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Prévention nutritionnelle des cancers : que retenir ?
Paule LATINO-MARTEL
Equipe de Recherche en Epidémiologie Nutritionnelle (EREN)
Centre de Recherche Epidémiologie et Statistique Sorbonne Paris Cité (CRESS)
UMR U 1153 Inserm, U 1125 Inra, Cnam, Université Paris 13
Réseau National Alimentation Cancer Recherche (Réseau NACRe)
Session de formation « Dépistage du cancer »
Paris, Faculté Cochin-Port Royal, 3 février 2016
www.etude-nutrinet-sante.fr Equipe de Recherche en Epidémiologie Nutritionnelle
Démarche d’expertise collective
Une étude isolée, quelle qu’en soit la méthodologie, ne suffit pas à établir la relation entre
un facteur donné et le risque de cancer.
Différents types d’études sont nécessaires (études épidémiologiques et
études mécanistiques)
Seule une évaluation de l’ensemble des résultats disponibles, par une
démarche d’expertise scientifique collective respectant une méthodologie
rigoureuse, permet de faire le point des connaissances en précisant le niveau de
preuve et, le cas échéant, d’élaborer des recommandations.
International Agency for Research on
Cancer (IARC/WHO)
World Cancer Research Fund (WCRF)
American Institute for Cancer
Research (AICR)
Profession
Environnement
Habitudes
Suspectés d’être
cancérogènes
pour l’Homme
Alimentation
Nutrition
Facteurs associés
Susceptibles
d’augmenter
ou diminuer
le risque
Nutrition et cancer : expertises scientifiques collectives internationales
• Données d’exposition
• Etudes sur le cancer chez l’Homme
• Etudes de cancérogenèse expérimentale chez l’animal
• Mécanismes et autres données pertinentes
• Evaluation du niveau de preuve
Group 1 L’agent est cancérogène pour l’Homme
Group 2A L’agent est probablement cancérogène pour l’Homme
Group 2B L’agent est possiblement cancérogène pour l’Homme
Group 3 Le potentiel cancérogène de l’agent n’est pas classifiable
Group 4 L’agent est probablement non cancérogène pour l’Homme
Classification de l’agent considéré
http://monographs.iarc.fr
Evaluation IARC :
Méthode des groupes de travail
Actualité récente
Facteurs évalués par l’IARC pour une exposition alimentaire
Classification Facteur Origine alimentaire Référence
Cancérogènes pour
l’Homme
(Groupe 1)
Helicobacter pylori Bactérie transmise en partie par l’eau et
les aliments souillés
IARC, 1994
Bouvard et al., 2009
Aflatoxines Toxines produites par des moisissures
poussant sur les denrées alimentaires
IARC, 2002
Baan et al., 2009
Arsenic Contaminant de l’eau de boisson IARC, 2004
Straif et al., 2009
Boissons alcoolisées
Ethanol (dans boissons
alcoolisées)
Acetaldéhyde (dans boissons
alcoolisées)
Boissons de consommation courante IARC, 1988
Baan et al., 2007
IARC, 2010
Secretan et al., 2009
IARC, 2012
Poisson salé Poisson salé façon chinoise Secretan et al, 2009
Viandes transformées
(charcuteries)
Aliments courants Bouvard et al., 2015
Probablement
cancérogènes pour
l’Homme
(Groupe 2A)
2-Amino-3-methylimidazo[4,5-f]-
quinoline (IQ)
Composé néoformé provenant des
traitements culinaires
IARC, 1993
Nitrate et nitrite ingérés Produit issu de l’activité agricole (nitrate),
agent de conservation en salaison (sels
nitrités)
Grosse et al., 2006
Viandes rouges Aliments courants Bouvard et al., 2015
