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PTO – vol 15 – n°2 – Spécial recrutement n°2
Psychologie
du Travail
et des Organisations
Fondée en 1995 à l'initiative de Claude Lemoine et Michel Rousson,
sous l'égide de l'Association Internationale de Psychologie du Travail
de Langue Française, cette revue publie des articles originaux, des
revues de questions, des comptes-rendus de recherches, y compris
celles réalisées sur le terrain ou dans une perspective d'application.
Elle présente également des comptes rendus d'ouvrages et des notes
sur l'actualité du domaine.
Audience
Psychologie du Travail et des Organisations s’adresse aux
enseignants, aux chercheurs et aux praticiens du domaine et à un
plus vaste public : étudiants, responsables des ressources humaines,
gestionnaires, ergonomes, médecins du travail…
Objectifs
Les thèmes principaux concernent les aspects individuels, psycho-sociaux et structurels du travail et des organisations. À titre d'exemples non exclusifs, on peut citer les questions portant sur : la gestion et le développement des ressources humaines (formation, compétences, innovation), l'organisation et l'évaluation des systèmes (changement, communication, climat), les articulations hommes-organisations-techniques (représentations, aspects culturels, négociation, coopération, style de direction), la santé (bien-être, conditions de travail, stress, risques, sécurité), l'environnement, les aspects psychologiques liés à l'emploi et au non emploi (sélection, orientation, évaluation des personnes, insertion, identité, implication), le rôle du psychologue (expertise, conseil, mode d'intervention), l'épistémologie, la méthodologie et la déontologie. La revue comporte environ 384 pages distribuées en 4 numéros par an. La revue publie régulièrement des numéros à thèmes. Les travaux doivent satisfaire aux critères de vérification scientifique.
PTO – vol 15 – n°2 – Spécial recrutement n°2
Comité de rédaction:
Directeur éditorial: Professeur Claude Lemoine
(Université de Lille 3) [email protected] ou [email protected]
Rédacteur en chef : Professeur Georges Masclet
[email protected] ou [email protected]
Assistante de rédaction: Lysiane Masclet
[email protected] ou [email protected]
Membres du comité de rédaction: Bernard Gangloff (Université de Rouen) Dongo-Rémi Kouabenan (Université de Grenoble)
André Savoie (Université de Montréal) Michel Rousson (Université de Neuchâtel) Christian Vandenberghe (HEC Montréal)
Anne Marie Vonthron (Université de Bordeaux 2) Comité scientifique:
A.Battistelli (Université de Vérone), J.-L. Bernaud (Université de Rouen), M. Depolo (Université de Bologne), P. Desrumaux
(Université de Lille 3), A. Di Fabio (Université de Florence), J. -E. Duplessis de Losada (Université de Buenos Aires), B. Fabi
(Université de Trois-Rivières), G. Fischer (Université de Metz), P. Gilbert (lAE, Paris), R. Jacob (Université de Trois-Rivières),
G. Karnas (Université libre de Bruxelles), R. Lescarbeau (Université de Sherbrooke), C. Louche (Université de Montpellier), A- Rondeau (Université de Montréal), M. Rousson
(Université de Neuchâtel). P. Salengros (Université de Bruxelles), N. Semmer (Université de Berne), R. Thionville
(Université de Rouen)
PTO est indexée
Thomson Reuter (Thomson Scientific - ISI) INIST CNRS
PsycINFO - American Psychological Association
© AIPTLF : Tous droits de traduction, de reproduction, et d’adaptation réservés
PTO – vol 15 – n°2 – Spécial recrutement n°2
105
Editorial
La parution de notre revue rythme les saisons, l’aviez-vous remarqué ?
Nous sommes en été à 12 mois de notre prochain Congrès. Celui-ci se déroulera du 6 au 9 juillet 2010 à Lille, ville
européenne par excellence au carrefour du Bénélux, de l’Angleterre et de l’Allemagne.
Avec ce deuxième numéro 2009, réservé « Au Recrutement »,
quel hasard quand il s’agit de parler de Congrès, vous trouverez les premières informations relatives à cette manifestation qui avec la revue, constitue l’épine dorsale de
l’AIPTLF.
Bonne lecture…
Georges Masclet
Professeur Émérite des Universités Rédacteur en chef
PTO – vol 15 – n°2 – Spécial recrutement n°2
106
CONTENTS
Éditorial
Éditorial de Sonia Laberon p 108
Sonia Laberon & Marilou Bruchon-Schweitzer p 111 The assessment practices of different
types of recruitment organizations : some determiners Philippe Chartier p 137
The Contribution of Aptitude Tests in Recruitment: the example of NV5-R
Audrey Pavard et Even Loarer p 151
Emotional intelligence in recruitment: a study of incremental validity on candidates for the entrance
to professional Master
Jean-Sébastien Boudrias, Louis-Pierre Sarrazin p 167 & Jean Phaneuf Clinical judgment in psychological assessment related
to work: What is the predictive value and can it be programmed?
Didier Desonnay, Georges Masclet p 185
& Catherine Demarey Towards a clinical approach to recruitment, integrating the context of the job offer: transforming
the initial request in a family company.
Philippe Wallon & Charles Mottier p 199 A rigorous method of recruitment for admission to the vocational schools.
XVIème Congrès de l’AIPTLF p 219 Le Travail dans tous ses États
PTO – vol 15 – n°2 – Spécial recrutement n°2
107
SOMMAIRE Éditorial
Éditorial de Sonia Laberon p 108
Sonia Laberon & Marilou Bruchon-Schweitzer p 111 Les pratiques d’évaluations utilisées dans les structures
de conseil en recrutement : quelques déterminants
Philippe Chartier p 137
L’apport des tests d’aptitudes dans le recrutement: l’exemple de la NV5-R
Audrey Pavard et Even Loarer p 151 Intelligence émotionnelle en situation de recrutement: une étude de validité incrémentielle auprès
de candidats à l’entrée en Master professionnel
Jean-Sébastien Boudrias, Louis-Pierre Sarrazin, p 167 Jean Phaneuf Le jugement clinique en contexte d’évaluation du potentiel
et des compétences au travail : Quelle est sa valeur prédictive et peut-il être formalisé ?
Didier Desonnay, Georges Masclet p 185 & Catherine Demarey Pour une approche contextuelle et clinique de la
demande de recrutement : la transformation d’une demande initiale dans une entreprise familiale.
Philippe Wallon & Charles Mottier p 199 Une méthode de recrutement rigoureuse pour l’admission en écoles professionnelles
XVIème Congrès de l’AIPTLF p 219 Le Travail dans tous ses États
PTO – vol 15 – n°2 – Spécial recrutement n°2
108
Editorial de Sonia Labéron
Le recrutement - Numéro 2
Les pratiques de recrutement et leur validité.
Ce second numéro spécial consacré au recrutement porte sur les
pratiques de sélection des recruteurs et leur validité prédictive. Les
articles présentés rendent tous compte de préoccupations liées à la
capacité des procédures de sélection à prédire la réussite dans des
contextes professionnels ou de professionnalisation.
Nous proposons en introduction un premier article (Sonia
Laberon et Marilou Bruchon-Schweitzer) qui présente un état des lieux
des pratiques de recrutement en France et une étude sur l’identification de
quelques déterminants du choix des techniques de sélection.
Une place particulière est accordée ensuite à l’évaluation des
aptitudes et de l’intelligence émotionnelle. Les deux articles traitant de la
question renvoient à des résultats encourageants et incitent à développer
de telles mesures en contexte de sélection. Le premier proposé par
Philippe Chartier compare deux modalités de sélection. Il met en avant
des résultats assez similaires entre une procédure de recrutement
classique (CV, entretiens) effectuée par une organisation et les résultats
obtenus par les mêmes candidats à certaines dimensions de la NV5-R
(batterie d’aptitudes cognitives). De la même façon, l’article d’Audrey
Pavard et d’Even Loarer montre que la mesure de l’intelligence
émotionnelle contribue à augmenter la valeur de la prédiction de la
réussite des candidats au recrutement pour un master professionnel en
psychologie du travail. Bien qu’on ne puisse généraliser ces résultats
particuliers, ils démontrent la valeur incrémentielle de ce type de tests en
complément d’une procédure classique de sélection.
Au-delà de la qualité des prédicteurs de la réussite en emploi,
l’article de Jean-Sébastien Boudrias, Louis-Pierre Sarrazin, Jean Phaneuf
pose une difficulté supplémentaire : celle de l’intégration des données
psychométriques. Comment les recruteurs psychologues se servent de
telles données afin de poser un jugement sur des compétences d’un
individu ? Leur interprétation contribue t-elle à augmenter la validité du
processus de sélection ? C’est bien la validité du jugement des recruteurs
qui est au centre du questionnement et qui nous renvoie à reconsidérer
l’évaluation psychologique dans son intégralité. Les auteurs confrontent
PTO – vol 15 – n°2 – Spécial recrutement n°2
109
une méthode d’intégration mécaniste de données psychométriques de
personnalité à une évaluation globale de ces mêmes données basée sur le
jugement clinique afin de mettre à l’épreuve leur capacité respective à
prédire deux critères de performance en emploi. Les résultats permettent
de valoriser le jugement clinique des psychologues du travail en contexte
d’évaluation professionnelle par rapport à des approches plus mécanistes
ou actuarielle.
Cette approche clinique est aussi mise en avant par Didier
Desonnay, Georges Masclet & Catherine Demarey dans le cadre de
l’analyse de la demande de recrutement. Leur étude d’un cas de
recrutement permet de poser clairement des indicateurs pratiques pour les
psychologues du travail afin de parvenir à répondre à des demandes
discriminatoires de recrutement, dans le plus grand respect du code de
déontologie. Le recadrage proposé permet de tenir compte des raisons de
ce type de demande sans d’emblée les exclure afin de les résoudre
différemment que par la discrimination. Ce type d’étude très appliquée, a
l’intérêt d’illustrer concrètement une situation qui est quotidienne dans
l’activité des consultants psychologues et de donner un cadre appliqué et
opératoire de réponse à une telle intervention.
Ce dossier sur le recrutement s’achève avec ce second numéro.
Nous avons tenté d’envisager ce thème sous deux angles différents mais
complémentaires, celui des approches normatives de l’évaluation
professionnelle et celui des approches psychométriques lié à la validité
des méthodes. Il reste encore beaucoup à faire dans le domaine de la
sélection professionnelle et de la réussite en emploi. L’intégration
professionnelle est encore peu envisagée dans le cadre des travaux sur le
recrutement. Elle constitue pourtant la dernière étape de la procédure de
recrutement et semble offrir de réelles perspectives quant à la prédiction
de la réussite professionnelle.
Je dédicace ces deux numéros à mes filles, Emma et Salomé.
S. Laberon
Laboratoire de Psychologie EA 4139, Université Victor Segalen
Bordeaux 2, 3ter, place de la Victoire-F-33076 Bordeaux Cedex –
PTO – vol 15 – n°2 – Spécial recrutement n°2
110
PTO – vol 15 – n°2 – Spécial recrutement n°2
111
LES PRATIQUES D’EVALUATION UTILISEES
DANS LES STRUCTURES DE CONSEIL EN
RECRUTEMENT : QUELQUES DETERMINANTS
THE ASSESSMENT PRACTICES OF DIFFERENT
TYPES OF RECRUITMENT ORGANIZATIONS:
SOME DETERMINERS
Sonia Laberon* & Marilou Bruchon-Schweitzer**
Laboratoire « Santé et Qualité de Vie » EA 4139, Université Victor Segalen
Bordeaux 2, 3ter, place de la Victoire-F-33076 Bordeaux Cedex –
*[email protected] **[email protected]
Résumé
Dans la continuité des travaux de Bruchon-Schweitzer & Ferrieux (1991) et de
Balicco (1999), la présente étude décrit les pratiques de recrutement de différents
types de structures (N = 327, soit 134 cabinets conseil et 193 agences d’intérim).
Nous avons supposé que le niveau du poste à pourvoir et les caractéristiques du
recruteur (sexe, âge, niveau d’études, type d’études, statut, expérience du
recrutement) influençaient l’utilisation des techniques de sélection. Nos résultats
indiquent que le choix des techniques n’est pas fondé sur une approche
scientifique de l’évaluation des candidats. Le niveau du poste recruté semble
déterminer fortement l’emploi de techniques d’évaluation de la personnalité. En
outre, les caractéristiques des évaluateurs semblent contribuer uniquement au
choix d’utiliser les techniques les moins valides. La discussion propose une
modélisation théorique de ces choix des recruteurs (en tenant compte de
différentes logiques de pratiques) et quelques pistes d’action.
Abstract
Referring to the work of Bruchon-Schweitzer & Ferrieux (1991) and Balicco
(1999), the present study describes the recruitment practices of different types of
organizations (N=327, 134 consulting companies and 193 temporary placement
firms). We hypothesised that job position and recruiter characteristics (sex, age,
level and type of education, status, and recruitment experience) would influence
the use of selection techniques. Results revealed that choice of selection
techniques is not based on a scientific evaluation of applicants. Job position
seems to strongly determine use of personality assessment techniques. Further,
recruiter characteristics only seem to determine choice of less valid techniques.
In the discussion, a theoretical model of choices made by recruiters and some
courses of action are proposed.
Mots-clés : recrutement, techniques d’évaluation, conseil, niveau du poste,
caractéristiques des recruteurs.
Key words: Recruitment, assessment methods, counselling, job position,
recruiters’ characteristics.
Sonia Laberon & Marilou Bruchon-Schweitzer / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
112
1. Introduction
Le recrutement est une activité partiellement légiférée et mal
définie, notamment en ce qui concerne les compétences requises pour
recruter. Les profils des recruteurs recherchés par les cabinets conseil
sont liés aux principales missions à exercer : la prospection de clients et
l’évaluation professionnelle des candidats. Compte tenu de la difficulté à
trouver des personnes ayant cette double compétence, les structures de
conseil s’orientent majoritairement vers des profils de commerciaux,
même s’ils ne sont pas spécialement formés à l’évaluation
professionnelle.
Les psychologues du travail en mettant en avant leur expertise en
matière d’évaluation des compétences et leur maîtrise des outils
psychométriques (au risque de passer pour des techniciens) commencent
à prendre une part importante du marché du recrutement sans y être
encore majoritaires. L’étude d’offres d’emploi élaborée par Bernaud
(2000) a permis d’établir une typologie des recruteurs. La formation
requise est assez variée : ressources humaines, puis écoles de commerce,
puis enfin la psychologie. Être recruteur ne correspond à aucun titre, c’est
une fonction que n’importe qui peut exercer. Si des regroupements
comme la fédération « SYNTEC recrutement » tentent de « baliser » la
profession et de définir les « bonnes pratiques »1, il n’en demeure pas
moins que les techniques d’évaluation utilisées par les recruteurs ne sont
pas choisies pour leur valeur scientifique (Bruchon-Schweitzer &
Ferrieux, 1991). Dès lors, on peut se demander quelles sont les raisons de
choisir certaines méthodes de sélection parmi d’autres.
Pour répondre à cette question, nous proposons dans un premier
temps, de faire une synthèse de la littérature sur les pratiques de
recrutement, sur leur validité prédictive et sur les déterminants du choix
des méthodes de sélection en France. Dans un second temps, nous
rendrons compte d’une étude menée auprès de recruteurs, étude dont
l’objectif était d’identifier l’influence de certaines variables sur le choix
des techniques de sélection
1 Charte de déontologie de Syntec conseil en recrutement : http://www.syntec-
recrutement.org/v3/pages/article.asp?numero=172
Sonia Laberon & Marilou Bruchon-Schweitzer / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
113
2. Cadre théorique
1.1 La validité des techniques d’évaluation professionnelle :
quels enjeux pour le recrutement ?
Les qualités métrologiques des outils d’évaluation
professionnelle devraient être une priorité quel que soit le contexte
(sélection, accompagnement…). Le code de déontologie des
psychologues praticiens2 est extrêmement clair sur ce point et l’article 18
stipule que « les techniques utilisées par le psychologue pour
l’évaluation, à des fins directes de diagnostic, d’orientation ou de
sélection, doivent avoir été scientifiquement validées ».
On comprend que les recruteurs non psychologues se sentent
moins concernés dans la mesure où la législation sur le sujet reste plus
vague. La loi sur le « recrutement et les libertés individuelles »3 précise
que « les méthodes et techniques d'aide au recrutement des candidats à un
emploi doivent être pertinentes au regard de la finalité poursuivie ».
Cependant, elle n’établit ni la liste des méthodes légales ni le type de
preuves à avancer pour justifier de la pertinence de l’outil employé (la loi
n’impose pas de « principe de validité scientifique » mais exige « un
degré raisonnable de fiabilité »4). En outre, aucun candidat n’ayant pris le
risque de se retourner contre le recruteur, cette loi n’a fait à ce jour l’objet
d’aucune jurisprudence, ce qui aurait pu combler ses lacunes. Ainsi, la
méconnaissance de ce texte accompagnée d’une absence significative de
sanctions n’encourage pas les recruteurs, qu’ils soient en cabinet ou en
entreprise, à choisir des outils plus valides.
Nous pouvons noter néanmoins un effort notable de la fédération
des cabinets de recrutement la plus importante de France. Elle propose à
ses adhérents une charte sur le recrutement inspirée de quelques points de
la législation et respectant une certaine déontologie quant aux processus
d’évaluation des personnes. Cette charte ainsi que les textes et circulaires
de loi tentent de montrer les véritables enjeux du respect d’une procédure
de recrutement valide. Ils relèvent de la qualité du service rendu à
l’entreprise qui recrute et du respect dû aux candidats, qui doivent être
évalués par des procédures équitables et non discriminatoires. Martin
(2006, p.185) soutient que les recruteurs ont un « devoir de compétence »
qui leur impose de se tenir informés sur les débats concernant la validité
des méthodes et d’en tirer les conséquences pour leur pratique 2 Code de déontologie des psychologues praticiens : http://www.sfpsy.org/-Code-
de-deontologie-des-.html 3 Loi « relative au recrutement et aux libertés individuelles » (JO du 1.1.1993).
4 Circulaire du 15 mars 1993 (II.-A.-2.).
Sonia Laberon & Marilou Bruchon-Schweitzer / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
114
quotidienne. Malheureusement, il semble bien que les pratiques de
recrutement en France soient inspirées par des considérations étrangères à
la science et à la déontologie. 1.2 Les pratiques de recrutement en France : état et évolutions
Trois enquêtes à ce jour permettent de faire un état des lieux sur
les pratiques de recrutement en France de 1991 à 2001. L’enquête de
Bruchon-Schweitzer & Ferrieux en 1991, celle de Balicco en 1999 et
celle de Laberon en 2001. Bien que les effectifs des trois échantillons ne
soient pas de taille égale et que les types de structures concernées par ces
enquêtes soient sensiblement différentes, ces études permettent, à titre
indicatif, d’établir un état des lieux et de dessiner l’évolution des
pratiques de recrutement en France. La première enquête portait sur un
échantillon de 102 responsables de service de recrutement dont 60 en
cabinet conseil et 42 en entreprise (29 du secteur privé et 13 du secteur
public). La seconde portait sur 62 consultants de cabinet conseil en
Ressources Humaines. La troisième portait sur 327 professionnels du
recrutement dont 134 en cabinet conseil et 193 en agences d’intérim. Il
est important de noter que les recrutements effectués par les agences
d’intérim concernent des postes de bas niveau de qualification (ouvriers)
alors que les cabinets conseil recrutent plutôt des postes de niveau cadre.
Tableau 1 : Pratiques d’évaluation des recruteurs d’après les recherches de
Bruchon-Schweitzer & Ferrieux (1991), Balicco (1999) et Laberon (2001, 2005).
Techniques
utilisées
Utilisation
en 1991
% S** %O
Utilisation
en 1999
% S** %O
Utilisation
CC* en 2001
% S %O
Utilisation
AI* en 2001
% S %O
Entretien 95 4 100 0 99,3 0,7 98,5 1,5
Graphologie 55 38 50 45 22,4 60,4 0 11,4
Q. de
personnalité 35 26 19 26 40,3 33,6 12,4 33,2
Techn.
projectives 8,5 12 4,8 14,5 7,5 21,6 5,7 16,2
Techn.
irrationnelles 9 6 22 (en tout) 0,7 7,5 0,5 5,2
Tests
aptitudes 31 32 11 21 20,1 49,3 9,8 59,1
Mise en
situation 7,5 26,5 0 11 5,2 42,6 14,5 53,4
Centres
d’évaluation Faible Faible 0 1,6 2,2 26,9 7,8 30,6
Références 10,5 (en tout) 29 19,4 41 53 49,2 46,7 *CC = Cabinets Conseils ; AI = Agences d’Intérim **S=systématique; O=occasionnelle
Sonia Laberon & Marilou Bruchon-Schweitzer / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
115
1.2.1 Stabilité
Ce tableau comparatif montre que l’entretien demeure la technique
favorite des recruteurs. Elle est systématiquement employée à toutes les
époques et par toutes les structures.
L’emploi des tests d’aptitudes semble relativement stable. Bien que
l’enquête de Balicco (1999) ait fait apparaître une baisse de leur
utilisation, celle-ci pourrait être liée à un nombre important de recruteurs
de son échantillon procédant par approche directe (« chasseurs de tête »),
mode de sélection bien particulier. L’utilisation des tests d’aptitudes était
aussi bien occasionnelle que systématique en 1991 (respectivement 32%
et 31%) ; elle semble moins systématique en 2001 dans les agences
d’intérim et dans les cabinets conseil (respectivement 59,1% et 49,3%
d’emploi occasionnel, contre 9,8% et 20,1% d’emploi systématique).
1.2.2 Augmentations légères
Les inventaires de personnalité semblent plus employés en 2001
qu’en 1991, ceci notamment par les cabinets conseil. Les structures
d’intérim s’en servent beaucoup moins. Cette utilisation des inventaires
de personnalité par les cabinets conseil paraît toujours plus systématique
(35% en 1991, 19% en 1999 et 40,3% en 2001) qu’occasionnelle (26% en
1991 et 1999, 33,6% en 2001).
Les techniques projectives sont assez peu employées mais leur
utilisation semble avoir légèrement augmenté depuis 1991 notamment
dans les cabinets conseil. Cette utilisation semble cependant de plus en
plus occasionnelle et de moins en moins systématique (respectivement
12% et 8,5% en 1991 pour les cabinets conseil, 14,5% et 4,8% en 1999,
21,6% et 7,5% en 2001 pour les cabinets conseil, 16,2% et 5,7% pour les
agences d’intérim).
1.2.3 Augmentations marquées
Les mises en situation se développent notamment pour le
recrutement de postes de bas niveau de qualification. Mais ce
développement correspond à un emploi occasionnel plus que
systématique (respectivement 26,5% et 7,5% en 1991, 11% et 0% en
1999, 42,6% et 5,2% en 2001 pour les cabinets conseil, 53,4% et 14,5%
pour les agences d’intérim).
Les centres d’évaluation sont dans l’ensemble peu utilisés mais
leur augmentation est remarquable en 2001. L’utilisation de cette
méthode reste néanmoins presque toujours occasionnelle (2,2% d’emploi
Sonia Laberon & Marilou Bruchon-Schweitzer / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
116
systématique pour les cabinets conseils et 7,8% pour les agences
d’intérim en 2001, aucun en 1999).
L’utilisation occasionnelle et l’utilisation systématique des
références ont toutes deux augmenté ces dernières années
(respectivement 29% et 19,4% en 1999, 53% et 41% en 2001 pour les
cabinets conseil, 46,7% et 49,2% pour les agences d’intérim)5.
1.2.4 Diminutions légères
La graphologie arrive toujours en seconde position des pratiques,
sauf pour les structures d’intérim qui y ont très peu recours. Mais comme
le souligne Bruchon-Schweitzer (2006), on peut constater que son
utilisation diminue en 2001, celle-ci étant de plus en plus occasionnelle
(38% en 1991, 45% en 1999, 60,4% en 2001) et de moins en moins
systématique (55% en 1991, 50% en 1999, 22,4% en 2001).
1.2.5 Diminutions marquées
Les techniques irrationnelles comme la morphopsychologie,
l’astrologie, la numérologie, la gestuologie, la PNL… ont nettement
reculé. De plus, si leur emploi était souvent systématique en 1991 (9%), il
est quasi exclusivement occasionnel en 2001, tant dans les structures de
conseil (7,5%) que dans les agences d’intérim (5,2%).
Face à ces résultats, le bilan reste mitigé et la question des raisons
du choix de telle ou telle technique de sélection par les recruteurs
demeure entière. Si l’on peut se réjouir de constater que le recours à des
techniques irrationnelles ou non validées diminue (peu ou beaucoup) et
que l’utilisation de méthodes valides (tests d’aptitudes, mises en situation,
centres d’évaluation) augmente, on ne peut que continuer à s’alarmer face
à la persistance de l’utilisation de la graphologie dans les cabinets conseil
français.
1.3 Les déterminants du choix des méthodes de sélection en
France
Les motivations sous-tendant les pratiques de sélection sont
abordées sous plusieurs angles dans la littérature internationale. Un
premier groupe de travaux a trait aux qualités métrologiques des
5 Dans l’étude de 1991, le « premier tri » avait été éliminé de la procédure ce qui
explique que les références apparaissent si peu.
Sonia Laberon & Marilou Bruchon-Schweitzer / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
117
techniques. Il s’agit d’études le plus souvent américaines et se présentant
sous la forme de synthèses qualitatives ou quantitatives (méta-analyses) :
Schmidt & Hunter, 1998 ; Robertson et Smith, 2001 ; Barrick, Mount &
Judge, 2001 ; Posthuma, Morgeson & Campion, 2002 ; Salgado et al.,
20036.
L’autre approche de ce problème est davantage psychosociale : il
s’agit de la perception que les recruteurs ont de la valeur des techniques
qu’ils emploient ; ces perceptions relèvent de croyances sans lien obligé
avec les qualités métriques des outils. Il s’agit donc d’une estimation
qualitative et subjective de la pertinence de ces techniques, que l’on
appelle validité de surface ou validité apparente (« face validity »), qui
n’a rien à voir avec tout ce qu’implique la notion scientifique de validité
(Anastasi, 1996).
La validité apparente est plus souvent étudiée chez les candidats
que chez les recruteurs. Elle a en effet un impact sur l’image que se font
les candidats de la structure qui recrute et probablement sur leur réussite
aux épreuves de sélection (Hausknecht et al., 2004). Elle correspond à
l’adéquation (perçue) entre le contenu du poste et celui des techniques de
sélection (Smither et al., 1993). Steiner (1996, 2000, 2004a) dans ses
travaux sur la perception de justice procédurale a élargi notablement les
connaissances relatives aux opinions des candidats et des recruteurs vis-
à-vis des techniques de sélection utilisées en France. Il a évalué en
particulier leur « acceptabilité », attitude globale en lien avec leurs
qualités apparentes.
Ces différents aspects, auxquels il faut ajouter le coût financier
des outils pourraient motiver le choix des techniques de sélection.
Le tableau 2 présente une comparaison de l’utilisation, de la
validité prédictive, du coût et de l’acceptabilité par les recruteurs et par
les candidats des différentes techniques d’évaluation
.
6 Les deux premières sont des méta-analyses sur les différentes méthodes de
sélection, les autres respectivement sur les Big Five, l’entretien de sélection, les
aptitudes.
Sonia Laberon & Marilou Bruchon-Schweitzer / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
118
Tableau 2 : Utilisation, validité, coût et acceptabilité des techniques de
recrutement en France.
Techniques Emploi7
%
Validité
prédictive8 Coût9
Acceptabilité
recruteurs10
Acceptabilité
candidats11
Entretien
Traditionnel
Structuré
S* O*
Modeste12
(.20)
Elevée13
(.64**)
Moyen
Très bonne
Faible
Très bonne
Faible
99,3 0,7
Graphologie 22,4 60,4 Nulle14
(.04)
Moyen
à faible
Assez bonne
(si utilisée)
Très faible
(injuste
inefficace)
Q.
personnalité
40,3 33,6 Modeste15
(.10 à .30)
Faible Bonne Bonne
T. projectives 7,5
21,6 Faible16
(.15)
Faible - -
T.
irrationnelles
0,7 7,5 Nulle14
(.00)
Faible - -
Tests
d’aptitudes
20,1 49,3 Elevée17
(.51**)
Faible Bonne Bonne
Mises en
situation
5,2
42,6 Elevée15
(.54**)
Elevé Très bonne Très bonne
Centres
évaluation
2,2 26,9 Elevée18
(.37)
Elevé Très bonne Très bonne
Références 41 53 Modeste19
(.26)
Faible Bonne Bonne
*S= systématique ; O= occasionnel ** coefficients corrigés selon erreurs de mesure.
Il semblerait que ce soit plutôt l’acceptabilité de ces techniques par
les recruteurs et leur coût financier qui déterminent leur utilisation. La
validité scientifique des techniques et leur acceptabilité par les candidats
ne semblent pas, en revanche, influencer les choix des recruteurs. On doit
7 D’après l’enquête de Laberon (2001, 2005) auprès des cabinets conseil. 8 Coefficients moyens selon une synthèse d’études citées en notes ci-dessous. 9 D’après Steiner et al., (2004b) ; Vom Hofe al., (1993) ; Bruchon-Schweitzer (2003). 10 D’après Steiner (2000) et Bruchon-Schweitzer (2006). 11 D’après Steiner (1996, 2000, 2004a) et Stinglhamber et al., (1999). 12 Robertson & Smith (2001), McDaniel et al., (1994), Huffcut & Arthur (1994). 13 Salgado et Moscoso (2006), McDaniel et al., (1994), Huffcut & Arthur (1994). 14 Neter & Ben Shakhar (1989), Dean (1994), Schmidt & Hunter (1998). 15 Hogan, De Fryyt & Rolland (2006) : coefficients très variables selon les inventaires. 16 Robertson & Smith (1989). 17 Robertson & Smiths (2001) et Schmidt & Hunter (1998). 18 Gaugler et al., (1987), Salgado (1999), Arthur, Day, McNelly & Edens (2003). 19 Hunter & Hunter (1984), Schmidt & Hunter (1998) et Robertson & Smith (2001).
