Soleb, Karnak avant la xviiie dynastie (Extrait)

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Le temple d’Amon à Karnak est le plus grand sanctuaire religieux conservé d’Égypte. Pourtant, notre connaissance de son origine et de son développement reste très lacunaire, en dépit de deux siècles de recherche archéologique française. En 2002, l’exhumation fortuite de nouveaux vestiges en brique fut le départ d’une opération archéologique et géomorphologique de grande ampleur menée par une équipe de recherche pluridisciplinaire. Les cours des ive, ve et vie pylônes, ainsi que la « cour du Moyen Empire », les déambulatoires voisins et l’Akhmenou de Thoutmosis III ont fait l’objet de sondages ciblés en fonction d’une stratégie de restitution des constructions en brique crue et d’étude des niveaux de sédimentation inférieurs. Les résultats obtenus montrent que le premier établissement religieux à Karnak… Guillaume Charloux est ingénieur de recherche dans l’Umr 8167 Orient et Méditerranée du Cnrs. Romain Mensan est chercheur associé à l’Umr 5608 Traces du Cnrs.

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    11

    ditions Soleb

    5 rue Guy-de-la-Brosse

    75005 Paris

    [email protected]

    www.soleb.com

    Isbn 978-2-918157-01-4

    chaire de Civilisation pharaonique :

    archologie, philologie et histoire

    chaire de Civilisation pharaonique :

    archologie, philologie et histoire

    Soleb

    Guillaume Charloux et Romain Mensan

    avec deux articles de Michel Azim et Antoine Garric

    et la participation de Shimaa Montaser Abu al-Hagag

    introduction de Nicolas Grimal

    Le temple dAmon Karnak, tel que le visitent aujourdhui des milliers de tou-ristes, est le plus grand sanctuaire religieux conserv dgypte. Pourtant, notre connais-sance de son origine et de son dveloppement reste trs lacunaire, en dpit de deux sicles de recherche archologique franaise. En 2002, lexhumation fortuite de nouveaux vestiges en brique lors de ltude des soubassements sur les difices du Nouvel Empire a relanc le dbat sur son origine. Ce fut le dpart dune opration archologique et gomorphologique de grande ampleur mene par une quipe de recherche pluridisciplinaire. Les cours des ive, ve et vie pylnes, ainsi que la cour du Moyen Empire , les dambulatoires voisins et lAkhmenou de Thoutmosis III ont fait lobjet de sondages cibls en fonction dune stratgie de restitu-tion des constructions en brique crue et dtude des niveaux de sdimentation infrieurs. Les rsultats obtenus semblent montrer que le premier tablissement religieux Karnak a t difi sur une butte et quil sest progressivement dvelopp vers louest en fonc-tion des migrations du Nil. Il a galement t dtermin que le premier temple remonte assurment la xie dynastie et ne peut tre antrieur. Linventaire de la totalit des vestiges en brique crue dcouverts a fourni les lments dune synthse sur la mise en squence et linterprtation des constructions. Le temple du Nouvel Empire, tel que nous pouvons aujourdhui ladmirer, tait en fait pr-sent dans des proportions quasi identiques au Moyen Empire et la Deuxime priode intermdiaire. Il a repris lagencement et la disposition de ce dernier, selon des pro-cds de prennit architecturale couramment usits durant lantiquit. Cet ensemble architectural religieux, dont il ne reste que dinfimes arases en brique crue, constituait trs vraisemblablement le plus grand sanctuaire dgypte durant la premire moiti du deuxime millnaire avant notre re.

    Guillaume Charloux est ingnieur de recherche dans lUmr 8167 Orient et Mditerrane du Cnrs

    Romain Mensan est chercheur associ lUmr 5608 Traces du Cnrs

  • mes parents et Patrice,

    G. C.

    ma fille Lela,

    R. M.

  • Photo de couverture Gauthier Bancel, centre franco-gyptien dtude des temples

    de Karnak : cour nord du vie pylne en cours de dgagement, 2003.

  • Karnak avant la xviiie dynastie

    Guillaume Charloux et Romain Mensan

  • Guillaume Charloux est ingnieur de recherche

    dans lUmr 8167 Orient et Mditerrane du Cnrs

    Romain Mensan est chercheur associ

    lUmr 5608 Traces du Cnrs

    Michel Azim est ingnieur de recherche au Cnrs

    Antoine Garric est assistant ingnieur au Cfeetk,

    Usr 3172 du Cnrs

    Shimaa Montaser Abu al-Hagag est reprsentante

    du Conseil suprme des Antiquits gyptiennes

  • Karnak avant la xviiie dynastiecontribution ltude des vestiges en brique crue

    des premiers temples dAmon-R

    Guillaume Charloux et Romain Mensan

    avec deux articles de Michel Azim et Antoine Garric

    et la participation de Shimaa Montaser Abu al-Hagag

    introduction de Nicolas Grimal

    Soleb

  • sommaire

  • 8 Karnak avant la xviiie dynastie

    introduction 11

    remerciements 15

    lge des briques 19

    approche goarchologique 37

    Le Nil et sa plaine alluviale : rappel des connaissances actuelles 43

    Observations stratigraphiques dans le temple dAmon-R Karnak

    partir des sondages profonds 51

    Synthse 71

    historique 73

    essai de restitution 111

    A. Remarques introductives 112

    B. Phases architecturales 128

    interprtations 175

    Lemprise du temple avant la xviiie dynastie 176

    Datation relative : les sources textuelles, cramologiques et sigillaires 186

    Relations entre les monuments en brique crue et en pierre

    dans la zone centrale 193

    Prennit architecturale et planification mtrologique 206

    Fonctions des constructions en brique 216

  • sommaire 9

    Confrontation avec les sources crites 219

    Comparaisons avec les temples en brique crue

    antrieurs la xviiie dynastie 222

    conclusions 229

    annexe i 239

    Recherches archologiques dans la zone centrale

    du temple dAmon-R Karnak, 1982-1984 240

    annexe ii 391

    Prsentation des oprations archologiques depuis 2004 392

    annexe iii 461

    Examens cramologiques sommaires 462

    annexe iv 487

    Observations sur les techniques de taille des vestiges en pierre

    de la cour du Moyen Empire 488

    bibliographie 511

    tables 535

    table des illustrations 535

    table des index 547

    table des matires 568

  • introduction

  • 12 Karnak avant la xviiie dynastie

  • introduction 13

    Cet ouvrage constitue avant tout le rapport dfinitif des fouilles menes par Guillaume Charloux et Romain Mensan dans la zone centrale du

    tmnos dAmon Karnak, dans le cadre dune recherche densemble sur les fon-dations et remplois sur lesquels a t difi le temple du Nouvel Empire, que

    nous avons entrepris de systmatiser, Franois Larch et moi-mme dans la fin

    des annes quatre-vingt-dix.

