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DIRECTION REGIONALE DE LA JEUNESSE ET DES SPORTS ET DE
LA COHESION
SOCIALE
MEMOIRE REALISE EN VUE DE L’OBTENTION DU
DIPLOME D’ETAT
DE
MASSEUR KINESITHERAPEUTE
2014
Reconstruction
du schéma corporel
chez un patient amputé
Stage temps complet LE RAY Camille
Résumé :
Monsieur C, âgé de 50 ans, est hospitalisé à temps complet dans un centre de rééducation
fonctionnelle suite à une amputation transtibiale droite réalisée le 1er
juillet 2013. Celle-ci
est due à la présence d’une artérite oblitérante des membres inférieurs. Les appareilleurs
sur place permettent une prise en charge optimale de l’adaptation de la prothèse.
Les objectifs principaux de la prise en charge sont d’obtenir une autonomie totale dans les
activités de la vie quotidienne, d’acquérir une marche sans aide technique et sans douleur
avec la prothèse. La prise en charge du patient se déroule sur deux périodes : de J+31 à
J+39 : phase pré prothétique axée sur l’équilibre unipodal et de J+40 à J+53 : phase
d’appareillage.
Le patient est dynamique et motivé. Il est jeune et présente une musculature aidante pour
son autonomie. Il va vivre longtemps avec sa prothèse et souhaite pratiquer du sport, il est
donc essentiel de procéder à un renforcement musculaire adéquat. La rééducation est
basée sur une phase pré prothétique avec un renforcement musculaire et une stimulation du
schéma de marche. Suivi d’une phase d’appareillage avec l’adaptation de la prothèse à la
marche, un travail d’équilibre et proprioceptif. Au bout de trois semaines il marche avec
une canne anglaise et doit sortir la semaine suivante avec sa prothèse définitive. Il peut
marcher sur différents terrains avec un périmètre de marche supérieur à 300 mètres.
Je me suis interrogée sur les conséquences de l’amputation au niveau du schéma
corporel et de l’image de soi, comment faciliter l’assimilation de la prothèse. Pour cela il
m’a paru indispensable de détailler le travail de deuil essentiel à l’investissement dans la
rééducation. Ainsi que d’exposer les moyens du kinésithérapeute aidant le patient à
prendre conscience de son corps afin d’assimiler la prothèse, facteur jouant sur une reprise
de la vie socioprofessionnelle.
Mots clés : Key words :
- Amputation
- Schéma corporel
- Conscience de soi
- Prothèse
- Deuil
- Amputation
- Body image
- Self-awareness
- Prosthesis
- Mouring
Sommaire
Introduction : .............................................................................................................................. 1
1. Présentation ........................................................................................................................ 3
1.1 Motif d’hospitalisation ...................................................................................................... 3
1.2 Mode de vie ...................................................................................................................... 3
1.3 Antécédents ....................................................................................................................... 3
1.4 Traitement médical ........................................................................................................... 4
1.5 Anamnèse .......................................................................................................................... 5
1.6 Compte rendu opératoire................................................................................................... 5
2. Bilan à J + 31 : phase pré prothétique ................................................................................ 5
2.1 Bilan cutané trophique vasculaire : variations de volume ................................................ 5
2.2 Bilan douloureux et sensitif : sensation fantôme .............................................................. 7
2.3 Bilan articulaire : flexum de genou ................................................................................... 8
2.4 Bilan musculaire : déficit d’endurance ............................................................................. 9
2.5 Bilan fonctionnel : équilibre unipodal ............................................................................ 10
2.6 Profil psychologique : motivation et appréhension ........................................................ 10
3. Complément de bilan à J+40 : phase d’appareillage ............................................................ 11
4. Diagnostic masso-kinésithérapique ...................................................................................... 12
5. Objectifs ............................................................................................................................... 13
6. Objectifs patient ................................................................................................................ 14
7. Principes ........................................................................................................................... 14
8. Rééducation ...................................................................................................................... 15
9. Conclusion de la fin de prise en charge à J+ 53 ............................................................... 20
10. Discussion ...................................................................................................................... 22
10.1Définitions ..................................................................................................................... 22
10.1.1 Image corporelle .................................................................................................... 22
10.1.2 Schéma corporel ................................................................................................... 22
10.1.3 Impact sur les douleurs fantômes : mémoire du corps .......................................... 23
10.2 Prendre conscience de son corps ............................................................................... 23
10.2.1 Théorie de Feldenkrais : prise de conscience par le mouvement ....................... 23
10.2.2 Influence du toucher dans la représentation de l'image corporelle ..................... 24
10.2.3 Prothèse : base de la reprise d’une vie « normale »............................................ 25
10.2.4 Sport : valorisation de son image ....................................................................... 26
10.3 Reconnaître le handicap ............................................................................................. 27
10.3.1 Le travail de deuil ............................................................................................... 27
10.3.2 Investissement dans la rééducation .................................................................... 28
10.3.3 Qualité de vie ...................................................................................................... 28
11. Conclusion ..................................................................................................................... 30
Références ...................................................................................................................................
Annexes .......................................................................................................................................
1
Introduction :
L’artérite oblitérante des membres inférieurs (AOMI) est une des complications
locorégionales de l’athérosclérose. C’est une association d’athérome et de sclérose.
L’athérome est un dépôt graisseux au niveau de l’intima et la sclérose est une rigidification
de la paroi provoquant des sténoses artérielle. L’AOMI est de mauvais pronostic, lorsque
l’enjeu devient vital le chirurgien procède à une amputation [1].
L’amputation consiste à enlever une extrémité du corps chirurgicalement ou par
traumatisme (arrachement). Elle est rarement pratiquée de manière médicale en première
intention, elle fait suite à des tentatives de revascularisation ayant échoué. L’objectif de
l’ablation d’un membre ou d’une partie est d’éviter la propagation d’une gangrène
(infection) où le corps est localement privé d’une circulation sanguine (artériopathie,
thrombose) [2] [3].
En France, on estime que 90 % des amputations du membre inférieur sont d’origine
artéritique (idiopathique ou diabétique). Le reste des amputations est d’origine
traumatique, néoplasique, infectieuse ou congénitale. Chaque année on compte 10 000
amputations du membre inférieur. Le niveau d’amputation est déterminé en fonction de
l’atteinte ischémique et de l’état vasculaire du membre inférieur. Il est préférable de
conserver autant que possible le genou pour un meilleur pronostic fonctionnel. Sachant que
la moitié des patients amputés seront ré amputé du même côté ou en controlatéral dans les
deux ans qui suivent à cause de l’évolution de l’AOMI [4].
Monsieur C. est pris en charge au sein d’une équipe pluridisciplinaire : médecin,
infirmière, aide soignante, prothésiste, masseur-kinésithérapeute, ergothérapeute … Les
séances ont lieu deux fois par jour avec un objectif principalement fonctionnel.
L’appareillage est mis en place dès que la cicatrisation du moignon le permet. On débute
par une prothèse provisoire qui prépare le moignon aux contraintes et permet de parfaire
les réglages. Cela permet d’obtenir une prothèse définitive optimale. Il faut noter qu’une
prothèse n’est jamais définitive elle nécessite des réglages en fonction des variations de
volume du membre résiduel [4].
2
L’amputation est « l’acte de la dernière chance » pour sauver la vie du patient. La chirurgie
atteint le corps, elle modifie le rapport au corps du patient ainsi que son environnement et
sa relation aux autres. Une telle intervention se répercute sur le plan corporel ainsi que sur
le plan psychique.
Selon J. Dufour cité par Ferragut [5] le traumatisme physique se définit comme un choc
violent avec une blessure par effraction qui aura des conséquences sur l’ensemble de
l’organisme. « Le traumatisme psychique correspond à un événement de la vie du sujet qui
se définit par son intensité, l’incapacité où se trouve le sujet d’y répondre adéquatement et
les bouleversements psychogènes durables qu’il provoque dans l’organisme psychique.»
