9
Article original Sarcomes des tissus mous thoraciques de l’adulte : étude rétrospective de 40 cas Primary soft tissue sarcoma of the chest in adults: a retrospective study of 40 cases N. Penel a, *, E. Lartigau b , C. Fournier c , M.-O. Vilain d , E. Dansin a , S. Taieb e , L. Ceugnart e , H. Porte f , A. Wurtz f a Département de cancérologie générale, centre Oscar-Lambret, 3, rue F.-Combemale, 59020 Lille, France b Département de radiothérapie, centre Oscar-Lambret, 3, rue F.-Combemale, 59020 Lille, France c Unité de biostatistique, centre Oscar-Lambret, 3, rue F.-Combemale, 59020 Lille, France d Service d’anatomopathologie, centre Oscar-Lambret, 3, rue F.-Combemale, 59020 Lille, France e Département d’imagerie médicale, Centre Oscar-Lambret, 3, rue F.-Combemale, 59020 Lille, France f Département de chirurgie thoracique, hôpital Calmette, 59000 Lille, France Reçu le 26 août 2002 ; accepté le 10 février 2003 Résumé But de l’étude. – Les sarcomes des tissus mous thoraciques regroupent les sarcomes pariétaux, pulmonaires et médiastinaux. Il s’agit de tumeurs rares pour lesquelles les indications thérapeutiques et les facteurs pronostiques sont mal connus. Le but de ce travail était de rapporter une série de 40 patients atteints de sarcomes des tissus mous thoraciques en analysant les caractéristiques anatomocliniques, la prise en charge et les facteurs pronostiques. Méthodes et patients. – Les dossiers de 40 patients pris en charge de 1994 à 2001 ont été analysés à partir d’une base de données constituée de façon prospective. Les survies étaient analysées selon la méthode de Kaplan-Meier et comparées par un test du log-rank. Les facteurs pronostiques étaient identifiés par un modèle de Cox. Résultats. – L’âge médian des patients était de 48 ans et le sex-ratio de 15 hommes/25 femmes. Le type histologique principal était l’histiocytofibrome malin (11 cas). Vingt et une lésions étaient de haut grade de malignité. La paroi thoracique représentait la localisation principale (26 cas). Trente-deux tumeurs ont été traitées chirurgicalement, dont 22 par une exérèse radicale (marges saines). Les traitements associés étaient une chimiothérapie néo-adjuvante (8 cas) ou adjuvante (8 cas) et/ou une radiothérapie postopératoire (17 cas). La survie à 5 ans était de 45 %. En analyse univariée, les facteurs pronostiques étaient l’âge (p = 0,05), l’index de Karnofsky (p = 0,008), l’absence de métastases d’emblée (p = 0,003), une exérèse radicale (p = 0,043) et une chimiothérapie adjuvante (p = 0,04). La localisation tumorale n’avait pas de valeur pronostique. Conclusions. – La prise en charge des sarcomes des tissus mous thoraciques est multidisciplinaire et reposent avant tout sur une exérèse si possible radicale. Le pronostic des sarcomes pulmonaires, pariétaux et médiastinaux est comparable. © 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Aim of the study. – Primary thoracic soft tissue sarcomas (PTSTS) include parietal, pulmonary and mediastinal tumors. Management and prognostic factors of these rare tumors are poorly known. The aim of the study was to report a series of 40 patients with PTSTS, with analysis of their clinico-pathological characteristics, management, and prognostic factors. * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (N. Penel). Annales de chirurgie 128 (2003) 237–245 www.elsevier.com/locate/annchi © 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. DOI: 10.1016/S0003-3944(03)00068-3

Sarcomes des tissus mous thoraciques de l’adulte : étude rétrospective de 40 cas

  • Upload
    n-penel

  • View
    217

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Sarcomes des tissus mous thoraciques de l’adulte : étude rétrospective de 40 cas

Article original

Sarcomes des tissus mous thoraciques de l’adulte :étude rétrospective de 40 cas

Primary soft tissue sarcoma of the chest in adults:a retrospective study of 40 cases

N. Penela,*, E. Lartigaub, C. Fournierc, M.-O. Vilain d, E. Dansina,S. Taiebe, L. Ceugnarte, H. Portef, A. Wurtz f

a Département de cancérologie générale, centre Oscar-Lambret, 3, rue F.-Combemale, 59020 Lille, Franceb Département de radiothérapie, centre Oscar-Lambret, 3, rue F.-Combemale, 59020 Lille, France

c Unité de biostatistique, centre Oscar-Lambret, 3, rue F.-Combemale, 59020 Lille, Franced Service d’anatomopathologie, centre Oscar-Lambret, 3, rue F.-Combemale, 59020 Lille, France

e Département d’imagerie médicale, Centre Oscar-Lambret, 3, rue F.-Combemale, 59020 Lille, Francef Département de chirurgie thoracique, hôpital Calmette, 59000 Lille, France

Reçu le 26 août 2002 ; accepté le 10 février 2003

Résumé

But de l’étude. – Les sarcomes des tissus mous thoraciques regroupent les sarcomes pariétaux, pulmonaires et médiastinaux. Il s’agit detumeurs rares pour lesquelles les indications thérapeutiques et les facteurs pronostiques sont mal connus. Le but de ce travail était de rapporterune série de 40 patients atteints de sarcomes des tissus mous thoraciques en analysant les caractéristiques anatomocliniques, la prise en chargeet les facteurs pronostiques.

Méthodes et patients. – Les dossiers de 40 patients pris en charge de 1994 à 2001 ont été analysés à partir d’une base de données constituéede façon prospective. Les survies étaient analysées selon la méthode de Kaplan-Meier et comparées par un test dulog-rank. Les facteurspronostiques étaient identifiés par un modèle de Cox.

Résultats. – L’âge médian des patients était de 48 ans et le sex-ratio de 15 hommes/25 femmes. Le type histologique principal étaitl’histiocytofibrome malin (11 cas). Vingt et une lésions étaient de haut grade de malignité. La paroi thoracique représentait la localisationprincipale (26 cas). Trente-deux tumeurs ont été traitées chirurgicalement, dont 22 par une exérèse radicale (marges saines). Les traitementsassociés étaient une chimiothérapie néo-adjuvante (8 cas) ou adjuvante (8 cas) et/ou une radiothérapie postopératoire (17 cas). La survie à 5 ansétait de 45 %. En analyse univariée, les facteurs pronostiques étaient l’âge (p = 0,05), l’index de Karnofsky (p = 0,008), l’absence de métastasesd’emblée (p = 0,003), une exérèse radicale (p = 0,043) et une chimiothérapie adjuvante (p = 0,04). La localisation tumorale n’avait pas devaleur pronostique.

