Science or Not Science

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    Science or not science

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    Essai pistmologique sur la science, sa nature, ses mthodes.

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    I. introduction

    II. Quest-ce que la science ?Dfinition ; Histoire ; Etymologie : de la connaissance la recherche ; Un terme gnrique de la connaissance ; Dfinition large ; Dfinition stricte ;Principe de lacquisition des connaissances scientifiques ; Pluralisme des dfinitions ; Histoire de la science ; Premires traces : prhistoire et antiquit ;Prhistoire ; Msopotamie ; Egypte pharaonique ; Chine de lantiquit; Science en Inde ; Logos grec : les prmisses philosophiques de la science ;Prsocratique ; Platon et la dialectique ; Priode alexandrine et Alexandrie lpoque romaine; Ingnierie et technologies romaines ; Science au Moyen Age ;En Europe ; Dans le monde arabo-musulman ; Sciences en Chine mdivale ; Inde des mathmatiques mdivales ; Fondements de la science moderne enEurope ; Science institutionnalise ; Renaissance et la science classique ; Naissance de la mthode scientifique : Francis Bacon ; De limago mundi

    lastronomie; De lalchimie la chimie ; Emergence de la physiologie moderne ; Diffusion du savoir ; Les Lumires et les grands systmes scientifiques ;Lencyclopdie; Rationalisme et science moderne ; Naissance des grandes disciplines scientifiques ; XIXe sicle ; Claude Bernard et la mthode exprimentale ;Rvolution industrielle ; Une science post-industrielle ; Complexification des sciences ; Dveloppement des sciences humaines ; Ethique et science : lavenir dela science au XXIe sicle ; Disciplines scientifiques ; Classification des sciences ; Sciences fondamentales et appliques ; Sciences nomothtiques etidiographiques ; Sciences empiriques et logico-formelles ; Sciences de la nature et sciences humaines et sociales ; Raisonnement scientifique ; Type formel pur ;Type empirico-formel ; Type hermneutique ; Scientificit ; Objectifs ; Recherche dun corpus fini et volution permanente ; Recherche de la simplification etlunificationdes thories ; Le connu et linconnu

    III. La mthode scientifique

    III.1. La mthodeThorie et exprience ; La recherche ; La mthode en physique ; Description dtaille ; Mthode scientifique ; Dcouverte et thorie ; Evolution dela notion ; Aristote ; Ibn Al Haytham ; Roger Bacon ; Ren Descartes et Francis Bacon ; Conventionnalisme ; Vrificationnisme ; Rfutationnisme ;Pluralisme scientifique ; Contextes de justification et de dcouverte ; Mthodes dans le contexte de justification ; Mthodes dans le contexte dedcouverte ; Observation ; Exprimentation ; Modlisation ; Simulation numrique ; Analogie ; Complmentarit entre mthodes analytiques etsynthtiques ; Analyse rductionniste ; Synthse transdisciplinaire systmique ; Universalit

    III.2. La philosophiePhysique et ralit ; Lattitude pragmatique; Lattitude no-positiviste ; Lattitude raliste; Le principe dobjectivit; Laccroissement des

    connaissances ; Une science exacte

    III.3. Les modes de raisonnement

    III.3.1. Dduction

    III.3.2. Induction

    III.3.3. AbductionListe des mthodes

    III.4. La mesureScience et mesure ; Les moyens de lexprimentation; La cellule de mesure ; Lchantillon; Linstrument de mesure; La fidlit ; La sensibilit ; La

    justesse ; Perception de la mesure ; Prcision de la mesure ; Mesure ; Mthodologie de la mesure ; Exprimentation ; Erreurs de mesure ;Classification ; Exploitation des mesures entaches derreurs fortuites ; Etalons fondamentaux ; Bases du systme international ; Critres de choix ;Etude des talons ; Etalons fondamentaux ; Etalons auxiliaires

    IV. Thories

    IV.1. Thories et modlesThorie ; Modle

    IV.2. Mthodes dlaborationApproche orthodoxe ; Unification ; Adaptations ; Extensions

    IV.3. Les mathmatiquesPhysique et mathmatiques ; Les mathmatiques, langage de la physique ? ; La nature du rapport des mathmatiques et de la physique ; Lepolymorphisme mathmatique de la physique ; La plurivalence des mathmatiques en physique ; La physique mathmatique ; Les mathmatiqueset la spcificit de la physique ; Un point de vue pragmatique ; Un conseil

    IV.4. Spculations

    V. La pratique

    V.1. Comment se fait la science ?Laboratoires ; Documentation ; Le travail en communaut ; Le rle de la communaut ; Le travail isol

    V.2. PublicationsCatgories ; Elments de dfinition ; Evolutions ; Quantitatif versus qualitatif ?; Revue scientifique ; Histoire ; Contenu et auteurs ; Les sujets ; Lesauteurs ; Comit ditorial et comit de lecture ; Modles conomiques ; Hausse des prix ; Proprit intellectuelle ; Comment publier ; Forme ;Fond

    VI. La mauvaise science

    VI.1. PseudosciencePseudoscience ; Smantique ; Origines de lexpression; A la rechercher de critres ; Critres externes ; La discipline n'est pas enseigne dans lemonde acadmique ; Critres internes ; L'absence de vrification empirique des hypothses proposes ; Impossibilit de rfuter les hypothsessoumises ; Erreurs mthodologiques et manipulations statistiques des rsultats ; Conclusions htives, ou fausses conclusions, par rapport auxrsultats ; Utilisation de sophismes pour appuyer une conclusion ; Remise en cause abusive d'acquis scientifiques ; Distinctions entre science , para-science et pseudoscience ; Stratgies pour paraitre scientifique ; Tactiques pour discrditer la recherche scientifique ; Critiques de lanotion de pseudoscience ; Quelques doctrines considres comme pseudo-scientifiques ; Aspect social et risque de drive ; Facteur denouveaut ?; Sans prtention scientifique ; Ractions aux pseudosciences ; Dfis ; Pseudosciences parodiques ; Science pathologique ;Dfinition ; Les exemples de Langmuir ; Les rayons N ; Autres exemples ; Exemples ultrieurs ; Exemples rcents ; Polywater ; Fusion froide ; Lammoire de leau; Des contre-exemples rcents ; Patascience et nimporte nawak

    VI.2. VulgarisationElments de dfinition ; Moyens et acteurs ; Muse scientifique ; Publications et mdias ; Sites web ; Revues de vulgarisation ; Emissionstlvises ; Emissions radiophoniques ; Entreprises prives et associations ; Animation scientifique et technique ; Approches critiques et thiques ;Analyse critique ; Enjeux thiques ; Dontologie de la vulgarisation ; Formation ; Vulgarisateurs clbres ; Expriences de pense ; Science ouvulgarisation ?

    VI.3. Bonne et mauvaise scienceEn trouve-t-on dans les publications srieuses ? ; Interprtations ; Mauvaises thories

    VII. Rfrences

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    I. introductionA notre poque, la science est devenue trs mdiatique. On en parle abondamment dans les mdiasgrand public, journaux et tlvisions, dans les reportages, les documentaires, Mais aussi traversde trs nombreux mdias spcialiss, que ce soit dans des revues ou sur internet, mais toujours destination du grand public.

    Cest une bonne chose de faire connaitre la science, ses merveilles, ses objectifs, ses ralisations,Mais aussi parfois pour simplement rpondre quoi a sert de faire tout a . Il est utile dinformerle grand public de la recherche en cours, de susciter de grands dbats de socits touchant lthique ou toutes les consquences des applications scientifiques mais aussi, pourquoi pas,dveiller des vocations chezles jeunes.

    Mais ce type de prsentation est aussi trs vulgaris , nous reviendrons sur la signification de ceterme, parfois par des non scientifiques (des journalistes plus ou moins spcialiss). Cela peut donnerune ide approximative, fausse voire mme totalement errone de ce quest rellement la scienceet surtout sur la manire dont on fait de la science. Souvent, la figure dautorit du scientifique,

    les citations donnes hors contexte, et sans beaucoup de prcisions, des Grands Hommes (dontEinstein est sans doute la figure emblmatique) peut fortement empirer ces apprciations errones.

    Alors, pourquoi ne pas faire le point ?

    Posons-nous les bonnes questions. Quest-ce que la science ? Comment fait-on de la science ?Quest-ce quon appelle la mthode scientifique ? Cest quoi en sommes une thorie?Quappelle-t-on vraiment mesure et exprience ? Quels sont les fondements philosophiques etlogiques de la science ? Quelle est la place des mathmatiques en science ? Comment distinguer cequi nest que fadaises de vritables raisonnements scientifiques?

    On ntudiera pas ici les thories scientifiques elles-mmes mais plutt, leur cadre, leur mode defonctionnement, de raisonnement, dlaboration Nous allons aborder tout cela progressivement eten profondeur. Nous prendrons surtout modle sur la physique, archtype des sciences exactes o toutes ces questions sont souvent aigues et difficiles.

    II. Quest-ce que la science ?Commenons dabord par dfinir ce quest la science. Impossible de parler de celle-ci, de dfinir lesmthodes et outils de travail, de parler de ses fondements, sans savoir dabord de quoi on parle!

    Dfinition

    La science est un concept grec philosophique.

    La science (latin scientia, connaissance ) est ce que l'on sait pour l'avoir appris, ce que l'on tientpour vraiau sens large, l'ensemble de connaissances, d'tudes d'une valeur universelle, caractrisespar un objet (domaine) et une mthode dtermins, et fonds sur des relations objectives vrifiables[sens restreint] .

    Dans un passage du Banquet, Platon distingue la droite opinion (orthos logos) de la science ou de laconnaissance (pistm). Synonyme de lpistmen Grce antique, c'est selon les Dfinitionsdupseudo-Platon, lpistm est une Conception de lme que le discours ne peut branler

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    Histoire

    La science est historiquement lie la philosophie. Dominique Lecourt crit ainsi qu'il existe un lienconstitutif [unissant] aux sciences ce mode particulier de penser qu'est la philosophie. C'est bien eneffet parce que quelques penseurs en Ionie ds le VIIe sicle av. J.-C. eurent l'ide que l'on pouvaitexpliquer les phnomnes naturels par des causes naturelles qu'ont t produites les premires

    connaissances scientifiques . Dominique Lecourt explique ainsi que les premiers philosophes ont tamens faire de la science (sans que les deux soient confondues). La thorie de la connaissance enScience est porte par l'pistmologie.

    L'histoire de la Science est ncessaire pour comprendre l'volution de son contenu, de sa pratique.