Sonia Laberon & Marilou Bruchon-Schweitzer / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
119
donc reconnaître que la capacité démontrée de certaines méthodes pour
prédire la réussite professionnelle ultérieure, qui garantit pourtant l’équité
et l’efficacité de la sélection, n’est pas perçue (ou reconnue) comme un
motif pour les choisir.
En outre, les recruteurs sont plus sensibles à la validité apparente
des techniques qu’à leur validité scientifique. Bruchon-Schweitzer (2006)
avait déjà indiqué que les choix des recruteurs dépendaient selon eux du
coût des méthodes, de leur applicabilité par les consultants et de leur
acceptabilité par les candidats, la pertinence scientifique de ces
techniques n’étant même pas évoquée.
Steiner (1996) notait que l’évaluation de l’efficacité des méthodes
de sélection par les recruteurs, dépend davantage de leur propre capacité
(perçue) à détecter les points forts des candidats, de leur logique par
rapport au poste et de leur pratique, que des qualités scientifiques de ces
méthodes. Enfin, bien que leur acceptabilité par les recruteurs et par les
candidats soit proche, l’opinion de ces derniers ne semble pas avoir
beaucoup d’impact sur les choix des recruteurs. C’est le cas pour la
graphologie (les recruteurs qui l’utilisent encore la jugent pertinente alors
que les candidats la trouvent injuste et inefficace).
Le fait que des techniques d’une faible acceptabilité soient utilisées
pourrait traduire une méconnaissance des effets bénéfiques de l’équité
perçue d’une procédure de recrutement sur l’intégration d’un nouveau
salarié dans une organisation. Ces effets ont pourtant été mis en évidence
à maintes reprises dans les travaux de Steiner ou encore décrits dans la
littérature sur la socialisation organisationnelle et l’intégration (Lacaze,
2005 ; Ménard, 2004). Quant à l’utilisation récurrente de techniques
d’une validité douteuse, le constat de Bruchon-Schweitzer et Ferrieux
(1991) paraît malheureusement toujours d’actualité : « les techniques les
plus utilisées sont en même temps les moins valides ».
1.4 Croyances et pratiques de l’évaluation
Cette situation nous incite à penser que les pratiques des recruteurs
sont influencées par des croyances « naïves » et par le fait qu’ils ignorent
les recherches ayant trait à la valeur prédictive des outils de sélection
professionnelle. Il est vrai que ces études, publiées le plus souvent dans
des revues anglophones, restent peu accessibles pour les professionnels
du recrutement. En outre, il faudrait pour comprendre ces travaux, une
certaine expertise sur le sujet, qui ne peut être acquise que grâce à une
formation universitaire en psychologie du travail.
Les études décrites précédemment montrent que les praticiens ne
semblent pas se soucier de leurs lacunes éventuelles à ce niveau (apports
des recherches scientifiques), et que seuls, des problèmes pragmatiques,
Sonia Laberon & Marilou Bruchon-Schweitzer / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
120
comme par exemple le lien perçu entre les outils utilisés et le poste à pourvoir,
les préoccupent. Mais hélas, il s’agit d’une relation perçue (entre
caractéristiques du poste et caractéristiques du candidat) et pas du tout d’une
relation objective, établie par exemple, en calculant des corrélations entre des
prédicteurs (résultats obtenus par des candidats selon les différentes méthodes
d’évaluation) et des critères ultérieurs de réussite professionnelle.
Dès lors, la question des déterminants de ces perceptions (de leurs
fondements « quotidiens » versus « scientifiques » mérite d’être posée. On
peut supposer que certaines variables contextuelles, comme le type de poste à
pourvoir par exemple, ou encore certaines caractéristiques personnelles des
recruteurs, pourraient alors jouer un rôle non négligeable. Une étude de
l’APEC menée en 1992 a montré que certaines variables comme l’âge des
recruteurs ou bien leur formation expliquaient partiellement l’emploi de
techniques irrationnelles comme la graphologie.
L’étude que nous avons menée propose d’identifier l’effet de deux types
de déterminants (contextuels et personnels) sur l’utilisation de certains outils
d’évaluation par les recruteurs professionnels.
1.5. Hypothèses
L’utilisation des techniques d’évaluation est en partie déterminée par
des facteurs situationnels comme le niveau des postes à pourvoir (H1) mais
aussi par des facteurs personnels comme les caractéristiques des recruteurs
(H2). Figure 1 : Modèle d’analyse
2. Méthodologie
2.1. Population d’enquête
Elle est constituée de 327 sujets dont 134 recruteurs en cabinet
H1
H2
Utilisation des outils d’évaluation
Entretien
Questionnaires de personnalité
Tests d’aptitudes spécifiques
Tests de facteur G
Mises en situation
Centres d’évaluation
Références
Techniques projectives
Graphologie
Pseudo-sciences
Caractéristiques
des recruteurs
Sexe
Age
Niveau d’études
Type d’études
Statut
Expérience
Niveau des postes
Haut niveau
Bas niveau
Sonia Laberon & Marilou Bruchon-Schweitzer / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
121
conseil (41%) qui recrutent des candidats à des postes de cadre et de 193
recruteurs en agence d’intérim (59%) qui recrutent pour des postes
subalternes. Sur les 134 recruteurs en cabinet conseil, 60 sont des
directeurs de cabinet et 74 sont des consultants. Sur les 193 recruteurs en
agence d’intérim, 46 sont responsables d’agence, 81 sont chargés de
recrutement et 66 sont assistants de recrutement. Notre échantillon n’est
pas représentatif de la population des recruteurs français.
Tableau 3 : Caractéristiques des recruteurs selon leur statut et
le type de structure
Statut des recruteurs et type de structure
Directeurs
Cabinet
conseil
N=60
Consultants
Cabinet
conseil
N=74
Responsables
d’agence
Intérim
N=46
Chargés de
recrutement
Intérim
N=81
Assistants
recrutement
Intérim
N=66
Caractéristiques
des recruteurs N % N % N % N % N %
Sexe
Femmes
Hommes
22
38
37
63
42
32
57
43
18
28
39
61
53
28
65
35
59
7
89
11
Age
21-30 ans
31-45 ans
46-64 ans
1
18
41
2
30
68
19
28
27
26
38
36
12
29
5
26
63
11
54
25
2
67
31
2
59
7
0
89
11
0
Années études
Bac à Bac+2
Bac+3 à Bac+4
Bac+5 et +
2
10
48
3
17
80
5
19
50
7
26
68
26
15
5
56
33
11
27
37
17
33
46
21
27
21
18
41
32
27
Type d’étude
Commerce
Sciences humaines20
Sciences sociales21
Technique22
Divers23
Néant
16
13
16
9
5
1
27
22
27
15
8
1
21
36
6
8
3
0
28
49
8
11
4
0
13
1
3
1
14
14
28
2
7
2
31
30
23
17
11
3
23
4
28
21
14
4
28
5
27
18
4
0
16
1
41
27
6
0
24
2
Années d’expérience
1 à 3 ans
4 à 14 ans
15 à 35 ans
7
19
34
11
32
57
20
40
14
27
54
19
7
31
8
15
68
17
49
32
0
60
40
0
54
11
1
82
17
1
20 Psychologie, sociologie, gestion des ressources humaines. 21 Droit, économie, sciences politiques. 22 Ingénieur, technique, productique. 23 Comptabilité, graphologie, lettres, histoire, creps, langues, gestion, paramédicales,
agroalimentaire, travail temporaire, communication, géologie, informatique, construction,
secrétariat, tourisme, assistante de direction, documentaire.
Sonia Laberon & Marilou Bruchon-Schweitzer / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
122
Ces données montrent le statut inégal des hommes et les femmes.
On trouve plus d’hommes que de femmes dans les postes de directeur
(63% d’hommes) et de responsable (61%), ceci quelle que soit la
structure considérée (cabinet conseil ou agence d’intérim). Inversement,
il y a plus de femmes que d’hommes dans les postes de statut moindre, et
ceci dans toutes les structures (57% de consultantes en cabinet conseil,
65% de chargées de recrutement et 89% d’assistantes de recrutement en
agence d’intérim).
En outre, il est intéressant de constater que l’âge des recruteurs
varie également en fonction de leur statut mais aussi du type de structure.
Les recruteurs les plus âgés sont dans l’ensemble ceux qui ont le statut le
plus élevé et dirigent les cabinets conseil (68% d’entre eux ont entre 46 et
64 ans). Il est assez surprenant de voir que les agences d’intérim
emploient des recruteurs très jeunes notamment en ce qui concerne les
postes d’assistants (89% ont entre 21 et 30 ans). Ce sont probablement
des stagiaires.
Il ne semble pas y avoir de relation entre le nombre d’années
d’études des recruteurs et leur statut. Les dirigeants ne sont pas forcément
diplômés. Dans les cabinets conseil, le niveau de formation des directeurs
et des consultants est sensiblement le même (minimum de 4 ans d’études
après le Bac). Dans les agences d’intérim, la durée de formation des
responsables est restreinte (de 0 à 2 ans pour 56% d’entre eux), formation
d’une durée inférieure à celle des chargés et des assistants de recrutement
(de 3 à 4 ans). Les exigences des cabinets conseil en termes de durée de
formation de leurs recruteurs semblent plus fortes que celles des agences
d’intérim.
Si l’on considère la formation reçue par l’ensemble des recruteurs
concernés par notre étude, on ne peut que constater leur grande disparité.
Cette hétérogénéité concerne surtout les agences d’intérim où quasiment
1/3 des recruteurs n’ont pas fait les mêmes études. Certaines des
formations reçues par les personnels de ces agences (histoire,
informatique, tourisme, lettres,…) sont en outre très éloignées de ce que
l’on peut attendre d’une formation au recrutement.
C’est la formation commerciale (30,6%) qui est la plus fréquente
parmi les recruteurs de notre échantillon, quels que soient leur statut et le
type de structure concernés. Les psychologues (et ceux qui ont suivi une
formation en psychologie) viennent ensuite (15,6%) et sont
particulièrement présents parmi les consultants en cabinet conseil (35%).
Les recruteurs ayant reçu une formation en psychologie sont plus rares
(7%) dans les agences d’intérim. En ce qui concerne celles-ci, on peut
noter que 30% des responsables d’agence n’ont reçu aucune formation
post-baccalauréat. Enfin, 7,6% des recruteurs ont suivi des études en
Sonia Laberon & Marilou Bruchon-Schweitzer / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
123
gestion des ressources humaines. Si les ingénieurs peuvent aussi assumer
ces fonctions, c’est, semble-t-il, uniquement dans les cabinets conseil.
Enfin, les recruteurs de notre échantillon ont des expériences
professionnelles disparates. Globalement, on peut dire que ce sont les
cabinets conseil qui bénéficient des recruteurs les plus expérimentés. En
revanche, les responsables d’agence ont en majorité une expérience
inférieure à 10 ans, expérience encore moindre chez les chargés de
recrutement (60% de primo-entrants24
) et les assistant de recrutement
(82% de primo-entrants dont 41% qui ont une expérience d’un an).
Ces données descriptives montrent que les recruteurs de cabinets
conseil et d’agences d’intérim ont des caractéristiques fort différentes :
âge, durée et type de formation reçue, expérience professionnelle. Les
pré-requis pour exercer la fonction de recruteur sont moins exigeants
dans l’intérim que dans les cabinets conseil en ce qui concerne
l’expérience professionnelle, le niveau et le type de formation.
2.2. Procédure et méthode utilisées
Nous avons donc collecté (Laberon, 2001) diverses informations
auprès des 327 recruteurs ayant participé à notre enquête (134 en cabinet
conseil, 193 en agence d’intérim). Il leur a été demandé d’indiquer sur
une échelle en trois degrés (1 = jamais utilisée ; 2 = emploi occasionnel ;
3 = emploi systématique) s’ils utilisent certains outils d’évaluation au
cours de leurs pratique de sélection. Grâce à une fiche signalétique, nous
avons pu recueillir les données relatives aux caractéristiques des
recruteurs (sexe, âge, niveau d’études, type d’études, statut, expérience
du recrutement).
2.3. Traitement des données
Nous avons cherché dans un premier temps explorer les
regroupements éventuels de techniques sélection par le biais d’une
analyse factorielle. Ce traitement permet d’identifier les associations
faites par les recruteurs des outils qu’ils emploient.
Dans un deuxième temps, afin de mettre nos hypothèses à
l’épreuve, nous avons choisi de procéder à des régressions multiples
hiérarchiques entre l’utilisation moyenne de chaque technique de
sélection (critère), le niveau du poste à pourvoir et les différentes
caractéristiques des recruteurs (prédicteurs), exception faite de leur sexe
24
Les primo-entrants sont des salariés de moins de 3 ans d’expérience
professionnelle.
Sonia Laberon & Marilou Bruchon-Schweitzer / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
124
et de leur type de formation. Ces dernières données catégorielles seront
traitées grâce à des analyses de variance.
3. Résultats
3.1 Les associations de techniques utilisées par les recruteurs
Les données recueillies concernent le degré25
d’utilisation par les
recruteurs des 10 techniques de sélection présentées dans notre modèle
d’analyse (figure 1). Afin de regrouper les techniques utilisées
conjointement, ces 10 variables ont été soumises à une analyse
factorielle, suivie de rotations varimax (nombre d’axes fixé grâce au
scree-test). Cette analyse nous donne des indications sur la façon dont les
recruteurs associent ces outils dans leur pratique de sélection. Elle a
abouti à une structure à trois facteurs qui exclut les techniques projectives
et les pseudo-sciences (voir tableau 4).
Tableau 4 : Résultats d’une analyse factorielle (suivie de rotations varimax)
menée sur l’utilisation des diverses techniques par 327 recruteurs
F1 F2 F3
% de variance expliquée 26,8 18,1 14,2
Tests d’intelligence générale .889
Tests d’aptitudes spécifiques .834
Questionnaire de personnalité .739
Centres d’évaluation .697
Mises en situation .688
Graphologie -.608
Entretien .693
Références .688
Le premier facteur rend compte de 26,8 % de la variance totale. Il
regroupe les « techniques psychométriques » classiques permettant
d’évaluer l’intelligence, les aptitudes et la personnalité. Ces techniques
seraient employées conjointement par les recruteurs. Le deuxième facteur
explique 18,1 % de la variance totale. Il est bipolaire et oppose les centres
d’évaluation et les mises en situation à la graphologie. Cet axe discrimine
les recruteurs choisissant des techniques d’une excellente validité26
à
ceux qui utilisent la graphologie, technique non valide. Il sera nommé:
« techniques valides versus non-valides ». Le troisième facteur explique
14,2 % de la variance totale. Nous y retrouvons deux techniques
25
1 = jamais utilisée ; 2 = emploi occasionnel ; 3 = emploi systématique. 26
Qui prédisent la réussite professionnelle.
Sonia Laberon & Marilou Bruchon-Schweitzer / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
125
d’évaluation qui impliquent une recherche d’informations socio-
biographiques variées sur le candidat : l’entretien et les références. Nous
avons nommé ce facteur « techniques centrées sur l’histoire des
candidats».
3.2 Effets des caractéristiques du contexte et des caractéristiques
personnelles des recruteurs sur leurs choix des outils d’évaluation
Pour estimer les relations entre le niveau du poste à pourvoir, les
caractéristiques des recruteurs et les outils de sélection choisis, nous
avons procédé à un certain nombre de calculs d’inférences. Les
techniques projectives et les pseudo-sciences, employées plus rarement
par les recruteurs, n’ont pu être incluses dans ces analyses. Pour les
scores obtenus aux 8 autres techniques de sélection et pour les scores
calculés des trois facteurs mis en évidence par analyse factorielle, nous
avons effectué des régressions multiples hiérarchiques. Nous avons
intégré en tant que prédicteurs les variables niveau du poste à pourvoir
(de 1 faible à 2 élevé), âge des recruteur (de 21 à 64 ans), niveau d’étude
des recruteur (de Bac+0 à Bac+9), statut des recruteurs (de 1 faible à 3
élevé) et expérience de la pratique du recrutement (de 1 à 35 ans). Ces
analyses peuvent mettre en évidence la contribution de chaque prédicteur
à l’explication de l’utilisation de chacune des techniques de sélection
(« Techniques psychométriques » avec les tests de facteur G, d’aptitudes
spécifiques et les inventaires de personnalité ; « techniques valides versus
non valides » avec les mises en situation, les centres d’évaluation et la
graphologie et « techniques centrées sur l’histoire du candidat » avec
l’entretien et la prise de références).
En ce qui concerne les variables catégorielles sexe et type de
formation des recruteurs, nous avons procédé à des analyses de variances
avec comparaisons a posteriori par la méthode de Sheffé. Elles nous ont
permis de savoir si ces dernières caractéristiques des recruteurs exerçaient
une influence sur leurs choix d’outils.
3.2.1 Les déterminants de l’utilisation des « techniques
psychométriques »
En ce qui concerne les caractéristiques des recruteurs, nous
n’avons pas observé (ANOVA) d’effet de leur sexe sur l’utilisation des
techniques psychométriques. Les hommes les utilisent autant que les
femmes (respectivement M=1,96 et M=1,92 pour les postes de haut
niveau ; M=1,73 et M=1,62 pour les postes de bas niveau). En outre,
d’après des analyses en régressions multiples hiérarchiques, l’âge des
recruteurs, leur niveau de formation, leur statut et leur expérience de la
Sonia Laberon & Marilou Bruchon-Schweitzer / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
126
pratique n’ont pas d’effet significatif sur le recours aux techniques
psychométriques. La seule variable ayant un effet significatif sur
l’utilisation de ces techniques est le niveau du poste à pourvoir (β = .24, p
<.01). L’ajout simultané des caractéristiques des recruteurs (âge, niveau
d’étude, fonction et expérience) ne contribue qu’à diminuer la qualité du
modèle de prédiction.
Tableau 5 : Coefficients de régression multiple hiérarchique entre le niveau du
poste, les caractéristiques des recruteurs et l’emploi des « techniques
psychométriques »
Variables Pas R2 ΔR
2 F β
Niveau du poste 1 .057 .055 19,801 .24**
Caractéristiques des recruteurs* 2 .063 .048 4,298 NS * âge, niveau d’études, statut et expérience
** p<.01
Plus précisément, si l’on considère seulement les
questionnaires de personnalité, alors le niveau du poste à pourvoir a
un effet significatif sur leur utilisation (12,1% de variance expliquée).
Plus le poste à pourvoir est de niveau hiérarchique élevé, plus l’utilisation
de ces inventaires est fréquente.
Tableau 6 : Coefficient de régression entre le niveau du poste et l’emploi des
inventaires de personnalité
Variables R2 ΔR
2 F β
Niveau du poste .121 .118 44,693 .348** ** p<.01
En revanche, l’emploi des tests d’intelligence générale et des
tests d’aptitudes spécifiques, ne dépend ni des caractéristiques des
recruteurs, ni du niveau du poste recruté.
Si le type de formation des recruteurs n’a pas d’effet sur le
recours à ces techniques pour les postes de bas niveau, nous observons en
revanche un effet significatif du type de formation des recruteurs sur
l’utilisation de tests d’intelligence et d’aptitudes pour les postes de haut
niveau (F=3,982, p=.01). Dans les cabinets conseils seulement, les
recruteurs utilisent plus souvent les « techniques psychologiques » s’ils
ont été formés en sciences humaines (M=2,14) et en sciences sociales
(M=2,01). Ils les utilisent moins lorsqu’ils ont une formation technique
(M=1,76) et encore moins lorsqu’ils ont une formation commerciale
(M=1,69). Les comparaisons de moyennes a posteriori par la méthode de
Sheffé indiquent que la différence entre les recruteurs issus de formations
Sonia Laberon & Marilou Bruchon-Schweitzer / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
127
commerciales et les recruteurs issus de formations en sciences humaines est
significative (p<.01).
En ce qui concerne plus particulièrement les inventaires de
personnalité et les tests d’intelligence générale, la différence d’utilisation
moyenne entre recruteurs formés en sciences humaines (respectivement
M=2,36 et M=2,12) et recruteurs de formation commerciale (respectivement
M=1,81 et M=1,67) est elle-aussi significative (respectivement p<.01 et
p<.05).
Si l’on dissocie les formations en sciences humaines afin de
discerner les psychologues du travail, on remarque que ces derniers
emploient toujours plus les « techniques psychologiques » (M=2,35) que les
commerciaux (M=1,69) (p<.007). Entre ces deux catégories, on trouve des
psychologues venant d’autres filières (M=2,25) et des gestionnaires des
ressources humaines (M=1,92). Cette différence va dans le même sens que ce
soit pour les tests d’intelligence générale (p<.01) ou pour les inventaires de
personnalité (p<.02).
3.2.2 Les déterminants de l’utilisation des « techniques
valides versus non valides »
Les régressions multiples hiérarchiques montrent que les variables
ayant un effet significatif sur l’utilisation de techniques valides/non valides
sont : le niveau du poste à pourvoir, ainsi que deux caractéristiques des
recruteurs, leur âge et leur statut. L’ajout du niveau d’étude et de l’expérience
des recruteurs diminue la qualité du modèle de prédiction qui n’est plus
significatif lorsqu’il les inclut.
Tableau 7 : Coefficients de régression multiple hiérarchique entre le niveau du
poste, les caractéristiques des recruteurs et l’emploi des « techniques valides
versus non valides »
Variables Pas R
2 ΔR
2 F β
Niveau du poste 1 .278 .276 125,020 -.527**
Age des recruteurs 2 .294 .290 67,417 -.164**
Statut des recruteurs 3 .303 .297 46,841 -.117*
Niveau d’études des recruteurs 4 .303 .295 35,034 -.010
Expérience des recruteurs 5 .304 .293 28,035 .046 * p<.05 ; ** p<.01
Plus précisément, le recours à la graphologie est corrélé
positivement au type de poste à pourvoir et à l’âge des recruteurs (54,6% de
variance expliquée). L’emploi de techniques valides (mises en situation
Sonia Laberon & Marilou Bruchon-Schweitzer / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
128
notamment) est lié faiblement et négativement avec le niveau du poste
(R2=.049, F=16,907, β=-.222**) mais pas aux caractéristiques des recruteurs.
Ainsi, c’est le niveau du poste à pourvoir qui prédit le mieux
l’utilisation de la graphologie. L’ajout de l’âge des recruteurs contribue à
améliorer le modèle de prédiction : plus les sujets recrutent pour des postes
de niveau élevé et plus ils sont âgés, plus ils emploient la graphologie.
Tableau 8 : Coefficients de régression multiple hiérarchique entre le niveau du
poste, les caractéristiques des recruteurs et l’emploi de la graphologie
Variables Pas R2 ΔR
2 F β
Niveau du poste 1 .491 .490 313,718 .701**
Age des recruteurs 2 .546 .543 194,828 .302**
Statut des recruteurs 3 .547 .543 129,971 .037
Niveau d’études des recruteurs 4 .549 .543 97,832 .048
Expérience des recruteurs 5 .549 .542 78,114 .029 ** p<.01
Si l’on considère séparément les postes de haut et de bas niveau, en
calculant dans chaque sous-groupe les corrélations entre les caractéristiques
des recruteurs et l’utilisation de la graphologie, on voit en effet que ces
caractéristiques ont un effet plus marqué pour les postes de haut niveau.
Tableau 9 : Corrélations entre les caractéristiques des recruteurs et l’utilisation
de la graphologie pour chaque niveau de poste
Emploi de la graphologie
pour :
Age Statut Expérience Niveau
d’étude
Poste de haut niveau .391** .236** .324** .017
Poste de bas niveau .176* .200** .089 .053 * p<.05 ; ** p<.01
Des régressions linéaires simples permettent de confirmer le fait que
l’âge (R2=.153, F=23,817, β=.391**), l’expérience (R
2=.105, F=15,458,
β=.324**), et le statut (R2=.056, F=7,802, β=.236**) des recruteurs de postes
de haut niveau permettent de prédire de façon indépendante pour chaque
caractéristique, l’emploi de la graphologie pour les postes de haut niveau.
Une relation similaire est retrouvée entre l’âge (R2=.031, F=6,099, β=.176*)
et le statut (R2=.040, F=7,998, β=.200**) des recruteurs et l’utilisation de la
graphologie pour les postes de bas niveau. Autrement dit, plus les recruteurs
sont âgés et ont un statut élevé, plus ils utilisent la graphologie.
Les ANOVAS qui ont été effectuées ne montrent pas de différence
significative d’utilisation de la graphologie entre des recruteurs de
formation initiale différente, et cela quel que soit le niveau de poste
Sonia Laberon & Marilou Bruchon-Schweitzer / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
129
recruté. L’utilisation de la graphologie ne semble dépendre ni du type de
formation reçue, ni du niveau d’études des recruteurs. La seule différence
observée quant à l’utilisation de la graphologie concerne les postes de
haut niveau : les recruteurs ayant suivi des études en sciences humaines
sont ceux qui l’utilisent le moins (M=1,93). Viennent ensuite les
formations techniques (M=2,0), commerciales (M=2,05) et en sciences
sociales (M=2,27).
Ce sont les recruteurs ayant reçu une formation en psychologie du
travail qui utilisent le moins la graphologie (M=1,82), ainsi que ceux
ayant suivi une filière de GRH (M=1,92) ; en revanche, les psychologues
d’autres filières (M=2,08) l’utilisent autant que les commerciaux
(M=2,05). On peut remarquer que 18% des psychologues du travail
l’emploient encore systématiquement et 47% occasionnellement (ce qui
est beaucoup si leur formation comprend une sensibilisation à la validité
des techniques d’évaluation). En ce qui concerne les psychologues des
autres filières, la situation est pire, avec 25% d’utilisations systématiques
(contre 19% pour les commerciaux et 15% pour les GRH) et 58%
d’utilisations occasionnelles (67,6% chez les commerciaux et 61,5% chez
les GRH).
L’utilisation des techniques les plus valides (mises en situation et
centres d’évaluation) ne dépend pas non plus de la formation reçue par
les recruteurs. Si l’on ne considère que les postes de haut niveau, alors ce
sont les recruteurs formés en sciences humaines et en GRH qui utilisent
le plus ces techniques (respectivement M=1,51 et M=1,50), suivis des
recruteurs issus de filières commerciales (M=1,36) puis techniques
(M=1,26). Parmi les recruteurs formés en sciences humaines, ce sont les
psychologues du travail (M=1,55) puis ceux formés en GRH (M=1,46)
qui utilisent davantage ces techniques, plus que les psychologues issus
d’autres filières (M=1,37) et les commerciaux (M=1,36) ; ceci va dans le
même sens que ce qui a été observé plus haut à propos de l’utilisation de
techniques psychométriques et de la non-utilisation de la graphologie.
Enfin, le sexe des recruteurs n’a pas d’effet sur l’utilisation de la
graphologie, ni sur l’emploi des mises en situation et des centres
d’évaluation.
3.2.3 Les déterminants de l’utilisation des « techniques
centrées sur l’histoire des candidats »
L’usage des « techniques centrées sur l’histoire des candidats »
(entretiens, références) ne semble pas lié aux variables personnelles
(caractéristiques des recruteurs) et situationnelles (caractéristiques du poste)
mesurées dans notre étude. Ni le niveau du poste à pourvoir, ni l’âge des
Sonia Laberon & Marilou Bruchon-Schweitzer / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
130
recruteurs, ni leur statut, ni leur expérience ne prédisent l’utilisation de
l’entretien et des références.
Une exception remarquable concerne le recrutement de postes de bas
niveau, pour lesquels la corrélation entre l’utilisation des références et le
niveau d’étude des recruteurs est négative (r=-.242, p<.01). Le fait d’utiliser
les références est significativement plus fréquent (F=2,816, p=.027) chez les
recruteurs n’ayant eu aucune formation après le baccalauréat (M=2,84) que
chez les recruteurs formés en sciences humaines (M=2,36), ceci pour le
recrutement de postes de bas niveau. Les recruteurs non formés utilisent les
références de façon systématique (84%) plutôt qu’occasionnelle (16%), ce
qui n’est pas le cas des recruteurs formés en sciences humaines (51%
d’emploi systématique et 46% d’emploi occasionnel). Cette différence
d’utilisation des références selon la formation des recruteurs n’apparaît plus
pour les postes de haut niveau, pour lesquels c’est l’entretien qui est utilisé de
façon systématique, ceci quelle que soit la formation des recruteurs.
Le sexe des recruteurs n’a pas d’effet sur l’usage de l’entretien, ceci
quel que soit le niveau du poste. En revanche, les références sont plus
souvent utilisées par les hommes (M=2,61) que par les femmes (M=2,36) et
plus souvent de façon systématique (hommes, 68% ; femmes, 41%). Mais
cette différence dans l’utilisation des références ne concerne que les postes
de bas niveau (F=8,274, p=.004).
4. Discussion
Nous avons pu observer que les recruteurs contactés pour notre étude
classent (et regroupent) les diverses techniques d’évaluation de trois façons.
Le premier facteur regroupe toutes les techniques psychométriques,
qui sont utilisées conjointement. Les recruteurs qui utilisent des tests
d’aptitudes ont tendance à employer également des questionnaires de
personnalité. L’objectif des recruteurs serait alors ici d’obtenir, à l’aide de
ces outils, des informations spécifiques sur les candidats (des scores sur
différentes échelles de personnalité et d’aptitudes).
