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RAPPORT SUR UNE ANNEE D’ECHANGE A BANGKOK Mélusine Pagnier ENSAPB Université d’accueil: CHULALONGKORN UNIVERSITY

Rapport sur une année d'échange à Bangkok

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Mémoires illustrées.

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Page 1: Rapport sur une année d'échange à Bangkok

RAPPORT SURUNE ANNEE D’ECHANGE

A BANGKOK

Mélusine PagnierENSAPB

Université d’accueil: CHULALONGKORN UNIVERSITY

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Page 3: Rapport sur une année d'échange à Bangkok

SOMMAIRE

FANTASME

LA FEMME

La plageLa guereEtouffementMes fantasmes

TROPICALEArchitecture FuturisteArchitecture traditionelleEtudes d’architecturePhilosophie

ECOLOGIEUrbanismeConscience collectiveProduction energetiqueL’ecologie comme mémoire

INTEGRATIONVoyagesSolitude

ProstitutionMauvaises habitudesSage comme une imageDomination

P. 2

P. 10

P. 18

P. 24

P. 34

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Quand j'ai pris la décision de m'inscrire au bureau des

échanges internationaux pour partir en �aïlande, je ne savais pas

vraiment ce que je faisais. N'ayant jamais mis les pieds en Asie du

Sud Est, je devais me contenter de Google et de l'avis de mes

proches pour imaginer ce qui m'attendait. A vrai dire, la

�aïlande, j'en entendais beaucoup parler. Il y avait ceux qui me

décrivaient ce pays comme une immense plage paradisiaque où

les �lles sont belles et l'alcool coule à �ot ; Mais aussi ceux qui me

croyaient en danger de mort, car l'armée a pris le pouvoir ; Ceux

qui n'aimaient tout simplement pas Bangkok parce que c'est une

ville sale, qui pue, et très polluée  ; Et en�n, ceux qui voyaient

cette métropole comme un centre dynamique des musiques

«  underground  », de l'art-moderne, et des événements vision-

naires.

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LA PLAGE

Mon voisin m'avait parlé de la

�aïlande. Il m'avait parlé de ces lagons magni-

�ques qui rendent les gens fous, comme

Léonardo DiCaprio l'est devenu dans le très

renommé �lm, «  �e beach  ». Il me racontait

comme l'eau avait l'air transparent, le sable �n,

le temps radieux et les cocktails... mmmh...

délicieux  ! Il m'avait dit que c'était le pays du

sourire, et que contrairement à la France, là ba,

on savait ce que voulait dire accueillir. Il allait

donc de soit que les fêtes en �aïlande étaient

incroyables. La «  Full Moon  », un des plus

grands festivals du monde, l'excitait tellement

qu'il se mettait à danser rien qu'en y pensant.

Aussi, Il ne faudrait surtout pas que j'oublie de

lui rapporter un tee shirt du PSG, car les prix

sont tellement bas en Asie ! Selon lui, les plats

thaïlandais étaient incroyables, et il faudrait

sûrement d'ailleurs, que je surveille mon poids.

Mais peut importe, j'allai être heureuse, et vivre

dans un pays magni�que. C'était globalement

l'avis de mes amis  : «  Mélusine s'en va au

paradis. »

LA GUERRE

Il y avait ceux qui s'inquiétaient,

comme mes parents. C'est quand même loin la

�aïlande. « Tu penseras à mettre de l'anti-mous-

tique, hein  ?  ». On ne peut le leur reprocher,

surtout une fois que j'avais attrapé la « Denge

Fever. »

Les récents événements relatés dans les

journaux avant mon départ avaient tout de

même fait des vagues. On me parlait alors de la

prise de pouvoir par les militaires et de la

corruption, du roi et de la censure...etc.

J'essayais de garder à l'esprit que la �aïlande en

était à son 12ème coup d’état depuis 1932 et

qu'il n'y avait donc pas matière à paniquer, mais

les manifestations faisaient rage à ce moment, et

mes proches ne manquaient pas de me faire

suivre des articles terri�ants à ce sujet. On m'a

aussi prévenu du choc qu'on peut ressentir en

allant dans un pays pauvre. Mon père me parlait

de la nausée qu'il avait eu en voyant un lépreux

la première fois de sa vie et ma cousine de la

convoitise qu'elle générait autour d'elle quand

elle sortait son appareil photo en Inde. Il

faudrait donc que j'ai le cœur accroché, et que je

sois prudente.

Je n'ai pas échappé non plus aux

sermons de certains sur les lois thaïlandaises,

très di�érentes de chez nous sur quelques

points, et très sévères. Surtout, « ne fumes pas de

pétards  »  ! E�ectivement, j'encourrais la peine

de mort en consommant du cannabis. Et on

m'expliquait par la même occasion qu'il ne

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faudrait pas que je fasse con�ance à n'importe qui: 80 %

des condamnés par la justice, avaient été dénoncés par des

civils. Les articles du Routard sur les arnaques réservées au

touristes ne m'aidaient pas non plus à me calmer : Il ne faut

jamais accepter le premier prix que l'on se voit proposer,

toujours rétorquer de moitié ; Ne jamais monter dans un

« touktouk » qui propose des visites gratuites... Et puis aussi 

: Ne pas manger trop épicé si l'on n'est pas habitué  ; Ne

jamais s’énerver contre quelqu'un...etc.

L’ETOUFFEMENT

Entre étudiants fauchés, on en parlait aussi. On

veut tous trouver des bons plans, pour voyager sans trop

dépenser. Nombre d'entre nous étaient alors déjà passé par

Bangkok lors d'escales car les prix des billets d'avion dans

cette région du monde sont très avantageux. Ils avaient

donc aperçu un Bangkok sale, extrêmement pollué et

ravagé par le tourisme. Ces voyageurs étaient généralement

à là recherche de lieux introuvables, mais qu'ils auraient

trouvés  ; de paysages magni�ques mais inconnus et de

civilisations primitives mais qu'ils pourraient comprendre.

Il va sans dire, que ceux là détestaient Bangkok.