    La science se compose d'un ensemble de disciplines particulires dont chacune porte sur un domaineparticulier du savoir scientifique. Il sagit par exemple des mathmatiques, de la chimie, de laphysique, de la biologie, de la mcanique, de l'optique, de la pharmacie, de l'astronomie, del'archologie, de l'conomie, de la sociologie, etc. Cette catgorisation n'est ni fixe, ni unique, et lesdisciplines scientifiques peuvent elles-mmes tre dcoupes en sous-disciplines, galement de

    manire plus ou moins conventionnelle. Chacune de ces disciplines constitue une scienceparticulire.

    L'pistmologie a introduit le concept de science spciale , c'est la science porte drapeau parce qu'elle porte les problmatiques lies un type de Sciences.

    Etymologie : de la connaissance la recherche

    L'tymologie de science vient du latin, scientia ( connaissance ), lui-mme du verbe scire ( savoir ) qui dsigne l'origine la facult mentalepropre la connaissance. Cette acception seretrouvepar exemple dans l'expression de Franois Rabelais : Science sans conscience n'est queruine de l'me . Ilsagissait ainsi d'une notion philosophique (la connaissancepure, au sens de

    savoir ), qui devint ensuiteune notion religieuse, sous l'influence du christianisme.La doctescience concernait alors la connaissance descanons religieux, de l'exgse et des critures,paraphrasepour la thologie, premire science institue.

    La racine science se retrouve dans d'autres termes tels la conscience (tymologiquement, avec la connaissance ), la prescience ( la connaissance du futur ), l' omniscience ( laconnaissance de tout ), par exemple.

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    Un terme gnrique de la connaissance

    Dfinition large

    La science, par ses dcouvertes, a su marquer la civilisation. Ici, les images rapportes par l'astronomie nourrissent la pensehumaine quant sa place dans l'Univers.

    Le mot science est un polysme, recouvrant principalement trois acceptions:1. Savoir, connaissance de certaines choses qui servent la conduite de la vie ou celle des

    affaires.2. Ensemble des connaissances acquises par ltude ou lapratique.3. Hirarchisation, organisation et synthse des connaissances au travers de principes gnraux

    (thories, lois, etc.)

    Dfinition stricte

    D'aprs Michel Blay, la science est la connaissance claire et certaine de quelque chose, fonde soitsur des principes vidents et des dmonstrations, soit sur des raisonnements exprimentaux, ou

    encore sur l'analyse des socits et des faits humains.

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    Cette dfinition permet de distinguer les trois types de science :1. les sciences exactes, comprenant les mathmatiques et les sciences mathmatises

    comme la physique thorique ;2. les sciences physico-chimiques et exprimentales (sciences de la nature et de la matire,

    biologie, mdecine) ;

    3.

    les sciences humaines, qui concernent lHomme, son histoire, son comportement, la langue,le social, le psychologique, le politique.

    Nanmoins, leurs limites sont floues ; en d'autres termes il n'existe pas de catgorisationsystmatique des types de science, ce qui constitue par ailleurs l'un des questionnementsde l'pistmologie. Dominique Pestre explique ainsi que ce que nous mettons sous le vocable science nest en rien un objet circonscrit et stable dans le temps quil sagirait de simplementdcrire .

    Principe de lacquisition des connaissances scientifiques

    L'acquisition de connaissances reconnues comme scientifiques passent par une suite d'tapes. SelonFrancis Bacon, la squence de ces tapes peut tre rsume comme suit :

    1.

    observation, exprimentation et vrification2. thorisation3. prvision

    Pour Charles Sanders Peirce (18391914), qui a repris d'Aristote l'opration logique d'abduction, ladcouverte scientifique procde dans un ordre diffrent :

    1. abduction : cration de conjectures et d'hypothses ;2. dduction : recherche de ce que seraient les consquences si les rsultats de l'abduction

    taient vrifis3.

    induction : mise l'preuve des faits ; exprimentation.

    Nous reviendrons plus loin sur ces mthodes de raisonnement.

    Les mthodes scientifiques permettent de procder des exprimentations rigoureuses, reconnuescomme telles par la communaut de scientifiques. Les donnes recueillies permettent unethorisation, la thorisation permet de faire des prvisions qui doivent ensuite tre vrifies parl'exprimentation et l'observation. Une thorie est rejete lorsque ces prvisions ne cadrent pas l'exprimentation. Le chercheur ayant fait ces vrifications doit, pour que la connaissancescientifique progresse, faire connatre ces travaux aux autres scientifiques qui valideront ou non sontravail au cours d'une procdure d'valuation.

    Pluralisme des dfinitions

    Le mot science , dans son sens strict, soppose l'opinion ( doxa en grec), assertion par naturearbitraire. Nanmoins le rapport entre l'opinion d'une part et la science d'autre part n'est pas aussisystmatique ; l'historien des sciences Pierre Duhem pense en effet que la science sancre dans lesens commun, qu'elle doit sauver les apparences .

    Le discours scientifique soppose la superstition et l'obscurantisme. Cependant, l'opinion peut setransformer en un objet de science, voire en une discipline scientifique part. La sociologie dessciences analyse notamment cette articulation entre science et opinion. Dans le langage commun, lascience soppose la croyance, par extension les sciences sont souvent considres commecontraires aux religions. Cette considration est toutefois souvent plus nuance tant par desscientifiques que des religieux.

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    Lide mme dune production de connaissance est problmatique : nombre de domaines reconnuscomme scientifiques nont pas pour objet la production de connaissances, mais celle dinstruments,de machines, de dispositifs techniques. Terry Shinn a ainsi propos la notion de recherche technico-instrumentale . Ses travaux avec Bernward Joerges propos de l instrumentation ont ainsipermis de mettre en vidence que le critre de scientificit n'est pas dvolu des sciences

    de la connaissance seules.

    Le mot science dfinit aux XXe et XXIe sicles l'institution de la science, c'est--dire l'ensembledes communautsscientifiques travaillant l'amlioration du savoirhumain et de la technologie,dans sa dimension internationale,mthodologique, thique et politique. On parlealors de la science .

    La notion ne possde nanmoins pas de dfinition consensuelle. L'pistmologue Andr Pichot critainsi qu'il est utopique de vouloir donner une dfinition a priori de la science . L'historien dessciences Robert Nadeauexplique pour sa part qu'il est impossible de passer ici en revue l'ensembledes critres de dmarcation proposs depuis cent ans par les pistmologues, [et qu'on] ne

    peut apparemment formuler un critre qui exclut tout ce qu'on veut exclure, et conserve tout cequ'on veut conserver . La physicienne et philosophe des sciences LnaSoler, dans son manueld'pistmologie, commence galement par souligner les limites de l'opration de dfinition. Les dictionnaires en proposent certes quelques-unes. Mais, comme le rappelle Lna Soler, cesdfinitions ne sont pas satisfaisantes. Les notions d' universalit , d' objectivit ou de mthode scientifique (surtout lorsque cette dernire est conue comme tant l'unique notion envigueur) sont l'objet de trop nombreuses controverses pour qu'elles puissent constituer le socled'une dfinition acceptable. Il faut donc tenir compte de ces difficults pour dcrire la science. Etcette description reste possible en tolrant un certain flou pistmologique.

    Histoire de la science

    L'histoire des sciences est intimement lie l'histoire des socits et des civilisations. D'abordconfondue avec l'investigation philosophique, dans l'Antiquit, puis religieuse, du Moyen gejusqu'au Sicle des Lumires, la science possde une histoire complexe. L'histoire de la science et dessciences peut se drouler selon deux axes comportant de nombreux embranchements:

    l'histoire des dcouvertes scientifiques d'une part, l'histoire de la pense scientifique d'autre part, formant pour partie l'objet d'tude de

    l'pistmologie.

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    Allgorie de la Science

    Bien que trs lies, ces deux histoires ne doivent pas tre confondues. Bien plutt, il sagitd'uneinterrogation sur la production et la recherche de savoir. Michel Blay fait mme de la notion de savoir la vritable cl de vote d'une histoire des sciences et de la science cohrente : Repenserla science classique exige de saisir l'mergence des territoires et des champs du savoir au momentmme de leur constitution, pour en retrouver les questionnements fondamentaux.

    De manire gnrale, l'histoire des sciences n'est ni linaire, ni rductible aux schmas causauxsimplistes. L'pistmologue Thomas Samuel Kuhn parle ainsi, bien plutt, des paradigmes de lascience comme des renversements de reprsentations, tout au long de l'histoire des sciences. Kuhnnumre ainsi un nombre de rvolutions scientifiques . Andr Pichot distingue ainsi entrelhistoire des connaissances scientifiques et celle de la pense scientifique. Une histoire de la scienceet des sciences distingueraient de mme, et galement, entre les institutions scientifiques, lesconceptions de la science, ou celle des disciplines.

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    Premires traces : prhistoire et antiquit

    Prhistoire

    L'usage d'outils en pierre prcde l'apparition d'Homo sapiens de plus de 2 millions d'annes

    La technique prcde la science dans les premiers temps de l'humanit. En sappuyant sur unedmarche empirique, l'homme dveloppe ses outils (travail de la pierrepuis de l'os, propulseur) etdcouvre l'usage du feu ds le Palolithique infrieur. La plupart des prhistoriens saccordent pour

    penser que le feu est utilis depuis 250 000 ans ou 300 000 ans. Les techniques de production de feurelvent soit de la percussion (silex contre marcassite), soit de la friction de deux morceaux de bois(par sciage, par rainurage, par giration).

    Pour de nombreux prhistoriens comme Jean Clottes, l'artparital montre que l'hommeanatomiquement modernedu Palolithique suprieur possdait les mmes facultscognitives quel'homme actuel.

    Ainsi, l'homme prhistorique savait, intuitivement, calculerou dduire des comportements del'observation de son environnement, base du raisonnement scientifique. Certaines proto-sciences comme le calcul ou la gomtrie en particulier apparaissent sans doute trs tt. L'os d'Ishango,

    datant de plus de 20 000 ans, a t interprt par certains auteurs comme l'un des premiers btonsde comptage. L'astronomie permet de constituer une cosmogonie. Les travaux du franais AndrLeroi-Gourhan, spcialiste de la technique, explorent les volutions la fois biopsychiques ettechniques de l'homme prhistorique. Selon lui, les techniques senlvent dans un mouvementascensionnel foudroyant , ds l'acquisition de la station verticale, en somme trs tt dans l'histoirede l'homme.