Je me suis interrogée sur les effets de l’amputation au niveau du schéma corporel et de
l’image de soi. Quel est le rôle du kinésithérapeute dans l’accompagnement du deuil du
membre sectionné ? Quelles sont les techniques dont il dispose pour permettre une
reconstruction du schéma corporel ? En quoi l’intégrité de son schéma corporel permet une
intégration de l’appareillage ?
3
1. Présentation
1.1 Motif d’hospitalisation
Amputation transtibiale droite sur artériopathie réalisée le 1er
juillet 2013 puis le patient
intègre le centre de rééducation fonctionnelle le 9 juillet 2013.
1.2 Mode de vie
Monsieur C., 50 ans, est divorcé, et père de deux enfants en garde alternée (20 et 22 ans). Il
vit avec son amie dans une maison avec un étage (marches larges).
Menuisier de formation, il s’est récemment reconverti comme ébéniste suite à une
amputation transmétatarsienne. Son travail se déroule majoritairement assis. Etant salarié il
peut reprendre son poste dès la fin de son arrêt maladie.
Le patient est très sportif, il enseignait un art martial. Il pratique régulièrement la moto et
souhaite obtenir une revalidation de ses permis moto et automobile à la sortie. Sensible à
l’art, il dessine régulièrement.
Le patient pèse 66.4 kg pour 180 cm soit un indice de masse corporelle (IMC) de 20.5 ce
qui correspond à un IMC normal [6].
1.3 Antécédents
Antécédents médicaux :
- Une artériopathie anévrismale et occlusive a été diagnostiqué chez Monsieur C. en 1998
suite à la fissuration d’un anévrisme poplité à gauche traitée chirurgicalement en urgence.
- Tabagisme sévère non sevré estimé à 25 paquets-année jusqu’en 2011. Depuis Monsieur
C. fume environ 4 cigarettes par jour. Cependant il semble qu’il a tendance à sous déclarer
cette quantité.
- Les médecins ont évoqué l’hypothèse d’une maladie de Behcet mais sans aucune
confirmation. C’est une maladie caractérisée par une inflammation des vaisseaux sanguins.
Elle se manifeste essentiellement par une atteinte des muqueuses, telle des aphtes buccaux
ou génitaux, à laquelle s’associe de façon variable une atteinte des yeux, de la peau, des
articulations, du système nerveux et plus rarement d’autres organes. Une fatigue très
prononcée est également présente. L’origine de la maladie est inconnue [7].
4
N’ayant pas été confirmée par les médecins, cette maladie médecins n’a pas été prise en
compte dans la rééducation. Le patient est sous traitement pour les manifestations
vasculaires avec les anticoagulants et antiagrégants plaquettaires.
Antécédents chirurgicaux : (Annexe I)
- pontage poplité à gauche en 1998.
- pontage poplité à droite et pontage fémoral à droite en 2000.
- sympathectomie lombaire en 2011 : opération permettant d’améliorer la circulation en
supprimant la vasoconstriction réalisée par le système sympathique présent à ce niveau.
Cela entraine une dilatation des artères, de la peau et des muscles. Cette intervention
augmente le flux sanguin du membre inférieur grâce à la dilatation des petits vaisseaux qui
forment la circulation collatérale permettent de suppléer l’obstruction des gros vaisseaux
[4].
- amputation transmétatarsienne réalisée à droite en 2011.
1.4 Traitement médical
Le traitement médical (Annexe II) prend en charge la douleur avec des antalgiques
complété par le Lyrica® contre les douleurs neuropathiques.
La prévention des troubles thromboemboliques est assurée par les anticoagulants et
antiagrégants plaquettaire.
Les antiagrégants plaquettaires inhibent la formation de thrombus mais sont effectifs au
sein de la circulation artérielle là où les anticoagulants ont une action limitée. Le traitement
des thromboses veineuses profondes permet de limiter le risque d’embolie pulmonaire
alors que le traitement des arthérothromboses réduit le risque d’accident vasculaire
cérébral.
Pour prendre en compte le risque de dépression le patient a un traitement antidépresseur.
Ce médicament est aussi actif sur les douleurs chroniques [8].
Le patient est sous Crestor® (hypolipémiant) qui est utilisé en prévention des événements
cardiovasculaires.
5
Pour prévenir le risque de constipation le patient prend, selon ses besoins, un laxatif. La
marche améliorera le transit du patient et permettra l’arrêt de ce médicament.
1.5 Anamnèse
Monsieur C. a été amputé au niveau transmétatarsien en 2011 suite à des douleurs
ischémiques du membre inférieur droit. Malgré l’intervention, le patient souffre en
permanence de douleurs. Des interventions de revascularisation ainsi qu’une cure
d’ilomedine® (traitement de l'ischémie chronique sévère des membres inférieurs chez les
patients ayant un risque d'amputation) ont été tentées mais sans résultat. Une amputation
transtibiale est réalisée en dernier recours le 1er
juillet 2013.
1.6 Compte rendu opératoire
(Annexe III)
- Section du tibia et de la fibula
- Section des gastrocnémiens et soléaire
- Section tibial antérieur, long extenseur des orteils
- Section long fibulaire
- Section nerf tibial et nerf fibulaire superficiel et profond
- Section artère tibiale (antérieure et postérieure), des veines saphènes
2. Bilan à J + 31 : phase pré prothétique
2.1 Bilan cutané trophique vasculaire
L’amputation est au tiers proximal du tibia 8 centimètres au-dessous de la tubérosité tibiale
antérieure.
cutané
Le membre résiduel ne présente pas de signes cliniques d’inflammation (rougeur, chaleur,
œdème). Suite à une chute chez lui le week-end précédent, un hématome est présent sur la
face inférieure du membre résiduel. La cicatrice est horizontale, elle mesure 16
centimètres. Une partie de la cicatrice est sous pansement à cause d’une lésion de la peau
impliquant un léger écoulement de sang, le reste est à l’air libre. Les fils ont été retirés le
24 juillet 2013 à J +24. La cicatrice est souple et non adhérente. Le moignon présente une
6
forme cylindrique (figures 1 et 2). Le pli de peau est souple et élastique de chaque côté. La
peau se recolore après une pression.
La face antéro-médiale de la cuisse droite révèle une cicatrice de 35 centimètres due à un
pontage fémoral. La cicatrice du pontage poplité à droite n’est pas visible suite à
l’amputation.
Le membre résiduel présente peu de pilosité sans anomalie par rapport au côté opposé. La
peau des membres inférieurs révèle de nombreuses éphélides en lien avec la peau claire et
la couleur de cheveux du patient.
Le membre inférieur gauche présente une cicatrice face postéro-médiane du genou
correspondant au pontage poplité. Elle est souple non adhérente et mesure 10 centimètres.
Figure 1 : aspect du moignon et de la
cicatrice sous pansement à J+31.
Figure 2 : aspect du moignon sans
pansement.
trophique
Le moignon mesure 32 centimètres de diamètre à 10 cm de la pointe de la patella, il est
recouvert d’un manchon contentif dans la journée.
7
vasculaire
Facteurs de risque cardio-vasculaires (annexe IV) :
- tabac : le patient déclare avoir réduit la quantité depuis 2 ans (10 cigarettes à 0-4
cigarettes par jour). Il ne présente pas d’encombrement bronchique lors du bilan.
L’exploration fonctionnelle respiratoire de monsieur C n’a pas pu être pratiquée lors de
mon stage.
- monsieur C. est très sportif mais il est resté peu actif à cause de la douleur pendant le
mois et demi qui a précédé l’intervention.
- absence de facteurs héréditaires comme le diabète, l’hypertension artérielle…
Aucun signe précurseur de phlébite (douleur et chaleur dans le mollet, diminution du
ballant musculaire, mobilisation passive de la talo crurale douloureuse), pas de signe de
syndrome douloureux régional complexe.
Les pouls périphériques sont présents et réguliers. Les pouls des pontages n’ont pas été
relevés.