    Des interventions ponctuelles ont dabord t ralises aux abords des

    pylnes, essentiellement le iiie et le vie. Les rsultats, publis dans les Cahiers de Karnak, tant sous forme de rapports prliminaires que dans le cadre des comptes rendus de travaux annuels, ont fait clairement apparatre la ncessit

    dune recherche densemble sur les rfections et les fondations, jusqualors abor-

    des partiellement seulement. Dans cette intention, nous avons engag plusieurs

    programmes. Lun, dans la suite des observations architecturales prsentes par

    Jean-Franois Carlotti dans sa thse consacre aux Modifications architecturales du temple dAmon-R Karnak, du Moyen Empire jusquau rgne dAmenhotep III, sest attach une analyse des monuments existants et de leur enchanement his-

    torique. Franois Larch a livr ainsi plusieurs tudes magistrales sur lensemble

    dIpet-sout, qui ont permis dtablir une chronologie relative des constructions,

    quil est dsormais possible de confronter la minutieuse analyse des sources

    textuelles, prsente par Christiane Wallet-Lebrun dans son Grand livre de pierre. Les textes de construction de Karnak.

    Ces deux recherches sclairent mutuellement et permettent

    aujourdhui de jeter un regard neuf sur lhistoire dIpet-sout proprement dite au

    Nouvel Empire.

    Dans le mme temps, nous avons confi Rosemary Le Bohec ltude

    des vestiges de briques en fondation de la zone comprise entre les iiie et ive pylnes,

    et dont les premiers sondages, que je viens dvoquer, avaient montr lexistence

    sur une aire plus tendue quon ne le pensait gnralement auparavant, et proba-

    blement organise selon un schma directeur que les constructions thoutmsides

    sont venues recouvrir.

    Notre connaissance de la chronologie mme des constructions de la

    xviiie dynastie a ainsi progress et, en particulier, celle de la continuit dmon-

    tre par les dpts de fondation parsemant la zone de la ouadjyt de Thoutmosis III entre luvre de celui-ci et celle dHatshepsout

    Les vestiges sur lesquels reposent ces difices, en effet, soulvent la

    question de lextension du tmnos, sans quil soit rellement possible de dter-miner a priori sils constituent la fondation de ces constructions, ou sils repr-

    sentent ltat aras, puis rcupr en fondation, de constructions antrieures.

    Leur organisation selon une conomie pratiquement orthogonale ne laisse pas

  • 14 Karnak avant la xviiie dynastie

    de doute sur lampleur du projet. Ce nest pas le lieu de prsenter des rsultats

    encore indits, mais on ne peut qutre frapp par le dpt, en bonne place,

    darchitraves de Ssostris Ier, pour ne prendre que cet exemple et lamnagement

    de puissantes fosses de fondation, accueillant dimportants monuments, comme

    la grande dyade de Neferhotep.

    Limportance de ces remplois et leur utilisation, bien au-del de la

    zone traditionnellement suppose du Moyen Empire, jusquen fondation de la

    salle hypostyle ou le long de laxe sud ont permis denvisager sous un angle

    nouveau la question des origines du temple et, en particulier, du lieu suppos

    de son sanctuaire original, ainsi que le cheminement cultuel entre les diffrents

    sanctuaires (voir, en dernier lieu, Craibl 154, 2010, p. 343-370).Les fouilles menes par Guillaume Charloux et Romain Mensan sins-

    crivent dans ce projet gnral, pour lequel elles jouent un rle crucial, mme si

    lintention originale comprendre et dater ces substructures dargile , sest

    rvle au bout du compte difficile satisfaire. Si la chronologie stratigraphique

    ne fait, le plus souvent, gure de doute, le matriel associ est moins clair. La

    cramique du tournant du deuxime millnaire avant notre re est, certes, mieux

    connue depuis quelques annes, grce aux tudes consacres aux donnes th-

    baines, en particulier, pour ce qui est de Karnak, aux classifications tablies par

    Helen Jacquet-Gordon pour Karnak-Nord, par Marie Millet et Aurlia Masson,

    partir du matriel du secteur oriental de lenceinte dAmon. Les cramiques

    associes aux secteurs les plus anciens de ces substructures restent encore din-

    terprtation difficile, mais se situent globalement dans lensemble du Moyen

    Empire, appuyant lide dune fondation du temple telle que la dcrit lhistorio-

    graphie gyptienne, plus importante que la zone dvolue au sanctuaire primitif

    dans de rcentes hypothses.

    Au-del donc du rapport de fouilles attendu, Guillaume Charloux et

    Romain Mensan ont souhait construire la synthse qui faisait dfaut jusqu

    aujourdhui. Ils ont donc fait le point de lensemble des oprations archolo-

    giques menes dans Ipet-sout, produisant des hypothses de restitution, dsor-

    mais fondes sur des donnes que leur publication permet dvaluer. Ils ont ga-

    lement accueilli dans cet ouvrage le rapport indit de Michel Azim sur les fouilles

    quil a menes en 1983-1984 dans la zone. Cet apport vient clarifier et prciser des

    donnes jusquici incompltement exploites.

    Lensemble constitue un outil de travail dsormais incontournable,

    dont on peut esprer quil permettra une rflexion plus assure sur les premiers

    temps de Karnak.

    Nicolas Grimal

  • remerciements

  • 16 Karnak avant la xviiie dynastie

    Le projet dtude des vestiges antrieurs la xviiie dynastie, qui a dur prs de cinq ans, a bnfici du soutien constant des

    deux directeurs du Centre franco-gyptien dtude des temples de

    Karnak jusquen 2005, Nicolas Grimal et Franois Larch. Nous leur

    savons gr de nous avoir fait confiance, mais galement de nous avoir

    offert lopportunit de publier les rsultats de nos travaux de terrain.