Un second regroupement des techniques semble concerner leur
validité. Les recruteurs qui utilisent les mises en situation et les centres
d’évaluation rejettent la graphologie (et inversement). Les outils les plus
valides sont en réalité des techniques complexes et coûteuses, qui exigent des
compétences particulières pour les construire et du personnel pour les
utiliser. Ces techniques sont spécifiques vis-à-vis du poste à pourvoir : elles
permettent d’estimer les capacités des candidats à réussir dans des tâches et
fonctions similaires à celles qu’ils auront à assumer dans le poste proposé
(grâce à un échantillonnage des situations de travail). Ces outils pourraient
être choisis, par certains recruteurs, malgré leur coût, en raison de leur bonne
Sonia Laberon & Marilou Bruchon-Schweitzer / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
131
validité prédictive. Rien d’étonnant alors à ce que ceux qui prennent la peine
d’utiliser des techniques aussi sophistiquées n’emploient pas la graphologie,
dont la validité prédictive est nulle. Il est possible, à l’inverse, que les
utilisateurs de la graphologie (peu coûteuse) répugnent à utiliser des
techniques nécessitant un investissement assez lourd et des connaissances
méthodologiques approfondies.
Le troisième facteur regroupe les techniques permettant de recueillir
des informations sur l’histoire des candidats (entretiens, références). Ces
méthodes ont d’autres points communs, comme leur facilité d’utilisation sans
formation particulière et leur coût raisonnable. Ces techniques sont
abordables, quelles que soient les formations suivies par les recruteurs, mais
leur validité prédictive est médiocre, sans doute parce qu’elles laissent une
place importante à l’intuition (entretiens non structurés et utilisation des
références notamment).
Nous avons vu que certaines caractéristiques du poste à pourvoir ont
un effet significatif sur l’utilisation différentielle des techniques de sélection.
Nos résultats ont montré que c’est le niveau du poste qui correspond aux
meilleurs modèles de prédiction, notamment en ce qui concerne l’utilisation
des techniques d’évaluation de la personnalité (inventaires de personnalité et
graphologie). Pour évaluer la personnalité des candidats, les cabinets conseils
utilisent plutôt la graphologie, les agences d’intérim plutôt les inventaires de
personnalité. Au-delà des techniques particulières qui sont utilisées, c’est
bien la personnalité des candidats que les recruteurs veulent évaluer, en tout
cas pour les postes d’encadrement. On ne retrouve pas ce souci d’évaluer la
personnalité des candidats pour les postes subalternes. Ce résultat va dans le
sens des travaux sur l’appréciation de l’efficacité des encadrants dans les
organisations. Elle dépend davantage de dimensions de la performance
« contextuelle » que de dimensions de la performance « aux tâches »,
contrairement à l’appréciation des personnels subalternes. Or la personnalité
est explicative de la performance « contextuelle » (Motowidlo et Van
Scotter, 1994). Ceci peut expliquer aussi que recruter pour des postes de bas
niveau augmente la probabilité d’utiliser des mises en situation puisqu’elles
évaluent des compétences liées aux tâches à accomplir. Cela nous renvoie
probablement aussi à des modèles implicites selon lesquels la réussite des
personnels d’exécution serait plutôt liée à des compétences
comportementales et à des aptitudes, alors que la réussite professionnelle des
cadres serait davantage déterminée par la personnalité des individus
(Laberon & Vonthron, 2008).
Les caractéristiques des recruteurs semblent avoir, d’après notre étude,
des effets beaucoup plus modestes que les caractéristiques des postes sur leur
utilisation différentielle des techniques d’évaluation.
Sonia Laberon & Marilou Bruchon-Schweitzer / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
132
En fait, si certaines caractéristiques des évaluateurs (âge, expérience)
ont un effet, c’est surtout sur le choix des techniques les moins valides
(graphologie et références). Le recours à la graphologie serait le fait des
recruteurs les plus âgés, ayant le statut le plus élevé (dirigeants) et le plus
d’expérience, notamment dans les cabinets conseil.
L’utilisation de la graphologie décroît depuis les années 90. De plus ce
sont les recruteurs formés en psychologie du travail et en GRH qui l’utilisent
le moins. Cependant il est étonnant que 18% des recruteurs formés en
psychologie du travail l’utilisent encore de façon systématique. On peut
supposer tout d’abord qu’ils y sont contraints par les dirigeants des structures
qui les emploient, par les recruteurs les plus âgés et les plus expérimentés
(formés « à l’ancienne »). On peut aussi supposer, hélas, que leurs études de
psychologie ne les ont pas suffisamment sensibilisés à la validité douteuse de
certaines techniques.
Le type de formation reçue semble cependant avoir un effet incitatif
sur l’utilisation des techniques psychométriques (inventaires de personnalité
notamment). L’utilisation de ces questionnaires différencie les psychologues
et les commerciaux notamment.
Enfin, un faible niveau d’études chez les recruteurs (niveau
baccalauréat) est associé à l’utilisation plus importante des références des
candidats, pour les postes de bas niveau. Ceci peut s’expliquer par le fait que
la prise de références soit une méthode accessible et simple, ne nécessitant
aucune connaissance particulière.
Ces résultats montrent que les pratiques de recrutement sont sous-
tendues par des logiques différentes. Une logique « pragmatique »
correspondrait à l’utilisation conjointe de techniques comme l’entretien et les
références, techniques que tout recruteur peut penser maîtriser. On comprend
le lien entre le recours à ces techniques et le niveau de formation des
recruteurs. Une autre logique pourrait être « économique » et correspondre
au choix des méthodes les moins coûteuses. Ces deux logiques semblent
relativement indépendantes des contextes du recrutement et du type de
recruteur. Elles constituent sans doute les déterminants principaux des
méthodes de sélection, quels que soient les postes et les structures qui
recrutent. Elles se situent à l’antithèse d’un raisonnement scientifique
(Bruchon-Schweitzer, 2006) ou de justice procédurale (Steiner, 1996).
D’autres stratégies pourraient relever davantage d’un « modèle
d’adéquation » (Heilman, 1983) ou d’une « logique par rapport au poste »
(Steiner, 1996). Selon ces auteurs, la méthode utilisée par les recruteurs doit
leur permettre d’évaluer des caractéristiques qu’ils perçoivent comme
prédisant la réussite professionnelle future des candidats (leurs « points
Sonia Laberon & Marilou Bruchon-Schweitzer / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
133
forts »). Cette perception d’adéquation de la méthode peut relever de
croyances (l’emploi de la graphologie n’est pas lié à la formation des
recruteurs mais à leurs caractéristiques personnelles : âge, statut et
expérience) comme de connaissances (les tests psychologiques sont surtout
employés par les psychologues).
Enfin, comparé à des méthodes comme l’entretien ou la prise de
références, le recours à des techniques psychométriques pourrait servir à
montrer ostensiblement le niveau d’expertise des recruteurs (logique sociale
de justification). L’aspect métrique, quantifiable des scores et des
étalonnages fournis par les outils psychométriques renvoie sans doute à
certains recruteurs (et clients) une image rassurante et socialement valorisée
de scientificité.
Les tests sont-ils choisis pour leurs qualités psychométriques
(validité notamment) ? Une logique « scientifique » affecte-t-elle le choix des
outils pour le recrutement ? Le premier facteur obtenu à partir des scores
moyens d’utilisation de chaque technique (regroupant tous les tests) et le
second surtout (opposant les techniques les plus valides aux techniques les
moins valides) plaident en fonction d’une telle hiérarchisation des méthodes
selon leurs qualités scientifiques. Malgré tout, notre étude montre que les
caractéristiques des recruteurs (type et niveau d’étude) affectent peu la
préférence pour les méthodes valides.
On peut se réjouir de l’utilisation de techniques comme les mises en
situation pour les postes subalternes. Il faut bien reconnaître que « la
méthode de recrutement par simulation » utilisée pour ces postes s’est
beaucoup développée dans les structures de l’ANPE sous l’impulsion de
Lemoine (2003).
En conclusion, aucun de nos résultats ne permet d’affirmer que les
recruteurs fondent leur procédure d’évaluation des compétences des
candidats sur une logique scientifique. Une modélisation renvoyant à des
logiques de pratiques semble plus pertinente pour expliquer nos résultats. Les
choix que nous avons observés semblent découler d’une combinaison de
logiques diverses (pragmatique, économique, sociale), sans oublier une
logique d’adéquation. En effet, nos résultats montrent que les recruteurs
emploient des techniques d’utilisation aisées (en apparence) comme
l’entretien et les références (logique pragmatique), des techniques qu’ils
perçoivent comme adaptées au repérage des meilleurs candidats (logique
d’adéquation) et des techniques peu onéreuses (logique économique)
fournissant éventuellement des évaluations quantifiées (logique sociale de
justification).
Sonia Laberon & Marilou Bruchon-Schweitzer / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
134
Comment améliorer nos pratiques de sélection ? Une approche par la
connaissance reste certes indispensable et utile. Néanmoins, elle peut être en
conflit avec des logiques plus subjectives (représentations, habitudes,
convictions, croyances) permettant de faire face à la complexité de l’activité
de sélection. Les actions pertinentes pour développer des techniques de
quantification plus valides, mais plus coûteuses, comme les mises en
situation, les centres d’évaluation ou même les entretiens situationnels,
passent nécessairement par la formation des évaluateurs mais aussi par un
travail de communication auprès des recruteurs actuels et futurs. Il s’agit de
les convaincre de la capacité de ces techniques (au-delà de leur efficacité) à
développer leur image d’experts de l’évaluation. March (1991) indiquait que
les différentes méthodes de quantification encouragent les décideurs à penser
que la scientificité des techniques qu’ils utilisent rend leur décision
rationnelle et leur garantit une certaine expertise en matière de science de la
décision. Pourquoi les psychologues du travail ne s’appuieraient-ils pas aussi
sur cette logique sociale dans leurs efforts pour améliorer la qualité
scientifique des procédures de sélection.
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PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
137
L’apport des tests d’aptitudes dans le recrutement :
l’exemple de la NV5-R
The Contribution of Aptitude Tests in Recruitment :
the example of NV5-R
Philippe Chartier*
*Institut National d’Etude du Travail et d’Orientation Professionnelle
Centre de Recherche sur le Travail et le Développement (EA 4132),
Equipe Psychologie de l’Orientation,
Conservatoire National des Arts et Métiers, 41, rue Gay Lussac, 75005 Paris
Résumé
A partir du constat d’une utilisation limitée des tests d’aptitudes dans les
procédures de recrutement, cet article tente d’illustrer la pertinence de telles
épreuves à partir d’une recherche appliquée portant sur le recrutement de
commerciaux. Ainsi, 32 candidats ont participé à la procédure de recrutement
habituellement pratiquée par l’organisation à laquelle nous avons rajouté trois
des subtests de la batterie NV5-R. La comparaison des scores obtenus à cette
dernière épreuve et des résultats de la procédure classique de recrutement pour
chacun des sujets montre qu’une information assez semblable est obtenue par les
ces deux modalités de sélection. L’apport des tests d’aptitudes dans les
procédures de sélection professionnelle est discuté au regard de ces résultats tout
en posant les limites de la présente étude.
Abstract
From the observation of a limited use of aptitude tests in the recruitment process,
this article attempts to illustrate the relevance of such tests from applied research
on the recruitment of sales persons. Thus, 32 candidates have participated in the
recruitment process that is traditionally practiced by the organization, to which
we have added three of the subtests of the battery NV5-R. The comparison of the
scores at this test and the results of the classical procedure of recruitment for
each subject shows that similar information is obtained by these two methods of
selection. The contribution of aptitude tests in selection procedures has been
discussed in terms of these results while laying the limitations of this study.
Mots clés : Recrutement ; Évaluation ; Aptitudes cognitives ; Validité prédictive
Keywords : Recruitment ; Assessment ; Cognitive abilities ; Predictive validity
Philippe Chartier / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
138
1. Introduction
Si la pertinence de l’utilisation des tests d’aptitudes dans les
procédures de recrutement a été largement démontrée (Salgado, 2001 ;
Chartier et Loarer, 2008…), leur utilisation est cependant loin d’être
systématique en France avec une fréquence moyenne d’utilisation autour
de 60 % (Bruchon-Schweitzer, M. et Ferrieux, D., 1991 ; Laberon et al.,
2005). Par ailleurs, l’analyse des différents manuels de tests d’aptitudes
révèle d’importantes lacunes concernant les études de validité critérielle
de ces outils de sélection. Ainsi, le présent article propose dans un
premier temps de rappeler les principaux atouts des épreuves d’aptitude
dans le champ de la sélection professionnelle tout en essayant d’envisager
quelques pistes explicatives concernant leur faible utilisation. Dans un
second temps, et pour pallier aux carences relevées, nous proposons
d’établir une étude de validité critérielle de la batterie NV5 R en
l’intégrant dans une procédure de recrutement de commerciaux. Nous
discuterons enfin, de la portée de nos résultats.
2. Cadre théorique
2.1 La validité critérielle des tests d’aptitudes dans les procédures
de recrutement
Rappelons que la validité critérielle consiste à rendre compte des
relations entre les résultats de tests et des critères telles que la réussite
scolaire et/ou professionnelle (Laveault et Grégoire, 2002). Cette relation
entre les prédicteurs et les critères peut s’établir soit simultanément
(validité concourante) soit de façon différée dans le temps (validité
prédictive) Dickes et al. (1994). L’utilisation des tests d’aptitudes dans
les procédures de sélection est ancienne, presque aussi ancienne que les
tests eux-même (Vrignaud et Loarer, 2008). Leur validité a toujours été
vérifiée : « les aptitudes intellectuelles ont montré depuis fort longtemps
leur intérêt dans la sélection du personnel » (Bernaud, 2000b, p.116).
Même si la force de la liaison entre tests d’aptitudes et critère de réussite
professionnelle peut dépendre des métiers (Ree et Earles, 1991 ; Hunter,
1986) et des types d’indicateurs pris en compte tant au niveau du test
étudié (prédicteur) qu’au niveau des critères de réussite professionnelle
(Laveault et Grégoire, 2002), le pouvoir prédictif des tests d’aptitudes est,
en moyenne, toujours plus élevé que celui obtenu à l’aide d’autres
prédicteurs comme les variables de personnalité, les résultats d’entretiens
ou encore les bilans graphologiques (voir par exemple : Schmidt et
Hunter, 1998 ; Bernaud, 2000 ; Salgado, 2001). Ainsi les liaisons entre
Philippe Chartier / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
139
tests d’aptitudes cognitives et réussite professionnelle, ou réussite en
formation, varient entre .24 et .70 selon les professions, ou les types de
formation, avec une valeur moyenne de .50 (Bernaud, 2000b ; Salgado et
al., 2003 ; Thiébaut et Richoux, 2005), ce qui est élevé et pourrait
justifier leur utilisation accrue. Toutefois, ces épreuves restent peu
utilisées.
2.2 Des épreuves trop rares dans les procédures de recrutement
Face à ce paradoxe qui perdure, quelques pistes explicatives
peuvent être envisagées. Tout d’abord, si l’on s’en réfère à l’étude de
Laberon et al. (2005), on remarque que les tests d’aptitudes sont utilisés
plus fréquemment par les recruteurs ayant suivi une formation en
psychologie (dans 82,7 % des recrutements contre 66,5 %). Comme les
psychologues ne représentent qu’une minorité des professionnels de ce
secteur d’activité27
, l’utilisation des épreuves d’aptitudes dans les
procédures de recrutement est de ce fait limitée. Ensuite, d’autres
pratiques de recrutement comme l’entretien et la graphologie sont très
appréciées des recruteurs et/ou des employeurs (Bernaud, 2000b ; Caroff
et Rogard, 2006) et prennent le pas sur les épreuves d’aptitudes alors
même que leur validité scientifique n’est pas comparable. En effet,
l’entretien lorsqu’il n’est pas structuré obtient un coefficient de prédiction
de la réussite professionnelle assez faible (.14 à .23 selon Robertson et
Smith, 1989) ; celui de la graphologie est quasi nulle (Huteau, 2004). Ce
dernier constat permet de comprendre que les recruteurs sont plus
sensibles à la validité apparente des méthodes de sélection qu’à leurs
qualités métrologiques. D’ailleurs, les situations items des tests
d’aptitudes ne présentent pas, en première analyse, et pour un non
psychologue, de liens étroits avec des situations réelles d’activité
professionnelle. Ceci renforce sans doute la difficulté des recruteurs
psychologues à justifier l’utilisation de ce type d’outil dans une procédure
de recrutement dont les modalités peuvent être définies, en totalité ou en
partie, par un non-psychologue. Cet aspect peut sans doute partiellement
expliquer l’intérêt actuel croissant pour les « Assessment Center » qui
présentent des liens plus visibles entre situations d’évaluation et
situations de travail (voir par exemple Borteyrou, X., Rascle, N.,
Bruchon-Schweitzer, M. & Collomb, P., 2006 ou Lievens, F., Van Keer,
E., De Witte et Morel, 2005). Enfin, lorsqu’on connaît l’intérêt porté par
les recruteurs aux qualités métrologiques des outils de sélection, on ne
27
Par exemple seulement 16% des recruteurs ont une formation en psychologie
dans l’étude de Laberon et al. (2005).
Philippe Chartier / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
140
peut que déplorer l’accès souvent difficile à ce type d’information. En
effet, les études de prédiction existent mais sont pour la plupart en langue
anglaise et peu accessibles aux professionnels car dans des revues
scientifiques spécialisés. Lorsqu’on analyse les données figurant dans les
manuels des tests d’aptitudes, on peut être surpris par leur faiblesse à ce
niveau. Par exemple, dans une rénovation assez récente du test des
dominos (la version D2000) et largement utilisé dans des procédures de
recrutement (au moins dans ses versions plus anciennes D48 et D70),
aucune information précise n’est fournie au sujet de la valeur prédictive
des épreuves et aucune étude ne figure dans le manuel. Il est vrai que la
réalisation de ce type d’étude est extrêmement coûteuse ce qui peut
expliquer, mais non excuser, sa rareté.
2.3 L’exemple de la NV5 R
La batterie factorielle NV5-R, éditée en 1987 et révisée en 2003
(Thiébaut & Bidan-Fortier, 2003) présente les caractéristiques classiques
d’une batterie d’aptitudes cognitives : une série d’épreuves indépendantes
(subtests) les unes des autres, permettant d’évaluer une large gamme
d’aptitudes28
. Elle repose cependant, sur un modèle théorique assez peu
fréquent : le modèle en radex29
. Elle est assez utilisée dans les pratiques
de bilan. Bien que le manuel comporte quelques informations générales
concernant la validité critérielle des tests d’intelligence aussi bien dans le
domaine des acquisitions scolaires que dans le domaine professionnel, il
ne comporte aucune étude expérimentale, donc aucune donnée précise,
dans ces domaines. On retrouve ici le constat que nous avons évoqué plus
haut concernant l’absence d’information précise sur la validité critérielle
d’un test particulier dans une pratique de sélection de personnel.
Pour tenter de combler cette lacune, on peut relever une étude
assez récente (Thiébaut & Richoux, 2005) centrée sur la validité
prédictive de la NV5-R dans une procédure de sélection de vendeurs.
Plus précisément il s’est agit dans cette recherche d’estimer les qualités
de différents subtests dans la prédiction du niveau de réussite à une
formation commerciale (formation proposée à l’issue du recrutement). A
partir du calcul de coefficients de régression, il s’avère que, parmi les
sept scores de la NV5-R30
, les prédicteurs les plus pertinents sont les
28
Il existe neuf subtests dans la batterie NV5-R. 29
Le lecteur peu familier avec ce modèle pourra consulter le manuel de la NV5-
R (Thiébaut & Bidan-Fortier, 2003) qui comporte une large introduction sur ce
modèle théorique. 30
Raisonnement général, Compréhension verbale, Calcul, Raisonnement
inductif, Attention, Vocabulaire, Orthographe.
Philippe Chartier / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
141
scores aux trois épreuves suivantes (dans l’ordre d’importance) :
Raisonnement général, Compréhension verbale et Orthographe. Pour la
première épreuve, que l’on peut rapprocher de la notion d’intelligence
générale (facteur g), le constat n’est guère surprenant. Pour la deuxième,
on retrouve ici l’importance de la composante verbale, surtout dans le
type d’activité professionnelle préparée (activité commerciale). Le poids
de l’épreuve d’orthographe est moins attendu et s’explique, pour les
auteurs, au-delà des connaissances dans ce domaine, par le fait qu’elle
reflète également les capacités d’apprentissage du sujet : « l’épreuve
d’orthographe n’est donc pas un prédicteur désuet du résultat
d’apprentissage » (Thiébaut et al., 2005, p.415).
Pour appuyer les résultats de cette étude et contribuer à fournir de
la connaissance en matière de prédiction de la réussite professionnelle,
nous avons procédé à une étude de validité critérielle de cette même
batterie.
3. Méthode
3.1 Cadre de la recherche
Nous sommes partis des principaux résultats de cette étude pour
répondre à une demande d’une entreprise qui souhaitait questionner ses
procédures de recrutement. Afin de compléter la procédure actuelle de
recrutement de cette entreprise nous avons proposé la passation des trois
subtests pré-cités de la NV5-R en supplément de la procédure habituelle
de sélection. Cette démarche nous permettra de mettre à l’épreuve notre
hypothèse concernant l’existence d’un lien entre les aptitudes évaluées
par la NV5-R (prédicteur) et les résultats des candidats à la procédure
actuelle de sélection (critère). Plus précisément nous nous demanderons :
dans quelle mesure les scores aux subtests NV5-R sont-ils liés
aux décisions finales de recrutement (validité critérielle) ?
si l’utilisation de scores composites (prenant en compte plusieurs
subtests) permet d’améliorer cette liaison ?
si une approche plus qualitative de la validité de la NV5-R en
situation de recrutement peut être envisagée ?
3.2 Population
L’étude porte sur 33 personnes, 21 femmes et 12 hommes, âgés
de 21 à 25 ans. Les niveaux d’études sont au minimum Bac + 2. Ces
personnes sont candidates pour un emploi de commercial, comprenant
une période de neuf mois de formation dans une école de vente
(formation en alternance).
Philippe Chartier / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
142
3. 3 Procédure
Les trois étapes habituelles du recrutement ont été
réalisées auprès des sujets de l’échantillon : analyse de C.V, participation
à une session collective d’information31
(destinée à présenter de façon
exhaustive les emplois proposés et à répondre aux interrogations
éventuelles des candidats) et enfin, une série d’entretiens de sélection
assez faiblement structurés (3 entretiens sont prévus par candidat). La
décision finale s’effectue à l’issue des entretiens de sélection. La
passation des subtests de la NV5-R est une étape supplémentaire
effectuée en début de session collective d’information32
. Les résultats de
ces épreuves d’aptitudes ne seront pas connus des recruteurs afin de ne
pas influencer leur décision finale de recrutement et les candidats en
seront informés.
3. 4 Le matériel : Les subtests de la NV5-R
Pour des raisons de temps de passation limité, et à partir des
résultats de Thiébaut et Richoux (2005), seuls trois subtests ont été
utilisés :
Le subtest Raisonnement général, sensiblement similaire au test
BV9 de Bonnardel, comporte 45 items à résoudre en 20 minutes.
Les situations sont variées (proverbes, complètement de séries de
nombres…) et reposent sur du raisonnement inductif ou déductif.
Le subtest Compréhension Verbale qui correspond au test BV51
de Bonnardel. Il comporte 12 items à résoudre en 8 minutes. Il
s’agit de sélectionner les deux phrases qui se rapprochent le plus
d’une pensée.
Le subtest Orthographe est également un test de Bonnardel (le
BOR 18) dans lequel le sujet doit indiquer si le mot présenté est
correctement orthographié. 52 items sont présentés avec un temps
de passation de 3 minutes.
3. Résultats
Sur les 33 candidats, 32 protocoles ont été exploitables33
, et 19
candidats ont finalement été retenus à l’issue de la procédure de sélection.
31
Il s’agit plus d’une étape d’auto-sélection. 32
Nous remercions Melle Laloum pour le recueil des données effectué dans le
cadre d’un mémoire de Master. 33
Un candidat a démissionné en cours de procédure.
Philippe Chartier / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
143
Nous distinguerons donc le groupe de sujets sélectionnés à l’issue de la
procédure habituelle de recrutement (N = 19) et le groupe de sujets non
retenus (N = 13). Nous présenterons nos résultats en fonction des trois
questions que nous avons formulées.
3.1 Dans quelle mesure les scores aux subtests NV5-R sont-ils
liés aux décisions finales de recrutement ?
On s’attend à observer des valeurs moyennes supérieures aux
subtests de la NV5-R pour le groupe des sujets sélectionnés.
Tableau 1 : Moyennes (et écart type) des subtests de la NV5-R.
N NV5
Raisonnement
NV5
Comp. Verbale
NV5
Orthographe
Sujets non
retenus 13
23,3
4,1
59,2
11,3
26,5
9,4
Sujets
retenus 19
24,9
4,5
70,5
9,7
29
6,8
Les valeurs moyennes des subtests de la NV5-R sont bien
supérieures pour le groupe des sujets sélectionnés, mais seule la
différence au niveau du subtest Compréhension Verbale est
statistiquement significative (t = 2,2 ; p = .04). Contrairement à l’étude
de Thiébaut & Richoux (2005), et à nos attentes, c’est le subtest
Compréhension Verbale, et non pas le subtest Raisonnement, qui se
montre le meilleur prédicteur pour distinguer les deux groupes de sujets.
3.2 L’utilisation de scores composites (prenant en compte
plusieurs subtests) permet-elle d’améliorer cette liaison ?
Si l’on cherche maintenant à conjuguer les informations
apportées par des subtests différents, afin de prendre en compte les trois
dimensions en même temps, il est possible de créer des indicateurs
composites. Pour pouvoir effectuer ces transformations, les variables
considérées ne doivent pas être indépendantes. Pour nous en assurer,
observons les valeurs de corrélation présentées dans le tableau 2.
Philippe Chartier / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
144
Tableau 2 : Corrélations entre les subtests de la NV5-R.
NV5
Raisonnement
NV5
Comp. Verbale
NV5
Orthographe .49** .27
NV5
Comp. Verbale .42*
* corrélation significative à .05 ** corrélation significative à .01
Sur les trois valeurs de corrélations, deux sont significatives à .01, et l’on
observe une tendance pour la troisième (significative à .10). On ne peut
donc pas considérer ces aptitudes comme indépendantes, ce qui nous
autorise le calcul de scores composites34
. Compte tenu des différences des
échelles de cotation, nous avons transformé les scores des sujets aux
subtests de la NV5-R en notes centrées réduites avant de calculer ces
scores composites. A partir de trois variables, il est possible de calculer
quatre scores composites (trois composés de deux subtests et un composé
des trois subtests). On s’attend à ce que le score composite qui porte sur
les trois subtests, et qui prend donc en compte un ensemble plus large
d’aptitudes, soit le plus prédictif de la réussite au recrutement. Les
données figurent dans le tableau suivant.
34
La valeur de corrélation de .27 même si elle n’est pas statistiquement
significative (ce qui peut s’expliquer par la faiblesse numérique de notre
échantillon) n’est pas, pour autant, une valeur négligeable.
Philippe Chartier / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
145
Tableau 3 : Moyennes des scores composites de la NV5-R (à partir des notes
des subtests en notes z), et écart entre les groupes.
NV5 Scores Composites
Raisonnement
+
Comp.Verbale
Raisonnement
+
Orthographe
Comp.
Verbale
+
Orthographe
Raisonnement
+
Comp.
Verbale
+
Orthographe
Sujets non
retenus - 0,51 - 0,46 - 0,51 - 0,46
Sujets retenus 0,26 0,23 0,28 0,24
Ecart moyen
(significativité)
0,77
(t = 2,4 ;
p = .02)
0,69
(N.S à .05)
0,79
(t = 2,4 ;
p = .02)
0,70
(t = 2,1 ;
p = .045)
Pour les quatre scores composites, la valeur moyenne des
candidats sélectionnés est bien supérieure à celle des candidats rejetés,
avec des écarts moyens sensiblement équivalents entre ces deux groupes
de sujets (ils varient entre 0,69 et 0,79). Seule une différence, la plus
faible, n’est pas statistiquement significative (celle du score composite
Raisonnement+ Orthographe). Avec ici 3 différences significatives, on
peut considérer que la prise en compte de plusieurs aptitudes au sein d’un
score composite permet bien d’améliorer la qualité de la liaison entre les
résultats des tests et les décisions de recrutement, mais à condition d’y
inclure le subtest Compréhension Verbale 35
. Par contre et contrairement à
nos attentes, le score composite qui discrimine le mieux les deux groupes
de sujets repose sur seulement 2 subtests, Compréhension Verbale +
Orthographe, et non pas sur les 3.
3.3 Une approche plus qualitative de la validité de la NV5-R en
situation de recrutement peut-elle être envisagée ?
Cette approche plus qualitative consiste à prendre en compte le
nombre de sujets pour lequel on observe un accord entre les deux
méthodes de sélection (NV5-R vs procédure classique). Cette approche
peut se formuler ainsi : si l’on sélectionnait les sujets uniquement à partir
35
On retrouve ici l’importance de ce subtest qui avait été repéré précédemment.
Philippe Chartier / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
146
de leurs scores aux subtests de la NV5-R quelle serait la marge d’erreur
(comparativement aux sujets réellement sélectionnés) ?
A défaut de seuil défini a priori pour chaque subtest (seuil qui
distinguerait les sujets à sélectionner des sujets à rejeter), nous prendrons
comme valeur de référence le nombre de sujets finalement retenus (N=
19) pour sélectionner les 19 meilleurs scores de chaque subtest et
comparer cette liste aux 19 candidats réellement sélectionnés par la
procédure habituelle de recrutement. Les données du tableau 4
correspondent au nombre (et taux) de sujets communs aux deux modes de
sélection.