2.2 Bilan douloureux et sensitif
Monsieur C. décrit des « picotements, des chatouillements, des démangeaisons » au
niveau du pied droit (amputé). Ses sensations ne sont pas douloureuses mais plutôt
gênantes. Elles étaient plus douloureuses en post opératoire. Il décrit une amélioration
grâce à la Neurostimulation Electrique Transcutanée et évalue ses douleurs à 2/10 sur
l’échelle numérique. Elles apparaissent de manière inconstante au cours de la journée, il est
rarement réveillé par ce type de douleurs.
On parle alors de sensation fantôme (hallucinose : sans douleur) et non de douleurs
fantôme (algohallucinose : douleur hallucinatoire) qui sont plus violentes (un courant
électrique, des coups de couteau dans le membre amputé…) [9]
Le patient ne présente pas de douleurs à la mobilisation.
Lors de l’interrogatoire il présente une douleur au moignon quantifiée à 4/10 sur l’échelle
numérique et s’exprime principalement lors de la verticalisation et lors d’un contact sur
l’hématome. La position d’extension du membre résiduel soulage cette douleur. Cet
hématome est la résultante d’une chute récente.
8
Aucun trouble de la sensibilité superficielle ou profonde n’est relevé.
2.3 Bilan articulaire
Qualitatif :
Absence de bruits ou ressauts. Les articulations sont stables.
Lors de la mobilisation un arrêt mou et élastique est ressenti au niveau du genou.
Quantitatif : (tableau I)
Les amplitudes des membres supérieurs sont physiologiques.
Les amplitudes articulaires du membre inférieur gauche ne présentent pas de limitation.
Le genou droit présente un flexum de 5° en passif et 10° en actif. De plus la flexion est
moins importante de 25° par rapport au membre controlatéral.
Un flexum inférieur à 15° n’empêche pas l’appareillage [10]
Tableau I : mesure des amplitudes articulaires des membres inférieurs.
mouvement Droit Gauche
Hanche Flexion 110° 110°
Extension 5° 10°
Abduction 30° 40°
Adduction 10° 10°
Rotation latérale 20° 35°
Rotation médiale 15° 15°
Patella Transversalement 100% 100%
Verticalement 100% 100%
Genou Flexion 125° 150°
Extension -5° 0°
Cheville Aucune limitation à gauche
9
2.4 Bilan musculaire
Qualitatif :
Une amyotrophie de la cuisse est relevée.
Tableau II : mesures de l’amyotrophie de la cuisse.
Gauche Droite Différence à droite
5 cm au dessus de la
patella
38 cm 36 cm - 2 cm
10 cm 42 cm 37 cm - 5cm
15 cm 45 cm 40 cm -5 cm
25 cm 50 cm 44 cm -6 cm
Le verrouillage du genou en décharge est possible des deux côtés, le patient tient le genou
en extension plus d’une dizaine de secondes.
Hypo extensibilité
- ischiojambiers testés en décubitus dorsal à 90° de flexion de hanche, on relève 150°
à droite et 160° à gauche.
- droit fémoral testé en décubitus ventral, on note 100° à droite et 110° à gauche.
Le moignon est hypotonique par rapport au coté sain.
Le patient dit qu’il se fatigue plus rapidement lors des séances, il ressent une fatigue
musculaire.
Quantitatif :
La cotation utilisée pour évaluer la force musculaire est une inspiration du testing
musculaire (tableau IV).
Les membres supérieurs permettent le béquillage, le déplacement lors des transferts.
Au niveau du membre inférieur droit on relève une diminution de force modérée qui est
plus marquée au niveau du quadriceps. Les muscles ne peuvent pas faire beaucoup de
répétitions.
10
Tableau IV : cotation des muscles du membre inférieur par analogie au testing.
Articulation Muscles Membre sain Membre résiduel
Hanche Fléchisseurs 5 4
Extenseurs 5 4
Abducteurs 5 4
Adducteurs 5 4
Rotateurs médiaux 5 4
Rotateurs latéraux 5 4
Genou Fléchisseurs 5 4
Extenseurs 5 3+
Cheville Fléchisseurs 5
Extenseurs 5
2.6 Bilan fonctionnel
Monsieur C. se déplace en fauteuil roulant manuel dans l’établissement.
Les transferts se font de manière autonome. Il réalise toutes les activités de la vie
quotidienne seul : habillage, toilette, déplacements dans le centre … Le patient rentre chez
lui le week-end, son domicile est accessible au fauteuil roulant ce qui facilite son
indépendance.
Le patient tient en équilibre unipodal entre les barres parallèles plus de 5 minutes avec des
déstabilisations intrinsèques et extrinsèques. L’équilibre est aussi testé avec un tabouret
sous le genou droit, le patient tient l’équilibre avec les mêmes déstabilisations.
Lors de la marche entre les barres parallèles le patient présente un schéma de marche avec
un bon déroulement du pas.
L’essai de la première prothèse est prévu à J + 37 de l’opération.
2.7 Profil psychologique
Monsieur C. parle facilement de son amputation. Il explique qu’aujourd’hui il est soulagé
de ne plus souffrir car il garde un souvenir marquant de ses douleurs lors des tentatives de
revascularisation. Avant l’intervention, il est allé voir un ami qui a subi une amputation il y
11
a dix ans, ce contact a permis à Monsieur C. de se rassurer sur son avenir avec un membre
amputé.
La chute est un risque majeur chez ce profil de patient. Monsieur C. est tombé chez lui il
présente un hématome sur la face inférieur du moignon. Cet incident est un frein à sa
rééducation, son moral est affecté par le retard pris sur son appareillage et par conséquent
la reprise de la marche. Il est conscient des risques de récidive de chute.
3. Complément de bilan à J+40 : phase d’appareillage
Bilan de la douleur :
La mise en place de la prothèse est indolore, le contact entre le moignon et le manchon ne
gêne pas le patient. Cependant, au bout de 50 à 100 mètres de marche Monsieur C. se
plaint de douleurs au niveau de l’emboiture. Il décrit une sensation de compression qui
l’oblige à s’arrêter pour calmer la douleur avant de repartir. Cette douleur est cotée à 4/10
sur l’échelle numérique.
Bilan de l’appareillage :
La prothèse tibiale (figure 3) est composée d’un manchon en copolymère complété par un
jersey, d’une emboiture, d’un segment jambier et d’un pied. Elle fonctionne avec un appui
sous la patella et un contre-appui poplité. C’est une emboiture de type contact qui se moule
sur le relief osseux et sur les parties molles.
Monsieur C. place sa prothèse seul, il est capable de sentir si elle est bien emboitée.
Il dispose de deux bonnets d’épaisseur différente qu’il peut placer pour pallier les
variations de volume du moignon notamment après avoir marché.
Plusieurs modifications ont été effectuées par les appareilleurs afin d’assurer une
adaptation optimale et corriger les douleurs à la marche du patient.
Il met sa prothèse dans la matinée et la retire dans l’après-midi, en moyenne il la garde 7
heures.
12
Figure 3 : prothèse trans tibiale vue postérieure et antérieure.
3. Diagnostic masso-kinésithérapique
Monsieur C, âgé de 50 ans, est hospitalisé suite à une amputation transtibiale à
droite d’origine vasculaire. Le membre inférieur gauche ne présente pas de signe d’artérite.
A J+31 le patient souffre de douleurs fantômes qui diminuent progressivement.
Dans l’enceinte du centre ses déplacements se font en fauteuil roulant manuel. Sur le
plateau technique le patient déambule en unipodal entre les barres parallèles. La
cicatrisation du membre résiduel permet le début de l’appareillage, mais suite à une chute
sur le moignon durant le week-end un hématome au niveau de la face inférieure du
membre résiduel retarde la phase prothétique d’une semaine. Le genou présente un flexum
de 5°. La force musculaire des membres supérieurs permet des transferts autonomes et
sécurisés. Cependant le patient fatigue au niveau des membres supérieurs lors de la
déambulation.
