en reste que du business fait sur le dos des plus vulnérables.

C’est à nous d’améliorer l’UE, de lui rappeler ses principes fondateurs. En protestant, en manifestant et en participant en tant que so-ciété civile, on a le pouvoir de changer non seu-lement le discours mais aussi les politiques, et de contribuer à faire de cette Union, une entité qui trouve sa force dans la justice, dans l’État de droit et dans les droits humains. Une union qui peut encore jouer un rôle clé dans la pro-motion de la paix en Europe, comme ailleurs.

Marzia Ronconi

jEuNESSE

N° 642 - Mai 2019 - Planète PaiX 7

Page 8: Pour une euroPe Pacifique et solidaire

ACtUALitÉ

en novembre 1993, le cé-lèbre pont de Mostar (Stari Most - construit au XVIème siècle par les Ottomans)

s’écroulait dans la neretva, victime d’un bombardement délibéré des Croates du HVO1, qui entendaient couper toute relation physique avec la partie bosniaque (musulmane) de la ville. Par là-même, les paramili-taires croates s’en prenaient à l’un des symboles les plus emblématiques de l’unité politique et culturelle de la Bosnie-Herzégovine. Entre temps, ce pont a été reconstruit sous l’égide de l’UnESCO, tant était forte sa valeur d’universalité. Peu de temps après sa destruction, l’écrivaine croate, Slavenka Drakulic, par ailleurs très estimable, faisait paraître un billet dans lequel elle exprimait ses senti-ments à la vue de deux photos mises côte à côte dans une revue. L’une représentait le pont détruit, tandis que la seconde montrait le corps d’une femme tuée lors de cette même guerre de Bosnie-Herzégovine. Et elle faisait ce constat, peut-être à son corps défendant, que la douleur que lui causait le spectacle de ce pont détruit par la guerre était bien plus grande que celle qui était provoquée par la vue de ce corps de femme, lui aussi détruit dans les mêmes circonstances.

Reconstruction de bâtiments toujours possibleQuels sentiments peut-on dès lors éprouver après

le gigantesque incendie qui a ravagé la cathédrale notre-Dame et m’a bouleversé, moi le passionné de vieilles pierres, comme il a bouleversé des millions de gens en France et dans le monde ? On rappellera qu’il est (presque) toujours possible de restaurer/recons-truire un bâtiment ancien détruit par quelque cause que ce soit (les guerres parmi d’autres). Les autri-chiens l’ont prouvé en reconstruisant, à grands frais, après 1945, la cathédrale Saint Etienne de Vienne, encore bien plus éprouvée que notre-Dame. Tous les autrichiens ont alors mis la main à la poche. Et ce que les autrichiens ont alors réalisé, dans une pé-riode de grande pénurie, les Français, avec, au reste, quelques aides venues du reste du monde, pourront aussi le faire, quoiqu’il (nous) en coûte, dans une époque plus prospère. aucun doute là-dessus.

DESTRuCTIONS

reconstructions des monuments historiques

Oui, les Russes ont reconstruit les palais impé-riaux de Saint-Pétersbourg, les Polonais la vieille ville de Varsovie, les Italiens l’opéra de la Fenice à Venise, les allemands l’Église notre-Dame et le Pa-lais du Zwinger de Dresde (parmi beaucoup d’autres œuvres d’art). Ces derniers sont même en train de reconstruire ex nihilo le palais royal de Berlin, dont il ne subsistait plus aucun vestige. C’est une ques-tion de moyens, c’est-à-dire de volonté politique et de consensus national.

Reconstruction d’un être humain toujours impossible

Mais personne ne parviendra jamais à restaurer un seul corps humain détruit par la guerre. Impossible. Même les blessés, dans leurs âmes comme dans leurs corps, resteront à tout jamais meurtris. n’en déplaise à Slavenka Drakulic, il n’y a pas de comparaison pos-sible entre les deux destructions. On ne remplacera jamais un être humain anéanti par la guerre. Il fallait bien le cynisme ordinaire de napoléon pour décla-rer, après une bataille particulièrement meurtrière, peut-être celle d’Eylau (1807) : « Une nuit de Paris réparera tout cela ». Une nuit de Paris peut bien rava-ger notre-Dame, qui sera reconstruite. Mais aucune nuit de Paris, ni d’ailleurs, ne réparera une seule vie humaine détruite. Et chaque vie est au moins aussi précieuse que notre-Dame…

Jean-Paul Vienne

1 Conseil de défense croate, en croate Hrvatsko vijeće obrane

le 15 avril,

l’incendie de

notre-dame de

Paris suscite une

forte émotion

dans le monde.

Jean-Paul Vienne

cite quelques

exemples de la

reconstruction

de monuments

célèbres et détruits

le plus souvent par

des guerres.

la restauration

d’êtres humains

détruits par la

guerre, elle, est

impossible.

Cathédrale de Vienne en 1945

8 N° 642 - Mai 2019 - Planète PaiX

Page 9: Pour une euroPe Pacifique et solidaire

Devant l’Hôtel du Palais à Biarritz où aura lieu le G7

ACtUALitÉ

le G7, « Groupe des sept », est un groupe de discussion entre sept des plus grandes puissances éco-nomiques du monde qui détiennent

environ les 2/3 de la richesse nette mondiale (allemagne, Canada, États-Unis, France, Italie, Japon et Royaume-Uni). Le sommet du G7 réunit chaque année les chefs d’État de ces pays ainsi que les présidents de la Commission et du Conseil européens et avec la participa-tion quasi permanente des représentants des banques centrales. La Russie s’en est retirée en 2014 après les divergences apparues sur l’af-faire Ukrainienne.

Règlement des problèmes à 7 ?L’Élysée présente le G7 en ces termes

« Nous ne sommes pas seuls. Les problèmes que chacun rencontre au quotidien sont si-milaires à ceux qui impactent les citoyens à l’autre bout de la planète. Pour les régler, il faut donc le faire ensemble… le G7 se réunit chaque année pour parler de paix et sécurité, lutte contre le terrorisme, développement, éducation, santé, environnement et chan-gement climatique par exemple. Autant de sujets qui impliquent les différents acteurs et nécessitent des réponses communes ». On ne peut que s’interroger sur le terme « en-semble » puisque le G7 ne réunit que sept États sur les cent quatre vingt trois États des nations Unies. Et c’est là que le bât blesse. Ces chefs d’État, pour la plupart, se targuent d’être des fervents défenseurs du multilatéra-lisme alors qu’ils discutent à sept de questions effectivement essentielles mais en ayant plu-tôt comme objectif d’imposer leurs solutions au reste du monde y inclus aux nations Unies.

face au G7,défendons nos alternatives

des réunions dans le cadre du G7 se sont tenues récemment à saint-malo sur les questions

de la paix et de la sécurité, à Bondy en seine-saint-denis sur la question de l’égalité hommes/

femmes, à metz sur la question de l’environnement. en effet, la france dirige le G7 durant

toute l’année 2019.

Le comble du cynisme est atteint lorsque des États, dont la France, appellent avec l’al-lemagne à la création d’une coalition pour la défense du multilatéralisme : au lieu de contri-buer à l’efficacité du système des nations Unies, qui en est le seul lieu véritable d’exer-cice, ils le contestent ou le contournent par la

création de coalitions ad hoc telles que le G7. a cet égard Bertrand Badie livre cette réflexion éclairante lorsqu’il dit « La notion de coalition ad-hoc appelle les plus grandes réserves en ce qu’elle porte en elle-même l’idée d’exclusion et celle de sélection, l’une et l’autre contraires au multilatéralisme ».1

Cette attitude est particulièrement cho-quante pour le gouvernement français qui récuse le processus qui a abouti à l’adoption aux nations Unies du Traité d’interdiction des armes nucléaires le 7 juillet 2017.

Face au G7, défendons nos alternativesFace au sommet du G7 qui aura lieu à Biar-

ritz du 24 au 26 août 2019, des OnG réunies au sein du CRID (Centre de Recherche et d’Information pour le Développement) et des organisations basques préparent un contre- sommet sous l’intitulé « Face au G7, défen-dons nos alternatives ! ».

Déjà, à l’occasion de la réunion des mi-nistres des affaires étrangères à Dinard en avril, à l’initiative du Mouvement de la Paix, un séminaire s’est tenu à l’hôtel l’Univers à Saint-Malo pour élaborer des propositions al-ternatives pour la paix et le désarmement en particulier nucléaire. Le texte final de ce sé-minaire adopté par des militants membres de vingt deux organisations différentes souligne que « La mondialisation économique prônée par le G7 ne permet pas de faire face aux défis du monde actuel (faim, guerres, dérèglement climatique, éducation pour tous, promotion des énergies renouvelables, ODD, réalisation concrète des droits humains) mais à travers la militarisation des relations internationales fait porter aux peuples le fardeau de dépenses mi-litaires démesurées. Face à cette situation les peuples doivent s’unir et agir pour obtenir des politiques sociales, économiques, culturelles et de paix s’inspirant de la Charte des nations Unies et nécessaires pour la réalisation de tous les droits humains et en premier lieu du droit de l’ homme à la paix.