    Travailler leur ct fut riche denseignements. Nous tenons leur

    rendre hommage et leur tmoigner notre gratitude.

    Entre 2005 et 2007, notre recherche fut effectue sous

    lgide du Cfeetk dirig par Dominique Valbelle et Emmanuel

    Laroze, mais toujours sous la supervision de Nicolas Grimal, respon-

    sable de ltude de la zone centrale. Nous les remercions chaleureuse-

    ment pour leur soutien.

    Il nous faut aussi remercier nos collgues Jean-Franois Jet,

    Emmanuel Lano et Ophlie de Peretti, qui ont particip nos cts

    ltude des structures en brique. Leurs rapports, publis en 2007

    et 2008, fournissent une documentation de grande qualit, indispen-

    sable nos tentatives de restitution et dinterprtation. Nos changes

    sur le terrain furent particulirement fructueux, et ce travail dquipe

    a scell une amiti solide.

    Parmi les contributeurs cet ouvrage, Michel Azim nous a

    fait part de ses donnes et de ses critiques, toujours avec diligence et

    intrt. Michel fut lun de nos interlocuteurs les plus directs. Cest ici

    loccasion de lui tmoigner la considration que nous avons pour son

    travail, et de le remercier de son soutien.

    Laide de nombreux experts et techniciens de talent fut

    prcieuse llaboration des rapports de fouille : les photographes

    Antoine Chn, Gauthier Bancel, Gal Pollin, Nathalie Gambier,

    Clment Apffel, Lucie Moraillon, Yann Stoeckel, le tailleur de pierre

    Antoine Garric, les architectes Emmanuel Laroze et Louis Eleya qui

    ont pris les points topographiques sur le terrain, les restaurateurs

    Agns Oboussier, Fanny Chauvet et Fulbert Dubois et enfin les

    gestionnaires Anne Debray-Dcory et Isabelle Mermet-Guyennet.

    Les rapports ont t raliss grce au soutien financier de la fonda-

    tion Michela Schiff Giorgini et de Mme Brigitte Guichard, que nous

    remercions sincrement.

  • remerciements 17

    Merci aussi Pierre Tallet et Marie-Delphine Martellire qui ont

    dchiffr des empreintes de sceaux, et Sylvie Marchand qui nous a

    soutenus dans cette tche difficile quest lexamen de la cramique de

    la fin du iiie millnaire avant notre re.

    Enfin, le Conseil suprme des Antiquits a tenu un rle

    primordial dans ce projet. Nous tenons, en particulier, remercier

    Holeil Ghaly et Mansour Boreik, directeurs successifs des Antiquits

    de Haute gypte, Ibrahim Suleiman, directeur des temples de Karnak,

    Hamdi Ahmed Abd al-Jalil, inspecteur en chef, Shimaa Montaser Abu

    el-Hagag, archologue et inspectrice, ainsi que toute lquipe gyp-

    tienne du Cfeetk.

    De nombreuses corrections ont t apportes au manus-

    crit de cet ouvrage. Nous savons gr ric Aubourg, Michel Azim,

    Franois-Xavier Fauvelle, Philippe Gardre, Nicolas Grimal, Franois

    Larch, Rosemary Le Bohec, Aurlia Masson et Marie Millet de nous

    avoir fait part de leurs commentaires.

    Enfin, cet ouvrage naurait pas pu voir le jour sans les talents

    dditeur et de maquettiste dOlivier Cabon et de graphiste de Thierry

    Sarfis, auxquels nous adressons nos chaleureux remerciements.

  • 18 Karnak avant la xviiie dynastie

  • lge des briques 19

    lge des briques

  • 20 Karnak avant la xviiie dynastie

    La zone centrale du temple dAmon-R et en particulier la grande cour qui se trouve en son centre, la cour dite du Moyen Empire (ZCt/Cm) 1

    est, en toute logique, perue comme tant lemplacement du temple primitif

    depuis le xixe sicle 2 (fig. 1). La fascination des chercheurs franais chargs de

    ltude et de la restauration des temples de Karnak pour cet endroit a abouti

    la multiplication des fouilles pendant deux sicles, fouilles qui se sont enchev-

    tres, dont les rsultats nont cess de se contredire, et qui ont dtruit une part

    importante des quelques arases en brique conserves 3. Il faut bien dire que cet

    attrait irrsistible tait nourri par une srie de dcouvertes dlments architectu-

    raux de la xiie dynastie (ca. 1991-1783 av. J.-C.) et dun radier mystrieux fait de blocs calcaires, qui laissaient suggrer la prsence dun large monument de forme

    carre 4, aujourdhui disparu, que beaucoup reconnaissent comme le temple de

    Ssostris Ier 5. La trouvaille dune colonnette au nom dAntef ii 6 fournit en 1983 la

    preuve irrfutable de lexistence dun culte dAmon-R ds la xie dynastie (fin de

    la Premire priode intermdiaire et dbut du Moyen Empire, ca. 2160-1991 av. J.-C.) et dun sanctuaire qui lui serait ddi, sans que lon puisse pour autant

    en identifier la moindre trace sur le terrain.

    Les travaux entrepris depuis 2002 se placent assurment dans la longue

    ligne des recherches franaises, avec les mmes dfauts et limites. Larchologie

    est, par nature, une science destructrice. Les objectifs taient toutefois radica-

    lement diffrents, puisque nos tudes se sont focalises sur les arases en brique

    crue, en essayant de mettre laccent sur les restitutions architecturales, et en

    considrant en priorit les problmes de stratigraphie et de datation. Car ces

    restes archologiques en brique ont, de tout temps, t dprcis par rapport

    1. Pour la numrotation et la localisation des secteurs et units architecturales discutes dans le texte, nous renvoyons louvrage de M. Azim, F. Bjarnason, P. Deleuze et alii., Karnak et sa topographie, vol. 1, les relevs modernes du temple dAmon-R, 1967-1984, Cnrs d., Paris, 1998.

    2. A. Mariette-Bey, Karnak : tude topographique et archologique, avec un appendice comprenant les principaux textes hiroglyphiques dcouverts ou recueillis pendant les fouilles excutes Karnak, Leipzig, 1875, p. 36-37. En 1843, J. G. Wilkinson (Modern Egypt and Thebes, John Murray, Londres, 1843, p. 248-250) ne semble pas, toutefois, relier la dcouverte dlments architecturaux au nom de Ssostris ier

    dans la cour du Moyen Empire , lventuelle localisation du temple de ce souverain.

