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Cancer/Radiothérapie 18 (2014) 59–63 Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com Cas clinique Sarcome à cellules folliculaires dendritiques de la région ORL Follicular dendritic cell sarcoma in head and neck region T. Cerda a,b,1 , X.S. Sun a,,b,1 , A. Cazorla c , C. Laurent d,e , F. Floret f , J. Haudebourg g , A. Thyss h , J. Thariat i a Département de radiothérapie, centre hospitalier régional universitaire de Besanc ¸ on, hôpital Jean-Minjoz, 3, boulevard Fleming, 25030 Besanc ¸ on, France b Département de radiothérapie, centre hospitalier de Belfort-Montbéliard, boulevard du Maréchal-Juin, 25209 Montbéliard cedex, France c Service d’anatomopathologie, centre hospitalier régional universitaire de Besanc ¸ on, hôpital Jean-Minjoz, 3, boulevard Fleming, 25030 Besanc ¸ on, France d Laboratoire d’anatomie et cytologie pathologiques, CHU Purpan, place du Dr-Baylac, 31059 Toulouse, France e Université Paul-Sabatier, 31062 Toulouse cedex 9, France f Service d’ORL, centre hospitalier régional universitaire de Besanc ¸ on, hôpital Jean-Minjoz, 3, boulevard Fleming, 25030 Besanc ¸ on, France g Service d’anatomie et cytologie pathologiques, centre Antoine-Lacassagne, institut universitaire de la face et du cou, université de Nice-Sophia-Antipolis, 33, avenue Valombrose, 06189 Nice, France h Service d’oncologie médicale, centre Antoine-Lacassagne, institut universitaire de la face et du cou, université de Nice-Sophia-Antipolis, 33, avenue Valombrose, 06189 Nice, France i Département de radiothérapie, centre Antoine-Lacassagne, institut universitaire de la face et du cou, université de Nice-Sophia-Antipolis, 33, avenue Valombrose, 06189 Nice, France i n f o a r t i c l e Historique de l’article : Rec ¸ u le 27 mai 2013 Rec ¸u sous la forme révisée le 14 octobre 2013 Accepté le 22 octobre 2013 Mots clés : Sarcome à cellules folliculaires dendritiques Tumeur rare Parotide Adénopathie Chirurgie Chimiothérapie Radiothérapie r é s u m é Les sarcomes à cellules folliculaires dendritiques sont une entité relativement récente, phénotypique- ment mixte en histopathologie, la rendant difficile à classer entre une pathologie lymphomateuse et un sarcome. Le traitement est de fait peu consensuel dans la littérature. Nous rapportons deux cas de localisations de la tête et du cou, d’évolution favorable après chirurgie et radiothérapie. Une analyse his- topathologique est fournie et une revue de la littérature proposée, permettant de discuter les stratégies thérapeutiques adaptées aux sarcomes à cellules folliculaires dendritiques. © 2013 Société française de radiothérapie oncologique (SFRO). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Keywords: Extranodal follicular dendritic cell sarcoma Rare tumour Parotid Lymph node Surgery Chemotherapy Radiation therapy a b s t r a c t Follicular dendritic cell sarcomas are a recently described entity, with biphenotypic characteristics of lymphomas and sarcomas. The treatment is hardly consensual in the literature. We report two head and neck cases, of favorable outcome after surgery and radiotherapy. Histopathology and differential diagnoses are discussed as well as the therapeutic strategies used. © 2013 Société française de radiothérapie oncologique (SFRO). Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (X.S. Sun). 1 Co-premiers auteurs. 1. Introduction Les sarcomes à cellules folliculaires dendritiques sont une entité nosologique de découverte relativement récente, appar- tenant, selon la classification 2008 de l’Organisation mondiale de la santé, au groupe des tumeurs à cellules histiocytaires et 1278-3218/$ see front matter © 2013 Société française de radiothérapie oncologique (SFRO). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.canrad.2013.10.010

Sarcome à cellules folliculaires dendritiques de la région ORL

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Cancer/Radiothérapie 18 (2014) 59–63

Disponible en ligne sur

ScienceDirectwww.sciencedirect.com

as clinique

arcome à cellules folliculaires dendritiques de la région ORL

ollicular dendritic cell sarcoma in head and neck region

. Cerdaa,b,1, X.S. Suna,∗,b,1, A. Cazorlac, C. Laurentd,e, F. Floret f, J. Haudebourgg, A. Thyssh,. Thariat i