Conclusions. – La prise en charge des sarcomes des tissus mous thoraciques est multidisciplinaire et reposent avant tout sur une exérèse sipossible radicale. Le pronostic des sarcomes pulmonaires, pariétaux et médiastinaux est comparable.

© 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Abstract

Aim of the study. – Primary thoracic soft tissue sarcomas (PTSTS) include parietal, pulmonary and mediastinal tumors. Management andprognostic factors of these rare tumors are poorly known. The aim of the study was to report a series of 40 patients with PTSTS, with analysisof their clinico-pathological characteristics, management, and prognostic factors.

* Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (N. Penel).

Annales de chirurgie 128 (2003) 237–245

www.elsevier.com/locate/annchi

© 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.DOI: 10.1016/S0003-3944(03)00068-3

Page 2: Sarcomes des tissus mous thoraciques de l’adulte : étude rétrospective de 40 cas

Design. – Data were collected from a prospective database. Survival were analyzed by Kaplan-Meier method and compared with log-ranktest. Prognostic factors were identified with a Cox model.

Results. – The median age was 48 years. The male/female ratio was 15/25. The most common subtype was malignant histiocytofibroma (11cases). Twenty-one tumors were high-grade sarcomas. The commonest location was chest wall (26 cases). Thirty-two sarcomas were treatedsurgically, including 22 who had radical resections (free margins). Associated treatments were neoadjuvant (n = 8) or adjuvant (n = 8)chemotherapy, and postoperative radiotherapy (n = 17). The 5-year overall survival was 45%. In univariate analysis, prognostic factors wereage (p = 0.05), Karnofsky index (p = 0.008), absence of metastases at initial presentation (p = 0.0003), radical resection (p = 0.043), andadjuvant chemotherapy (p = 0.04). The tumor location had no prognostic value.

Conclusions. – Management of PTSTS needs a multidisciplinary approach, and is mainly based on radical resection. Prognosis ofpulmonary, chest wall and mediastinal sarcomas is similar.

© 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Sarcomes des tissus mous ; Pronostic ; Chirurgie ; Sarcome pulmonaire ; Sarcome de la paroi thoracique

Mots clés : Soft tissue sarcoma ; Surgery ; Prognosis ; Chest wall sarcoma ; Lung sarcoma

1. Introduction

Les sarcomes des tissus mous sont des tumeurs rares,caractérisées par une grande hétérogénéité anatomique, his-tologique et pronostique. L’ incidence des sarcomes des tissusmous est estimée entre 3 et 4 pour 100 000 et 50 à60 % de cescancers se développent au niveau des membres [1]. Lessarcomes primitifs thoraciques sont rares. Ces sarcomes po-sent des problèmes spécifiques. En particulier, leur résectioncurative est difficile du fait de la proximité de structuresvitales [2]. De plus, l’étude de ces sarcomes primitifs destissus mous thoraciques est souvent dissociée en fonction dela localisation de la tumeur (sarcomes pulmonaires versussarcomes pariétaux versus sarcomes médiastinaux), proba-blement parce que les techniques chirurgicales nécessaires àleur prise en charge sont différentes [2]. Le but de cette étudeétait, à partir d’une série de 40 patients, d’analyser les fac-teurs pronostiques de ces tumeurs en étudiant en particulierl’ influence de leur localisation.

2. Patients et méthodes

2.1. Patients

À partir d’une base de données constituée de façon pros-pective, nous avons extrait les données de patients atteints desarcomes primitifs des tissus mous thoraciques. Il s’agit de40 patients pris en charge de janvier 1994 àjuin 2001, dans lecadre d’une collaboration entre le centre Oscar Lambret et ledépartement de chirurgie thoracique du CHRU de Lille. Danscette étude, les sarcomes des tissus mous thoraciques del’adulte étaient définis comme des sarcomes des tissus mousde la paroi thoracique, du poumon ou du médiastin, chez despatients âgés de plus de 18 ans au moment du diagnostic. Lestumeurs desmoïdes, chondrosarcomes, ostéosarcomes et sar-comes d’Ewing étaient exclus de cette étude.

Les différentes histologiques (liposarcomes, histiocytofi-bromes malins, neurosarcomes...) ont été analysées ensem-ble car le pronostic des sarcomes des tissus mous est peu

influencé par le sous-type histologique et ce, quelle qu’ensoit la localisation primitive [3]. Nous avons utilisé le scorehistopronostique de la Fédération nationale des centres delutte contre le cancer (FNCLCC), qui intègre 3 paramètreshistologiques : le degré de nécrose tumorale, le degré dedifférenciation et le pourcentage de mitoses [3]. Ce score,applicable à la grande majorité des histologies de sarcomedes tissus mous, constitue un facteur pronostique puissant etfacilement reproductible, permettant de séparer les sarcomesen tumeurs de bas grade (grade I), de grade intermédiaire(grade II) et de haut grade (grade III) [3].

Les critères suivants ont été pris en considération pourl’analyse de la survie globale (40 cas), la survie sans récidive(30 cas traités par exérèse macroscopiquement complète) etla survie sans récidive locale (30 cas) : sexe, âge au momentdu diagnostic, index de Karnofsky, sous-type histologique,grade, localisation (paroi thoracique, poumon, médiastin),taille tumorale maximale, réalisation ou non d’une exérèsechirurgicale, exérèse réalisée en un ou plusieurs temps chi-rurgicaux, qualité de l’exérèse finale (R0 en cas d’exérèsecomplète avec marges saines, R1 en cas de résidu microsco-pique, R2 en cas de résidu macroscopique), chimiothérapienéo-adjuvante ou adjuvante, radiothérapie, présence d’unepathologie génétique associée et survenue du sarcome enterritoire antérieurement irradié.

2.2. Méthodes statistiques

La survie médiane était calculée en mois à partir du jourdu diagnostic histologique en utilisant la méthode de Kaplan-Meier [4]. Pour comparer les courbes de survie, un test delog-rank était utilisé pour les données catégorielles [5].L’analyse univariée de la valeur pronostique des donnéescontinues reposait sur le modèle de Cox [6]. Le seuil designificativité était fixé à p < 0,05. En raison de l’effectiflimité de patients, une analyse multivariée n’a pas été réali-sée.