    3. A. Mariette-Bey, op. cit., 1875, p. 36-37 ; G. Legrain, Notes prises Karnak. ii. Une restauration de Tibre au sanctuaire dOu-serten ier Karnak , RecTrav 22, 1900, p. 51-65 (voir aussi M. Azim et G. Rveillac, Karnak dans lobjectif de Georges Legrain. Catalogue raisonn des archives photographiques du pre mier directeur des travaux de Karnak de 1895 1917, Cra-Monographies, Cnrs ditions, Paris, 2004, vol. 1, p. 211-216 ; vol. 2, p. 131-134) ; M. Pillet, Thbes, Karnak et Louqsor, Paris, 1928 ; H. Chevrier, Rapport sur les travaux de Karnak (1947-1948) , asae 47, 1947, p. 175-176 ; H. Chevrier, Rapport sur les travaux de Karnak (1948-1949) , asae 49, 1949, p. 257-259 ; J. Lauffray, Les travaux du Centre Franco-gyptien dtude des Temples de Karnak de 1972 1977 , Karnak vi, 1980, p. 1-65 ; M. Azim, Les travaux de mise en valeur de la zone centrale du Temple dAmon, rapport interne du Cfeetk, 1984 ; J.-C. Golvin et J.-C. Goyon, Les travaux du Centre franco-gyptien de 1978 1981 , Karnak vii, 1982, p. 5-17 ; J.-C. Golvin et J.-C. Goyon, Les tra-vaux du Centre franco-gyptien de 1981 1985 , Karnak viii, 1987, p. 9-39.4. L. Borchardt, Zur Baugeschichte des Amontempels von Karnak, Uga 5, Leipzig, 1905, abb. I, p. 9.5. L. Gabolde, Le Grand Chteau dAmon , 1998.6. F. Le Saout, A. Maarouf et T. Zimmer, Le Moyen Empire Karnak : varia 1 , Karnak viii, 1987, p. 294.

  • lge des briques 21

    Fig. 1, Vue arienne du grand temple dAmon-R Karnak, Cnrs/Cfeetk, A. Chn.

    la formidable richesse architecturale, iconographique et pigraphique des lva-

    tions en grs. Bien que ce soit dans une certaine mesure assez comprhensible, les

    vestiges en brique crue nont en aucun cas t perus, depuis les premires fouilles,

    comme les reliquats fragiles et prcieux des btiments antrieurs. Ils nont jamais

    reprsent quun intrt secondaire. Ou tout du moins, il na jamais t projet

    de comprendre leur agencement sur une grande chelle. et l ont bien t

    repres des arases informes, mais, en aucune faon, ni les moyens ni la volont

    dune recherche pousse nont t rassembls dans une perspective dinterprta-

    tion globale. M. Azim a bien essay, ds 1980, desquisser un premier plan des

    vestiges en brique crue, mais lorientation des travaux, dont le but tait dassainir

    en priorit les fondations des difices en grs, ne lui a pas permis daller plus loin,

    et sest rvle insuffisante dans une telle entreprise. Il reste toutefois linstigateur

    de cette recherche, le rapport et les relevs conservs dans les archives du Centre

    franco-gyptien dtude des temples de Karnak (Cfeetk) ayant fourni des don-

    nes de terrain prcises et indispensables la gense de nos propositions.

  • 22 Karnak avant la xviiie dynastie

    Le mrite de ltude des vestiges en brique revient donc F. Larch et N. Grimal

    qui donnrent en 2000 limpulsion ce programme. Lexamen visait au dpart la

    restitution par larchologie des difices du Nouvel Empire situs autour du sanc-

    tuaire de barque de Philippe Arrhide, et non celle des vestiges en brique, il faut le

    prciser. Toutefois, la mise au jour de vastes amnagements en brique en 2002-2003

    dans les cours du vie pylne 1 (fig. 2), dont on pouvait dmontrer la planification

    pralable, a donn limpulsion ce projet danalyse archologique, avec lenthou-

    siasme et le soutien des codirecteurs de Karnak. Par la suite, les dgagements se sont

    loigns dans les cours et dambulatoires voisins, selon une logique de dgagements

    stratgiques, extensifs mais cibls. Bien entendu, cette dmarche ne pouvait fournir

    de rponses concluantes sans tre raccorde un examen goarchologique des sous-

    sols. La baisse sensible de la nappe phratique ds 2003 a t bnfique la ralisation

    de sondages profonds sur toute la zone centrale afin de vrifier lexistence doccupa-

    tions en profondeur. Le projet scientifique men par une quipe de sdimentologues

    et goarchologues britanniques, sous la direction de J. Bunburry 2 et A. Graham 3,

    dont les objectifs sont la mise en vidence des migrations du Nil en relation avec

    les occupations Thbes Est, tait complmentaire cette dmarche. Nos tudes,

    vise goarchologique, se sont largement inspires des rsultats publis par ces

    chercheurs, avec lesquels nous avons eu de nombreux changes.

    Au cours des activits de terrain ont donc t dveloppes deux direc-

    tions de recherche troitement lies : archologique et architecturale dune part,

    archologique et gologique dautre part. Ces directions se traduisent dans deux

    hypothses qui ont conduit notre rflexion et la stratgie des oprations durant

    cinq annes de fouilles (2002-2007).

    Ces deux hypothses, que nous allons ici tenter de dmontrer, forment la dynamique du discours dans cet ouvrage :

    1. La premire a trait lorigine du temple dans la zone tudie. Nous souhaitons dmontrer que non seulement celle-ci ne remonte pas une priode antrieure la

    xie dynastie, mais en outre que la topographie et la gologie du site ont conditionn

    les premires installations ainsi que lvolution architecturale du temple dAmon-R

    de la fin de la Premire priode intermdaire au Nouvel Empire (fig. 3).