Tableau 4 : Nombre (et pourcentage) de sujets retenus (par la procédure
classique) parmi les 19 meilleurs scores de chaque subtest de la NV5-R
NV5
Raisonnement
NV5
Comp. Verbale
NV5
Orthographe
13
68%
15
78%
13
68%
Nous retrouvons ici le constat de la validité supérieure du subtest
Compréhension Verbale. Ce subtest permet de repérer quasiment 80 %
des sujets qui ont été finalement sélectionnés. Autrement dit, en utilisant
uniquement ce subtest comme procédure de sélection on obtiendrait un
résultat assez conforme au résultat final, avec une marge d’erreur
relativement modérée : seulement 4 sujets ne seraient pas retenus si on ne
prenait en compte que les résultats à ce subtest et, inversement, 4 sujets
seraient sélectionnés, alors qu’ils n’ont finalement pas été retenus. Pour
les deux autres subtests, la marge d’erreur est plus importante mais ils
permettent néanmoins de repérer près de 70 % des candidats finalement
admis.
Qu’apporteraient ici les scores composites ? En appliquant la même
logique de comparaison nous obtenons les résultats suivants :
Philippe Chartier / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
147
Tableau 5 : Nombre (et pourcentage) de sujets retenus parmi les 19 meilleurs
scores de chaque score composite de la NV5-R
Raisonnement
+ Comp.Verbale
Raisonnement
+ Orthographe
Comp. Verbale
+ Orthographe
Raisonnement
+ Comp. Verbale
+ Orthographe
15
78%
14
74%
14
74%
15
78%
Deux constats ici, par rapport au tableau précédent :
on observe une légère augmentation du nombre de sujets
communs lorsque les subtests sont associés au subtest
Compréhension Verbale dans un score composite. Par exemple,
en n’utilisant que le subtest Raisonnement, on repère 13 sujets
(voir tableau 4), mais si on associe Raisonnement à
Compréhension Verbale dans un score composite, le nombre de
sujets repérés s’élève à 15 ;
aucun des scores composites n’améliore la qualité de la
congruence qui a été observée pour le seul subtest
Compréhension Verbale (15 sujets repérés).
4. Discussion
Nous sommes bien conscients de certaines limites de notre étude,
et tout particulièrement la faiblesse numérique de notre échantillon qui ne
nous permet pas de généraliser avec assurance nos résultats. Notre
recherche présente donc un caractère assez exploratoire, dont les résultats
seraient à confirmer sur un échantillon plus large de sujets, voire sur un
échantillon plus large de subtests. Rappelons que nous ne cherchions pas
ici à analyser la validité de la procédure actuelle de recrutement menée
par l’entreprise mais, ambition plus modeste, notre objectif était de
questionner les apports éventuels de trois subtests de la NV5-R dans cette
procédure. Nos résultats montrent que les subtests, et principalement ici
la Compréhension Verbale, apportent une information assez conforme
aux résultats terminaux de la procédure habituelle de sélection.
Finalement, cette étude montre, premièrement, que l’utilisation
d’un seul subtest (Compréhension Verbale) permet de repérer près de
80% des candidats finalement sélectionnés, alors même que cette épreuve
ne demande que 8 minutes de passation (à comparer au temps passé dans
les différentes phases actuelles de recrutement).
Philippe Chartier / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
148
Deuxièmement, elle suggère que l’utilisation combinée de
subtests de la NV5-R et de certaines phases de la procédure actuelle de
sélection (phases qui restent à définir) permettrait très probablement
d’obtenir une sélection des candidats de même qualité tout en réduisant
fortement le temps total du processus de recrutement. Si l’entreprise
souhaite exploiter les résultats de cette étude, il conviendrait de raisonner
en terme de gain (et en particulier de gain de temps...) et de risque
(acceptation d’erreur) avant d’apporter éventuellement des modifications
à sa procédure de recrutement. Des recherches complémentaires seraient
à mener, notamment par des études prédictives prenant en compte le
niveau de réussite de la phase de formation, afin de pouvoir minimiser ce
risque. En effet, cette étude ne porte que sur les liaisons entre les résultats
aux subtests de la NV5 et la procédure actuelle de sélection et ne nous dit
rien sur la réussite ultérieure en formation.
Troisièmement, elle permet de s’interroger sur la nature des tests
à utiliser en recrutement. Comme nous l’avons déjà indiqué, dans une
recherche précédente portant sur la NV5-R (Thiébaut et Richoux, 2005),
le subtest le plus prédictif de la réussite en formation était le subtest
Raisonnement Général. D’après nos résultats, et nos critères, le subtest
qui semble ici le plus en adéquation avec les résultats de la sélection des
candidats est le subtest Compréhension Verbale, subtest qui apparaissait
en seconde position dans la recherche pré citée. Une première explication
de cette différence entre les deux études repose sur le type de prédiction
opérée, réussite en formation pour Thibaut et al., (2005), congruence
avec une procédure de sélection pour notre étude. La seconde explication
prend en compte des différences plus générales entre ces deux recherches
(nombre de sujets, nombre de subtests…). Reste que ce résultat est
étonnant car nous nous attendions à retrouver le subtest Raisonnement
Général, proche de la notion de facteur g, et qui de plus comporte un
nombre conséquent d’item (ce qui, théoriquement, devrait augmenter la
fiabilité de la mesure), avant le subtest Compréhension Verbal, plus
spécifique, et comportant un nombre restreint d’items. Il faudrait alors
rechercher une explication au niveau du contenu même des épreuves ? Le
fait que le processus actuel de sélection repose en grande partie sur une
série d’entretiens, dans lesquels intervient fortement le facteur verbal,
pourrait expliquer ces résultats. La question qui se pose ici rejoint alors
l’une des question fondamentale dans l’utilisation de tests dans une
procédure de sélection : utiliser un (ou des) tests oui, mais le(s)quel(s) ?
Un test d’aptitude générale (facteur g ?) ou une batterie de tests
d’aptitudes ? Et/ou des épreuves encore plus spécifiques destinées à
évaluer des compétences plus étroitement liées aux spécificités du poste à
pourvoir ? En fait les réponses sont variées selon les chercheurs mais
Philippe Chartier / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
149
aussi selon le type de poste, et principalement selon son niveau de
complexité (voir par exemple Chartier et Loarer, 2008 ; Ree et al., 1994 ;
Salgado, 2001 ; Salgado, et al., 2003). La réponse à cette question reste
donc toujours d’actualité.
Références
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d’un « Assessment Center » pour des officiers de marine, l’Orientation
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PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
151
Intelligence émotionnelle en situation de recrutement :
une étude de validité incrémentielle auprès de
candidats à l’entrée en Master professionnel
Emotional intelligence in recruitment: a study of
incremental validity on candidates for the entrance to
professional Master
Audrey Pavard et Even Loarer
Université Paris X-Nanterre, EA 3984 « Processus cognitifs et conduites
interactives ». Equipe « Travail et évolution professionnelle (TEP) »
200 avenue de la République – 92001 Nanterre Cedex
[email protected]; [email protected]
Résumé
L’étude porte sur la validité incrémentielle d’une mesure d’intelligence
émotionnelle en complément de tests cognitifs et de personnalité, dans la
prédiction de la réussite de candidats en situation de recrutement en Master
professionnel. Un test de personnalité (NEOPI-R), un test d’aptitudes cognitives
(DAT-5) et un test d’intelligence émotionnelle (QPE) ont été administrés à 175
candidats. La validité a été analysée à l’aide d’un modèle de régression multiple
ascendante incrémentielle, au regard des résultats de l’entretien de recrutement et
de la décision finale d’admission. Les résultats montrent que la mesure
d’intelligence émotionnelle apporte une contribution propre à la prédiction de la
réussite à la sélection.
Summary
The study has for subject the incremental validity of emotional intelligence
measurement as a supplement to cognitive and personality tests, in the prediction
of candidates' success in situation of recruitment in professional Master. A
personality test (NEOPI-R), a test of cognitive capacities (DAT-5) and a test of
emotional intelligence (QPE) were administered to 175 candidates. The validity
was analyzed with a model of ascending multiple incremental regression, in
relation to the results of the admission interview and the definitive decision of
admittance. Results show that the measure of emotional intelligence makes a
specific contribution to the prediction of the success in the selection.
Mots clés : Intelligence émotionnelle, personnalité, aptitudes cognitives,
recrutement.
Keywords: Emotional intelligence, personality, cognitive abilities, recruitment.
Audrey Pavard et Even Loarer / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
152
1. Introduction
Depuis les années 1990, le concept d’intelligence émotionnelle est
apparu dans le champ de la psychologie du travail et des organisations
pour désigner la capacité à percevoir, exprimer, comprendre et gérer ses
propres émotions et celles d’autrui (Mayer et Salovey, 1997).
L’intelligence émotionnelle est également décrite comme un facteur
important dans la différenciation des conduites humaines et comme
prédicteur du succès au travail (Bar-On, 2000). Des études ont cependant
mis en évidence des corrélations non négligeables entre des mesures
d’intelligence émotionnelle et des mesures de personnalité ou encore des
mesures d’intelligences logico-mathématiques. Ces résultats, interprétés
en termes de redondance entre les mesures ont amené certains auteurs (cf.
Mathiews, Zeiner & Roberts, 2002) à conclure au faible intérêt de cette
notion. Pourtant, d’autres auteurs (par exemple, Loarer, 2005 ; Wong &
Law, 2002, 2004) soulignent l’intérêt de tester la validité prédictive
incrémentielle de l’intelligence émotionnelle et avancent l’hypothèse que
l’intelligence émotionnelle pourrait apporter un supplément d'explication
de variance de la performance au travail, par rapport aux épreuves de
personnalité et aux épreuves cognitives. Avant donc de conclure à
l'inutilité du concept d'intelligence émotionnelle, il convient de comparer
les validités prédictives d'épreuves relevant de ces trois domaines.
La recherche présentée dans le présent article, porte sur la validité
prédictive de l’intelligence émotionnelle dans une situation particulière
qui est celle du recrutement. La première partie de cet article sera
consacrée à l’approche théorique et pratique de la notion d’intelligence
émotionnelle. La deuxième, à la présentation de notre recherche
expérimentale en précisant nos objectifs de recherche et la méthodologie
retenue. La troisième partie sera consacrée à la restitution et à la
discussion des principaux résultats.
2. Cadre théorique : le concept d’intelligence émotionnelle
Apparu dans les années 1990 (Mayer, DiPaolo & Salovey, 1990 ;
Salovey & Mayer, 1990) et popularisée par Goleman dès 1995, le concept
d’intelligence émotionnelle a déclenché un vaste engouement auprès du
grand public. Il s’en est suivi de nombreux développements et
opérationnalisations plus ou moins fantaisistes qui ont souvent contribués
à rendre le concept suspect aux yeux de certains scientifiques. Concept
heuristique pour les uns, chimère pour les autres (cf. Mathiews et al.,
Audrey Pavard et Even Loarer / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
153
2002), il mérite d’être examiné avec soins tant du point de vue de sa
définition que de celui de sa validité empirique.
2.1 Définitions du concept d’intelligence émotionnelle
Les conceptions des auteurs diffèrent passablement quant à sa
définition.
Mayer et Salovey, premiers auteurs à utiliser la notion d’intelligence
émotionnelle, la définissent comme « une forme d’intelligence qui
suppose la capacité à contrôler ses sentiments et émotions et ceux des
autres, à les distinguer entre eux et à utiliser ces informations pour
orienter ses pensées et ses gestes » (Salovey & Mayer, 1990).
L’intelligence émotionnelle repose sur quatre compétences : la capacité à
percevoir, exprimer, comprendre et gérer ses propres émotions et celles
d’autrui (Salovey & Mayer, 1990).
Pour Goleman, il s’agit plus largement de notre « capacité à
reconnaître nos propres sentiments et ceux des autres, à nous motiver
nous-mêmes et à bien gérer nos émotions en nous-mêmes et dans nos
relations avec autrui » (1999, p. 368). L’intelligence émotionnelle
recouvre 25 compétences émotionnelles regroupées en cinq facettes : la
conscience de soi, la maîtrise de soi, la motivation, l’empathie et les
aptitudes sociales.
Un peu plus tard, Bar-On (1997) introduit l’expression de « quotient
émotionnel » et développe une vision également très extensive de
l’intelligence émotionnelle. Il la définit comme une capacité générale,
nécessaire à l’adaptation émotionnelle et sociale. Pour cet auteur,
l’intelligence émotionnelle est plus qu’un ensemble d’habiletés mentales
permettant de percevoir, assimiler, comprendre et réguler les émotions ;
c’est, selon ses propres termes (Bar-On, 1997), « un ensemble
impressionnant de capacités non cognitives » qui influence les
comportements des individus face aux pressions environnementales. Son
modèle identifie cinq grands domaines de compétences, chacun couvrant
des habiletés spécifiques qui contribuent au succès. Il s’agit des
compétences intra personnelles (considération pour soi, conscience de ses
propres émotions, affirmation de soi, indépendance et réalisation de soi),
des compétences interpersonnelles (empathie, responsabilité sociale et
relations interpersonnelles), de l’adaptabilité (résolution de problèmes,
flexibilité et test de la réalité), de la gestion du stress (tolérance au stress
et contrôle de l’impulsivité) et de l’humeur générale (optimisme et joie
de vivre).
Ces auteurs ont développé des outils d’évaluation en rapport avec
leur modèle : le MEIS puis le MSCEIT (Mayer, Salovey et Caruso
Audrey Pavard et Even Loarer / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
154
Emotional Intelligence Test) pour Mayer et Salovey, l’Inventaire de
Quotient Emotionnel (EQ-I, Emotional Quotient Inventory) pour Bar-On
(1997).
La comparaison de ces différents modèles fait apparaître des visions
très différentes de ce construit, contradictoires pour les uns mais
complémentaires pour d’autres (cf. Ciarrochi et al., 2000). Cependant,
comme le souligne Austin (2004), tous se réfèrent à des capacités de
perception, de compréhension, d’utilisation et de contrôle des émotions,
et cela tant dans le registre intra individuel que dans le registre
interpersonnel. C’est ce constat qui a amené Loarer & Loss (2005) à
concevoir un test d’intelligence émotionnelle (le QPE) qui se focalise sur
ces dimensions essentielles.
2.2 L’intelligence émotionnelle en milieu professionnel
L’intérêt croissant porté à la notion d’intelligence émotionnelle en
psychologie du travail n’est pas sans relation avec celui porté au sein des
organisations aux interactions sociales, aux collectifs de travail et à
l’efficacité des relations avec la clientèle, ainsi qu’à la nécessité de mieux
comprendre ce qu’il est aujourd’hui courant d’appeler les « compétences
comportementales ». Pourtant, dans le cadre du travail, les émotions ont
longtemps été reléguées au second plan au profit des capacités
intellectuelles considérées comme garantes du succès professionnel. Ce
n’est que depuis cette dernière décennie que, notamment sous l’influence
des travaux de Damasio (1995) mais aussi des publications de Goleman
(1997, 1999), que l’on assiste à la réhabilitation de l’émotion dans le
cadre professionnel. L’engouement pour la notion d’intelligence
émotionnelle s’explique également par le fait que les prédicteurs cognitifs
traditionnels laissent une grande part de variance non expliquée de la
réussite et de la performance au travail que la prise en compte des traits
de personnalité ne permet pas, loin s’en faut, de combler. Les épreuves
d’aptitudes cognitives et de personnalité sont considérées comme de bons
prédicteurs de la réussite professionnelle mais ne contribuent
respectivement qu’à 25% et 16% dans l’explication des comportements et
de la réussite professionnelle (Hogan, De Fruyt & Rolland, 2005, Hunter
& Hunter, 1984 ; Robertson & Smith, 2001 ; Salgado, 1997 ; Schmidt &
Hunter, 1998). Plusieurs auteurs (Austin, 2004 ; Bar-on, 2000 ; Goleman,
1997) affirment que l’intelligence émotionnelle est un meilleur prédicteur
de certains comportements professionnels que le facteur général
d’intelligence.
Plusieurs études ont testé la validité prédictive de différentes
épreuves d’intelligence émotionnelle. Ainsi, par exemple, concernant les
Audrey Pavard et Even Loarer / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
155
épreuves de Mayer et Salovey, Rice (1999, cité par Brackett et Salovey,
2006) a mené une étude sur les dirigeants du service des réclamations
d’une compagnie d’assurance. Il a constaté que les dirigeants évalués
comme étant les plus efficaces dans leur travail par leurs responsables
étaient ceux qui avaient les scores au MEIS les plus élevés. Les résultats
commerciaux de l’équipe du service des réclamations de l’entreprise se
sont également avérés corréler fortement avec la moyenne des scores de
l’équipe obtenus au MEIS. Concernant le MSCEIT, Barchard (2003)
constate, à capacités cognitives et traits de personnalité constants, une
relation significative entre le score d’intelligence émotionnelle et le
niveau de fin d’études atteint par des étudiants. Bar-On (1977, 2000)
fournit également de nombreux exemples de prédiction par l’EQ-I du
statut professionnel, de la réussite académique ou encore de la façon de
gérer son stress.
2.3 L’intelligence émotionnelle, la personnalité et les aptitudes
cognitives
Diverses études de validité convergentes et divergentes ont comparé
les mesures d’intelligence émotionnelle avec d’autres construits
psychologiques scientifiquement bien établis tels que l’intelligence
logique ou la personnalité. Les résultats de ces études attestent de certains
liens entre ces dimensions. Ainsi, certaines études font apparaître que les
mesures d’intelligence émotionnelle entretiennent des corrélations
significatives avec des mesures de la personnalité (Petrides & Furnham,
2001 ; Brackett & Mayer, 2003) ou encore avec des mesures
d’intelligence générale (Van Rooy & Wiswersanc, 2004 ; O’Connor &
Little, 2003).
Il est d’ailleurs à noter que les corrélations qu’entretient l’intelligence
émotionnelle avec ces différents construits diffèrent selon les épreuves
d’intelligence émotionnelle utilisées. Les résultats des épreuves inspirés
du modèle de Mayer et Salovey ont tendance à corréler avec des épreuves
de raisonnement et de facteur G, alors que des mesures d’intelligence
émotionnelle réalisées à l’aide d’épreuves inspirées du modèle de Bar-On
ont tendance à corréler avec les épreuves de personnalité. Compte tenu de
la nature des modèles d’intelligence émotionnelle concernés, cela peut ne
pas surprendre. Ainsi par exemple, Bar-On (1997) rapporte que certaines
sous-échelles de son épreuve l’EQ-I corrèlent significativement avec
l’inventaire des seize facteurs de personnalité, le 16PF de Catell (1933) ;
et notamment avec le facteur « stabilité émotionnelle ». Les données
obtenues pour évaluer la validité de construit de l’EQ-I, rendent compte
de corrélations entre le facteur de stabilité émotionnelle et le score de
Audrey Pavard et Even Loarer / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
156
l’EQ-I comprises entre .51 et .72 (cité par Newsome, Day & Catano,
2000). Cela est confirmé par Dawda & Hart (2000) qui observent que
l’épreuve de Bar-On présente des corrélations non négligeables avec
l’ensemble des dimensions de la personnalité selon le modèle des Big
Five. Ces corrélations sont en moyenne de .50 et vont même pour
certaines jusqu’à .70.
Par ailleurs, Van Rooy et Viswesvaranc (2004) ont mis en évidence
par une méta-analyse que le MEIS de Mayer et Salovey, corrélait
significativement (.30) avec l’intelligence générale (facteur g). Brackett
et Mayer (2003) observe pour sa part un lien significatif de .32 (p<.001)
entre le MSCEIT et une mesure de l’intelligence verbale et O’Connor et
Little (2003) observent également une corrélation entre le MSCEIT et
une mesure d’aptitudes cognitives de .35.
Certains auteurs interprètent ces résultats comme témoignant d’une
redondance entre les dimensions évaluées et se posent la question de
l’utilité du concept d’intelligence émotionnelle (cf. Matthews et al.
2002). De fait, les corrélations observées avec les comportements
professionnels dans le cadre des études de validité prédictives peuvent
être simplement dues au recouvrement de la mesure d’intelligence
émotionnelle avec les dimensions de la personnalité ou encore avec les
aptitudes cognitives. Or, les études citées ne fournissent pas d’indications
sur ce que deviennent ces coefficients de prédiction lorsque l’on maintien
constant la personnalité ou les aptitudes cognitives. C’est ce que nous
avons souhaité faire dans l’étude que nous présentons dans cet article.
Elle consiste à examiner les valeurs prédictives de différentes épreuves
évaluant la personnalité, les aptitudes cognitives et l’intelligence
émotionnelle relativement au comportement et à la réussite des candidats
en situation de recrutement et à tester l’hypothèse que la mesure
d’intelligence émotionnelle apporte un surcroît d’explication par rapport
aux épreuves de personnalité et d’aptitudes cognitives.
3. Méthode
3.1 Echantillon
L’étude a porté sur 157 candidats postulant à l’entrée en Master
professionnel de psychologie du travail. Il s’agit de l’ensemble des
candidats admis à concourir, après une présélection sur dossier qui
élimine environ 1 candidat sur 2 pour résultats insuffisants ou candidature
inappropriée. Les candidats (22 hommes et 135 Femmes) ont en moyenne
24,4 ans (avec un écart-type de 2,5 ans).
Audrey Pavard et Even Loarer / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
157
3.2 Procédure
Les 157 candidats ont passé des tests psychométriques : un test
factoriel d’aptitudes cognitives (DAT-5), un test de personnalité (NEO
PI-R) et un test d’intelligence émotionnelle (QPE). Dans la semaine qui a
suivi, les candidats ont passé un entretien devant un jury composé d’un
enseignant de psychologie du Master et d’un professionnel psychologue
du travail. L’admission en Master a été ensuite prononcée sur la base de
l’analyse du dossier de candidature et de l’évaluation du candidat lors de
l’entretien. 25 candidats ont été finalement admis.
3.3 Epreuves psychométriques
La DAT-5 (Tests Différentiels d’Aptitudes, 5ème édition) est une
batterie de tests standardisés qui a eu pour premier objectif de mesurer les
aptitudes des élèves en milieu scolaire. Par la suite, l’utilisation de la
DAT-5 s’est développée dans le domaine de l’orientation professionnelle
des jeunes adultes, de la formation et de la sélection. Cette batterie de
tests comprend sept épreuves. Pour notre part, nous en avons uniquement
utilisé deux : l’épreuve de Raisonnement Verbal (RV) et celle de
Raisonnement Abstrait (RA).
Le NEO PI-R est un inventaire qui permet de mesurer les cinq
dimensions principales de la personnalité selon le modèle des « big
five ». Les cinq dimensions évaluées sont le Névrosisme (N),
l’Extraversion (E), l’Ouverture (O), l’Agréabilité (A) et le Caractère
Consciencieux (C). Chacune des dimensions est décomposée en six
facettes. Cet outil a été créé par Costa et McCrae en 1985 aux Etats-Unis
et a été révisé dans les années 1990. Il a été adapté en français par
Rolland et Petot en 1994. Questionnaire auto-évaluatif, il comprend 240
items avec cinq possibilités de réponses allant de « fortement en
désaccord » à « fortement d’accord ».
Le QPE est un Questionnaire de Profil Emotionnel destiné à donner
une description structurée du profil émotionnel d’une personne. Il a été
créé par Loarer et Loss en 2001 et a été révisé en 2005 (Loarer & Loss,
2005). Ce test, comprend 75 items. Il évalue trois dimensions : la
sensibilité émotionnelle, la compréhension émotionnelle et la gestion
émotionnelle, et cela dans les deux sphères intra personnelle et
interpersonnelle. Les items se présentent sous forme d’affirmation avec
quatre modalités de réponse allant de « non jamais » à « oui toujours ». Il
donne lieu au calcul de 8 scores correspondants aux dimensions décrites
dans le tableau 1.
Audrey Pavard et Even Loarer / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
158
Tableau 1 : Dimensions du QPE (Loarer & Loss, 2005)
Sphère intrapersonnelle
(individuelle)
Sphère interpersonnelle
(sociale)
Sensibilité et
perception des
émotions
(SEI) Sensibilité
émotionnelle
(STA) Stabilité
émotionnelle
(SES) Sensibilité et
perception des émotions
des autres
Compréhension
des émotions
(COEI) Compréhension de
ses propres émotions
(COES) Compréhension
des émotions des autres
Gestion des
émotions
(CTE) Contrôle émotionnel
(GEI) Gestion de ses
propres émotions
(GES) Gestion des
émotions interpersonnelles
3.4 L’entretien de sélection
Les entretiens de sélections durent 20 mn. Ils suivent un protocole
précis et donnent lieu à une observation structurée des comportements
des candidats. A l’issue de l’entretien, chaque membre du jury remplit de
façon indépendante une grille d’évaluation selon 26 critères. Chaque
critère est à évaluer selon une échelle de Likert en six points (de 1 = pas
du tout / très mauvais à 6 = tout à fait / très bon). Ensuite, les membres du
jury comparent leurs évaluations sur chacun des 26 critères et discutent
des écarts supérieurs à 2 points. Ils peuvent décider à l’issue de cet
échange de modifier ou de confirmer leur note initiale. La moyenne des 2
évaluations est ensuite retenue.
Une analyse en composantes principales réalisées sur ces scores a
révélé une structure oblique composée de trois facteurs. Le premier
facteur regroupe des critères de qualités techniques du candidat, le second
facteur des caractéristiques comportementales et émotionnelles du
candidat durant l’entretien et le troisième, la qualité de la prestation du
candidat. L’analyse de cohérence interne effectuée pour chacune des
dimensions se révèle satisfaisante et indique des alphas de Cronbach de
.98 pour le facteur 1, de .91 pour le facteur 2 et de .77 pour le facteur 3.
L’analyse de régression multiple révèle pour les trois facteurs des poids
explicatifs respectifs de .53 (soit 28,43% de la variance), de .276 (soit
7,6% de la variance) et de .246 (soit 6% de la variance) dans l’explication
de la décision d’admission.
Audrey Pavard et Even Loarer / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
159
3.5 Méthode d’analyse des données
Pour tester nos hypothèses, nous avons défini comme variables
explicatives les scores obtenus aux différentes dimensions des tests
administrés. Nous avons ainsi retenu 15 variables : cinq du test de
personnalité (N, E, O, A et C), deux du test d’aptitudes cognitives (RV et
RA) et huit du test d’intelligence émotionnelle (SEI, STA, COEI, CTE,
GEI, SES, COES et GES). Ces variables constituent nos prédicteurs. Les
dimensions évaluées lors de l’entretien ainsi que le résultat de la décision
d’admission constituent nos critères36
. Les données ont été analysées par
régression multiple pas à pas ascendante.
4. Résultats
4.1 Résultats de l’analyse incrémentielle relativement aux critères de
la grille d’évaluation.
Les tableaux 2a et 2b indiquent les valeurs prédictives des
dimensions des tests lorsqu’ils sont combinés ensemble sur les différents
critères établis de la grille « évaluation entretien ». Sont reportés les
résultats significatifs37
au seuil p<.05. Les résultats concernant les scores
de facteurs ne sont pas présentés, l’analyse n’ayant pas fait apparaître de
résultats significatifs, ce qui peut s’expliquer de différentes façons,
notamment par la diversité de ce qui sous-tend les comportements.
36
On peut noter que nous sommes dans une situation d’étude de validité
critérielle des épreuves psychométriques retenues. La mise en relation de ces
épreuves avec le résultat d’admission s’inscrit clairement dans une démarche de
validité pronostique (prédictive). La mise en relation des épreuves
psychométriques avec l’entretien a cependant un statut moins simple même s’il
n’est pas erroné de parler encore de validité prédictive. L’entretien fait lui-même
l’objet d’une évaluation et c’est la mesure produite qui est mise en relation avec
les prédicteurs issus des épreuves psychométriques. A ce titre, et puisque les
deux épreuves ne sont pas très éloignées dans le temps, ont peut également
considérer qu’il s’agit d’une étude de validité concourante (ou concomitante). 37
Les critères ne présentant pas de corrélation avec au moins une épreuve ont été
enlevés du tableau afin d’en faciliter la lecture. Exemples de critères dans ce
cas : « Précision et structuration du projet professionnel », « Capacité à mettre en
lien ses expériences avec son projet professionnel », « Capacité à justifier son
choix pour la psychologie du travail ».
Audrey Pavard et Even Loarer / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
160
Tableau 2a : Coefficients de régression multiple et R² entre les tests
psychologiques et les critères d’évaluation de l’entretien (1ère partie)
Étapes Dimensions R
multiple R² Bêta
Niveau
Technique
1 RV .272 .0742 .272
2 .325 .1057
RV .285
N -.18
Maturité
1 RV .301 .0907 .301
4 .433 .1874
RV .318
N -.30
STA -.30
COES .153
Qualités
personnelles
permettant de
réussir en M2
1 RV .284 .0807 .284
2 .357 .1276
RV .294
N -.25
STA -.22
Qualité de
l’argumentation
1 RV .270 .0729 .27
2 .323 .1046
RV .251
GEI -.18
Ouverture aux
remarques et
questions du
jury
1 RV .224 .0501 .224
4 .354 .1251
RV .267
COEI -.23
COES .239
GES -.17
Qualité de la
motivation pour
la formation
1 RV .238 .0566 .238
2 .284 .0804
RV .246
E .155
Capacité à
justifier son
choix pour
l’université
1 RV .217 .0470 .217
3 .333 .1110
RV .247
E .236
COEI -.15
Les bêtas sont significatifs à p<.05.
