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2014 La situation mondiale de l’alimentation et de l’agriculture Ouvrir l’agriculture familiale à l’innovation

Situation FAO 2014

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rapport FAo 2014

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  • 2014La situation mondiale de

    lalimentation et de lagriculture

    Ouvrir lagriculture familiale linnovation

  • Photo de couverture et des pages 1 et 2: Des femmes contrlent la qualit des graines lors dune foire aux semences, Burundi (FAO/Giulio Napolitano).

    Photos de la page 3 (de gauche droite):Des femmes rcoltent des tomates dans le cadre de leur formation dans une ferme-cole, Burundi (FAO/Giulio Napolitano); Unleveur examine un de ses moutons, Jordanie (FAO/Jon Spaull); Pcheurs nord-africains, Tunisie (FAO/N. Franz); Unescientifique contrle la croissance dun chantillon dans un laboratoire, Inde (FAO/I. De Borhegyi).

  • 2014

    La situation mondiale de lalimentation et de lagriculture

    Ouvrir lagriculture familiale linnovation

    ISSN 0251-1460

    ORGANISATION DES NATIONS UNIES POUR LALIMENTATION ET LAGRICULTURE

    Rome, 2015

  • La situation mondiale de lalimentation et de lagriculture

    Ouvrir lagriculture familiale linnovation

    ORGANISATION DES NATIONS UNIES POUR LALIMENTATION ET LAGRICULTURE

    Rome, 2015

    Les appellations employes dans ce produit dinformation et la prsentation des donnes qui y figurent nimpliquent de la part de lOrganisation des Nations Unies pour lalimentation et lagriculture (FAO) aucune prise de position quant au statut juridique ou au stade de dveloppement des pays, territoires, villes ou zones ou de leurs autorits, ni quant au trac de leurs frontires ou limites. La mention de socits dtermines ou de produits de fabricants, quils soient ou non brevets, nentrane, de la part de la FAO, aucune approbation ou recommandation desdits produits de prfrence dautres de nature analogue qui ne sont pascits.

    ISBN 978-92-5-208536-2 (print)E-ISBN 978-92-5-108537-9 (PDF)

    FAO, 2015

    La FAO encourage lutilisation, la reproduction et la diffusion des informations figurant dans ce produit dinformation. Sauf indication contraire, le contenu peut tre copi, tlcharg et imprim aux fins dtude prive, de recherches ou denseignement, ainsi que pour utilisation dans des produits ou services non commerciaux, sous rserve que la FAO soit correctement mentionne comme source et comme titulaire du droit dauteur et condition quil ne soit sous-entendu en aucune manire que la FAO approuverait les opinions, produits ou services des utilisateurs.

    Toute demande relative aux droits de traduction ou dadaptation, la revente ou dautres droitsdutilisation commerciale doit tre prsente au moyen du formulaire en ligne disponible www.fao.org/contact-us/licence-request ou adresse par courriel [email protected].

    Les produits dinformation de la FAO sont disponibles sur le site web de la FAO(www.fao.org/publications) et peuvent tre achets par courriel adress [email protected].

  • iii

    Table des matires

    Avant-propos viRemerciements ixAbrviations et acronymes xiRsum xii

    Innovation et agriculture familiale 1

    1. Innovation et agriculture familiale 3Les exploitations familiales et les dfis que devra relever lagriculture mondiale 3Exploitations familiales et systme dinnovation agricole 5Plan du rapport 8

    2. Lagriculture familiale 9Quest-ce quune exploitation familiale? 9Quelle place occupent les exploitations familiales? 10Rpartition des exploitations dans le monde 11Caractristiques des exploitations familiales 17Exploitations familiales, intgration dans les marchs et innovation 25Messages cls 30

    3. Lenjeu de la productivit durable 32La croissance durable de la productivit: un impratif 32Agriculture familiale et croissance durable de la productivit 41Avantages et cots de linnovation aux fins de lagriculture durable et compromis ncessaires 42Obstacles lis au sexe sopposant ladoption de mthodes de production durables 48Faciliter ladoption de techniques et pratiques durables 48Messages cls 51

    4. Une recherche-dveloppement agricole au service des exploitations familiales 52Importance de la recherche-dveloppement agricole publique 52volution des modles de recherche-dveloppement agricole 54Investir dans les capacits de recherche nationales 57Partenariats permettant damliorer lefficacit de la recherche-dveloppement publique 59Promouvoir la recherche-dveloppement au service des exploitations familiales 62Messages cls 68

    5. Des services de vulgarisation et de conseil agricoles lintention des exploitations familiales 70Tendances et modles en matire de vulgarisation 70Des services de vulgarisation et de conseil rpondant aux besoins des exploitants agricoles 75Prestation de services de conseil par diffrents acteurs 78tablir des services de vulgarisation et de conseil lintention des exploitants familiaux 83Messages cls 85

    6. Promouvoir la capacit dinnovation au profit des exploitations familiales 87Renforcement de la capacit dinnovation 87Renforcer les capacits des individus 89Renforcer les capacits organisationnelles 92Mettre en place un environnement favorable 93valuer, apprendre et transposer plus grande chelle 100Messages cls 103

    7. Conclusions: favoriser linnovation dans lagriculture familiale 104Messages cls 109

  • iv

    Annexe statistique 111

    Notes relatives aux tableaux annexes 113TABLEAU A1 Nombre dexploitations agricoles et superficie agricole 120TABLEAU A2 Proportion dexploitations et part de superficie agricole, par classe

    de taille des exploitations 128TABLEAU A3 Niveau et taux de variation moyens de la productivit de la

    main-duvre agricole de 1961 2012 135

    Bibliographie 145Chapitres spciaux de La situation mondiale de lalimentation et de lagriculture 156

    TABLEAUX

    1. Modalits et instruments au service dune croissance durable de la productivit agricole 4

    2. Nombre de pays ayant enregistr une diminution ou une augmentation de la taille moyenne de leurs exploitations agricoles (1960-2000), par catgorie de revenu et par groupe rgional 15

    3. Nombre, superficie moyenne et superficie maximale des exploitations familiales vises par les enqutes, par pays 16

    4. Rendements annuels moyens de certaines cultures au cours de la priode 2001-2012, par catgorie de revenu 35

    5. carts de rendement (estimations) des principales cultures en 2005, par rgion 35 6. Valeur et taux annuels moyens de variation de la productivit de la main-duvre,

    par catgorie de revenu 39 7. Dpenses des gouvernements et des donateurs alloues la vulgarisation et au

    transfert de technologie agricoles dans des pays africains slectionns 72

    ENCADRS

    1. Linnovation technique induite dans lagriculture 6 2. Dfinition de lagriculture familiale dans le cadre de lAnne internationale de

    lagriculture familiale 9 3. Les modles conomiques ouverts tous 26 4. Quelle stratgie adopter lgard des petites exploitations familiales? 29 5. Impact de la rduction des carts de rendement 37 6. Combler le foss entre les hommes et les femmes en matire de productivit agricole 38 7. Les sources de la croissance de la productivit agricole 42 8. Produire plus avec moins: un nouveau modle pour lintensification durable de

    lagriculture paysanne 44 9. Lagriculture intelligente face au climat au service de la scurit alimentaire 46 10. Facteurs dcisifs dans ladoption de nouvelles techniques et pratiques par les

    agriculteurs: tudes de cas en Afrique 50 11. Les incidences cumulatives de la recherche-dveloppement agricole 53 12. Investir dans le personnel de recherche agricole 56 13. Importance de la stabilit du financement de la recherche-dveloppement agricole 59 14. Investissements internationaux et rgionaux en faveur de la recherche-

    dveloppement agricole 61 15. Un partenariat public-priv dans le domaine des biotechnologies en Thalande 63 16. Slection vgtale participative au Honduras 66 17. Promouvoir des spcialistes du transfert de technologie en Rpublique

    dominicaine et au Mexique 68

  • v

    18. valuer les dpenses alloues aux services de vulgarisation et de conseil 71 19. Les coles pratiques dagriculture 76 20. Agriculture sous contrat et appui aux services de conseil au Sri Lanka 79 21. Agriculteurs formateurs volontaires dans le projet de dveloppement de

    llevage laitier en Afrique de lEst 80 22. Emploi des technologies de linformation et des communications (TIC)

    pour amliorer laccs des agriculteurs aux services de vulgarisation en Ouganda 82 23. Promouvoir linnovation et la comptitivit dans le secteur agricole pruvien 83 24. valuer les besoins en matire de renforcement des capacits: la Plate-forme

    pour lagriculture tropicale 90 25. Promouvoir linvestissement dans lagriculture 94 26. Plates-formes dinnovation en Afrique 96 27. Innovation agricole en Afrique subsaharienne 99 28. Expriences en matire dinnovation agricole en Afrique 101

    FIGURES

    1. Rpartition des exploitations agricoles, par rgion, groupe de pays et taille des exploitations 12

    2. Rpartition des exploitations et des terres agricoles dans le monde, par catgorie de taille 13

    3. Rpartition des exploitations et des terres agricoles, par catgorie de taille et groupe de pays 14

    4. Indice numrique de pauvret des familles dagriculteurs 16 5. Rpartition de la production agricole et des terres agricoles des 75 %

    dexploitations familiales les plus petites 19 6. Rendement de certaines cultures, par catgorie de taille de lexploitation 19 7. Productivit des terres et de la main-duvre, selon la taille des exploitations,

    dans certains pays 20 8. Rpartition moyenne des revenus des mnages, par source et par quartile

    de la taille des exploitations 21 9. Rpartition des exploitations agricoles recourant certaines technologies

    agricoles modernes, en fonction de la taille de lexploitation 22 10. Intensit de lutilisation de semences et dengrais, selon la taille de lexploitation 23 11. Rpartition de la production agricole vendue, en fonction de la taille de

    lexploitation 24 12. Indice mondial des prix des denres alimentaires, en valeur nominale et en

    valeur relle, 1960-2012 33 13. Taux de variation annuels moyens des rendements mondiaux de certaines

    cultures, par dcennie et par culture 34 14. Taux de variation annuels moyens de la productivit de la main-duvre agricole

    au niveau mondial, par dcennie 39 15. Taux de croissance annuels moyens des dpenses publiques de recherche-

    dveloppement agricole, par dcennie et par groupe de pays 54 16. Dpenses publiques de recherche-dveloppement agricole, par groupes de pays 55 17. Rpartition gographique des dpenses publiques de recherche-dveloppement

    agricole, 2009 55 18. Intensit de recherche agricole: moyenne par dcennie et par groupe de pays 57 19. Potentiel dutilisation de connaissances extrieures (spill-in) par rapport au

    capital national de connaissances dans le secteur agricole 60 20. Pourcentage dexploitations ayant accs linformation par lintermdiaire de la

    vulgarisation agricole 73 21. Pourcentage dexploitations ayant accs linformation par lintermdiaire de la

    vulgarisation agricole, selon la taille des exploitations 74 22. Les diffrents niveaux du renforcement des capacits 88

  • vi

    Avant-propos

    Chaque poque a ses propres dfis relever. Et chaque dfi exige des rponses particulires.