13
Avant l’intervention, Monsieur C. marchait peu à cause de douleurs vasculaires.
Cela explique en partie l’amyotrophie de la cuisse droite ainsi que la diminution de la force
des muscles fessiers et de la cuisse.
Le patient est hospitalisé en temps complet mais il rentre chez lui les week-ends.
Pour cela il a déménagé de son appartement pour aller vivre chez sa compagne qui possède
une maison plus appropriée à la déambulation en fauteuil roulant. Etant divorcé, ses
enfants vivent une semaine sur deux avec leur père en temps normal.
Monsieur C. est passionné de moto. Il souhaite reprendre cette activité au plus vite.
Il s’impatiente de pouvoir commencer à marcher avec sa prothèse mais c’est un patient
serein. Il s’occupe en dehors des séances de rééducation en peignant et en rencontrant les
autres patients avec qui il se retrouve pour jouer au billard. En arrêt de travail depuis deux
mois et demi le patient compte dès la sortie du centre reprendre sa profession d’ébéniste en
mi-temps thérapeutique puis à temps complet. L’entente et la compréhension de son patron
lui facilitent les démarches et lui permettent de ne pas appréhender les difficultés liées à la
reprise du travail.
Le patient étant jeune et actif autant sur le plan professionnel que personnel, la
rééducation doit prendre en compte l’importance de la réinsertion socioprofessionnelle
pour son futur. Le projet thérapeutique pour Monsieur C. est d’obtenir une marche
prothétique sans aide technique et retrouver une endurance musculaire permettant une
activité sportive. Le champ d’action en kinésithérapie s’entend sur un plan physique mais
aussi psychologique. L’objectif principal de la rééducation est que le patient intègre sa
prothèse et qu’il puisse la porter quotidiennement le plus longtemps possible.
5. Objectifs
Phase pré prothétique :
Améliorer la force des muscles de la cuisse du membre résiduel en insistant sur les
muscles acteurs de la marche et stabilisateurs afin d’éviter une boiterie :
quadriceps, ischio jambiers, abdominaux, spinaux, muscles fessiers.
Travailler sur l’endurance musculaire des membres supérieurs et du membre
inférieur sain.
14
Entretenir la proprioception afin de limiter le risque de chute.
Entretenir l’extension de hanche du membre résiduel lors de la déambulation dans
les barres.
Insister sur l’équilibre unipodal stable.
Préparer à l’utilisation des cannes anglaises.
Contrôler la bonne utilisation du fauteuil roulant et l’installation en extension de
genou.
Participer à une réintégration socioprofessionnelle dès la sortie du centre.
Phase prothétique :
Obtenir une répartition symétrique des appuis.
Améliorer la déambulation sur différents terrains avec et sans aides techniques.
Obtenir une marche sans boiterie sur au moins 500 m avec une vitesse d’environ 3-
4 km/h.
Permettre un retour à domicile d’ici 5 à 6 semaines avec un maximum d’autonomie
: prendre les escaliers, se réinsérer dans la vie sociale et professionnelle dans les
meilleures conditions.
Eduquer à l’hygiène du moignon et du matériel prothétique.
6. Objectifs patient
Marcher sans aide de marche
Conduire sa moto
Etre indépendant
Reprendre son activité professionnelle
Faire du sport : natation, marche tout terrain …
7. Principes
Généraux :
Associer la respiration aux exercices pour favoriser un apport en oxygène.
Surveiller les troubles thromboemboliques.
15
Liés à la pathologie :
Pas de contraction statique supérieure à 6 secondes et absence de posture
prolongée.
Faire régulièrement un point avec l’appareilleur pour adapter au mieux la prothèse
en fonction des variations de volumes, de la douleur…
Adapter les séances en fonction de la douleur et des variations de volume du
moignon ainsi que de la fatigue du patient.
Commencer par un appui progressif sur le moignon en évitant les appuis prolongés.
Liés au patient :
Surveiller l’hygiène du moignon et de la prothèse
Favoriser une marche sûre pour limiter le risque de chute.
8. Rééducation
Prise en charge de la douleur :
Pour calmer les sensations fantômes le patient applique le TENS (neurostimulation
électrique transcutanée) de manière autonome dans sa chambre deux à trois fois par jour
avec une fréquence de 80 hertz pendant 60 microsecondes et avec une intensité de 25 à 32
milliampères.
De plus une étude a montré que le port de l’appareillage aide à diminuer les douleurs
hallucinogènes car la prothèse comble la sensation de manque sur le membre résiduel [11].
Cet aspect est développé au cours de la discussion.
Le massage
La séance de rééducation débute par un massage de la cuisse et de la cicatrice au niveau du
membre résiduel afin d’éviter des adhérences.
Une vigilance particulière est apportée lors du massage. Chez les patients artéritiques on
peut provoquer une ischémie profonde due à un afflux sanguin en superficie occasionné
par le massage [12].
16
dominante articulaire
La mobilisation passive a pour effet de restituer une image motrice et d’améliorer le
schéma corporel Ceci est développé dans la discussion. Elle permet aussi de prévenir des
attitudes vicieuses comme le flexum de hanche et de genou.
L’étirement des ischiojambiers est indispensable pour limiter le flexum du genou. Il est
réalisé en décubitus dorsal avec une flexion de hanche à 90°. Le thérapeute pose une main
de contre appui sur la face antérieure de la cuisse et une main d’appui au niveau du
moignon en réalisant une extension de genou. On étire aussi le droit fémoral en décubitus
ventral.
dominante musculaire
Au niveau de la zone amputée on peut observer une réorganisation des muscles situés en
périphérie.
Le renforcement musculaire commence sur table par un travail analytique du moyen
fessier, du quadriceps, du grand fessier. Le temps de contraction est de maximum six
secondes car la contraction statique met le muscle en tension dans son aponévrose ce qui
comprime les tissus et empêche la circulation artérielle [12]. C’est pour cette même raison
que le travail statique intermittent (avec une phase de travail et une phase de repos) est
plutôt pratiqué lors du réentrainement à l’effort chez les personnes amputées pour raison
vasculaire. Il favorise la revascularisation et aide à la résorption de l’œdème.
Le renforcement est préférentiellement axé sur le quadriceps car c’est lui qui présente une
amyotrophie qui est responsable de la diminution de la force musculaire. Il est réalisé entre
0 et 30° de flexion ce qui correspond à l’amplitude physiologique de la marche. Afin
d’augmenter le volume on sollicite un mode concentrique et pour la force musculaire on
utilise une contraction excentrique. Sur les ischiojambiers on travaille entre 0 et 90° de
flexion pour les mêmes raisons.
Le moyen fessier est sollicité en latero cubitus avec le carré des lombes. On le travaille
aussi en décubitus dorsal en statique contre résistance manuelle. Ce muscle a une
physiologie excentrique, il est plutôt travaillé debout.
La co-contraction quadriceps et ischiojambiers est réalisée en décharge à droite avec la
consigne d’écraser un coussin placé sous le creux poplité et de pousser le talon en
17
l’éloignant mais en ramenant la pointe de pied vers lui. En charge, l’exercice est réalisé à
30° de flexion de genou face à un espalier avec un élastique qui résiste à l’extension du
patient. Lors de cet exercice il faut être vigilant sur la réalisation du mouvement et éviter
que le patient ne recule le bassin.
Les membres supérieurs sont renforcés sur des appareils de musculation. La résistance est
progressive (de 5 à 20 kg) avec des séries de 10 répétitions et un temps de repos entre
chaque série.
dominante fonctionnelle
Avant la mise en place de la prothèse :
Monsieur C. commence par marcher entre les barres parallèles. Ensuite des exercices
d’équilibre lui sont proposés comme l’équilibre unipodal avec des déstabilisations
extrinsèques et intrinsèques (regarder en haut, en bas, sur les cotés, yeux ouverts et yeux
fermés). Afin de préparer l’équilibre avec la prothèse on place un tabouret sous le genou du
membre amputé et l’on procède à des déstabilisations comme par exemple des échanges
avec un ballon.