Département de radiothérapie, centre hospitalier régional universitaire de Besanc on, hôpital Jean-Minjoz, 3, boulevard Fleming, 25030 Besanc on, FranceDépartement de radiothérapie, centre hospitalier de Belfort-Montbéliard, boulevard du Maréchal-Juin, 25209 Montbéliard cedex, FranceService d’anatomopathologie, centre hospitalier régional universitaire de Besanc on, hôpital Jean-Minjoz, 3, boulevard Fleming, 25030 Besanc on, FranceLaboratoire d’anatomie et cytologie pathologiques, CHU Purpan, place du Dr-Baylac, 31059 Toulouse, FranceUniversité Paul-Sabatier, 31062 Toulouse cedex 9, FranceService d’ORL, centre hospitalier régional universitaire de Besanc on, hôpital Jean-Minjoz, 3, boulevard Fleming, 25030 Besanc on, FranceService d’anatomie et cytologie pathologiques, centre Antoine-Lacassagne, institut universitaire de la face et du cou, université de Nice-Sophia-Antipolis,3, avenue Valombrose, 06189 Nice, FranceService d’oncologie médicale, centre Antoine-Lacassagne, institut universitaire de la face et du cou, université de Nice-Sophia-Antipolis, 33, avenuealombrose, 06189 Nice, FranceDépartement de radiothérapie, centre Antoine-Lacassagne, institut universitaire de la face et du cou, université de Nice-Sophia-Antipolis, 33, avenuealombrose, 06189 Nice, France

i n f o a r t i c l e

istorique de l’article :ec u le 27 mai 2013ecu sous la forme révisée

e 14 octobre 2013ccepté le 22 octobre 2013

ots clés :arcome à cellules folliculaires dendritiquesumeur rarearotidedénopathiehirurgiehimiothérapieadiothérapie

r é s u m é

Les sarcomes à cellules folliculaires dendritiques sont une entité relativement récente, phénotypique-ment mixte en histopathologie, la rendant difficile à classer entre une pathologie lymphomateuse etun sarcome. Le traitement est de fait peu consensuel dans la littérature. Nous rapportons deux cas delocalisations de la tête et du cou, d’évolution favorable après chirurgie et radiothérapie. Une analyse his-topathologique est fournie et une revue de la littérature proposée, permettant de discuter les stratégiesthérapeutiques adaptées aux sarcomes à cellules folliculaires dendritiques.

© 2013 Société française de radiothérapie oncologique (SFRO). Publié par Elsevier Masson SAS. Tousdroits réservés.

eywords:

a b s t r a c t

Follicular dendritic cell sarcomas are a recently described entity, with biphenotypic characteristics of

xtranodal follicular dendritic cell sarcomaare tumourarotidymph nodeurgeryhemotherapy

lymphomas and sarcomas. The treatment is hardly consensual in the literature. We report two headand neck cases, of favorable outcome after surgery and radiotherapy. Histopathology and differentialdiagnoses are discussed as well as the therapeutic strategies used.

© 2013 Société française de radiothérapie oncologique (SFRO). Published by Elsevier Masson SAS. Allrights reserved.

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∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (X.S. Sun).

1 Co-premiers auteurs.

278-3218/$ – see front matter © 2013 Société française de radiothérapie oncologique (Sttp://dx.doi.org/10.1016/j.canrad.2013.10.010

1. Introduction

Les sarcomes à cellules folliculaires dendritiques sont uneentité nosologique de découverte relativement récente, appar-tenant, selon la classification 2008 de l’Organisation mondialede la santé, au groupe des tumeurs à cellules histiocytaires et