Evaluations WCRF/AICR (1997, 2007…) Rapport de 2007 = rapport de référence
6 ans, plus de 200 scientifiques
2. Evaluation indépendante par un panel de
22 experts internationaux
1. Revue systématique des articles publiés
jusqu’en 2006 par 9 centres internationaux
(méta-analyses de 7000 études éligibles)
www.wcrf.org
Etablissement du niveau de preuve
- Etudes épidemiologiques
(qualité, absence d’hétérogénéité, cohérence)
- Plausibilité biologique
• convaincant
• probable
• limité
• effet substantiel peu probable
Recommandations
Depuis 2007, actualisation en continu
WCRF/AICR Actualisation en continu
Rapports 2010-2015
2010
2011
2012
2013
2014
2015
Sein
Côlon-rectum
Pancréas
Endomètre
Ovaires
Prostate Foie Vésicule biliaire Reins Vessie
Relations probables et convaincantes entre facteurs nutritionnels et risque de cancer (WCRF/AICR 2007, 2010-2016) Augmentation du risque
Facteur alimentaire ou nutritionnel Localisation du cancer
Boissons alcoolisées Bouche, Pharynx, Larynx, Œsophage, Foie, Côlon-rectum (chez l’homme), Sein
Côlon-rectum (chez la femme)
Surpoids et obésité Œsophage, Pancréas, Foie, Côlon-rectum, Sein (après la ménopause), Endomètre, Rein
Vésicule biliaire, Ovaire, Prostate (cancer avancé)
Excès d’adiposité abdominale Côlon-rectum, Pancréas
Sein (après la ménopause), Endomètre, Prostate (cancer avancé)
Taille à l’âge adulte Côlon-rectum, Sein (après la ménopause), Ovaire
Pancréas, Sein (avant la ménopause), Prostate, Rein
Prise de poids au cours de la vie adulte Pancréas
Sein (après la ménopause)
Poids de naissance élevé Sein (avant la ménopause)
Charge glycémique Endomètre
Viande rouge Côlon-rectum
Charcuterie Côlon-rectum
Aflatoxines Foie
Arsenic dans l’eau potable Poumon
Peau, vessie
Supplémentation en bêta-carotène Poumon
Aliments et produits salés Estomac
Sel Estomac
Poisson salé à la cantonaise Naso-pharynx
Maté Œsophage
Probable Convaincant Niveau de preuve :
Relations probables et convaincantes entre facteurs nutritionnels et risque de cancer (WCRF/AICR 2007, 2010-2016) Diminution du risque
Facteur alimentaire ou nutritionnel Localisation du cancer
Activité physique Côlon
Sein (après la ménopause), Endomètre
Allaitement Sein
Légumes non féculents Bouche, Pharynx, Larynx, Œsophage, Estomac
Légumes de la famille des alliums Estomac
Ail Côlon-rectum
Fruits Bouche, Pharynx, Larynx, Œsophage, Poumon, Estomac
Aliments contenant des fibres Côlon-rectum
Aliments contenant de l’acide folique Pancréas
Aliments contenant des caroténoïdes Bouche, Larynx, Pharynx, Poumon
Aliments contenant du bêta-carotène Œsophage
Aliments contenant de la vitamine C Œsophage
Lait Côlon-rectum
Supplémentation en calcium Côlon-rectum
Supplémentation en sélénium Prostate
Surpoids et obésité Sein (avant la ménopause)
Café Foie, Endomètre
Boissons alcoolisées Rein (moins de 30g d’alcool/jour)
Probable Convaincant Niveau de preuve :
Impact potentiel des recommandations nutritionnelles
Estimation de la part des cancers évitables par la prévention
nutritionnelle (WCRF/AICR, 2009 ; actualisation 2015)
Environ ⅓ des cancers les plus communs dans les pays développés et ¼ dans les pays en
voie de développement pourraient être évités grâce à un changement de mode de vie.