Roland Nivet

1 Le club des vingt, 16 décembre 2018

INÉGALITÉS ?

N° 642 - Mai 2019 - Planète PaiX 9

Page 10: Pour une euroPe Pacifique et solidaire

AU JoUR LE JoUR

appel des peuples indigènes d’amazonie

au Brésil, la déforestation de l’amazonie a augmenté de 54% en janvier 2019, la Funai (Fondation nationale de l’Indien) a été dépossédée de certaines de ses compétences sur les terres autochtones au profit du minis-tère de l’agriculture défendant les intérêts de l’agrobusiness. Les peuples indigènes adressent un appel avant tout aux « citoyens européens » pour une exigence sans faille sur leur consommation alimentaire, la déforestation se faisant au profit de cultures ex-portées de soja transgénique pour nourrir des animaux à l’autre bout du monde. Ils rappellent que la vision capitaliste qui dévaste leur territoire anéantira, à terme, « tous les peuples du monde ». À noter également que le Pré-sident du Brésil, Bolsonaro, va interdire le financement public de l’enseignement de la philoso-phie et de la sociologie.

cartooning in africa Le 3 mai a été déclaré par l’OnU « Journée mondiale de la liberté de la presse ». La 26ème édition organisé par l’UnESCO, l’Union africaine et le Gouvernement de la République démocratique fédérale d’Éthiopie a réuni

26 dessinateurs de presse du monde entier à addis-abeba. Cartooning for Peace, qui participe activement à ce rendez-vous international, a créé une exposition de dessins de presse du monde entier sur les médias et la liberté de la presse, « Car-tooning in africa » avec un focus spécial sur les dessinateurs et les enjeux du continent africain. Le thème de cette édition était sur le rôle des médias dans les élections et la démocratie. Reporters Sans Frontières vient de publier l’édi-tion 2019 du classement mondial de la liberté de la presse où il est dit « la haine des journalistes a dégénéré en violence, laquelle est facteur d’une montée de la peur. Le nombre de pays considérés comme sûrs, où les journalistes peuvent exercer leur métier en toute sécurité, continue de se

réduire, tandis que les régimes autoritaires renforcent leur emprise sur les médias. ». Pour la France, classée 32ème sur 180 pays, il est mentionné que l’année 2018 a vu le nombre des attaques et des pressions contre les médias d’information et contre les jour-nalistes croître dangereusement.

Prix de la meilleure enquête L’enquête sur l’exportation d’armes numériques françaises vers des dictatures a été récom-pensée : Olivier Tesquet a reçu le prix 2019 Relay-SEPM de la meilleure enquête à la cérémonie des Magazines de l’année 2018 pour un article « On a encore trouvé une société française qui

vend du matériel de surveillance électronique à l’Égypte ». Journa-

liste spécialisé dans les questions numériques à Télérama, il a enquêté sur l’entreprise française Ercom qui équipe le régime autoritaire égyptien en systèmes de surveillance de masse, avec la bénédiction de l’État français.

la turquie à l’ordre du jour Deux évènements importants, liés entre eux, viennent de se produire en Turquie : la décision par le Pdt Erdogan d’annuler le vote aux municipales pour la ville d’Istanbul où l’opposition

au régime en place était deve-nue majoritaire, d’une part, et d’autre part la rencontre entre abdullah Oçalan, Pdt du Parti des Travailleurs kurdes, PKK, avec ses avocats pour la première fois depuis huit ans. (Oçalan est à l’isolement depuis vingt ans dans une île-prison de la mer de Marmara). Le message qu’il a fait passer est un message de paix et de recherche de négociation : il a notamment souhaité que les grèves de la faim pour demander sa libération qui durent pour certaines depuis plus de cent

jours s’arrêtent en Turquie et à Strasbourg et que la priorité soit mise pour la construction d’un pays démocratique.

• Cheminas (07) : 18 mai à 18h30 au ruisseau, spectacle témoignage autobiographique intitulé “Ma guerre d’algérie”. Participation de 10 €. S’inscrire à : [email protected]

• Paris (75010) : 18 mai à 14h, place de la République, marche mon-diale contre Monsento, Bayer et Syngenta.

• Bourges (18) : 18 mai à 14h, en centre ville, marche « Unis pour le Climat », avec une vingtaine d’associations dont le Mouvement de la

ça se passe près de chez vousPaix pour la réduction des dépenses militaires.

• Paris (75006) : Place Saint- Michel - 22 mai, 5 juin, 19 juin de 16h30 à 18h vigie pour le désarmement nucléaire.

• Rennes (35) : 25 mai à 20h au Centre Social Carrefour 18, 7 rue d’Espagne. Musique-Solidarité-Paix « En Mai les arts en Paix ». Organisé par le Mouvement de la Paix Bretagne et Mary Shelly.

les migrations à l’intérieur de l’europe

étonnants Voyageurs Du 8 au 10 juin, rendez-vous à Saint-Malo pour la 30ème édition du festival international du livre et du film, Étonnants Voyageurs.Pour tous renseignements : www.etonnants-voyageurs.com

10 N° 642 - Mai 2019 - Planète PaiX

Page 11: Pour une euroPe Pacifique et solidaire

Pour une euroPe

Pacifique et solidaire

DoSSiER

• union euroPéennela culture de la Paix est l’avenir de l’ue

• libre circulation ? les migrations à l’intérieur de l’europe

• EnvironnEmEnt le climat au cœur de la politique de l’ue

• Historiquela paix, l’ambition de l’europe ?

L’idée d’unité de notre continent a germé dès le XIVème siècle, sa construction avec six pays ne date que de 1957. En 2019, les élections vont concerner les habitants de 28 pays, y compris ceux du Royaume-uni, pour élire 751 eurodé-putés, dont 74 Français. L’Europe a un rôle décisif à jouer pour l’avenir pacifique et durable de notre planète. La Paix est-elle le moteur de la dynamique euro-péenne, comme le souhaiteraient la majorité de ses électeurs ? Les « réalisations concrètes » de l’uE se sont jusqu’à présent limitées à des programmes exclusi-vement économiques et monétaires. Comment faire en sorte que la Culture de paix inspire sa politique ? Placer l’ambition d’une Europe de paix au centre du débat politique actuel, avec ses composantes politique, sociale et culturelle, est indispensable. La sécurité passe par l’instauration d’une Zone Exempte d’Armes Nucléaires (ZEAN), d’une politique humaine vis-à-vis des migrants, de la lutte contre la montée des politiques xénophobes, du maintien des services publics efficaces, d’un engagement concret contre le dérèglement climatique et de l’ar-rêt d’une militarisation effrénée. Et non pas par la mise en concurrence de tous les pays, européens ou non, entre eux.

N° 642 - Mai 2019 - Planète PaiX 11

Page 12: Pour une euroPe Pacifique et solidaire

DoSSiER P o U R U N E E U Ro P E PAC i f i q U E E t S o L i DA i R E

P arler d’Union européenne, n’est-ce pas d’abord parler de projet ? Quelle a été la motivation des personnes qui ont œuvré à la construction d’un édifice

politique en lieu et place de puissances régionales qui ont conquis le monde en construisant des em-pires ? Français, Britanniques, Espagnols, Portugais, Belges, allemands, Italiens, Russes,… quelles que soient les formes politiques dominantes, ceux-ci se sont souvent confrontés sur le plan militaire et ont semé la désolation aux quatre coins du globe. Ils ont imposé leur vision et donc leurs lois, très loin de leurs frontières.

Malgré cela, des dirigeants de ces mêmes États ont pris la mesure du rejet des confrontations entre les peuples européens pour construire un espace d’abord économique, puis politique commun. Cer-tains le rejettent aujourd’hui et aspirent à retrouver des formes de domination, dignes du 18ème, 19ème ou 20ème siècle.

Depuis le milieu du 20ème siècle, cette construction politique s’est inscrite dans une réalité et des dyna-miques contradictoires. D’un côté se construisait un système multilatéral avec l’Organisation des nations Unies. De l’autre se bâtissait un monde bipolaire dans un contexte de guerre froide. Les premiers fonde-ments de l’Union européenne se réalisent dans cet environnement politique d’affrontement des blocs. On est alors assez loin du « Plaidoyer pour la Paix » dans lequel Erasme avance dès 1516 l’idée d’un grand ensemble européen contre les conflits qui ra-vagent alors l’Europe. Pourtant, le 5 septembre 1929, aristide Briand1 prononce un discours sur un projet d’union européenne à l’assemblée générale de la So-ciété des nations au nom du gouvernement français en accord avec Gustav Stresemann2. C’est enfin le 25 mars 1957 que six pays3 signent le Traité de Rome créant la Communauté économique européenne. Les premières élections d’un parlement européen au suffrage universel direct ont eu lieu du 9 au 12 juin 1979. Les prochaines se tiendront le dimanche 26 mai 2019 en France, selon les règles fixées par le Traité de Lisbonne.