    Msopotamie

    Les premires traces d'activits scientifiques datent des civilisations humaines du nolithique o sedveloppent commerce et urbanisation. Ainsi, pour Andr Pichot, dans La Naissance de la science, lascience nat en Msopotamie, vers - 3500, principalement dans les villes de Sumer et d'lam. Lespremires interrogations sur la matire, avec les expriences d'alchimie, sont lies aux dcouvertesdes techniques mtallurgiques qui caractrisent cette priode. La fabrication d'maux date ainsi de -2000. Mais l'innovation la plus importante provient de l'invention de l'criture cuniforme (en forme

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    de clous), qui, par les pictogrammes, permet la reproduction de textes, la manipulation abstraite deconcepts galement. La numration est ainsi la premire mthode scientifique voir le jour, sur unebase 60 ( gesh en msopotamien), permettant de raliser des calculs de plus en plus complexes,et ce mme si elle reposait sur des moyens matriels rudimentaires. L'criture se perfectionnant(priode dite akadienne ), les sumriens dcouvrent les fractions ainsi que la numration dite de

    position , permettant le calcul de grands nombres. Le systme dcimal apparat galement, via lepictogrammedu zro initial, ayant la valeur d'une virgule, pour noter les fractions. La civilisationmsopotamienne aboutit ainsi la constitution des premires sciences telles : la mtrologie, trsadapte la pratique, l'algbre (dcouvertes deplanches calculs permettant les oprationsde multiplication et de division, ou tables d'inverses pour cette dernire; mais aussi despuissances, racines carres, cubiques ainsi que les quations du premier degr, une et deuxinconnues), la gomtrie (calculs de surfaces, thormes), l'astronomie enfin (calculs de mcaniquecleste, prvisions des quinoxes, constellations, dnomination des astres). La mdecine a un statutparticulier ; elle est la premire science pratique , hrite d'un savoir-faire ttonnant.

    Une tablette d'argile en criture cuniforme

    Les sciences taient alors le fait des scribes, qui, note Andr Pichot, se livraient de nombreux jeux

    numriques qui permettaient de lister les problmes. Cependant, les sumriens ne pratiquaient pasla dmonstration. Ds le dbut, les sciences msopotamiennes sont assimiles des croyances,

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    comme l'astrologie ou la mystique des nombres, qui deviendront des pseudo-sciencesultrieurement. L'histoire de la science tant trs lie celle des techniques, les premires inventionstmoignent de l'apparition d'une pense scientifique abstraite. La Msopotamie cre ainsi lespremiers instruments de mesure, du temps et de l'espace (comme les gnomon, clepsydre, etpolos).Si cette civilisation a jou un rle majeur, elle n'a pas cependant connu la rationalit puisque celle-ci

    n'a pas encore t leve au rang de principal critre de vrit, ni dans l'organisation de la penseet de l'action, ni a fortiori, dans l'organisation du monde .

    Egypte pharaonique

    L'gypte antique va dvelopper l'hritage prscientifique msopotamien. Cependant, en raison deson unit culturelle spcifique, la civilisation gyptienne conserve une certaine continuit dans latradition [scientifique] au sein de laquelle les lments anciens restent trs prsents. L'criture deshiroglyphespermet la reprsentation plus prcise de concepts ; on parle alors d'une critureidographique. La numrationest dcimale mais les gyptiens ne connaissent pas le zro.Contrairement la numration sumrienne, la numration gyptienne volue vers un systmed'criture des grands nombres (entre 2000 et 1600 av. J.-C.) par numration de juxtaposition . Lagomtriefit principalement un bond en avant. Les gyptiens btissaient des monuments grandiosesen ne recourant qu'au systme des fractions symbolis par l'oeil d'Horus, dont chaque lmentreprsentait une fraction.

    L'oeil Oudjat, ou oeil d'Horus.

    Ds 2600 av. J.-C., les gyptiens calculaient correctement la surface d'un rectangle et d'un triangle. Ilne reste que peu de documents attestant l'ampleur des mathmatiques gyptiennes ; seuls lespapyri de Rhind, (datant de 1800 av. J.-C.), de Kahun, de Moscou et du Rouleau de cuirclairent lesinnovations de cette civilisation qui sont avant tout celles des problmes algbriques (de division, deprogression arithmtique, gomtrique). Les gyptiens approchent galement la valeur du nombre

    Pi, en levant au carr les 8/9es du diamtre, dcouvrant un nombre quivalant 3,1605 (au lieude 3,1416). Les problmes de volume (de pyramide, de cylindre grains) sont rsolus aisment.L'astronomie progresse galement : le calendrier gyptien compte 365 jours, le temps est mesur partir d'une horloge stellaire et les toiles visibles sont dnombres. En mdecine, la chirurgiefait son apparition. Une thorie mdicale se met en place, avec l'analyse des symptmes et destraitements et ce ds 2300 av. J.-C. (le Papyrus Ebers est ainsi un vritable trait mdical).

    Pour Andr Pichot, la science gyptienne, comme celle de Msopotamie avant elle, est encoreengage dans ce qu'on a appel la voie des objets , c'est--dire que les diffrentes disciplines sontdj bauches, mais qu'aucune d'entre elles ne possde un esprit rellement scientifique, c'est--dire d'organisation rationnelle reconnue en tant que telle.

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    Chine de lantiquit

    Les Chinois dcouvrent galement le thorme de Pythagore (que les Babyloniens connaissaientquinze siclesavant l're chrtienne). En astronomie, ils identifient lacomte de Halley etcomprennent la priodicit desclipses. Ils inventent par ailleurs la fonte du fer. Durantla priodedes Royaumes combattants, apparat l'arbalte.En-104, est promulgu le calendrier Taichu ,

    premiervritable calendrier chinois. En mathmatiques, les chinoisinventent, vers le IIe sicle av. J.-C., la numration btons. Il sagit d'une notation positionnelle base 10comportant dix-huitsymboles, avec un vide pour reprsenterle zro, c'est--dire la dizaine, centaine, etc. dansce systme de numrotation.

    La numration en btons chinoise

    En 132, Zhang Heng invente le premier sismographe pour la mesure des tremblements de terre et estla premire personne en Chine construire un globe cleste rotatif. Il invente aussi l'odomtre. Lamdecine progresse sous les Han orientaux avec Zhang Zhongjing et Hua Tuo, qui l'on doit enparticulier la premire anesthsie gnrale.

    En mathmatiques, Sun Zi et Qin Jiushao tudient les systmes linaires et les congruences (leursapports sont gnralement considrs comme majeurs). De manire gnrale, l'influence dessciences chinoises fut considrable, sur l'Inde et sur les pays arabes.

    Science en Inde

    La civilisation dite de la valle de l'Indus (-3300 -1500) est surtout connue en histoire des sciencesen raison de l'mergence des mathmatiques complexes (ou ganita ).

    La numration dcimale de position et les symboles numraux indiens, qui deviendront les chiffresarabes, vont influencer considrablement l'Occident via les arabes et les chinois. Les grands livres

    indiens sont ainsi traduits au IXe sicle dans les maisons du savoir par les lves d'Al-Khawarizmi,pre arabe de l'algorithme. Les Indiens ont galement matris le zro, les nombres ngatifs, lesfonctions trigonomtriques ainsi que le calcul diffrentielet intgral, les limites et sries. Les Siddhnta sont le nom gnrique donn aux ouvrages scientifiques sanskrits.

    On distingue habituellement deux priodes de dcouvertes abstraites et d'innovationstechnologiques dans l'Inde de l'Antiquit : les mathmatiques de l'poque vdique (-1500 -400) etles mathmatiques de l'poquejaniste (-400 200).

    Logos grec : les prmisses philosophiques de la science

    Prsocratique

    Pour l'pistmologue Geoffrey Ernest Richard Lloyd, la mthode scientifique fait son apparition dansla Grce du VIIe sicle av. J.-C. avec les philosophes dits prsocratiques. Appels physiologo par

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    Aristote parce qu'ils tiennent un discours rationnel sur la nature, les prsocratiques sinterrogent surles phnomnes naturels, qui deviennent les premiers objets de mthode, et leur cherchent descauses naturelles.

    Thals de Milet (v. 625-547 av. J.-C.) et Pythagore (v. 570-480 av. J.-C.) contribuent principalement

    la naissance des premires sciences comme les mathmatiques, la gomtrie (thorme dePythagore), l'astronomie ou encore la musique. Dans le domaine de la cosmologie, ces premiresrecherches sont marques par la volont d'imputer la constitution du monde (ou cosmos ) unprincipe naturel unique (le feu pour Hraclite par exemple) ou divin (l' Un pour Anaximandre). Lesprsocratiques mettent en avant des principes constitutifs des phnomnes, les arch .

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    Hraclite. Tableau de Hendrik ter Brugghen

    Les prsocratiques initient galement une rflexion sur la thorie de la connaissance. Constatant quela raison d'une part et les sens d'autre part conduisent des conclusions contradictoires, Parmnideopte pour la raison et estime qu'elle seule peut mener la connaissance, alors que nos sens noustrompent. Ceux-ci, par exemple, nous enseignent que le mouvement existe, alors que la raison nousenseigne qu'il n'existe pas. Cet exemple est illustr par les clbres paradoxes de son disciple Znon.Si Hraclite est d'un avis oppos concernant le mouvement, il partage l'ide que les sens sont

    trompeurs. De telles conceptions favorisent la rflexion mathmatique. Par contre, elles sont unobstacle au dveloppement des autres sciences et singulirement des sciences exprimentales. Sur

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    cette question, ce courant de pense se prolonge, quoique de manire plus nuance, jusque Platon,pour qui les sens ne rvlent qu'une image imparfaite et dforme des Ides, qui sont la vraie ralit(allgorie de la caverne).

    ces philosophes, soppose le courant picurien. Initi par Dmocrite, contemporain de Socrate, il

    sera dvelopp ultrieurement par picure et magnifiquement expos par le Romain Lucrce dansDe rerum natura. Pour eux, les sens nous donnent connatre la ralit. La thorie de l'atomisteaffirme que la matire est forme d'entits dnombrables et inscables, les atomes. Ceux-cisassemblent pour former la matire comme les lettres sassemblent pour former les mots. Tout estconstitu d'atomes, y compris les dieux. Ceux-ci ne sintressent nullement aux hommes, et il n'y adonc pas lieu de les craindre. On trouve donc dans l'picurisme la premire formulation claire de lasparation entre le savoir et la religion, mme si, de manire moins explicite, l'ensemble desprsocratiques se caractrise par le refus de laisser les mythes expliquer les phnomnes naturels,comme les clipses.

    Il faudra attendre Aristote pour aplanir l'opposition entre les deux courants de pense mentionns

    plus haut.

    La mthode pr-socratique est galement fonde dans son discours, sappuyant sur les lments dela rhtorique : les dmonstrations procdent par une argumentation logique et par la manipulationde concepts abstraits, bien que gnriques.