    1. G. Charloux, J.-F. Jet et E. Lano, Nouveaux vestiges des sanctuaires du Moyen Empire Karnak. Les fouilles rcentes des cours du vie pylne , bsfe 160, 2004, p. 26-46 ; G. Charloux, J.-F. Jet et E. Lano, Karnak, au cur du temple dAmon-R , Archologia 411, 2004 (mai), p. 42-49 ; G. Charloux, The Middle Kingdom Temple of Amun at Karnak , ea 27, 2005, p. 20-24 ; G. Charloux, Karnak au Moyen Empire , 2007 ; G. Charloux, Sondage dans la cour sud du vie pylne , Karnak xii, 2007, p. 227-246 ; G. Charloux, Typologie sommaire des poteries du dbut du Moyen Empire provenant des cours du vie pylne , Karnak xii, 2007, p. 247-260 ; G. Charloux et J.-F. Jet, Recherches archologiques dans la cour nord du vie pylne , Karnak xii, 2007, p. 285-326.2. Department of Earth Sciences, Downing Street, Cambridge, CB2 3EQ.3. Institute of Archaeology, University College, Londres, Gordon Square, WC1H 0PY.

  • lge des briques 23

    Fig. 2, La cour nord du vie pylne en cours de fouille, en 2003, Cnrs/Cfeetk, G. Bancel.

  • 24 Karnak avant la xviiie dynastie

    Fig. 3, Principaux ensembles architecturaux discuts dans le texte, Cnrs/Cfeetk, G. Charloux.

    10 20 m0Nord

    CFEETK/CNRSEnceintes, murs de pribole et pylnes

    Principaux difices du Nouvel Empire

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  • lge des briques 25

    2. La seconde hypothse repose sur la nature des vestiges en brique crue mis au jour dans les zones comprises entre le ive pylne et lAkh-menou de Thoutmosis III. Il sagit, selon nous, des restes de temples anciens couvrant la priode allant de la

    XIe dynastie au dbut du Nouvel Empire (xviiie dynastie) le Moyen Empire

    (fin xie-xiiie dynastie) en forme de loin la plus grande partie.

    Ce postulat parat simple ; il est pourtant difficile dmontrer, partir

    de donnes de terrain tnues. Bien que la colonnette dAntef ii constitue dj un

    lment en faveur de cette thse de dpart, cest assurment un challenge de relier

    des fondations en brique, sans sols associs, des difices aux fonctions varies et

    si complexes. En outre, le postulat est rendu encore plus difficile prouver par les

    attestations stratigraphiques de lexistence de plusieurs tapes de construction.

    Pour ce faire, nous fondons notre hypothse sur deux arguments :

    le principal est la prennit architecturale des constructions au Nouvel Empire.

    Il apparat en effet que les composantes du temple dAmon-R, tel que le voit

    aujourdhui le visiteur, sont dj en place lge des briques . Le second argu-

    ment regroupe un faisceau dindices : les dimensions des vestiges en brique crue,

    les procds techniques employs et la mtrologie comme marque de planifica-

    tion architecturale notamment.

    Afin dvaluer ces deux postulats de dpart, nous procderons par tapes : Le premier chapitre a pour but de mettre en contexte le temple de Karnak dans son environnement gomorphologique et de montrer limportance

    de ce type dtude pour la comprhension de la formation dun site complexe.

    Nous prsentons succinctement les travaux rcents en goarchologie concernant

    la rgion thbaine et enfin nous dtaillons les donnes rcoltes dans les diff-

    rents sondages en voquant lorigine du monument.

    Dans le deuxime chapitre sont exposs les rsultats des interventions archologiques dans Ipet-Sout depuis le xixe sicle, ayant exclusivement port sur les vestiges en brique crue ou sur les monuments attribus au Moyen Empire.

    Cet historique vise, dune part, rassembler lintgralit des hypothses publies

    sur lorigine et la structure du monument primitif, et dautre part introduire la

    synthse sur les vestiges en brique crue tablie dans le chapitre suivant.

    Le troisime chapitre fait en effet lobjet dune prsentation exhaustive des arases en brique crue dgages depuis la cour du iiie pylne jusqu lAkh-menou, dans une tentative de restitution des fondations des difices antrieurs au Nouvel

    Empire. Il sagit par consquent dune dmarche critique, visant reprendre len-

    semble des donnes publies sur le sujet, regrouper des structures parses, puis

    envisager des hypothses sur des aires gographiques limites par exemple la

    cour du iiie pylne, celle du ive pylne, le dambulatoire nord, etc. (fig. 4).

  • 26 Karnak avant la xviiie dynastie

    Enfin, le quatrime chapitre traite de la datation et de la relation entre-tenue entre les structures en brique crue et celles en pierre attribues au Moyen

    Empire , mais il sattache aussi mettre en vidence la planification pralable

    des constructions en brique et la prennit architecturale des monuments du

    Moyen au Nouvel Empire. Nous proposons, par la suite, des hypothses de

    restitution architecturale et les valuons au regard des sources textuelles et des

    connaissances actuelles sur larchitecture religieuse du Moyen Empire et de la

    Deuxime priode intermdiaire (xive-xviie dynasties).

    Bien videmment, le prsent ouvrage prsente aussi les rsultats des

    fouilles, la fois sous la forme de rapports (en annexe), ou dune synthse des

    rsultats (chapitre iii) en ce qui concerne les sondages dj publis. Les fouilles

    des annes quatre-vingt dans la cour du Moyen Empire (fig. 5), qui taient

    Fig. 4, La cour du Moyen Empire aprs les dgagements de J. Lauffray, vue vers louest, Cnrs/Cfeetk, 100683.

  • lge des briques 27

    Fig. 5, La cour du Moyen Empire aprs les dgagements de J. Lauffray, vue vers lest, Cnrs/Cfeetk, 15637

    restes indites jusqu aujourdhui, sont dcrites dans larticle de M. Azim, tandis

    quA. Garric prsente quelques observations sur la taille de pierre des structures

    de la cour du Moyen Empire , dans sa contribution. Deux tudes portant sur la

    cramique dcouverte dans la zone centrale sont galement jointes en annexe.