    Dans les annes 60, lAsie du Sud tait menace par la famine. La Rvolution verte tait la rponse quil fallait apporter face au spectre de la crise alimentaire qui planait sur le monde il y a un demi-sicle.

    Fort heureusement, nous ne sommes plus confronts aujourdhui la perspective dune famine grande chelle mais nous nous trouvons la croise des chemins.

    Mme si la production actuelle est suffisante pour nourrir le monde, quelque 842 millions de personnes nont toujours pas les moyens de se procurer une nourriture adquate et souffrent encore de sous-alimentation chronique. Paradoxe dconcertant: plus de 70 pour cent des personnes exposes linscurit alimentaire travers le monde vivent dans les zones rurales de pays en dveloppement. Nombre dentre elles sont des ouvriers agricoles faiblement rmunrs ou des producteurs pratiquant une agriculture de subsistance, qui ont parfois du mal subvenir aux besoins alimentaires de leur famille.

    lhorizon 2050, nous devrons relever un dfi supplmentaire, celui de nourrir une population mondiale qui consommera davantage de nourriture et sans doute une nourriture plus saine et plus quilibre et qui devrait dpasser la barre des 9 milliards. Mais les agriculteurs et lhumanit dans son ensemble se heurtent dj aux nouveaux dfis que lance le changement climatique. La dgradation grande chelle des ressources en terres et en eau ainsi que dautres impacts ngatifs sur lenvironnement nous montrent les limites des systmes dagriculture trs intensive.

    Il sagit donc maintenant de mettre en place des systmes agricoles vritablement durables et ouverts qui offrent aux populations pauvres un meilleur accs la nourriture et soient mme de rpondre aux besoins alimentaires du monde. Et rien ne se rapproche plus du modle de production agricole durable que lagriculture familiale.

    Il tait donc opportun que lONU proclame 2014 Anne internationale de lagriculture familiale. Cette clbration nous offre une occasion de mettre en lumire le rle que jouent les exploitations familiales un secteur qui regroupe, entre autres, les petits et moyens exploitants, les populations autochtones, les communauts traditionnelles, les pcheurs, les bergers, les habitants des forts et les cueilleurs dans la scurit alimentaire et le dveloppement durable.

    Dans le cadre des activits visant marquer lAnne internationale de lagriculture familiale, le rapport sur La situation mondiale de lalimentation et de lagriculture 2014: Ouvrir lagriculture familiale linnovation (SOFA 2014) propose une tude novatrice sur lagriculture familiale, qui fournit la premire estimation globale du nombre dexploitations familiales travers le monde (au moins 500 millions). Cela signifie quenviron neuf exploitations sur dix sont diriges par des familles. On y apprend galement que les exploitations familiales occupent une grande partie des terres agricoles de la plante et produisent quelque 80 pour cent de la nourriture mondiale.

    Toutefois, malgr le rle essentiel que jouent les exploitations familiales dans la scurit alimentaire au niveau mondial, elles sont souvent considres comme un obstacle au dveloppement et exclues du bnfice des aides publiques. Nous devons modifier cette manire de voir les choses. Les exploitations familiales ne sont pas un lment du problme; elles font au contraire partie intgrante de la solution apporter au problme de la faim.

    Mais il y a des limites ce que les exploitations familiales peuvent accomplir par elles-mmes, et il appartient au secteur public de mettre en uvre des politiques et de crer un environnement qui favorisent leur dveloppement. Cet effort doit tre men linitiative des gouvernements, mais il fait galement appel dautres intervenants: organisations internationales, organismes

  • vii

    rgionaux, organisations de la socit civile, secteur priv et instituts de recherche.

    Du fait de leur grande diversit et de la complexit de leurs moyens de subsistance, les exploitations familiales ne sauraient saccommoder de recommandations toutes faites. Dans le cadre de leurs politiques de soutien, les pays et les rgions devront mettre au point des solutions qui seront adaptes au plus prs aux besoins particuliers des exploitations familiales et au contexte local, et qui mettront en valeur les capacits et les atouts que possdent dj les agriculteurs familiaux.

    Cependant, les besoins des exploitations familiales sont peu prs les mmes partout dans le monde: un meilleur accs aux techniques qui permettent des gains durables de productivit sans entraner de risques inutiles; des intrants qui correspondent leurs besoins particuliers et qui respectent leur culture et leurs traditions; une attention particulire accorde aux femmes et aux jeunes travaillant dans lagriculture; le renforcement des organisations de producteurs et des coopratives; un meilleur accs la terre et leau, au crdit et aux marchs; une intgration plus pousse dans les chanes de valeur, et notamment la garantie de bnficier de prix quitables; le resserrement des liens entre lagriculture familiale et les marchs locaux afin damliorer la scurit alimentaire au niveau local et un accs quitable aux services de base, y compris lducation, la sant, leau potable et lassainissement.

    Par ailleurs, le soutien apport aux exploitations familiales doit sous-tendre le rle que jouent ces dernires dans le dveloppement des communauts rurales. En effet, outre le fait quelles contribuent lamlioration des disponibilits alimentaires sur le plan local, les exploitations familiales participent de manire essentielle la cration demplois et de revenus, la promotion et la diversification des conomies locales.

    Ce potentiel peut tre mis en valeur de bien des manires. Ainsi, on peut semployer crer des liens entre la production des exploitations familiales et les marchs institutionnels destins, par exemple, fournir des repas aux tablissements

    scolaires association qui offre aux exploitations familiales des garanties en termes daccs aux marchs et de revenus et qui permet de distribuer aux enfants des repas nourrissants. Les exploitations familiales sont par ailleurs bien places pour rhabiliter les cultures vivrires traditionnelles qui prsentent un grand intrt pour la scurit alimentaire au niveau local, mais qui ont t mises de ct suite la marchandisation des aliments que nous consommons.

    Les pays peuvent sinspirer des trs nombreuses expriences menes travers le monde pour mettre en uvre les mesures de rforme qui permettront de tirer pleinement parti du potentiel offert par leurs exploitations familiales. Le SOFA 2014 propose des solutions visant rpondre aux besoins des exploitations familiales et leur ouvrir des possibilits dans diffrents contextes.

    Ces solutions ont toutes un point commun: linnovation. Les exploitations familiales doivent innover quant aux systmes quelles utilisent; les pouvoirs publics doivent innover sagissant des politiques spcifiques quils mettent en uvre pour soutenir lagriculture familiale; les organisations de producteurs doivent innover pour mieux rpondre aux besoins des exploitations familiales, et les instituts de recherche et de vulgarisation doivent innover en passant dun processus ax sur la recherche qui sappuie principalement sur le transfert de technologie une approche qui permet et rcompense les innovations des exploitations familiales elles-mmes. En outre, linnovation, sous toutes ses formes, doit tre pour tous; favoriser la participation des familles dagriculteurs la production, lchange et lutilisation des connaissances afin quelles aient la matrise du processus; tenir compte la fois des avantages et des risques; et tre tout fait adapte aux contextes locaux.

    Nous devons trouver une voie aussi novatrice que la Rvolution verte en son temps, mais qui rponde aux besoins actuels et qui soit tourne vers lavenir: nous ne pouvons utiliser le mme outil pour relever un dfi diffrent.

    La clbration, en 2014, de lAnne internationale de lagriculture familiale

  • viii

    nous rappelle que nous devons agir pour redynamiser ce secteur essentiel. En choisissant de rendre hommage aux familles dagriculteurs, nous reconnaissons quelles sont des figures de proue face aux trois grands dfis auxquels le monde agricole est confront aujourdhui: amliorer la scurit alimentaire et la nutrition tout en

    prservant des ressources naturelles cruciales et en limitant lampleur du changement climatique.

    Si nous accordons aux familles dagriculteurs lattention et le soutien dont elles ont besoin et quelles mritent, nous pourrons tous ensemble relever ces dfis.

    Jos Graziano da SilvaDirecteur gnral de la FAO

  • ix

    Ldition 2014 de La situation mondiale de lalimentation et de lagriculture a t rdige par des membres de la Division de lconomie du dveloppement agricole (ESA) et de lUnit de la recherche et de la vulgarisation (DDNR) de la FAO, sous la direction gnrale de Kostas Stamoulis, Directeur dESA; dAndrea Sonnino, Chef de DDNR; et de Terri Raney, conomiste principale et ditrice en chef (ESA). Des indications supplmentaires ont t donnes par Jomo Kwame Sundaram, Sous-Directeur gnral charg du Dpartement du dveloppement conomique et social.

    Lquipe charge des recherches et de la rdaction, dirige par Jakob Skoet (ESA) et David Kahan (DDNR), tait compose de: Brian Carisma, Sarah Lowder, Sara McPhee Knowles et Terri Raney (ESA); John Ruane et Julien de Meyer (DDNR).

    Plusieurs autres collgues de la FAO ont contribu llaboration du prsent rapport: Aslihan Arslan, Solomon Asfaw, Panagiotis Karfakis, Leslie Lipper, Giulia Ponzini, George Rapsomanikis et Saumya Singh (ESA); Magdalena Blum, Delgermaa Chuluunbaatar, Steven Le Grand, Karin Nichterlein, Ana Pizarro et Laura Vian (DDNR); May Hani, de la Division de la protection sociale; Adriana Neciu et Jairo Castano, de la Division de la statistique; Manuela Allara et Benjamin Graeub, de la Division de la production vgtale et de la protection des plantes; Nora Ourabah Haddad et Denis Herbel, du Bureau des partenariats, des activits de plaidoyer et du renforcement des capacits; John Preissing (FAO Prou); et Stephen Rudgard (FAO Laos).