Avec la prothèse :
Le travail fonctionnel débute par de la marche entre les barres : marche avant, marche
arrière, marche latérale.
En dehors des barres parallèles la marche débutera avec deux cannes anglaises et une
marche à trois temps puis progressivement nous passerons à une canne simple en contro
latéral pour finir sans aide technique. Afin de garder le balancement des bras la marche à
quatre temps avec les deux cannes anglaises est envisagée.
Des parcours de marche sont élaborés afin de solliciter la triple flexion et de tester le
déroulement du pas. Lors du parcours nous insisterons au début sur la sécurité lors des
demi-tours avec de petits pas et sans mouvements de torsions. Pour améliorer
analytiquement la marche (longueur du pas, hauteur du pas) on peut poser des repères au
sol.
18
Le patient marche sur des terrains variés (tapis de mousse, coussins, plans inclinés,
goudron, pelouse …) en réalisant des changements de directions, des arrêts, des
accélérations.
Afin d’évaluer et stimuler la répartition des appuis on utilise des pèses personnes.
L’équilibre est travaillé debout en bipodal entre les barres parallèles, les yeux ouverts, avec
des mouvements de tête et des bras. Une fois maitrisé l’équilibre est stimulé en fente avant,
avec le membre amputé en avant. En évolution, le masseur kinésithérapeute demande au
patient de fermer les yeux. En effet, chez les amputés il a été démontré que pour assurer un
bon contrôle de l’équilibre le patient utilise un contrôle visuel plus important [13]. Une fois
les yeux fermés c’est l’oreille interne et les récepteurs proprioceptifs qui permettent de
réguler la posture. Ces exercices de fente peuvent être réalisés sur différents supports (sol,
mousses …) et avec des déstabilisations comme par exemple des passes avec un ballon.
L’équilibre assis est réalisé sur un ballon de Klein avec des déstabilisations intrinsèques et
extrinsèques. Dans la même position, nous pourrons aussi travailler le transfert d’appui
avec des mouvements latéraux.
Des exercices de proprioception sont proposés à l’aide de plans instables : coussins,
plateaux déstabilisations. Du travail en bipodal et en unipodal est réalisé avec des
déstabilisations intrinsèques et extrinsèques, d’abord les yeux ouverts puis les yeux fermés.
Dans les escaliers le patient utilise en premier lieu une canne et la rampe. La montée
débute par le membre sain et suit par le membre amputé alors que la descente se réalise
dans le sens inverse c'est-à-dire que c’est d’abord le membre amputé qui descend. La canne
anglaise accompagne le membre amputé. Les escaliers sont montés et descendus en
asymétrique au début puis en symétrique.
Les niveaux d’évolution motrice sont abordés avec Monsieur C. afin de faciliter le relevé
du sol lors d’une chute. Nous commençons debout à côté de l’espalier puis le patient passe
à la position de « chevalier servant » avec la jambe droite au sol et la jambe gauche devant,
ensuite il se dresse sur les deux genoux, puis peut se déplacer sur le tapis grâce à la
position de quadrupédie. Pour s’allonger Monsieur C. va passer de la position « petite
sirène » à la position « assis plage » puis il peut, grâce à l’appui sur son coude gauche et la
jambe gauche, s’allonger le sur dos. Nous recommençons ces mêmes étapes dans le sens
inverse pour qu’il se remette debout. Cet exercice permet d’insister sur la vigilance de la
19
prothèse. En effet, le fait de se déplacer en quadrupédie risque de déchausser la prothèse il
faut donc inciter le patient à être très attentif lorsqu’il se relève.
Prévention
Durant les premières séances d’appareillage la prothèse est retirée régulièrement afin de
vérifier l’état cutané du moignon et les points d’appui de l’appareil.
L’hygiène du moignon doit être irréprochable. Le manchon et l’emboîture sont
imperméables créant un climat propice aux macérations et aux infections (cutanées et
microbiennes). Une infection entrainerait une suspension du port de la prothèse qui
pourrait être délétère. La toilette du manchon doit être faite de préférence le soir (pour
sécher toute la nuit), avec un savon peu agressif (type savon de Marseille). Aucun produit
détergent ne doit être appliqué. Il faut sécher soigneusement le moignon après l’avoir lavé,
puis le placer sous contention. Un soin rigoureux de la prothèse permet d’éviter une usure
trop rapide.
Durant les six premiers mois après l’amputation le moignon doit être sous contention soit
avec la prothèse soit grâce à un bandage ou un bonnet de contention [11].
Dans le cas de Monsieur C. il est essentiel d’arrêter de fumer afin de limiter les risques
cardiovasculaires. Il a déjà réduit sa quantité de cigarette depuis deux ans mais depuis qu’il
est hospitalisé il semble fumer davantage. Cependant la décision d’arrêter ne peut venir
que de lui-même. La motivation joue un rôle clé dans la réussite d’un sevrage. Le
thérapeute doit aborder le sujet sans culpabiliser le patient mais en lui apportant des
solutions pour l’aider à arrêter. Il faut lui expliquer le risque de formation d’une plaque
athérome liée au dépôt de tabac [14].
Les effets néfastes du tabac viennent de la nicotine et de la formation de
carboxyhémoglobine entrainant une augmentation de la fréquence cardiaque, du débit
cardiaque, de la VO2, de l’agrégation plaquettaire, une vasoconstriction, une diminution
transport oxygène et une hypoxie tissulaire. Cela correspond à l’inverse de ce qui se
produit pendant un entrainement musculaire. Une activité physique régulière permet de
limiter l’intoxication tabagique [15].
20
Monsieur C. consomme de l’alcool occasionnellement, ce qui ne constitue pas un danger
pour sa pathologie. Selon la Haute autorité de santé, une consommation supérieure à 3
verres de vin par jours chez l’homme constitue un facteur de risque pour l’AOMI.
9. Conclusion de la fin de prise en charge à J+ 53
La cicatrice du membre résiduel est mobile sans adhérence et sans signe d’inflammation.
Elle est à l’air libre. Monsieur C. continue de porter un manchon pour maintenir la forme
du moignon. Dans la prothèse il porte un manchon en copolymère.
Le patient ressent de moins en moins de sensation fantôme, il a arrêté la neurostimulation
électrique transcutanée. Les douleurs lors de la marche avec la prothèse ont diminué, il
peut porter la prothèse plus longtemps, elle est mise le matin et retirée le soir.
Monsieur C. présente une force musculaire bilatérale homogène, cependant on relève une
amyotrophie persistante de la cuisse (annexe V).
Le volume du moignon dépend :
- des masses musculaires
- du tissu adipeux
- des éléments liquidiens : l’œdème, le sang, le liquide lymphatique et interstitiel.
Monsieur C. devra être vigilant sur ces variations de volumes, en effet au cours de la
journée le volume du moignon peut augmenter comme par exemple après une marche à
cause de l’afflux sanguin puis il diminue. Ce phénomène peut être géré grâce à des bonnets
de différentes épaisseurs qui comblent l’espace de l’emboiture.
Au niveau de la répartition du poids du corps on note 55% à gauche et 45% à droite que ce
soit les yeux ouverts ou les yeux fermés.