FRO). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

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endritiques. En effet, ces tumeurs furent d’abord suspectées en978, et les premiers cas avec localisation ganglionnaire ont étéaractérisés en 1986 [1]. Une centaine de cas cliniques sont rap-ortés dans la littérature avec des prises en charge radicalementifférentes. La caractérisation de cette entité est difficile, ce qui pose

a question d’une maladie de type hématologique (lymphome) oue type sarcome même après études immunohistochimiques rap-ortant, par exemple, à la fois une expression de la anti-vimentinet des CD. De plus, il existe d’autres entités proches, comme lesormes à cellules interdigitées, mais pour lesquelles il existe encore

oins de données [2]. Des cas de maladie de Castleman loca-isée sous-jacente ont aussi été rapportés dans les sarcomes àellules folliculaires dendritiques. La présence de cette maladiessociée n’est pas fortuite, mais le substratum physiopathologiquest inconnu. Ces incertitudes posent des problèmes majeurs de stra-égie thérapeutique. En effet, selon les convictions institutionnelles,ertains sarcomes à cellules folliculaires dendritiques seront trai-és par cyclophosphamide, doxorubicine, vincristine, et prednisoneCHOP) ou après chirurgie le plus souvent, comme un lymphome.’autres sarcomes à cellules folliculaires dendritiques auront unerise en charge de type sarcome par chirurgie suivie de radiothé-apie. Les doses de radiothérapie sont très variables, la tendancetant néanmoins de diminuer la dose par rapport à celle déli-rée dans les sarcomes. Dans la série la plus importante rapportée74 cas), le traitement était essentiellement fondé sur la chirur-ie et la radiothérapie, mais les auteurs se sont posé la questione la chimiothérapie pour laquelle il n’y avait pas de données [2].es localisations anatomiques sont très variables, de forme gan-lionnaire ou extraganglionnaire. Ces maladies métastasent peu.euls deux cas de sarcome à cellules folliculaires dendritiques de laarotide ont été décrits à ce jour.

Nous rapportons le cas de deux patientes ayant eu unarcome à cellules folliculaires dendritiques de la sphère oto-rhino-aryngologie (ORL) et pour lesquelles la question d’une irradiation’est posée. Notre but était de faire le point sur le comportement

hématologique » ou « sarcomateux » de cette maladie, proposeres recommandations de dose de radiothérapie adjuvante, le caschéant, mais aussi de tenter de mieux caractériser cette entité sur

e plan moléculaire à partir des données de la littérature.

L’analyse des deux cas a été argumentée sur la base d’uneecherche de la littérature franc aise et anglophone de 1986

2013 en utilisant les termes MeSH : sarcome à cellules

ig. 1. IRM en T1 spir avec injection de gadolinium montrant une tumeur enchâssée dansugulaire externe, prenant le contraste de fac on intense et homogène ; elle mesure 20 mmpir T1 gadolinium-enhanced MRI showing a tumour of the lower part of the parotid, contiguonhancement, of 20 mm × 25 mm × 27 mm; a: coronal view; b: axial view.

érapie 18 (2014) 59–63

folliculaires dendritiques, tumeur rare, parotide, adénopathie, chi-rurgie, chimiothérapie, radiothérapie. Nous avons examiné lesapproches thérapeutiques sur la période 2000–2013.

2. Cas cliniques

2.1. Observation 1

Le premier cas est celui d’une patiente de 80 ans consultantpour une tuméfaction parotidienne gauche apparue quatre moisauparavant, isolée, asymptomatique, en particulier sans paraly-sie faciale. Elle avait pour antécédents une hypertension artérielle,un adénocarcinome mammaire droit de stade T1N0M0, traité en2004 par chirurgie conservatrice associée à une irradiation adju-vante du sein droit et de l’aire sus-claviculaire droite, et uncarcinome basocellulaire du nez traité en 1989 par chirurgie seule,les deux cancers étant en rémission complète. Le bilan radiolo-gique comportait une échographie du cou objectivant une masse de25 × 19 mm du pôle inférieur de la parotide gauche et une IRM cer-vicoparotidienne objectivant une tumeur enchâssée dans la partieinférieure de la parotide, ovalaire, relativement homogène, acco-lée à sa partie antérieure à la veine jugulaire externe (Fig. 1).Cette lésion prenait le contraste de fac on intense et homogèneen séquence de perfusion. La scanographie thoraco-abdominaleet la tomographie par émission de positons (TEP)–scanographieétaient sans anomalie en dehors de la région parotidienne. Lapatiente était traitée par parotidectomie partielle avec dissectionet conservation du nerf facial. L’examen macroscopique montraitune lésion ovoïde mesurant 2,8 cm de grand axe bien limitée enpériphérie. À la coupe, cette lésion montrait un aspect homogène,beigeâtre et était de consistance molle. À l’examen microsco-pique, on observait un parenchyme ganglionnaire intraparotidienaugmenté de volume, siège d’une prolifération tumorale indifféren-ciée de disposition péri- ou intrasinusoïdale, s’agenc ant en nappesou de manière fasciculaire. Il persistait quelques follicules lym-phoïdes entre les massifs tumoraux. En périphérie du ganglion,on observait un parenchyme parotidien d’aspect histologiquementnormal mais dissocié par cette prolifération. Il n’y avait pas de