    De nombreux autres collgues de la FAO de divisions techniques et bureaux rgionaux divers ont fourni des avis et des recommandations dexperts au sujet des multiples versions du projet de rapport. Nous les remercions pour leur contribution.

    Des documents dinformation et contributions externes ont t prpars par: Ian Christoplos, de Glemminge Development Research; Keith Fuglie, du Service de la recherche conomique du Ministre de lagriculture des tats-Unis (USDA);

    Silvia L. Saravia Matus, consultante indpendante; Philip G. Pardey, de lUniversit du Minnesota, et Helena Posthumus, de lInstitut royal des Tropiques (KIT) des Pays-Bas.

    Le prsent rapport a bnfici des rvisions et avis externes de nombreux experts internationaux: Nienke Beintema, Jos Falck-Zepeda et Keith Wiebe, de lInstitut international de recherche sur les politiques alimentaires (IFPRI); Mark Holderness et Thomas Price, du Forum mondial pour la recherche agricole (GFAR); Kristin Davis, du Forum mondial pour le conseil rural; Helen Hambly Odame, de lUniversit de Guelph; Laurens Klerkx, de lUniversit de Wageningen; Donald Larson, de la Banque mondiale; Moses Makooma Tenywa, de lUniversit Makerere; Gigi Manicad, dOxfam Novib; Hannington Odame, du Centre for African Bio-Entrepreneurship (CABE); Bernard Triomphe, du Centre de coopration internationale en recherche agronomique pour le dveloppement (CIRAD); et Xiangping Jia, du Centre chinois des politiques agricoles de lAcadmie chinoise des sciences.

    Ce rapport a bnfici des observations et contributions initiales prcieuses des participants la Consultation dexperts de la FAO sur les systmes dinnovation agricole et lagriculture familiale (mars 2012), ainsi que de celles des participants la confrence lectronique organise par la suite (juin-juillet 2012) sur le mme thme, dont les travaux ont t coordonns par John Ruane (DDNR).

    Mariana Wongtschowski, de lInstitut royal des tropiques (KIT) des Pays-Bas, a anim latelier de rvision technique qui avait pour objet dexaminer et de rviser la premire version complte du projet de rapport.

    Michelle Kendrick, du Dpartement du dveloppement conomique et social (ES), a t charge de la publication et de la gestion du projet. Paola Landolfi a facilit le processus de production. Paola Di Santo, Liliana Maldonado et Cecilia Agyeman-Anane ont assur lappui administratif,

    Remerciements

  • x

    et Marco Mariani, lappui informatique pendant toute la dure du projet. Le travail ddition a t ralis par Jane Shaw. Les services de traduction et dimpression ont t fournis par le Service de programmation

    et de documentation des runions de la FAO. Les services de conception graphique et de mise en page ont t assurs par Flora Dicarlo.

  • xi

    Abrviations et acronymes

    CGIAR Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale

    FIDA Fonds international de dveloppement agricole

    IFPRI Institut international de recherche sur les politiques alimentaires

    OCDE Organisation de coopration et de dveloppement conomiques

    ONG Organisation non gouvernementale

    PIB Produit intrieur brut

    TIC Technologies de linformation et des communications

  • xii

    Ouvrir lagriculture familiale linnovation

    Plus de 500 millions dexploitations agricoles familiales se rpartissent la plus grande partie des terres agricoles mondiales et produisent lessentiel des denres alimentaires. Nous avons besoin des exploitations agricoles familiales pour parvenir la scurit alimentaire partout dans le monde, prserver et protger lenvironnement naturel et mettre fin la pauvret, la dnutrition et la malnutrition. Ces objectifs ne seront atteints qu condition que les exploitations familiales deviennent beaucoup plus productives et fonctionnent davantage dans loptique dun dveloppement durable; autrement dit, il faut quelles souvrent linnovation, dans le cadre dun systme qui tienne compte de leur diversit et de la complexit des dfis relever.

    Le prsent rapport, intitul: La situation mondiale de lalimentation et de lagriculture 2014: Ouvrir lagriculture familiale linnovation, montre en quoi linnovation dans les exploitations agricoles familiales contribue la scurit alimentaire, au recul de la pauvret et la protection de lenvironnement dans le monde. Le rapport fait valoir que les exploitations agricoles familiales doivent tre encourages innover dune manire qui favorise lintensification durable de la production et lamlioration des moyens dexistence ruraux. Linnovation est un processus par lequel les agriculteurs augmentent leur production et amliorent leurs pratiques de gestion. Il peut sagir de planter de nouvelles varits vgtales, dassocier les pratiques traditionnelles de nouvelles connaissances scientifiques, dappliquer des pratiques intgres novatrices en matire de production et de traitement aprs rcolte ou encore de fonctionner sur le march de faon nouvelle et de sorte obtenir davantage. Mais linnovation nest pas du seul ressort des agriculteurs. Le secteur public, en concertation avec

    le secteur priv, la socit civile et les agriculteurs et leurs organisations doit crer un systme dinnovation qui relie entre eux ces divers acteurs, renforce les capacits des agriculteurs et incite ces derniers innover.

    Les exploitations agricoles familiales sont trs htrognes, en termes de taille, daccs au march et de caractristiques du mnage, une diversit qui se traduit par des besoins diffrents au regard de linnovation. Les moyens dexistence du mnage sont souvent complexes, combinant de multiples activits lies aux ressources naturelles, telles que la culture, llevage, la pche ou encore la cueillette en fort, et des activits hors exploitation, agricoles ou non et salaries ou exerces titre indpendant. Dans les exploitations agricoles familiales, ce sont les membres du mnage qui prennent les dcisions de gestion et qui constituent lessentiel de la force de travail. Dans ce type dexploitation, le processus dinnovation met en jeu une problmatique hommes-femmes et les relations entre gnrations. Les politiques seront plus efficaces si on les adapte aux particularits des diffrents types de mnages dagriculteurs, compte tenu de lenvironnement institutionnel et agrocologique. Il est essentiel que les systmes de recherche, les services de conseil, les organisations et les coopratives de producteurs ainsi que les institutions du march soient ouverts tous.

    Concevoir un systme dinnovation pour le XXIe sicle est une entreprise plus complexe quau temps de la Rvolution verte. Le cadre institutionnel est diffrent, du fait que le secteur public joue un rle de moins en moins important dans linnovation agricole et que de nouveaux acteurs interviennent dsormais, tels que les entreprises de recherche, les prestataires de services de conseil privs et les organisations de la socit civile. Les agriculteurs doivent en outre faire face la mondialisation, la complexit croissante des chanes de valeur, aux pressions exerces sur les ressources naturelles et au changement climatique.

    Rsum

  • xiii

    Exploitations agricoles familiales: taille et rpartition*

    On compte plus de 570 millions dexploitations agricoles dans le monde. La notion dagriculture familiale est imprcise mais la plupart des dfinitions se rfrent au type de gestion ou de proprit et au fait que la main-duvre provient de lexploitation mme. Plus de 90 pour cent des exploitations agricoles sont gres par un individu ou une famille et recourent principalement la main-duvre familiale. Si lon sen tient ces critres, les exploitations familiales reprsentent de loin la forme dagriculture la plus rpandue dans le monde. Selon les estimations, elles occuperaient de 70 80 pour cent des terres agricoles et produiraient plus de 80 pour cent des denres alimentaires mondiales en termes de valeur.

    La grande majorit des exploitations agricoles dans le monde sont petites ou trs petites et, dans bon nombre de pays faible revenu, ne cessent de voir leur superficie diminuer. lchelle mondiale, les exploitations de moins de 1 hectare reprsentent 72 pour cent de toutes les exploitations mais ne couvrent que 8 pour cent de la superficie totale des terres agricoles. Les exploitations un peu plus grandes 1 2 hectares reprsentent 12 pour cent de toutes les exploitations et couvrent 4 pour cent des terres, et les exploitations comprises entre 2 et 5 hectares reprsentent 10 pour cent de toutes les exploitations et couvrent 7 pour cent des terres. linverse, seulement 1 pour cent de toutes les exploitations font plus de 50 hectares mais, bien quen petit nombre, sadjugent 65 pour cent des terres agricoles mondiales. Beaucoup de ces grandes, voire trs grandes, exploitations appartiennent des familles et sont exploites par la famille.

    * Il est difficile dvaluer le nombre dexploitations et parmi elles le nombre dexploitations familiales dans le monde car on ne dispose pas de donnes compltes et comparables pour tous les pays. Les estimations qui sont prsentes ici ont t calcules daprs les recensements agricoles effectus dans diffrents pays et portant sur diffrentes priodes. Il sagit de donner un ordre de grandeur et non de fournir des chiffres exacts.

    La forte asymtrie dans la rpartition des exploitations agricoles par taille lchelle mondiale tient essentiellement au fait que les exploitations de trs grande taille sont concentres dans les pays revenu lev et revenu intermdiaire de la tranche suprieure et dans les pays o llevage extensif est un lment dominant du systme agricole. Les terres sont dans une certaine mesure plus galement rparties dans la catgorie des pays faible revenu ou revenu intermdiaire de la tranche infrieure. Dans ces pays, plus de 95 pour cent des exploitations ont moins de 5 hectares. Ces exploitations occupent prs de trois quarts des superficies agricoles totales dans les pays faible revenu et prs des deux tiers dans les pays revenu intermdiaire de la tranche infrieure. En revanche, les exploitations de plus de 50 hectares ne couvrent que 2 pour cent et 11 pour cent respectivement des superficies agricoles de ces deux groupes de pays.