238 N. Penel et al. / Annales de chirurgie 128 (2003) 237–245

Page 3: Sarcomes des tissus mous thoraciques de l’adulte : étude rétrospective de 40 cas

3. Résultats

3.1. Caractéristiques anatomocliniques

Entre janvier 1994 et juin 2001, 40 patients consécutifsont été pris en charge pour un sarcome primitif des tissusmous thoraciques. Il s’agit de 15 hommes et 25 femmes, dontl’âge médian était de 48 ans (âge moyen = 48, extrêmes :18-72). Quatre patients (10 %) avaient des antécédents géné-tiques : 3 cas de maladie de Recklinghausen et 1 cas desyndrome de Li-Fraumeni (ou mutation germinale du gènep53). Quatre (10 %) autres patients avaient un sarcome déve-loppé en territoire irradié. Les localisations tumoralesétaient : la paroi thoracique dans 26 cas (65 %), le tissupulmonaire dans 9 cas (14 %), le médiastin dans 4 cas et lacavité pleurale dans 1 cas. Les sous-types histologiquesétaient : 11 (28 %) histiocytofibromes malins HMF, 7 sarco-mes indifférenciés, 6 léiomyosarcomes, 5 synovialosarco-mes, 4 angiosarcomes, 2 liposarcomes, 2 neurosarcomes et 3autres histologies (1 hémangiopéricytome malin, 1 sarcomealvéolaire, 1 fibrosarcome).

Les tumeurs étaient de grade I dans 8 cas (20 %), de gradeII dans 10 cas (25 %) et de grade III dans 20 cas (50 %). Dans2 cas, le grade n’a pu être déterminé précisément. Chez les32 malades ayant eu une exérèse, la taille tumorale moyenneétait de 60 mm (extrêmes : 15-300 mm). Le diagnostichistologique a été obtenu dans 19 cas par biopsie guidée parimagerie, dans 9 cas par tentative d’exérèse faite dans unautre centre, dans 8 cas par biopsie chirurgicale faite dansnotre centre (biopsie d’une masse pariétale dans 4 cas, biop-sie par thoracotomie dans 2 cas, biopsie par thoracoscopiedans 2 cas), par biopsie sous fibroscopie bronchique dans2 cas de sarcome pulmonaire et dans 2 cas sur la pièced’exérèse (2 sarcomes pulmonaires).

Au moment du diagnostic, 7 (18 %) patients avaient desmétastases. L’ index de Karnofsky était de 90, 80, 70 et 60 %,dans respectivement 28, 7, 4 et 1 cas. La médiane de suiviétait de 54 mois. Aucun patient n’a été perdu de vue.

3.2. Traitements

3.2.1. ChirurgieDans 8 cas, une intervention chirurgicale n’a pas été

réalisée : dans 6 cas en raison d’une dissémination métasta-tique, dans 1 cas en raison du refus du patient et dans 1 cas desarcome médiastinal en raison de l’envahissement massif dumuscle cardiaque et de l’artère pulmonaire.

Une exérèse a été réalisée dans 32 cas (Tableaux 1 et 2).L’exérèse était R0 dans 22 cas, R1 dans 8 cas et R2 dans2 cas. Un seul des 7 patients ayant des métastases d’emblée aété opéré (pariétectomie et exérèse d’une métastase pulmo-naire isolée). L’exérèse a été réalisée en un temps chez8 patients ; chez 24 autres, 2 interventions ou plus ont étéfaites (15 réinterventions pour exérèse initiale jugée inadé-quate et 9 reprises après première intervention faite dans unautre centre en méconnaissant le diagnostic du fait d’uneabsence de biopsie ou de ponction à visée cytologique préa-

lable). Parmi ces 9 malades, 8 avaient un résidu tumoralvisible sur les examens d’ imagerie réalisés avant réinterven-tion.

Les 14 pariétectomies n’ont jamais intéressé le sternum etont nécessité une plastie pariétale par plaque de polytétra-fluoroéthyléne (PTFE) dans 4 cas et une couverture parlambeau myocutanéde grand dorsal dans 2 cas. Les exérèseslimitées aux tissus mous pariétaux ont nécessité une recons-truction par lambeau de grand dorsal dans 2 cas et de grandpectoral dans 1 cas. Les 3 sarcomes radio-induits (tous parié-taux) traités par exérèse n’ont pas posé de problème techni-que particulier.

Les 7 pleuropneumectomies et la pleurolobectomie onttoutes nécessité une reconstruction pariétale par plaque dePTFE, avec plastie diaphragmatique dans un cas et péricar-dectomie dans un cas. Dans 10 cas, un curage médiastinal aété réalisé (2 exérèses médiastinales, 7 pleuropneumonecto-mies et une pleurolobectomie). À l’analyse histologique, desadénopathies métastatiques n’étaient présentes que dans2 cas de synovialosarcomes. Il n’y a eu aucun décès postopé-ratoire.

3.2.2. Radiothérapie et chimiothérapie

Une irradiation postopératoire fractionnée (2 Grays parjour, 5 j par semaine) a été faite dans 17 cas. La dosemoyenne administrée était de 46 Grays (extrêmes : 35 à60 Grays).

Une chimiothérapie a étéréalisée dans 18 cas : huit fois en1re intention, huit fois en situation adjuvante (Tableau 3) etdeux fois en situation palliative. Tous les régimes de chimio-thérapie comprenaient de la doxorubicine, utilisée isolémentdans 6 cas. Pour les 8 patients ayant une tumeur inextirpable,les traitements étaient : quatre fois une chimiothérapie exclu-sive, une fois une radiothérapie exclusive et trois fois untraitement purement symptomatique.

Tableau 1Traitement chirurgical (32 malades)

Type d’exérèse NbrePariétectomie 16– dont avec pleuro-lobectomie 1– dont avec résection d’une métastase pulmonaire 1Pleuro-pneumonectomie 7Résection superficielle des tissus mous de la paroi thoracique 6Résection médiastinale 2Lobectomie pulmonaire 1Qualitéde l’exérèseMarges saines (R0) 22Marges histologiquement tumorales (R1) 8Résection macroscopiquement incomplète (R2) 2Traitements associésTraitement chirurgical exclusif 13Chimiothérapie néo-adjuvante 8Chimiothérapie adjuvante 8Radiothérapie adjuvante 17

239N. Penel et al. / Annales de chirurgie 128 (2003) 237–245

Page 4: Sarcomes des tissus mous thoraciques de l’adulte : étude rétrospective de 40 cas

3.2.3. Suivi

Une récidive ou une persistance évolutive locale a étéobservée chez 9 patients, après un intervalle libre médian de27 mois (extrêmes : 2–48). Cet événement est survenu aprèsune exérèse R0 dans 2 cas, R1 ou R2 dans 7 cas. Cinq patientsont bénéficié d’une exérèse de cette récidive ou persistanceévolutive locale. La survie médiane après diagnostic de cetterécidive locale était 11 mois (extrêmes : 3–39).