La marche s’effectue avec deux cannes anglaises en dehors des séances de rééducation et
avec une canne à gauche ou sans canne sur le plateau technique. Lors du test de marche
pendant 6 minutes avec deux cannes anglaises et en deux temps le patient parcourt 321
mètres, soit une vitesse de 3.2 kilomètre par heure. Ce test est effectué avec les deux
cannes car sans aide technique le patient présente un périmètre de marche de 100 mètres, il
s’arrête à cause de la douleur (compression dans l’emboiture de la prothèse). Un patient
amputé transtibial consomme environ 30% plus d’énergie pour se déplacer qu’un sujet sain
21
[13]. Plus le moignon est court plus la marche est énergivore. Les facteurs qui vont
engendrer un moindre coût énergétique sont : une fréquence cardiaque lente, l’âge, la
vitesse de marche, la longueur du moignon, l’asymétrie de la marche avec des oscillations
importantes du centre de gravité. Le poids de la prothèse n’a pas de lien avec le coût
énergétique de la marche [13]. Pour marcher avec une prothèse sur une distance de plus de
100 mètres il faut une capacité d’effort supérieure à 50% de la VO2 maximale. La VO2
maximale est « la quantité maximale d’oxygène qui peut être échangée au niveau
pulmonaire, transportée par l’appareil circulatoire et consommée par le muscle par unité de
temps [15]. » Chez l’amputé transtibial le coût énergétique est augmenté de 20 à 35% lors
d’un effort musculaire. Seul l’entrainement permettra de diminuer progressivement ce cout
énergétique [16]. Les effets du réentrainement à l’effort sont une diminution de la
glycolyse anaérobie, une amélioration du retour veineux et le développement d’une
circulation collatérale.
Au test d’équilibre et de la marche de TINETTI le score est de 26/28 soit un risque de
chute peu élevé (Annexe VI). Ce test est réalisé avec deux cannes anglaises lors de la
marche sur 3 mètres. Le patient tient en équilibre unipodal les yeux ouverts pendant plus
de 10 secondes à droite et à gauche mais il ne tient que 5 secondes les yeux fermés à droite
contre plus de 10 secondes à gauche. Cela peut s’expliquer par la modification du centre de
gravité avec le port de la prothèse et une douleur de compression dans l’emboiture. Cette
différence de maintien en appui unipodal confirme la nécessité de conserver
temporairement la canne à gauche.
Les escaliers sont montés et descendus en symétrique avec une canne anglaise et la rampe.
La sortie du patient est prévue pour la semaine suivante avec une nouvelle prothèse. Il
souhaite marcher sans les cannes le plus vite possible et reprendre le travail. Monsieur C.
est satisfait de reprendre le cours de sa vie et appréhende peu de quitter le centre.
22
10. Discussion
L’amputation représente un désordre psychologique pour le malade, il s’agit d’une atteinte
corporelle entrainant un bouleversement pour sa vie future.
Je me suis interrogée sur les effets de l’amputation au niveau de la représentation
corporelle. Quels sont les moyens du kinésithérapeute pour aider le patient dans
l’acceptation de son handicap et l’accompagnement du deuil du membre sectionné ?
Comment permettre à la personne amputée d’intégrer sa prothèse physiquement et
psychologiquement ?
10.1Définitions
10.1.1 Image corporelle
L’image corporelle est la représentation psychique et symbolique du corps, elle est propre
à chaque individu. Le terme « image » n’implique pas que l’on parle d’imaginaire. C’est
un élément primordial de l’identité, elle joue un rôle important dans la socialisation de
l’individu [17]. Elle est constamment remaniée selon les expériences vécues ainsi qu’à
travers le regard des autres, c’est une « synthèse vivante de nos expériences
émotionnelles ». Cette représentation mentale du corps est influencée par des valeurs
esthétiques et socioculturelles.
L’image du corps est un support du narcissisme, or l’amputation d’un membre entraine une
blessure narcissique. Le narcissisme nous donne le sentiment d’exister, d’être soi. Le
risque majeur est que l’atteinte physique qui modifie l’image de soi atteigne l’amour de
soi. Le sujet se voit comme « un amputé » et non plus comme un individu [18].
10.1.2 Schéma corporel
Le schéma corporel est la connaissance et la représentation que l’on a de son corps pour se
situer dans l’espace. En principe il est le même pour tous les individus. C’est un schéma
anatomique et fonctionnel du corps résultant d’une intégration sensorimotrice qui s’élabore
progressivement et s’achève vers l’âge de onze ou douze ans [19]. Selon F. Dolto [20], le
schéma corporel est marqué par une intégrité de l’organisme. Il évolue dans le temps et
l’espace en fonction des atteintes que le corps peut subir. Il est l’interprète actif ou passif
de l’image corporelle.
23
La structuration du schéma corporel est obtenue grâce à l’apprentissage et à l’expérience.
Lors d’une lésion corporelle comme l’amputation, la prise de conscience corporelle est
obtenue à l’aide des nouvelles informations données par le schéma corporel.
L’appropriation du nouveau schéma corporel chez les personnes amputées est facilitée par
les exercices de rééducation en kinésithérapie. Chez Monsieur C, la sensibilité et le
système de balancier à la marche à été conservé ce qui permet de préserver en partie le
schéma corporel.
10.1.3 Impact sur les douleurs fantômes : mémoire du corps
Le membre fantôme montre à quel point l’image du corps résiste, cela peut durer des mois
voire des années. Ces douleurs dépendent de l’avancée psychologique du patient sur son
corps.
Chez les personnes amputées le membre tronqué existe toujours dans le schéma corporel,
la zone amputée est encore représentée dans les aires somesthésiques au niveau cérébral.
De ce fait, la sensation fantôme est quasi obligatoire après une amputation. Il existe une
mémoire du corps où l’image du corps intervient. C'est-à-dire que si l’individu refuse
d’intégrer l’ablation d’un membre il reste avec son image d’avant ainsi que ses possibilités
fonctionnelles [21].
10.2 Prendre conscience de son corps
La conscience du corps se fait par des afférences sensorielles : intéroceptives,
proprioceptives et visuelles.
10.2.1 Théorie de Feldenkrais : prise de conscience par le
mouvement
Cette technique est destinée à améliorer la posture et la conscience qu’a le sujet de ses
mouvements. Elle est basée sur l'image de soi, la plasticité du système nerveux et ses
possibilités d'apprentissage. Selon Feldenkrais [22] le corps est le reflet de ce qui se passe
dans l’esprit et inversement.
Il s’agit de mouvements de faible ampleur en douceur qui visent à accroitre la conscience
corporelle en laissant le patient se concentrer sur ses sensations.
24
Prendre conscience de soi, de son corps, par le mouvement, c'est prendre conscience du
mouvement que l'on effectue dans toute notre structure corporelle, c'est prendre conscience
des relations des différentes parties du corps entre elles dans l'espace. L'intention est de
s'organiser afin de bouger avec un minimum d'effort et un maximum d'efficacité, non pas
avec comme seul moyen la force musculaire, mais grâce à une conscience accrue de son
fonctionnement corporel. Le mouvement conscient aider à concorder image et schéma
corporel.
Feldenkrais dit : « les mouvements ne sont rien. Je ne cherche pas la souplesse des corps
mais celle du système nerveux. Ce que je cherche, c'est restaurer chaque personne dans sa
dignité humaine ».
La limite principale de cette technique est l’existence d’un trouble sensitif rendant la
communication par le toucher difficile.
10.2.2 Influence du toucher dans la représentation de l'image
corporelle
Le toucher se définit comme la stimulation de la peau par des stimuli thermiques,
mécaniques, chimiques ou électriques.
La peau n’a pas de système de fermeture, elle est toujours prête à recevoir des messages.
C’est l’organe le plus étendu et le plus sensible du corps. La peau et le système nerveux
sont issus de la même couche de cellules embryonnaires. D’après Tiffany Fiel [23] on peut
considérer la peau comme une portion exposée du système nerveux. Une stimulation
atteignant la peau est rapidement transmise au cerveau qui à son tour régule l’ensemble du
corps. Le toucher peut soulager la douleur en bloquant le message douloureux, en effet les
signaux du toucher parviennent plus vite au cerveau que les signaux de douleur.
Le toucher est le premier sens à se développer dans notre maturation. En dehors de son
importance pour la croissance, le développement, la communication et l’apprentissage chez
l’enfant, il sert à réconforter, rassurer et restaurer une image de soi. C’est notre sens le plus
social, il implique une interaction avec quelqu’un d’autre contrairement aux autres sens qui
peuvent s’exercer quand on est seul.