    Ce quil convient exactement de considrer comme une petite exploitation, par exemple moins de 0,5 hectare ou moins de 1 hectare, est fonction des conditions agrocologiques et socioconomiques, tandis que la viabilit conomique de lexploitation dpend des dbouchs commerciaux et des choix politiques. En dessous dune certaine taille, une exploitation agricole peut tre trop petite pour constituer le principal moyen dexistence dune famille. Dans ce type de situation, lagriculture peut nanmoins contribuer dune manire non ngligeable aux moyens dexistence et la scurit alimentaire des familles, mais pour vivre correctement, celles-ci doivent avoir des complments de revenu-emploi hors exploitation, transferts ou envois de fonds. Cependant, beaucoup de petites et moyennes exploitations agricoles familiales des pays faible revenu et revenu intermdiaire pourraient contribuer davantage la scurit alimentaire et au recul de la pauvret rurale dans le monde, en fonction de leur potentiel productif, de leur accs au march et de leur capacit dinnovation. Avec un systme dinnovation agricole favorable, ces exploitations pourraient contribuer transformer lagriculture mondiale.

  • xiv

    Exploitations agricoles familiales, scurit alimentaire et pauvret

    Dans la plupart des pays, les petites et moyennes exploitations agricoles tendent avoir de meilleurs rendements lhectare que les grandes parce quelles grent les ressources et utilisent la main-duvre dune manire plus intensive. On peut en conclure que leur part dans la production alimentaire nationale est probablement plus importante que leur part dans les terres agricoles.

    Une proportion importante des exploitations familiales dotes dune faible superficie sont aussi tributaires dautres ressources naturelles, notamment des forts, des pturages et des ressources halieutiques. Lusage intensif quelles font des ressources peuvent menacer le caractre durable de la production. Ces exploitations de petite taille ou de taille moyenne, en plus du rle central quelles jouent dans la scurit alimentaire mondiale, sont un rouage essentiel de la gestion des ressources naturelles et de la protection de lenvironnement.

    Les petites exploitations tendent afficher de meilleurs rendements par hectare que les grandes mais elles produisent moins par travailleur. La productivit de la main-duvre ou la production par travailleur est aussi beaucoup plus basse dans les pays faible revenu que dans les pays revenu lev. Lamlioration de la productivit de la main-duvre est une condition pralable une croissance soutenue des revenus. Par consquent, permettre aux familles dagriculteurs, dans les pays faible revenu et revenu intermdiaire, daccrotre leur productivit est essentiel si lon veut stimuler les revenus agricoles et marquer des points contre la pauvret rurale.

    Les petites exploitations tendent avoir de meilleurs rendements que les grandes dans un mme pays, mais une comparaison entre pays montre que les rendements lhectare sont beaucoup plus faibles dans les pays pauvres, o les petites exploitations sont pourtant dominantes, que dans les pays riches. Ce paradoxe apparent tient simplement au fait que, dans les pays faible revenu, les rendements sont trs infrieurs en moyenne ceux que lon observe dans les pays riches et trs infrieurs ce quils seraient si on adaptait convenablement les

    techniques et les pratiques de gestion et si on les diffusait plus largement dans les pays faible revenu. Linnovation visant une augmentation des rendements dans les pays en dveloppement pourrait avoir des incidences importantes accroissement de la production agricole, augmentation des revenus agricoles et baisse des prix des denres alimentaires et contribuer ainsi rduire la pauvret et amliorer la scurit alimentaire en rendant les aliments plus abordables et plus accessibles, la fois pour les populations rurales et pour les populations urbaines.

    Pour que lamlioration potentielle des rendements et de la productivit de la main-duvre devienne ralit, il faut imprativement que les exploitants familiaux puissent innover. II existe essentiellement deux stratgies, distinctes mais interdpendantes, pour amliorer la productivit des agriculteurs: la premire est la mise au point, ladaptation et lapplication de nouvelles technologies et pratiques de gestion agricole; la deuxime est la gnralisation de lapplication de technologies et pratiques existantes. La premire largit le potentiel daccroissement de la productivit des ressources existantes en repoussant les frontires de la production. La deuxime permet aux agriculteurs de raliser une part plus grande de ce potentiel.

    Les systmes dinnovation au service de lagriculture familiale

    Il y a innovation quand des individus et des groupes adoptent des ides, des technologies ou des processus nouveaux qui, sils savrent intressants, se rpandent lchelle des communauts et des socits. Le processus est complexe, fait intervenir de nombreux acteurs et ne peut pas fonctionner en vase clos. Il est favoris par la prsence dun systme dinnovation efficace. Un systme dinnovation agricole comprend, entre autres choses, lenvironnement conomique et institutionnel gnral favorable dont tout agriculteur a besoin. Les services de recherche et de conseil et des organisations de producteurs agricoles efficaces sont deux autres composantes

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    essentielles. Souvent, linnovation consiste reprendre les connaissances locales et les systmes traditionnels et les adapter en les combinant de nouvelles connaissances issues des systmes de recherche formels.

    Lune des principales motivations de tous ceux qui innovent, y compris dans le secteur de lagriculture familiale, est de voir leur dmarche aboutir un plus grand accs au march. Les agriculteurs qui sont en mesure dcouler leur production sur le march, y compris sur les marchs locaux, quil sagisse daliments de base ou de cultures de rapport, ont particulirement intrt innover. En effet, les technologies aident les agriculteurs entrer sur le march en leur permettant de produire des surplus commercialisables. Linnovation et la commercialisation dpendent lune de lautre et se renforcent mutuellement. Cependant, les investissements dans les infrastructures de march, physiques et institutionnelles, sont essentiels pour permettre aux agriculteurs daccder aux marchs de produits et aux marchs dintrants. Des organisations et des coopratives de producteurs efficaces peuvent aussi jouer un rle dans laccs ces marchs.

    Compte tenu de lhtrognit des exploitations agricoles familiales, quil sagisse de la taille, de laccs au march ou dautres caractristiques, il est peu probable que des politiques dapplication gnrale rpondent aux besoins de toutes. Lappui public linnovation doit tenir compte de la structure particulire de lagriculture familiale dans chaque pays et chaque contexte, ainsi que des objectifs fixs pour le secteur.

    Certains exploitants familiaux grent de grandes entreprises commerciales et nattendent que peu de chose du secteur public, en dehors des recherches agronomiques susceptibles de garantir le potentiel de production sur le long terme et outre lenvironnement et les infrastructures dont tout agriculteur a besoin pour tre productif, encore que ces exploitants pourraient demander des rglementations et des mesures de soutien et dincitation pour fonctionner davantage selon les principes du dveloppement durable. Lorsque lexploitation familiale est trs petite, les agriculteurs vont sur les marchs

    essentiellement en tant quacheteurs nets de produits alimentaires. La production daliments constitue un lment essentiel de leur stratgie de survie mais, trop souvent confronts un environnement politique dfavorable et privs de moyens, ils sont incapables de faire de leur exploitation une entreprise commercialement viable. Un grand nombre de ces exploitants compltent leurs revenus et leurs apports alimentaires en tirant parti dautres lments du paysage naturel forts, pturages et ressources halieutiques et en prenant un emploi au- dehors. Ces agriculteurs devront miser sur la diversification des activits et ltalement des risques, en sappuyant sur ces autres ressources et sur diffrentes stratgies de subsistance. Lagriculture et linnovation agricole sont susceptibles damliorer leurs moyens dexistence mais il est peu probable quelles puissent tre le principal moyen de les hisser hors de la pauvret. Pour les aider chapper la pauvret il faut intervenir sur plusieurs fronts, notamment en mettant en place des politiques de dveloppement rural globales et des mcanismes de protection sociale efficaces. Entre ces deux extrmes, on trouve les millions de petites et moyennes exploitations agricoles familiales qui pourraient devenir des entreprises conomiquement viables et fonctionnant dans le respect de lenvironnement. Or, un grand nombre dentre elles ne sont pas suffisamment intgres dans des systmes dinnovation efficaces et nont pas les capacits ncessaires pour innover, ou ne sont pas incites le faire.

    Les actions publiques visant promouvoir linnovation dans les exploitations agricoles familiales doivent mettre laccent sur la recherche, les services de conseil, les institutions et les infrastructures, en faisant en sorte quils profitent tous, ce que le secteur priv nest gnralement pas en mesure de faire. Par exemple, la recherche agronomique sur la culture, llevage et les modes de gestion pratiqus par les petits agriculteurs constitue un bien public placer au rang des priorits. Par ailleurs, un environnement favorable aux organisations de producteurs et aux autres organisations communautaires peut contribuer la promotion de linnovation dans les exploitations agricoles familiales.

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    Promouvoir une productivit durable dans les exploitations agricoles familiales

    La demande de produits alimentaires augmente alors que les ressources en terres et en eau se rarfient et se dgradent. Le changement climatique exacerbera ces problmes. Au cours des prochaines dcennies, les agriculteurs devront produire des quantits nettement plus importantes de denres alimentaires, pour lessentiel sur des terres dj en production. Les carts considrables entre les rendements actuels et les rendements potentiels des principales cultures montrent quune augmentation non ngligeable de la production pourrait tre obtenue par une amlioration de la productivit dans les exploitations agricoles familiales. cet effet, il faut mettre au point de nouvelles technologies et de nouvelles pratiques ou liminer les obstacles et les problmes qui freinent ladaptation des technologies et des pratiques existantes et leur diffusion. Vaincre la pauvret dans les pays faible revenu et revenu intermdiaire suppose aussi de stimuler la productivit du travail en favorisant linnovation dans les exploitations agricoles familiales, et doffrir aux familles agricoles de nouvelles possibilits demploi.

    Il ne suffit pas de produire davantage. Pour prosprer sur le long terme, les socits doivent aussi produire selon les principes du dveloppement durable. Lancien paradigme de la production intensive forte consommation dintrants ne permet pas de relever le dfi. La croissance de la productivit doit tre lie une intensification dans des conditions durables. Cela signifie, notamment, quil faut conserver, protger et valoriser les ressources naturelles et les cosystmes, amliorer les moyens dexistence et le niveau de vie des populations et des groupes sociaux et renforcer leur rsilience en particulier face au changement climatique et linstabilit des marchs.