Une dissémination métastatique est apparue au cours dusuivi dans 11 cas (soit 33 % des 33 patients non métastatiquesd’emblée, dont 6 sarcomes de grade III). Les sites métastati-ques étaient : les poumons (6 cas), la plèvre (1 cas), les os, lefoie, le péricarde, la peau et le cerveau (1 cas chacun).

3.2.4. Facteurs pronostiques

La médiane de survie globale était de 4,7 ans (40 patientsévaluables). Les pourcentages de survie à1, 2 et 5 ans étaientrespectivement de 83, 70 et 45 % (Tableau 4). En analyseunivariée, les facteurs pronostiques (Tableau 5) étaient :l’absence de métastase au diagnostic (p = 0,0003), la réalisa-tion d’une exérèse (p = 0,007), le caractère radical de l’exé-rèse (p = 0,043), (tableau 2) une chimiothérapie adjuvante(p = 0,04) et l’ index de Karnofsky (p = 0,008).

Trois paramètres étaient significativement corrélés à lasurvenue d’une récidive locale : il s’agissait de l’âge, del’ index de Karnofsky et du grade histologique. Un seul fac-teur était prédictif de la survenue d’une récidive métastati-

Tableau 2Survie globale en fonction du traitement chirurgical (chirurgie absente, en 1 ou 2 temps ; qualité de l’exérèse)

Valeur pronostique de la chirurgieChirurgie Survie à1 an Survie à3 ans Survie à5 ans Survie médiane (années)Non faite 18 % 18 % 0 % 0,8Un temps (n= 8) 100 % 77 % 64 % 8,2Deux temps (n= 24) 92 % 50 % 49 % 3,0Valeur pronostique de la qualitéde l’exérèseExérèse Survie à1 an Survie à3 ans Survie à5 ans Survie médiane (années)R0 (n= 22) 100 % 73 % 61 % 8,2R1 (n= 8) 100 % 64 % 64 % 4,2R2 (n= 2) 1 0 0 1,3

Tableau 3Résultats de la chimiothérapie première

Localisation Histologie Grade Sexe Age Régime Nbre decycles

Réponse objective Traitementultérieur

Qualitédel’exérèse

Réponsehistologique

Paroi Indifférencié II F 19 MAID 2 Progression Pariétectomie R1 Pas de réponseParoi Indifférencié III F 21 MAID 6 Réponse partielle Pariétectomie +

lobectomieR0 Réponse complète

Paroi HMF III H 68 MAID 3 Progression Symptomatique NP NPParoi Indifférencié III H 26 AI75 5 Réponse partielle Pariétectomie R0 cellules tumorales

persistantes< 5%

Paroi Synovialosarcome III H 30 AI75 3 Stabilité Résection pariétalesuperficielle

R0 Pas de réponse

Paroi Fibrosarcome I F 49 A 2 Progression Pariétectomie R0 Pas de réponseMédiastin Leiomyosarcome I H 57 AC 4 Progression Exérèse R2 Pas de réponsePoumon HMF II H 62 AC 3 Progression Symptomatique NP NP

HMF, histiocytofibrome malin; MAID = doxorubicine + ifosfamide + dacarbazine ; AI 75 = doxorubicine (75 mg/m ) + ifosfamide ; A = doxorubicine seule(75 mg/m ), AC = doxorubicine + cisplatine ; NP = non précisé ou non évaluable.

Tableau 4Survie des sarcomes primitifs des tissus mous thoraciques

Survie globale Survie sans récidive locale Survie sans récidive métastatiqueNombre de patients évaluables 40 30 30Médiane de survie (années) 4,7 4,3 4,3Survie (% et npatients)à1 an 83 % (32) 92 % (28) 82 % (25)à2 ans 70 % (28) 73 % (22) 70 % (21)à3 ans 57 % (23) 62 % (19) 64 % (19)à5 ans 45 % (18) 46 % (14) 46 % (13)

240 N. Penel et al. / Annales de chirurgie 128 (2003) 237–245

Page 5: Sarcomes des tissus mous thoraciques de l’adulte : étude rétrospective de 40 cas

que : il s’agissait de l’existence d’une pathologie génétiqueassociée (Tableau 5).

3.2.5. Sarcomes radio-induitsL’évolution des 4 sarcomes radio-induits a été défavora-

ble. Trois patientes avaient développé un angiosarcome dehaut grade sur la paroi thoracique antérieure 9 à12 ans aprèsle traitement d’un cancer du sein, ayant compris une irradia-tion conventionnelle de 54 à 56 Gy. Une patiente a refusél’exérèse (qui aurait nécessité une désarticulationinterscapulo-thoracique) et est décédée de métastases18 mois après le diagnostic. Les 2 autres patientes avaient destumeurs de petite taille (15 et 25 mm) traitées par exérèsessuperficielles R0 mais sont décédées de métastases respecti-vement 12 et 5 mois après le diagnostic.

Un homme de 33 ans a développé un histiocytofibromemalin de grade III de la paroi thoracique antérieure, 13 ansaprès le traitement d’un lymphome malin non hodgkiniensusclaviculaire. La lésion, de 7 cm de grand axe, a nécessitéune large pariétectomie avec reconstruction par plaque dePTFE. L’exérèse était classée R0 et a étésuivie d’une chimio-thérapie adjuvante, mais le patient est décédé de métastases4 ans et demi après l’ intervention.

3.2.6. Sarcomes liés à une pathologie génétiqueLes 4 sarcomes qui ont été diagnostiqués dans le cadre

d’une pathologie génétique ont entraîné le décès du patient.Un léiomyosarcome médiastinal avec atteinte myocardique aété diagnostiqué chez une patiente de 50 ans, présentant unsyndrome de Li-Fraumeni. La patiente a été traitée par radio-thérapie et chimiothérapie palliatives, mais est décédée demétastases 18 mois après le diagnostic.