nécrose. Les cellules tumorales étaient de taille moyenne à grande,au noyau irrégulier, à chromatine fine et fortement nucléolé,entourée d’un cytoplasme éosinophile abondant, leur conférantune allure histiocytaire. De rares cellules présentaient des atypies

la partie inférieure de la parotide, ovalaire, accolée à sa partie antérieure à la veine × 25 mm × 27 mm ; a : coupe coronale ; b : coupe axiale.us to the anterior part of the external jugular vein, with intense homogeneous contrast

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T. Cerda et al. / Cancer/Radiothérapie 18 (2014) 59–63 61

Fig. 2. Aspects microscopiques : prolifération tumorale diffuse mal limitée (asté-risque noire) de cellules polygonales au cytoplasme abondant, éosinophile et aunoyau rond ou ovalaire bien nucléolé et comportant une fine chromatine. Atypiesmodérées avec quelques mitoses atypiques (flèches blanches). Nombreux lympho-cytes et neutrophiles isolés ou regroupés en amas (astérisque blanche) (colorationhématoxyline–éosine, × 200). Encart : expression d’un marqueur folliculaire den-dritique par les cellules tumorales (immunohistochimie CNA42, × 200).Microscopic findings: diffuse, poorly defined tumour proliferation (dark asterisk) madeof large cells with abundant and eosinophilic cytoplasm, oval or round nuclei, prominentnucleoli with a thin chromatin. Rare atypical abnormal mitoses (white arrows). Severalisolated or clustered lymphocytes and neutrophils (white asterisk) (hematoxylin ande(

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Fig. 3. Distribution de dose en vue coronale en radiothérapie conformationnelleavec modulation d’intensité rotationnelle pour le cas parotidien : 40 Gy dans lazone de faible risque correspondant aux ganglions des niveaux jugulocarotidiensen bleu et 50 Gy dans la zone de haut risque correspondant au lit parotide en orange(parotidectomie R1).Dose distribution on coronal rotational intensity-modulated radiotherapy for the parotidcase: 40 Gy in low risk levels corresponding to the jugulocarotid nodal areas (in blue) and

osin staining, × 200). Insert: expression of a follicular dendritic marker on tumour cellsCNA42 immunostaining, × 200).

ytonucléaires plus marquées avec un noyau volumineux parfoislurilobé. Quelques mitoses atypiques étaient présentes. L’infiltrat

nflammatoire environnant était polymorphe, composé de plas-ocytes, lymphocytes et polynucléaires neutrophiles, regroupés

n amas. L’étude immunohistochimique montrait une expressione l’antigène CNA42 (marqueur folliculaire dendritique) et unexpression variable des antigènes CD45, PS100 (marqueur dendri-ique) et de CD68 (marqueur histiocytaire). En revanche, les autres

arqueurs dendritiques ou langheransiens n’étaient pas exprimésCD1a, langerin). Les marqueurs hématopoïétiques MPO, CD20,D79a, CD3, CD30, CD163 n’étaient aussi pas exprimés et il n’y avaitas d’expression des marqueurs épithéliaux (AE1/AE3, épithélialembrane antigène [EMA]) ou mélanocytaires (HMB45). L’indice

e prolifération (Ki-67) était évalué à 10–15 %. L’hybridation in situvec la sonde EBV encoded small RNAs (EBER) était négative.’examen anatomopathologique conclut à un sarcome à cellulesolliculaires dendritiques en exérèse incomplète microscopique-

ent (R1), la tranche de section arrivant au contact des brancheserveuses qui étaient refoulées mais non infiltrées (Fig. 2). Aprèsvis de la réunion de concertation pluridisciplinaire locale et de laéunion de concertation pluridisciplinaire (RCP) nationale bimen-uelle du Réseau d’expertise franc ais des cancers ORL rares (Refcor),ne radiothérapie conformationnelle avec modulation d’intensitéRCMI) rotationnelle a été délivrée à la dose de 40 Gy en 20 fractionst quatre semaines dans les niveaux Ib, II, III, IV, V homolatérauxauches, avec complément dans le lit tumoral de 10 Gy en cinq frac-ions de 2 Gy et une semaine (avec marges d’un cm dans toutes lesirections sur le lit tumoral) (Fig. 3). La patiente présentait une épi-ermite aiguë de grade 1 au décours immédiat de l’irradiation. Laatiente est en situation de rémission sans séquelle avec 6 mois deecul après le diagnostic et trois mois après la fin de la radiothérapie.