Les 12 cancers les plus communs Etats-Unis Royaume-
Uni Brésil Chine
Bouche, pharynx et larynx 63 % 67 % 63 % 44 %
Œsophage 63 % 71 % 50 % 33 %
Poumon 36 % 33 % 36 % 38 %
Estomac 47 % 45 % 41 % 33 %
Pancréas 19 % 15 % 11 % 8 %
Vésicule biliaire 21 % 16 % 10 % 6 %
Côlon-rectum 50 % 47 % 41 % 22 %
Foie 30 % 24 % 13 % 7 %
Sein 33 % 38 % 22 % 11 %
Endomètre (utérus) 59 % 44 % 37 % 21 %
Prostate (cancer avancé) 11 % 9 % 5 4
Rein 24 % 19 % 13 % 8 %
Ces cancers confondus 31 % 32 % 25 % 24 %
Méthodologie
Groupe d’experts du réseau NACRe 10 facteurs nutritionnels considérés Recherche bibliographique : Publications du 01/01/2006 au 28/02/2014 Méta-analyses analyses poolées et essais
d’intervention Publications postérieures aux évaluations
WCRF/AICR les plus récentes 1959 références identifiées 137 articles répondant aux critères d’inclusion
Résultats
Plus de 150 relations considérées
Dans la majorité des cas, conforte les
évaluations WCRF/AICR
précédentes
Fournit des informations nouvelles
* Établit des niveaux de preuve pour des
relations jusqu’alors non mentionnées :
« Surcharge pondérale et hémopathies
malignes »
(niveau de preuve probable)
** Révise certains niveaux de preuve :
« Fibres et cancer du sein »
(niveau de preuve probable)
Niveaux de preuve convaincants ou probables
Brochure grand public, INCa 2015
Facteurs diminuant le risque de cancers Activité physique*
Diminution du risque de cancer
Convaincante : côlon Probable : sein, endomètre, poumon
L’activité physique contribue à la réduction du risque de surpoids et d’obésité
*Activité physique totale, professionnelle, sportive (loisir ou compétition), déplacement, vie courante
Mécanismes : diminution des taux plasmatiques d’insuline et IGF-1, accélération du transit intestinal, diminution du taux d’œstrogènes …
Exposition en France
Non adéquation aux recommandations internationales (30 min d’activité physique modérée au moins 5 j/sem) : entre 2 et 4 adultes sur 10
Facteurs diminuant le risque de cancers Fruits et légumes*
Exposition en France
Légumes Diminution du risque de cancer
Probable : bouche, pharynx, larynx, œsophage, estomac
5 Fruits et légumes/j : 57 % adultes 3,5 Fruits et légumes/j : 35 % adultes
Fruits Diminution du risque de cancer
Probable : bouche, pharynx, larynx, œsophage, estomac, poumon
Les fruits et légumes contribuent à la réduction du risque de surpoids et d’obésité.
*Légumes non féculents (n’incluent pas les pommes de terre et les légumes secs)
Mécanismes : composants modulant la cancérogenèse (statut rédox, métabolisme des xénobiotiques, système immunitaire, prolifération cellulaire, taux et métabolisme des hormones, méthylation de l’ADN…)
Facteurs diminuant le risque de cancers Fibres
Exposition en France
Diminution du risque de cancer
Convaincant : côlon-rectum Probable : sein
Minimum recommandé : 25 g/j (19 % hommes ; 8 % femmes) Moyenne : 17,5 g/j (19 g/j hommes; 16 g/j femmes)
Mécanismes : aliments riches en fibres peu énergétiques, sources d’acides gras à chaîne courte (après fermentation par le microbiote), réduction de l’absorption du glucose, de l’insulino-resistance, des hormones stéroïdiennes circulantes, de l’inflammation, du temps de transit, renforcement de la barrière intestinale …
Facteurs diminuant le risque de cancers Produits laitiers
Exposition en France
Diminution du risque de cancer
Probable : côlon-rectum
Repères du PNNS « 3 par jour » : 29 % des adultes < 3 par jour : 56 % femmes; 44 % hommes > 3 par jour : ¼ des hommes, 17 % des femmes
Mécanismes : calcium agissant favorablement sur plusieurs mécanismes impliqués dans la cancérogenèse ; bactéries lactiques
Facteurs diminuant le risque de cancers Allaitement
Exposition en France
Diminution du risque de cancer
Convaincant : sein
Allaitement : 69 % (maternité) ; 54 % (à 1 mois) Allaitement exclusif : 60 % (maternité) ; 35 % (à 1 mois)
Mécanismes : diminution des taux plasmatiques d’hormones sexuelles pendant l’aménorrhée induite par l’allaitement
Facteurs augmentant le risque de cancers Boissons alcoolisées
Exposition en France
Augmentation du risque de cancer
Convaincant : bouche, pharynx, larynx, oesophage, côlon-rectum (H), sein Probable : foie, côlon-rectum (F)
Une des plus élevées au monde Quotidienne : 15 % hommes adultes, 5 % Femmes; 25 % > 65 ans Régulière (adultes : ≥ 3 fois/sem ; ados : ≥ 10 fois/mois) : 8,7 millions parmi les 11-75 ans
Le risque augmente avec la quantité totale d’alcool consommée. Augmentation significative dès une consommation moyenne d’un verre/j. Quel que soit le type de boisson alcoolisée, il existe un risque.