Trois patients avaient une maladie de Reklinghausen fa-miliale. Deux patients ont développé un neurosarcome (àl’âge de 19 et 47 ans) et le 3e un synovialosarcome (àl’âge de25 ans). Les 3 tumeurs étaient àpoint de départ pariétal et degrade III. Le patient atteint de synovialosarcome était d’em-

blée métastatique avec présence d’un nodule tumoral sous-cutanésatellite. Il a ététraitépar une exérèse incomplète dansun autre centre et est décédé de métastases 16 mois après lediagnostic initial. Les 2 patients atteints de neurosarcomesavaient des tumeurs de grande taille (13 et 15 cm de grandaxe) nécessitant une pariétectomie avec reconstruction parplaque de PTFE et couverture par lambeau myocutané degrand dorsal. Le premier patient a eu une exérèse R0 sanstraitement adjuvant et est décédéde métastases 18 mois plustard. Le second patient a eu une exérèse classée R2 et estdécédé d’évolution locorégionale 9 mois après le diagnosticinitial.

4. Discussion

La présente étude montre que le pronostic des sarcomesprimitifs des tissus mous thoraciques ne semble pas lié àleurlocalisation (paroi, poumon ou médiastin) mais plutôt à leurprésentation initiale (absence de métastases ou d’altérationde l’état général, grade histologique) et aux modalités théra-peutiques (exérèse complète, chimiothérapie adjuvante). Ellesuggère également que les sarcomes radio-induits et ceuxdéveloppés sur une pathologie génétique sous-jacente sontassociés à un pronostic particulièrement défavorable.

Les sarcomes primitifs des tissus mous thoraciques repré-sentent moins de 5 % de l’ensemble des sarcomes des tissusmous de l’adulte [7]. Les sarcomes des viscères thoraciqueset les sarcomes de la paroi thoracique représentent respecti-vement 0,4 et 3 % de tous les sarcomes [7]. Environ 15 % destumeurs de la paroi thoracique sont des sarcomes [8,9] et 0,5à 1 % des cancers bronchiques sont des sarcomes [10–12].Malgré le caractère hétérogène des sarcomes primitifs destissus mous thoraciques, certaines notions peuvent être déga-gées :

• l’âge médian au moment du diagnostic est de l’ordre de50–60 ans si on ne considère que les adultes [10–13] et

Tableau 5Facteurs pronostiques de survie globale et de survie sans récidive (analyse univariée)

Facteur étudié test Survie globale Survie sans récidive locale Survie sans récidive métastatiquep p p

Age croissant * cox 0,05 0,02 0,37Taille tumorale croissante cox 0,09 0,76 0,84Index de Karnofsky décroissant cox 0,008 0,02 0,33Sexe log-rank 0,052 0,44 0,85Caractère radio-induit log-rank 0,79 0,14 0,12Pathologie génétique log-rank 0,056 0,75 0,048Grade histologique log-rank 0,30 0,018 0,51Localisation log-rank 0,88 0,37 0,19Métastase d’emblée log-rank 0,0003 0,1 non évaluableChirurgie réalisée log-rank 0,007 non évaluable 0,46Qualitéde l’exérèse log-rank 0,043 0,33 0,20Radiothérapie postopératoire log-rank 0,26 non évaluable non évaluableChimiothérapie adjuvante log-rank 0,04 non évaluable non évaluable

Résultats exprimés en degré de significativité (p < 0,05 étant statistiquement significatif)* L’âge croissant a une valeur pronostique en données continues (en analyse catégorielles, la barrière est fixée à ± 60 ans).

241N. Penel et al. / Annales de chirurgie 128 (2003) 237–245

Page 6: Sarcomes des tissus mous thoraciques de l’adulte : étude rétrospective de 40 cas

de l’ordre de 38 ans si on intègre la population pédiatri-que [14,15] ;

• il n’y a pas de prédominance de sexe [11–19] ;• comme dans notre série, l’état général n’est altéré(index

de Karnofski < ou = 70 %) que chez moins de 20 % despatients lors du diagnostic [10,14] ;

• quel que soit l’âge, les localisations pariétales sont lesplus nombreuses [19] ;

• la taille tumorale moyenne est importante : 6 à 10 cmselon les études [10,13,15] ;

• bien que les systèmes de grading utilisés soient varia-bles d’une série àl’autre, la majoritédes tumeurs sont dehaut grade de malignité [10–19].

L’étude histologique de ces sarcomes est complexe etsujette à caution dans certains travaux. Chez l’enfant, lesrhabdomyosarcomes prédominent largement [14,15,19]. Àl’opposé chez l’adulte, le type histologique est très variable.Cependant, les données histologiques publiées doivent êtreconsidérées avec prudence. Ainsi, dans un travail fait àpartirde 23 tumeurs étiquetées sarcome pulmonaire, la relecturesystématique par un panel d’anatomopathologistes avait per-mis de rectifier le diagnostic dans 11 cas (un mélanome et10 carcinomes bronchiques) [12]. De même, certaines sériesincluant des patients opérés avant les années 1980 ne com-prenaient aucun histiocytofibrome malin MF [14,15], quisemble actuellement, comme dans notre étude, être le sous-type histologique le plus fréquent [10,13]. Les progrès cons-tants de l’anatomopathologie (introduction de l’ immunohis-tochimie et plus récemment biologie moléculaire pouvantmettre en évidence certaines anomalies spécifiques d’un typehistologique) expliquent certainement ces données. Toute-fois, l’ impact thérapeutique de la connaissance du sous-typehistologique reste encore actuellement modeste. Certainestumeurs à malignité locale comme les tumeurs desmoides(ou fibromatoses agressives) et les dermatofibrosarcomesprotuberans (dits de Darrier et Ferrand) ont un excellentpronostic global [18]. Les autres sarcomes des tissus mousconstituent un ensemble relativement cohérent, en particulieren termes de risque de métastases et de pronostic, ce quiautorise de regrouper les différentes histologies [10–19].