Audrey Pavard et Even Loarer / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
161
Tableau 2b : Coefficients de régression multiple et R² entre les tests
psychologiques et les critères d’évaluation de l’entretien (2nde partie)
Étapes Dimensions R
multiple R² Bêta
Entretien
agréable
1 RV .238 .0567 .238
2 .306 .093
RV .249
E .193
Entretien
détendu
1 RV .185 .0340 .185
4 .2535 .0643
RV .160
E .272
C -.23
CT .158
Capacité à
gérer son stress
1 SEI .20 .0404 -.20
2 .256 .0655
SEI -.18
GEI -.161
Aisance du
comportement
1 RV .260 .0677 .260
3 .363 .132
RV .1320
GEI .185
STA -.16
SEI -.16
Soin apporté à
la présentation
de soi
1 GES .176 .0310 .176
2 .237 .0562
GES .251
GEI -.18
Les bêtas sont significatifs à p<.05.
Nous avons donc mené l’analyse au niveau de chaque critère évalué
par la grille d’évaluation. De manière générale, nous constatons que les
trois mesures (personnalité, aptitudes cognitives et intelligence
émotionnelle) contribuent de manière significative à la prédiction des
comportements des candidats en situation de recrutement.
Lorsque l’on s’intéresse à la première étape de l’analyse de
régression multiple pas à pas, on peut voir que la mesure des aptitudes
cognitives et notamment le Raisonnement Verbal (RV) présente quasi
systématiquement un caractère prédictif sur les différents critères de la
grille évaluation. La mesure d’intelligence émotionnelle et notamment les
Audrey Pavard et Even Loarer / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
162
dimensions Sensibilité émotionnelle (SEI) et Gestion des émotions
interpersonnelles (GES) ont un caractère prédictif pour le premier sur le
critère « Capacité à gérer son stress » et pour le deuxième sur le critère
« soin apporté à la présentation », avec des poids explicatifs respectifs de
-.20 et de .176. Quant à la mesure de la personnalité, à ce stade de
l’analyse, elle n’apporte pas de prédiction significative des
comportements.
A une seconde étape vont s’ajouter des mesures de l’intelligence
émotionnelle et/ou de la personnalité dans l’explication des
comportements des candidats, venant ainsi augmenter la part de variance
expliquée de certains critères. L’intelligence émotionnelle et notamment
les dimensions Stabilité émotionnelle (STA), Compréhension des
émotions des autres (COES), Compréhension de ses propres émotions
(COEI) et Gestion des émotions intra et interpersonnelles (GEI et GES),
Contrôle émotionnel (CT) et Sensibilité émotionnelle (SEI) apportent une
explication supplémentaire dans la prédiction de certains comportements.
Il en est de même pour certains traits de la personnalité tels que
l’Extraversion (E), le Névrosisme (N) et le Caractère consciencieux (C).
4.2. Résultats de l’analyse incrémentielle relativement à l’admission
du candidat
La décision d’admission repose à la fois sur l’évaluation du candidat
réalisée lors de l’entretien et basée sur la grille d’évaluation ci-dessus,
mais également sur les résultats universitaires du candidat et sur la qualité
de son dossier de candidature qui comprend d’autres éléments tels que ses
expériences professionnelles antérieures, une lettre de motivation et
d’autres éléments. Nous avons examiné la validité des tests qui ont été
passés pour la prédiction de la décision d’admission.
Tableau 3 : Coefficients de régressions multiples et R² entre les tests
psychologiques et la décision d’admission en Master professionnel
Étapes Dimensions R multiple R² Bêta
Décision
d’admission
1 RV .238 .0567 .238
3 .337 .1134
RV .243
E .202
STA -.16 Les bêtas sont significatifs à p<.05.
Audrey Pavard et Even Loarer / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
163
On constate (tableau 3), qu’à la première étape de l’analyse de
régression, le Raisonnement Verbal prédit à lui seul 5.67% de
l’admission du candidat. A cette prédiction va s’ajouter lors de la
troisième étape de l’analyse l’Extraversion (E) et la Stabilité émotionnelle
(STA). Ces deux dimensions viennent apporter un surcroît d’explication
sur l’admission du candidat. Les variables Raisonnement Verbal (RV),
Extraversion (E) et Stabilité émotionnelle (STA) prédisent ensemble
11.34% de l’admission, avec des poids explicatifs respectifs de .243, .202
et -.16.
Les résultats observés, nous permettent ainsi de confirmer
l’hypothèse selon laquelle la mesure d’intelligence émotionnelle, ici en
particulier la dimension « stabilité émotionnelle », peut apporter un
surcroît d’explication par rapport aux épreuves de personnalité et
d’aptitudes cognitives quant à la réussite au concours d’entrée.
5. Conclusion
L’objectif de l’étude était d’examiner les valeurs prédictives, au
regard de la réussite de candidats en situation de recrutement, de
différentes épreuves évaluant la personnalité, certaines aptitudes
cognitives ainsi que l’intelligence émotionnelle, afin de tester l’hypothèse
d’une contribution spécifique de la mesure d’intelligence émotionnelle.
Les résultats obtenus montrent que le meilleur prédicteur apparaît
être la mesure d’aptitude verbale. Ils montrent également que
l’intelligence émotionnelle, telle qu’elle a été mesurée par le QPE,
concoure effectivement à l’explication de certains comportements des
candidats en situation de recrutement. Ceci vient soutenir la pertinence de
ce concept et démontre bien que cette mesure peut fournir des
informations différentes de celles apportées par les autres mesures. Quant
à l’épreuve de personnalité, elle n’apparaît pas, dans le cadre de cette
étude, la meilleure source de prédiction. Cependant, certaines de ses
dimensions viennent apporter, en complément des autres épreuves, une
contribution appréciable à l’explication des comportements et de la
réussite des candidats.
Ces résultats peuvent être interprétés dans le cadre de la réflexion sur
la possible redondance de l’intelligence émotionnelle avec l’intelligence
logique et/ou la personnalité. Même si l’on ne peut exclure que prises
isolément ces différentes épreuves mesurent partiellement les mêmes
choses, le fait que certaines mesures d’intelligence émotionnelle
apparaissent contribuer significativement à la prédiction du
comportement des candidats en entretien de recrutement montre que le
recouvrement, s’il existe, est loin d’être total. Ces résultats sont ainsi
Audrey Pavard et Even Loarer / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
164
compatibles avec l’hypothèse d’un modèle hiérarchique du
fonctionnement humain dans lequel l’intelligence émotionnelle ne se
situerait pas au même niveau d’intégration de la conduite que les
aptitudes cognitives et les traits de personnalité (cf. Loarer, 2005 ;
Petrides et Furnham, 2000).
Un prolongement naturel de cette recherche serait d’étudier la
validité prédictive de ces différentes épreuves, ainsi que la validité de la
procédure de sélection des candidats par le jury, au regard de la réussite à
la formation elle-même. Les critères pris en compte pourraient alors être
les notes obtenues en fin d’année universitaire ou encore d’autres
indicateurs de réussite. La validité prédictive vis-à-vis de la réussite
professionnelle ultérieure dans l’emploi que la personne sera amenée à
occuper après l’obtention du Master professionnel pourrait également être
étudiée. Une limite évidente de l’étude qui a été menée est relative,
comme c’est souvent le cas dans ce type d’études, à la qualité des critères
pris en compte. La grille d’évaluation a été constituée dans l’optique
d’améliorer l’appréciation du candidat par le jury, sous l’angle de
certaines qualités supposées contribuer à la réussite dans la formation et,
au-delà, dans la profession. Mais, d’une part, la pertinence de ces critères
et, d’autre part la justesse de l’évaluation faite selon ces critères par les
membres du jury, restent à prouver. Les études de validité prédictive vis-
à-vis de la réussite en formation et de la réussite professionnelle
ultérieure pourraient permettre de clarifier ce point.
Cette étude confirme cependant plus largement l’intérêt de
poursuivre, par l’analyse de validité prédictive incrémentielle, les
relations entre intelligence émotionnelle, personnalité et aptitudes
cognitives, en relation avec différents aspects de l’activité humaine en
situation. Il s’agit ici d’une situation de sélection pour une entrée en
formation mais cela mériterait d’être également réalisé dans différentes
situations professionnelles.
Références
Austin, E.J. (2004). An investigation of the relationship between trait emotional
intelligence and emotional task performance. Personality and Individual
Differences. 36, 1855-1864.
Bar-On, R. (1997). Bar-On Emotional Quotient Inventory (EQ-I): A test of
emotionalintelligence. Toronto: multi-Health Systems.
Bar-On, R. (2000). Emotional and social intelligence: Insights from the
Emotional Quotient Inventory. In R. Bar-On & J. D. A. Parker (Eds.). The
Handbook of EmotionalIntelligence. Sans Francisco: Jossey-Bass.
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PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
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Le jugement clinique en contexte d’évaluation du potentiel et
des compétences au travail : Quelle est sa valeur prédictive et
peut-il être formalisé ?
Clinical judgment in psychological assessment related to work:
What is the predictive value and can it be programmed?
Jean-Sébastien Boudrias*, Louis-Pierre Sarrazin*, Jean Phaneuf**
*Département de psychologie, Université de Montréal, C.P. 6128, succ. Centre-
ville, Montréal, QC, Canada, H3C 3J7
** Analys, psychologie organisationnelle, 46 Le Royer Ouest, Montréal, QC,
Canada, H2Y 1W7
Résumé
Cette étude vise à vérifier, en contexte d’évaluation du potentiel et des
compétences, (1) la valeur prédictive du jugement des psychologues fondé sur
l’intégration de résultats à des tests de personnalité et (2) la capacité des
évaluateurs à formaliser leur jugement en un algorithme standardisé. Trois
psychologues avaient pour tâche de prédire les résultats de 78 gestionnaires à
une évaluation multisource mesurant deux critères de performance en emploi
(orientation résultat et gestion des relations). Les résultats montrent que le
jugement global des psychologues arrive à prédire un des critères de compétence
en emploi jusqu’à 0,39. Par ailleurs, les résultats indiquent que la formalisation
du jugement sous la forme d’un algorithme avec des règles purement mécanistes
prédit moins la compétence démontrée en emploi que le jugement clinique
global. En somme, cette recherche suggère qu’il y a encore beaucoup à découvrir
dans le processus d’interprétation de données de personnalité.
Abstract
This study intends (1) to investigate the predictive validity of clinical
(integrative) judgement based on personality data collected in psychological
assessment and (2) to verify the capacity of assessors to formalize their judgment
in a standardised algorithm. Three psychologists had the task to predict results of
78 managers on multisource assessment measuring two performance criteria
(results orientation and relationship building). Results show that the
psychologists’ integrative judgement predicts one of performance criteria up to
.39. However, it appears that the standardisation of their judgment in mechanic
decision rules was less predictive of performance criteria than their global
clinical judgement. Overall, this research suggests there is still much to
understand in the interpretative process.
Mots-clés : évaluation psychologique, personnalité, validité prédictive
Key words: psychological assessment, personality, predictive validity
Jean-Sébastien Boudrias, Louis-Pierre Sarrazin, Jean Phaneuf
PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
168
1. Cadre théorique
1.1 L’évaluation psychologique en contexte d’emploi
L’évaluation du potentiel et des compétences, que ce soit pour des
fins de sélection ou de développement professionnel, vise à identifier des
caractéristiques ou des comportements permettant de prédire la
performance au travail (Foucher & Leduc, 2001). À cet effet, les
organisations sont souvent en mesure d’évaluer les connaissances et
l’expérience des candidats, mais pour ce qui est des dimensions liées aux
caractéristiques personnelles telles que la personnalité, une évaluation
psychologique est plus à même de fournir des informations valides à ce
sujet (Jeanneret & Silzer, 1998). Pourtant, l’usage des tests de
personnalité en contexte de sélection ne semble pas faire l’unanimité
compte tenu de la difficulté à en faire un usage éclairé (Rothstein &
Goffin, 2006). Il reste néanmoins que l’utilisation des données de
personnalité lors d’évaluation du potentiel est généralisée chez les
psychologues du travail en Amérique du Nord, qui les utilisent dans une
proportion de 80% (Ryan & Sackett, 1992). Les inventaires de
personnalité sont aussi très utilisés en Europe, quoi que de façon variable
selon les pays (voir Levy-Leboyer, 1991). Cela dit, la façon dont les
psychologues utilisent ou interprètent les données provenant de ces
instruments reste par contre bien peu étudiée (Ryan & Sackett, 1998).
L’évaluation psychologique a pour objectif de décrire l’individu
comme un tout cohérent en évitant de le définir uniquement sur la base de
la somme de ses traits ou de ses habiletés. Cette vision holistique de
l’individu place le jugement du psychologue au centre du processus
d’évaluation dont la tâche consiste alors à combiner diverses sources
d’information en vue de prédire le succès en emploi (Highhouse, 2002).
Aussi, les scores aux tests psychométriques ne peuvent être considérés
comme une mesure des traits ou habiletés sans l’apport du jugement de
l’évaluateur qui se devra de les intégrer à la lumière de l’ensemble des
données disponibles sur le candidat et en fonction des caractéristiques
requises par l’emploi (Jeanneret & Silzer, 1998; Prien, Schippmann, &
Prien, 2003). Ainsi, l’évaluation psychologique va au-delà de l’extraction
de scores obtenus à des tests psychométriques et implique de poser des
jugements sur un potentiel ou une compétence (voir Figure 1).
Jean-Sébastien Boudrias, Louis-Pierre Sarrazin, Jean Phaneuf
PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
169
Figure 1 : Positionnement du jugement de l’évaluateur dans le processus
d’évaluation
La validité du jugement des évaluateurs est centrale dans
l’évaluation de la validité globale d’une démarche d’évaluation ou de
sélection. La Society for Industrial and Organizational Psychology, dans
son Principles for validation and use of personnel selection procedures
(2003), souligne que l’interprétation des données brutes par les
évaluateurs constitue un intrant dans le processus de sélection qui se doit
lui aussi d’être évalué et validé. En effet, bien que les données brutes
issues des tests puissent avoir été validées comme des prédicteurs de la
performance en emploi, le jugement de l’évaluateur permettant de
combiner les différentes informations recueillies, peut à la fois
augmenter, mais aussi diminuer la validité du processus de sélection
(Ryan & Sackett, 1998). Aussi, les algorithmes, permettant de combiner
différentes sources d’informations, doivent être supportés par une logique
explicite et les règles en faisant partie doivent être clairement décrites.
1.2 État de la recherche sur les mesures de la personnalité
Les tests de personnalité utilisés dans le contexte de l’évaluation
psychologique constituent des données brutes dont il convient de
documenter les liens prédictifs. En effet, c’est en comparaison à ceux-ci
qu’il est possible d’établir si l’intervention humaine (jugement basée sur
une intégration des données) a une valeur ajoutée dans la prédiction de la
performance.
Quelques méta-analyses démontrent des liens probants entre les
mesures de personnalité et la performance au travail. Barrick & Mount
Test psychométrique 1
Test psychométrique 2
Test psychométrique 3
Test psychométrique 4
Jugement sur une
compétence
Données brutes Intégration des
données
Résultats (Critères de
performance)
Compétence
démontrée en
emploi
Jean-Sébastien Boudrias, Louis-Pierre Sarrazin, Jean Phaneuf
PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
170
(1991), en catégorisant les mesures de la personnalité selon la théorie du
« Five factor model » (FFM), en sont venus à estimer des corrélations
entre la personnalité et la performance pouvant atteindre jusqu’à 0,22
pour le trait consciencieux. Ce coefficient de validité plafond a été
reconfirmé dans la méta-analyse de Hurtz & Donovan (2000), qui ont
néanmoins observé certaines variations dans la taille des corrélations
entre le FFM et la performance en fonction des types d’emploi et des
critères de performance utilisés (p. ex. : tâches vs. relations). De leur côté,
Tett, Jackson & Rothstein (1991) ont mis en évidence l’importance de
fonder théoriquement l’appariement des traits de personnalité et des
critères de performance étudiées pour atteindre une puissance
prévisionnelle maximale. À cet égard, les protocoles confirmatoires,
incluant une sélection des échelles de personnalité en cohérence avec les
critères étudiés, auraient une valeur prédictive près de deux fois
supérieure comparativement aux protocoles purement exploratoires.
Bien que ces constats soient intéressants, des lacunes importantes
limitent aussi l’utilisation de données de personnalité à des fins
prédictives. Parmi les lacunes relevées, Hogan (2005) souligne le manque
criant de théories de la personnalité qui soient explicitement décrites et
formalisées dans l’optique de prédire le fonctionnement et la performance
d’un individu dans un contexte donné. En effet, les théories de la
personnalité restent implicites, non formalisées et non spécifiées quant à
la façon d’intégrer et de transposer les informations issues des traits de
personnalité en informations pertinentes en regard de critères externes,
telles que les compétences professionnelles potentielles ou démontrées en
emploi (Hogan, 2005; Murphy & Dzieweczynski, 2005). La définition de
la personnalité sous l’angle des traits, qui est l’approche la plus répandue,
a permis d’élaborer des outils psychométriques à même de décrire
efficacement les composantes de la personnalité des individus. Par contre,
bien qu’elle permette de décomposer et de mesurer l’individu sous de
multiples facettes, l’approche des traits est relativement peu loquace sur
la façon de remettre ensemble tous ces morceaux afin de comprendre le
fonctionnement intégré de l’individu par rapport à des critères externes38
(Millon & Davis, 1995). Ainsi, l’approche des traits n’apporte aucune
réponse sur le processus par lequel la personnalité influence le
38
Par critère externe, nous entendons un objet autre que la mesure de
personnalité elle-même. Car le modèle du FFM propose une façon d’intégrer une
variété de traits en cinq méta-dimensions et offre certaines balises permettant de
comprendre la dynamique interne de la personne (style émotionnel, schémas
d’activités, orientation interpersonnelle, attitudes et caractère) à partir des
interactions entre les méta-dimensions (Costa & McCrae, 1992).
Jean-Sébastien Boudrias, Louis-Pierre Sarrazin, Jean Phaneuf
PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
171
comportement et ultimement la performance en emploi (Murphy &
Dzieweczynski, 2005). Dans ce contexte, on peut se poser la question
suivante : Comment les praticiens sont-ils en mesure d’intégrer ces
informations descriptives en vue de formuler des jugements valides ayant
une valeur prédictive concrète pour les entreprises ?
1.3 L’intégration des données de personnalité
La documentation portant sur l’évaluation psychologique tente de
décrire, dans une certaine mesure, le processus menant à l’intégration des
données de personnalité. Cependant, la difficulté inhérente à la validation
du processus d’intégration des données psychométriques est bien réelle.
Mentionnons, entre autres, la difficulté qu’ont les évaluateurs à formuler
les bases sur lesquelles reposent leurs méthodes d’intégration des données
ainsi qu’au doute quant à la généralisation d’un tel modèle, lorsque les
évaluateurs sont en mesure d’en formuler un (Ryan & Sackett, 1998). La
validité du processus d’intégration des données peut être appréciée en
évaluant la valeur prédictive du jugement final en regard de critères de
performance en emploi. Les quelques recherches ayant porté sur le sujet
se sont surtout déroulées entre les années 1950 et 1980. Suite à une revue
de ces études, Prien et ses collègues (2003) concluent qu’en dépit de leurs
carences, ces études semblent supporter la validité prédictive du jugement
final des processus d’évaluation psychologique. Cependant, ces
recherches explicitent peu les bases sur lesquelles le processus
d’intégration menant au jugement final ont été menées. Dans une des
rares recherches sur le sujet, Ryan & Sackett (1989) relèvent une grande
variabilité dans les procédures employées pour arriver au jugement final
et une très faible consistance entre les jugements des évaluateurs.
Par contre, plusieurs études ont porté sur les méthodes d’intégration
des données dans des contextes de prédiction diversifiés (Grove, Zald,
Lebow, Snitz, & Nelson, 2000). Ces recherches se sont particulièrement
intéressées à la qualité prédictive des méthodes cliniques (dont
l’intégration des données est basée sur des méthodes informelles et
subjectives appliquées par un évaluateur) par rapport aux méthodes
mécanistes (dont l’intégration des données est basée sur un algorithme
bien défini et dont l’application est uniforme et parfaitement
reproductible). Les méta-analyses sur le sujet arrivent, dans une large
majorité, à la conclusion de Grove et ses collègues (2000) à l’effet que les
méthodes mécanistes sont généralement plus performantes que les
méthodes de prédiction clinique, et ce pour une grande variété de tâches
(p. ex. : prédiction du succès académique, de la délinquance, d’un
Jean-Sébastien Boudrias, Louis-Pierre Sarrazin, Jean Phaneuf
PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
172
diagnostic médical ou psychiatrique). Cependant, ces deux méthodes de
prédiction possèdent chacune leurs caractéristiques spécifiques. Les
modèles mécanistes bénéficient d’une grande consistance dans
l’intégration des données, ne sont pas sujets à des biais de perception et
d’évaluation et ne sont pas influencés par l’environnement politique de
l’organisation (Blattberg & Hoch, 1990). Pour leur part, les humains sont
plus flexibles dans des conditions de prédiction changeantes et ils sont en
mesure de tenir compte de données qui peuvent quelquefois être
difficilement intégrables dans les modèles (Withecotton, Sanders, &
Norris, 1998).
Bien qu’elles aient à de nombreuses reprises été jugées supérieures,
les méthodes mécanistes ne peuvent être élaborées qu’à partir
d’informations fournies par de grandes bases de données amassées dans
des contextes de prédictions similaires ou bien sur la base du jugement
d’un expert qui formalisera son expérience pratique en algorithme. Dans
le premier cas, il est rare que, dans un contexte d’évaluation précis, les
experts jouissent de telles bases de données leur permettant de créer un
algorithme adapté au dit contexte. Dans le deuxième cas, il requiert que
les experts procèdent à la formalisation de leur jugement, une entreprise
ardue pour laquelle l’efficacité du processus de formalisation a rarement
été investigué. Dans ce contexte, la présente étude cherche à répondre aux
deux questions de recherche suivantes :
1- Le jugement clinique d’un évaluateur expérimenté, intégrant des
donnés d’inventaires de personnalité et de motivation auto-
révélés, permet-il de prédire les comportements d’un individu en
emploi ?
2- Les évaluateurs sont-ils en mesure de formaliser une méthode
d’intégration mécaniste des données qui permette de prédire de
manière standardisée les critères en emploi ?
2. Méthode
2.1 Participants
Dans cette étude, 78 cadres intermédiaires et supérieurs d’une
même entreprise de services ont fait l’objet d’une évaluation du potentiel
et des compétences. L’échantillon est composé de 56 hommes et 22
femmes dont l’âge varie entre 29 et 54 ans (M = 40,6; ÉT = 5,4). Les
participants ont rempli trois questionnaires de personnalité et un
Jean-Sébastien Boudrias, Louis-Pierre Sarrazin, Jean Phaneuf
PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
173
questionnaire de motivation en plus de participer à une évaluation
multisource de leurs compétences démontrées en emploi.
2.2 Mesures
Tous les participants étaient déjà en poste dans l’entreprise
lorsqu’ils ont complété les tests psychométriques et l’évaluation
multisource. Ces deux évaluations ont été réalisées majoritairement dans
une perspective de développement professionnel (plutôt que dans une
perspective de sélection/promotion). Les évaluations multisources
(critères) ont été recueillies de façon concomitante (36% des cas) ou
prédictive (63% des cas) par rapport à la collecte de données de
personnalité (prédicteurs). En moyenne, 1 an et demi sépare ces deux
évaluations.
2.2.1 Prédicteurs : inventaires de personnalité et de
motivation
Dans le cadre d’une évaluation du potentiel, les participants ont
complété trois inventaires de personnalité et un questionnaire de
motivation standardisés. Deux inventaires évaluent la personnalité dans
une perspective générale en ne référant pas à un contexte spécifique : le
Jackson Personnality Questionnaire (JPI-R), qui comprend 300 énoncés
mesurant 15 traits de personnalité (Jackson, 1994) et le Personnality
Research Form (PRF-E), qui comprend 352 énoncés mesurant 20 traits
de personnalité (Jackson, 1999). Le troisième inventaire de personnalité
utilisé est le Occupationnal Personnality Questionnaire (OPQ), distribué
par Saville & Holsworth Ltd (SHL). L’OPQ évalue la personnalité par le
biais de 240 énoncés mesurant 30 traits dans le contexte spécifique du
travail (SHL, 1990). Le quatrième instrument utilisé est un questionnaire
de motivation, le Motivation Questionnaire (MQ), qui comprend 144
énoncés évaluant les différences individuelles en fonction de 18 facteurs
qui dynamisent, dirigent et maintiennent le comportement (SHL, 1995).
2.2.2 Critères : Compétences démontrées en emploi
L’évaluation de la performance des gestionnaires fut effectuée
par le biais d’une évaluation multisource. Les évaluations ont été
complétées par une moyenne de 13,8 évaluateurs [supérieurs (M = 1,3;
ÉT = 0,8), pairs (M = 3,6; ÉT = 1,6), subordonnés (M = 6,4; ÉT = 2,8) et
clients (M = 2,5; ÉT = 2,3)] dont la tâche était de juger si un gestionnaire
Jean-Sébastien Boudrias, Louis-Pierre Sarrazin, Jean Phaneuf
PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
174
démontrait une maîtrise de comportements liés à des compétences clés
identifiées par l’entreprise.
Suite à une analyse factorielle, les comportements furent
regroupés en deux grandes dimensions, l’orientation vers les résultats et
la gestion des relations (mobilisation des personnes en vue de l’atteinte
des résultats). Ainsi, l’évaluation multisource des participants a fourni
deux scores distincts se rapportant à ces deux grandes catégories :
résultats et relations. Chacune des deux dimensions de l’évaluation
multisource était composée de 7 énoncés associés à une échelle de
réponse en 10 points (1 = faible; 10 = excellent). Les énoncés incluent
des conduites telles que « remettre en question le statu quo pour
améliorer la performance de l’entreprise » (critère résultats) et « écouter
attentivement ce que ses collaborateurs ont à dire » (critère relation). Pour
les deux dimensions, une moyenne a d’abord été calculée pour chacun
des types d’évaluateurs : supérieurs, pairs, subordonnés et clients. Puis,
un score final a été obtenu en faisant la moyenne globale des quatre types
d’évaluateurs.
2.3 Procédure
Trois psychologues du travail ayant au moins cinq années
d’expérience en évaluation du potentiel et en sélection du personnel ont
collaboré à cette recherche. Selon le protocole établi, les psychologues
disposaient des résultats rendus anonymes des participants aux trois
questionnaires de personnalité, ainsi qu’au questionnaire de motivation.
Seul le sexe et l’âge des participants étaient présentés avec les résultats
aux tests psychométriques. Les psychologues savaient que les participants
étaient tous des cadres intermédiaires ou supérieurs dans une entreprise-
cliente avec laquelle ils travaillaient régulièrement. Les psychologues
connaissaient donc la culture générale de l’entreprise où évoluaient les
participants. Par contre, les psychologues n’avaient accès à aucune
information sur les emplois spécifiques des participants (p. ex. : nature du
poste de gestion line vs. staff) et sur le contexte propre aux diverses
divisions corporatives au sein desquelles évoluaient ces gestionnaires (p.
ex. : climat, contexte et stratégies d’affaires). De plus, les psychologues
n’avaient accès à aucune information biographique sur les participants (p.
ex. : formation, expérience dans le poste actuel). Cette procédure assez
stricte a été adoptée afin d’éviter que les psychologues puissent identifier
les individus et se souvenir de certaines données de performance
Jean-Sébastien Boudrias, Louis-Pierre Sarrazin, Jean Phaneuf
PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
175
concernant les participants auxquelles ils auraient pu avoir accès,
notamment lors d’une entrevue d’évaluation avec les participants.39
Les psychologues ont eu pour tâche de prédire les deux résultats
fournis par l’analyse factorielle réalisée sur les évaluations multisources,
c’est-à-dire un score lié à l’orientation vers les résultats ainsi qu’un score
lié à la mobilisation des personnes. Pour ce faire, les psychologues ont
tout d’abord eu à formaliser de manière mécanique et standardisée leur
jugement, c’est-à-dire sous forme de règles permettant de constituer un
score à partir des données psychométriques recueillies. Un algorithme a
été développé pour prédire chacune des deux dimensions évaluées par
l’évaluation multisource. La figure 2 présente un exemple d’une partie de
l’algorithme pour l’orientation résultats. A posteriori, il est possible de
constater que les algorithmes ont été constitués par les psychologues sur
la base de quatre ensembles de règles décisionnelles. La première a
consisté à faire le choix des échelles de mesure utilisées pour prédire les
critères parmi les 83 échelles disponibles dans les quatre inventaires
utilisés. Une sélection de 14 échelles pour l’orientation résultats et de 12
échelles pour l’orientation relations a été faite sur la base de l’expérience
des évaluateurs quant à l’appariement de ces échelles avec les indicateurs
comportementaux liés à chacun des deux critères ainsi qu’avec des
facteurs pouvant influencer leur occurrence. La seconde règle a consisté à
recalibrer les scores sten (ou les scores bruts dans le cas du PRF et JPI) en
leur attribuant un nouveau pointage modifiant la linéarité initiale des
scores aux échelles de tests. Par exemple, à la figure 2, on voit que ce
recalibrage donnait moins de points à des scores de 9 ou 10 sur l’échelle
« OPQ – Indépendance » qu’à des scores de 7 ou 8. La troisième règle a
consisté à pondérer chacune des échelles individuellement afin d’en faire
varier l’importance sur une composante du score final. Par exemple,
l’échelle « OPQ - Capacité de contrôler » a été jugé deux fois plus
importante que l’échelle « OPQ – Indépendance » dans sa contribution à
la propension à agir de la personne. La quatrième règle a consisté en une
seconde pondération cette fois appliquée à des regroupements d’échelles
associées à des facteurs ou composantes. Dans l’exemple à la Figure 2,
on constate que le sous-score lié à la « propension à agir » a été jugé trois
fois plus important que « l’efficacité personnelle » dans sa contribution à
l’orientation vers les résultats. L’ensemble des règles de décision
présentées ci-dessus a été établi à partir de l’expérience préalable des
39
Ce risque était néanmoins minime compte tenu que la tâche de prévision
réalisée dans la présente étude a eu lieu environ un an après que les évaluations
multisources aient été colligées.