.2. Observation 2

La deuxième patiente était une patiente de 50 ans sans anté-édent en dehors d’une thyroïdectomie partielle pour nodule

50 Gy in the area of high risk corresponding to the parotid bed (in orange) (parotidectomyR1).

bénin. Elle consultait pour l’apparition d’une masse sus-claviculaireisolée notée depuis deux mois. L’échographie cervicale et le scannerrévélaient une masse bien limitée de 50 mm de grand axe, isolée,à proximité de l’œsophage. La patiente était asymptomatique. Ellea bénéficié d’une résection de la masse sus-claviculaire et des gan-glions jugulocarotidiens inférieurs et moyens droits. Les margeschirurgicales étaient inférieures à 5 mm (2 mm) mais la situa-tion anatomique ne permettait pas une reprise au large, celle-ciétant jugée trop risquée sur le plexus brachial. Histologique-ment, il s’agissait d’un sarcome à cellules folliculaires dendritiquesganglionnaires sur maladie de Castleman sous-jacente de novo.L’adénopathie comportait des nodules tumoraux entre des tra-vées de refend. Les cellules, grandes, épithélioïdes, au cytoplasmeéosinophile au noyau volumineux pléomorphe, étaient disposéesen nappes. L’indice mitotique était élevé dans ces territoires. Lescentres clairs apparaissaient remaniés sans nette couronne lym-phocytaire, de morphologie fusiforme. Ces centres clairs étaientdotés d’un stroma fibrohyalin évocateur de lésions de Castleman.L’immunomarquage montrait une négativité des anticorps anti-épithéliaux AE1/AE3, EMA et P63, de la PS100, de l’HMB45 et duMelan A, et de CD45, CD20, CD3, CD15, CD30, CD34 et CD31. Le mar-quage anti-CD23 était cytoplasmique intense. L’hybridation in situavec sonde EBER à la recherche d’un virus d’Epstein-Barr était néga-tive. Dans ce deuxième cas, les cellules tumorales n’exprimaientpas l’epidermal growth factor receptor (EGFR) en immunohistochi-mie. Une technique de biologie moléculaire par pyroséquenc age,à partir du bloc de paraffine, n’a pas mis en évidence de muta-tion de l’EGFR dans ses exons 18, 19, 20 et 21. Les berges d’exérèseétaient réduites : elles passaient en territoire non tumoral adipeuxmais au contact de la capsule de l’adénopathie (et étaient doncconsidérées comme R1), avec trois autres ganglions d’architecturenormale. La RCP spécialisée dans les tumeurs rares (centre ratta-ché au groupe sarcome franc ais GSF) n’a pas retenu d’indication de

chimiothérapie mais d’irradiation. Celle-ci était délivrée à la dosede 40 Gy en 20 fractions et quatre semaines selon un mode confor-mationnel avec des marges de 3 cm crânio-caudalement et 1,5 cmlatéralement et antéropostérieurement. La patiente a été atteinte
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2 T. Cerda et al. / Cancer/R

’une épidermite de grade 1 et une œsophagite de grade 1 pendantrois semaines après l’irradiation. Elle était en situation de rémis-ion sans séquelle avec deux ans de recul par rapport à la date duiagnostic.

. Discussion

Nous rapportons deux cas de localisation de sarcome à cellulesolliculaires dendritiques à la région ORL. Cette entité est encore

al connue. Nos deux cas ont été présentés dans une RCP spécia-isée dans les tumeurs rares (GSF et Refcor) et ont fait l’objet d’uneelecture centralisée de la pièce anatomopathologique.

Deux formes de sarcomes dendritiques sont décrites, la formeite à cellules folliculaires dendritiques et celle à cellules inter-igitées dendritiques. La publication de Perkins et Shinohara duurveillance epidemiology and end results (SEER) distingue ces deuxntités nosologiques [2].