    Platon et la dialectique

    Avec Socrate et Platon, qui en rapporte les paroles et les dialogues, la raison : logos, et laconnaissance deviennent intimement lis. Le raisonnement abstrait et construit apparat. PourPlaton, les Formes sont le modle de tout ce qui est sensible, ce sensible tant un ensemble decombinaisons gomtriques d'lments. Platon ouvre ainsi la voie la mathmatisation desphnomnes. Les sciences mettent sur la voie de la philosophie, au sens de discours sur la sagesse ; inversement, la philosophie procure aux sciences un fondement assur. L'utilisation de ladialectique, qui est l'essence mme de la science complte alors la philosophie, qui a, elle, laprimaut de la connaissance discursive (par le discours), ou dianoia en grec. Pour Michel Blay : La mthode dialectique est la seule qui, rejetant successivement les hypothses, slve jusqu'auprincipe mme pour assurer solidement ses conclusions . Socrate en expose les principes dansle Thtte. Pour Platon, la recherche de la vrit et de la sagesse (la philosophie) est indissociablede la dialectique scientifique, c'est en effet le sens de l'inscription figurant sur le fronton del'Acadmie, Athnes : Que nul n'entre ici sil n'est gomtre .

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    Mosaque reprsentant l'Acadmie de Platon (Ier sicle)[note 10].

    Aristote et la physique

    C'est surtout avec Aristote, qui fonde la physique et la zoologie, que la science acquiert unemthode, base sur la dduction. On lui doit la premire formulation du syllogisme et de l'induction.Les notions de matire , de forme , de puissance et d' acte deviennent les premiers

    concepts de manipulation abstraite. Pour Aristote, la science est subordonne la philosophie (c'estune philosophie seconde dit-il) et elle a pour objet la recherche des premiers principes et despremires causes, ce que le discours scientifique appellera le causalisme et que la philosophienomme l' aristotlisme . Nanmoins, dans le domaine particulier de l'astronomie, Aristote est l'origine d'un recul de la pense par rapport certains pr-socratiquesquant la place de la terredans l'espace. la suite d'Eudoxe de Cnide, il imagine un systme gocentrique et considre que lecosmos est fini. Il sera suivi en cela par ses successeurs en matire d'astronomie, jusqu' Copernic, l'exception d'Aristarque, qui proposera un systme hliocentrique. Il dtermine par ailleurs que levivant est ordonn selon une chane hirarchise mais sa thorie est avant tout fixiste. Il posel'existence des premiers principes indmontrables, anctres des conjectures mathmatiques etlogiques. Il dcompose les propositions en nom et verbe, base de la science linguistique.

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    Priode alexandrine et Alexandrie lpoque romaine

    La priode dite alexandrine (de -323 -30) et son prolongement l'poque romaine sontmarqus par des progrs significatifs en astronomie et en mathmatiquesainsi que par quelquesavances en physique. La ville gyptienne d'Alexandrie en est le centre intellectuel et les savantsd'alors y sont grecs.

    Un fragment des lments d'Euclide trouv Oxyrhynque

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    Le fragment principal de la machine d'Anticythre, un mcanisme engrenages capable de calculer la date et l'heure des

    clipses solaires et lunaires

    Euclide (-325 -265) est l'auteur des lments, qui sont considrs comme l'un des textes fondateursdes mathmatiques modernes. Ces postulats, comme celui nomm le postulat d'Euclide , que l'onexprime de nos jours en affirmant que par un point pris hors d'une droite il passe une et une seuleparallle cette droite sont la base de la gomtrie systmatise.

    Les travaux d'Archimde (-292 -212) sur sa pousse correspondent la premire loi physique

    connue alors queceux d'ratosthne (-276 -194) sur la circonfrencede la terre ou ceuxd'Aristarque de Samos (-310 -240)sur les distances terre-lune et terre-soleil tmoignentd'unegrande ingniosit. Apollonius de Perga modliseles mouvements des plantes l'aide d'orbitesexcentriques.

    Hipparque de Nice (-194 -120) perfectionne les instruments dobservation comme le dioptre, legnomon et l'astrolabe. En algbre et gomtrie, il divise le cercle en 360, et cre mme le premierglobe cleste (ou orbe). Hipparque rdige galement un trait en 12 livres sur le calcul des cordes(nomm aujourd'hui la trigonomtrie). En astronomie, il propose une thorie des picycles quipermettra son tour l'tablissement de tables astronomiques trs prcises. L'ensemble se rvleralargement fonctionnel, permettant par exemple de calculer pour la premire fois des clipses

    lunaires et solaires. La machine d'Anticythre, un calculateur engrenages, capable

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    de calculer la date et l'heure des clipses, est un des rares tmoignages de la sophistication desconnaissances grecques tant en astronomie et mathmatiques qu'en mcanique et travail desmtaux.

    Ptolme dAlexandrie (85 ap. J.-C. 165) prolonge les travaux d'Hipparque et d'Aristote sur les

    orbites plantaires et aboutit un systme gocentrique du systme solaire, qui fut accept dans lesmondes occidental et arabe pendant plus de mille trois cents ans, jusqu'au modle de NicolasCopernic. Ptolme fut lauteur de plusieurs traits scientifiques, dont deux ont exerc par la suiteune trs grande influence sur les sciences islamique et europenne. Lun est le trait dastronomie,qui est aujourdhui connu sous le nom de lAlmageste ; lautre est la Gographie, qui est unediscussion approfondie sur les connaissances gographiques du monde grco-romain.

    Ingnierie et technologies romaines

    La technologie romaine est un des aspects les plus importants de la civilisation romaine. Cettetechnologie, en partie lie la technique de la vote, probablement emprunte aux trusques, a tcertainement la plus avance de l'Antiquit. Elle permit la domestication de l'environnement,notamment par les routes et aqueducs. Cependant, le lien entre prosprit conomique de l'Empireromain et niveau technologique est discut par les spcialistes : certains, comme Emilio Gabba,historien italien, spcialiste de l'histoire conomique et sociale de la Rpublique romaine,considrent que les dpenses militaires ont frein le progrs scientifique et technique, pourtantriche. Pour J. Kolendo, le progrs technique romain serait li une crise de la main-duvre, due larupture dans la fourniture d'esclaves non qualifis, sous l'empereur Auguste. Les romainsauraient ainsi t capables de dvelopper des techniques alternatives. Pour L. Cracco Ruggini, latechnologie traduit la volont de prestige des couches dominantes.

    Cependant, la philosophie, la mdecine et les mathmatiques sont d'origine grecque, ainsi quecertaines techniques agricoles. La priode pendant laquelle la technologie romaine est la plusfoisonnante est le IIe sicleav. J.-C. et le Ier sicle av. J.-C., et surtout l'poque d'Auguste. Latechnologie romaine a atteint son apoge au Ier sicle avec le ciment, la plomberie, les grues,machines, dmes, arches. Pour l'agriculture, les Romains dveloppent le moulin eau. Nanmoins,les savants romains furent peu nombreux et le discours scientifique abstrait progressa peu pendantla Rome antique : les Romains, en faisant prvaloir les humanits , la rflexion sur l'homme etl'expression crite et orale, ont sans doute occult pour l'avenir des realita scientifiques ettechniques , mis part quelques grands penseurs, comme Vitruve ou Apollodore de Damas,souvent d'origine trangre d'ailleurs. Les romains apportrent surtout le systme de numrationromain pour les Units de mesure romaines en utilisant l'abaque romain, ce qui permetd'homogniser le comptage des poids et des distances.

    Science au Moyen Age

    Bien que cette priode sapparente gnralement l'histoire europenne, les avancestechnologiques et les volutions de la pense scientifique du monde oriental (civilisation arabo-musulmane) et, en premier lieu, celles de l'empire byzantin, qui hrite du savoir latin, et o puiserale monde arabo-musulman, enfin celles de la Chine sont dcisives dans la constitution de la sciencemoderne, internationale, institutionnelle et se fondant surune mthodologie. La priode duMoyen ge stend ainside 512 1492 ; elle connat le dveloppement sans prcdentdestechniques et des disciplines, en dpit d'uneimage obscurantiste, propage par les manuelsscolaires.

    En Europe

    Les byzantins matrisaient l'architecture urbaine et l'admission d'eau ; ils perfectionnrent galement

    les horloges eau et les grandes norias pour l'irrigation ; technologies hydrauliques dont lacivilisation arabe a hrit et qu'elle a transmis son tour. L'hygine et la mdecine firent galement

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    des progrs. Les Universits byzantines ainsi que les bibliothques compilrent de nombreux traitset ouvrages d'tude sur la philosophie et le savoir scientifique de l'poque.

    L'Europe occidentale, aprs une priode de repli durant le Haut Moyen ge, retrouve un lan culturelet technique qui culmine au XIIe sicle. Nanmoins, du VIIIe sicleau Xe sicle la priode dite, en

    France, de la Renaissancecarolingienne permit, principalement par la scolarisation, le renouveau dela pense scientifique. La scolastique, au XIe sicle prconise un systme cohrent de pense prochede ce que sera l'empirisme. La philosophie naturellese donne comme objectif la description de lanature, perue comme un systme cohrent de phnomnes (oupragmata), mus par des lois . LeBas Moyen ge voit la logique faire son apparition avec l'acadmie de Port-Royal des Champs et diverses mthodes scientifiques se dvelopper ainsi qu'un effort pour laborer des modlesmathmatiques ou mdicaux qui joueront un rle majeur dans l'volution des diffrentesconceptions du statut des sciences . D'autre part le monde mdival occidental voit apparatre une lacisation du savoir , concomitant l' autonomisation des sciences .

    Dans le monde arabo-musulman

    Le monde arabo-musulman est son apoge intellectuelle du VIIIe au XIVe sicle ce qui permet ledveloppement d'une culture scientifique spcifique, d'abord Damas sous les derniers Omeyyades,puis Bagdad sous les premiers Abbassides. La science arabo-musulmane est fonde sur latraduction et la lecture critique des ouvrages de l'Antiquit. L'tendue du savoir arabomusulman esttroitement lie aux guerres de conqute de l'Islam qui permettent aux Arabes d'entrer en contactavec les civilisations indienne et chinoise. Le papier, emprunt aux Chinois remplace rapidement leparchemin dans le monde musulman. Le Calife Harun ar-Rachid, fru d'astronomie, cre en 829 Bagdad le premier observatoire permanent, permettant ses astronomes de raliser leurs proprestudes du mouvement des astres. Abu Raihan al-Biruni, reprenant les crits d'ratosthned'Alexandrie (IIIe sicle av. J.-C.), calcule le diamtre de la Terre et affirme que la Terre tournerait surelle-mme, bien avant Galile. En 832 sont fondes les Maisons de lasagesse (Bat al-hikma), lieux departage et de diffusion du savoir.

    En mdecine, Avicenne (980-1037) rdige une monumentale encyclopdie, le Qann. Ibn Nafis dcritla circulation sanguine pulmonaire, et al-Razi recommande l'usage de l'alcool en mdecine. Au XIesicle, Abu-l-Qasim az-Zahrawi (appel Abulcassis en Occident) crit un ouvrage de rfrence pourl'poque, sur la chirurgie.

    En mathmatiques l'hritage antique est sauvegard et approfondi permettant la naissance del'algbre. L'utilisation des chiffres arabes et du zro rend possible des avances en analysecombinatoire et en trigonomtrie.