En se remettant dans le contexte de l’époque, on peut considérer que le rejet de la guerre et de la vio-lence a pu être l’élément moteur, voire fédérateur de femmes et d’hommes politiques de bords différents,

la culture de la Paix est l’avenir de l’ue

qui ont voulu voir l’avenir autrement que par la souf-france perpétuelle des peuples. L’Union européenne est-elle aujourd’hui portée par ces mêmes valeurs ? Il est permis d’en douter au vu de l’influence des nationalismes.

Contour du débatSi l’on considère que la paix est le moteur de la

dynamique européenne, comment faire pour que ce ciment émancipateur demeure ? Force est de constater que les observateurs parlent aujourd’hui davantage de défense que de paix. Les questions qui émergent consistent à savoir s’il faut ou non une ar-mée européenne, si la France doit ou non céder son siège de membre permanent au conseil de sécurité de l’OnU à l’Union européenne, voire si elle doit par-tager le bouton nucléaire. Une fois encore, poser le débat en ces termes revient à prendre le sujet par le petit bout de la lorgnette.

La question majeure est « quelles politiques pour une Union européenne active pour la Paix ? ». En d’autres termes, que peut et doit engager l’Union européenne pour que son action soit facteur de paix, tant entre ces pays membres qu’au plan in-ternational. En effet, si l’on considère que l’aspi-ration à vivre en paix est commune aux peuples d’Europe, l’Union européenne doit y répondre. Or, les logiques mises en œuvre au sein de l’Union européenne au nom de la concurrence libre et non faussée contrarient la réalisation de cette as-piration. Elles alimentent les affrontements et les conflits, tant pour l’accaparement des richesses que pour la maîtrise des leviers de décisions. Elles fragilisent les existences des individus et contri-buent à créer un monde incertain et dangereux, qui génère des inquiétudes, voire des peurs. Elles répondent à certains objectifs politiques qui prô-nent la militarisation des relations internationales, et donc également celles de l’Union européenne. ainsi, la réponse sécuritaire apparaît-elle au tra-vers de la création d’un fond européen de défense de 13 milliards d’euros et le renforcement des liens organiques entre l’Union européenne et l’Organi-sation du Traité de l’atlantique nord. Pourtant les avancées intellectuelles et scientifiques permettent aujourd’hui de mettre en place d’autres logiques pour une Union européenne de coopération.

uNION EuROPÉENNE

comme c’est trop

fréquemment le

cas, la Paix en

europe est de

nouveau regardée

par le prisme des

guerres, de la

sécurité militaire et

des dominations.

comme si nous

n’en n’avions pas

assez souffert.

Pourtant, au sein

de l’union

européenne comme

ailleurs, la culture

de la Paix est un

vecteur d’espoir

pour changer

le monde.

12 N° 642 - Mai 2019 - Planète PaiX

Page 13: Pour une euroPe Pacifique et solidaire

P o U R U N E E U Ro P E PAC i f i q U E E t S o L i DA i R E

une ZEAN en EuropeParmi les partisans de l’arme atomique deux

théories se disputent. S’ils persistent dans l’es-croquerie de leurs arguments en faveur de la dissuasion, ils divergent sur le partage ou non du contrôle politique du bouton nucléaire. Pourtant le contexte international imposera tôt ou tard que les puissances atomiques euro-péennes4 et celles5 qui disposent de missiles et têtes nucléaires dans des pays alliés de l’OTan en Europe, négocient ou soient contraintes de retirer puis de détruire leurs armes de destruc-tion massive. aussi, ce débat est-il encore une fois désuet quand, dans la réalité, le seul projet qui vaille de débattre c’est la manière d’ins-taurer une nouvelle zone exempte d’armes nucléaires6 en Europe. Il est à regretter que les forces politiques qui partagent cet objectif n’en fassent pas un argument de campagne, notamment celles qui sont actives au sein de la campagne ICan. Le parlement européen a pourtant été capable dans le passé de prendre plusieurs résolutions grâce à l’opiniâtreté de quelques députés. Le 27 février dernier, quatre députés verts de France, du Royaume-Uni, du Luxembourg et d’autriche faisaient leur cette revendication en lançant un appel sur l’aéro-port de Kleine Brogel, après avoir pénétré sur cette base militaire belge.

une uE active pour la PaixLe débat sur le rôle que pourrait jouer

l’Union européenne pour la Paix est-il si dif-férent qu’à l’échelle du globe ? Il va de soi que non. C’est toujours le même questionnement sur les choix à opérer en matière de sécurité. Si l’Union européenne joue à son tour les gros bras dans l’objectif du partage des influences et des dominations du monde, les mêmes fra-gilités demeureront. au contraire, au vu de son histoire violente et des lourds tribus payés par ses peuples, notamment lors des derniers conflits mondiaux, les pays de l’Union euro-péenne auraient toute légitimité pour s’enga-ger dans une diplomatie par la paix. L’Union européenne devrait donc fonder sa diplomatie sur la prévention et la résolution non-militaire

des conflits et agir conformément à la Charte des nations-Unies ainsi qu’aux principes de la culture de la Paix.

ainsi, des campagnes demandent la suspen-sion de l’accord UE-Israël, à la lumière de la violation permanente des droits élémentaires des Palestiniens, privés de leur propre État par l’État d’Israël malgré les résolutions de l’OnU.

Une Union européenne qui agit pour la Paix, c’est une union qui met en œuvre une politique migratoire humaine garantissant un accueil digne en bâtissant des ponts plutôt que des murs. Elle favorise des relations justes, équitables et mutuellement avantageuses avec l’ensemble de l’Europe géographique, l’afrique et le Moyen-Orient. Elle construit de réels partenariats pour la paix dans l’espace méditerranéen en inventant des coopérations basées sur l’intérêt mutuel des populations, en mettant en œuvre des politiques d’aide au développement.

Enfin, c’est une Union européenne dont les pays membres décident de sortir de l’OTan et agissent - si possible de concert - pour re-noncer à cette alliance militaire d’un autre temps pour donner à l’OnU les moyens pleins et entiers d’assurer une sécurité humaine pla-

nétaire en répondant aux deux défis contem-porains majeurs que sont le réchauffement climatique et la menace atomique.

Par l’intelligence humaine qu’elle permet de déployer, la culture de la Paix est une idée neuve en Europe. Le 3 mars 1794, Saint Just attribuait cette vertu au bonheur, en propo-sant à la tribune de l’assemblée au nom du comité de Salut public, un décret en vue de recenser les indigents et de leur attribuer les biens enlevés aux contre-révolutionnaires.

Pierre Villard

1 aristide Briand (1862 - 1932), homme politique et di-

plomate français, prix nobel de la paix en 1926.2 Gustav Stresemann (1878 - 1929), homme politique

et diplomate allemand, prix nobel de la paix en 1926.3 La France, les Pays-Bas, l’Italie, la Belgique, la Répu-

blique fédérale d’allemagne (allemagne de l’Ouest) et

le Luxembourg4 La France, la Grande-Bretagne et la Russie5 Les États-Unis d’amérique6 Il en existe actuellement six dans le monde, représen-

tant 65% des États.

La paix par les services publicsPour construire une Europe de justice sociale et donc la Paix, il est évident que la sécurité

humaine et l’égalité sont subordonnées à des services publics efficaces et accessibles à toutes et tous. Or les services publics sont en danger. Pourtant, ils sont garants d’égalité et prévention des conflits notamment, comme l’indiquent les axes d’action de la culture de Paix. Il n’y a aucune fatalité à ce que l’Europe à venir ne repose que sur la concurrence et le marché. Il en est ainsi du renforcement d’une culture de la paix par l’éducation. Le développement économique et social durable par la réduction des inégalités économiques et sociales, l’éradication de la pau-vreté et la sécurité alimentaire ne peuvent exister dans un contexte de recherche de profits. Les services publics en Europe permettraient d’assurer l’égalité entre les femmes et les hommes par la pleine participation des femmes dans la prise de décisions économiques, sociales et politiques, par l’élimination de toutes les formes de discrimination et de violence contre les femmes. Enfin promouvoir la paix et la sécurité internationales n’est pas éloigné du maintien et du développement des services publics de proximité. Leur présence, qui permet un maillage du territoire et une égalité dans l’accès aux services, permet la négociation de règlements paci-fiques des différends et les solutions humanitaires dans les situations de conflit. Quoi qu’il en soit, contrairement à une idée fortement répandue, qu’il s’agisse des services publics locaux, sociaux, culturels, d’éducation ou de santé, les États gardent la liberté de les définir, de les or-ganiser et de les financer selon leur propre volonté politique.