    Le monde doit pouvoir compter sur les exploitations agricoles familiales pour produire les aliments dont il a besoin, et ce dune manire durable. cet effet, les exploitants familiaux doivent disposer des connaissances et bnficier des mesures

    dincitation conomiques et politiques ncessaires pour fournir les services environnementaux essentiels (protection des bassins versants, conservation de la biodiversit et fixation du carbone, notamment).

    liminer les obstacles lagriculture durable

    Dans les petites exploitations agricoles familiales, les agriculteurs ont tendance privilgier les mthodes prouves et fiables parce quune seule dcision malencontreuse peut compromettre toute une campagne; mais ils adoptent facilement une nouvelle mthode sils pensent pouvoir en tirer un avantage. Cependant, plusieurs obstacles empchent souvent les agriculteurs dadopter les pratiques novatrices qui concilient amlioration de la productivit et prservation et valorisation des ressources naturelles. Les principaux obstacles sont labsence dinfrastructures physiques et dinfrastructures de commercialisation, le manque dinstruments financiers et dinstruments de gestion des risques et la prcarit des droits de proprit.

    En outre, il arrive souvent que, lorsquils introduisent des amliorations, les agriculteurs soient confronts des cots de dmarrage levs et de longs dlais de retour sur investissement. Cest un point qui peut tre rdhibitoire, en particulier en labsence de droits fonciers garantis et daccs des sources de financement et de crdit. Il est peu probable aussi que les agriculteurs se lancent dans des activits et des pratiques coteuses pour gnrer des biens publics (telles que la conservation de lenvironnement) sans compensation ou en dehors dune action collective locale. En outre, il est courant que les pratiques et les technologies agricoles amliores ne fonctionnent bien que dans les contextes agrocologiques et sociaux pour lesquels elles ont t conues. Si les solutions ne sont pas adaptes aux conditions locales, leur adoption peut tre gravement compromise.

    Les institutions locales, notamment les organisations de producteurs, les coopratives et les autres organisations

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    communautaires, ont un rle dterminant jouer dans llimination de certains de ces obstacles. Le bon fonctionnement des institutions locales et leur coordination avec les secteurs public et priv et avec les agriculteurs eux-mmes, hommes et femmes, peuvent tre dterminants, du fait quils permettent ou non aux petites exploitations agricoles familiales dintroduire des amliorations novatrices et durables adaptes leurs propres besoins et aux conditions locales.

    Mettre laccent sur les exploitations familiales dans la recherche-dveloppement agricole

    Il faut investir dans la recherche-dveloppement agricole si lon veut amliorer la productivit agricole, prserver lenvironnement et vaincre la pauvret et la faim. Il est abondamment dmontr que les investissements publics dans la recherche-dveloppement agricole sont particulirement rentables. Dans nombre de pays, cet investissement est actuellement insuffisant. La recherche conduite par le secteur priv tient une place de plus en plus importante, notamment dans les pays revenu lev, mais elle ne peut remplacer la recherche publique. La recherche agricole peut tre considre en grande partie comme un bien public, car les avantages associs aux connaissances ainsi produites ne peuvent pas devenir la proprit dune socit prive, de sorte quil est peu probable que le secteur priv soit intress. En outre, les avantages lis la recherche-dveloppement agricole mettent souvent beaucoup de temps se concrtiser. De plus, la recherche est un processus cumulatif et lobtention de rsultats sinscrit dans la dure. Cest pourquoi il est fondamental que lengagement public dans la recherche agricole soit continu et de longue haleine. Il peut tre utile de recourir certaines formes novatrices de financement court terme, mais un financement institutionnel stable est indispensable pour conserver un minimum de capacit de recherche sur le long terme.

    Il faut que tous les pays disposent de capacits de recherche nationales plus

    ou moins importantes, car il est rare que les technologies et les pratiques puissent tre importes sans devoir tre adaptes aux conditions locales et agrocologiques. Cependant, il faut que les pays examinent soigneusement le type de stratgie de recherche qui convient le mieux leurs besoins et leurs capacits. Certains, en particulier ceux qui ne disposent pas de suffisamment de fonds pour conduire des programmes de recherche nationaux solides, peuvent tre amens privilgier ladaptation des rsultats de la recherche internationale aux conditions locales. Dautres, qui disposent dun budget plus important pour la recherche, peuvent souhaiter consacrer aussi des ressources la recherche fondamentale. La priorit doit tre dtablir des partenariats internationaux et de procder une rpartition rigoureuse de leffort entre la recherche internationale aux applications de vaste porte et la recherche nationale axe sur les besoins nationaux. La coopration Sud-Sud entre de grands pays dots de programmes de recherche publics majeurs et des pays dont les capacits de recherche nationale sont plus modestes a toute sa place lorsque ces pays ont des conditions agrocologiques analogues.

    Il est indispensable que les activits de recherche rpondent aux besoins des exploitations agricoles familiales dans leur environnement agrocologique et social spcifique. Le fait dassocier linnovation impulse par les agriculteurs et les connaissances traditionnelles aux rsultats de la recherche formelle peut contribuer au caractre durable de la productivit. En outre, si les exploitants familiaux prennent part la dfinition des programmes de recherche et des activits de recherche participatives, la recherche nen rpondra que mieux aux besoins du secteur de lagriculture familiale. Il peut sagir dune collaboration troite avec les organisations de producteurs ou de la mise en place de mesures qui incitent les chercheurs et les organisations de recherche interagir avec les exploitations familiales et leurs diffrents membres, notamment les femmes et les jeunes, et entreprendre des recherches qui tiennent compte de leurs conditions et de leurs besoins spcifiques.

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    Promouvoir des services de conseil rural qui sadressent tous

    Il faut certes investir dans la recherche-dveloppement agricole pour amliorer les perspectives de production du point de vue dun dveloppement durable, mais la mise en commun par les exploitants familiaux des connaissances relatives aux technologies et aux pratiques novatrices est peut-tre encore plus efficace pour rduire les carts qui existent entre les pays en dveloppement et les pays dvelopps en matire de productivit et de durabilit. cet gard, les services de vulgarisation et de conseil jouent un rle dterminant, mais beaucoup trop dagriculteurs, en particulier les femmes, nont pas facilement accs ces services. Aujourdhui, la vulgarisation se caractrise par une grande diversit de services de conseil et de prestataires de services issus des secteurs public, priv et but non lucratif. Il nexiste pas de modle universel en matire de vulgarisation, cependant les pouvoirs publics, les entreprises prives, les universits, les organisations non gouvernementales et les organisations de producteurs peuvent fournir ces services diffrentes fins et en adoptant diffrentes approches. Renforcer les capacits des divers types de prestataires constitue une composante importante de la promotion de linnovation.

    Les pouvoirs publics ont encore un rle capital jouer dans la prestation de services de conseil agricoles. linstar de la recherche, les services de conseil agricole gnrent pour la socit des avantages dont la valeur dpasse celle quen tirent les agriculteurs et les prestataires privs au niveau individuel. Ces avantages augmentation de la productivit, amlioration de la durabilit, baisse des prix des denres alimentaires, recul de la pauvret, etc. tant des biens publics, la prestation de services de conseil agricole doit bnficier dun soutien de la part des pouvoirs publics. En particulier, il appartient clairement au secteur public de fournir des services aux petites exploitations agricoles familiales, notamment dans les contres isoles, car ces exploitations sont souvent ignores par les prestataires du secteur priv alors mme quelles peuvent avoir particulirement besoin dun avis neutre et

    dinformations sur les pratiques agricoles. Les autres domaines dans lesquels le secteur public se doit dassurer la prestation de services de conseil sont notamment linstauration de pratiques agricoles plus durables, ladaptation aux effets du changement climatique et lattnuation du changement climatique par la rduction des missions de gaz effet de serre ou la fixation du carbone. Le secteur public a aussi pour responsabilit de veiller ce que les conseils dispenss par le secteur priv et la socit civile soient techniquement valides et socialement et conomiquement adapts.

    Pour que les services de conseil ruraux soient pertinents et donnent des rsultats, il faut tenir compte des besoins, la fois des diffrents types dexploitations familiales et des divers membres du mnage agricole. De mme, dans un souci defficacit, il est fondamental de faire participer activement les femmes et les jeunes et de veiller ce quils aient accs des services de conseil qui tiennent compte de leurs besoins et de leurs problmes. Les approches participatives, par exemple les fermes-coles o des agriculteurs en instruisent dautres, les mcanismes dapprentissage entre pairs et les activits de mise en commun des connaissances, constituent un bon moyen de raliser ces objectifs. Il faut recueillir davantage dinformations et dlments en ce qui concerne les expriences conduites avec diffrents modles de vulgarisation et leur efficacit respective. Les actions visant la collecte et le partage de ces informations doivent tre encourages aux niveaux national et international.

    Renforcer la capacit dinnovation dans le secteur de lagriculture familiale

    Linnovation suppose quil existe au dpart une capacit dinnovation aux niveaux individuel, collectif, national et international. Il faut amliorer les comptences et les capacits des individus associs tous les volets du systme dinnovation agricole agriculteurs, prestataires de services de vulgarisation, chercheurs, etc. au moyen dactivits dducation et de formation conduites tous les niveaux. Les femmes, y

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    compris les plus jeunes, doivent bnficier dune attention particulire du fait de leurs besoins spcifiques et du rle quelles jouent dans lagriculture et les stratgies de subsistance en milieu rural. Il faut aussi sintresser particulirement aux jeunes en gnral, car ils sont plus enclins innover que leurs ans et reprsentent le futur de lagriculture. Si les jeunes peroivent lagriculture comme une profession susceptible dtre embrasse et qui se prte linnovation, les perspectives du secteur pourraient en tre considrablement amliores.

    La capacit dinnovation collective dpend de lexistence de rseaux et de partenariats dynamiques entre les individus et les groupes au sein du systme. Les organisations et les coopratives de producteurs revtent une importance particulire cet gard. Des organisations solides, performantes et ouvertes tous peuvent faciliter laccs des exploitations agricoles familiales aux marchs dintrants et aux marchs de produits, aux technologies et aux services financiers, notamment le crdit. Ces organisations peuvent servir de relais en vue dune coopration plus troite avec les instituts de recherche nationaux; fournir des services de vulgarisation et de conseil leurs membres; faire office dintermdiaires entre les exploitations et les diffrentes sources dinformations; et aider les petits agriculteurs faire entendre leur voix dans llaboration des politiques, afin de contrebalancer linfluence souvent prdominante dintrts plus puissants. En outre, les exploitants familiaux qui dpendent de lutilisation dautres ressources forts, pturages et ressources halieutiques ont parfois intrt se mettre en rapport avec les organisations de producteurs de ces secteurs. La cration de liens entre les organisations de producteurs des diffrents secteurs peut contribuer faire avancer la cause de la scurit des droits fonciers et favoriser une meilleure coordination entre les dcideurs et les prestataires de services.