On me parlait alors des buildings immenses qui

cachent le ciel, du BTS (métro aérien) qui serpente dans les

rues comme un énorme monstre de béton et de l'odeur de

friture mélangée à celle des pots d’échappements des

scooters qui émane des rues grouillantes de monde. L'odeur

peut rester imprégnée dans les vêtements jusqu'à « 3 ou 4

lavages à 60° » me disait-on !

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La chaleur moite de Bangkok empêche de respirer, et la

transpiration colle les tee-shirts à la peau. Le temps

d'ailleurs n'est pas si radieux qu'on le dit : la mousson dure

de Juin à Octobre, provoquant inondations et mauvaise

humeur. Bangkok n'est donc pas une destination de rêve et

mes conseillers espéraient sincèrement pour moi que je

puisse souvent sortir du territoire pour me ressourcer dans

les pays voisins .

UNDERGROUND

Selon les autres, les étudiants qui avaient

«  compris  » Bangkok dans toute sa complexité, la �aï-

lande était le centre actif de l'Asie du Sud-Est, un �n

mélange entre la puissance de la culture bouddhiste et

l’adaptation à la modernité capitaliste, un lieu de poésie à la

Enki Bilal et surtout un terrain de jeux pour les curieux et

les rêveurs. On me parlait alors des temples éparpillés dans

la ville qui étaient autant pour les touristes que pour les

thaïlandais, des points de repères géographiques. Certains

étaient engloutis par la masse touristique et ce n'était

d'ailleurs pas les plus intéressants, alors que d'autres, plus

petits, plus sobres, plus simples, laissaient transparaître

l'élégance de l'architecture locale.

On me parlait aussi des «  klongs  », ces canaux

abandonnés qui sillonnent la ville, et des espaces résiduels

qui laissent le promeneur rêver à des projets de réhabilita-

tion au goût du jour. Selon eux, Bangkok regorgeait

également de lieu insolites et d’événements « underground »

qui raviraient les assoi�és d'art-moderne et musiques

« electro-ethnico-acoustico-new-wave ».

MES FANTASMES

Et puis il y avait moi, qui rêvait de découvrir un

pays où j'aurai tout à apprendre  : la langue, la culture,

l'amitié... et revenir avec une appréhension de l'architecture

complètement di�érente. Je voulais perdre mes repères pour

pouvoir construire des bases qui me soient propres, décon-

struire les règles que j'avais apprises, reconsidérer le beau,

le confortable, le pratique... Je voulais chercher des preuves, et

les rapporter pour prouver que l'on peut dessiner autrement

l'architecture  : faire face au fatalisme de notre société et

proposer de nouvelles idées... Rien que ça. J'écoutais attenti-

vement ce qu'on pouvait me dire de Bangkok, mais je ne

considérais pas ces données comme pouvant in�uencer ma

quête, et participer ou non à mon bonheur pendant cette

année. Je savais que j'allais revenir di�érente et enrichie de

cette expérience. Je savais qu'une année d'échange à l'étran-

ger mûrissait beaucoup un étudiant et l'aidait à s'épanouir

sur le plan architectural et a�ectif. Je savais que je n'aurais

plus envie de rentrer une fois mon année d'échange �nie. Je

savais que j'allais créer des souvenirs inoubliables et fonder

des amitiés inaltérables. Je savais que ce voyage allait changer

ma vie.

Toutes ces attentes m'ont quelque fois plongé dans

la tristesse. A trop fantasmer mon voyage, j'ai eu tout au long

de mon séjour un amer goût d'échec. Entre la sensation de ne

rien apprendre, du moins pas autant que je l'avais souhaité, et

mes di�cultés d'intégration, je n'arrivais pas à comprendre la

culture thaïlandaise. Ces sévères constats m'ont hanté tout le

long de mon année, et c'est seulement en rentrant en France,

que je me suis rendue compte de tout de ce que j'avais gagné.

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Sur le plan architectural, j'ai d'abord été très

étonnée. Je ne m'attendais tout de même pas à voir des

architectures traditionnelles ou vernaculaires à chaque

coin de rue mais je ne pensais pas qu'il serait si di�cile de

trouver des bâtiments anciens, préservés ou restaurés dans

la capitale. A vrai dire, à Bangkok, ce qui est vieux est à

jeter, comme si les thaïlandais n'étaient pas �ers de leur

Histoire. Les français ont un faible pour le vieux, ce qu'ils

appellent authentique, ils sont très attachés à l'ancien et

Paris met en vitrine chaque petite pierre classée au

patrimoine historique. A Bangkok, le vieux est désuet,

obsolète, bon pour la poubelle, et si le marché de « Chatu-

chak » (où l'on trouve des téléphones à cadran, des montres

à goussets, des lampes à huile...etc.) est toujours visité, ce

n'est que pour reproduire la mode européenne.

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ARCHITECTURE FUTURISTE

Le rythme imposé par l'occident à la �aïlande

pour pouvoir espérer rivaliser avec les puissances mondiales

l'oblige à sacri�er son Histoire. Pour plus de productivité,

pour plus de compétitivité, pour plus de renommé, les

thaïlandais préfèrent construire une tour qui dé�e les lois

de la gravité plutôt que de préserver une maison tradition-

nelle en teck sculpté. Et personne ne pourra leur reprocher

sachant que l'on parle de leur architecture seulement quand

il s'agit de buildings immenses, et non quand il s'agit de

techniques d'assemblage de teck ou de circulation naturelle

de l'air dans les toitures. La �aïlande renie tellement ses

origines que j'ai entendu un de mes professeurs américain

de Chulalongkorn, se permettre de faire remarquer, d'un

œil « colonialo-patriarcal », que la �aïlande, contrairement

au monde occidental, n'avait pas d'Histoire. Ce qui me

rappelle qu'en France, on pouvait encore entendre il y a peu

de temps, que l'Afrique noire n'avait pas d'Histoire

puisqu'elle ne savait pas écrire ou encore qu'elle n'était pas

une Grande Civilisation. La �aïlande n'a pas été colonisée,

chose dont elle est très �ère, mais l'odeur d'ultra-libéralisme

qui règne à Bangkok ne trompe personne, et la

�aïlande est devenue d'elle même un bon petit soldat

de l'occident.