N° 642 - Mai 2019 - Planète PaiX 13

Page 14: Pour une euroPe Pacifique et solidaire

DoSSiER P o U R U N E E U Ro P E PAC i f i q U E E t S o L i DA i R E

les définitions du sujet sont toujours à préciser. Selon le département de la Popu-lation des nations Unies, un migrant in-ternational est quelqu’un qui est né dans

un pays et qui vit dans un autre pays que le sien pour une durée égale ou supérieure à un an. ainsi, si l’on prend les chiffres des nations Unies (Un-DESa 2017), on compte 77, 8 millions de migrants internationaux en Europe, Russie (12 millions) et Ukraine comprises. L’Europe est la première desti-nation migratoire au monde, devant les États-Unis et le Golfe, mais les migrations y sont très inéga-lement réparties. Un pays comme le Luxembourg compte 40% d’étrangers, la Suisse 30% et la Po-logne 2%. Quant aux chiffres d’étrangers (non na-tionaux), selon le SOPEMI (OCDE 2017), ils sont au nombre de 45 millions sur 506 millions d’habitants, soit environ 9%.

Le système institutionnel distingue les Euro-péens de l’Union des non Européens, puisque pour les uns, la citoyenneté européenne leur donne ac-cès à la liberté de circulation, d’installation et de travail alors que pour les autres, les motifs légaux de séjour sont le regroupement familial, l’asile et les études, plus des titres de séjour pour les plus qualifiés ou les plus fortunés (investisseurs) selon les législations propres à chacun des États. Les en-trées légales pour le travail représentent à peine 15% de l’ensemble, car l’immigration de travail salarié a été suspendue depuis 1973 ou 1974, selon les pays européens.

Près du tiers des migrations en Europe constitué d’Européens

aujourd’hui, près du tiers des migrations en Eu-rope est constitué d’Européens car l’ouverture à l’Est mais aussi la présence de Portugais, d’Italiens, d’Espagnols et de jeunes Européens étudiants ou débutants dans le marché du travail s’est beaucoup accrue depuis 2004 (10 pays sont entrés dans l’Union européenne en 2004, puis la Roumanie et la Bulgarie en 2007, et enfin la Croatie), les autres étant surtout originaires du pourtour sud méditerranéen. Le seul facteur de la croissance de la population en Europe est l’immigration. En 2015, l’arrivée d’1,2 million de demandeurs d’asile, qui a surtout concerné l’alle-magne a eu peu d’impact dans les autres pays euro-

LIbRE CIRCuLATION ?

les migrations à l’intérieur de l’europe

péens, même si l’Italie et la Grèce ont reçu beaucoup de nouveaux venus sur leurs frontières extérieures de l’Europe (îles notamment).

Politique de la gestion des flux migratoires La gestion des flux migratoires se fait à Bruxelles,

à travers une politique commune, qui est parfois rendue difficile par la montée des souverainismes sur cette question dans nombre de pays européens, mais le vivre ensemble fait partie de la subsidiarité, c’est-à-dire qu’il est décidé par chaque pays à l’éche-lon national ou local. La politique de l’asile peine à être communautarisée cependant, car chaque pays a un pouvoir discrétionnaire sur l’interprétation de la Convention de Genève, malgré les politiques eu-ropéennes de Dublin tendant à la communautariser

Les effets de la distinction entre la libre circulation intérieure et la fermeture extérieure des frontières de l’Europe sont légion : morts en méditerranée (2275 en 2018), coût exorbitant du contrôle (Frontex, SIVE, « hot spots », centre de rétention et zones d’attente, militarisation des zones frontalières). Certains Euro-péens, comme les Roms de Roumanie ou de Bulgarie ont fait l’objet à plusieurs reprises de reconductions, tout en étant Européens. Les frontières intérieures de deux pays européens, comme entre la Bulgarie et la Grèce en 2015 ou à Vintimille en 2011 et 2015, font l’objet de passages « à la carte », en fonction de l’ap-parence européenne ou non des circulations. Enfin, l’immigration irrégulière arrivée clandestinement ou plus souvent ayant prolongé un séjour régulier vient combler les manques de main d’œuvre.

Il serait donc plus rationnel de légaliser davantage les voies d’entrée pour les non Européens en en-trouvrant les frontières de l’Europe aux métiers en tension, en diversifiant les visas et en multipliant les visas à entrées multiples, ce qui allégerait également la charge du « tri » entre demandeurs d’asile et flux mixtes, puisque ceux qui cherchent du travail ne seraient plus obligés d’essayer les voies de l’asile et les trafics du passage seraient moins nombreux, avec moins de morts.

Catherine Wihtol De Wenden

catherine Wihtol

de Wenden est

directrice de

recherche émérite

au cnrs.

ses recherches

portent notamment

sur les flux et

les politiques

migratoires.

elle fait une analyse

des migrations

en fonction de

la politique des

pays européens à

partir de données

chiffrées.

14 N° 642 - Mai 2019 - Planète PaiX

Page 15: Pour une euroPe Pacifique et solidaire

Déchets en Méditerranée

P o U R U N E E U Ro P E PAC i f i q U E E t S o L i DA i R E

c ’est indéniable, dans l’Union Eu-ropéenne (UE), il y a diminution des émissions de gaz à effet de serre (GaS) et augmentation des

énergies renouvelables : de 2007 à 2016, l’UE émet 900 millions de tonnes de GaS de moins (4 Milliards en 2017), tandis que les énergies renouvelables passent de 10% à 17 % de la consommation.

Politique commune de l’environnement Le 18 avril, les eurodéputés réunis une der-

nière fois dans l’hémicycle de Strasbourg avant les élections européennes ont adopté à une large majorité l’obligation pour les camions et autocars neufs de réduire leurs émissions de CO2 de 30 % d’ici 2030 par rapport au niveau de 2019. Si ce vote est salué par les OnG envi-ronnementales, elles estiment que les mesures sont « loin d’être suffisantes pour atteindre les objectifs de l’accord de Paris. »

La politique commune de l’environnement est née avec l’acte unique européen de 1986 en prenant conscience des risques liés au dérègle-ment climatique. Le traité de Lisbonne ajoute un nouvel objectif à la politique de l’Union, celui de la « promotion, sur le plan interna-tional, de mesures destinées à faire face aux problèmes régionaux ou planétaires de l’envi-ronnement, et en particulier la lutte contre le changement climatique »1.

Mais la politique de militarisation de toute l’Europe répond-elle aux exigences de la po-pulation de conserver une planète « verte » ? Répondra-t-elle aux questions des jeunes si bien exprimées par Greta Thunberg « pour-quoi devrais-je faire des études en vue d’un

ENVIRONNEMENT

le climat au cœur de la politique de l’uele marché commun européen est né de la volonté d’une politique commune pour le

charbon et l’acier et en 2019, l’ue affiche les mesures à prendre contre le dérèglement

climatique. ces questions sont largement évoquées par tous les candidats comme sujets

fédérateurs : l’ue aurait-elle une politique forte engagée contre le dérèglement climatique

à la différence des usa ?

avenir qui n’existera bientôt plus si personne ne fait rien pour le sauver ? » n’ajoute-t-elle pas devant des hommes d’affaires et hommes politiques « qu’il faut presque tout changer dans nos sociétés actuelles » ? Les jeunes du monde entier se mobilisent : en janvier et fé-vrier, ils sont 35000 à se rassembler devant le Parlement européen à Bruxelles.

L’uE doit faire appliquer les ODDLes luttes contre les fléaux que sont les pro-

liférations de certains plastiques ou d’autres produits nocifs, sont-elles suffisantes ? l’UE a adopté le 19 décembre 2018 un accord pour interdire début 2021 les produits en plastique à usage unique ; le 30 janvier , dans un rapport commandé par la Commission Européenne, l’agence européenne des produits chimiques (Echa) a proposé un plan de suppression pro-gressive des particules de plastique. Mais ces

luttes sont bien loin de répondre à l’urgence de la situation ! Pourquoi ne pas lutter contre le fléau que représente toute politique guerrière : pollutions des esprits, pollution de la terre, spoliation des terres, déchets de toute nature y compris nucléaire (entre 20 et 50% des dé-chets nucléaires totaux), pillage des ressources naturelles à des fins militaires, insécurité assu-rée par les armes et notamment par les armes nucléaires.

Pour atteindre les 17 Objectifs de Dévelop-pement Durable (ODD) des nations Unies, l’UE se doit de renforcer les échanges scien-tifiques civils et de renoncer à la course aux armements avec les autres pays.

Édith Boulanger

1 article 191 du traité sur le fonctionnement de l’Union

européenne - TFUE.