    Aux niveaux national et international, la bonne gouvernance et des politiques conomiques judicieuses, la scurit des droits de proprit, les infrastructures, notamment de march, et un cadre

    rglementaire porteur contribuent crer un environnement favorable et encourager linnovation. Les gouvernements doivent appuyer la cration dorganisations de producteurs performantes et reprsentatives et faire en sorte quelles participent aux processus dlaboration des politiques.

    Messages cls

    Les exploitations agricoles familiales sont lune des cls de la scurit alimentaire et du dveloppement rural durable; la scurit alimentaire et la prservation de lenvironnement dans le monde dpendent des 500 millions dexploitations agricoles familiales, sur lesquelles repose lagriculture dans la plupart des pays. Plus de neuf exploitations agricoles sur dix tant des exploitations familiales, celles-ci sont mme de catalyser un dveloppement rural dynamique. Elles sont les gardiennes des ressources agricoles mondiales et la source de plus de 80 pour cent des denres alimentaires produites sur la plante mais beaucoup sont pauvres et elles-mmes touches par linscurit alimentaire. Il est urgent douvrir le secteur de lagriculture familiale linnovation si lon veut aider les agriculteurs se hisser hors de la pauvret et parvenir la scurit alimentaire et une agriculture durable partout dans le monde.

    Les exploitations agricoles familiales constituent un groupe extrmement htrogne et les systmes dinnovation doivent tenir compte de cette diversit. En matire dinnovation, les stratgies appliquer toutes les exploitations agricoles familiales doivent tenir compte des conditions agrocologiques et socioconomiques des agriculteurs ainsi que des objectifs sectoriels fixs par le gouvernement. Les actions publiques visant promouvoir linnovation dans les petites et moyennes exploitations agricoles familiales doivent tre telles que la recherche agricole, les services de conseil, les institutions du march et les infrastructures sadressent tous. La recherche agronomique sur les cultures,

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    llevage et les modes de gestion pratiqus par ces exploitations constitue un bien public placer au rang des priorits. Par ailleurs, un environnement favorable aux organisations de producteurs et aux autres organisations communautaires peut contribuer la promotion de linnovation, innovation grce laquelle les petites et moyennes exploitations familiales pourraient transformer lagriculture dans le monde.

    Les dfis auxquels sont confronts lagriculture et lenvironnement institutionnel de linnovation agricole sont beaucoup plus complexes que par le pass; lchelle mondiale, il faut tablir un systme dinnovation qui tienne compte de cette complexit. Les stratgies dinnovation agricole doivent dsormais mettre laccent non seulement sur laccroissement des rendements mais aussi sur une srie plus complexe dobjectifs, notamment la prservation des ressources naturelles et laugmentation des revenus ruraux. Les stratgies en matire dinnovation doivent aussi tenir compte de lenvironnement politique et institutionnel complexe qui prvaut aujourdhui dans le secteur agricole, o la prise de dcision dpend en outre dune plus grande diversit dacteurs. Il est capital dtablir un systme dinnovation qui permette de faciliter et de coordonner laction de toutes les parties prenantes.

    Il faut accrotre linvestissement public dans la recherche-dveloppement agricole ainsi que dans les services de vulgarisation et de conseil, et il faut aussi le rorienter afin de privilgier lintensification durable et la rduction des carts de rendement et de productivit. La recherche agricole et les services de conseil gnrent des biens publics productivit, amlioration de la durabilit, baisse des prix des denres alimentaires, recul de la pauvret, etc. et doivent donc bnficier dun soutien appuy de la part des pouvoirs publics. La recherche-dveloppement doit principalement porter sur lintensification durable, et notamment continuer repousser les frontires de la production

    mais dans lesprit du dveloppement durable. Elle doit adopter une approche systmique et intgrer les connaissances traditionnelles. Les services de vulgarisation et de conseil doivent viser la rduction des carts de rendement et lamlioration de la productivit du travail dans les petites et moyennes exploitations agricoles. En travaillant en partenariat avec les organisations de producteurs on peut contribuer ce que la recherche-dveloppement et les services de vulgarisation sadressent tous et rpondent aux besoins des agriculteurs.

    Toutes les exploitations agricoles familiales ont besoin dun environnement propice linnovation, notamment une bonne gouvernance, des conditions macroconomiques stables, des rgimes juridiques et rglementaires transparents, des droits de proprit garantis, des outils de gestion des risques et des infrastructures de march. Un accs amlior aux marchs de produits et dintrants marchs locaux et marchs plus vastes et notamment les achats effectus par les pouvoirs publics auprs des exploitants familiaux peuvent fortement encourager linnovation, mais les agriculteurs des contres isoles et les groupes marginaliss se heurtent souvent des obstacles considrables. De plus, les pratiques agricoles durables se caractrisent souvent par des cots de dmarrage levs et de longs dlais avant que les avantages ne se concrtisent, de sorte quil peut tre ncessaire de prendre des mesures pour inciter les agriculteurs fournir des services environnementaux importants. Des institutions locales performantes, notamment les organisations paysannes, peuvent aider surmonter ces obstacles.

    Il faut promouvoir la capacit dinnovation dans le secteur de lagriculture familiale de multiples niveaux. La capacit dinnovation individuelle doit tre renforce au moyen de linvestissement dans lducation et la formation. Il faut mettre en place des mesures dincitation favorisant la cration de rseaux et

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    de liens qui permettent aux diffrents acteurs du systme dinnovation agriculteurs, chercheurs, prestataires de services de conseil, filires de transformation, etc. dchanger des informations et duvrer la ralisation dobjectifs communs.

    Des organisations de producteurs performantes et ouvertes tous

    peuvent favoriser linnovation chez leurs membres. Les organisations de producteurs peuvent aider leurs membres accder aux marchs et tablir des liens avec dautres acteurs du systme dinnovation. Elles peuvent aussi permettre aux exploitations agricoles familiales de faire entendre leur voix dans les instances de prise de dcision.

  • OUVRIR L'AGRICULTURE FAMILIALE L'INNOVATION

  • O U V R I R L ' A G R I C U L T U R E F A M I L I A L E L ' I N N O V A T I O N 3

    1. Innovation et agriculture familiale

    Les exploitations familiales et les dfis que devra relever lagriculture mondiale

    Les exploitations familiales jouent un rle essentiel dans la scurit alimentaire mondiale long terme. Pour pouvoir nourrir une population qui ne cesse de crotre et liminer la pauvret et la faim, il faut encourager les exploitations familiales innover davantage et amliorer leur productivit tout en prservant les ressources naturelles et lenvironnement.

    La demande de nourriture et de produits agricoles est en augmentation sous leffet de la croissance dune population mondiale qui devrait atteindre 9,6 milliards de personnes en 2050 et les revenus progressent dans la plupart des pays en dveloppement. Pour satisfaire cette demande croissante, il faut que la production alimentaire mondiale augmente de 60 pour cent dici 2050 par rapport ses niveaux de 2005-2007 (Alexandratos et Bruinsma, 2012). Toutefois, cet accroissement de la production fera peser des contraintes supplmentaires sur les ressources en terres et en eau et sur la biodiversit ressources qui samenuisent et qui prsentent des signes de dgradation inquitants. Par ailleurs, en raison du changement climatique, il sera sans doute plus difficile de produire davantage de nourriture, lagriculture tant elle-mme une source importante dmissions de gaz effet de serre. Dans le mme temps, malgr

    les progrs remarquables raliss dans de nombreux pays en matire de lutte contre la pauvret, de vastes parties du monde en dveloppement ont encore des niveaux de pauvret levs, en particulier dans les zones rurales.

    Les exploitations familiales contribueront de manire essentielle relever tous ces dfis. Plus de neuf exploitations sur dix travers le monde sont des exploitations familiales, ce qui signifie que lagriculture familiale est le principal mode de production agricole dans la plupart des pays1. La grande majorit des exploitations dans le monde ont une superficie infrieure 2 hectares. Dans les pays faible revenu et revenu intermdiaire de la tranche infrieure, les exploitations dune superficie de moins de 5 hectares occupent la plus grande partie des terres agricoles et produisent une part importante de la nourriture.

    Toutefois, un grand nombre de ces petites et moyennes exploitations ont un accs limit aux ressources et une productivit faible. Pour que ces exploitations contribuent satisfaire la demande croissante de nourriture, prserver les ressources naturelles et lutter contre la pauvret, il faudra non seulement quelles se dveloppent, mais aussi quelles le fassent dans une perspective durable. Dans les zones rurales connaissant un taux lev de

    1 Le concept dagriculture familiale fait lobjet dune analyse au chapitre 2.

  • 4 L A S I T U A T I O N M O N D I A L E D E L A L I M E N T A T I O N E T D E L A G R I C U L T U R E 2 0 1 4pauvret, lamlioration de la productivit agricole des exploitants pauvres peut avoir une incidence spectaculaire sur la rduction de la pauvret, de la sous-alimentation et de la malnutrition. Daprs la Banque mondiale (2007c), la croissance du produit intrieur brut (PIB) imputable lagriculture entrane une augmentation des revenus des mnages les plus pauvres au moins 2,5 fois suprieure la croissance cre par les autres secteurs.

    Les petites exploitations familiales ne pourront amliorer leur productivit et renforcer leur viabilit que si elles sont prtes tre novatrices et reoivent un soutien en ce sens. Compte tenu du rle crucial que joue lagriculture familiale dans la scurit alimentaire, la prservation des ressources naturelles et la lutte contre la pauvret, la promotion de linnovation dans ce secteur devrait constituer une priorit pour les responsables politiques et les dcideurs. Il est essentiel que les agriculteurs y compris les petits exploitants, les femmes et les groupes dfavoriss ou marginaliss participent et contribuent largement ces efforts.