    Enfin, la thologie motazilite se dveloppe sur la logique et le rationalisme, inspirs de la philosophie

    grecque et de la raison (logos), qu'elle cherche rendre compatible avec les doctrines islamiques.

    Sciences en Chine mdivale

    La Chine de l'Antiquit a surtout contribu l'innovation technique, avec les quatre inventionsprincipales qui sont : le papier (dat du IIe sicle av. J.-C.), l'imprimerie caractres mobiles (au IXesicle), la poudre (la premire trace crite atteste semble tre le Wujing Zongyao qui daterait desalentours de 1044) et la boussole, utilise ds le XIe sicle, dans la gomancie. Le scientifique chinoisShen Kuo (1031-1095) de la DynastieSong dcrit la boussole magntique comme instrument denavigation.

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    Maquette d'une cuillre indiquant le sud (appele sinan) du temps

    des Han (206 av. J.-C. - 220 ap. J.-C.)

    Pour l'historien Joseph Needham, dans Science et civilisation en Chine, vaste tude de dix-septvolumes,la socit chinoise a su mettre en place une science innovante,ds ses dbuts. Needham

    en vient mme relativiserla conception selon laquelle la science doit tout l'Occident. Pour lui, laChine tait mme anime d'uneambition de collecter de manire dsintresse le savoir,avantmme les universits occidentales.

    Les traits de mathmatiques et de dmonstration abondent comme Les Neuf Chapitres (quiprsentent prs de 246 problmes) transmis par Liu Hui (IIIe sicle) et par Li Chunfeng (VIIe sicle) ouencore les Reflets desmesures du cercles sur la mer de Li Ye datant de 1248 tudis par KarineChemla et qui abordent les notions arithmtiques des fractions, d'extraction de racines carre etcubique, le calcul de l'aire du cercle et du volume de la pyramide entre autres. Karine Chelma a ainsidmontr que l'opinion rpandue selon laquelle la dmonstration mathmatique serait d'originegrecque tait partiellement fausse, les Chinois stant pos les mmes problmes leur poque ; elle

    dira ainsi : on ne peut rester occidentalo-centr, l'histoire des sciences exige une mise en perspectiveinternationale des savoirs.

    Inde des mathmatiques mdivales

    Les mathmatiques indiennes sont particulirement abstraites et ne sont pas orientes vers lapratique, au contraire de celles des gyptiens par exemple. C'est avec Brahmagupta (598 - 668) etson ouvrage clbre, le Brahmasphutasiddhanta, particulirement complexe et novateur, que lesdiffrentes facettes du zro, chiffre et nombre, sont parfaitement comprises et que la constructiondu systme de numration dcimal de position est paracheve. L'ouvrage explore galement ce queles mathmaticiens europens du XVIIe sicle ont nomm la mthode chakravala , qui est unalgorithme pour rsoudre les quations diophantiennes. Les nombres ngatifs sont galementintroduits, ainsi que les racines carres. La priode sachve avec le mathmaticien BhaskaraII (1114- 1185) qui crivit plusieurs traits importants. l'instar de Nasir ad-Din at-Tusi (1201 - 1274) ildveloppe en effet la drivation. On y trouve des quations polynomiales, des formules de

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    trigonomtrie, dont les formules d'addition. Bhaskara est ainsi l'un des pres de l'analyse puisqu'ilintroduit plusieurs lments relevant du calcul diffrentiel : le nombre driv, la diffrentiation etl'application aux extrema, et mme une premire forme du thorme de Rolle.

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    Aryabhata

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    Mais c'est surtout avec ryabhata (476 - 550), dont le trait dastronomie (nomm lAryabatya) criten versaux alentours de 499, que les mathmatiques indiennes se rvlent. Il sagit d'un court traitd'astronomie prsentant 66 thormes d'arithmtique, d'algbre, ou de trigonomtrie plane etsphrique. Aryabhata invente par ailleurs un systme de reprsentation des nombres fond sur lessignes consonantiques de l'alphasyllabaire sanskrit.

    Ces perces seront reprises et amplifies par les mathmaticiens et astronomes de l'cole du Kerala,parmi lesquels : Madhava de Sangamagrama, Nilakantha Somayaji, Parameswara, Jyeshtadeva, ouAchyuta Panikkar, pendant la priode mdivale du Ve sicle au XVe sicle. Ainsi, le Yuktibhasa ouGanita Yuktibhasa est un trait de mathmatiques et d'astronomie, crit par l'astronome indienJyesthadeva, membre de l'cole mathmatique du Kerala en 1530. Jyesthadeva a ainsi devanc detrois sicles la dcouverte du calcul infinitsimal par les occidentaux.

    Fondements de la science moderne en Europe

    Science institutionnalise

    C'est au tournant du XIIe sicle, et notamment avec la cration des premires universits de Paris

    (1170) et Oxford (1220) que la science en Europe sinstitutionnalisa, tout en conservant uneaffiliation intellectuelle avec la sphre religieuse. La traduction et la redcouverte des textes antiquesgrecs, et en premier lieu les lmentsd'Euclide ainsi que les textes d'Aristote, grce la civilisationarabo-musulmane, firent de cette priode une renaissance des disciplines scientifiques, classes dansle quadrivium (parmi les Arts Libraux). Les Europens dcouvrirent ainsi l'avance des Arabes,notamment les traits mathmatiques :Algbre d'Al-Khwarizmi, Optiqued'Ibn al-Haytham ainsi quela somme mdicale d'Avicenne. En sinstitutionnalisant, la science devint plus ouverte et plusfondamentale, mme si elle restait assujettie aux dogmes religieux et qu'elle n'tait qu'une brancheencore de la philosophie et de l'astrologie. Aux cts de Roger Bacon, la priode fut marque parquatre autres personnalits qui jetrent, en Europe chrtienne, les fondements de la sciencemoderne :

    Roger Bacon (1214 - 1294) est philosophe et moine anglais. Il jeta les bases de la mthodeexprimentale. Roger Bacon admet trois voies de connaissance : l'autorit, le raisonnement etl'exprience. Il rejette donc l'autorit de l'vidence, qui sappuie sur des raisons extrieures etpromeut L'argument [qui] conclut et nous fait concder la conclusion, mais il ne certifie pas et iln'loigne pas le doute au point que l'me se repose dans l'intuition de la vrit, car cela n'estpossible que sil la trouve par la voie de l'exprience . Les uvres de Bacon ont pour but l'intuitionde la vrit, c'est--dire la certitude scientifique, et cette vrit atteindre est pour lui le salut. Lascience procdant de l'me est donc indispensable.

    Robert Grosseteste (env. 1168 - 1253) tudia Aristote et posa les prmices des sciences

    exprimentales, en explicitant le schma : observations, dductions de la cause et des principes,formation d'hypothse(s), nouvelles observations rfutant ou vrifiant les hypothses enfin. Ildveloppa les techniques d'optique et en fit mme la science physique fondamentale (il tudia lecomportement des rayons lumineux et formule mme la premire description de principe du miroirrflchissant, principe qui permettra l'invention du tlescope).

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    Rfraction de la lumire par Robert Grosseteste De natura locorum (XIIIe sicle)

    Le religieux dominicain Albert le Grand (1193-1280) fut considr par certains contemporains commeun alchimiste et magicien, nanmoins ses tudes biologiques permirent de jeter les fondations desdisciplines des sciences de la vie. Il mena ainsi l'tude du dveloppement du poulet en observant lecontenu d'ufs pondus dans le temps et commenta le premier le phnomne de la nutrition duftus. Il tablit galement une classification systmatique des vgtaux, anctre de la taxonomie. Ildcrit galement les premires expriences de chimie.

    L'Europe sortait ainsi d'une lthargie intellectuelle. L'glise, avait interdit jusqu'en 1234 les ouvragesd'Aristote, accus de paganisme. Ce n'est qu'avec Saint Thomas d'Aquin que la doctrinearistotlicienne fut accepte par les papes.

    Saint Thomas d'Aquin, thologien, permit de redcouvrir, par le monde arabe, les textes d'Aristote etdes autres philosophes grecs, qu'il tudia Naples, l'universit dominicaine. Cependant, il estsurtout connu pour son principe dit de l'autonomie respective de la raisonet de la foi. Saint Thomasd'Aquin fut en effet le premier thologien distinguer, dans sa Somme thologique(1266-1273) laraison (facult naturelle de penser, propre l'homme) et lafoi (adhsion au dogme de la Rvlation).Celle-ci est indmontrable, alors que la science est explicable par l'tude des phnomnes et descauses. L'une et l'autre enfin ne peuvent sclairer mutuellement.

    Guillaume d'Occam (v. 1285- v. 1349) permit une avance sur le plan de la mthode. En nonantsonprincipe deparcimonie, appel aussi rasoir d'Occam, il procure la science un cadre

    pistmologique fond sur l'conomie des arguments. Empiriste avant l'heure, Occam postule que : Entia non sunt multiplicanda praeter necessitatem , littralement Les entits ne doivent pas tremultiplies par-del ce qui est ncessaire . Il explique par l qu'il est inutile d'avancer sans preuveset de forger des concepts illusoires permettant de justifier n'importe quoi.

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    Renaissance et la science classique

    L'Homme de Vitruve de Leonardo Da Vinci, reprsentatif de laRenaissance italienne

    La Renaissance est une priode qui se situe en Europe la fin du Moyen ge et au dbut des Tempsmodernes. Dans le courant du XVe sicle et au XVIe sicle, cette priode permit l'Europe de se

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    lancer dans des expditions maritimes d'envergure mondiale, connues sous le nom de grandesdcouvertes ; de nombreuses innovations furent popularises, comme la boussole ou le sextant ; lacartographie se dveloppa, ainsi que la mdecine, grce notamment au courant de l'humanisme.Selon l'historien anglais John Hale, ce fut cette poque que le mot Europe entra dans le langagecourant et fut dot d'un cadre de rfrence solidement appuy sur des cartes et d'un ensemble

    d'images affirmant son identit visuelle et culturelle. La science comme discipline de la connaissanceacquit ainsi son autonomie et ses premiers grands systmes thoriques tel point que Michel Blayparle du chantier de la science classique . Cette priode est abondante en descriptions,inventions, applications et en reprsentations du monde, qu'il importe de dcomposer afin de rendreune image fidle de cette phase historique.

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    Naissance de la mthode scientifique : Francis Bacon

    Francis Bacon

    Francis Bacon (1561 - 1626) est le pre de l'empirisme. Il pose le premier les fondements de lascience et de ses mthodes. Dans son tude des faux raisonnements, sa meilleure contribution a tdans la doctrine des idoles. D'ailleurs, il crit dans le Novum Organum (ou nouvelle logique paropposition celle dAristote) que la connaissance nous vient sous forme d'objets de la nature, maisque l'on impose nos propres interprtations sur ces objets.