Sur le plan macroscopique, le sarcome à cellules folliculairesendritiques est généralement bien limité, de consistance solide,e teinte grisâtre avec dans certains cas, des foyers de nécroset d’hémorragie. La tumeur mesure entre 1 à 20 cm de grand axevec une moyenne de 5 cm. Sur le plan microscopique, la pro-ifération tumorale est faite de cellules fusiformes, polygonalesu ovoïdes, d’architecture variable (storiforme, fasciculaire, enappes ou nodulaire, avec parfois des enroulements). Le noyau estllongé, à chromatine vésiculaire ou finement granulaire et renfer-ant un nucléole parfois proéminent. L’index mitotique est de 0 à

ix mitoses/dix champs. Un tissu lymphoïde résiduel est parfoisrésent prenant l’aspect d’un centre germinatif résiduel ou d’unroupement de petits lymphocytes en périvasculaire. Sur le planmmunohistochimique, les cellules tumorales expriment au moinsn des marqueurs des cellules folliculaires dendritiques (CD23,D35, CD21, CNA42). Par ailleurs, les cellules tumorales expriment

a vimentine, l’EMA dans 41 % des cas et la protéine S100 dans1 % des cas et le CD68. Il n’y a pas d’immunoréactivité pour lesarqueurs épithéliaux (cytokératines) et l’HMB45. Il existe une

ariante de tumeur pseudo-inflammatoire à cellules folliculairesendritiques associée au virus d’Epstein-Barr (EBV). Le principaliagnostic différentiel du sarcome à cellules folliculaires dendri-iques est une métastase d’un carcinome indifférencié ou d’un

élanome achromique. Cependant, l’absence d’expression de laytokératine AE1–AE3, de l’HMB45 et du Melan A par les cellulesumorales permet d’éliminer ce diagnostic. Un autre diagnosticifférentiel du sarcome à cellules folliculaires dendritiques est learcome à cellules interdigitées. Celui-ci, de présentation cliniquet morphologique comparable à celle du sarcome à cellules fol-iculaires dendritiques, se distingue de ce dernier par l’absence’expression des marqueurs des cellules folliculaires dendritiques.e sarcome histiocytaire, tumeur très rare, de siège le plus sou-ent extraganglionnaire, se caractérise par une prolifération diffusee cellules de grande taille, atypiques et exprimant les mar-ueurs des cellules dendritiques PS100 et histiocytaires comme leD163 et le CD68. Les marqueurs des cellules folliculaires dendri-iques ne sont pas exprimés. Enfin, l’histiocytose langheransiennee définit par une infiltration sinusoïdale ganglionnaire par desellules de grande taille, au cytoplasme abondant et éosinophile’exprimant pas les marqueurs des cellules folliculaires dendri-iques. L’étude immunohistochimique est capitale afin de portere diagnostic et d’écarter les diagnostics différentiels. Une étude a

ontré l’expression d’EGFR par les cellules tumorales [3]. Dans leas parotidien, les cellules tumorales n’exprimaient par l’EGFR en

mmunohistochimie et ne présentaient pas de mutation EGFR entude moléculaire par pyroséquenc age.

Il semble exister une légère prédominance chez les hommesar rapport aux femmes [2]. L’âge en médiane supérieur à 40 ans

érapie 18 (2014) 59–63

mais très variable, allant de 9 à 86 ans [2,4–6]. Une étiologie virale(EBV et herpès virus humain 8 [HHV-8]) a été évoquée dans ledéveloppement d’un sarcome à cellules folliculaires dendritiques[7,8]. Ce sarcome s’associe parfois (10 à 20 % des cas) à la maladiede Castleman de type vasculohyalin, pathologie lymphoproliféra-tive atypique d’étiologie indéterminée, possiblement précurseur[7]. Une maladie de Castleman était notée chez un de nos deuxcas.

En termes de traitement, le phénotype mixte de ces sarcomeset leur comportement encore non complètement élucidé sontresponsables de traitements très hétérogènes. Le phénotype sarco-mateux suggèrerait plutôt une attitude chirurgicale radicale suiviede radiothérapie adjuvante tandis que le phénotype lymphomateuxfolliculaire pourrait suggérer une radiothérapie isolée en cas destade I ou une attitude combinée de chimiothérapie de type CHOP(négativité du marquage anti-CD20 dans les sarcomes à cellulesfolliculaires dendritiques) et radiothérapie locale.