    Mthode employeAvant de commencer la discussion, il savre ncessaire de rappeler la mthode

    employe durant ces quelques annes passes tudier les arases en brique

    crue, aussi bien en ce qui concerne lenregistrement et le tamisage, que le

    choix de la localisation des sondages. Selon un adage courant en archolo-

    gie, aucun enregistrement nest parfait et ne retranscrit exactement la ralit

    du terrain. Rigueur sur le long terme, prcautions lors des dgagements et

  • 28 Karnak avant la xviiie dynastie

    prcision des rapports sont donc indispensables, dautant plus, si lon prend

    en considration limportance scientifique et touristique du sujet dexamen :

    le temple dAmon-R. Cest la raison pour laquelle des rapports dtaills ont

    t rdigs, autant que possible de manire systmatique, la fin de chaque

    intervention ; et quune multitude de relevs (coupes et plans) et autres tmoi-

    gnages archologiques destination interne (film vido par exemple), ou pour

    des publications scientifiques ou grand public (photographies), ont t rali-

    ss lors de nos multiples sjours.

    La mthode denregistrement employe sinspire de celles utilises

    en France, aussi bien dans le cadre de fouilles prventives que programmes.

    Elle vise identifier des units stratigraphiques (U.s., cest--dire les couches)

    et des faits archologiques (mur, fosse, structure, etc.) dans les sondages.

    La numrotation des U.s. correspond au numro de lopration, choisi en fonc-

    tion du listing publi par A. Arnaudis et E. Laroze 1, suivi des chiffres des cen-

    taines, des dizaines et des units, en commenant par le numro 1 (par exemple

    U.S. 128001). Lappellation de faits archologiques a quelque peu vari en

    fonction des responsables de chantier, malgr une recherche dhomognit. La

    plupart dentre eux a t numrote en indiquant le sigle de la structure puis le

    chiffre ou nombre du fait (M1 = mur 1). Il est toutefois rapidement apparu que

    le plus pratique tait dajouter le numro dopration au milieu, afin de distin-

    guer aisment les structures dune intervention lautre (par exemple S.165-1

    = structure 1, opration 165). Selon une pratique courante Karnak, le nord

    (systme local) utilis dans les descriptions des vestiges prsente un angle de

    26 2044 avec le nord gographique (systme universel) 2.

    Quant la dsignation des objets, elle correspond au nom du sondage

    prcd par un O., suivi du numro de lU.s. et du numro dapparition de

    lartefact (ainsi O.139003-3 = troisime objet issu de la couche 139003). En fin

    de rapport, des tableaux rcapitulent les U.s. et les faits archologiques observs

    ainsi que les objets dcouverts, et en prsentent une description succincte, ce qui

    a lavantage de simplifier les relevs, et de relier immdiatement les dcouvertes

    leur contexte, grce aux nombreuses coupes archologiques dessines.

    Le tamisage a constitu un aspect important du travail de terrain.

    Ainsi, nous avons fait le choix durant lanne 2003-2004 de tamiser la totalit

    des couches archologiques rencontres dans les cours du vie pylne, dont les

    remblais suprieurs. Bien quune multitude de petits fragments de statues, non

    1. A. Arnaudis et E. Laroze, Localisation des interventions archologiques dans le temple de Karnak, 1967-2004 , Karnak xii, 2007, p. 91-103.2. M. Kurz, Problme dorientation : o est le nord ? , dans M. Azim, F. Bjarnason, P. Deleuze et alii., Karnak et sa topographie, vol. 1, les relevs modernes du temple dAmon-R, 1967-1984, Cnrs d., Paris, 1998, vol. I, p. 29-32.

  • lge des briques 29

    restaurables, aient ainsi pu tre regroups, nous avons dlibrment choisi par

    la suite dutiliser cette technique sur des zones plus restreintes en ciblant des

    couches, ou en oprant un tamisage fin en colonne. Car il ne faut pas oublier le

    type de contexte tudi : remblais, structures et fosses de fondation en particulier.

    De plus, la petite quantit de mobilier, cramique comprise, ne justifiait pas le

    dplacement de spcialistes. Herv Monchot, archozoologue, chercheur associ

    au Museum national dhistoire naturelle, a toutefois t sollicit ponctuellement,

    de mme que Raphal Angevin, lithicien doctorant luniversit Paris i.

    Pour achever cette prsentation mthodologique, nous souhaitons

    rapidement aborder la question de la stratgie des fouilles. Ltat de conservation

    des vestiges a impos une dmarche fonde sur la discussion et la prdiction ,

    la recherche systmatique dune optimisation des rsultats pour un minimum de

    dgagements 1. labore par lquipe darchologues du Cfeetk travaillant dans

    la zone centrale, la stratgie visait reconnatre des rgularits dans la disposi-

    tion des structures en brique, dterminer une cohrence architecturale (en se

    fondant sur les travaux de nos prdcesseurs), puis tenter de dduire lempla-

    cement des murs selon une logique globale, en considrant les alignements des

    murs et des massifs, les paisseurs, les intervalles et les indications de prennit

    architecturale du Moyen au Nouvel Empire. Une part importante de ltude fut

    ainsi ralise sur les plans informatiss avec des logiciels de dessin ou de retouche

    dimage, permettant de multiplier les hypothses de restitution. Le choix dans

    la localisation des sondages fut ensuite opr, avec laccord des directeurs.

    Cette stratgie prdictive a eu dexcellents rsultats, mais il faut lavouer, surtout

    parce quil sagit de vestiges exceptionnels, la fois imposants et parfaitement

    organiss. Ce fut en particulier le cas dans les cours du vie pylne, autour de la

    cour du Moyen Empire et dans les deuximes dambulatoires, ainsi que sous

    lAkh-menou. Dans les cours du ve pylne, lapplication dune stratgie fut plus dlicate en raison de profondes perturbations, ce qui a impliqu une recherche

    systmatique et moins cible. noter toutefois que les archologues responsables

    des fouilles des cours nord des iiie et ive pylnes ont globalement privilgi des

    problmatiques lies aux constructions du Nouvel Empire.

    1. Il faut prendre en compte le temps pass la ralisation des rapports, des plans et des coupes, ltude et le rangement du mobilier, la vectorisation des dessins et la prparation des publications, ainsi que de nombreuses autres activits annexes (mmoires universitaires,

    recherches de financements, autres terrains, etc.). Nous avons, en revanche, bnfici des commodits du Centre franco-gyptien dans le

    cadre de nos tudes ; confort de vie et soutien technique offraient une excellente qualit de travail pour des fouilles programmes. Le fait

    de travailler avec des quipes douvriers limites en nombre, entre environ 5 et 15 ouvriers, diminuait le temps de gestion et favorisait le

    contact rgulier de larchologue avec son terrain.