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    D'aprs Bacon, nos thories scientifiques sont construites en fonction de la faon dont nous voyonsles objets ; l'tre humain est donc biais dans sa dclaration d'hypothses. Pour Bacon, la sciencevritable est la science des causes . Sopposant la logique aristotliciennequi tablit un lien entreles principes gnraux et les faits particuliers, il abandonne la pense dductive, qui procde partirdes principes admis par lautorit des Anciens, au profit de l interprtation de la nature , o

    lexprience enrichit rellement le savoir. En somme, Bacon prconise un raisonnement et unemthode fonds sur le raisonnement exprimental : L'empirique, semblable la fourmi, secontente d'amasser et de consommer ensuite ses provisions. Le dogmatique, telle l'araigne ourditdes toiles dont la matire est extraite de sa propre substance. L'abeille garde le milieu ; elle tire lamatire premire des fleurs des champs, puis, par un art qui lui est propre, elle la travaille et ladigre. (...) Notre plus grande ressource, celle dont nous devons tout esprer, c'est l'troite alliancede ses deux facults : l'exprimentale et la rationnelle, union qui n'a point encore t forme.

    Pour Bacon, comme plus tard pour les scientifiques, la science amliore la condition humaine. Ilexpose ainsi une utopie scientifique, dans la Nouvelle Atlantide (1627), qui repose sur une socitdirige par un collge universel compos de savants et de praticiens.

    De limago mundi lastronomie

    Reprsentation de la mcanique cleste au sein du systme de Nicolas Copernic

    Directement permise par les mathmatiques de la Renaissance, l'astronomie smancipe de lamcanique aristotlicienne, retravaille par Hipparque et Ptolme. La thologie mdivale se fondequant elle, d'une part sur le modle d'Aristote, d'autre part sur le dogme de la cration biblique dumonde. C'est surtout NicolasCopernic, avec son ouvrage De revolutionibus (1543) qui met fin au

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    modle aristotlicien de l'immuabilit de la Terre. Sa doctrine a permis l'instauration del'hliocentrisme : avec Copernic, et avec lui seul, samorce un bouleversement dont sortirontl'astronomie et la physique modernes explique Jean-Pierre Verdet, Docteur s sciences. Repris etdvelopp par GeorgJoachim Rheticus, l'hliocentrisme sera confirm par des observations, enparticulier celles des phases de Vnus et de Jupiter par Galile (1564 - 1642), qui met par ailleurs au

    point une des premires lunettes astronomiques, qu'il nomme tlescope . Dans cette priode, etavant que Galile n'intervienne, la thorie de Copernic reste confine quelques spcialistes, desorte qu'elle ne rencontre que des oppositions ponctuelles de la part des thologiens, les astronomesrestant le plus souvent favorables la thse gocentrique. Nanmoins, en 1616, le Saint-Officepublie un dcret condamnant le systme de Copernic et mettant son ouvrage l'index. En dpit decette interdiction, Galile adoptera donc la cosmologie de Copernic et construira une nouvellephysique avec le succs et les consquences que l'on sait , c'est--dire qu'il permettra la diffusiondes thses hliocentriques. Kepler dgagera les lois empiriques des mouvements clestes alors queHuygens dcrira la force centrifuge. Newton unifiera ces approches en dcouvrant la gravitationuniverselle.

    Portrait de Galile

    Le danois Tycho Brahe observera de nombreux phnomnes astronomiques comme une nova etfondera le premier observatoire astronomique, Uraniborg . Il y fit l'observation d'une comte en1577. Johannes Kepler, l'lve de Brahe qu'il rencontre en 1600, va, quant lui, amorcer les premierscalculs des fins astronomiques, en prvoyant prcisment un lever de Terre sur la Lune et en

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    nonant ses trois lois publies en 1609 et 16l9. Avec Huygens la gomtrie devient la partiecentrale de la science astronomique, faisant cho aux mots de Galile se paraphrasant parl'expression : le livre du monde est crit en mathmatique .

    Avec tous ces astronomes, et en l'espace d'un sicle et demi (jusqu'aux Principia de Newton en

    1687), la reprsentation de l'univers passe d'un monde clos un monde infini selon l'expressiond'Alexandre Koyr.

    De lalchimie la chimie

    Art sotrique depuis l'Antiquit, l'alchimie est l'anctre de la physique au sens d'observation de lamatire. Selon Serge Hutin, docteur s Lettres spcialiste de l'alchimie, les rveries des occultistes bloqurent nanmoins le progrs scientifique, surtout au XVIe sicle et au XVIIesicle. Il retientnanmoins que ces mirages qui nourrirent l'allgorie alchimique ont considrablement influenc lapense scientifique. L'exprimentation doit ainsi beaucoup aux laboratoires des alchimistes, quidcouvrirent de nombreux corps que rpertoris plus tard par la chimie : l'antimoine, l'acidesulfurique ou le phosphorepar exemple. Les instruments des alchimistes furent ceux des chimistesmodernes, l'alambic par exemple. Selon Serge Hutin, c'est surtout sur la mdecine que l'alchimie eutune influence notable, par l'apport de mdications minrales et par l'largissement de lapharmacope.

    En dpit de ces faits historiques, le passage de l'alchimie la chimie demeure complexe. Pour lechimiste Jean-Baptiste Dumas : La chimie pratique a pris naissance dans les ateliers du forgeron,du potier, du verrier et dans la boutique du parfumeur . L'alchimie n'a donc pas jou le rleunique dans la formation de la chimie ; il n'en reste pas moins que ce rle a t capital . Pour laconscience populaire, ce sont les premiers chimistes modernes comme Antoine Laurent deLavoisier surtout, au XVIIIe sicle, qui pse et mesure les lments chimiques qui consomment ledivorce entre chimie et alchimie. De nombreux philosophes et savants sont ainsi soit l'origine desalchimistes (Roger Bacon ou Paracelse), soit sy intressent, tels Francis Baconet mme, plus tardIsaac Newton. Or, c'est une erreur de confondre l'alchimie avec la chimie. La chimie moderne estune science qui soccupe uniquementdes formes extrieures dans lesquelles l'lment de la matirese manifeste [alors que] (...) L'alchimie ne mlange ou ne compose rien selon F. Hartmann, pour quielle est davantage comparable la botanique. En somme, bien que les deux disciplines soient lies,par l'histoire et leurs acteurs, la diffrence rside dans la reprsentation de la matire : combinaisonschimiques pour la chimie, manifestations du monde inanim comme phnomnes biologiques pourl'alchimie. Pour Bernard Vidal, l'alchimie a surtout permis d'amasser une connaissancemanipulatoire, pratique, de l'objet chimique (...) L'alchimiste a ainsi commenc dbroussailler lechamp d'expriences qui sera ncessaire aux chimistes des sicles futurs .

    La chimie nat ainsi comme discipline scientifique avec Andreas Libavius (1550 - 1616) qui publie le

    premier recueil de chimie, en lien avec la mdecine et la pharmacie(il classifie les composschimiques et donne les mthodes pour les prparer) alors que plus tard Nicolas Lmery(1645 - 1715)publiera le premier trait de chimie faisant autorit avec son Cours de chimie, contenant la maniredefaire les oprations qui sont en usage dans la mdecine, parune mthode facile, avec desraisonnements sur chaqueopration, pour linstruction de ceux qui veulent sappliquer cette scienceen 1675. Johann Rudolph Glauber (1604 - 1668) ou Robert Boyle apportent quant eux deconsidrables exprimentations portant sur les lments chimiques.

    Emergence de la physiologie moderne

    Les dcouvertes mdicales et les progrs effectus dans la connaissance de lanatomie, en particulieraprs la premire traduction de nombreuses uvres antiques dHippocrate et de Galien aux XVe

    sicle et XVIe siclepermettent des avances en matire d'hygine et de lutte contre la mortalit.Andr Vsalejette ainsi les bases de l'anatomie moderne alors que le fonctionnement de la

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    circulation sanguine est dcouvert par Michel Servetet les premires ligatures des artres sontralises par Ambroise Par.

    Diffusion du savoir

    Le domaine des techniques progresse considrablement grce linvention de limprimerie parJohannes Gutenbergau XVe sicle, invention qui bouleverse la transmission du savoir. Le nombre delivres publis devient ainsi exponentiel, la scolarisation de masse est possible, par ailleurs les savantspeuvent dbattre par l'intermdiaire des comptes rendus de leurs exprimentations. La sciencedevient ainsi une communaut de savants. Les acadmies des sciences surgissent, Londres, Paris,Saint-Ptersbourg et Berlin.

    Les journaux et priodiques prolifrent, tels leJournal des savans,Acta Eruditorum, Mmoires deTrevoux etc. mais les domaines du savoir y sont encore mls etne constituent pas encoretotalement des disciplines. Lascience, bien que sinstitutionnalisant, fait encore partiedu champ del'investigation philosophique. Michel Blaydit ainsi : il est trs surprenant et finalement trsanachroniquede sparer, pour la priode classique, l'histoiredes sciences de l'histoire de laphilosophie, et aussi de ceque l'on appelle l'histoire littraire.

    Finalement la Renaissance permet, pour les disciplines scientifiques de la matire, la cration dedisciplines et d'pistmologies distinctes mais runies par la scientificit, elle-mme permise par lesmathmatiques, car, selon l'expression de Pascal Brioist : la mathmatisation dune pratiqueconduit lui donner le titre spcifique de science . Michel Blay voit ainsi dans les dbats autour deconcepts cls, comme ceux d'absolu ou de mouvement, de temps et d'espace, les lments d'unescience classique.

    Galileo and Viviani, par Tito Lessi (1892)

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    Les Lumires et les grands systmes scientifiques

    Au XVIIe sicle, la rvolution scientifique est permise par la mathmatisation de la science. Lesuniversits occidentales avaient commenc apparatre au XIe sicle, mais ce n'est qu'au cours duXVIIe sicle qu'apparaissent les autres institutions scientifiques, notamment l'Accademia dei Lincei,fonde en 1603 (anctre de l'Acadmie pontificale des sciences), les acadmies des sciences, les

    socits savantes. Les sciences naturelles et la mdecine surtout se dvelopprent durant cettepriode.

    Lencyclopdie

    Un second changement important dans le mouvement des Lumires par rapport au sicle prcdenttrouve son origine en France, avec les Encyclopdistes. Ce mouvement intellectuel dfend lide quilexiste une architecture scientifique et morale du savoir. Le philosophe DenisDiderot et lemathmaticien dAlembert publient en 1751lEncyclopdie ou Dictionnaire raisonn des sciences, desarts et des mtiers qui permet de faire le point sur l'tat du savoir de l'poque. L'Encyclopdiedevient ainsi un hymne au progrs scientifique.