ARCHITECTURE TRADITIONELLE

Les maisons �aïlandaises traditionnelles se font

donc très rares même si le style « pilotis / toit de chanvre »

reste encore très utilisé pour les « bungalows » touristiques.

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Malgré cette reprise du style traditionnel, le savoir faire

n'est pas conservé. Les techniques d’aération et de ventila-

tion naturelle sont oubliées, tout comme l'utilisation de

matériaux qui deviens seulement esthétique. Nombre de

« bungalows  » sont montés en bois et recouverts de taule

ondulée, alors que l’emploie de terre ou argile est peu

coûteux, facile à mettre en place et très intéressant pour

réguler la température. Suivre le cours sur l'Architecture

Tropicale à Chulalongkorn m'aurait permis de perfection-

ner mes recherches mais malheureusement je n'ai pas pu y

participer, (A. Lichtenberg et A. Leman ont eu la chance de

pouvoir suivre ce cours). Néanmoins, j'ai tout de même

réussi à pousser mes recherches sur les techniques de

construction traditionnelle pendant le cours de Design

Contemporain (étrange paradoxe). Le cours, étant basé sur

l'analyse de bâtiments contemporains tout au long du

semestre, j'ai choisi de m'intéresser à certains architectes

qui reprenaient les techniques traditionnelles pour

construire en Asie. J'ai pu me concentrer sur l'utilisation du

bambou, plante sous estimée par beaucoup, qui possède de

grandes qualités techniques et esthétiques. L'analyse de la

« Green school » par Enora Hardy à Bali et de la « Payaden

school  » par Markus Roseliebe dans le Nord de la �ail-

dande, m'ont permis de découvrir beaucoup sur les

di�érentes utilisations du bambou et de la terre. Ces

recherches m'ont aussi poussé vers le côté politique de ces

constructions. En e�et, ce sont des européens qui ont

conçus ces bâtiments, et peu d'architectes thaïlandais

s'intéressent aux techniques de construction traditionnelle.

Néanmoins, il ne faut pas oublier que des projets comme la

«Green school» sont extrêmement coûteux et donc réservés

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Samut Prakarn. Un des étudiant, a commencé sa présenta-

tion avec une analyse grossière de la ville, expliquant à l'aide

d'une carte sur laquelle on pouvait voir trois cercles, que

dans le premier se trouvaient les « pauvres » ; dans le second,

les « moyens-pauvres » et dans le dernier, les « riches ». Ceci

étant dit, il proposa l'idée suivante  : «  construire une

forteresse pour empêcher les pauvres d'entrer, comme ça, il n'y

a plus de problème ».

Heureusement pour lui, ce n'était pas son jury

�nal. Les autres étudiants, bien sure, n'adhéraient pas à ce

genre de projet mais néanmoins, ils y trouvaient toujours

de bons côtés. La philosophie thaïlandaise joue sûrement

un rôle dans leur tolérance. La sagesse, m'a-t-on expliqué,

ne se trouve ni dans le noir, ni dans le blanc : toujours dans

le gris. On ne peut pas être complètement en désaccord

avec quelqu'un, c'est d'ailleurs très impoli. Et même sur des

sujets comme la Seconde Guerre Mondiale, Hitler ne

pouvait pas avoir complètement tort... Le Nazisme est une

�gure assez courante en �aïlande, que l'on peut retrouver

sur des stickers, des décorations, qui réfèrent non pas à une

période de génocide, mais à une période de puissance. Dans

le parc de notre école, une fresque avait été réalisée par des

étudiants qui mettaient en valeur des personnages célèbres 

: Hitler en faisait parti. Quand les médias sont allés interro-

ger un des étudiants sur la raison de la présence du dictateur

dans la fresque, il a répondu qu'il ne connaissait pas

vraiment ce moustachu mais qu'il savait que c'était un

grand homme.

par la suite à des élèves très aisés (90 % sont blancs). Les

projets de ce type restent très rares à Bangkok et j'ai été très

déçue de ne pas pouvoir en visiter pendant cette année.

ETUDE D’ARCHITECTURE

Les exigences de Chulalongkorn University

étaient très di�érentes de celles de l'ENSAPB. Dans l'école

royale de �aïlande, l'accent est mis sur la représentation.

Les étudiants maîtrisent parfaitement l'outil informatique :

Autocad, Archicad, Revit, tous les logiciels de la suite Adobe,

3D Max... A chaque correction nous pouvions observer de

magni�ques perspectives, plans graphiques et mise-en-page

parfaites. J'ai été très impressionnée par leurs présentations

qui, complétées par l'aisance avec laquelle ils parlent

anglais, en aurait fait rêver plus d'un. Néanmoins, l'atten-

tion qu'ils portaient à la représentation prenait parfois le

pas sur la conception du projet. Quelques exemples me

viennent à l'esprit  : Un des studios de troisième année

proposait de travailler sur le thème de la salle de conférence /

réunion. Une étudiante de ce studio s'était donné le

périlleux objectif de concevoir une salle de réunion pour

femme. Ce projet aurait pu être extrêmement intéressant,

quoi que facilement controversable mais l'étudiante a pris

une toute autre voie. « Qu'est ce qu'une femme ? », « De quoi

à-t-elle besoin ? »... Et bien « de vernis à ongle » pardis !

De « toilettes aussi grandes que la salle de réunion » car elles

ont besoin de se remaquiller. Non, mais c'est bien aussi un

salon de coi�ure... Celle-là a eu son diplôme de justesse.

Dans un autre studio, celui-ci sur l'urbanisme, le sujet était

de re-dynamiser une ville de banlieue de Bangkok appelée

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Les corrections de nos professeur sont donc

toujours extrêmement motivantes, ce qui est très rarement

le cas en France (où les critiques se font souvent sans

retenue). J'ai été étonnée par les premières corrections qui

m'étaient faites, les reproches de mes professeurs étant

toujours accompagnés de compliments et les enseignants

expliquant toujours aux étudiants ce qu'il y avait de bien

dans leurs travaux. Je me sentais alors de plus en plus

investie dans mon travail et je me faisait presque un devoir

de citoyen de réussir mon exercice.