  • 30 Karnak avant la xviiie dynastie

    De notre ct, si la stratgie labore a concern en priorit les vestiges en brique,

    les fondations des monuments en grs rencontres furent galement exami-

    nes, en tentant dans la plupart des cas de rpondre aux attentes spcifiques de

    F. Larch, tout en prcisant des dtails de notre restitution architecturale.

    La mthode de fouille sest galement double dune autre ncessit :

    la ralisation de longues coupes archologiques permettant la comparaison des

    substrats et des vestiges en brique sur de grandes distances. Dailleurs, afin de

    mieux comprendre ces niveaux gologiques , des sondages chrono-stratigra-

    phiques ont t systmatiquement ouverts partir de la fin de lanne 2004, en

    descendant aussi profondment que la nappe phratique le permettait.

    Difficults rencontresCompte tenu des contraintes dictes par la faible tendue des fouilles et de la

    nature des vestiges, il convient de mettre en garde le lecteur contre des raccourcis

    et des choix quelque peu radicaux qui nous ont parfois t imposs, en particu-

    lier dans la mise en connexion des structures. Toutes les explications et prcisions

    sont fournies dans les chapitres iii et iv.

    On ne peut, ensuite, viter de rappeler un certain nombre de difficul-

    ts rencontres au cours des activits de terrain :

    1. La premire provient des structures in situ, en particulier les blocs des dallages, qui ont systmatiquement restreint lextension des sondages et rendu

    dlicate ltude de nombreuses connexions stratigraphiques. Nous avons t

    attentifs prserver les dallages antiques. Dans quelques cas seulement, pour

    des questionnements trs spcifiques, une ou deux dalles ont t dplaces, avec

    laide du conducteur de travaux du Cfeetk.

    2. Les lvations des difices du Nouvel Empire ont constitu un autre obs-tacle, puisque conserver leur intgrit demeurait videmment la priorit abso-

    lue. Que ce soit dans les cours des ve ou vie pylnes, ou dans lAkh-menou, les sondages ont t circonscrits en superficie, afin de protger les monuments et

    limiter tout risque de fragilisation des soubassements. Quelques fouilles en sape

    ponctuelles ont t effectues dans la cour sud du vie pylne, la cour nord du

    ive pylne, le premier dambulatoire sud et le deuxime dambulatoire nord.

    Pour ce faire, nous avons eu recours des taiements en briques cuites jointoyes

    avec du ciment, formant des caissons, sous la surveillance des tailleurs de pierre

    du Centre. Les sondages ont t remplis avec du sable jaune du dsert la fin

    des campagnes. Des dalles ont, dans certains cas, t refaites puis places sur le

    parcours touristique.

  • lge des briques 31

    3. Comme ce fut le cas des recherches prcdentes Karnak, la forte variation de laltitude de la nappe phratique, aussi bien au cours de la saison archo-

    logique que dune anne sur lautre, a parfois limit lexploration du sous-sol

    du site. La mise au point en 2005-2006 dun systme de drainage et de rgula-

    tion des eaux autour du temple a marqu une nouvelle tape dans nos activits

    archologiques. Malgr cela, les remontes capillaires interdisent toujours de des-

    cendre plus bas que la cote 71,00 m sur lensemble de la zone.

    4. Le Centre nayant malheureusement pas darchologue statutaire en place, le projet a t conduit par des archologues vacataires. Cela a de facto impliqu dinsolubles difficults lies au bon droulement du projet sur le long terme,

    notamment lincertitude de pouvoir revenir dune saison sur lautre 1, mais aussi

    lobligation dautant plus essentielle de publier nos rsultats le plus rapidement

    possible, sans tre certain de pouvoir sinvestir sur la dure.

    5. Labsence dun spcialiste de la cramique gyptienne Karnak nous obligea effectuer dessins et tudes cramiques. Leurs buts taient avant tout

    chronologiques, ce qui doit rsolument faire lobjet dune dmarche critique.

    Lensemble du mobilier est rang dans des sacs en tissu dans les magasins du

    Cfeetk et reste disposition de quiconque souhaitera le consulter.

    6. Toutes les zones dtude avaient dj t explores de maintes reprises, que ce soit durant lAntiquit tardive ou depuis le xixe sicle 2. Se sont donc

    joints aux dmantlements oprs ds la xviiie dynastie, les dmolitions plus ou

    moins cibles dues aux pillages, aux chercheurs de trsor, et aux chaufourniers

    selon un leitmotiv courant. Citons pour exemple les grandes fosses de la cour nord du vie pylne, de la cour sud du ve pylne ou celles de la cour du Moyen

    Empire . Sans ces nombreuses perturbations, il ne fait gure de doute que la

    vision densemble aurait t bien meilleure. Ltat de conservation des arases en

    brique est parfois assez mauvais. de multiples endroits, seule une demi-assise

    des fondations en brique crue a subsist. dautres, ce nest que par dduction ou

    par le plus grand des hasards que nous en retrouvons une trace 3. Paradoxalement,

    lencontre des occupations tardives dont seules quelques traces infimes ont t

    observes (pressoir dans la cour nord du vie pylne 4 ou peintures murales sur les

    lvations de lAkh-menou 5), les vestiges en terre antrieurs la xviiie dynastie ont t relativement bien conservs, constituant le substrat de fondation des

    btiments du Nouvel Empire.

    1. Pour de nombreuses raisons : tudes universitaires, vie prive, considrations financires, etc.2. Nous renvoyons au chapitre ii, p. xxx, pour plus de dtails.3. Par exemple les murs aa et Y, cf. fig. 44-45, p. 73-109.4. G. Charloux et J.-F. Jet, op. cit., 2007.5. M. Rassart-Debergh, LAkh-menou Status Quaestionis (1998) i Les peintures chrtiennes , Karnak xii, 2007, p. 745-795.

  • 32 Karnak avant la xviiie dynastie

    La prsente contribution ltude des vestiges en brique crue dans le temple dAmon-R constitue une enqute pluridisciplinaire vocation mthodologique.