    On peut promouvoir la croissance durable de la productivit dans les exploitations familiales essentiellement de deux manires (tableau 1): i) en dveloppant, en adaptant et en appliquant de nouvelles techniques et pratiques en matire de production agricole et de gestion des exploitations; ou ii) en renforant et en acclrant

    ladoption et lapplication des techniques et pratiques existantes. La premire modalit permet dutiliser les ressources disponibles de manire plus productive et de repousser les frontires du possible en matire de production. La seconde permet aux agriculteurs de tirer le meilleur parti de ce potentiel en se rapprochant des frontires actuelles du possible en matire de production. Ces deux modalits ne sont pas incompatibles; au contraire, elles sont souvent suivies simultanment et offrent des synergies. Elles jouent un rle essentiel dans linnovation en matire dagriculture familiale et peuvent tre promues au moyen de divers instruments qui seront dcrits dans le prsent rapport.

    Sagissant de la premire modalit, pendant des milliers dannes, les agriculteurs ont fait des exprimentations, procd des adaptations et ralis des innovations afin damliorer leur mode de production agricole. Plus rcemment, la recherche scientifique institutionnelle est venue complter cette innovation provenant des agriculteurs, ce qui a permis de faire reculer de faon spectaculaire les frontires du possible en matire de production agricole et de raliser dimportants gains de productivit et de production au cours des dernires dcennies. Les amliorations apportes par les agriculteurs et la recherche scientifique ont toutes deux leur importance et, en les combinant, on peut faire en sorte que la

    TABLEAU 1 Modalits et instruments au service dune croissance durable de la productivit agricole

    MODALITS TYPES DINSTRUMENTS PARTIE DU RAPPORT

    laborer, adapter et appliquer des techniques et pratiques nouvelles

    Amlioration des techniques et pratiques sous limpulsion des agriculteursRecherche-dveloppement scientifique institutionnelleAmliorations dues aux agriculteurs associes la R-D institutionnelle

    Chapitre 4

    Acclrer et intensifier ladoption de techniques et pratiques existantes

    Remdier aux difficults dordre conomique faisant obstacle ladoption de certaines techniques et pratiques

    Chapitre 3

    Services de vulgarisation et de consultation (publics et privs)Promotion de la capacit dinnovation

    Chapitre 5

    Sur le plan individuel (ducation, formation)Sur le plan collectif (y compris les organisations de producteurs et les coopratives)Conditions propices linnovation (y compris ltablissement de liens et de rseaux)

    Chapitre 6

    Source: FAO.

  • 5O U V R I R L ' A G R I C U L T U R E F A M I L I A L E L ' I N N O V A T I O Nrecherche agronomique favorise linnovation lchelle des exploitations familiales.

    La seconde modalit permet aux agriculteurs dappliquer les techniques existantes et dadopter des pratiques plus productives et plus durables. Il peut sagir de remdier certaines difficults que rencontrent les agriculteurs lorsquils cherchent amliorer leurs pratiques (par exemple un accs insuffisant aux financements, la prise de risque ou la prcarit des droits de proprit et des droits fonciers) et de prvoir des mesures dincitation visant promouvoir ladoption de pratiques plus durables. Il est essentiel de disposer de services de vulgarisation et de conseil rural efficaces qui diffuseront des informations sur les pratiques amliores. On peut aussi encourager la capacit dinnovation de faon plus large grce la formation et lducation, qui favoriseront la cration de groupes dagriculteurs et de groupes communautaires locaux (par exemple des associations dagriculteurs) et contribueront instaurer un environnement propice linnovation.

    Exploitations familiales et systme dinnovation agricole

    Les agriculteurs peuvent innover de diverses manires. Les changements peuvent porter sur les produits agricoles (par exemple, de nouveaux types de culture ou des varits haut rendement), les mthodes de production (comme le labour zro ou la rotation des cultures) et/ou lencadrement et la gestion des exploitations (par exemple, de nouveaux modles dactivit ou modes dinteraction avec les chanes de valeur, ou laugmentation des capacits dentreposage). Les innovations dans ces diffrents domaines se produisent souvent simultanment.

    Linnovation peut avoir des rpercussions multiples. Elle peut permettre aux agriculteurs de produire davantage avec les ressources et les moyens dont ils disposent et de rduire leurs cots de production. Elle peut aussi leur permettre dlargir, de modifier ou de diversifier leur production destine la vente et damliorer ainsi la rentabilit de leur exploitation. Elle peut en outre leur permettre de dgager des ressources (par exemple de la main-duvre)

    qui seront mobilises dans le cadre dautres activits conomiques. Linnovation peut amliorer la durabilit de la production et/ou la fourniture de services importants pour lcosystme, ces deux aspects revtant une importance dautant plus grande aujourdhui compte tenu du dclin et de la dgradation des ressources naturelles.

    On trouve de nombreuses dfinitions de linnovation dans diverses tudes thoriques. La premire dfinition de linnovation dans un contexte conomique nous vient de Schumpeter (1939), pour qui linnovation peut prendre la forme dune nouvelle mthode de production, de nouveaux intrants dans un systme de production, dun nouveau produit ou dune nouvelle proprit dun produit existant, ou encore dune nouvelle structure organisationnelle2. Schumpeter (1939) tablit une distinction claire entre innovation et invention; ainsi, selon lui, linnovation est possible sans quil y ait pour autant ce que nous qualifions dinvention, et linvention ninduit pas forcment de linnovation. Hayami et Ruttan (1971) ont labor une dfinition du concept dinnovation technologique induite dans lagriculture (encadr 1).

    LOrganisation de coopration et de dveloppement conomiques (OCDE) et Eurostat (2005) dfinissent linnovation comme la mise en application dun nouveau produit (marchandise ou service) ou dun produit ayant subi des amliorations substantielles, ou encore dun nouveau procd, dune nouvelle technique de commercialisation ou dune nouvelle mthode dorganisation applique aux pratiques commerciales, lorganisation du travail ou aux relations extrieures dfinition qui fait cho de toute vidence celle tablie prcdemment par Schumpeter. Daprs la Banque mondiale (2010b), linnovation correspond aux technologies ou pratiques qui prsentent un caractre de nouveaut pour une socit donne. Celles-ci ne sont pas forcment nouvelles dans labsolu, mais elles sont diffuses dans cette conomie ou cette socit. Cet aspect est important: ce qui nest ni diffus ni utilis ne peut tre considr comme une innovation. Cette dfinition met laccent sur

    2 Tel que cit dans Phillips et al., 2013.

  • 6 L A S I T U A T I O N M O N D I A L E D E L A L I M E N T A T I O N E T D E L A G R I C U L T U R E 2 0 1 4ENCADR 1Linnovation technique induite dans lagriculture

    Dans leur ouvrage de rfrence, Agricultural development. An international perspective, Hayami et Ruttan (1971) passent en revue les diffrentes possibilits de changement technique offertes aux socits. Les problmes en matire de dveloppement agricole auxquels se heurtent les socits et les exploitants diffrent selon les lieux. Dans certains cas, le manque de terres peut constituer le principal facteur limitant, cet obstacle pouvant tre ventuellement contourn grce aux progrs de la biotechnologie; dans dautres cas, cest le manque de main-duvre qui est le principal problme, et la mcanisation peut alors tre la rponse la plus adapte. La concrtisation de la croissance de la productivit et de la production agricoles des pays dpend de laptitude de ces derniers adopter des techniques qui allgent les contraintes imposes par les ressources dont ils disposent.

    Hayami et Ruttan dfinissent linnovation induite dans lagriculture comme un processus au cours duquel les nouvelles techniques sadaptent lvolution des ressources disponibles et laugmentation de la demande. lchelle dune exploitation, il y a innovation technique induite quand lexploitant adapte ses mthodes de production lvolution de la demande ainsi qu la raret et au prix relatif des principaux facteurs de production, tels que la terre et la main-duvre. Les variations des prix relatifs peuvent pousser les exploitants se tourner vers de nouvelles techniques. Les chercheurs et les responsables scientifiques en phase avec les besoins rels peuvent alors semployer mettre au point de nouvelles techniques et de nouveaux intrants afin de permettre aux exploitants de remplacer des facteurs de production devenus rares par dautres qui le sont moins. Cette capacit de raction de la

    communaut scientifique reprsente un maillon fondamental du processus dinnovation induite. Ce maillon sera dautant plus efficace si les exploitants se regroupent dans des organisations ou des associations qui ont un poids politique. Toutefois, les auteurs ne prtendent pas que tous les progrs techniques sont induits; ils peuvent galement rsulter davances scientifiques et techniques ralises indpendamment.

    Selon Hayami et Ruttan, une autre chelle, le changement technique ainsi que lvolution des dotations en facteurs de production et de la demande de produits peuvent galement susciter ou induire des changements institutionnels, tels que lmergence de la recherche institutionnelle ou lvolution de la recherche existante, au niveau national ou international, et des changements dans les rgimes de droit de proprit ou dans les institutions du march. L encore, laction collective est importante pour amener ces changements institutionnels induits. Les facteurs culturels peuvent galement avoir une forte influence sur les innovations institutionnelles, certaines innovations pouvant prendre pied plus facilement dans telle socit que dans telle autre.

    Hayami et Ruttan considrent que linnovation induite est un processus de dveloppement dynamique dans le cadre duquel les ressources disponibles, les techniques, les institutions et le patrimoine culturel interagissent et sinfluencent mutuellement. On peut donc considrer que le systme dinnovation agricole contribue renforcer ces liens et facilite la mise en place dun processus de croissance de la productivit et de dveloppement plus grande chelle, adapt aux contraintes imposes par les ressources disponibles et les institutions de chaque pays diffrents stades de dveloppement.

  • 7O U V R I R L ' A G R I C U L T U R E F A M I L I A L E L ' I N N O V A T I O Nle fait que la recombinaison et lutilisation de connaissances existantes peuvent constituer en soi une innovation. La Banque mondiale (2010) voque galement les avantages sociaux de linnovation: Linnovation, qui consiste souvent apporter des solutions nouvelles des problmes existants, doit au bout du compte profiter un grand nombre, y compris aux plus pauvres.

    La FAO a labor une dfinition pratique concernant lagriculture qui met laccent sur lincidence de linnovation sur la scurit alimentaire, la durabilit et les rsultats obtenus en matire de dveloppement: Linnovation agricole est le processus par lequel des individus ou des organisations donnent une dimension sociale et conomique des produits, des procds ou des modes dorganisation nouveaux ou existants afin damliorer lefficacit, la comptitivit, la rsistance aux chocs ou la viabilit dun point de vue cologique et de contribuer ainsi la scurit alimentaire et nutritionnelle, au dveloppement conomique et la gestion durable des ressources naturelles (FAO, 2012a).