PHILOSOPHIE

Pour revenir a cette question de philosophie

thaïlandaise, j'ai trouvé dans d'autres expériences, que l'on

pouvait y trouver de vraies qualités. Car même si la prise de

position d'un professeur n'est donc jamais drastique, elle a

l'avantage de mettre toujours en avant les qualités de notre

travail. Cette façon de faire et de penser est souvent jugée

par les occidentaux comme « hypocrite » et c'est pour cette

raison que l'on entend beaucoup d'expatriés parler du

« faux-sourire thaïlandais ». Il est vrai qu'en �aïlande, on

ne provoque jamais un con�it.

A l'inverse  , en France, la peine n'existe pas en

tant que telle : la provoquer n'est pas si grave. On apprend

très tôt qu'  «  il faut sou�rir pour être belle  », qu'il faut

constamment dépasser ses limites pour progresser (dans la

sou�rance), ou qu'un remède est e�cace lorsqu'il fait mal.

Une âme s'élève quand elle sou�re : les artistes sont torturés

et le christ s'est fait cruci�er... En �aïlande, la peine de

l'autre compte, on ne veux pas la provoquer. Cela vient

sûrement de la culture bouddhiste qui met l'individu et son

ressenti en avant. En grossissant les traits, le bouddhisme a

comme maxime : «  soit bien avec toi même, pour être bien

avec les autres ». Ce qui promeut les préoccupations du bien

être d'une personne, de sa santé, de son moral...etc. La

philosophie chrétienne du monde occidental donne a

penser au contraire que le bien être d'une personne serait le

résultat de ses bonnes actions : « soit bien avec les autres, et

tu seras bien avec toi même ».

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Depuis que j'ai commencé mes études d'architecture,

quelque chose me chagrine. Comment se fait-il que nous,

constructeurs de demain, n'en apprenions pas plus sur l'écologie.

Certes, quelques studios proposent des enseignements qui

prennent en compte cette donnée, mais ils restent très peu

nombreux. A chaque fois que j'ai eu l'occasion d'approfondir mes

connaissances dans ce domaine, je me suis exécutée de façon

assidue. Mais mon savoir à ce sujet, malgré mes e�orts, reste bien

vague et très théorique. Je pensais que la �aïlande m'o�rirait

d'autres perspectives à ce sujets et me donnerait de nouvelles

motivations pour sauver la planète ! J'ai bien vite découvert qu'ici

aussi, il y avait d'autres priorités. Les qualités écologiques de mes

projets intéressaient beaucoup mes professeurs mais néanmoins,

aucun d'entre eux n'avaient les connaissances pour m'apprendre

des choses dans ce domaine.

Page 22: Rapport sur une année d'échange à Bangkok

URBANISME

Au premier semestre, j'ai suivi

le studio d'urbanisme de Aj. Komthat

qui demandait d'analyser la ville de

Samut Prakarn en banlieue Bakokoise et

de proposer un réaménagement pour

re-dynamiser le territoire. Cette ville

était en déclin depuis plusieurs siècles, et

plus précisément depuis qu'elle avait

perdu son activité principale  : la pêche.

En e�et, quelques siècle plus tôt, Samut

Prakarn était la première ville à vendre

des fruits de mers à Bangkok, et son nom

était presque digne d'un label en matière

de qualité de poissons. J'avais donc

conçu un réaménagement du territoire

pour permettre aux pêcheurs de revenir

s'y installer, exercer leur métier et en�n

vendre le poisson (exemple  : marchés

�ottants). Accompagné de ces transfor-

mations, je proposais un programme de

sensibilisation à l'écologie qui donnerait

du crédit à leurs activités, comme pour

promouvoir le label ''Samut Prakarn''. Je

liais donc à cela, un programme de bains

à �ltres naturels, qui puiseraient l'eau

utilisée dans les anciens canaux de la

ville. L’eau passerait par plusieurs bassins

de décantations agrémentés de plantes

dont les attribues naturels permettaient 20

Page 23: Rapport sur une année d'échange à Bangkok

d'obtenir une eau saine et claire. Je

proposais également de re-végétaliser les

sols asphaltés qui, empêchant l'eau de

s'in�ltrer dans la terre, entraînaient une

grosse partie des déchets et beaucoup de

pollution dans le Chao Praya River,

l'ancien lieu de pêche. J'avais également

pensé à réhabiliter une usine désa�ectée

du centre ville, en musé rappelant

l'histoire de Samut Prakarn et pourquoi

pas y installer des jardins collectifs qui

inciteraient la population à en apprendre

plus sur la nature et l'écologie. Toutes ces

idées furent extrêmement bien reçues

par mon professeur mais malheureuse-

ment, ses conseils restèrent assez vagues

car il avait peu de connaissance dans ce

domaine. Comme je le disais précédem-

ment, l'écologie n'est pas une réelle

préoccupation en �aïlande mais quand

mes professeurs s'y intéressaient, c'était

avec beaucoup de curiosité  : L'écologie

représente pour eux un enjeux occiden-

tal.

CONSCIENCE COLLECTIVE

Une de mes colocataire travail-

lait pour l'agence Agora, un collectif

d'architecte qui construit des camps de

réfugiés pour Birmans aux frontières

Page 24: Rapport sur une année d'échange à Bangkok

quatrième année de licence. Je me suis aussi penché sur les

énergies renouvelables lors de mon second semestre avec Aj.

Sivichai qui proposait de travailler sur la conception d'un

showroom de voiture, au bord d'un canal en pleins centre

de Bangkok. Le choix de la marque étant laissé à l'étudiant,

je me suis concentrée sur les voitures électriques de Tesla.

Mon but était de promouvoir à la fois un espace de décou-

verte de la marque et de ses voitures, mais aussi de créer un

système qui permettrait aux conducteurs de recharger les

batteries dans le showroom en utilisant les énergies renou-

velables. J'ai donc calculé de façon précise le rendement

d'un panneau solaire en fonction de son emplacement, de

sa position, et la surface qu'il me faudrait atteindre pour

charger ces voitures. Complétée par une salle de sport qui

récolterait l'énergie produite par les vélos d'appartements et

autres engins sportifs, j'ai obtenu un rendement énergé-

tique important. Pendant ce semestre j'ai donc beaucoup

appris sur la création d'énergie et compris la complexité de

la mise en place de ce genre de système.