Notre travail montre que, même dans une période récente,le diagnostic de sarcome primitif des tissus mous thoraciquesn’est pas toujours évoqué en préopératoire et que certainestumeurs ne bénéficient donc pas d’un diagnostic histologiqueavant tentative d’exérèse. La biopsie doit obtenir un fragmenttumoral suffisamment représentatif de la tumeur afin que legrade ne soit pas sous-évalué et peut recourir à de multiplestechniques (chirurgie classique ou mini-invasive, biopsieguidée par imagerie, voire fibroscopie bronchique pour lessarcomes pulmonaires). Environ un tiers des patients de notreétude avaient été opérés dans un autre centre avant de nousêtre adressés pour exérèse ou complément d’exérèse. Ainsi,certains malades ne peuvent bénéficier d’emblée de l’exérèsela plus large possible, voire d’une chimiothérapie premièrepour les tumeurs de haut grade. La biopsie des tumeurspariétales est facile et le trajet de biopsie doit classiquement

faire partie de l’exérèse à visée curative. En revanche, lediagnostic histologique n’a été porté en préopératoire quechez 50 % des sarcomes pulmonaires dans la série de Porte etal. [10] et moins de 30 % des sarcomes médiastinaux dans lasérie de Burt et al. [14]. Pour les sarcomes primitifs pulmo-naires, les tumeurs sont essentiellement de haut grade etcorrespondent le plus souvent à des léiomyosarcomes et deshistiocytofibromes malins ; il n’y a pas de tumeurs desmoidesdécrites à ce niveau [10–13,16–17]. Pour les sarcomes mé-diastinaux ou pariétaux, malgréun nombre plus important depatients, les données sont plus disparates et il n’est paspossible de dégager une prédominance histologique[14,15,18,19].

L’absence de biopsie initiale et la persistance de reliquatstumoraux après une 1re exérèse ont probablement une impli-cation pronostique. Dans notre étude, la survie médiane despatients opérés en un temps était nettement supérieure àcelledes patients opérés en 2 temps ou plus : 8 ans versus 3 ans(Tableau 2). Classiquement, un résidu tumoral histologiqueexiste chez 40 à80 % des patients réopérés après une 1re exé-rèse inadéquate [20]. La radiothérapie complémentaire nepermet pas de se passer de reprise chirurgicale après exérèseinitiale inadéquate. Sur la période de suivi de notre étude (54mois), 50 % des patients avaient développé une récidivelocale après radiothérapie et exérèse incomplète. Dans lasérie de Gordon et al., les patients ayant bénéficié d’uneexérèse dans une autre institution avaient un risque de re-chute locale statistiquement augmenté [15]. Chacune desinterventions inadéquates ou incomplètes peut favoriser l’es-saimage local. Tous ces éléments plaident en faveur d’uneprise en charge de ces tumeurs rares par des centres spéciali-sés dès la phase diagnostique [21].

Cinq à 10 % des sarcomes thoraciques se développent enterritoire irradié (7 cas pour 149 sarcomes pariétaux de lasérie de Gordon et al. [15], 1 cas pour les 12 sarcomespulmonaires de la série de Étienne-Mastroianni et al. [12], 5cas pour 47 sarcomes médiastinaux dans la série de Burt et al.[14], 4 cas sur 40 dans notre série). Ces sarcomes radio-induits sont décrits chez 0,1 à 0,2 % des patients traités parradiothérapie, apparaissent 4 à 21 ans après le traitement dela tumeur initiale (correspondant en règle àun lymphome ouun cancer du sein) en bordure des champs d’ irradiation[1,12,14,15]. Dans ces cas, les histologies les plus fréquentessont les sarcomes àcellules fusiformes, tels que l’HMF ou lefibrosarcome ou les sarcomes vasculaires indifférenciés Cessarcomes sont classiquement peu sensibles à la radiothérapieet la chimiothérapie [12,14,15]. Une pathologie génétiqueassociée est décrite dans 1 à10 % de ces sarcomes [14,15]. Ils’agit alors essentiellement de maladie de Recklinghausen,plus rarement de rétinoblastome familial ou de syndrome deLi-Fraumeni [14]. En cas de maladie de Recklinghausen, lestumeurs observées sont essentiellement des neurosarcomes(ou tumeurs malignes des gaines nerveuses périphériques),mais des léiomyosarcomes ont également été décrits [14].

242 N. Penel et al. / Annales de chirurgie 128 (2003) 237–245

Page 7: Sarcomes des tissus mous thoraciques de l’adulte : étude rétrospective de 40 cas

4.1. Chirurgie

Le traitement des sarcomes primitifs des tissus mous tho-raciques présente des particularités. Tout comme les sarco-mes rétropéritonéaux, ces tumeurs sont souvent de grandetaille et proches d’éléments vitaux (gros vaisseaux, cœur, axerachidien...). De fait, une exérèse peut être impossible. Dansnotre série, 8 tumeurs (essentiellement médiastinales) n’ontpas été opérées, mais essentiellement en raison d’une diffu-sion métastatique (6 cas). Dans une autre étude, la résécabi-litédes sarcomes médiastinaux était de 72 % (34 sur 47) [14].Dans notre expérience et dans la littérature, les sarcomes dela paroi thoracique et du tissu pulmonaire apparaissent plusfréquemment résécables. Ainsi, pour Bacha et al., 20 sarco-mes pulmonaires sur 23 (87 %) étaient résécables [13], pourGordon et al., 140 sarcomes pariétaux sur 149 (94 %) étaientrésécables [15]. Les facteurs limitant la résécabilité des sar-comes pariétaux et pulmonaires sont respectivement la re-construction pariéto-diaphragmatique et la fonction respira-toire postopératoire. En pratique, la mortalité opératoire estinférieure à 5 % dans la plupart des séries [10–13,15–19],sauf pour les sarcomes médiastinaux pour lesquels elle at-teint 12 % dans une étude [14].

La qualitéde l’exérèse est appréciée par l’absence d’enva-hissement tumoral des berges. Dans notre série, une exérèseavec des marges saines a été possible dans 22 cas (55 %), lasurvie globale à 5 ans est alors de 61 %, la survie sansrécidive est de 46 % à5 ans. Une exérèse radicale est possibledans 50 à 87 % des sarcomes pulmonaires [10,11,13,16,17]et environ 75 % des sarcomes pariétaux [15]. De façonlogique, l’exérèse des sarcomes médiastinaux n’est radicaleque dans environ 2/3 des cas [14]. Tout comme pour lessarcomes des membres, le curage ganglionnaire n’est passystématique pour les sarcomes pariétaux [14,18]. Ainsi,Greager et al. ont réalisé 8 curages pour des adénopathiesaxillaires cliniquement suspectes au cours de 49 exérèses desarcomes pariétaux mais, dans ces 8 cas, il n’y a pas d’enva-hissement histologique ganglionnaire [18]. En revanche, lescurages médiastinaux ont étéréalisés systématiquement pourles sarcomes médiastinaux et pulmonaires, apparemmentsans augmentation de la morbiditéopératoire [10–13,16–17].Le taux d’envahissement ganglionnaire était de 30 % (7/23)pour Bacha et al. [13], 6 % (1/18) pour Porte et al. [10], et de10 % (2/40) dans notre série. La raretéde l’extension métas-tatique ganglionnaire est classique pour tous les sarcomesdes tissus mous. Sa prévalence est d’environ 2 % et ellesemble essentiellement limitée àcertains sous-types histolo-giques : sarcomes épithélioïdes, synovialosarcomes et sarco-mes à cellules claires [2,3].