N° 642 - Mai 2019 - Planète PaiX 15

Page 16: Pour une euroPe Pacifique et solidaire

DoSSiER

n ous avons déjà eu l’occasion de donner une profondeur historique au projet européen dans une chronique parue dans Planète Paix, « L’idée d’Europe et

la paix », en rappelant quelques noms, connus ou pas, qui ont, à différentes époques, chacun à sa manière, contribué à façonner le concept d’Europe unie sur la base d’une ambition d’une paix durablement assurée pour notre continent : Pierre Dubois (en l’an 1300 !), Machiavel, Sully, l’abbé de St Pierre, Rousseau, Kant, V. Hugo, J.C. Bluntschli, Bertha von Suttner, Cou-denhove-Kalergi, a. Briant, Louise Weiss…

L’idée d’une Europe de paixEn pleine Seconde Guerre Mondiale, ce projet

d’une Europe de paix s’est encore précisé dans des déclarations de personnalités, souvent engagées dans des mouvements de résistance. On citera notam-ment l’Italien altiero Spinelli, auteur du « Manifeste pour une Europe libre et unie », dit de Ventotene, en 1941, Léon Blum, auteur de l’ouvrage « a l’échelle humaine », en 1941 également, dans lequel il défend l’idée d’une Europe fédérée, garante de la paix, mais aussi Henri Freney, coauteur du « Manifeste des résis-tances européennes » en juillet 1944. En allemagne même, c’est le mouvement de résistance, le Cercle de Kreisau, autour des comtes J. von Molkte et P. York von Wartenburg, qui devait porter au plus haut l’idée d’une Europe de paix, de culture et de justice sociale.

L’édification d’une Europe de paix ?La guerre terminée, il fut très vite envisagé d’édi-

fier concrètement cette Europe de paix, à laquelle aspiraient des personnalités diverses, souvent d’obé-dience démocrate-chrétienne. Cette Europe-là n’a néanmoins pas forcément démarré sous les meilleurs auspices. Elle a surtout été vivement encouragée par les américains qui, une fois l’Europe coupée en deux par le rideau de fer, y voyaient la constitution d’un glacis à la fois militaire et idéologique dans son affrontement contre l’URSS et ses alliés de l’est de l’Europe. Et on n’oubliera pas que la création de l’OTan a précédé celle des institutions européennes. L’idée d’une Europe unie a aussi été vivement sou-tenue par Churchill… qui n’envisageait pas un seul instant d’y faire adhérer le Royaume Uni. Tous ces parrainages dans un fort contexte de guerre froide,

la paix, l’ambition de l’europe ?

donc bien éloignés de toute idée de paix.Il faudra attendre la déclaration prononcée le 9

mai 1950 au Quai d’Orsay par Robert Schumann, alors ministre des affaires Étrangères, et directe-ment inspirée par Jean Monnet, pour que cette am-bition prenne politiquement corps. L’objectif de paix y est d’emblée clairement annoncé :

« La paix mondiale ne saurait être sauvegardée sans des efforts créateurs à la mesure des dangers qui la menacent. La contribution qu’une Europe or-ganisée et vivante peut apporter à la civilisation est indispensable au maintien des relations pacifiques. En se faisant depuis plus de vingt ans le champion d’une Europe unie, la France a toujours eu pour objet essentiel de servir la paix. L’Europe n’a pas été faite, nous avons eu la guerre. L’Europe ne se fera pas d’un coup, ni dans une construction d’en-semble : elle se fera par des réalisations concrètes, créant d’abord une solidarité de fait. Le rassemble-ment des nations européennes exige que l’opposi-tion séculaire de la France et de l’Allemagne soit éli-minée : l’action entreprise doit toucher au premier chef la France et l’Allemagne… ».

Réalisation d’une Europe sans réelle vision politique, sociale et culturelle

Très bien. Sauf que les « réalisations concrètes » avancées par R. Schumann se sont très longtemps limitées à des programmes exclusivement éco-nomiques (CECa, Euratom, Marché Commun…), puis monétaires, à l’exclusion de toute vraie ambi-tion politique, sociale et culturelle, ce qui devait n’en faire, pour beaucoup, qu’une zone de libre échange, d’inspiration libérale, encore bien éloignée d’une vi-sion politique globale ambitieuse faisant de l’Europe un acteur essentiel de la paix, tant continentale que mondiale. Cette absence de vision peut aussi ex-pliquer la désaffection de maints Européens pour la construction d’une Europe politique. L’attribu-tion du Prix nobel de la Paix à l’Union Européenne en 2012 doit bien davantage être perçue comme un encouragement que comme la reconnaissance d’une action conséquente. Il n’est pas interdit de ramener l’ambition d’une Europe de paix au centre du débat politique actuel…

Jean-Paul Vienne

HISTORIquE

a la veille d’un

scrutin pour

l’élection d’un

nouveau parlement

de l’union

européenne,

important pour

son avenir, il n’est

peut-être pas inutile

de revenir sur les

ambitions de paix

qui ont prévalu

à la fondation

de cette instance

supranationale

(laquelle a plusieurs

fois changé

d’appellation

au cours de ses

presque 70 ans

d’histoire).

Célèbre poignée de main de Kohl et de Mitterrand à Douaumont (55)- 22 septembre 1984

PoUR UNE E U Ro P E PAC i f i q U E E t S o L i DA i R E

16 N° 642 - Mai 2019 - Planète PaiX

Page 17: Pour une euroPe Pacifique et solidaire

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on Peut aGir sur les causes des Guerres et des Violences…

…surtout si on les connaît

PoUR UNE E U Ro P E PAC i f i q U E E t S o L i DA i R E

N° 642 - Mai 2019 - Planète PaiX 17

Page 18: Pour une euroPe Pacifique et solidaire

MoNDiALiSER LA PAix

après une guerre de quatre ans déclen-chée le 1er octobre 1990 et qui a débou-ché sur un génocide, des crimes contre l’humanité, des crimes de guerre et

d’autres violations massives des droits de l’homme, les Rwandais se souviennent des proches, des amis, des voisins et des centaines de milliers d’autres concitoyens victimes du génocide.

Cette guerre et ces violations des droits fonda-mentaux sont la conséquence directe de la mauvaise gouvernance successive des différents régimes à la tête du pays des mille collines durant plusieurs dé-cennies. Elles sont aussi le résultat de la mauvaise gestion des crises et des migrations forcées qu’elles ont générées et qui ont bousculé toute la région ou-vrant droit à une rébellion de réfugiés, soutenue par les pays limitrophes et parrainée par la communauté internationale. La gouvernance actuelle a-t-elle fait la différence pour rassurer la population rwandaise dans sa globalité dans la gestion des crises issues de la guerre pour la paix et la réconciliation ?

Gestion de l’après-guerre Cette gestion concerne la reconstruction du pays et

la justice pour le génocide centrée sur les questions mémorielles. Dans le domaine de la gestion de la reconstruction, des réformes ont été initiées dans le cadre administratif, législatif, judiciaire, foncier, sé-curitaire, économique, des droits de l’homme et d’ou-verture régionale et internationale. actuellement, même s’il y a des contestations des chiffres sur la pauvreté1, sur le plan économique, le pays force l’ad-miration régionale et internationale par ses construc-tions d’immeubles, de routes et d’autres structures ainsi que par ses plans de développement, la place de la femme dans la gouvernance, l’assurance maladie pour tous, etc. Le pays est présent partout avec sa di-plomatie agressive dans les instances internationales notamment dans l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), East african Community, Union africaine. Mais cette diplomatie a créé aussi des fric-tions sécuritaires avec les pays frontaliers.

Domaine des droits de l’homme et de la justice

Le tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) créé en 1994 par la résolution 955 des na-

RwANDA

la paix et la réconciliation avancent-elles ?

laurent

munyandilikirwa

est rwandais,

ancien avocat au

Barreau du rwanda,

défenseur des droits

de l’homme engagé

dans les actions

globales de paix et

de réconciliation

pour la dignité

humaine.

il présente la

situation du rwanda

vingt cinq ans après

le génocide qui a

suivi une guerre

de quatre ans.

tions Unies a fonctionné de 1995 à 2015 à arushen Tanzanie. Il a inculpé quatre vingt treize personnes et seuls quatre vingt accusés2 ont été jugés. Ce tribu-nal s’est refusé de juger les crimes de masse et autres violations des droits de l’homme et humanitaires reprochés aux responsables du Parti FPR (Front pa-triotique rwandais), actuel parti au pouvoir dirigé par le Président Kagame, sa compétence se limitant aux personnes présumées responsables d’actes de génocide ou d’autres violations graves du Droit in-ternational humanitaire commis sur le territoire du Rwanda et sur les territoires d’États voisins entre le 1er janvier 1994 et 31 décembre 1994.

au niveau national, avec la loi organique du 30 août 1996 sur l’organisation des poursuites des in-fractions constitutives du crime de génocide ou de crimes contre l’humanité, les chambres spéciali-sées auprès des tribunaux classiques pour juger les crimes contre le génocide et autres crimes commis contre les Tutsis couvraient toute la période de la guerre du 1er octobre 1990 au 31 décembre 1994, contrairement au TPIR. Elles ont été fonctionnelles jusqu’en 2002. Plusieurs personnes, assistées pour la plupart par des avocats non formés et intimidés par cette situation post-conflictuelle et organisée par une partie au conflit qui a gagné la guerre, seront ju-gées par des juges non formés. Vingt deux personnes condamnées seront exécutées à l’issue de ces procès.