ECOLOGIE COMME MEMOIRE

J'ai également participé au work shop «  Prince

Naaris  » avec Jean-Baptiste Cannone, un étudiant en

architecture de l'ENSAV, et là encore, nous avons recherché

ensemble à relever certains dé�s écologiques. Le site se

trouvait en pleins centre de Bangkok, dans un terrain

verdoyant qui accueillait une école de danse renommée et

les habitations des descendants de la famille royale, qui

possédaient le terrain. Le jury attendait nos propositions

pour dynamiser et rentabiliser ce lieux, tout en respectant

thaïlandaises et me parlait alors de leur façon de promou-

voir l'écologie dans leurs projets. Il faut savoir que, question

consommation d'énergie et production de déchets, la

�aïlande bat des records. Dans les Seven Eleven (marque

mondialement connue de petits commerces implantés

partout en �aïlande) chaque produit acheté est emballé

dans un sac plastique, même les paquets de cigarettes. Il se

trouve que ces sacs plastiques �nissent non pas dans des

poubelles de recyclages mais, abandonnés dans les rues.

L'agence d'architecture d'Agora avait compris que la

conception de l'écologie en �aïlande était très di�érente

de celle d'Europe. Plutôt que de créer des lieux de sensibili-

sation, ou installer des poubelles de tris (qui avaient déjà été

implantés sans succès dans certains quartiers), l’équipe

décida de réutiliser les déchets dans l'architecture pour à la

fois, servir la cause écologique et en même temps, montrer

comment ces éléments pouvaient être utiles dans la

construction. Ils réutilisaient par exemple les bouteilles en

plastique, qui tantôt leur servaient d'isolant quand elles

étaient remplies de sacs plastiques, tantôt de baie pour

laisser passer la lumière et créer une aération.

PRODUCTION ENERGETIQUE

Bien que la �aïlande ne soit pas le pays le plus

avancé en matière d'écologie et mes professeurs, peu rensei-

gnés sur le sujet, cela ne m'a pas empêché de continuer mes

recherches par moi même. J'ai alors pu présenter plusieurs

projets écologiques ou énergiquement auto-su�sants

pendant l'année. Le premier exemple que j'ai cité se

trouvait être mon studio de premier semestre rattaché à la

Page 25: Rapport sur une année d'échange à Bangkok

l'histoire du site, et conserver les archives du Prince Naaris

(célèbre architecte du siècle dernier). Nous (Jean-Baptiste

et moi même) proposions des systèmes de ventilation, de

contrôle de la température et production d  'énergie de

façon naturelle et non polluante. Ces installations

serviraient l'économie de Ban Plainern (le site) mais attire-

rait aussi l'attention des visiteurs. En exposant toutes ces

installations, Ban Plainern pourrait devenir une sorte de

musée de l'écologie. Pour rester dans le contexte historique,

nous avions respecté les désirs du Prince Naaris, qui avait de

son vivant fait venir certaines plantes spéci�ques comme le

« Kaew » et le « Piku » . Toutes ces plantes et le jardin serait

traités en permaculture, le but étant de rendre cet endroit

éternel dans le sens matériel (grâce aux équipements écolo-

giques) mais aussi dans le sens immatériel, pour faire

perdurer la mémoire du Prince Naaris et son intérêt pour la

nature. Ces installations seraient exposées et cela attirerait

plus de visiteurs et amènerait à Ban Plainern une plus

grande renommée. Notre idée a beaucoup plut au jury, qui

n'était autre que les habitants des lieux, les descendants de

la famille royale et nous avons donc gagné le premier prix.

L'écologie étant notre intérêt commun, nous nous sommes

poussé pendant toute l'année à approfondir nos recherches

dans ce domaine et s'instruire mutuellement de nos

di�érentes expériences et connaissances en matière de

développement durable.

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Page 27: Rapport sur une année d'échange à Bangkok

L'intégration est un point que je voulait traiter

dans ce rapport car il a joué un rôle conséquent dans mon

appréciation de la �aïlande.

Comme l'on peut s'en douter, les prix étant très

avantageux comparés aux prix français, j'ai put me

permettre de voyager dans tout le pays. Ayant peu de cours

dans la semaine, j'ai pu partir en week-ends prolongés

pendant certaines semaines, à la découverte d'autres

régions de la �aïlande. J'ai pu donc visiter un grand

nombre de ville, plus ou moins peuplées, plus ou moins

touristiques, plus ou moins pauvres... etc. A l'inverse de

mes compatriotes et camarades de classes qui pro�taient

des vacances pour aller explorer les pays voisins, je

décidais, têtue comme un âne, de rester sur le territoire

toute l'année durant. Je voulais mettre toutes les chances

de mon côté pour m'intégrer, comprendre ce que je ne

comprenais pas et apprécier ce que je n'appréciais pas. Je

partais alors seule, pensant doubler mes chances de

rencontre.

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LE NORD

Je suis aussi allée visiter le Nord de la �aïlande

vers le mois d'octobre, une fois la mousson passée. Alors

que sur les plages du Sud, il est rare de rencontrer un

thaïlandais, le Nord reste bien plus protégé, moins touris-

tique, plus traditionnel, plus frais et plus vert. On peut

alors visiter une multitude de temples, plus dorés les uns

que les autres et tourner autour du bouddha immense qui

trône à l'intérieur de chaque sanctuaire. La location de

scooter m'a aussi permis de visiter des lieux reculés dans les

montagnes, o�rant de vertigineux panoramas, comme celui

du Triangle d'Or que j'ai pu observer à la frontière de la

�aïlande, de la Birmanie et du Laos. C'est ici que j'ai fait

une des seule rencontre avec un sentiment amicale sponta-

né partagé avec des thaïlandais. Nous n'avions pas de

langue en commun, eux ne parlaient que très peu anglais, et

moi, très peu thaï. Mais la musique n'a pas besoin de

langage, et c'est comme ça que nous nous sommes retrou-

vés à échanger nos guitares, nos djembés et autres instru-

ments durant toute la nuit.