4.2. Traitements associés

La place des traitements associés (chimiothérapie et ra-diothérapie) est très variable d’une série à l’autre. Une chi-miothérapie adjuvante et/ou une radiothérapie complémen-taire peuvent être utilisées après exérèse de sarcomes

pulmonaires [12–13], médiastinaux [14] ou pariétaux [15].Les indications et l’ impact de ces traitements sont rarementdiscutés.

Il existe très peu de données sur la chimiothérapiepremière (description de 3 cas par Porte et al., avec 2 répon-ses partielles ayant permis de réaliser des exérèses satisfai-santes [10]). Dans notre étude, les résultats de la chimiothé-rapie première sont peu encourageants (2 réponses partiellespour 8 tumeurs). Mais, 2 raisons pourraient expliquer cesrésultats : la faible dose-intensité de doxorubicine utiliséepour certains patients et surtout une approche de chimiothé-rapie néo-adjuvante pour des tumeurs de bas grade, moinschimiosensibles. Les 2 réponses partielles ont permis l’amé-lioration des conditions opératoires et ont été associées à unhaut degréde nécrose tumorale. Dans une étude rétrospectivede 76 patients ayant un sarcome des membres, Pisters et al.ont obtenu 9 % de réponses partielles à la chimiothérapienéo-adjuvante (association doxorubicine, cyclophospha-mide, dacarbazine) [22]. Une autre étude (84 patients) arapporté un taux de 70 % de réponses à la chimiothérapienéo-adjuvante chez les enfants (essentiellement pris encharge pour des rhabdomyosarcomes), mais avec une surviecomparable à celle des adultes, de l’ordre de 42 % de survieactuarielle à 2 ans [19]. La chimiothérapie néo-adjuvanten’apporte aucun bénéfice en cas de tumeur de bas grade. Enrevanche, pour les tumeurs de haut grade localement avan-cées, elle semble améliorer la résécabilité [23].

4.3. Survie et facteurs pronostiques

La survie à 5 ans des sarcomes thoraciques est compriseentre 32 et 69 % donc superposable àcelle des sarcomes desmembres [10–19]. Les 2 principaux facteurs conditionnant lasurvie globale sont le grade et la qualitéde l’exérèse [10–19].Les possibilités chirurgicales conditionnent le pronostic glo-bal de manière évidente dans toutes les études. Dans toutesles séries, la survie des patients non opérés est inférieure à18mois [10–19]. Pour les sarcomes pulmonaires [11–13,16–17], les 5 analyses univariées ont identifié comme facteurpronostique : la qualité de l’exérèse trois fois, l’extensiontumorale (évaluée selon différents paramètres) trois fois et legrade histologique une fois. Pour les sarcomes pariétaux, lesfacteurs pronostiques identifiés sont le grade et la qualité del’exérèse [18] ou seulement le grade [15]. Pour les sarcomesmédiastinaux, il s’agit du grade et de la qualité de l’exérèse[14].

Dans notre étude, les 6 facteurs pronostiques retrouvéspour la survie globale étaient l’âge, l’état général, la présencede métastases d’emblée, la chirurgie, la qualité de l’exérèseet la chimiothérapie adjuvante. Le grade histologique n’étaitun facteur pronostique que pour la survie sans récidive lo-cale. Ces résultats sont à considérer avec prudence étantdonné l’effectif de l’étude. Le rôle de la chimiothérapieadjuvante pour les sarcomes des tissus mous est controversé,mais les dernières études randomisées et les dernières méta-analyses sont en faveur d’une amélioration de la survie pour

243N. Penel et al. / Annales de chirurgie 128 (2003) 237–245

Page 8: Sarcomes des tissus mous thoraciques de l’adulte : étude rétrospective de 40 cas

les sarcomes des tissus mous de membres de haut grade demalignité ayant bénéficié d’une exérèse complète [23]. Tou-tefois, son impact pour les autres sarcomes n’est pas claire-ment déterminé.

Dans notre étude, la localisation primitive n’ influençaitpas la survie globale. Chez l’adulte, les données de la littéra-ture suggèrent que le pronostic des localisations pulmonaireset pariétales est proche (survie de 40 à 60 % à 5 ans[10–13,15–18]) et que celui des localisations médiastinalesest moins bon (survie de 30 % à5 ans [14]). Chez l’enfant, lalocalisation primitive des sarcomes thoraciques ne semblepas influencer le pronostic.

4.4. Récidives loco-régionales et métastatiques

Les récidives loco-régionales sont décrites dans 30 à60 %des cas selon les séries [10–19]. Ces récidives loco-régionales sont accessibles à une exérèse itérative. Dansl’étude de Gordon et al., les récidives locales ne grevaient pasle pronostic global des sarcomes pariétaux, probablement enraison des possibilités de réintervention [15]. De même,Magné et al. ont décrit de longues survies après exérèse derécidive locale de sarcome pulmonaire [11]. Ce même auteurn’avait pas constaté de lien entre la qualité de l’exérèse et larécidive locale mais notait un risque de récidive locale plusélevéen cas d’exérèse initiale faite dans une autre institution.Dans notre étude, les 3 facteurs de risque identifiés de réci-dive locale étaient l’âge, l’état général et le grade histologi-que. En revanche, la qualitéde l’exérèse n’était pas un facteurde risque. Nous n’avons pas d’explication simple pour cerésultat. La qualité de l’exérèse est en effet le principalfacteur de risque de récidive locale des sarcomes des tissusmous des membres [2,3,7]. Dans notre étude, le risque derécidive locale était identique quelle que soit la localisationprimitive, ce qui est également suggérépar les données de lalittérature [10–19].

Les récidives métastatiques sont décrites dans 3 études[10,14,15]. Il n’ya pas de facteur de risque clairement iden-tifié dans ces 3 études, mais le principal facteur de risque derechute métastatique actuellement identifié pour l’ensembledes sarcomes des tissus mous est le grade [3]. Notre étudesuggère donc que les tumeurs développées sur un terraingénétiquement prédisposé sont de mauvais pronostic, ce quin’a, à notre connaissance, jamais été rapporté. Le mauvaispronostic des neurosarcomes associés à la maladie de Rec-klinghausen est une notion très débattue [24]. Nous n’avonspas mis en évidence une différence de risque de dissémina-tion métastatique en fonction de la localisation tumorale.