Jean-Sébastien Boudrias, Louis-Pierre Sarrazin, Jean Phaneuf
PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
176
psychologues quant à l’évaluation de critères similaires dans divers
contextes. Le score final pouvant être obtenu via l’algorithme se situe
entre 0 et 132 pour l’orientation résultats et entre 0 et 49 pour
l’orientation relations. Plus ces scores sont élevés, plus les psychologues
anticipent que la maîtrise des compétences sera élevée.
Figure 2 : Présentation d’une partie de l’algorithme orienté vers les résultats et
de ses composantes
Dimension Orientation Résultats
Échelles Score Pointage
Pondé-
ration
#1
Sous-
total
Pondé-
ration
#2 Total
Pro
pen
sio
n à
agir
(OPQ)
Capacité de contrôler 9
1-4
0
5-6
1
7-8
2
9-10
3 *2 6
6+3+6+
0 = 17
*3
51
(OPQ)
Esprit de décision 10
1-3
0
4-6
1
7-8
2
9-10
3 *1 3
(OPQ)
Indépendance 8
1-3
0
4-6
1
7-8
3
9-10
2 *2 6
(MQ)
Niveau d’activité 3
1-3
0
4-6
1
7-8
2
9-10
3 *1 0
Eff
ica
cité
Per
son
nel
le (JPI-R)
Confiance sociale 20
0-11
0
12-15
1
16-
17 2
18-
20
3
*2 6
6+2+4 =
12
*1
12 (PRF-E)
Désirabilité sociale 12
0-9
0
10-12
1
13
2
14-16
3 *2 2
(OPQ)
Confiance en soi 7
1-3
0
4-6
1
7-8
2
9-10
3 *2 4
Total : 63
Les psychologues ont par la suite effectué une évaluation
clinique globale non standardisée de chacun des participants uniquement
sur la base des résultats aux instruments psychométriques utilisés pour
élaborer les algorithmes. Dans le cadre de leur évaluation clinique, les
psychologues ont eu à prédire les résultats de l’évaluation multisource en
fournissant une cote sur dix pour chacune des deux dimensions évaluées
(1 = faible; 10 = excellent). Ce jugement global pouvait prendre en
considération des éléments non prévus dans les algorithmes (p. ex. : traits
non inclus dans l’algorithme, interactions de traits, profils particuliers).
3. Résultats
Les résultats obtenus par l’application standardisée de
l’algorithme ainsi que ceux issus du jugement clinique global des
psychologues ont été évalués en fonction de leur capacité à prédire les
scores obtenus dans le cadre de l’évaluation multisource (critères résultats
et relations).
Jean-Sébastien Boudrias, Louis-Pierre Sarrazin, Jean Phaneuf
PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
177
Il est possible de constater au tableau 1 que l’algorithme fut en
mesure de prédire la performance sous l’angle de l’orientation résultats (r
= 0,19 p < 0,05), mais non sous l’angle des relations ou de la
mobilisation des personnes (r = 0,08, p > 0,05). En contrepartie, il semble
que le jugement clinique global soit en mesure de mieux prédire
l’orientation résultats (r = 0,39, p < 0,01) et la mobilisation des personnes
(r = .18, p = 0,06), quoi que le lien ne soit pas significatif dans le
deuxième cas. Fait intéressant, une différence significative a été observée
au niveau de la puissance prévisionnelle des deux méthodes d’intégration
des données (jugement global et algorithme) en ce qui concerne
l’orientation vers les résultats. En effet, la corrélation impliquant le
jugement clinique est significativement plus élevée que celle impliquant
l’algorithme pour ce critère [t (77) = 2,06, p < 0,05] (Blalock, 1960).
Note : Les alphas de Cronbach apparaissent entre parenthèses sur la diagonale. * p < 0,05 (unicaudal) ** p < 0,01 (unicaudal)
Des analyses de régression hiérarchique ont été réalisées afin de
comparer les deux méthodes d’intégration des données psychométriques.
Ces analyses visent à explorer si les variances expliquées au niveau des
critères par chacune des méthodes (jugement et algorithme)
s’additionnent ou sont redondantes. Dans un premier temps, nous avons
testé si le jugement clinique explique le critère orientation résultats au-
delà de la variance expliquée par l’algorithme. Les résultats, présentés au
Tableau 1 : Statistiques descriptives et corrélations entre les méthodes
d’intégration des données psychométriques (jugement global et algorithme) et
les critères de compétence en emploi.
Prédicteurs et critères
M ÉT 1 2 3 4 5
6
1. Critère résultats 7,88 0,56 (0,9
0)
2. Critère relations 7,57 0,65 ,65*
*
(0,9
0)
3. Jug. clin. global – résultats 7,02 1,48 ,39*
* ,23* -
4. Jug. clin. global – relations 6,48 1,58 ,15 ,18 ,52*
* -
5. Algorithme – résultats 74,42 17,0
7 ,19* ,05
,58*
* ,24* -
6. Algorithme – relations 24,21 6,77 ,07 ,08 ,30*
*
,54*
*
,36*
* -
Jean-Sébastien Boudrias, Louis-Pierre Sarrazin, Jean Phaneuf
PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
178
tableau 2, indiquent que c’est le cas. L’ajout de la variable jugement
clinique à l’équation de régression s’est révélé significatif (ΔF = 10,48, p
< 0,01), démontrant que le score de jugement apporte une valeur unique
dans la prédiction de l’orientation résultats. Nous avons par la suite
procédé à la vérification inverse, à savoir si l’algorithme ajoute de la
variance supplémentaire à celle du jugement dans l’équation de
régression pour le critère orientation résultats. Ceci n’est pas le cas,
puisque l’ajout de la variable algorithme s’est révélé non significatif (ΔF
= 0,17, p > 0,05). Donc, toute la variance explicative de l’algorithme
concernant l’orientation résultat semble redondante avec la variance
explicative du jugement clinique global.
Pour ce qui est du critère orienté vers les relations, aucun résultat
significatif n’a été relevé.
Tableau 2 : Régressions hiérarchiques pour vérifier l’apport incrémentiel de
chacune des méthodes d’intégration des données psychométriques à la prévision
des critères de compétence en emploi.
Modèles R2 R
2
Var. dépendante: Évaluation multisource orientée résultats
Étape 1: Algorithme ,036
Étape 2: Jugement clinique global ,154 ,118**
Var. dépendante: Évaluation multisource orientée résultats
Étape 1: Jugement clinique global ,152
Étape 2: Algorithme ,154 ,002
Var. dépendante: Évaluation multisource orientée relations
Étape 1: Algorithme ,006
Étape 2: Jugement clinique global ,032 ,026
Var. dépendante: Évaluation multisource orientée relations
Étape 1: Jugement clinique global ,031
Étape 2: Algorithme ,032 ,001
** p .01 (bicaudal)
Enfin, nous avons exploré l’impact des règles décisionnelles sur
lesquelles ont été bâtis les algorithmes afin de déterminer si certains
choix ont pu augmenter ou diminuer la valeur prédictive de ceux-ci à
l’égard des critères qu’ils devaient prédire. A cette fin, les algorithmes
Jean-Sébastien Boudrias, Louis-Pierre Sarrazin, Jean Phaneuf
PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
179
ont été décomposés selon les quatre composantes décisionnelles
identifiées afin de vérifier la valeur prédictive des portions (scores
partiels) de l’algorithme. Les corrélations des quatre composantes des
algorithmes avec les critères de compétence en emploi sont présentées au
tableau 3. Bien qu’aucune différence significative n’ait pu être mesurée
en termes d’apport prédictif incrémentiel entre chacun des scores partiels,
il est intéressant de noter que c’est la composante « pointage » qui semble
en mesure d’apporter une valeur prédictive appréciable au type
d’algorithme utilisé. Pour leur part, les composantes de pondération ne
semblent apporter aucun gain prévisionnel.
Tableau 3 : Corrélations entre les composantes des algorithmes et les critères
de compétence en emploi
Composantes de l’algorithme
Choix des
échelles de
test (score partiel 1)
Pointage
(score partiel
2)
Pondération
#1
(score partiel
3)
Pondération
#2
(score final)
r entre l’algorithme orienté
résultats et son critère 0,154 0,194* 0,187* 0,188*
r entre l’algorithme orienté
relations et son critère 0,044 0,085 0,075 0,075
* p < 0,05 (unicaudal)
4. Discussion
Dans cette étude, des évaluateurs ont eu à relever le défi de
prédire la performance en emploi de 78 gestionnaires à partir de résultats
à des inventaires de personnalité et de motivation. Le but de cette étude
était, d’une part, d’évaluer dans quelle mesure le jugement clinique de
psychologues du travail arrive à prédire la compétence démontrée en
emploi et, d’autre part, d’évaluer s’ils peuvent arriver à formaliser leur
jugement sous la forme d’un algorithme standardisé.
Les résultats montrent que les évaluateurs ont été en mesure de
prédire le critère orienté vers les résultats, mais non le critère orienté vers
les relations. Sur la base de leur jugement clinique global, les
psychologues ont été en mesure de prédire à un niveau très intéressant
l’orientation vers les résultats (r = 0,39). Toutefois, il semble que la
formalisation de leur jugement sous la forme d’un algorithme standardisé
prédise de façon plus modérée ce même critère. Ces niveaux de
Jean-Sébastien Boudrias, Louis-Pierre Sarrazin, Jean Phaneuf
PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
180
prédiction sont soit similaires (pour l’intégration mécaniste) ou supérieurs
(pour le jugement clinique global) aux résultats atteints par les échelles
d’inventaires de personnalité les plus corrélées à la performance en
emploi [ρ = 0,22 (r non corrigé = 0,14) pour le trait consciencieux; Hurtz &
Donovan, 2000].
Par ailleurs, il est à noter que les deux critères à prédire dans
cette étude étaient loin d’être indépendants (r = .65). À cet égard, il est
intéressant de relever que le jugement clinique global des psychologues
reflète davantage ces interrelations entre l’orientation résultats et la
mobilisation des personnes (r = .52) en comparaison aux algorithmes
qu’ils ont formulés (r = .36). En ce sens, le jugement clinique global des
psychologues était plus proche de celui des personnes qui ont répondu à
l’évaluation multisource des compétences. Ainsi, il est possible que la
prise en compte simultanée d’aspects associés aux résultats et aux
relations ait permis aux psychologues de réaliser des prédictions plus
conformes aux critères issus de l’évaluation multisource.
Cette étude suggère donc que les psychologues ont eu un certain
succès à prédire les compétences démontrées en emploi, mais que ceux-ci
n’ont pas été en mesure de formaliser dans un algorithme standardisé
toutes les règles décisionnelles sur lesquelles ils s’appuient pour poser un
jugement. À cet égard, une analyse de régression a montré que la
variance explicative du jugement clinique recoupe et va au-delà de la
variance explicative des algorithmes développés. Certaines règles ou
logiques d’analyse non formalisées ont donc permis aux psychologues
d’atteindre un niveau de prédiction plus intéressant de l’orientation vers
les résultats qu’avec les règles d’intégration purement mécanistes.
Une documentation assez substantielle suggère qu’une
intégration mécaniste ou actuarielle des données brutes s’avère
généralement supérieure à un jugement clinique pour une grande variété
de tâches prédictives (Grove et al. 2000). Les résultats de notre étude
vont donc à contresens de la documentation dans le domaine de
l’intégration des données. Cette différence pourrait s’expliquer par le fait
que, dans cette étude, le développement d’algorithmes n’a pas été réalisé
sur la base d’analyses de régression préalables documentant les meilleurs
prédicteurs des compétences étudiées sur un échantillon comparable. Ceci
dit, ce contexte idéal pour créer des algorithmes mécanistes serait
rarement présent dans la pratique des psychologues en évaluation du
potentiel et des compétences. Cela serait non seulement attribuable à la
grande variabilité des contextes d’évaluation, mais aussi à la difficulté de
Jean-Sébastien Boudrias, Louis-Pierre Sarrazin, Jean Phaneuf
PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
181
disposer, en contexte prévisionnel, à la fois de données de personnalité et
d’un critère fiable de performance en emploi. Ceci fait en sorte que
l’élaboration d’algorithmes prédictifs passe davantage par une
conceptualisation préalablement définie sur la base du jugement d’un
expert que par des méthodes de régressions statistiques.
Dans cette étude, nous avons exploré la valeur de certaines
conceptualisations et règles d’intégration des données formalisées par les
évaluateurs. À cet égard, des analyses ont permis de documenter dans
quelle mesure chaque composante de l’algorithme influençait la qualité
de la prédiction du critère. Bien que le nombre de participants ainsi que
les tailles d’effets n’aient pas permis d’obtenir des résultats significatifs,
il nous semble pertinent de relever avec prudence que la composante de
« pointage » de l’algorithme pourrait constituer une composante clé du
jugement clinique. Comme d’autres recherches le suggèrent (p. ex.:
Benson & Campbell, 2007), il semble que la considération de relations
non linéaires entre des résultats à des inventaires de personnalité et la
performance en emploi puisse augmenter la qualité de la prédiction. En
revanche, pondérer davantage un élément de l’algorithme par rapport à un
autre ne semble pas apporter de gains au niveau prévisionnel, ce que
d’autres chercheurs auraient aussi observé (Pettersen & Durivage, 2006).
Cette recherche sur le jugement clinique en contexte d’évaluation
du potentiel et des compétences comporte certaines limites qu’il convient
de relever afin d’interpréter les résultats avec prudence. Premièrement,
l’exercice auquel se sont soumis les psychologues leur demandait de
porter un jugement sur la base d’informations limitées exclusivement aux
données psychométriques. Or, ce contexte ne rend pas compte de toutes
les sources d’information (entrevue, curriculum vitae, description de
l’emploi ciblée, évaluation du contexte et du climat de l’unité de travail,
etc.) sur lesquelles ils se basent normalement afin de poser un jugement
sur la probabilité qu’une compétence soit démontrée en emploi. À cet
égard, il convient de ne pas considérer le niveau de prédiction atteint dans
cette étude comme une indication de la validité globale des processus
d’évaluation ou de sélection. Par ailleurs, les résultats de cette recherche
pourraient être généralisés en tenant compte des aspects suivants : a) les
évaluateurs étaient des psychologues expérimentés en évaluation du
potentiel et des compétences, b) ceux-ci étaient très familiers avec
l’utilisation d’inventaires de personnalité dans un contexte d’évaluation
des compétences, c) ceux-ci disposaient, dans leur pratique régulière en
évaluation, de documents de référence permettant de baliser leur
intégration de données en fonction de compétences, quoi que d) cette
Jean-Sébastien Boudrias, Louis-Pierre Sarrazin, Jean Phaneuf
PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
182
intégration des données soit très rarement complètement mécanisée.
Ainsi, d’autres études pourraient être réalisées afin de voir si des
évaluateurs ayant des caractéristiques et une pratique différentes seraient
en mesure d’atteindre le même degré de prévision. D’autre part,
mentionnons que les caractéristiques de l’échantillon sur lequel a porté
l’étude (cadres intermédiaires et supérieurs d’une entreprise de service)
ainsi que sa relative petite taille limitent aussi la possibilité de généraliser
nos résultats.
En conclusion, cette recherche montre la nécessité de poursuivre
les études pour mieux comprendre comment les évaluateurs se servent de
données psychométriques afin de poser un jugement sur des compétences
démontrées en emploi. Les résultats tendent à indiquer que les
évaluateurs sont en mesure de prédire l’expression de certaines
compétences en emploi, mais qu’ils ont de la difficulté à formaliser toutes
les règles sur lesquelles ils s’appuient pour poser leur jugement. Des
recherches pourraient donc être entreprises auprès des évaluateurs afin de
leur faire expliciter leurs savoirs tacites et/ou trouver des modèles
d’analyses qui pourraient refléter plus fidèlement la façon dont les
évaluateurs traitent l’information issue de tests psychométriques (p. ex. :
analyse de profils, traitement des exceptions, arbre de décision) afin de
poser un jugement sur un potentiel ou une compétence démontrée. Les
efforts d’explicitation des règles décisionnelles sur lesquels les
évaluateurs se basent pour faire ces pronostics devraient permettre
d’arriver à structurer les savoirs tacites en principes ou savoirs
scientifiques possibles à répliquer. Pour l’instant, notre étude montre que
la prévision des compétences démontrées en emploi, basée sur
l’intégration de données de personnalité et de motivation par des
psychologues, constitue autant un art qu’une science.
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PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
185
Pour une approche contextuelle et clinique de la
demande de recrutement : la transformation d’une
demande initiale dans une entreprise familiale.
Towards a clinical approach to recruitment,
integrating the context of the job offer: transforming
the initial request in a family company.
Didier Desonnay*, Georges Masclet* & Catherine Demarey**
* PSITEC, EA 4072 – Equipe IDESH : Interaction, Décision et Evaluation des
Systèmes Humains – Université Charles de Gaulle de Lille 3, Domaine
Universitaire Pont de Bois – BP 653 – 59653 Villeneuve d’Ascq.
[email protected], [email protected]
** LHS-CEC-URP : Lien social : subjectivité, identités et activités, Faculté Libre
des lettres et Sciences Humaines, 60 Bd Vauban, BP109, F-59016 Lille Cedex.
Résumé
La littérature en psychologie du travail envisage l’analyse de la demande de
recrutement dans une optique principalement explicite et fonctionnelle, oubliant
alors les dimensions implicites et stratégiques qui y sont associées. L’activité de
recrutement apprécie ici le contexte spécifique de recrutement et la configuration
de l’organisation qui recrute. L’étude de cas clinique intègre les dimensions
familiales de l’entreprise et des postures psychologiques de tiers, dégageant une
singularité du rôle du psychologue du travail comme conseiller en recrutement.
Abstract
Studies of psychology in the work place usually analyse job offers from an
explicit and functional point of view, forgetting the more implicit and strategic
dimensions associated with them. This activity of recruitment takes into account
the understanding of the specific context of the job offer and of the structure of
the organisation which is looking to recruit. The clinical case study described
here takes into consideration these contextual elements of very small company
and proposes recruitment methods which include a third party, emphasising the
particular role of psychologists or consultancies as recruitment advisers.
Mots-clés : analyse de la demande, conseil en recrutement, posture de tiers,
psychologue du travail.
Key-words : analysis of request, consultancies in recruitment, third party, labour
psychologist.
Didier Desonnay, Georges Masclet & Catherine Demarey
PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
186
1. Position du problème
Cet article traite d’aspects peu abordés dans la littérature en
psychologie : les aspects stratégiques et implicites de l’analyse de la
demande de recrutement, la prise en compte du contexte singulier dans
l’analyse de la situation de travail qui précède le recrutement et l’urgence
relative du recrutement. Nous cherchons, en outre, à circonscrire une
posture singulière de psychologue du travail dans une activité de conseil.
D’une part, nous proposons d’étudier l’analyse de la demande et
les processus psychologiques sous-jacents à cette situation particulière de
recrutement. D’autre part, dans une approche « contextualiste des
ressources humaines » (Pichault & Nizet, 2001, pp.270-275), nous
apprécions le contexte lié aux spécificités de cette TPE40
et de
l’employeur. Il s’agit notamment de frontières ténues entre dimensions
privée et professionnelle de ce dernier. Nous éclairons les pratiques
effectives du psychologue recruteur. Ainsi, sur base de l’assise théorique
de Leplat & Hoc (1983), nous analysons les écarts tâche
prescrite / activité réelle, grâce aux transformations de la demande de
recrutement. Dans ce cas, la tâche prescrite par l’employeur au
psychologue dans la demande initiale réclame de procéder à de la
discrimination de sexe et physique, autour de l’effet de beauté.
L’employeur réclame au psychologue d’engager de préférence « une »
(cité) secrétaire et jugée « pas trop jolie » (cité). Il argumente sa requête
à ce stade de la demande par le désir d’éviter toute tentation de séduction
dans la relation professionnelle quotidienne. Cette demande initiale est
doublement discriminatoire mais pose une réelle question: quelle peut
être l’activité réelle du psychologue lorsqu’il est confronté à pareille
demande ?
Nous dégageons une posture de tiers face à cette demande irrecevable
pour un psychologue pour des raisons déontologiques et résultons alors
sur une « co-construction avec les intéressés » (Lemoine, 2003, p.161) de
l’objet de recrutement grâce à l’étayage des divers enjeux et à l’adoption
d’une posture de tiers. Nous questionnons une posture singulière du
« rôle des psychologues » (Ferrieux et al., 2004, pp. 55-77) en matière de
recrutement, en respect du code de déontologie d’une part et des enjeux
cliniques de la demande d’autre part.
L’effet de beauté a fait l’objet de travaux de synthèse (Bruchon-
Schweitzer et Maisonneuve, 1990). Il est corrélé à l’internalité, fait
l’objet d’attributions positives en termes de carrière et de rémunération,
augmente les chances d’être embauché (Desrumaux-Zagrodnicky et
40
TPE : très petite entreprise
Didier Desonnay, Georges Masclet & Catherine Demarey
PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
187
Masclet, 2004) et médiatise l’« asymétrie sociale entre homme et
femme » (Ibid., p.3). La rationalité y est affectée (Laberon, 1998) : le
recrutement contient des biais et constitue une situation « au-delà des
activités strictement rationnelles » (De Bosscher, Desrumaux, Durand-
Delvigne, 2007, p.1). La beauté attribuée peut aussi constituer un
handicap, bien que ces derniers résultats soient contestés (Desrumaux-
Zagrodnicki, Masclet, Poignet et Sterckeman, 2000).
2. Le contexte de l’étude
2.1. Une TPE familiale.
L’entreprise qui recrute est un bureau de comptabilité et de
conseil en fiscalité occupant deux personnes, un homme et son épouse
tous deux comptables avec statut de travailleur indépendant, Madame et
Monsieur D. Pour la division du travail de cette organisation d’activité
libérale, Monsieur D. assure la partie publique de l’entreprise : il visite
les clients, négocie les contrats, assure le conseil aux contribuables et les
assiste dans les relations avec les institutions (administrations fiscale et
de la T.V.A., banques et organismes de financement). Madame D. assure
la partie interne : elle prépare les écritures comptables, remplit les
déclarations fiscales et de T.V.A., monte les dossiers de financement et
exécute le travail de secrétariat. L’entreprise fondée par les parents de
Monsieur D. se situe dans une double phase de croissance et
d’autonomisation : Monsieur et Madame D. ont construit un bâtiment
pour y installer leur domicile et leur entreprise, qui se détache donc du
giron familial. Madame exerce par ailleurs une autre fonction partielle
comme responsable dans un hôpital de la région. Au moment des faits,
elle est enceinte de six mois.
Les TPE présentent de l’hétérogénéité et des invariants de
« centralité du créateur » dans la prise de décisions (Ferrier, 2002, p.22).
L’entreprise qui recrute dans ce cas est « duocratique » (Deeks, 1973). Le
service de conseil et d’assistance aux entreprises est de type « profession
libérale » (Ferrier, 2002, p.211). Marchesnay (1988) insiste sur la relation
entre la « stratégie et les intérêts de l’entrepreneur ». Des aspects
contextuels de frontières réduites entre le professionnel et le privé règnent
dans la demande de recrutement formulée par l’employeur, en insistant
notamment sur des traits physiques plus que sur des critères de
compétences pour la personne à recruter.
Didier Desonnay, Georges Masclet & Catherine Demarey
PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
188
2.2 Le contexte de recrutement : une situation d’urgence
Un triple contexte de croissance, d’autonomisation et
d’indisponibilité de Madame D. caractérise l’urgence du recrutement. Un
stock d’environ cinquante candidatures reçues il y a moins d’un an, suite
à une annonce d’emploi diffusée par l’entreprise est à traiter. Le
« caractère pressant » de la demande est un indicateur d’une emprise du
contexte sur le psychologue (Lancestre, 2000, p.212). Mais en
considérant le recrutement aussi comme une gestion de projet, nous
désignons ici la phase d’« analyse fonctionnelle du projet » (Herniaux,
2005, pp.67-70) dont la spécificité est la double prise en compte des
aspirations du porteur de projet et de la contingence liée au contexte du
projet. L’urgence dont nous parlons engage ici la faisabilité du
recrutement qui, selon Peretti (2000), s’exprime précisément en coûts et
en délais.
La littérature sur le recrutement envisage peu ces figures
d’urgence pourtant courantes et soucieuses d’efficience de gestion, et
privilégie davantage des processus linéaires, complets et parfois
irréalistes dans ces situations d’urgence
2.3. L’analyse de l’activité de travail du poste à pourvoir
La phase de compréhension du travail à réaliser participe aussi à
l’analyse de la demande de recrutement. Ainsi, l’analyse de l’activité
permet d’une part, d’appréhender le travail effectif et les processus
cognitifs sous-jacents à sa réalisation et d’autre part, de préciser le
contexte organisationnel dans lequel le travail prend place. Cette
démarche a des incidences directes pour le recrutement. Elle contribue
non seulement à la définition et à la conception du poste à pourvoir
(Karnas, 2002) mais également à l’identification des compétences.
Comme le suggère Leplat (2001, p.11), « tâche et agent sont à envisager
conjointement par les caractéristiques de leur couplage ». L’enjeu du
recrutement est alors d’aboutir à un couplage optimal entre les
compétences nécessaires à la réalisation de la tâche et celles de l’agent.
2.4. Le recrutement par un conseiller, psychologue du travail
Psychologues et consultants non psychologues traitent des
activités de recrutement (Bruchon-Schweitzer et Ferrieux, 1991). Notre
position est qu’un « spécialiste du recrutement » (Ferrieux, Laberon,
Bruchon-Schweitzer, 2004, p.56) comme le psychologue du travail et des
organisations étudie en profondeur le contexte organisationnel de
Didier Desonnay, Georges Masclet & Catherine Demarey
PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
189
recrutement, d’une TPE familiale dans cette étude, pour distinguer sa
pratique de psychologue.
2.5. Aspects de la commande et de la demande de recrutement
Les concepts de commande et de demande sont distincts mais
liés : l’activité de recrutement nous amène à réaliser ce que Dubost
(1987) nomme « transformer la commande en demande » : il s’agit de
dépasser la demande initiale formelle et contractualisée sous la forme de
la commande pour atteindre ce qui mobilise réellement les demandeurs.
Des entretiens approfondis permettent de « renseigner sur la nature du
besoin » (Ferrieux et al., 2004, p.59). Dans cette organisation, la nature
des demandes singulières s’avère parfois plus stratégique et implicite que
« fonctionnelle ou objective » (Ibid., p.58). En effet, la demande de
recrutement contient ici des aspects privés et discriminatoires décrits
précédemment qui relèvent de l’organisation familiale de la TPE. Mais le
recrutement constitue aussi un « choix politique » (Ferrieux et al., 2004,
p.57), réclamant la mise en œuvre de compétences de négociation entre
l’employeur et le psychologue : une posture singulière du rôle du
psychologue comme conseiller en recrutement intègre pour nous ces
composantes politiques pour devenir plus performante. Or, tout l’intérêt
heuristique de l’analyse de la demande initiale est de pouvoir dégager une
position tierce et de rupture (Desonnay, 2008), entre l’acceptation de la
discrimination, inacceptable pour des raisons déontologiques et le rejet
catégorique la demande, au risque de provoquer l’exclusion du conseiller
lui-même.
3. L’étude de cas : analyse graduelle et contextuelle de la demande de
recrutement
3.1. Méthodologie
L’étude de cas procède ici à une analyse de la situation de
travail de l’intervention de conseil en recrutement. Nous parlons sur le
plan méthodologique comme « praticien-chercheur » (Albarello, 2003,
p.20). Nous ne considérerons ici que la phase préparatoire du
recrutement, constituée d’entretiens semi-directifs autour du profil
souhaité de recrutement. L’intervention de conseil en ressources
humaines comprend « trois pôles » (Lemoine, 2003, p.91) :
1. les demandeurs, ici les recruteurs, (appelés la source et
assimilée à la direction de l’entreprise),
2. le personnel (ici recruté),
Didier Desonnay, Georges Masclet & Catherine Demarey
PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
190
3. le conseiller extérieur (ici le psychologue du travail en activité
de conseil).
Les indicateurs reposent dans les transformations de la demande
initiale de recrutement. Nous procédons à des observations d’indices
conduisant à formuler des hypothèses pouvant permettre des vérifications
empiriques ultérieures.
3.2. Des entretiens préparatoires et des premiers indices
Toute mission de recrutement suit une méthodologie par étapes :
la première vise à affiner le profil professionnel attendu après la tentative
jadis interrompue de recrutement. Il est recherché ici un(e) secrétaire de
direction disposant de connaissances de base ou plus approfondies en
comptabilité ; un accent est posé sur la capacité à s’auto-organiser et à
travailler seul(e).
Monsieur D. a préféré nous rencontrer seul d’abord. Nous avons
accepté provisoirement ce « dispositif et cadre de travail » (Rouchy et
Desroche, 2004, pp.54-58) mais insisté sur la nécessité de rencontrer
Madame D. ultérieurement. Cette demande singulière révèle déjà des
indices : des indices de lieu, de temps et de présence des personnes.
L’approche clinique procède par l’identification et l’interprétation
d’indices. L’indice renseigne en logique sur la présence vs l’absence du
référent (Eco, 2001, pp.50-57) : nous interprétons ici les indices sur la
présence d’une demande dissimulée et l’absence de demande claire.