L’EXTREME SUD

J'ai aussi visité l’extrême Sud de la �aïlande, près

de la frontière de la Malaisie pendant le mois de décembre.

Cette région était déconseillée par tous les guides touris-

tiques. Je pense que c'est là que j'ai pu observer les paysages

les plus incroyables et sauvages. C'est également dans cette

région que se trouvent les bâtiments les plus originaux de

�aïlande car, disons le, sur le plan architectural et urbain,

LE SUD

Mes premières expéditions m'ont mené aux

plages paradisiaques de �aïlande, surpeuplées par les

touristes blancs qui viennent ici pour faire tout ce qu'il est

interdit de faire chez eux. La beauté des paysages était à

couper le sou�e, et aucun de mes dessins, pourtant

appliqués, n'arrivaient à leur rendre hommage. La faune et

la �ore, démesurée dans les pays tropicaux, étaient

fascinantes, et je n'ai pas manqué de passer plusieurs

niveaux de plongée pour explorer la vie sous-marine.

Certaines spécialités comme la plongé de nuit, la plongée en

épave, ou la plongée profonde, m'ont permis de découvrir des

espèces animales dont j’ignorais tout et que j'ai pu observer

dans leur milieu naturel. Étant en plongée d'apprentissage,

et non récréative, mes professeurs m'apprenaient beaucoup

sur la vie aquatique, en passant par la digestion des

méduses, le cycle de vie des algues, ou bien encore les

qualités de chaque espèces dans la chaîne alimentaire.

La découverte de ce sport fut pour moi une

formation extrêmement enrichissante, autant sur le plan de

l'analyse de la nature que sur le plan anatomique du corps

humain et de ses capacités. Je pense qu'un étudiant en

architecture, qui pense constamment aux espaces et à ses

perceptions, ne peut qu'être intéressé par les sensations que

procure la plongé. L'introduction du corps humain dans

un milieu qui n'est pas le sien, qui s'adapte et qui découvre

de nouvelles capacités comme le mouvement vertical

possible dans l'eau ou le contrôle de la respiration comme

moteur de déplacement, peuvent être de grandes sources

d'inspiration.

Page 29: Rapport sur une année d'échange à Bangkok

L’OUEST

A l'Ouest, l'ambiance des villes est encore

complètement di�érente. Je suis allez rendre visite à mon

ancienne colocataire de Bangkok qui habitait maintenant à

Mae Sot, une ville proche de la frontière entre la �aïlande

et la Birmanie. Elle e�ectuait un stage dans l'agence Agora

travaillant entre autre, sur les camps de réfugiés. Les

migrants birmans, très peu appréciés en �aïlande, arrivent

par les frontières terrestres pour la plus part, ce qui explique

la présence importante des forces de l'ordre dans cette

région. Les contrôles d'identité sont quotidiens. Les camps

de réfugiés rythment la frontière et les agences d'architec-

ture (comme Agora) redoublent d'e�ort pour améliorer les

conditions de vie de leurs habitants. J'ai pu aussi observer

dans cette ville des combats de muai-thai (boxe

thaïlandaise) très renommés. Les coups sont violents et les

cris d'encouragement assourdissants. Les combats aux

frontières sont toujours très appréciés car ils confrontent les

deux pays mitoyens et le gouvernement pro�te alors de ces

spectacles médiatisés pour faire des apparitions et passer

l'hymne national. Les grandes marques ont aussi compris la

combine, et entre chaque combat, les boxeurs dé�lent avec

divers produits qui �nissent même parfois envoyés dans la

foule en guise de cadeaux. C'est comme ça que j'ai reçu ma

superbe casquette Singha (marque de bière locale).

L’EST

En�n, L'Est de la �aïlande, près de la frontière

cambodgienne, est sûrement le lieux le moins fréquenté par

toutes les villes de �aïlande se ressemblent beaucoup.

Dans ces villes, restaient encore de petits villages de

pécheurs, de vielles bâtisses en teck sculptés, et des temples

aux couleurs étonnantes. Même dans les centre-ville

modernes, faits de maisons en béton, l'architecture tirait

légèrement sur un côté arabisant, qui pouvait à certain

moment me rappeler la Turquie. La présence de

nombreuses mosquées et les appels à la prière résonnants

dans la ville assignaient une toute autre ambiance aux villes

et m'ont donné la sensation de changer de pays.

LE CENTRE

Le centre de la �ailande est intéressant pour ses

vielles ruines comme les vestiges d'Ayuthaya. Semblables en

nombreux points aux temples Khmers, ces anciens

sanctuaires sont laissés à l'abandon, donnant à la ville des

ambiances fantomatiques. Malheureusement peu d'expli-

cations sont données aux visiteurs et il est di�cile d'en

apprendre plus que sur les photos qu'on trouve sur Google.

Mais grâce à Armelle Ninin, étudiante à l'ENSAPB qui

e�ectuait un stage à l'EFEO (Ecole Française d'Extrème

Orient), j'ai pu en apprendre un peu plus sur ces monu-

ments historiques. En e�et, son travail consistait à mettre

en lien des documents qui n'avaient pas encore été classés

par les archives, et réunir des informations pour corroborer

les recherches d’archéologues qui étudiaient les vestiges de

l'Asie du Sud-Est. C'est comme ça qu'en visitant ces

temples, j'ai pu comprendre l'utilité de chaque pièce, de

l’emploie de la pierre volcanique ou encore de l'implanta-

tion de temples dans certaines parties de la ville.

Page 30: Rapport sur une année d'échange à Bangkok
Page 31: Rapport sur une année d'échange à Bangkok

les touristes que j'ai pu visiter. Personne ne parle anglais,

mais on reçoit d'autant plus chaleureusement. C'est un des

seuls endroits ou j'ai vraiment senti que l'on essayait de

communiquer avec moi, malgré toutes les di�cultés. Avec

du recul, je regrette de ne pas avoir visité plus tôt cette

partie de la �aïlande car je suis sure que j'aurais bien plus

appris le thaïlandais.