25
Le contact du kinésithérapeute sur le corps du patient agit sur l’enveloppe corporelle et ses
limites. Le toucher permet au patient de développer une représentation mentale du corps.
Le but est de restituer une unité corporelle en délimitant l’enveloppe du corps. Le massage
a le même objectif, le patient peut employer cette technique lui-même afin d’améliorer son
image du corps en se réappropriant son schéma corporel.
Cependant, il faut respecter une distance relationnelle permettant au patient de garder une
liberté et surtout de ne pas ressentir les manœuvres de manière intrusive. C’est grâce à
cette distance que la relation soignant/soigné sera basée sur la confiance et aboutira à une
communication constructive. Une écoute active du thérapeute permet au patient de mieux
entendre ce qu’il peut ressentir ou ce qu’il s’imagine.
10.2.3 Prothèse : base de la reprise d’une vie « normale »
L’intégration sensitive et motrice de la prothèse est la base d’une reprise de la vie normale.
L’appareillage est une étape indispensable à la réhabilitation, il permet une indépendance
motrice.
L’appareillage permet de pallier à l’asymétrie du schéma corporel et favorise une
reconstruction cognitive du corps. La prothèse donne une continuité au membre inférieur
tronqué.
La perte d’un membre altère la mobilité du patient et modifie l’image corporelle.
L’amputation a des répercussions psychologiques, familiales, professionnels et sociales
c’est grâce à la prothèse que le patient va retrouver son identité. En effet, il retrouve une
station verticale et peut se mouvoir. La conservation de la marche va permettre à Monsieur
C. de conserver une vie sociale ainsi qu’une activité professionnelle. Or ces paramètres
constituent des besoins fondamentaux selon Virginia Henderson [24].
Aujourd’hui les prothèses définitives présentent des finitions esthétiques qui donnent un
aspect de jambe naturelle. Visuellement lors de la marche il est difficile pour un œil non
avisé de faire la différence entre la jambe saine et la jambe appareillée. Mon patient était
sidéré par cet aspect et cela l’a rassuré de voir des amputés porter des shorts long sans que
l’on distingue la prothèse. L’esthétique est particulièrement importante lors de l’atteinte de
l’intégrité du corps. Grace aux prothèses d’aujourd’hui, un amputé transtibial peut masquer
son handicap car il présente généralement une marche sans boiterie et la prothèse imite une
jambe naturelle.
26
De plus la prothèse présente un intérêt dans le soulagement des douleurs fantômes. En effet
les prothèses fonctionnelles permettent grâce au mouvement de réduire la réorganisation
corticale (qui serait à l’origine des douleurs fantômes) [25].
10.2.4 Sport : valorisation de son image
Une activité sportive apporte des bénéfices physiques, psychologiques et sociaux. Que ce
soit chez les personnes handicapées ou valides les objectifs sont les mêmes. Il s’agit de se
faire plaisir, de bouger, de valoriser son image.
Une étude faite au centre de Rééducation de Montpellier entre 1987 et 1993 [26] a montré
que le sport aide à la restructuration de l’image du corps et au maintien de l’estime de soi.
Les handicapés pratiquant une activité sportive régulière sont moins sujets à la dépression,
ils s’intègrent socialement plus rapidement et sont plus indépendant dans les activités de la
vie quotidienne.
De plus il a été reconnu qu’une activité sportive stimule la production d’endorphine qui a
des effets positifs sur l’humeur. Une étude a montré que la pratique sportive diminue
l’anxiété et la dépression [27]. En effet dans le cadre de son hospitalisation Monsieur C
attendait ses séances de rééducation car il appréciait de se dépenser et surtout il se sentait
bien parce qu’il était entouré.
Au delà de l’aspect social et psychologique le sport permet d’éviter une désadaptation
cardiovasculaire qui est primordial chez les amputés vasculaires afin de préserver
Monsieur C. d’une récidive.
La pratique sportive chez les personnes handicapées dépend bien entendu du passé sportif
de l’individu. Un patient sportif avant son handicap est d’autant plus motivé par la reprise
du sport qu’une personne n’ayant jamais pratiqué d’activité sportive.
Comme expliqué à plusieurs reprise, Monsieur C. pratiquait diverses activités avant son
handicap ce qui a été un atout lors de la rééducation, essentiellement pour la conscience de
son corps lors d’exercice d’équilibration. Lors des séances de rééducation j’ai pu faire
quelques séances de balnéothérapie, je pensais que la mise à l’eau allait être difficile mais
Monsieur C. a réussi à nager dès la première séance. Il a naturellement commencé par
chercher un équilibre en flottant en jouant avec son centre de gravité. La nage était plus
facile pour lui avec le battement des membres inférieurs et la vitesse.
27
10.3 Reconnaître le handicap
D’après la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances : « constitue un
handicap, au sens de la présente loi, toute limitation d'activité ou restriction de
participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison
d'une altération substantielle, durable ou définitive d'une ou plusieurs fonctions physiques,
sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d'un polyhandicap ou d'un trouble de
santé invalidant » [28].
10.3.1 Le travail de deuil
Le deuil est le processus psychologique indispensable pour se séparer de quelqu’un ou de
quelque chose.
Selon Freud cité par Ferragut [5] le travail de deuil comporte plusieurs étapes :
- L’idéalisation de l’objet perdu. L’objet correspond au membre du corps amputé.
Elle se manifeste par la douleur dès la perte du membre.
- L’introjection de cet objet idéalisé avec dans le même temps un désinvestissement
de la réalité. Cette étape est caractérisée par l’apparition d’une sensation de
membre fantôme qui permet de récréer le membre perdu, l’individu se représente
un corps imaginaire.
- Un détachement progressif de l’objet intériorisé. Ce détachement est représenté par
la diminution progressive des sensations fantômes jusqu'à leurs disparitions.
Le support du réinvestissement chez les personnes amputées est l’appareillage avec la
prothèse ainsi que toutes les aides techniques misent en place pour faciliter des activités
rendues difficiles à impossibles [17].
- La possibilité de nouveaux investissements affectifs. L’acceptation de la perte
permet d’intégrer son nouveau corps amputé.
Lorsque le patient a réussi à réintégrer la zone tronquée dans son unité corporelle, une
nouvelle identité est possible. Une image valorisée de soi même malgré le handicap permet
de restaurer le narcissisme de la personne et l’estime de soi. C’est ainsi que la personne
amputée peut retrouver du plaisir dans ses activités, commencer une nouvelle vie peut-être
différente de celle qu’il avait imaginé.
28
Tant que ce travail n’est pas abouti, l’identité du patient se construit autour d’un statut de
« malade » le risque étant qu’il devienne un douloureux chronique.
10.3.2 Investissement dans la rééducation
La reconstruction de l’image corporelle passe principalement par l’acceptation de
l’amputation et la rééducation.
Le handicap amène à ressentir une différence négative de limitation d’activités,
d’impossibilité. Ce sentiment peut déclencher un dépassement de soi, reconnaître sa
vulnérabilité peut devenir une force de résilience. Selon Boris Cyrulnik [29] la résilience
est « la capacité des individus à surmonter les traumatismes ». Il explique qu’après un
traumatisme, l’individu ne reviendra pas à sa vie d’avant. Pour s’en sortir il faut aller
chercher dans ses ressources internes c'est-à-dire sa personnalité. Vient un moment où il est
capital d’avoir recours à une ressource externe : le thérapeute, la famille, un ami etc…
Cette personne va valoriser les efforts, l’évolution et prouve au patient qu’il peut s’en
sortir.
Au fur et à mesure des séances avec Monsieur C. je lui faisais constater son évolution, il ne
pensait pas assimiler aussi vite l’utilisation de sa prothèse. La première fois qu’il a pris les
escaliers il avait une appréhension et ne pensait pas en être capable. Après avoir réussi, il
s’est surpris lui-même. Lorsqu’il réussissait un nouvel exercice il était fier de pouvoir en
parler à sa famille le week end. Le fait de se retrouver chez lui a permis d’adapter le
programme des séances de la semaine selon les difficultés rencontrées chez lui.