Mécanismes : acétaldéhyde cancérogène, dénutrition, effet solvant, perturbations hormonales, inflammation, métabolisme des folates…
Facteurs augmentant le risque de cancers Surpoids et obésité
Exposition en France
Augmentation du risque de cancer
Convaincant : œsophage, endomètre, rein, côlon-rectum, pancréas, sein (post-ménopause) Probable : foie, vésicule biliaire, ovaire, prostate (cancer avancé), sang (lymphome, leucémie, myélome)
Surpoids : 32 % des adultes Obésité : 17 % des adultes
Risque minimal si indice de masse corporel (poids/taille2) maintenu entre 18,5 et 25 kg/m²
Mécanismes : résistance à l’insuline, production de facteurs de croissance et cytokines, aromatase…
Facteurs augmentant le risque de cancers Viandes rouges* et charcuteries
Exposition en France
Viandes rouges Augmentation du risque de cancer
1/4 de la population : ≥ 500 g de viandes rouges/sem ≥ 50 g de charcuteries/j
Charcuteries Augmentation du risque de cancer
Convaincant : côlon-rectum
Convaincant : côlon-rectum
*Bœuf, porc, agneau, chevreau et viandes rouges contenues dans les plats préparés
Mécanismes : fer héminique, formation de composés N-nitrosés, amines hétérocycliques…
Facteurs augmentant le risque de cancers Sel et aliments salés*
Exposition en France
Augmentation du risque de cancer
Probable : estomac
8 g/j : 2/3 des hommes et 1/4 des femmes 12 g/j : 1/4 des hommes
*Pain et biscottes, charcuteries, plats composés, fromages, soupes et bouillons, pizzas, quiches et pâtisseries salées, pâtisseries et gâteaux, sandwichs et viennoiseries…
Mécanismes : altérations de la muqueuse gastrique, synergie avec composés N-nitrosés et Helicobacter pylori
Facteurs augmentant le risque de cancers Compléments à base de bêtacarotène
Exposition en France
Augmentation du risque de cancer
Convaincante : poumon* Probable : estomac* *à forte dose , en particulier chez les personnes exposées à des facteurs de risque (tabac, amiante)
Consommation de compléments alimentaires : 20 % des adultes Consommation de compléments alimentaires bêtacarotène : 1,7 % (cohorte NutriNet-santé)
Mécanismes : activation des pro-cancérogènes du tabac, effet pro-oxydant…
La supplémentation en bêtacarotène à forte dose ne diminue pas le risque de cancer.
Pas de diminution de risque de cancer
Objectifs prioritaires pour la population française
Nutrition après le cancer
Peu d’études épidémiologiques disponibles Deux facteurs pour lesquels des méta-analyses ont pu être réalisées :
– Boissons alcoolisées : après un cancer des VADS (bouche, pharynx, larynx, œsophage), la consommation de boissons alcoolisées est associée à une augmentation du risque de seconds cancers (totaux, des VADS).
– Obésité : après un cancer du sein, l’obésité est associée à une augmentation du risque de seconds cancers (totaux, du sein, de l’endomètre, du côlon-rectum).
Contribution NACRe au groupe de travail INCa « Seconds cancers » et au rapport INCa 2014
Avoir une alimentation équilibrée et diversifiée
Réduire la consommation de
boissons alcoolisées
Surpoids et obésité
Pratiquer une activité physique
Boissons alcoolisées
Prévention nutritionnelle des cancers (premiers, seconds…)
Conditions d’efficacité
Avoir une
alimentation équilibrée et diversifiée
Réduire la
consommation de
boissons alcoolisées
Pratiquer une
activité physique
Il n’est jamais trop tard pour commencer
S’engager sur la durée
Se fixer des objectifs de progrès étape par étape (corriger excès et insuffisances, jouer sur la quantité et la fréquence)
Ne pas en faire trop
Se faire plaisir (apprendre à savourer les aliments)
Site web du réseau NACRe : www.inra.fr/nacre
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