Les bords du Mékong, selon ses crues, o�rent de

splendides paysages de pierres érodées formant d'impres-

sionnantes crevasses et les Parcs Naturels Protégés ne

manquent pas. Le climat étant plus sec, on respire mieux et

la chaleur semble moins accablante, même au mois de mai

qui approche des 50°C. Néanmoins, il est di�cile de

voyager dans cette région car le tourisme n'y étant absolu-

ment pas développé, les bus sont rares et trouver une carte

reste de l'ordre du miracle.

SOLITUDE

Durant ces voyages, j'ai fait la connaissance de

beaucoup de voyageurs mais très peu de thaïlandais. Les

discutions n'en sont évidemment pas moins intéressantes

mais ce n'est pas ce que je recherchais. J'ai été très déçue

tout au long de mon année de ne pas réussir à nouer de

liens forts avec des thaïlandais. Alors bien sure, il y avait

mes camarades de classe, qui étaient polis, gentils,

serviables et très cordiaux. Mais il a fallu que nous atten-

dions 7 mois, avant que ceux-ci acceptent de venir dîner

chez nous. Avant cela, pas une sortie, pas un rassemblement

extra-scolaire n'avait été organisé, malgré nos incessantes

Page 32: Rapport sur une année d'échange à Bangkok

propositions. Et même une fois ce cap passé

(et nous sentions que c'était déjà un immense

pas que nous avions franchis), nous avons

compris qu'il serait di�cile d'aller plus loin.

En dehors de l'école, les rapports

que nous avions avec les thaïlandais étaient

exclusivement commerciaux. Flagrantes

conséquences  : je sais négocier un prix en

thaïlandais, demander mon chemin,

expliquer où je veux aller, commander un

plat...etc et je ne sais pas comment entamer

une discussion amicale. Je me suis donc

sentie très seule pendant cette année

d'échange, restant une touriste dans ce pays

qui ne voulait pas de moi, ou alors seulement

de mon argent. Les rencontres entre expatriés

sont fréquentes mais je m'en suis très vite

ennuyée ; car le rejet ne se passe pas que dans

un sens, et les «  expats  » sont généralement

désobligeants et hautains à l’égard de leur

pays d’accueil.

Page 33: Rapport sur une année d'échange à Bangkok
Page 34: Rapport sur une année d'échange à Bangkok
Page 35: Rapport sur une année d'échange à Bangkok

Au niveau des relations humaines, j'ai vécu un

bouleversement gigantesque par rapport à la place de la

femme dans la société. La scène festive de la �aïlande m'a

très vite dégoûté quand je me suis rendu compte de l'éten-

du des dégâts dans les coulisses. Quand je suis arrivée à

Bangkok et que je suis sortie de l'Aéroport, la première

chose qu'on m'a demandé était «  Madame  ! Ping-Pong

show ? ». Qu'étais-ce donc que cette proposition incon-

grue ? Je savais les asiatiques renommés pour leur adresse

au ping-pong, mais à ce point... C'est en sortant du taxi

pour rejoindre mon hôtel que j'ai commencé à douter du

sens de cette phrase. A tous les coins de rues, on me

répétait cette même question. Et avec insistance  ! En

arrivant à l’hôtel, j'ai regardé sur internet ce que voulait

dire ping-pong show et j'ai alors compris qu'il ne s'agissait

nullement du très renommé sport a raquette, mais de

spectacles mettant en scène des prostitués qui, selon le site,

réalisaient d'extraordinaires performances avec leurs

parties intimes. Ce fut le début d'une longue révolte, lente

et progressive qui grandit en moi.

Page 36: Rapport sur une année d'échange à Bangkok

PROSTITUTION

Durant un de mes week-end prolongés, j'ai

voulu partir visiter les alentours de Pataya pour voir le

fameux Sanctuaire de la Vérité qui était un gigantesque

temple construit uniquement en teck et dont chaque

pièce de bois étaient sculptées jusqu'à un niveau de

détail ahurissant. J'arrivais alors le soir à Pataya pour

passer la nuit, avant de repartir le lendemain en

direction du temple. Le bus me déposa à la gare et je

me suis alors dirigée en direction du centre ville pour

pouvoir chercher un endroit ou dormir. Quelques rues

plus loin, je me retrouvais dans une grande rue,

éclairée de milles néons clignotants en cadence sur le

brouhaha de musiques techno qui jaillissaient de

chaque devantures de magasin. En quelques secondes,

je me rendis compte que ces magasins n'étaient autre

que des bars et des boites de nuit dont sortaient et

rentraient une foule de vieux occidentaux et quelques

jeunes voyageurs. Oui, il y avait aussi des �lles, mais

qui appartenaient au bar. A moitié nues, elles agitaient

leurs avantages aux yeux des clients saouls, qui ne

savaient plus où donner de la tête. Je pris le temps de

marcher dans cette rue, amère spectatrice des insanités

qu'on pouvait apercevoir à chaque portes, et provo-

quant à mon passage, le miaulement de la douzaine de

prostituées postées devant leur enseigne respective.

Une fois que j’eus atteint le bout de la rue, je fut prise

de nausées  : Je me retrouvait à un carrefour de rues,

encore plus grandes, encore plus lumineuses, encore

plus bruyantes et encore plus bondées. En fait, Pataya

est un bordel, à l'échelle d'une ville.

Page 37: Rapport sur une année d'échange à Bangkok

MAUVAISES HABITUDES

Je n'ai jamais osé m'aventurer à l'intérieur de ces

maisons closes mais tout le monde sait que devant le rideau, il y

a des femmes (ou ce qui y ressemble d'ailleurs), et derrière, il y a

des enfants. J'ai rencontré par hasard un tenancier de bar à

« hôtesse » comme il aimait les appeler, qui me racontait qu'o�-

ciellement, « il y a 10 % de tourisme sexuel en �aïlande ». Mais

selon lui, le chi�re réel approcherait des 80 %. Ce chi�re semble

démesuré, cependant si l'on compte les touristes qui ne viennent

pas pour ces raisons, mais qui se «  laissent tenter  », nous ne

sommes pas loin du compte. La prostitution fait donc partie du

paysage quotidien de la �aïlande, et je ne m'y suis jamais

habituée. J'entendais des expatriés m'expliquer que c'est par ce

que j'étais trop enfermée dans mes codes occidentaux, qu'ici, la

prostitution n'avait rien de dérangeant et que c'était un métier

comme un autre, voir une vocation. Bien évidemment, j'ai pu

constater pendant mon séjour à quel point c'était faux, et que ce

genre d'arguments leurs étaient utiles seulement pour pouvoir

continuer de se regarder dans une glace.