3.3. Une demande initiale de discrimination physique.
Monsieur D. déclare qu’il désire engager de préférence
« une femme pas trop jolie » (cité). Nous sommes confrontés ici à une
double discrimination : sexuelle et physique, révélant combien l’influence
de l’apparence physique en recrutement est « choquante mais effective »
(Desrumaux-Zagrodnicky et Masclet, 2004, p.7). Nous adoptons une
posture de compréhension face à la révélation mais expliquons ne pas
pouvoir traiter la demande de la sorte. Nous enquêtons sur les raisons qui
poussent le demandeur à une telle énonciation. Monsieur D. déclare alors
que son épouse est son ancienne stagiaire en comptabilité. Il argumente
ainsi la jalousie de son épouse face à une collaboratrice séduisante. Il
procède à la suite à une « information sur soi » (Lemoine, 2003, p.162) :
il se déclare « faible » (cité) face au charme féminin.
Le psychologue du travail comme conseiller extérieur réalise un
diagnostic de situation avec les personnes. Mais on constate ainsi un
renversement de la démarche d’« évaluation des personnes à l’analyse
Didier Desonnay, Georges Masclet & Catherine Demarey
PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
191
des situations » (Lemoine, 2003, p.48) : ici, c’est la réévaluation de la
situation qui permet d’évaluer la personne.
On remarque que Monsieur D. procède à une évaluation
cognitive de la situation sous forme de généralisation de l’expérience
vécue : la dimension de sujet de la collaboratrice future semble gommée.
Nous pointons ici la dimension clinique de l’entretien de recrutement, sur
laquelle la littérature en psychologie du travail n’insiste peut-être pas
toujours assez. Les théories du contrat abordent certes la communication
de recrutement comme structure implicite de transactions langagières
(Bromberg et Trognon, 2004, pp.157-172) mais éclairent peu les
contenus implicites et singuliers de ces entretiens.
3.5. Agir sur le cadre et conserver l’objectif professionnel de
recrutement
Le processus cherche à connaître l’avis de Madame D. en
agissant sur trois leviers. Le premier est de réorienter la consultation vers
son objet de recrutement : il serait irrationnel de se passer a priori
d’un potentiel insoupçonné de compétences. Le second levier est d’agir
sur le cadre en confrontant d’autres logiques. Le troisième levier revient à
complexifier la situation car le conseil en psychologie des organisations
inclut d’autres logiques que la logique « scientifique et technique »
(Lancestre, 2000, p.207). La confrontation des logiques permet
l’enrichissement du profil de recrutement.
Madame D. centre l’entretien davantage sur ses aspects
professionnels et révèle qu’elle a engagé déjà de nombreuses
collaboratrices, comme responsable à l’hôpital. Nous exploitons ces
nouvelles ressources pour professionnaliser le recrutement et établir
des objectifs centrés sur l’identification des compétences par davantage
de « critères et prédicteurs » (Steiner, 2004). En se dégageant de l’unique
posture experte préalablement confiée, on obtient ainsi des résultats
différents et un rééquilibrage des transactions en gestion des ressources
humaines, plus éloignés des « excès de la vision procédurale de
l’organisation » (Lancestre, 2000, p. 217). Ces rééquilibrages ou
régulations de l’activité de recrutement permettent de dégager une
situation plus professionnelle basée sur l’intégration de critères de
compétences et au-delà de la situation initiale basée sur des critères de
jugements. Nous arrêtons ici la description du processus de recrutement
pour nous interroger sur les conséquences des réajustements apportés à la
demande initiale de discrimination.
Didier Desonnay, Georges Masclet & Catherine Demarey
PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
192
4. Les effets de la transformation de la demande initiale de
recrutement
Nous montrons ci dessous que la transformation de la demande
initiale depuis la discrimination proposée vers l’intégration de critères
plus professionnels au recrutement réajuste les trois pôles de
l’intervention nommés par Lemoine (2003, p.91) : « la source, le
personnel, le conseiller ».
4.1. La source de la direction : les demandeurs, ici recruteurs
Les réorganisations de ce pôle concernent les niveaux individuel
et dual, le couple. L’expérience significative d’être écouté conduit
Monsieur D. à l’auto-apprentissage (Lemoine, op.cité). L’activité de
recrutement a conduit Monsieur D. à parler de soi. L’entretien d’analyse
de la demande de recrutement réclame de plus l’identification attentive
d’indices de l’implicite en psychologie du travail comme « science de
l’observation » (Lemoine, op.cité, p.77).
Madame D. mettra en œuvre des compétences professionnelles
non affirmées au début du processus de recrutement. Le cadre installé par
le consultant devrait constituer une rupture avec la situation originale,
sous risque d’être inféodé à la demande sociale et d’être instrumentalisé,
et afin de préserver une épistémologie propre aux sciences humaines
(Floris, 2005). Or, toute volonté de rupture avec le contexte suppose pour
nous la condition remplie d’avoir identifié suffisamment ce dernier, ici la
TPE familiale. La rupture ne qualifie t’elle pas de plus la posture
scientifique et donc la posture du psychologue comme scientifique ?
L’analyse de la demande chercherait donc à s’affranchir au préalable du
demandeur. Mais la dualité du couple ou la dyade ne peut être confondue
en psychologie sociale avec les monades de Monsieur et Madame D. (De
Visscher, 2001, pp.42-43). La réévaluation intra-individuelle de la
situation produit aussi des combinaisons interpersonnelles duales
nouvelles par le couple d’aspects de la situation mal appréciés. Monsieur
déclare avoir souhaité une candidate au physique jugé peu attractif en
anticipant les réactions jalouses de son épouse alors que cette dernière
accordait en réalité peu d’importance à cette variable. Une activité de
recrutement en entreprise familiale peut confronter aussi des positions et
clarifier des malentendus privés.
Didier Desonnay, Georges Masclet & Catherine Demarey
PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
193
4. 2 Le pôle du personnel : l’enrichissement du profil recruté.
Le pôle du personnel constitué ici des profils futurs de
recrutement est aussi réajusté : le recours à des méthodologies
professionnelles en ressources humaines permet de dépasser la demande
initiale de discrimination. Nous résumons plusieurs moyens adoptés pour
décrire l’activité réelle du psychologue du travail et des organisations
face à une demande délicate. Premièrement, le psychologue adopte une
position tierce, entre acceptation et refus catégoriques de la demande
initiale. Deuxièmement, il confronte des points de vue divergents.
Troisièmement, il ne juge ni la situation de départ ni les acteurs.
Quatrièmement, il identifie et interprète des indices de situation.
Cinquièmement, il traite des données spécifiques du contexte de
l’entreprise familiale, de frontières ténues entre le privé et le
professionnel. Enfin, il participe à faire co-élaborer un référentiel de
recrutement commun, dépassant les profils individuels initiaux.
Il en résulte une recherche de candidats basée sur des critères révisés et
plus professionnels, au-delà des critères émotionnels et privés du
recruteur, pour rappel : une anticipation de sa propre faiblesse face aux
femmes et la jalousie de sa femme face à une jolie collaboratrice.
4.3 Le pôle du conseiller, le psychologue du travail
Ce pôle a connu aussi des transformations : se dégager de
l’initiale position d’expert du début de la mission, par la prise en compte
progressive d’éléments cliniques de la demande de recrutement. Dans une
conception du langage propre à Vygotsky (In Clot, 2002, pp.60-62), les
discours et cadre de la demande de recrutement constituent une fonction
de « médiation, apprentissage et développement ». Le changement de
posture permet de davantage co-élaborer le profil de recrutement, comme
recommandé par la psychologie du travail, et de dégager ainsi une
singularité de rôle du psychologue en recrutement.
.
5. Pour une approche complexe de l’analyse de la demande de
recrutement
La littérature sur l’analyse de la demande de recrutement
privilégie souvent ses dimensions opérationnelles et explicites. Nous
mettons en évidence dans cette étude les avantages d’une approche
clinique et contextuelle.
Didier Desonnay, Georges Masclet & Catherine Demarey
PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
194
5.1 Des données de contexte à intégrer
Nous montrons que la configuration organisationnelle singulière de
la TPE familiale s’exprime dès la demande initiale de recrutement : son
analyse réclame donc la ré-inscription du contexte. En conséquence, le
recrutement comme communication pragmatique ne peut faire l’épargne de
l’étude de son contexte d’énonciation (Kerbrat-Orecchioni, 1990, 1994),
pour un risque diminué d’échec du recrutement.
5.2 Des demandes implicites à traiter.
Les dimensions cliniques et implicites de la demande de recrutement
s’organisent entre autres dans des indices d’espace, de temps et d’analyse
propositionnelle, présents dès la première rencontre. L’observation de la
présence d’indices révèle que le contexte initial d’énonciation désiré par le
demandeur abritait des demandes implicites : parler en toute liberté pour
révéler sa faiblesse perçue. Les demandes implicites sont pour nous des
éléments significatifs dans le recrutement lorsque ce dernier est envisagé
comme activité d’entretien. On dégage là des espaces revus sur les limites de
l’entretien de recrutement et ouvre la piste à des « entretiens situationnels »
(Ferrieux, Laberon, Bruchon-Schweitzer, 2004, pp.61-62) appliqués aussi
dès la demande de recrutement. Nous argumentons pour la prise en compte
des dimensions informelles des organisations (Lemoine, 2003, p.60).
5.3. La demande de recrutement nécessite des méthodes croisées.
La demande de recrutement révèle ainsi le « système-client »
(Dubost, 1987, p.190) et dégage autant de leviers d’intervention pour le
conseiller extérieur défendant une psychologie du travail « des différences »
(Ibid., pp.183-278).Les dimensions clinique, systémique et technique en
ressources humaines appliquées au recrutement révèlent ici l’intérêt de
« démarches croisées, complémentaires, qui s’appuient sur une
multiméthodologie » (Lemoine, 2003, p.107) et pour mieux faire émerger la
« dimension socio-affective du travail » (Brangier, Lancry, Louche, 2004,
p.23).
5.4. Entre l’acceptation et le rejet de la demande de discrimination :
une voie tierce.
L’étude de cas éclaire sur l’opportunité que la demande de
recrutement peut receler. La littérature sur l’intervention, ici de recrutement,
est unanime sur le fait que les processus « ne peuvent s’engager sans avoir
Didier Desonnay, Georges Masclet & Catherine Demarey
PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
195
consulté responsables et acteurs concernés » (Brangier et al., 2004, p.30)
mais reste parfois frileuse sur les frontières de cette consultation. Nous
voyons que les frontières du recrutement sont conformes ici aux limites
ténues entre professionnel et privé qui caractérisent une TPE familiale. Ces
limites engagent les axiomatiques, illustrant combien l’intervention de
conseil en psychologie des organisations est une « rencontre impliquante »
(Lancestre, 2000, pp.211-213) et illustrant aussi des « nouvelles voies de
recherche et d’intervention centrées notamment sur les processus
relationnels » (Brangier et al., 2004, p.18).
Une opportunité de posture singulière de psychologue du travail
réside pour nous dans le « tiers intervenant » (Jorand, 2005, p.45) : il échappe
ainsi à la normativité lorsqu’il agit comme conseiller en ressources
humaines. Nous introduisons là une posture intermédiaire, entre la
compréhension inconditionnelle et bienveillante assimilée à la psychologie
clinique et le refus parfois défensif de la mission de recrutement pour raisons
déontologiques. L’espace ainsi élargi d’intervention du psychologue du
travail construit une position de rupture et de « tiers » (Demarey et
Desonnay, 2007, p.101) qu’il est bon de rappeler comme singulière de la
psychologie. Les multiples lieux de tiers de ce cas reposent sur le cadre initial
de consultation réaménagé ; le tiers tient encore dans la ré-élaboration
cognitive et émotionnelle par les sujets des significations attribuées à la
situation de départ ainsi que sur le profil final de recrutement. En
conséquence, nous plaidons pour l’emploi de méthodes qui intègrent les
logiques multiples en matière de recrutement. L’approche contextuelle de la
mission de recrutement mobilise alors conjointement des « méthodologies
d’étude des organisations » (Masclet, 2000) ; le recrutement envisagé comme
situation de travail met en jeu essentiellement trois éléments qui sont la
« tâche, l’agent et le contexte » (Brangier et al., 2004, p.21). Dans cette étude
de cas, nous avons cherché à réimporter l’analyse en profondeur du contexte
spécifique de travail d’une TPE familiale, à l’origine d’une demande de
recrutement.
6. Discussion.
6.1. Des ouvertures.
Nous avons souligné l’intérêt d’intégrer des aspects négligés dans la
littérature sur le recrutement, pour des approches complexes des ressources
humaines. Nous défendons ici une psychologie du « counselling »
(Desonnay et Masclet, 2008a) appliquée à l’analyse de la demande de
recrutement et y adoptons une épistémologie du tiers face aux divers aspects
déontologiques, socio-économiques et techniques en ressources humaines
Didier Desonnay, Georges Masclet & Catherine Demarey
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présents dans le recrutement. Nous avons montré que le « changement de
cadre sert à la (re)construction du cadre » (Hanique, 2005, pp.119-136).
Nous rappelons aussi comment le recrutement est un processus qui
réclame l’engagement de ses acteurs : l’intersubjectivité y est convoquée. Au
départ, la situation pouvait paraître inextricable pour les trois pôles de la
situation professionnelle. Toutefois, la confrontation des subjectivités de ces
trois pôles permet de dégager une situation alternative tierce.
Nous avons illustré l’intérêt d’une multiméthodologie et de
démarches croisées et complémentaires, intégrant la clinique, dans lesquelles
toute intervention du psychologue du travail ici en recrutement est pour nous
encastrée. La littérature laisse parfois beaucoup d’ombre sur les aspects
cliniques et contextuels de l’entretien.
Nous avons illustré également des formes de conseil élaborées selon
le contexte spécifique de l’intervention, nommées « à façon » par Bouchez
(2005), et questionné des espaces revisités en matière d’entretiens appliqués
aux situations de recrutement.
6.2. Des limites et des réponses.
L’expérience n’est pas directement scientifique en psychologie mais
des méthodes « réflexives » (Schön, 1983) sur l’activité professionnelle ainsi
que des méthodologies visant l’ « auto-description » (Lemoine, 2003) ou les
« confrontation croisée et analyse collective » (Fauquet, 2006) sur l’activité
professionnelle sont par contre validées. On considérera alors suffisamment
les limites des données verbales (Lemoine, 1997). Des auteurs en
psychologie du travail se sont positionnés par contre sur la nécessité
de réconcilier terrain des pratiques et approches scientifiques du terrain
(Masclet, 2000) : ces méthodes étudient alors conjointement les
organisations et leurs changements, dans des paradigmes méthodologiques
de la recherche-action. Notre argument majeur est que ce rapprochement
permet de mieux identifier la demande de recrutement et d’éviter des
procédures coûteuses en temps et argent. La présence d’indicateurs visibles
de transformation de la demande initiale de discrimination pour les trois
pôles identifiés répond à la faiblesse principale de la recherche-action, de
parfois privilégier l’action sur la recherche. Une autre limite concerne les
tensions bien connues entre la singularité et la généralisation. Le cadre
restreint de cet article ne répond pas au problème mais nous soulignons
qu’un programme plus vaste de recherche dégage alors des formes
invariantes de la demande d’intervention, alors saisie comme « heuristique »
(Desonnay et Masclet, 2008b).
Didier Desonnay, Georges Masclet & Catherine Demarey
PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
197
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PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
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Une méthode de recrutement rigoureuse pour
l’admission en écoles professionnelles
A rigorous method of recruitment for admission to the
vocational schools
Philippe Wallon* & Charles Mottier**
*Psychiatre, Chargé de recherche INSERM, 12 rue de Versailles, 78470 Saint
Rémy lès Chevreuse, [email protected]
** Psychologue, Sélection & Conseils, 5, Chemin du Canal, 1260 Nyon, Suisse,
Résumé
Les méthodes de recrutement font rarement l’objet d’une validation statistique.
Or, la diminution des coûts de l’informatique permet d’utiliser l’ordinateur
comme moyen unique lors d’épreuves de présélection. Pour répondre à des
écoles professionnelles de Genève, l’un de nous (Ch. Mottier) a mis en place une
mesure des aptitudes à l’aide de tests psychotechniques, informatisée depuis 12
ans. Une étude sur 550 sujets a confirmé leur capacité à prévoir le succès des
études et l’efficience professionnelle. L’an dernier a été ajoutée une épreuve avec
un stylo numérique et un logiciel “ELIAN” (Ph. Wallon, M. Jobert) d’analyse
dynamique du tracé (FCR, écriture), pour mesurer les attitudes des candidats.
Cette épreuve, corrélée avec la précédente, a permis une bonne prévision des
sélections finales.
Summary
The recruitment methods are seldom validated. The data processing cost
reduction allows considering the computer as a possible unique mean of pre-
selection. At the request of vocational schools in Geneva, one of the authors (Ch.
Mottier) developed a measurement of the aptitudes using psycho-technical tests,
which was computerized for the last 12 years. A study on 550 subjects confirmed
its capacity to forecast success during the studies and vocational efficiency. In
2008 was added a graphical test using a numerical pen and a software
(“ELIAN”; Ph. Wallon, M. Jobert) measuring the dynamic characters of the
drawings (RCF-A, writing) and giving information on the attitudes. This test
appeared correlated with the previous tests and allowed a good prediction of the
final recruitment.
Mots-clés : Présélection, école professionnelle, Figure complexe de Rey,
écriture, informatique.
Key-Words: Pre-selection, vocational school, Rey Complex Figure, writing,
data processing.
Philippe Wallon & Charles Mottier / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
200
1. Introduction
Après les études secondaires, l’adolescent doit se former. Il a le choix
entre de multiples écoles et Facultés. Le choix est souvent aléatoire
concernant les différentes formations qui s’offrent Certes la réalité
professionnelle pourrait l’orienter vers certaines options, mais ses
potentialités personnelles sont-elles adaptées à celles-ci ? Quel est, parmi
les établissements qui le tente, celui dans lequel il a les capacités de
mener à bien les études ?
Pour répondre à la nécessité d’une sélection, deux options sont
généralement proposées au candidat : l’absence de tout tri a priori laisse
aux examens de fin d’année le soin d’opérer un choix parmi les
candidats ; mais, ce faisant, on leur fait perdre un an, voire deux ou plus.
Cela représente une perte d’argent considérable, pour ces étudiants et
leurs familles, mais aussi pour la société quand les études sont prises en
charge par l’État. L’autre option est un examen d’entrée, composé
généralement d’une épreuve écrite, avec un contrôle des connaissances et,
le cas échéant, un oral. Cet examen peut aussi être composé de tests
psychologiques, assortis d’entretien(s).
Cependant la validation de telles méthodes n’est généralement pas faite.
La plupart des épreuves (écrites ou orales) mettent en jeu tant de
paramètres qu’il est matériellement impossible de les évaluer. En outre,
même si cela était possible, il faudrait encore définir la méthode qui
permettrait de tester la pertinence, globale ou individuelle, de ces
paramètres.
L’un de nous (Charles Mottier) a mis au point une méthode de sélection
et de recrutement informatisée de présélection et de sélection dont les
éléments ont été validés. La procédure actuelle est le résultat de
nombreuses passations d’examens psychotechniques et de validations dès
1965. Les tests type papier-crayon ont été informatisés depuis douze ans
et ont permis des évaluations précises des méthodes employées.
Le second des auteurs (Philippe Wallon) utilise depuis de
nombreuses années les stylos numériques (table à digitaliser ou
technologie « Anoto ») et a développé avec un informaticien (Matthieu
Jobert) un logiciel, « Elian » (acronyme d’« Expert Line Information
Philippe Wallon & Charles Mottier / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
201
ANalyser »41
) qui analyse divers tracés, tels que le dessin de personnage
chez l’enfant, l’écriture chez l’adulte, et les Figures de Rey (A et B) chez
les uns et les autres.
Le rapprochement de ces outils a permis d’élaborer une méthode
rigoureuse pour l’admission en écoles professionnelles.
2. Méthodologie
2.1. Tests psychotechniques
2.1.1 Méthode de sélection en Suisse
En Suisse, la sélection des candidats ne peut s’effectuer sur la base d’une
évaluation des connaissances, car ce serait doubler les examens
académiques. Il faut donc utiliser des épreuves spécifiques. La finalité de
la présélection consiste à ne retenir qu’un nombre de candidats limité, et
fixé par les écoles de formation au double (parfois au tiers) du nombre de
places offertes. Plusieurs HES42
de Suisse Romande et diverses écoles
professionnelles nous43
ont confié leur mandat de présélection, estimant
ainsi offrir l’objectivité de traitement dans la gestion des candidatures.
Nous avons été également appelés à participer activement à la sélection
proprement dite des candidats en collaborant aux entretiens et en
organisant divers travaux de groupe dans le but de fournir un classement
final des candidats.
Pour la présélection, le classement est établi selon les 4 ou 5 paramètres
que nous avons mis en place, chaque candidat obtenant un classement par
paramètre. Le classement final est donc calculé sur la moyenne de ces 4
ou 5 classements partiels. Pour la sélection, d’autres paramètres sont pris
en considération, en complément des données de la présélection.
41
Le logiciel « Elian » a été développé par Matthieu Jobert, informaticien, sur les
conseils de Philippe Wallon. Cf. le site « http://www.seldage.com » où l’on peut,
en particulier, télécharger une version gratuite d’évaluation du logiciel. 42
Hautes Écoles Spécialisées 43
Charles Mottier et ses collaborateurs, regroupés sous la dénomination
« Sélection&Conseils » (SARL) ainsi que leur informaticien Eric Tschumi. Site
Web : www.selectionetconseils.ch
Philippe Wallon & Charles Mottier / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
202
2.1.2. Procédure de présélection
Les paramètres de la présélection qui ont été développés sont les
suivants :
- activités cognitives : test de logique abstraite (de type « mosaïque »),
test de logique concrète, test d’apprentissage mnésique, test de
concentration soutenue et, selon les professions, test de représentation
spatiale.
- ressources émotionnelles : test d’imagination (interprétations de dessins
d’A. Rey) et reconnaissance d’expressions pour toutes les filières. Selon
les filières, s’ajoutent d’autres épreuves : associations libres, vidéo,
dessins imposés ou libres. Certaines écoles exigent une rédaction, traitée
comme paramètre supplémentaire.
- attitudes personnelles et attitudes professionnelles (motivations) : il
s’agit d’un questionnaire de 300 questions : 160 questions concernent 9
facteurs de personnalité, identiques pour tous les candidats aux
professions paramédicales, et 140 questions concernant les motivations
sous forme de 6 facteurs qui sont chaque fois spécifiques à chaque
formation.
Pour les écoles professionnelles, non-paramédicales, nous disposons en
outre de questionnaires spécialisés.
La passation des épreuves, d’une durée de 2h1/2 à 3h s’effectue sur
ordinateur (« PC-compatible »), auxquels peuvent s’ajouter divers
travaux écrits n’excédant pas une heure. La mise à disposition
d’ordinateurs de l’Université de Genève permet d’examiner jusqu’à 500
candidats par jour (par classe de 24 « PC »).
Le dépouillement des tests et le traitement des résultats sont entièrement
informatisés : le programme établit les distributions des fréquences (selon
le sexe), donne automatiquement les barèmes, effectue le centilage pour
chaque sujet et pour chaque test ou chaque facteur et calcule les
moyennes des centiles par paramètre en tenant compte des coefficients
éventuels (rentrés manuellement dans le programme) ainsi que le rang
occupé par chaque sujet par paramètre et le rang final. Il établit un
psychogramme de toutes les données qui peut être imprimé (voir plus
loin). Il calcule automatiquement toutes les inter-corrélations entre les
épreuves (ce qui permet une ultime vérification) et pour le questionnaire
de 300 questions. Il met à disposition les fichiers statistiques pour les
tests alpha de Crombach, permettant ainsi une mise à jour continue des
données. Il fournit enfin automatiquement la liste alphabétique et par
Philippe Wallon & Charles Mottier / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
203
ordre de réussite de tous les classements (rangs partiels et rang final de la
présélection).
Parallèlement le programme informatique présente une fiche
récapitulative à l’intention des commissions d’admission de chaque école
et destinée également aux candidats qui n’ont pas été retenus ; cette fiche,
accompagnée de deux pages explicatives, est soit envoyée par l’école
avec la lettre de refus, soit directement par Internet par nos soins (voir
annexe 2). Il est proposé un entretien complémentaire pour des candidats
qui souhaitent des compléments d’information ou des conseils (environ 7
% à 10 % de candidats recourent à cette opportunité)
2.1.3. Procédure de sélection
La procédure de sélection est l’apanage des écoles ; elle se fait avec ou
sans notre aide. Elle s’adresse donc uniquement aux candidats retenus à
la présélection. Elle comporte généralement :
- un ou deux entretiens individuels (avec système de notations permettant
d’attribuer des rangs),
- une appréciation chiffrée d’une autobiographie envoyée généralement
avec le dossier d’inscription,
- et, selon les écoles, divers travaux de groupe de 6 à 12 candidats
comportant des activités psychomotrices, corporelles et relationnelles.
Les écoles établissent un rang final de sélection en tenant compte ou non
du classement final de la présélection et en introduisant des coefficients
selon leurs spécificités.
Les candidats non-retenus reçoivent, avec la lettre administrative, la fiche
récapitulative de la présélection. Ils ont la possibilité de s’inscrire pour un
entretien psychologique accompagné ou non du responsable de filière. Il
leur est offert la possibilité d’un recours administratif (en 2008, 3 recours
seulement pour un millier de candidats ont été enregistrés). La rareté des
recours est certainement due à l’objectivité de traitement des candidatures
et à la conception de la batterie des examens dans lesquels les candidats
« se reconnaissent » et peuvent faire preuve de leurs caractéristiques dans
de très nombreux domaines et sous des formes d’examens très
différenciés.
Philippe Wallon & Charles Mottier / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
204
2.1.4. Validation des procédures
La validation des procédures de présélection et de sélection s’effectue
généralement en automne de l’année suivante lorsque les écoles disposent
de notes scolaires suffisantes ; elle peut être poursuivie tout au long de la
formation ; certaines écoles acceptent une séance spécialement consacrée
à la validation des élèves (méthode des juges multiples) selon leur
« valeur professionnelle » qui peut être différente de leurs notes scolaires.
Cette procédure, fruit de l’expérience, a fait ses preuves, le taux d’échecs
ou d’abandons étant extrêmement faible : 6,5% sur 3 ans selon l’étude
portant sur plus de 500 élèves HES, soit 2 à 3 % par année. Il est à
signaler que les 80% des élèves ayant abandonné leur formation avaient
fait l’objet de réserves psychologiques au moment de l’admission.
Une récente analyse sur 550 dossiers a ainsi montré une corrélation très
significative entre les données psychologiques et la réussite dans les
études. Si l’autobiographie faisait preuve d’un bon « pouvoir pronostic »,
il n’en était pas de même pour les entretiens : l’entretien est corrélé
positivement avec la réussite de la première année, la corrélation devient
nulle en seconde année, puis négative dès la troisième année d’études.
Cela n’a rien d’étonnant car contrairement aux données fournies par les
tests psychologiques, l’entretien constitue une situation où jouent
d’innombrables facteurs, dont beaucoup ne sont pas contrôlés, ni
pertinents pour un exercice professionnel – comme la présentation du
candidat, c'est-à-dire son aptitude à séduire l’examinateur influencé
« malgré lui » par le savoir-faire et le savoir paraître, sans parler de
l’absence de formation à l’entretien de certains examinateurs.
2.1.5. Mesure des aptitudes et attitudes
Cette méthode comporte un certain nombre d’épreuves psychotechniques
assez habituelles dans le but d’évaluer les aptitudes du sujet, mais elle a
mis en évidence les attitudes, principalement à travers deux types
d’approche :
- des épreuves écrites, soit un test d’associations libres ou des épreuves de
dessins, mais surtout à l’aide du test d’« Interprétations de dessins »
d’André Rey qui, en plus d’une appréciation du niveau de la pensée
intuitive, offre un vaste champ d’attitudes projectives ;
Philippe Wallon & Charles Mottier / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
205
- un questionnaire de 300 questions (sur le modèle du MMPI) visant à
objectiver des attitudes personnelles et motivationnelles.
Cette approche a permis d’effectuer des pronostics fiables de réussite
scolaire et professionnelle. Par contre, la pratique nous a montré qu’un
petit nombre de sujets (que l’on estime, selon les écoles, aux alentours de
10 %) n’obtenait pas le classement attendu au niveau des entretiens et des
travaux de groupe, manifestant objectivement des attitudes que les tests
n’avaient pas révélées.
Cette divergence peut être expliquée par l’approche
« cérébralisée » que nécessitent les tests, l’influence probable de certains
facteurs culturels, sans parler de l’ »effet artificiel » que crée la passation
de tout test.
La question se posait alors de savoir s’il n’existerait pas une
approche des attitudes qui soit plus directe et « naturelle » afin de
mesurer objectivement les réactions et conduites comportementales et
émotionnelles, d’où l’idée de recourir aux possibilités offertes par le stylo
numérique et ses enregistrements d’activités psychomotrices fines, en
faisant l’hypothèse qu’elles pouvaient être révélatrices des attitudes.