Dans le domaine de la justice et des droits de l’homme

Pour assurer un règlement rapide du contentieux du génocide, ces juridictions Gacaca, comprenaient des personnes appelées juges intègres mais sans for-mation juridique, ayant juste reçu une formation ad hoc sur les procédures de ces juridictions3. Ces juges pouvaient condamner à des peines allant des travaux d’intérêt général (TIG), à des réparations pour les crimes contre les personnes et les propriétés et à la prison à perpétuité. Plus d’un million de personnes d’ethnie Hutu ont été jugées par ces tribunaux po-pulaires sans assistance d’un avocat ou d’un conseil. Gacaca, dans la tradition rwandaise, était un mé-canisme de résolution des conflits compétent pour juger des conflits entre membres de la communauté et maintenir l’ordre et l’harmonie sociale. C’était un mécanisme destiné à réconcilier.

18 N° 642 - Mai 2019 - Planète PaiX

Page 19: Pour une euroPe Pacifique et solidaire

La loi du 26 janvier 2001 créant les juridic-tions Gacaca et la situation contextuelle des crimes à juger vidaient le mécanisme de sa substance coutumière, car dans la tradition il n’y avait pas de condamnation à la prison. Mais dans le contexte de ces juridictions, de nombreuses pressions ont été exercées sur les juges et sur les parties en fonction de la per-sonne à juger et non en fonction des crimes qu’elle aurait commis. Il faut souligner aussi le fait que, sans avocat et sans respect des prin-cipes de base d’un procès équitable, l’harmonie et la réconciliation ne peuvent être imaginées ! Les chambres spécialisées et les juridictions Gacaca n’ont jugé que les crimes commis par le côté hutu mais les crimes commis à grande échelle par le Front patriotique rwandais (FPR) et ses membres ont été occultés.

une justice impartiale doit être rendue pour tous

Des lois de lutte contre le divisionnisme et le négationnisme ont été mises en place. Toute critique contre le système de justice est qua-lifiée de divisionnisme ou de négationnisme. Cela n’a pas permis l’expression de l’équité de la justice, d’autres questions de gouvernance, de réconciliation et des droits de l’homme.

Le Rwanda reconnaît la Déclaration Univer-selle des Droits de l’Homme et a souscrit à la plupart des instruments internationaux des droits de l’homme, avant le génocide (Pacte in-ternational relatif aux droits civils et politiques en 1975, Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels en 1975, Convention pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes en 1981, Convention relative aux droits de l’en-fant en 1991) et après le génocide (deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte in-ternational relatif aux droits civils et politiques et visant à abolir la peine de mort en 2008, Convention contre la torture et autres peines

ou traitements cruels, inhumains ou dégra-dants en 2008). Mais il n’a pas ratifié la Conven-tion internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

Critiques vis-à-vis du gouvernement rwandais

Le Gouvernement rwandais a été très cri-tiqué par des organisations internationales non gouvernementales et par certaines mis-sions diplomatiques dans les rapports sur les gestions des violations des droits de l’homme commises durant ces vingt cinq dernières an-nées. Il lui est reproché de restreindre l’espace politique et l’espace de la société civile. L’op-position n’existe pratiquement pas malgré un multipartisme apparent. Toute personne qui a tenté de créer un parti d’opposition a été accusée de divisionnisme et de sectarisme, la justification invoquée étant le traumatisme subi par le pays du génocide et de la guerre. Le blocage de la création des partis indépendants pouvant s’exprimer librement dans un pays où les gens ont peur de s’exprimer constitue une violation des libertés d’expression et d’associa-tion garanties par les instruments internatio-naux des droits de l’homme que l’État Rwan-dais a ratifiés.

Il lui est également reproché de harceler, de faire disparaître ou d’éliminer physiquement des opposants politiques, des journalistes et des défenseurs des droits de l’homme. Durant ces vingt-cinq dernières années, plusieurs po-litiques, journalistes, défenseurs des droits de l’homme ont été arrêtés, assassinée ou portés disparus dans des conditions mystérieuses : en 2010, assassinat du Vice-Président du parti Vert andré Kagwa Rwisereka et du journaliste Jean Léonard Rugambage, en octobre 2018, dispa-rition du vice-président du Parti FDU Inkingi Boniface Twagirimana et le 9 mars 2019, assas-sinat de l’assistant de Mme Victoire Ingabire.

Ces situations combinées et placées dans le

contexte régional conflictuel avec le contexte post- conflit ne contribuent pas ni à la sécurité ni à la paix dans le pays.

question mémorielle inclusive et lutte contre l’impunité

Il est vrai qu’un génocide, que des crimes contre l’humanité et que d’autres violations des droits de l’homme ont eu lieu. Il faudrait éviter à tout prix qu’ils ne se reproduisent. Il est aussi vrai que pour que les gens vivent, re-trouvent l’harmonie et la réconciliation, il faut qu’une justice impartiale soit rendue en toute équité et pour tous. Le régime actuel, au départ et durant la rébellion, prônait le combat contre l’impunité et la corruption pour une bonne gouvernance et pour la dignité de la personne humaine. Mais le constat après vingt cinq ans de pouvoir et les changements attendus sont loin d’être effectifs pour la paix dans le pays. Les causes tant décriées qui étaient à l’origine de la guerre n’ont pas disparu. D’autres se sont plutôt ajoutées. notamment, les questions d’envergure nationale comme les questions mémorielles inclusives qui, en fait, ne le sont pas. Ces questions doivent être inclusives pour que toutes les composantes de la population rwandaise (hutu, twa et tutsi) se sentent pro-tégées et comprises, chacun considéré comme citoyen à part entière et sans discrimination à tous les niveaux de la vie du pays. La question mémorielle inclusive et celle de la lutte contre l’impunité sont aussi centrales pour la dignité de la personne humaine que pour la réconci-liation et la paix dans un pays meurtri par la guerre et dans la région.

Laurent Munyandilikirwa

1 https://urlz.fr/9F082 https://urlz.fr/9F0h3 https://urlz.fr/9EzH

Le Rwanda rend hommage aux victimes du génocide des Tutsi de 1994

N° 642 - Mai 2019 - Planète PaiX 19

Page 20: Pour une euroPe Pacifique et solidaire

MoNDiALiSER LA PAix

l ’Organisation du Traité de l’atlantique nord, l’OTan, a été créée en 1949 par onze pays occidentaux « vainqueurs » de la Se-conde Guerre mondiale à la fois pour se

prémunir contre un remake du « coup de Prague » où la Tchécoslovaquie s’était dotée d’un gouverne-ment socialiste et pour servir de support au plan Marshall. Pour mémoire, le Pacte de Varsovie date de 1955. L’OTan a connu trois grandes périodes dans son existence : jusqu’à la fin de l’URSS en 1991, pen-dant les guerres d’afghanistan et d’Irak, notamment et depuis 2010, le changement d’épicentre du monde vers l’asie et le repli sur l’Europe.

L’OTAN, sa vie, son œuvre, ses débats.Dans la période actuelle, de nombreux débats

contradictoires se croisent autour de l’OTan, avec une accélération pendant la campagne électorale de D. Trump et depuis son élection. La question de son utilité se trouve de fait posée, en général et pour la France en particulier. Ce qui reste certain, c’est le fait que l’OTan est l’outil de domination des États-Unis qui verse 40 % de son budget d’armement et truste la plupart des responsabilités à son sommet. L’Europe reste vassale des USa.

Les désaccords actuels entre les États-Unis et la plupart des autres membres se sont concrétisés cette année : le sommet des chefs d’État qui devait avoir lieu à Washington en avril 2019 pour commémorer les soixante dix ans de l’OTan a été transformé en une simple réunion des Ministres des affaires étran-gères qui n’ont même pas pu décider la date du vrai sommet, à Londres, en décembre prochain.

On a pu considérer que la suppression du Pacte

• www.otan-non.org• Cf. le Flyer A5 « Non à la guerre, non à l’OTAN » et le document de Monique et Roland Weyl « l’illégalité de l’OTAN » sur les sites internet www.mvtpaix.org et www.otan-non.org.