SAGE COMME UNE IMAGE

La prostitution n'a pas été pas le seul élément déclancheur de ma

ré�exion sur les femmes. Jai été confronté par exemple à

l'uniforme de Chulalongkorn qui m'imposait de porter la jupe,

alors que les hommes portaient le pantalon. Uniforme qui, au

passage, avait été élu comme le plus sexy au monde il y a quelques

années de cela. Une campagne anonyme avait été menée par une

étudiante quelques années plus tôt à ce sujet. Elle avait placardé

dans tout le campus des a�ches mettant en scène des étudiants

portant l'uniforme dans des positions suggestives, surmontées de

Page 38: Rapport sur une année d'échange à Bangkok

slogan comme «  je suis une �lle, mais je vais à l'école pour

travailler  ». Personne n'a jamais su qui elle était mais les

médias s'étaient intéressés à ses actions. C'est une de mes

camarades de classe qui m'a parlé pour la première fois de cet

événement. Elle m'expliquait aussi son point de vue sur la

femme en thailande, et même si elle n'eut jamais osé

prononcer le mot « feministe », elle en revendiquait tous les

préceptes. Elle m'expliquait qu'elle n'avait jamais eu de « thaï

boyfriend », qu'elle ne les intéressait jamais. En e�et, J. était

grande, J. était ronde, elle parlait fort, elle ne se laissait pas

faire, elle était divorcée. Elle me disait qu'ici, la femme

n'existait pas au même titre qu'un homme  : « Quand on

cherche une femme en thailande, on cherche une peinture. »

DOMINATION

Je lisais en parallèle « Le 2eme sexe » de Simone De

Beauvoir qui, aussi controversé soit-il, m'a bouleversé. Et

même si la description de la domination masculine de

madame De Beauvoir est occidentale, il est curieux de

constater que l'on peut retrouver certains problèmes à ce

sujet partout dans le monde. Ces amères constats et ces

lectures engagées m'ont parfois plongé dans de profondes

tristesses. Et en ouvrant la portes aux multiples questions

que je me posais sur la place de la femme dans la société, j'ai

pu constater que ces problèmes ne sont pas seulement

récurents partout dans le monde, mais aussi dans tous les

sujets. La lecture de « Femme au mirroir » relate par exemple

l'histoire de l'autoportrait feminin depuis le 15eme siècle.

On y apprend donc comment les femmes avaient le droit de

se représenter selon les époques, quels messages

cherchait-elles à faire passer et comment, par de

minutieux indices, elles essayaient de braver les règles

qu'on leurs imposait. Et il était alors intéressant de

comparer la place de la femme artiste en France et en

�aïlande. Prenons l'exemple du métier d'architecte,

qui même s'il nécessite des connaissances scienti�ques

importantes, demande également un bon apprentis-

sage et une bonne maîtrise des Arts. Alors que notre

génération d'étudiants français en architecture vit un

basculement de la majorité du genre, et que les

femmes sont actuellement plus nombreuses en école

d'architecture que les hommes ; le nombre d'étu-

diantes en architecture en �aïlande reste très faible.

Comme me le con�rmait J. , la place des femmes est

encore dans la cuisine et elle s'en accommode très

bien, voir le réclame. J'ai essayé de trouver des écrits

féministes en Asie traduits en anglais ou en français,

mais en vain. Peut être était-ce aussi lié avec la liberté

d'expression, qui n'a pas autant d’importance que

dans nos pays occidentaux, et avec la censure, qui n'a

pas l'air de vraiment déranger la population (dans tous

les cas, ils n’auraient pas le droit de faire part de leur

point de vue à ce sujet). Il m'a été très douloureux de

constater comme les femmes du monde entier, y

compris moi, acceptent leur sors, et �nissent par y

trouver des avantages. Mais toutes ces questions m'ont

aussi passionnée, et en continuant mes lectures, en

regardant des documentaires et en écoutant des confé-

rences, j'ai pu trouver le sujet de mon mémoire qui

portera sur la femme et l'architecture.

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Page 40: Rapport sur une année d'échange à Bangkok

CONCLUSIONS

Pour conclure mon rapport que j'ai du

beaucoup raccourcir par rapport à tout ce que j'avais à

dire, je voudrais parler du béné�ce de cet exercice

d'écriture. J'ai mis beaucoup de temps a commencer

ce rapport, et pourtant, je pourrais parler de mon

séjour pendant des heures. Mais ce que j'y ai vécu n'a

rien eu de doux, de simple, de logique ou de naïf. Alors

je n'ai cessé de me questionner sur ce qu'il était

possible de raconter, ou ce qu'il valait mieux garder

pour moi. Il était donc très di�cile de trouver les

bonnes formules pour répondre à cet exercice

scolaire : le lecteur n'est pas là pour lire mes épanche-

ments. Je n'ai pu néanmoins m’empêcher de

transmettre mes expériences personnelles qui sont, je

le reconnais, très subjectives. L'objectivité étant une

illusion, je ne voulais pas avoir la prétention d'annon-

cer quelques vérités que ce soit, si ce n'est celles que je

me suis appropriée cette année. La subjectivité de mon

rapport n'altère pas pour autant la rationalité de mon

récit, et c'est par choix délibéré que j'ai préféré racon-

ter mon échange à Bangkok sous cette forme.

Cet exercice m'a aussi permis de me réconci-

lier avec certaines expériences, ou du moins

comprendre ce qu'elles m'ont apportée. J'ai pu

retracer les choses émouvantes, amusantes et

excitantes qui avaient été balayées par de moins

bonnes expériences, ou de tristes états d'âme passagers.

J'ai du rapporter mon voyage, et cela m'a permis de

faire le point. 38

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