L’objectif du soignant est par définition de soigner. Son rôle n’est pas de faire disparaitre
le handicap comme le souhaiterait parfois le patient mais de l’aider à l’accepter et le
pousser à comprendre son handicap pour faire de sa vulnérabilité sa force [30].
10.3.3 Qualité de vie
Facteurs influençant la qualité de vie :
L’amputation est à l’origine d’une altération de la qualité de vie avec un retentissement
fonctionnel et psychologique. La qualité de vie dépend de facteurs individuels et
environnementaux pouvant être modifiés par l’acquisition de compétences. L’éducation
thérapeutique permet d’améliorer l’autogestion du patient grâce à une assimilation des
connaissances sur lui-même, sur sa pathologie, sur sa prothèse et ses soins.
29
Il existe peu de recherche sur la future qualité de vie d’un patient amputé vasculaire. Selon
une étude [31] et le questionnaire sur la qualité de vie Nottingham Health profile
(annexe VII) la satisfaction du patient dépend du niveau d’amputation, de l’absence de
douleurs et de sa mobilité. Cette qualité de vie est influencée par la réaction émotionnelle,
l’énergie et la fonction ainsi que part la relation sociale. La réaction émotionnelle dépend
de la douleur, qui elle-même influe sur le port de l’appareillage. Le succès de
l’appareillage permettra la fonction ainsi qu’une relation sociale. Par rapport à mon patient
on peut conclure qu’en vue de son âge, de sa forme physique et de sa volonté
d’appareillage il a de grandes chances de continuer à porter sa prothèse longtemps et ainsi
de s’épanouir dans sa vie sociale. Cependant il reste un risque persistant dans la qualité de
vie d’un patient avec des troubles vasculaires. Il s’agit d’une récidive d’amputation qui
reste difficile à estimer. L’éducation thérapeutique et la prévention y joue un rôle
déterminant.
Les risques de chute : impact psychologique sur la qualité de vie
Monsieur C. a souvent exprimé son appréhension de la chute. Les patients en parlaient
entre eux sur le plateau technique et constataient qu’ils étaient tous tombés au moins une
fois. En effet chez l’amputé du membre inférieur la reprise de la marche nécessite un effort
important supérieur à 50% de la VO2 max [32]. Il faut un bon équilibre et une motivation
accrue. Les facteurs exposant à la chute sont : l’âge supérieur à 75 ans, les troubles des
fonctions supérieures, les antécédents de chute, une amputation de moins de trois mois,
l’absence de verticalisation depuis un mois, les amputations multiples. Certaines
particularité sont prise en compte dans la chute comme la perturbation du schéma corporel,
la faiblesse musculaire ou encore la désadaptation à l’effort.
Le kinésithérapeute peut aider à diminuer ce risque en participant à l’intégration de la
prothèse dans le schéma corporel du patient et en répétant les consignes de sécurité pour
que cela devienne automatique chez le soigné. Le soignant a un rôle essentiel dans
l’observation de la maitrise des aides techniques et l’environnement du patient. C’est avec
une mise en confiance grâce à la mise en situation réelle que le patient pourra passer au
dessus de sa peur de chuter. Monsieur C. maîtrise les étapes de relevé au sol et était
particulièrement attentif lors de cet exercice car lors de sa chute à domicile il ne savait pas
comment faire. Cela lui a permis de se sentir plus rassuré sur une récidive de chute.
30
11. Conclusion
Lors de l’amputation on touche à l’intégrité du corps or ce corps est le premier intervenant
lors d’une relation de communication. Il faut donc inclure dans la rééducation cet aspect
psychologique essentiel à la reconstruction du schéma corporel atteint lors de l’acte
chirurgical.
Lors de ma prise en charge de Monsieur C. je me suis aperçue qu’il était impératif pour ce
patient de reprendre la marche au plus vite. En effet, aider le patient à avoir conscience de
son corps est un atout indispensable à l’apprentissage de la marche prothétique. Or, le
retour à une vie sociale et professionnelle « normale » n’est possible qu’avec un
appareillage adapté et maitrisé.
L’objectif principal du masseur-kinésithérapeute lors de la rééducation des patients
amputés est de leur permettre de reprendre la marche, lorsque cela est possible. Pour cela il
est essentiel d’obtenir l’investissement du patient et de dépasser la phase de renoncement
du processus de deuil.
La rééducation ne se passe pas sur un temps donné, il s’agit d’éduquer le patient à long
terme sur ce qu’implique le port de la prothèse et sur les conséquences de sa pathologie
avec un risque élevé d’une autre amputation.
Lors de la prise en charge d’un amputé, le kinésithérapeute doit considérer le corps et son
langage afin de lui rendre son unité. La relation qu’entretient le soignant est un point
moteur dans la récupération du patient.
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Annexes :
Annexe I : Compte rendu hospitalier
Annexe II : Traitement médicamenteux
Annexe III : Compte rendu opératoire
Annexe IV : Tableau sur les facteurs de risques cardiovasculaires
Annexe V : Tableau sur l’amyotrophie du membre résiduel à J+53
Annexe VI : Test de Tinetti
Annexe VII : Nottingham Health profile
Annexe I : Compte rendu Hospitalier
Annexe II : traitement médical
Nom médicament Posologie prise Action
Lyrica 25 milligramme 1 capsule Matin et
soir
Traitement douleurs
neuropathique
Dafalgan 1 gramme Matin midi et soir Antalgique
plavix 75 mg 1 capsule le soir Prévention des
événements
athérothrombotiques
Crestor 5 mg 1 capsule le soir Hypolipémiant
Kardegic 75 mg 1 sachet par jour Antiagrégant
plaquettaire
Lovenox 0.4 millilitre 1 injection par jour Anticoagulant
Laroxyl 1 mg 5 gouttes matin midi
soir et dans la nuit
Antidépresseur
Arixtra 2.5 mg/0.5 ml 1 seringue le matin Traitement des
thromboses
veineuses profondes
Forlax 10 g 1 sachet si besoin Laxatif
Annexe III : Compte rendu Opératoire
Annexe IV : Facteurs de risques cardiovasculaires
Lien de causalité Facteur de risque identifié Impact du facteur de risque
Facteurs de risque majeurs Tabagisme
Hypertension artérielle
Élévation du cholestérol total
Élévation du LDL cholestérol
Diminution du HDL cholestérol
Diabète de type 2
Âge
Effet multiplicateur du risque
cardio vasculaire indépendamment
des autres
facteurs de risque
Facteurs de risque prédispodants Obésité androïde
Sédentarité
Antécédents familiaux de maladie
coronarienne
précoce (H<55 ans, F<65ans)
Origine géographique
Précarité
Ménopause
Effet potentialisateur lorsqu’ils
sont associés aux facteurs de
risque majeurs
Facteurs de risque discutés Élévation des triglycérides
Lipoprotéines LDL petites et
denses
Élévation de l’homocystéine
Élévation de la lipoprotéine A
Facteurs prothrombotiques
(fibrinogène, inhibiteur de
l’activateur du plasminogène)
Marqueurs de l’inflammation
(CRP, IL6)
Facteurs génétiques
Facteurs infectieux (Chlamydia
pneumoniae, Helicobacter pylori,
cytomégalovirus)
Associé à un risque augmenté
de maladie cardiovasculaire
(coronarienne et/ou vasculaire
cérébrale) mais le degré
d’imputabilité est méconnu
Les différents facteurs de risque cardio-vasculaire identifiés d’après Grundy et al,1999
Annexe V : Amyotrophie du membre résiduel à J+53
Droite Gauche Différence
25 cm 44 49 - 5
15 39 45 - 6
10 36 42 - 6
5 34 39 - 5
Base de la patella 37 38 - 1
Pointe de la patella 36 36 0
5 cm 35 35 0
10 cm 32 38 - 6