Les données de la littérature semblent suggérer une maladieayant une bonne réponse au traitement mais des récidives sur-viennent dans environ un quart des cas, généralement tardivementet hors volume irradié (lorsqu’une radiothérapie a été délivrée)volontiers sur un mode métastatique pulmonaire. Ces récidivesbénéficieraient d’un traitement de rattrapage volontiers local. Laprobabilité de survie dépasserait 75 % à cinq ans pour les locali-sations ORL dans la série de Li et al. et pour celle de Perkins etShinohara pour le SEER [2,4].

La chirurgie est le traitement de référence dans toutes les locali-sations à double titre, diagnostique et thérapeutique (réalisée chez94 % des patients dans la série de Perkins et Shinohara [2]). Il n’estpas possible de retenir de modalité spécifique pour la chirurgie. Lephénotype sarcomateux inciterait à une chirurgie locale large avecberges saines. L’histoire naturelle des sarcomes à cellules follicu-laires dendritiques de la tête et du cou ne semble pas indiquer unepropension à développer des métastases ganglionnaires dans plusde 10 % des cas. Un curage systématique ne saurait donc être recom-mandé en dehors, peut être, des formes initiales ganglionnaires.

Dans la série la plus importante de la littérature, celle de Per-kins et Shinohara, il n’y avait pas de données de chimiothérapie[2]. Lorsqu’elle est réalisée, elle l’est généralement en situationadjuvante [7], compte tenu des difficultés à faire le diagnosticde sarcome à cellules folliculaires dendritiques, le plus souventétabli sur pièce opératoire. De plus, dans les formes ORL, raressont les patients qui ont rec u une chimiothérapie (10 %) [4]. Dansces cas, celle-ci comportait majoritairement du CHOP. Assez sou-vent dans ces cas, le diagnostic de sarcome à cellules folliculairesdendritiques avait été redressé après un premier diagnostic de lym-phome.

Dans la série de Perkins et Shinohara [2], 30 % des patientsont été irradiés, dans celle de Li et al. 10 %, dans les formes ORL[2,4]. Une irradiation n’était pas alors systématiquement délivréeen situation adjuvante. La radiothérapie adjuvante semblerait pou-voir diminuer le taux de récidive par rapport à une chirurgie seule[9]. Les doses délivrées contrastent avec notre attitude consistantà délivrer une dose intermédiaire en raison du profil de récidivesobservé dans la littérature (plus volontiers à distance) et de labonne réponse initiale aux traitements, de « type lymphome ». Ladose dans la littérature variait de 59,4 à 70 Gy en fractionnementconventionnel sans précision sur les volumes cibles. Nous avonsdans chacun de nos cas irradié un hémi-cou : pour le cas paroti-dien en incluant les aires ganglionnaires sous-jacentes en tenantcompte de la présence d’un ganglion métastatique, et dans le casganglionnaire pur par l’ajout de marges de type sarcome [10]. De

plus, dans notre cas parotidien, il a été délivré une RCMI pour mieuxépargner les organes à risque [11]. Dans la littérature, la plupartdes patients n’avaient pas rec u d’irradiation adjuvante des airesganglionnaires.
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. Conclusion

Les sarcomes à cellules folliculaires dendritiques ORL sontne entité nosologique encore en cours de démembrement.ompte tenu des difficultés diagnostiques, des « phénotypes mixtesémato-mésenchymateux » doivent faire demander une relectureistologique dans le cadre d’un réseau spécialisé. L’indicationhérapeutique doit faire l’objet d’une RCP experte. La chirurgie car-inologique est réalisée dans un but diagnostique et thérapeutique.ne irradiation adjuvante du lit opératoire semble pouvoir être

ecommandée sous réserve d’un niveau de preuve qui reste trèsaible et nécessiterait de larges observations. La réalisation d’unehimiothérapie de type CHOP a pu être liée à une erreur diagnos-ique initiale ; il est difficile de proposer une recommandation en’absence de données de chimiothérapie dans la plus grosse sérieu SEER. Une étude prospective est en cours au sein des réseauxranc ais de traitement des sarcomes et des lymphomes.

éclaration d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en rela-ion avec cet article.

emerciements

Nous remercions le Pr. Lawrence M. Weiss (Clarient Diagnostics,liso Viejo, CA 92656, États-Unis) pour sa relecture des lames.

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Références

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