EN SAvoiR PLUS

A quOI SERT L’OTAN ?

son avenir : sa disparition !a quoi sert l’otan

pour la france ?

est-ce un ‘‘donjon

d’un autre âge’’

comme la nomme

Gabriel robin,

ancien représentant

de la france

à l’otan ?

comment s’en

débarrasser pour

nous assurer une

véritable sécurité

en europe ?

de Varsovie en 1991 et le changement progressif du centre de gravité de l’économie mondiale vers l’océan Pacifique rendrait la référence nord atlan-tique obsolète : il n’en est rien et son maintien donne des indications sur une stratégie à plus long terme. Pour combien de temps ?

On constate un parallélisme entre le système onu-sien et le système otanien (même si en géométrie classique les parallèles ne se rencontrent pas !) et une similitude de logique de partage du pouvoir. La diffé-rence essentielle entre eux est que les nations-Unies fonctionnent de manière démocratique, chaque pays disposant d’une voix, quelle que soit sa taille. Les dé-saccords des États-Unis et de certains de ses alliés di-rects avec la politique « trop démocratique » menée par l’OnU se manifestent en refusant de payer, ou en ne payant que partiellement, ses cotisations.

Les nations Unies ont une responsabilité politique et militaire, mais pas économique : les questions éco-nomiques passent par la Banque Mondiale, le FMI ou l’OMC1 qui sont issus d’une autre logique keyné-sienne après la deuxième guerre mondiale.

L’OTan est aussi une organisation à vocation po-litique et militaire et les aspects économiques sont pris en compte par les G7 et autres G20. Sa création a été décidée par les vainqueurs occidentaux de la deuxième guerre mondiale (Union soviétique ex-clue) et son ouverture à l’allemagne et à l’Italie, du camp des vaincus, ne s’est faite que quelques années après. L’OTan est illégale à plus d’un titre au regard du droit international représenté par la Charte des nations-Unies.

Pour ses pays membres, l’existence de l’OTan reste centrale et désormais son extension se fait

20 N° 642 - Mai 2019 - Planète PaiX

Page 21: Pour une euroPe Pacifique et solidaire

surtout hors zone européenne sous forme de partenariats stratégiques dont les caractéris-tiques sont très proches de celles des adhé-sions pleines et entières. Il s’agit en premier lieu des alliés traditionnels comme l’arabie Saoudite ou le Japon à qui l’on demande des efforts financiers plus forts ainsi que la mise à disposition de terrains plus grands pour les bases militaires. On parle déjà d’une OTan arabe englobant les Émirats ! La Colombie a signé un accord stratégique avec l’OTan et le Brésil la suivra bientôt.

nous assistons à une extension des bases militaires US au Japon (Okinawa notamment), aux Philippines, en Sud Corée. On a besoin d’un ennemi sur place comme la nord Corée !

La puissance économique de la Chine exige de faire preuve de beaucoup de prudence dans une stratégie agressive à son égard : les dettes mutuelles entre les USa et elle pourraient en-trainer un effondrement de l’économie US. La Russie dans ce contexte peut être considérée comme une cible collatérale. Son PIB est du même ordre de grandeur que celui de l’Es-pagne et il semble que ses dirigeants actuels aient tiré les enseignements de la course à l’ar-mement effrénée de l’Union soviétique qui a précipité sa chute.

L’OTan est donc une coquille, une structure, destinée à mettre en œuvre les volontés im-périalistes des États-Unis. ainsi, pour prendre un exemple plus que symbolique, en cas de malheur, ce seraient des doigts étatsuniens et non des doigts otaniens qui appuieraient sur le « bouton » fatal pour engager les bombes atomiques présentes dans les bases de l’OTan.

Le faux semblant d’une Défense européenneComment interpréter le conflit actuel entre

les États-Unis et la Turquie autour de l’achat par ce dernier pays des systèmes de défense an-tiaérienne russes S-400 ? Ce système, dont les caractéristiques précises ne sont pas connues, est considéré comme plus performant que le

système étatsunien Patriot et coûte environ deux fois moins cher. Par mesure de rétor-sion, les États-Unis ont bloqué la vente des chasseurs bombardiers F-35 à la Turquie qui menace de s’équiper avec des avions russes équivalents. La Turquie a été toujours consi-dérée comme un maillon très important de l’OTan par la puissance de son armée et par sa proximité géographique avec la Russie. Certes, la diplomatie russe marque des points importants au Proche et Moyen Orient, mais les divergences actuelles entre la Turquie et les États-Unis, via l’OTan, constituent-t-elles une marque de faiblesse de l’OTan comme le pense une éditorialiste du journal « Le Monde » ? Celle-ci conclut qu’il faut « repenser l’OTan et sans doute penser l’après-OTan ». La politique souvent contradictoire menée par le Président turc Erdogan doit cependant nous inciter à ne pas tirer des conclusions trop hâtives.

La politique française met en avant le projet de constitution d’une politique européenne de Défense et les allemands parlent d’une armée européenne. au-delà des mots, cette revendi-cation est contradictoire car la Défense euro-péenne est précisément la raison d’être initiale de l’OTan et encore sa chasse gardée et ni la France ni l’allemagne ne remettent en cause leur alignement sur l’OTan et les USa, sauf en ce qui concerne l’obligation d’acheter du matériel étatsunien. La Ministre française de la Défense a réagi très fortement contre cette obligation « commerciale » qui s’est concréti-sée l’année dernière par l’achat par la Belgique de F-35 au terme d’une procédure dont le ré-sultat a été sans surprise. Il faut noter la très forte mobilisation des forces de paix belges contre cet achat.

Cette Europe de la Défense est au cœur de la politique européenne actuelle. On semble s’orienter vers une organisation autour de la France (leader militaire incontesté en Eu-rope), de l’allemagne et du Royaume-Uni. no-tons que le Brexit n’a pas d’effet sur les quatre

accords militaires bilatéraux entre la France et la Grande Bretagne comprenant des coopéra-tions sur le nucléaire militaire.

L’après OTANnotre revendication principale est que notre

pays sorte complètement de l’OTan, et non pas seulement des instances stratégiques comme en 1966, et que nous participions à une cam-pagne internationale pour sa dissolution. On nous pose souvent la question : pour la rem-placer par quoi ? La réponse est simple, par rien puisque les nations Unies sont l’unique dépositaire de la légalité internationale en ma-tière de sécurité (chapitres 6 et 7 de la Charte des nations Unies). Elles seules peuvent mo-biliser des moyens militaires, sur décision du Conseil de Sécurité, pour préserver la paix ou répondre à des situations de conflits ouverts. Une défense européenne qui ne serait pas inté-grée dans le système onusien, après validation par l’assemblée Générale et le Conseil de Sécu-rité des nations Unies, serait tout aussi illégale que l’OTan.

La question d’un « après-OTan » doit prendre en compte le fait que la solution pourrait être pire que la situation actuelle. Une montée en puissance d’une Défense eu-ropéenne en parallèle avec une montée en puissance en Extrême-Orient rendue plus fa-cile par le désengagement, même partiel, des USa en Europe, pourrait créer une situation encore plus dangereuse pour la sécurité dans le monde. Cela renforce encore notre propo-sition d’un accord en Europe intégrant la Rus-sie, de même nature que les accords d’Helsinki de 1975. C’est ce que nous appelons Helsinki 2.

Yves-Jean Gallas

1 Fonds Monétaire International et Organisation Mon-

diale du Commerce

N° 642 - Mai 2019 - Planète PaiX 21

Page 22: Pour une euroPe Pacifique et solidaire

CULtURECULtURE

Patricia Petit-Planes comédienne et Philippe Percot-Tétu metteur en scène

une femme/rivière qui raconte Hiroshi-ma, séduisante malgré l’horreur, s’in-surge contre tout esprit de guerre tout en poursuivant son cours car tel est

son devoir… « Oui, il y a du drame et du tragique, mais aussi

beaucoup de poésie et d’amour, sans doute plus proche de la colère retenue que du mélodrame… En tout cas paroles intemporelles et universelles ani-mées par la rage de cultiver l’esprit de paix comme on cultive un jardin » nous dit Philippe Percot-Tétu qui partage avec les douze comédiens, sa passion du théâtre engagé aux émotions intenses, donnant à la rivière force et fragilité, au service du texte, faisant de la performance théâtrale, le devoir de mémoire au grand bonheur de l’auteur, JP alègre.

Récit : au milieu de la ville d’Hiroshima coule la rivière Ôta, paisible et majestueuse. Soixante-dix ans après, Ôta raconte Hiroshima. au début des années 1940, c’est une ville où il fait si bon vivre que la jeune akimitsu écrit à son petit frère Yoshi de quitter Tokyo pour venir la rejoindre chez leur oncle… Mais à l’autre bout du monde, une poignée d’hommes, à la Maison-Blanche, en décide autrement : le 6 août 1945, par une ma-gnifique matinée d’été, un avion largue au-dessus de la ville une bombe atomique d’une puissance jusqu’alors inégalée. Un éclair déchire le ciel, une énorme explosion retentit, suivie d’un silence de mort. Ôta entre en ébullition. Une pluie noire re-couvre la terre dévastée. Le jour cède sa place à la nuit.