5. Conclusions

Les sarcomes primitifs des tissus mous thoraciques sontrares. Une biopsie préalable (chirurgicale ou non) permet deprogrammer une exérèse large monobloc, avec si nécessaire

une reconstruction. La prise en charge doit être multidiscipli-naire car les tumeurs de grade III localement avancées peu-vent bénéficier d’une chimiothérapie première. La possibilitéde réaliser une exérèse radicale conditionne le pronostic.L’ impact des traitements adjuvants (radiothérapie et chimio-thérapie) reste à évaluer. Enfin, la localisation tumorale (pa-roi, poumon ou médiastin), même si elle conditionne lespossibilités d’exérèse, ne semble pas influencer la survieglobale ou sans récidive. Seule une large étude rétrospectivemulticentrique permettrait d’analyser plus finement les fac-teurs pronostiques de ces sarcomes.

Références

[1] Penel N, Nisse C, Feddal S, Lartigau E. Épidémiologie des sarcomesdes tissus mous de l’adulte. Presse Med 2001;30:1405–13.

[2] Eilber FR, Eckardt J. Surgical management of soft tissue sarcoma.Semin Oncol 1997;24:526–33.

[3] Coindre JM, Terrier P, Guillou L, Le Doussal V, Collin F,Rancher X, et al. Predictive value of grade for metastasis developpedin the different histologic types of adults soft tissue sarcoma: a studyof 1240 cases from the French Federation of Cancer Centers SarcomaGroup. Cancer 2001;91:1914–26.

[4] Kaplan EL, Meier P. Non-parametric estimation from incompleteobservations. J Am Stat Assoc 1958;53:457–81.

[5] Peto R, Pike MC, Armitage P, Breslow NE, Cox DR, Howard SV, et al.Design and analysis of randomized clinical trials requiring prolongedobservation of each patients, II. Analysis and examples. Br J Cancer1997;35:1–39.

[6] Cox DR. Regression models and life tables. JR Stat Soc 1972;34:197–9.

[7] Torosian MH, Friedrich C, Godbold J, Hajdu SI, Brennan MF. Soft-tissue sarcomas: inital characteristics and prognosis factors in patientswith and without metastatic disease. Semin Surg Oncol 1988;4:13–9.

[8] Arrabal Sanchez R, Fernandez de Rota A, Pages Navarrete C, BenitezDomenech A, Fernandez Bermudez JL. Primary tumors of the tho-racic wall (1991-1994). Arch Broncopneumol 1996;32:384–7.

[9] Athanassiadi K, Kalavrouziotis G, Rondogianni D, Loutsidis A, Hat-zimichalis A, Bellenis L, et al. Primary chest wall tumors: early andlong-term results of surgical treatment. Eur J Cardiothorac Surg 2001;19:589–93.

[10] Porte HL, Metois DG, Leroy X, Conti M, Gosselin B, Wurtz A.Surgical treatment of primary sarcoma of the lung. Eur J CardiovascSurg 2000;18:136–42.

[11] Magne N, Porsin B, Pivot X, Tchiknavorian X, Marcy PY, Foa C, et al.Primary lung sarcomas: longs survivors obtained with iterative com-plete surgery. Lung Cancer 2001;31:241–5.

[12] Etienne-Mastroianni B, Falchero L, Chalabreysse L, Loire R,Ranchere D, Souquet PJ. Primary sarcoma of the lung. A clinico-pathologic study of 12 cases. Lung Cancer 2002;38:283–9.

[13] Bacha EA, Wright CD, Grillo HC, Mocure A, Keel SB. Surgicaltreatment of primary pulmonary sarcomas. Eur J Cardiothorac Surg1999;15:456–60.

[14] Burt M, Ihde JK, Hajdu SI, Smith JW, Bains MS, Downey R, et al.Primary sarcomas of the mediastinum: results of therapy. J ThoracCardiovasc Surg 1998;115:671–80.

[15] Gordon MS, Hadju SI, Bains MS, Burt ME. Soft tissue sarcomas ofthe chest wall. Results of surgical resection. J Thorac Cardiovasc Surg1991;101:843–54.

[16] Regnard JF, Icard P, Guibert L, de Montpreville VT, Magdaleinat P,Levasseur P. Pronostic factors and results after surgical of primarysarcomas of the lung. Ann Thorac Surg 1999;68:227–31.

244 N. Penel et al. / Annales de chirurgie 128 (2003) 237–245

Page 9: Sarcomes des tissus mous thoraciques de l’adulte : étude rétrospective de 40 cas

[17] Jansen JP, Mulder JJ, Wagenaar SS, Elbers HS, Van Den Bosch JM.Primary sarcoma of the lung: a clinical study with long-term follow-up. Ann Thorac Surg 1999;58:1151–5.

[18] Greager JA, Patel MK, Briele HA, Walker HJ, Wood DK, Gupta TK.Soft tissue sarcoma of the adult thoracic wall. Cancer 1987;59:370–3.

[19] Andrassy RJ, Wiener ES, Raney RB, Lawrence W, Lobe TE, Cor-pron CA, et al. Thoracic sarcomas in children. Ann Surg 1998;227:170–3.

[20] Noria S, Davis A, Kandel R, Levesque J, O’Sullivan B,Wunder J, et al. Residual disease following unplanned excision ofsoft-tissue sarcoma of an extremity. J Bone Joint Am Surg 1996;78:650–5.

[21] Bell RS, O’Sullivan B, Liu FF, Powell J, Langier F, For-nasier VL, et al. The surgical margin in soft-tissue sarcoma. J BoneJoint Surg Am 1989;71:370–5.

[22] Pisters PW, Patel SR, Varma DG, Cheng SC, Chen NP,Nguyen HT, et al. Preoperative chemotherapy for stage IIB extremitysoft tissue sarcoma: long-term results from a single institution. J ClinOncol 1997;15:3481–7.

[23] Sarcoma meta-analysis group. Adjuvant chemotherapy for localizedresectable soft-tissue sarcoma of adults: meta-analysis of individualdata. Lancet 1997:1647–54.

[24] Enzinger FM, Weiss SW. Malignant Tumors of the Peripheral Nerves.In: Enzinger FM, Weiss SW, editors. Soft tissue tumors. Third EditionMosby. 1995. p. 889–928.

245N. Penel et al. / Annales de chirurgie 128 (2003) 237–245