2.2. Recueil, enregistrement et méthode d’analyse des tracés
2.2.1 Le stylo numérique et le logiciel « Elian »
Deux types de tracés sont utilisés ici : la Figure complexe de Rey
« A » (ou FCR) et une épreuve d’écriture « la terre est ronde » également
mise au point par André Rey ; ce dernier test a été proposé en demandant
d’écrire le plus vite possible, et ceci durant 90 secondes, au lieu des 60
habituellement requises, pour rendre l’épreuve plus sensible
Les tracés sont recueillis grâce un stylo numérique, de système
« Anoto », se présentant sur le plan pratique comme un gros stylo de la
taille d’un « Mont Blanc ». Le papier utilisé est recouvert d’une trame, si
fine qu’elle apparaît à l’œil nu comme une couleur grise très claire
uniforme. En fait, cette trame est imprimée (en noir) grâce à un
algorithme mathématique qui répartit de minuscules points sur la feuille,
d’une manière très spécifique. Ces points sont lus par la caméra
infrarouge dont est équipée le stylo, à la manière d’un « code barre », ce
qui permet un repérage très précis de la pointe traçante du stylo sur la
feuille.
Philippe Wallon & Charles Mottier / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
206
Le stylo enregistre ainsi en continu la dynamique des traits sous
forme d’une suite de coordonnées x, y, ainsi que des pressions
instantanées. Les données sont enregistrées dans la mémoire du stylo (50
à 100 tracés env. suivant le modèle) pour être restituées à l’ordinateur
sitôt qu’il lui est connecté via une base USB.
Un logiciel spécifique « Elian » (« Expert Line Information
ANalyser ») exploite ces données, pour restituer à l’écran la dynamique
du tracé suivant divers modes, et pour fournir nombre des paramètres
chiffrés, tels que les temps (total, de tracé et de pauses), la longueur du
tracé (longueur totale, longueur moyenne du trait), les vitesses (moyenne,
maximale, minimale), les dimensions (largeur, hauteur), les marges
(haute, basse, droite, gauche), ainsi que d’autres paramètres plus
spécifiques pour l’écriture (nombre de traits par ligne, temps pour chaque
ligne (durée totale, durée de tracé, durée de pauses), vitesse par ligne,
nombre de lignes par minute, etc. L’ensemble de ces paramètres a été
exploité en corrélation avec les épreuves psychométriques.
Figure 1 : Le stylo et le papier numériques
Philippe Wallon & Charles Mottier / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
207
2.2.1 Recueil des données
L’ensemble des candidats a effectué la Figure complexe de Rey (ou FCR)
et le test « La terre est ronde ». Pour certaines écoles (éducateurs du jeune
enfant, ergothérapeutes) une troisième épreuve a été rajoutée, consistant
en un test d’inventivité à partir de 4 formes géométriques données.
Le recueil des tracés a été fait à l’aide de 50 stylos numériques de type
Anoto (et de modèle « Logitech 1 »), fournis aux étudiants au cours de la
passation des épreuves. Les deux tracés ont été exécutés à la suite l’un de
l’autre. La FCR a été faite collectivement, aussi la seconde partie
(reproduction de mémoire) a-t-elle été proposée dès que la majorité des
candidats avaient fini la copie. On a laissé les retardataires finir en temps
libre.
Figure 2 : La FCR-A vue par le logiciel « Elian » (tracé fini)
2.2.2 Population examinée
A titre expérimental, 1.100 candidats examinés au printemps 2008 ont été
soumis aux épreuves « Elian », dans la cadre de leur inscription à
diverses écoles paramédicales de Suisse Romande44
. Aucune donnée
44
Il s’agissait d’ambulanciers, physiothérapeutes, ergothérapeutes, diététiciens,
hygiénistes-dentaires, sages-femmes, assistantes de médecin, à des écoles
Philippe Wallon & Charles Mottier / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
208
enregistrée par Elian n’a été prise en compte dans la procédure habituelle
de la présélection et de la sélection des candidats.
2.2.3 Méthode d’analyse des données
Dans un premier temps, il avait été proposé une approche qualitative :
pour la FCR-A, à partir des types et des caractères du trait et pour
l’écriture, au travers d’une impression générale (surtout la détérioration
de l’écriture en cours d’épreuve). Cette approche, quoique pertinente, n’a
pas été poursuivie pour l’instant et l’on a donné la priorité à une approche
systématique et chiffrée.
Le traitement des données a donc été fait essentiellement sur la base de
paramètres chiffrés calculés par le logiciel Elian. Une première approche
statistique a consisté en un calcul de corrélations entre les tests
psychologiques et les paramètres chiffrés d’Elian. Les premiers résultats
se sont révélés très positifs et vérifiés cliniquement pour l’échantillon
choisi. Les corrélations prises isolément étaient très significatives, mais il
est apparu intéressant de les combiner avec d’autres variables ; on a
obtenu ainsi des valeurs corrélatives beaucoup plus élevées, pouvant
parfois en doubler ces valeurs. Le programme informatisé a alors analysé
systématiquement toutes les combinaisons possibles de toutes les
corrélations qui s’étaient avérées significatives ou très significatives.
Cette seconde démarche a abouti au programme suivant : pour chaque
population de candidats, l’ordinateur a pris en compte chaque variable
des tests psychologiques, au nombre de 25 (10 pour les tests et 15 pour
les facteurs de personnalité et de motivations) puis les a mis en relation
une à une avec les variables Elian :
- Figure Complexe copie : 23 variables,
- Figure Complexe mémoire : 23 variables,
- Écriture (« la terre est ronde ») : 20 variables,
- En outre, pour certaines filières : test d’inventivité (dessin à exécuter à
partir de quelques formes géométriques fournies) : 20 variables
additionnelles.
D’où un total de 71 à 91 variables
Le programme a calculé donc toutes les inter-corrélations, variable après
variable. En fonction des valeurs de significativité introduites dans le
programme, il n’a retenu que les corrélations significatives et très
professionnelles d’informaticiens, de dessinateurs techniques, et à des
apprentissages tels que laborants en chimie et en biologie
Philippe Wallon & Charles Mottier / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
209
significatives. Il a alors récupéré les résultats des sujets pour les variables
retenues, additionné leurs performances individuelles, recalculé les
corrélations et passé en revue toutes les permutations possibles afin
d’obtenir la combinaison qui offrira la corrélation la plus élevée. Le
nombre de variables finalement retenues peut varier généralement jusqu’à
8 facteurs.
L’ordinateur a alors appliqué la même procédure de traitement des
données « Elian » pour les tests de présélection afin d’obtenir une fiche
récapitulative qui soit superposable à celle obtenue par les tests (voir le
psychogramme) - ce qui permet en un coup d’œil de comparer les
résultats des tests psychologiques par rapport aux données Elian.
L’étude a été faite indépendamment pour chaque école, ce qui se justifie
dans la mesure où chaque profession nécessite des habiletés et des
attitudes différentes (par exemple, une attitude perfectionniste et
relativement obsessionnelle est positive pour un hygiéniste dentaire mais
négative pour un ambulancier…).
Cette analyse a eu pour propos d’être rigoureusement athéorique, pour
éviter tout biais méthodologique. Elle pourrait être qualifiée d’« opaque »
puisqu’elle ne s’appuie pas sur une théorie psychologique ou graphique
particulière, mais seulement sur des éléments statistiques (corrélations).
3. Résultats
L’analyse montre des valeurs très significatives de corrélations entre les
classements obtenus dans les tests et les classements donnés par Elian
(entre 0.40 et 0.65 selon les populations examinées). Ces résultats
soulignent la bonne correspondances entre les deux approches :on
enregistre, dans un système dichotomique en trois classes (bon-moyen-
faible) un 10 % de « sujets discordants ».
3.1 Présentation des résultats
Les résultats aux tests psychologiques sont représentés sous forme de
divers « psychogrammes » et de tableaux fournissant tous les
classements. La Figure 3 reproduit la « fiche récapitulative » telle qu’elle
est transmise à la commission des admissions et aux élèves qui n’auront
pas été retenus.
Philippe Wallon & Charles Mottier / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
210
Le « camembert » en haut à gauche donne une représentation visuelle des
résultats à l’ensemble des tests dont les 6 tableaux annexés donnent les
résultats détaillés pour chaque épreuve.
Pour comprendre le petit « camembert » qui résume les résultats, voici
trois exemples (Figure 3). De gauche à droite :
- un bon sujet a des chiffres « forts » et donc un grand pentagone.
- un candidat moyen conduit à un polygone de taille plus réduite.
- un mauvais candidat peut présenter, au final, une figure d’une taille
minuscule.
Deux pentagones s’inscrivent dans le « camembert ». L’un (ici le plus
grand) concerne les tests psychotechniques. L’autre montre, selon un
mode de représentation strictement identique, les données Elian. On peut
ainsi superposer les représentations graphiques des deux groupes
d’épreuves. On obtient ainsi une image de synthèse qui nous renseigne
immédiatement sur les aptitudes des candidats (données par les épreuves
psychotechniques) et en même temps sur les attitudes (données par
« Elian ») qui ont pu jouer un rôle facilitateur ou, au contraire un rôle
inhibiteur dans l’exécution de chaque test.
Figure 3 : Trois exemples de « camembert »
Philippe Wallon & Charles Mottier / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
211
Figure 4 : Un « psychogramme »
3.2 Un cas de discordance
On appelle « sujets discordants » ceux qui se situent dans le premier tiers
pour une variable et dans le dernier tiers pour l’autre variable (par
exemple : bons-mauvais ou mauvais-bons). Ces cas de discordances sont
Philippe Wallon & Charles Mottier / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
212
particulièrement intéressants à étudier :
- les candidats qui avaient obtenu un mauvais classement à Elian mais un
bon classement aux tests psychologiques (discordance A), ont été classés,
dans leur majorité, à une mauvaise place aux entretiens de sélection. Cela
montrerait qu’Elian fournit des informations spécifiques que les tests
traditionnels ne mettent pas en évidence, et permet de prévoir, dans une
certaine mesure, le classement final.
- certains candidats ont eu de bons classements avec Elian mais de
mauvaises épreuves de présélection (« discordances B »), mais nous
n’avons pas pu les étudier, car ils ont été, de fait, exclus des épreuves de
sélection.
Figure 5 : Un cas de « discordance A »
Philippe Wallon & Charles Mottier / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
213
Pour alimenter la discussion, prenons un cas de discordance A, ainsi que
le détail des données Elian. Il s’agit d’un candidat hygiéniste dentaire,
population où la corrélation (en rangs) entre présélection et Elian est très
élevée (0.65) pour une population totale de 69 sujets.
Classée 24ème
à la présélection (1ère
pour les motivations) mais seulement
63ème
avec Elian, cette candidate s'est finalement classée avant-dernière
(32ème
) pour l'entretien (mais 8ème
pour l'habileté manuelle). Elle n'a pas
été retenue.
Le dossier psychotechnique paraît très inhomogène, avec de grandes
faiblesses du côté des ressources émotionnelles, et une efficience
médiocre ; les deux autres paramètres sont bons, mais ne compensent pas.
Elian montre, pour la FCR, une copie de type 2 confinant au type 4 ; on a
le sentiment d’une attention soutenue. La mémoire est de type 2, mais il y
a de nombreuses lacunes et erreurs. Quant à l’écriture, elle est
descendante (ce qui pourrait évoquer une personnalité dépressive) et se
dissocie progressivement, devient très irrégulière, à peine lisible. Les
pauses très variables suivant les lignes (grande irrégularité des courbes
statistiques), soulignent une personnalité hésitante. Les vitesses baissent à
la fin de l’exercice, montrant une fatigabilité. La pression est forte.
Les paramètres chiffrés d’Elian montrent, pour la copie de la FCR, une
durée extrêmement longue et des vitesses extrêmement faibles – elles
sont normales pour l’écriture et la reproduction de mémoire.
En conclusion, c’est probablement l’allure dépressive de la candidate qui
lui a nui lors de l’entretien. Quant à ses performances, cette candidate
apparaît méthodique, mais elle devient lente face à une tâche inhabituelle.
Elle serait peut-être au maximum de ses facultés.
4. Discussion
4.1 Une économie de moyens
Cette méthode de passation présente un certain nombre
d’avantages. Par rapport à la passation habituelle de tests papier-crayon,
le travail sur ordinateur offre un nombre très appréciable d’avantages.
Elle permet la simplification de la passation : on remplit les salles au fur
et à mesure de l’arrivée des candidats, ce qui entraîne une diminution
marquée du stress chez les candidats tout comme le fait de se retrouver
devant un ordinateur (ils sont « dans leur bulle » disent-ils). On obtient un
Philippe Wallon & Charles Mottier / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
214
gain de temps (et donc d’argent) considérable, la correction des
documents, le traitement des données et l’élaboration des résultats se
faisant automatiquement. En outre, on fait une sérieuse économie de
papier et on réalise une grande simplification d’archivage (des kilos
d’archives papier se résumant dans des clés USB). Internet permet la
transmission directe des résultats aux candidats pratiquement sans frais et
en un temps record. Les candidats font plus confiance aux données de
l’ordinateur qu’aux corrections manuelles. De surcroît, le recours à
l’informatique permet d’enrichir une batterie de tests en les rendant plus
attractifs et en bénéficiant de techniques modernes comme, par exemple,
des séquences vidéo.
4.2. Rigueur dans la présélection des candidats
Une telle modalité de présélection peut cependant étonner le lecteur
français, même concernant des candidats à un établissement
d’enseignement supérieur (après les études secondaires).
Tout d’abord, des questions se posent sur la nature des épreuves, qui ne
sont pas constituées de tests connus et éprouvés, mais seulement inspirés
par eux. En effet, dans certaines écoles françaises (telle l’École de
psychologues praticiens), il existe une sélection à l’entrée, mais celle-ci
repose exclusivement sur des tests authentiques, validées
universellement. En Suisse, et plus particulièrement à Genève, le testing a
été marqué par l’approche d’André Rey, successeur de Claparède, et qui a
créé un très grand nombre de tests cliniques (voir bibliographie) que nous
avons repris en partie en les adaptant à la situation de sélection et en
devant répondre aux exigences des écoles, en sachant qu’elles interdisent
le contrôle des connaissances académiques. En outre, on a considéré que
ces épreuves ainsi que les mesures de validation continue, mises sur pied
pour les soutenir (par le moyen de complexes calculs de corrélation)
valaient tout autant, dans le contexte précis où elles s’exerçaient, que les
mesures effectuées pour les tests « officiels ».
En second lieu, le psychologue français et même le professionnel,
partie prenante dans une école (ou une formation), peuvent être surpris
qu’on fasse appel à l’informatique pour recueillir ces données. Cela peut
le surprendre, voire le gêner. Il faut tenir compte du contexte très
pragmatique de la Suisse où ceux qui financent les études veulent
s’assurer au mieux de la réussite de l’étudiant. En recourant au traitement
informatisé des données, le psychologue économise un temps
considérable de correction et de traitement statistique des résultats.
Philippe Wallon & Charles Mottier / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
215
En outre, la Suisse a su s’équiper de salles comportant un grand
nombre d’ordinateurs, qu’il est possible de louer pour une somme
modique. En France, les écoles devraient bientôt pouvoir bénéficier d’une
même infrastructure.
4.3. Corrélations des données psychologiques et des données
Elian
On peut s’interroger sur la valeur attribuée à un paramètre d’Elian à partir
de sa corrélation avec les données psychologiques.
Pour répondre, il faut tout d’abord remarquer (comme d’ailleurs pour tout
examen quel qu’il soit) l’extrême variété des candidats, même s’ils sont
parmi les premiers ou les derniers. Il n’y a pas de « profil type ». Cela se
comprend quand on examine la manière dont les étudiants sont
sélectionnés. On ne juge pas un candidat sur une seule épreuve, mais sur
plusieurs, de natures souvent très différentes. Cela se justifie par le fait
que toute profession nécessite des qualités variées, qui peuvent autant se
valoriser les unes les autres que s’annihiler ou se compenser. Cette
variété est d’ailleurs le gage d’une adaptation d’un professionnel aux
changements qui interviennent durant toute la durée de son activité, qui
peut s’écouler sur 40 ans et plus.
Le travail en termes de corrélation, fondamentalement athéorique, a pour
propos de dépasser l’extrême difficulté qu’il y aurait à rendre compte de
la signification de chaque paramètre, et surtout à les pondérer d’une
manière adéquate pour s’adapter aux nécessités pratiques, à savoir le
classement final exigé dans les écoles. Le travail en termes de
corrélations constitue donc un moyen pratique d’aborder des notions
difficilement conceptualisables, car résistant à l’analyse (découper un
processus en suffisamment de parts pour être intégralement connues).
En fait, la sélection pour l’entrée dans une école semble difficile à
théoriser, même en se fondant sur les disciplines les plus classiques.
Comment pourrait-on situer un candidat qui serait admis grâce à une
excellente note en anglais, comparativement à un autre qui le serait grâce
aux mathématiques ? Il n’y a pas de rapport de nature entre ces deux
facultés qui entrent, pourtant, dans le calcul de la note finale, et donc de
la place dans le classement. Aucun axe ne peut donc être défini incluant
d’une part la note en anglais, d’autre part celle en physique. Elles sont
fondamentalement indépendantes l’une de l’autre.
Philippe Wallon & Charles Mottier / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
216
Quand on effectue la sélection de candidats, le souci de l’examinateur est
d’avoir la vision la plus précise du sujet, celle qui couvre le mieux
l’ensemble de sa personnalité, pour laisser le moins de paramètres dans
l’ombre, sachant que tout ce qui aurait été oublié pourrait nuire à la
pertinence de l’examen.
Ainsi notre méthode repose sur une analyse statistique, seule à même de
répondre à l’impossibilité d’énoncer des règles (ou régularités) et
d’élaborer une approche théorique. L’analyse statistique constitue, en fin
de compte, un mode d’abord obligé face à la nature du processus étudié ;
il ne peut être formalisé (mise en forme) selon les modes habituels.
L’approche en terme de « complexité » (analyse statistique) reflète donc
un abord différent de la réalité, dès lors qu’elle ne peut être réduite à une
seule variable, ni à un nombre limité de variables indépendantes.
L’analyse statistique fait l’hypothèse d’un nombre de variables
potentiellement non limité.
Certes, en retour, il ne faut pas se laisser leurrer par une analyse
statistique. Il faut la contrôler avec attention, car, du seul fait de son
opacité, elle peut mener à toutes les erreurs. Mais n’en est-il pas de même
avec toutes les observations, surtout en épidémiologie ? Combien
d’études ont amené des résultats paradoxaux, liés à des facteurs
négligés…
Il faut donc craindre les études athéoriques, mais dans certains cas au
moins, comme ici, il ne semble pas qu’on ait vraiment le choix. Ce n’est
pas seulement un pis-aller, mais une contrainte liée à la nature même du
champ de l’étude qui est menée ici.
5. Conclusion
Nous avons donc présenté succinctement une procédure informatisée des
tests utilisée depuis un certain nombre d’années dans le cadre de concours
d’admission à diverses écoles paramédicales et professionnelles de Suisse
Romande, et tout récemment enrichie d’une épreuve graphique
informatisée.
Nous avons illustré ici le rôle que peut jouer l’informatique dans le
domaine de la recherche, en rendant facile l’accès aux données
statistiques ; elle permet ainsi d’effectuer les validations qui s’imposent
par rapport aux tests utilisées et aux stratégies mises en place.
Philippe Wallon & Charles Mottier / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
217
Tout psychologue aura constaté de lui-même qu’il dispose d’un nombre
impressionnant de tests mesurant les aptitudes mais qu’il se trouve
souvent démuni lorsqu’il doit évaluer les attitudes des personnes qu’il
examine (ce problème étant encore plus épineux lors de passation
collective). Grâce aux remarquables possibilités qu’offre le stylo
numérique, nous avons pu concevoir un programme entièrement
automatisé qui donne une image (et des valeurs numériques) de la
« charge émotionnelle » qui se superpose aux résultats de chaque test. On
peut mesurer ainsi de manière objective le rôle facilitateur ou, à l’opposé,
inhibiteur, des attitudes.
6. Bibliographie
Alaphilippe D. (1993), Thomas R., Les attitudes, PUF
Bernaud J.L. et Loss, (1995) Evaluation expérimentale d’une méthode de
restitution de questionnaires d’intérêts, L’orientation scolaire et
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en carrière, Revue européenne de psychologie appliquée, 46, 109-120
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vers une psychométrie « clinique », Actualités psychologiques R., 18
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psychologiques, 12, 1, 85-96
Danis A. et al. (2008), Copie d’une figure complexe et attention exécutive à l’âge
préscolaire, Enfance, 60, 2, 177-194
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année de
l’école des métiers du Valais, IFFP (monographie)
Gendre F., Capel R. (1958), L’évolution de l’outil informatique modifiera-t-elle
la fonction du psychologue conseiller ?, Actualités psychologiques, 4.
Huteau M. (2001), L’évolution des intérêts professionnels, Revue de Psychologie
Française, 46, 3, 259-266
Larcebeau S. (1982), Intérêts, valeurs et choix professionnel, L’orientation
scolaire et professionnel, 4, 341-354.
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psychologiques, 18
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psychologique, Delachaux et Niestlé (5 vol.)
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chercheurs-praticiens, Genève, p. 46-47
Mottier Ch. (1975), Valeur prédictive de l'examen psychologique dans le cadre
Philippe Wallon & Charles Mottier / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
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Segal Z. et Duron (1996), Système informatisé d’aide à l’évaluation et à
l’orientation scolaire et professionnel, Paris, ECPA
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complexité, Ramonville Sainte-Agne, Érès
Pascale Desrumaux, Sabine De Bosscher & Véronique Léoni / PTO – vol 14 – n°3 Numéro spécial recrutement - N° 1
Première Annonce
L’Association Internationale de Psychologie du Travail de Langue Française
- A I P T L F -
avec le soutien du
Conseil Régional du Nord –Pas-de-Calais
organise son XVIème Congrès
Le Travail dans tous ses États
Lille, du 6 au 9 juillet 2010 Palais de la Musique
Place du Nouveau Siècle
Première annonce et appel à communications Propositions à envoyer avant le 30 octobre 2009
www.aiptlf2010.com
PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
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Organisation :
Président du congrès : Georges Masclet
Professeur Emérite des Universités
Présidente du comité scientifique : Pascale Desrumaux
Université de Lille III
Co- Présidentes du comité scientifique : Sabine Pohl
Université Libre de Bruxelles
Anne- Marie Vonthron
Université de Bordeaux II
Président de L’AIPTLF : Claude Lemoine
Université de Lille III
Lieu du congrès Lille, accueillera le XVIème congrès de l’AIPTLF. Cette capitale des Flandres Françaises, devint en 2004 une des « Capitales Européennes de la culture ». Cet évènement l’a replacée sur le devant de la scène française. Réputée pour sa grande braderie de septembre et ses marchés exubérants, son gout de la fête et ses nuits longues, Lille est depuis le moyen âge une capitale industrielle. D’abord cité drapière, elle accueille les tapissiers d’Arras chassés par Louis XI au XVème siècle. Les filatures de coton et de lin s’y développent au XVIIIème siècle mais aussi des industries traditionnelles telles que : l’imprimerie, la mécanique, la chimie, l’agroalimentaire…Depuis sont venues s’ajouter des entreprises de pointe que favorise son riche environnement universitaire très diversifié. C’est aussi un grand carrefour des affaires de par sa situation géographique à la frontière du Benelux, de l’Angleterre et de l’Allemagne. Ses infrastructures : Euralille, sa chambre de commerce et d’industries, sa bourse étayent cette position. Ville riche dans ses relations humaines pour des raisons historiques, géographiques, scientifiques et culturelles Lille se devait donc d’accueillir le congrès de l’AIPTLF. A n’en point douter, par le réel carrefour scientifique qu’il est devenu, ce XVIème congrès devrait apporter à cette grande ville, capitale de la 2ème région de France de par sa population, un véritable creuset de réflexion
PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
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Thématique du XVIème Congrès
Lille est aussi la capitale de la Région du Nord Pas-de-Calais, région bien
connue pour son labeur, sa vitalité et sa convivialité. Quel endroit plus propice
pour accueillir le XVIème congrès de Psychologie du Travail et des Organisations ?
Mais le travail a changé. Les reconversions, les restructurations, les avancées
techniques et les exigences économiques ont à la fois bouleversé, modifié et
remodelé la physionomie des entreprises et des organisations. Dans ce contexte,
que deviennent les hommes et les femmes concernés par ces changements ?
Comment vivent-ils leur relation au travail ? Et que devient la place donnée au
travail ?
Les questions sont nombreuses. Le travail peut être perçu à la fois comme une
nécessité, une contrainte, une aliénation et comme une source de
développement personnel, de mieux être et aussi de créativité et de service
rendu à la société. De la peine car il faut trimer, au gagne pain car il faut manger,
jusqu’au bel ouvrage qui apporte plaisir et fierté, les facettes du travail sont
multiples et vont de la servitude à la réalisation de soi.
Il est dans la logique de la Psychologie du Travail et des Organisations de se
préoccuper des personnes qui sont confrontées à ces questions actuelles et qui
se trouvent dans des organisations où se modèlent les conditions nouvelles du
travail et de l’activité, de la production et de la création.
Le thème retenu est volontairement polysémique : Traiter des états du travail,
des conditions dans lesquelles se trouvent les salariés et ceux qui voudraient le
devenir, analyser les déterminants du bien être et du mal être psychologiques,
mais aussi se demander dans quel état se trouve le travail : est-il en voie de
disparition, de redéfinition, de renouvellement en accordant plus de place à
l’activité choisie ? Examiner les dynamiques du travail, et en conséquence
étudier comment les personnes s’orientent, se forment, s’insèrent dans la
société qui est la leur, tels sont les objectifs de ce congrès.
PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2
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Propositions de communications
Les différentes orientations en psychologie du travail sont les bienvenues :
aspects théoriques et empiriques, recherche et pratique professionnelle,
méthodes quantitatives et qualitatives. Plusieurs formes de propositions sont
possibles : symposium sur un thème précis (rassemblant des personnes
d’organisations différentes), communications individuelles, communications
affichées.
Les propositions devront parvenir au plus tard le 31 octobre 2009 et seront
évaluées par le comité scientifique.
Les propositions de communications sont à envoyer sur le site internet du
congrès, ce qui facilite les échanges et l’organisation. Vous y trouverez le
formulaire et les informations sur la présentation du résumé, ainsi que
l’ensemble des indications sur le congrès.
www.aiptlf2010.com
Thèmes principaux des communications
A partir d’une liste des domaines de la psychologie du travail et des organisations, les auteurs sont invités à situer leurs propositions. Le comité scientifique établira le programme des sessions thématiques en fonction des orientations des communications reçues et acceptées.
Psychologie du travail centrée sur les personnes :
Orientation professionnelle, gestion de carrière, bilans de
compétences
Accès à la formation professionnelle, maintien et réussite en
formation et en apprentissage
Construction de l’identité professionnelle, valeurs et sens donnés au
travail,
Motivation et implication au travail, compétences et performances
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Insertion et exclusion professionnelles
Modes d’évaluation du personnel (recrutement, bilan d’année,
évaluation des projets)
Psychologie des organisations et organisation du travail
Transformations organisationnelles
Styles et méthodes de management
Cultures et climats d’entreprise, situations interculturelles
Organisations décentralisées ou virtuelles
Développement des ressources humaines
Gestion des emplois et des compétences
Equipes de travail
Engagement envers l’organisation
Innovation organisationnelle et autonomie dans le travail
Psychologie du travail et psychologie économique
Les conditions de travail et leurs conséquences
Bien être et mal être psychologiques dans le travail
Stress, violences, harcèlement moral au travail
Prévention et sécurité, santé et maladies professionnelles
Ergonomie du travail et organisation temporelle
Effets de changements technologiques
Mobilité, flexibilité conditions de travail et nouveaux métiers
Les populations en difficulté ou discriminées (handicap, seniors…)
Méthodes scientifiques et modes d’intervention
Méthodes du conseil
Méthodes de recherche sur le terrain
Analyse du travail
Méthodes d’observation et mesures
Statut du psychologue du travail
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Les nouveaux enjeux de la Formation
La Formation et l'intervention
Formation initiale et construction de compétences
Formation tout au long de la vie : quels enjeux pour l'entreprise
La formation comme levier du changement
Les lois sur la formation et leurs apports.
Les propositions hors thème seront examinées par le comité scientifique en fonction de leur intérêt pour la psychologie du travail et des organisations.
A vos Agendas et à vos Plumes…
Pascale Desrumaux, Sabine De Bosscher & Véronique Léoni / PTO – vol 14 – n°3 Numéro spécial recrutement - N° 1
Abonnement
Les demandes d'abonnement sont à envoyer à Claude Lemoine, AIPTLF, Université Lille 3, UFR Psychologie, BP 60149, F 59653 Villeneuve d'Ascq
cedex. Tél.: 03 20 41 69 68
Tarif annuel 2009 (4 numéros de 100 pages environ)
France UE Autres Pays
Papier
Individuels 60 € 65 € 70 €
Etudiants (- de 28 ans, justificatifs)
40 € 45 € 50 €
Institutions 100 € 105 € 110 €
Internet
Individuels 45 € 50 € 55 €
Etudiants (- de 28 ans, justificatifs)
20 € 25 € 30 €
Institutions 85 € 90 € 95 €
Papier +
Internet
Individuels 75 € 80 € 85 €
Etudiants (- de 28 ans, justificatifs)
55 € 60 € 65 €
Institutions 115 € 120 € 125 €
Prix au numéro 25 € (frais de port non compris) Les prix indiqués sont nets (ttc), les frais de virement sont à la charge du client. En
cas de virement étranger, ajouter 10 Euros. Règlement - par chèque à l'ordre de AIPTLF. - par virement bancaire IBAN : Crédit Mutuel, 969 av. République
F 59700 Marcq en Baroeul. N° FR761562 9027 2000 0448 8270 158
Abonnement également directement en ligne sur
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Adhésion AIPTLF : 20 € ([email protected] ou [email protected]). Pour les membres de l'AIPTLF, le justificatif d'abonnement permet
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Celle-ci est à régler directement à l'AIPTLF, Pr. C. Lemoine (cf. supra). ……………………………………………………………………………………………………………………………
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