    Avec l'Encyclopdie nat galement la conception classique que la science doit son apparition ladcouverte de la mthode exprimentale. Jean le RondD'Alembert explique ainsi, dans le Discoursprliminairede l'Encyclopdie (1759) que : Ce n'est point par des hypothses vagues et arbitrairesque nous pouvons esprer de connatre la nature, c'est (...) par l'art de rduire autant qu'il serapossible, un grand nombre de phnomnes un seul qui puisse en tre regard comme le principe(...). Cette rduction constitue le vritable esprit systmatique, qu'il faut bien se garder de prendrepour l'esprit de systme

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    La Planche 1-143 de l'Encyclopdie reprsentant l'anatomie humaine

    Rationalisme et science moderne

    La priode dite des Lumires initia la monte du courant rationaliste, provenant de Ren Descartespuis des philosophes anglais, comme Thomas Hobbes et DavidHume, qui adoptrent une dmarcheempirique, mettant laccent sur les sens et lexprience dans lacquisition des connaissances, au

    dtriment de la raison pure. Des penseurs, galement scientifiques (comme GottfriedWilhelm vonLeibniz, qui dveloppa les mathmatiques et le calcul infinitsimal, ou Emmanuel Kant, le barond'Holbach, dans son Systme de la nature, dans lequel il soutient lathisme contre toute conceptionreligieuse ou diste, le matrialisme et le fatalisme c'est--dire le dterminisme scientifique, ouencore Pierre Bayle avec ses Penses diverses sur la comte) firent de la Raison(avec une majuscule)un culte au progrs et au dveloppement social. Les dcouvertes d'Isaac Newton, sa capacit confronter et assembler les preuves axiomatiques et les observations physiques en un systmecohrent donnrent le ton de tout ce qui allait suivre son exemplaire Philosophiae Naturalis PrincipiaMathematica. En nonant en effet la thorie de la gravitation universelle, Newton inaugura l'ided'une science comme discours tendant expliquer le monde, considr comme rationnel carordonn par des lois reproductibles.

    L'avnement du sujet pensant, en tant qu'individu qui peut dcider par son raisonnement propre etnon plus sous le seul joug des us et coutumes, avec John Locke, permet la naissance des scienceshumaines, comme l'conomie, la dmographie, la gographie ou encore la psychologie.

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    Naissance des grandes disciplines scientifiques

    Carl Von Linn

    La majorit des disciplines majeures de la science se consolident, dans leurs pistmologies et leursmthodes, au XVIIIe sicle. La botanique apparat avec Carl von Linn qui publie en 1753 Speciesplantarum, point du dpart du systme du binme linnen et de la nomenclature botanique. Lachimie nat par ailleurs avec Antoine Laurent de Lavoisier qui nonce en 1778 la loi de conservationde la matire, identifie et baptise l'oxygne. Les sciences de la terre font aussi leur apparition.Comme discipline, la mdecine progresse galement avec la constitution des examens cliniques et les

    premires classification des maladies par William Cullen et Franois Boissier de Sauvages de Lacroix.

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    XIXe sicle

    La biologie connat au XIXe sicle de profonds bouleversements avec la naissance de la gntique, la suite des travaux de Gregor Mendel, le dveloppement de la physiologie, l'abandon du vitalisme la suite de la synthse de l'ure qui dmontre que les composs organiques obissent aux mmeslois physico-chimique que les composs inorganiques. L'opposition entre science et religion se

    renforce avec la parution de L'Origine des espcesen 1859 de Charles Darwin. Les sciences humainesnaissent, la sociologie avec Auguste Comte, la psychologie avec Charcot et Wilhelm MaximilianWundt.

    Claude Bernard et la mthode exprimentale

    Claude Bernard

    Claude Bernard (1813-1878) est un mdecin et physiologiste, connu pour l'tude du syndrome deClaude Bernard-Horner. Il est considr comme le fondateur de la mdecine exprimentale. Il rdigela premire mthode exprimentale, considre comme le modle suivre de la pratiquescientifique. Il nonce ainsi les axiomes de la mthode mdicale dans son Introduction l'tude de lamdecine exprimentale (1865) et en premier lieu l'ide que l'observation doit rfuter ou valider lathorie : La thorie est lhypothse vrifie aprs quelle a t soumise au contrle duraisonnement et de la critique. Une thorie, pour rester bonne, doit toujours se modifier avec leprogrs de la science et demeurer constamment soumise la vrification et la critique des faitsnouveaux qui apparaissent. Si lon considrait une thorie comme parfaite, et si on cessait de la

    vrifier par lexprience scientifique, elle deviendrait une doctrine.

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    Rvolution industrielle

    Un des premiers microscopes

    Les Premire et Seconde Rvolutions Industrielles sont marques par de profonds bouleversementsconomiques et sociaux, permis par les innovations et dcouvertes scientifiques et techniques. La

    vapeur, puis l'lectricitcomptent parmi ces progrs notables qui ont permis l'amlioration destransports et de la production. Les instruments scientifiques sont plus nombreux et plus srs, tels le

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    microscope ( l'aide duquel Louis Pasteur dcouvre les microbes) ou le tlescope se perfectionnent.La physique acquiert ses principales lois, notamment avec James Clerk Maxwell qui, nonce lesprincipes de la thorie cintique des gaz ainsi que l'quation d'ondefondant l'lectromagntisme.Ces deux dcouvertes permirent d'importants travaux ultrieurs notamment en relativit restreinteet en mcanique quantique. Il esquisse ainsi les fondements des sciences du XXe sicle, notamment

    les principes de la physique des particules, propos de la nature de la lumire.

    Une science post-industrielle

    Tout comme le XIXe sicle, le XXe sicle connat une acclration importante des dcouvertesscientifiques. On note l'amlioration de la prcision des instruments, qui eux-mmes reposent sur lesavances les plus rcentes de la science ; l'informatique qui se dveloppe partir des annes 1950 etpermet un meilleur traitement d'une masse d'informations toujours plus importante et aboutit rvolutionner la pratique de la recherche, est un de ces instruments.

    Les changes internationaux des connaissances scientifiques sont de plus en plus rapides et faciles(ce qui se traduit par des enjeux linguistiques) ; toutefois, les dcouvertes les plus connues du XXesicle prcdent la vritable mondialisation et l'uniformisation linguistique des publicationsscientifiques. En 1971 la firme Intelmet au point le premier micro-processeur et en 1976Applecommercialise le premier ordinateur de bureau. Dans La Socit post-industrielle. Naissance d'unesocitd'Alain Touraine, le sociologue prsente les caractristiques d'une science au service del'conomie et de la prosprit matrielle.

    Complexification des sciences

    De rvolutions scientifiques en rvolutions scientifiques, la science vit ses disciplines sespcialiser. La complexification des sciences explosa au XXe sicle, conjointement la multiplicationdes champs d'tude. Paralllement, les sciences viennent se rapprocher voire travailler ensemble.C'est ainsi que, par exemple, la biologiefait appel la chimie et la physique, tandis que cettedernire utilise l'astronomie pour confirmer ou infirmer ses thories (c'est l'astrophysique). Les

    mathmatiques deviennent le langage commun des sciences ; les applications tant multiples. Lecas de la biologie est exemplaire. Elle sest divise en effet en de nombreuses branches : en biologiemolculaire, biochimie, biologie gntique, agrobiologie, etc.

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    L'informatique, l'innovation majeure duXXe sicle, a apport une prcieuse assistance aux travaux de recherche

    La somme des connaissances devient telle qu'il est impossible pour un scientifique de connatreparfaitement plusieurs branches de la science. C'est ainsi qu'ils se spcialisent de plus en plus et pourcontrebalancer cela, le travail en quipe devient la norme. Cette complexification rend la science de

    plus en plus abstraite pour ceux qui ne participent pas aux dcouvertes scientifiques, en dpit deprogrammes nationaux et internationaux (sous l'gide de l'ONU, avec l'UNESCO - pour UnitedNations Educational,Scientific and Cultural Organization) de vulgarisationdes savoirs.

    Dveloppement des sciences humaines

    Le sicle est galement marqu par le dveloppement des sciences humaines. Institutionnalisesdans la sparation que l'universit franaise fait entre les facults de sciences et mdecine d'unepart, et celles de lettres, droit et sciences humaines d'autre part, les sciences humaines comportentde nombreuses disciplines comme l'anthropologie, la sociologie, l'ethnologie, l'histoire, lapsychologie, la psychanalyse, la linguistique, la morale, l'archologie, l'conomie entre autres.

    Ethique et science : lavenir de la science au XXIe sicle

    Le XXIe sicle est caractris par une acclration des dcouvertes de pointe, comme lananotechnologie. Par ailleurs, au sein des sciences naturelles, la gntique promet des changements

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    sociaux ou biologiques sans prcdents. L'informatique est par ailleurs la fois une science et uninstrument de recherche puisque la simulation informatiquepermet d'exprimenter des modlestoujours plus complexes et gourmands en termes de puissance de calcul. La science se dmocratised'une part : des projets internationaux voient le jour (lutte contre le SIDAet le cancer, programmeSETI, astronomie, dtecteurs de particules etc.) ; d'autre part la vulgarisation scientifique permet de

    faire accder toujours plus de personnes au raisonnement et la curiosit scientifique.

    Une application nanotechnologique

    L'thique devient une notion concomitante celle de science. Les nanotechnologies et la gntiquesurtout posent les problmes de socit futurs, savoir, respectivement, les dangers des innovationspour la sant, et la manipulation du patrimoine hrditaire de l'homme. Les pays avancs

    technologiquement crent ainsi des organes institutionnels charg d'examiner le bien-fond desapplications scientifiques. Par exemple, des lois biothiques se mettent en place travers le monde,mais pas partout de la mme manire, tant trs lies aux droits locaux. En France, le ComitConsultatif National d'thique est charg de donner un cadre lgal aux dcouvertes scientifiques.

    Disciplines scientifiques

    La science peut tre organise en grandes disciplines scientifiques, notamment : mathmatiques,chimie, biologie, physique, mcanique, psychologie, optique, pharmacie, mdecine, astronomie,archologie, conomie, sociologie, anthropologie, linguistique. Les disciplines ne se distinguent passeulement par leurs mthodes ou leurs objets, mais aussi par leurs institutions : revues, socitssavantes, chaires d'enseignement, ou mme leurs diplmes.

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    Classification des sciences

    Plusieurs axes de classification des disciplines existent et sont prsentes dans cette section : axe de la finalit : sciences fondamentales (ex : l'astronomie) / sciences appliques (ex : le

    clonage) axe par nature (catgories). Aprs un classement par 2, puis par 3 dans l'histoire des

    sciences, la pratique retient maintenant quatre catgories :o les sciences formelles (ou sciences logicoformelles) ;o les sciences physico-chimiques ;o les sciences du vivant ;o les sciences humaines et sociales.

    axe mthodologique.L'anthropocentrisme historique a toujours donn aux sciences humaines une position privilgie.