Il faut noter que c’est la première fois que ce texte est créé par une troupe française juste après la créa-tion au Japon! Et que l’auteur, Jean-Paul alègre, in-vité d’honneur présent à la première, a été très satis-fait et même ému du travail de la compagnie et du metteur en scène. Celui qui est accueilli comme un dieu vivant au Japon par le gouverneur d’Hiroshima a partagé son émotion avec nous.

« Oui bien sûr, c’est fondamentalement une ode à la paix. Comment ne le serait-ce pas après avoir visité le mémorial de la Paix à Hiroshima ? au milieu de celui-ci, il y a une flamme, dont il est dit dans la plupart des langues utilisées sur notre planète qu’elle ne sera éteinte que le jour où la dernière arme nucléaire sera désamorcée. Dans ma pièce, Ôta s’adresse au public à la fin et lui demande d’éteindre un jour cette flamme !» nous a rappelé Jean-Paul alègre.

comme une ode à la paix

THÉâTRE

une ode a la paix contre toutes les guerresayant le plaisir de revoir « Moi Ôta, Rivière

d’Hiroshima » lors de la semaine pour la Paix 2019 dans le 17, je ne saurais que trop vous conseiller, si vous êtes sensible aux textes dénonçant les horreurs des guerres, de découvrir aussi le magnifique texte de Jean-Pierre Siméon « Stabat Mater Furiosa » mis en scène par le même fascinant Philippe Percot-Tétu et avec les envoûtantes comédiennes Patricia Petit-Planes et Muriel Folio.

• Dernier ouvrage de Jean-Paul Alègre ‘‘Le Tourbillon de la Grande Soif’’• https://urlz.fr/9hia

EN SAvoiR PLUS

Le « Stabat mater furiosa » de JP Siméon est le cri solitaire d’une femme qui se révolte contre la guerre et la violence, cri, immense, incandescent, qui brûle les ombres de la conscience et frappe au cœur, cri d’une femme révoltée, furieuse. Elle dit l’horreur écarlate des corps broyés dans la machine guerrière, par-delà les larmes et la raison. «Je suis celle qui es-saie de comprendre par la colère, comme la cascade comprend la roche par la colère» lance-t-elle, dressée comme un poing serré à la face de l’Histoire.

Mais si cette femme se dresse devant l’homme de guerre pour dire l’horreur, c’est aussi et surtout pour clamer le désir d’aimer et pour chanter la vie, c’est un cri libérateur et salvateur, un cri furieux d’amour. L’espoir est formidablement présent dans ces paroles violentes, caressantes, crues ou sensuelles qui cla-quent comme la promesse de jours heureux.

Cri solitaire et pourtant ce sont deux femmes qui sont face au public : deux sœurs, deux cousines, deux amies… ou simplement deux aspects… deux images… deux apparences... de la même femme ?

Pour croire en la paix !

Propos recueillis par Giselle El Raheb

‘‘le théâtre a une

fonction publique’’

nous disait Jean-Paul

alègre venu

découvrir sa pièce

mise en scène par

Philippe Percot-

tétu pour les

comédiens amateurs

de la compagnie

les Baladins de

Breuil-magné (17).

Planète Paix

les a rencontrés.

Patricia Petit-Planes

est Ôta dans la pièce.

22 N° 642 - Mai 2019 - Planète PaiX

Page 23: Pour une euroPe Pacifique et solidaire

CULtURE

FILM

daniel Kupferstein a réalisé de nombreux documentaires, no-tamment en 2014, « les balles du 14 juillet 1953 », complété

par un livre, sur le massacre quasiment incon-nu de sept personnes, dont six algériens, lors d’une manifestation de la gauche syndicale et politique en l’honneur de la Révolution fran-çaise le 14 juillet 1953 à Paris. Il termine « Pas en mon nom » avec un financement participa-tif, film où le réalisateur rencontre et échange avec plusieurs personnes d’origine juive vivant en France et affirmant leur opposition à la po-litique israélienne actuelle.

Planète Paix : Quel est le point de départ de ce documentaire ?

Daniel Kupferstein : Il y a huit ans environ, quelqu’un que je connaissais m’a dit, comme si j’étais le seul juif à ne pas soutenir l’État d’Israël : « toi, tu es un juif, mais ce n’est pas pareil ! ». Je ne comprenais pas d’être vécu comme une exception : je suis Français, juif d’origine polonaise, mais dans ma vie de tous les jours, je ne fais jamais référence ni reli-gieuse ni culturelle à mes origines. Baigné dans le milieu populaire de la banlieue Est de Paris, je suis profondément antiraciste. autre raison impérative de faire ce film, la manifes-tation à l’appel du CRIF (Conseil Représen-tatif des Institutions Juives de France) pour défendre Israël lors des bombardements sur Gaza. Le R de CRIF, marquant sa soi-disant re-présentativité sur tous les juifs de France, me choque, je ne supporte pas cette généralisation selon laquelle tous les juifs devraient défendre Israël automatiquement, inconditionnelle-ment. Je précise qu’aucun membre de ma famille n’a jamais pensé à s’installer en Israël, pays présenté comme « pays-refuge » pour les Juifs mais pays en guerre ! J’ai donc cherché à

Pas en mon nom

dans son dernier documentaire, daniel Kupferstein filme huit personnes d’origine juive,

qui, comme lui, refusent de soutenir inconditionnellement l’état d’israël. comme lui,

elles dénoncent les amalgames et glissements antisémites qui se cachent autour du conflit

israélo-palestinien en rendant tous les juifs co-responsables de la politique israélienne.

rencontrer des juifs en désaccord avec la poli-tique d’Israël pour en faire un film.

PP : Qu’est-ce qui a guidé le choix des huit personnes retenues ?

D. K : Je souhaitais filmer des personnes très diverses : des femmes et des hommes d’origine juive mais de provenance et d’âge différents. Ces personnes réfléchissent autour de leur identité, de leurs traditions religieuses ou non, des mariages, de leur vécu, notam-ment si elles ont vécu des formes d’antisémi-tisme. Elles parlent de leur prise de conscience progressive, des violences exercées par l’état d’Israël, de la communautarisation, des ex-trémismes, de l’instrumentalisation de l’an-tisémitisme mais aussi du réel antisémitisme qui se cache parfois derrière l’antisionisme. Toutes ces questions d’antisionisme, d’antisé-mitisme, ou d’amalgame entre antisémitisme (un délit) et l’opposition à une politique vio-lente, sont abordées à travers le vécu des huit témoins, dans toute leur complexité. Pour moi, l’antisionisme est une opinion comme on peut être anticommuniste ou anti-libéral même si et c’est vrai certaines personnes qui ne veulent pas tomber sous le coup de la loi anti-raciste, se cachent derrière un vocable antisioniste. Et puis être antisioniste recouvre plusieurs choses : il y a ceux qui veulent qu’Is-raël n’existe plus, d’autres qui pensent qu’il faut deux États séparés, d’autres encore à un état binational. Bref, on peut être antisioniste de plusieurs manières, comme être sioniste aussi. C’est donc complexe.

Du fait que les personnages parlent d’eux, de leur vécu, de ce qu’ils ressentent, de leur che-minement, on s’attache à eux. C’est d’ailleurs la première fois que je parle de moi dans un de mes films, que je suis visible. Ce qui est impor-tant c’est de montrer que tous sont pour un

État de Palestine, qu’ils se sentent solidaires des Palestiniens et qu’ils condamnent la poli-tique d’Israël. Dans mon film, pas de théorie, pas d’analyse, que du vécu.

PP : Vous souhaitez que l’idée forte du film soit contre « l’essentialisation ». Pouvez-vous préciser ?

D. K : Je suis contre l’idée, parce que tu viens de tel ou tel endroit, tu dois penser comme ceux qui sont originaires du même lieu : l’être humain est bien trop complexe pour être réduit à un seul qualificatif, ici son origine. Essentialiser, c’est réduire un individu à une seule de ses dimensions. Pour moi, l’être humain doit être jugé non pas sur son origine mais sur ce qu’il dit et fait, c’est sur ces points qu’on peut, ou non, le critiquer. Derrière le communautarisme, il y a la séparation entre arabes, noirs, Séfarades, ashkénazes, etc., l’es-sentialisation exacerbe ces différences au lieu de rassembler sur ce qu’ils peuvent avoir en commun.

Mon souhait est que ce film, grand public, serve de base à des débats. Qu’il contribue, à travers les paroles et le vécu des personnes auxquelles on ne peut que s’attacher, à porter un regard différent de ce qui est dit le plus sou-vent dans les médias.

Propos recueillis par Édith Boulanger et Yves-Jean Gallas

1 Conseil Représentatif des Institutions Juives de France

N° 642 - Mai 2019 - Planète PaiX 23

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