    Ces dfinitions envisagent linnovation comme un processus plutt que comme un vnement distinct et la considrent comme tant fondamentalement porteuse de cration et oriente vers la rsolution de problmes. Linnovation ne suppose pas forcment des connaissances ou des produits totalement nouveaux: lutilisation indite de moyens existants est galement novatrice.

    Linnovation est un processus complexe dans lequel les diffrentes modalits et les instruments connexes (tableau 1) interviennent simultanment. Linnovation dans lagriculture implique de nombreux acteurs, notamment les agriculteurs, les organisations de producteurs et les coopratives, les entreprises prives intgres dans les chanes dapprovisionnement et les chanes de valeur, les services de vulgarisation et les instituts de recherche nationaux. Auparavant, linnovation tait principalement axe sur la recherche en tant que moyen de mettre au point des techniques et des connaissances, et sur la vulgarisation en tant que moyen de diffuser les rsultats de ces travaux de recherche. Depuis peu, on accorde davantage dimportance aux autres sources dinnovation. Les avantages potentiels ne

    peuvent se raliser pleinement que si les techniques et les connaissances refltent la demande relle et sont appliques en tenant compte des ides, des pratiques et de lexprience des agriculteurs eux-mmes.

    Cest pourquoi linnovation est de plus en plus souvent perue comme un processus se droulant dans le cadre dun rseau dacteurs individus et organisations qui favorise linteraction et lapprentissage. Le systme dinnovation simpose comme un concept analytique qui englobe les diffrentes sources et filires de linnovation et les relations entre les diffrents acteurs concerns par les processus dinnovation. Depuis 2006, la Banque mondiale, entre autres acteurs, sattache promouvoir ce concept en tant quoutil permettant damliorer linnovation agricole au-del du renforcement des systmes de recherche (Banque mondiale, 2006). Elle dfinit le systme dinnovation comme un rseau dorganisations, dentreprises et dindividus qui semploient intgrer dans lconomie de nouveaux produits, de nouveaux procds et de nouvelles formes dorganisation, ainsi que les institutions et les politiques qui ont une incidence sur leur action et leurs rsultats (Banque mondiale, 2008b). Le concept de systme dinnovation tient compte de limportance que revt le transfert de technologie, mais galement des facteurs sociaux et institutionnels qui permettent dtablir des liens et de crer des rseaux entre les divers acteurs concerns.

    Il faut mettre au point un systme dinnovation agricole qui permette de relever les dfis actuels, reconnaisse limportance des exploitations familiales et aide ces dernires innover et obtenir des gains de productivit dans une perspective durable. Les dfis auxquels est aujourdhui confronte lagriculture mondiale sont bien plus complexes quils ne ltaient dans les annes 40 et 50, au moment de la cration des institutions qui ont permis de mener la Rvolution verte la premire grande vague dinnovation agricole organise. Depuis lors, un grand nombre de ces institutions les fondations agricoles et les centres internationaux de recherche agronomique, les systmes nationaux de recherche et de vulgarisation agricoles, les offices publics de commercialisation, les groupes de producteurs constitus en coopratives et le

  • 8 L A S I T U A T I O N M O N D I A L E D E L A L I M E N T A T I O N E T D E L A G R I C U L T U R E 2 0 1 4contexte plus large propice linnovation ont t dmanteles, ont manqu de financements ou se sont loignes de leur mission premire. Aujourdhui, de nouveaux acteurs entrent en scne, notamment des entreprises prives travaillant dans le secteur de la recherche et des technologies agricoles, ainsi que diverses structures de conseils en matire dagriculture issues de la socit civile, ce qui cre un environnement institutionnel bien plus complexe pour linnovation agricole.

    Par ailleurs, lurbanisation, la mondialisation et laccroissement de la demande de produits valeur leve ont profondment modifi le contexte mondial de lagriculture. Les chanes de valeur gagnent en importance et des pressions accrues sexercent en faveur de la protection de la base de ressources naturelles agricoles, compte tenu en particulier de la progression du changement climatique. Les systmes dinnovation doivent permettre aux exploitations familiales de relever ces diffrents dfis. Il faut:

    mettre au point des systmes dinnovation qui sadaptent aux besoins et aux demandes des agriculteurs:- en faisant en sorte que les agriculteurs

    deviennent des acteurs, plutt que de simples bnficiaires, de linnovation agricole;

    - en soutenant le dveloppement des organisations, des liens et des rseaux faisant intervenir les exploitations familiales;

    promouvoir les capacits dinnovation individuelles et collectives;

    prendre en considration la diversit des exploitations familiales comme des exigences et besoins des diffrents membres des mnages et des chanes de valeur, ce qui ncessite des politiques sur mesure et des rformes cibles.

    Le prsent rapport est ax sur la promotion de linnovation agricole dans les exploitations familiales. Toutefois, il importe de reconnatre les limites de cette innovation dans le cadre du dveloppement rural et de la lutte contre la pauvret. La promotion de linnovation

    agricole au niveau des exploitations familiales est un aspect essentiel de toute stratgie de rduction de la pauvret sappuyant sur lagriculture, mais dautres options doivent tre envisages pour un grand nombre dexploitations familiales de petite taille. Souvent, ces exploitations, en particulier les plus petites dentre elles, ont dj diversifi leurs moyens de subsistance et leurs sources de revenus; lagriculture ne peut tre leur source de revenus unique, ni mme la principale, pour sortir de la pauvret. Afin de rduire la pauvret rurale tout en vitant des taux durbanisation peu souhaitables dun point de vue social, de nombreuses exploitations familiales doivent pouvoir sappuyer sur dautres sources de revenus pour complter, et parfois remplacer, les ressources provenant de lagriculture. Il faudra pour cela mettre en place des communauts rurales dynamiques et adopter divers autres instruments de politique gnrale (par exemple la protection sociale et le dveloppement rural), aspects qui sortent du cadre du prsent rapport.

    Plan du rapport

    Le chapitre 2 traite de lagriculture familiale: son importance, son rle et sa capacit dinnovation. Le chapitre 3 est consacr la question de la croissance durable de la productivit et certains obstacles et contre-incitations qui empchent les agriculteurs dadopter des pratiques plus productives et plus durables. Le chapitre 4 contient une analyse des tendances observes et des questions se posant en matire de recherche agronomique, et de la ncessit de veiller ce que les activits de recherche rpondent aux besoins des exploitations familiales. Le chapitre 5 porte sur les services de vulgarisation et de conseil et sur les mesures prendre pour les rendre plus ouverts tous et plus ractifs. Le chapitre 6 concerne les mesures visant promouvoir plus largement la capacit dinnovation. Enfin, on trouvera au chapitre 7 un rcapitulatif des principales conclusions du prsent rapport.

  • 9O U V R I R L ' A G R I C U L T U R E F A M I L I A L E L ' I N N O V A T I O N

    Si lon se fonde sur les dfinitions les plus courantes, au moins 90 pour cent des exploitations agricoles dans le monde seraient des exploitations familiales3. Lagriculture familiale est la principale forme dagriculture dans la plupart des pays. Elle regroupe aussi bien de toutes petites exploitations de subsistance que de grandes entreprises vocation commerciale. Les exploitations familiales produisent une grande varit de cultures vivrires et commerciales dans toutes sortes de conditions agrocologiques. Cependant, compte tenu de la trs grande diversit de ce type dexploitations, il est peu probable que les mesures de politique gnrale puissent sappliquer lensemble de la catgorie. Il faut donc sintresser aux diffrentes caractristiques des exploitations qui entrent dans la grande catgorie des exploitations familiales. Le prsent chapitre fait le point de la situation des exploitations familiales dans le monde, et notamment de celles de petite taille.

    Quest-ce quune exploitation familiale?

    On nest pas encore parvenu un consensus au sujet de ce qui constitue une exploitation familiale. Cependant, de nombreuses dfinitions sappuient sur des lments ayant trait la proprit et la gestion, lutilisation de la main-duvre et la superficie ou la dimension conomique. Une tude portant sur 36 dfinitions de lexploitation familiale a mis en vidence que, selon la quasi-totalit des dfinitions, lexploitation familiale devait tre dtenue, exploite et/ou gre, au moins en partie, par un membre du mnage; de

    3 Sauf indication contraire, lanalyse prsente dans les deux premires sections du prsent chapitre sappuie sur un document de rfrence tabli par Lowder, Skoet et Singh (2014). Les donnes utilises proviennent de plusieurs Programmes du recensement mondial de lagriculture de la FAO, en particulier FAO (2013a) et FAO (2001).

    nombreuses dfinitions prcisaient que le/la propritaire et les membres de sa famille devaient effectuer une part minimale du travail sur lexploitation; de nombreuses autres dfinitions prvoyaient une limite maximale pour la superficie ou les ventes de lexploitation; dautres fixaient galement un plafond la part des revenus du mnage dcoulant dactivits non agricoles (Garner et de la O Campos, 2014). Pourtant, ce large ventail de dfinitions ne rend pas tout fait compte des concepts trs divers que recouvre le terme exploitation familiale (encadr 2). Au moins un pays utiliserait la dfinition conceptuelle de lexploitation familiale pour faciliter le regroupement de trs petites units de production en exploitations agricoles plus grandes et plus viables dun point de vue conomique (News China Magazine, 2013).

    2. Lagriculture familiale

    Le Comit directeur international (CDI) pour lAnne internationale de lagriculture familiale, clbre en 2014, donne la dfinition suivante du concept dagriculture familiale:

    Lagriculture familiale (qui comprend

    toutes les activits agricoles menes

    dans un cadre familial) est un

    mode dorganisation dans lequel

    la production agricole, forestire,

    halieutique, pastorale ou aquacole

    est gre et exploite par une famille

    et repose essentiellement sur une

    main-duvre (fminine et masculine)

    familiale. La famille et lexploitation

    sont lies, voluent ensemble et

    combinent les fonctions conomiques,

    environnementales, sociales et

    culturelles.

    Source: FAO, 2013b.

    ENCADR 2Dfini