    On distingue les sciences humaines et sociales des sciences de la nature. Les premires, comme lasociologie, portent sur l'tude des phnomnes lis l'action humaine, les secondes, comme laphysique, portent sur l'tude des phnomnes naturels. Plus rcemment, quelques auteurs, comme

    Herbert Simon, ont voqu l'apparition d'une catgorie intermdiaire, celle des sciences del'artificiel, qui portent sur l'tude de systmes crs par l'homme - artificiels - mais qui prsentent uncomportement indpendant ou relativement de l'action humaine. Il sagit par exemple des sciencesde l'ingnieur. On peut galement distinguer les sciences empiriques, qui portent sur l'tude desphnomnes accessibles par l'observation et l'exprimentation, des sciences logico-formelles,comme la logique ou les mathmatiques, qui portent sur des entits purement abstraites. Une autremanire de catgoriser les sciences consiste distinguer les sciences fondamentales, dont le butpremier est de produire des connaissances, des sciences appliques, qui visent avant tout appliquerces connaissances la rsolution de problmes concrets. D'autres catgorisations existent,notamment la notion de science exacte ou de science dure. Ces dernires catgorisations, bien quetrs courantes, sont beaucoup plus discutables que les autres, car elles sont porteuses d'un jugement

    (certaines sciences seraient plus exactes que d'autres, certaines sciences seraient molles , c'est--dire sans vritable consistance). Il existe aussi une Classification dessciences en poupes russes.

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    De manire gnrale, aucune catgorisation n'est compltement exacte ni entirement justifiable, et

    les zones pistmologiques entre elles demeurent floues. Pour Robert Nadeau : on reconnatgnralement quon peut classer [les sciences] selon leur objet (...), selon leur mthode (...), et selonleur but .

    Sciences fondamentales et appliques

    Les sciences fondamentales visent prioritairement l'acquisition de connaissances nouvelles. Cetteclassification premire repose sur la notion d'utilit : certaines sciences produisent des connaissancesen sorte dagir sur le monde (les sciences appliques), cest--dire dans la perspective dun objectifpratique, tandis que d'autres (les sciences fondamentales) visent prioritairement lacquisition deconnaissances nouvelles abstraites. Nanmoins, cette limite est floue. Les mathmatiques, laphysique ou la biologie peuvent ainsi aussi bien tre fondamentales qu'appliques, selon le contexte.

    Les sciences appliques (qu'il ne faut pas confondre avec la technique en tant qu'application deconnaissances empiriques) produisent des connaissances en sorte d'agir sur le monde, c'est--diredans la perspective d'un objectif pratique, conomique ou industriel.

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    Un groupe de chercheurs travaillant sur une exprience

    Certaines disciplines restent cependant plus ancres dans un domaine que dans un autre. La

    cosmologie est par exemple une science exclusivement fondamentale. L'astronomie est galementune discipline qui relve dans une grande mesure de la science fondamentale. La mdecine, lapdagogie ou l'ingnierie sont au contraire des sciences essentiellement appliques (mais pasexclusivement). Sciences appliques et sciences fondamentales ne sont pas cloisonnes. Lesdcouvertes issues de la science fondamentale trouvent des fins utiles (exemple : le laser et sonapplication au son numrique sur CDROM). De mme, certains problmes techniques mnent parfois de nouvelles dcouvertes en science fondamentale. Ainsi, les laboratoires de recherche et leschercheurspeuvent faire paralllement de la recherche applique et de la recherche fondamentale.Par ailleurs, la rechercheen sciences fondamentales utilise les technologies issues de la scienceapplique, comme la microscopie, les possibilits de calcul des ordinateurs par la simulationnumrique, par exemple.

    Par ailleurs, les mathmatiques sont souvent considres comme autre chose qu'une science, enpartie parce que la vrit mathmatique n'a rien voir avec la vrit des autres sciences. L'objet desmathmatiques est en effet interne cette discipline. Ainsi, sur cette base, les mathmatiquesappliques souvent perus davantage comme une branche mathmatique au service d'autressciences (comme le dmontrent les travaux du mathmaticien Jacques-Louis Lions qui explique : Ceque j'aime dans les mathmatiques appliques, c'est qu'elles ont pour ambition de donner du mondedes systmes une reprsentation qui permette de comprendre et d'agir ) seraient bien plutt sansfinalit pratique.A contrario, les mathmatiques possdent un nombre important de branches,d'abord abstraites, stant dveloppes au contact avec d'autres disciplines comme les statistiques,la thorie desjeux, la logique combinatoire, la thorie de l'information, la thorie des graphes entre

    autres exemples, autant de branches qui ne sont pas catalogus dans les mathmatiques appliquesmais qui pourtant irriguent d'autres branches scientifiques.

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    Sciences nomothtiques et idiographiques

    Un classement des sciences peut sappuyer sur les mthodes mise en uvre. Une premiredistinction de cet ordre peut tre faite entre les sciences nomothtiques et les sciencesidiographiques :

    les sciences nomothtiques cherchent tablir des lois gnrales pour des phnomnes

    susceptibles de se reproduire. On y retrouve la physique et la biologie, mais galement dessciences humaines ou sociales comme l'conomie, la psychologie ou mme la sociologie. les sciences idiographiques soccupent au contraire du singulier, de l'unique, du non

    rcurrent. L'exemple de l'histoire montre qu'il n'est pas absurde de considrer que lesingulier peut tre justiciable d'une approche scientifique.

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    Wilhelm Windelband

    C'est Wilhelm Windelband, philosophe allemand du XIXe sicle, que l'on doit la premire bauchede cette distinction, la rflexion de Windelband portant sur la nature des sciences sociales. Dans sonHistoire et sciencede la nature (1894), il soutient que l'opposition entre sciences de la nature et del'esprit repose sur une distinction de mthode et de formes d'objectivation . Jean Piaget

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    reprendra le vocable de nomothtique pour dsigner les disciplines cherchant dgager des lois oudes relations quantitatives en utilisant des mthodes d'exprimentation stricte ou systmatique. Ilcite la psychologie scientifique, la sociologie, la linguistique, l'conomie et la dmographie. Ildistingue ces disciplines des sciences historiques,juridiques et philosophiques.

    Sciences empiriques et logico-formelles

    Une catgorisation a t propose par l'pistmologie, distinguant les sciences empiriques et les scienceslogico-formelles . Leur point commun reste les mathmatiques et leur usage dans lesdisciplines lies ; cependant, selon les mots de Gilles-Gaston Granger, la ralit n'est pas aussisimple. Car, d'une part, c'est souvent propos de questions poses par l'observation empirique quedes concepts mathmatiques ont t dgags ; d'autre part, si la mathmatique n'est pas unescience de la nature, elle n'en a pas moins de vritables objets . Selon LnaSoler, dans sonIntroduction lpistmologie, distingue dune part les sciences formelles des sciences empiriques,dautre part les sciences de la natures des sciences humaineset sociale.

    les sciences dites empiriques portent sur le monde empiriquement accessible, sensible(accessible par les sens donc). Elles regroupent : les sciences de lanature, qui ont pour objetd'tude les phnomnes naturels ; les sciences humaines, qui ont pour objet d'tudel'Homme et ses comportements individuels et collectifs, passs et prsents ;

    de leur ct, les sciences logico-formelles (ou sciences formelles) explorent par la dduction,selon des rgles de formation et de dmonstration, des systmes axiomatiques. Il sagit parexemple des mathmatiques ou de la logique.

    Sciences de la nature et sciences humaines et sociales

    Selon Gilles-Gaston Granger, il existe une autre sorte d'opposition pistmologique, distinguantd'une part les sciences de la nature, qui ont des objets manant du monde sensible, mesurables etclassables ; d'autre part les sciences de l'homme aussi dites sciences humaines, pour lesquelles l'objetest abstrait. Gilles-Gaston Granger rcuse par ailleurs de faire de l'tude du phnomne humain une

    science proprement dite.

    les sciences humaines et sociales sont celles qui ont pour objet d'tude les hommes, lessocits, leur histoire, leurs cultures, leurs ralisations et leurs comportements,

    les sciences de la nature, ou sciences naturelles( Natural science en anglais) ont pourobjet le monde naturel, la Terre et l'Univers.

    Le sens commun associe une discipline un objet. Par exemple la sociologie soccupe de la socit, lapsychologie de la pense, la physique soccupe de phnomnes mcaniques, thermiques, la chimiesoccupe des ractions de la matire. La recherche moderne montre nanmoins labsence defrontire et la ncessit de dvelopper des transversalits ; par exemple, pour certaines disciplines

    on parle de physico-chimique ou de chimiobiologique , expressions qui permettent de montrerles liens forts des spcialits entre elles. Une discipline est finalement dfinie par lensemble desrfrentiels quelle utilise pour tudier un ensemble dobjets, ce qui forme sa scientificit.Nanmoins, ce critre n'est pas absolu.

    Pour le sociologue Raymond Boudon, il n'existe pas une scientificit unique et transdisciplinaire. Ilsappuie ainsi sur la notion d airs de famille , notion dj thorise par le philosophe LudwigWittgenstein selon laquelle il n'existe que des ressemblances formelles entre les sciences, sans pourautant en tirer une rgle gnrale permettant de dire ce qu'est la science . Raymond Boudon,dans Lart de se persuader des ides douteuses, fragiles oufaussesexplique que le relativisme silest une ide reue bien installe [], repose sur des bases fragiles et que, contrairement ce que

    prche Feyerabend, il n'y a pas lieu de congdier la raison .

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    Raisonnement scientifique

    Type formel pur

    Selon Emmanuel Kant, la logique formelle est science qui expose dans le dtail et prouve demanire stricte, uniquement les rgles formelles de toute pense . Les mathmatiques et la logique

    formalises composent ce type de raisonnement. Cette classe se fonde par ailleurs sur deux principesconstitutifs des systmes formels : l'axiome et les rgles de dduction ainsi que sur la notion desyllogisme, exprime par Aristote le premieret lie au raisonnement dductif (on parle aussi deraisonnement hypothtico-dductif ), qu'il expose dans ses Topiqueset dans son trait sur lalogique : Les Analytiques. Il sagit galement du type qui est le plus adquat la ralit, celui qui afait le plus ses preuves, par la technique notamment. Le matre-mot du type formel pur est ladmonstration logique et non-contradictoire (entendu comme la dmonstration qu'on ne pourradriver dans le systme tudi n'importe quelle proposition). En d'autres termes, il ne sagit pas proprement parler d'un raisonnement sur l'objet mais bien plutt d'une mthode pour traiter lesfaits au sein des dmonstrations scientifiques et portant sur les propositions et les postulats.

    On distingue ainsi dans ce type deux disciplines fondamen