    Comment relier, dater et interprter des structures arases, mises au jour dans un

    cadre monumental et touristique, o les contraintes sont nombreuses ? Cette inves-

    tigation, la limite de larchologie du bti, prsente un pan peu dvelopp en

    archologie, consistant en la ralisation de sondages cibls, rapidement combls,

    sans la rgularit dun terrain archologique classique. Obtenir des rsultats scien-

    tifiques cohrents dans ce temple du tourisme (fig. 6) ncessite par consquent une

    concertation dquipe quotidienne et une stratgie suivie avec rigueur.

    Les rsultats des recherches archologiques menes dans le temple

    dAmon-R depuis 2000 sont pour la premire fois, synthtiss dans les pages

    qui suivent. Lopportunit est ainsi offerte de confronter les restitutions envisages

    aux thories prcdentes, la lumire des donnes pigraphiques et architecturales.

    Fig. 6, Sondage dans la cour axiale sud du vie pylne, ralis par E. Lano, Cnrs/Cfeetk, G. Bancel.

  • lge des briques 33

    Fig. 7, Tableau de concordance des oprations archologiques ayant livr des structures en brique crue,

    partir de la classification tablie par A. Arnaudis et E. Laroze en 2007.

    opration localisation responsable

    et anne

    rfrence de la publication

    / Cm Chevrier 1947-1949 H. Chevrier, Rapport sur les travaux de Karnak, 1947-1948 , asae 49, 1949, p. 1-15 ; H. Chevrier, Rapport sur les travaux de Karnak, 1948-1949 , asae 49, 1949, p. 241-267 ; H. Chevrier, Journal de fouilles 1928-1954, Cfeetk.

    4 Cr3.n Masson et Millet

    2000-2001

    A. Masson et M. Millet, Sondage sur le parvis nord du ive pylne , Karnak xii, 2007, p. 659-679.

    9 Cr6.n Charloux et Jet

    2002-2003

    G. Charloux et J.-F. Jet, Recherches archologiques dans la cour nord

    du vie pylne , Karnak xii, 2007, p. 285-326.

    9b = 126 Db1.n,

    Db1.n.1-7 et

    Db2.n.3

    Charloux 2003-2003 ;

    Repris en 2006

    G. Charloux, Karnak au Moyen Empire, lenceinte et les fondations

    des magasins du temple dAmon-R , Karnak xii, 2007, p. 191-226 ; G. Charloux, Une canalisation en grs du dbut de la xviiie dynastie

    et rsultats complmentaires des fouilles archologiques du chantier Ha , Karnak xii, 2007, p. 261-284 ; G. Charloux, F. Reprise du sondage Ha 15 en mai 2006 (ZCt/Db2.n.3, opration 9b) , en annexe de louvrage, p. 439-442.

    10 Cr6. x

    Cr6.x.2 et

    Cr6.s

    Lano 2002-2003

    Charloux 2003

    E. Lano, Fouilles lest du vie pylne : lavant-cour sud et le passage axial , Karnak xii, 2007, p. 373-390 ; G. Charloux, Sondage dans la cour sud du vie pylne , Karnak xii, 2007, p. 227-246.

    11 Cr5.n Jet 2003 J.-F. Jet, Sondages dans la cour nord du ve pylne : Rsultats et tude dun dpt

    de fondation de la xviiie dynastie , Karnak xiii, 2010, p. 257-295.

    13 Cr5.s Lano et de Peretti

    2003-2004

    E. Lano et O. de Peretti, Les fouilles des cours du 5e pylne , dans F. Burgos

    et Fr. Larch, La chapelle Rouge. Le sanctuaire de barque dHatshepsout, volume ii, erC, Paris, 2008, p. 144-150.

    14 Cr5.n et

    Cr5.x

    Lano et de Peretti

    2003-2004

    E. Lano et O. de Peretti, Les fouilles des cours du 5e pylne , dans F. Burgos

    et Fr. Larch, La chapelle Rouge. Le sanctuaire de barque dHatshepsout, volume ii, ErC, Paris, 2008, p. 144-150.

    18 Cr4.n Le Bohec 2006 Cf. Fr. Larch, Nouvelles observations sur les monuments du Moyen et du Nouvel Empire dans la zone centrale du temple dAmon Karnak ,

    Karnak xii, 2007, p. 481.

    38 Cr3.x Sauneron et vrit

    1968 ;

    Larch 2004

    S. Sauneron et J. Vrit, Fouilles dans la zone axiale du iiie pylne Karnak ,

    Kmi xix, 1969, p. 249-276 ; Fr. Larch, Nouvelles observations sur les monuments du Moyen et du Nouvel Empire dans la zone centrale du temple

    dAmon Karnak , Karnak xii, 2007, p. 407-499.

    46 Cr4.n Carlotti et Gabolde 2001 J.-Fr. Carlotti et L. Gabolde, Deux notes sur la Ouadjyt de Karnak. Un sondage dans la Ouadjyt nord : fouille effectue du 12 au 24 mars 2001 , Memnonia xvi, 2005, p. 182 et pl. I.

    49 Cr6.x.1 Jet 2002 J.-F. Jet, Sondages archologiques dans lavant-cour nord du vie pylne

    Karnak , Karnak xii, 2007, p. 355-372.

    52 Cm Lauffray 1976-1977 ;

    Carlotti et Gabolde 1998

    Lauffray, Les travaux du Centre Franco-gyptien dtude des Temples de Karnak

    de 1972 1977 , Karnak vi, 1980, p. 22-24, fig. 7-8.L. Gabolde, J.-Fr. Carlotti et E. Czerny, Aux origines de Karnak : les recherches

    rcentes dans la cour du Moyen Empire , bsg 23, 1999, p. 31-49.

    103 Db1.n.5-10 Azim 1981-1984 M. Azim, Recherches archologiques dans la zone centrale du temple dAmon-

    R Karnak, 1982-1984 , en annexe du prsent ouvrage, p. 310-329.

    125 Cm Lauffray 1976-1977 Plan indit du Cfeetk, nenregistrement planex v.ME.7.

  • 34 Karnak avant la xviiie dynastie

    126 = 9b Db1.n,

    Db1.n.1-7 et

    Db2.n.3

    Charloux 2003-2003 ;

    Repris en 2006

    G. Charloux, Karnak au Moyen Empire, lenceinte et les fondations des magasins

    du temple dAmon-R , Karnak xii, 2007, p. 191-226 ; G. Charloux, Une canalisation en grs du dbut de la xviiie dynastie et rsultats complmentaires des fouilles

    archologiques du chantier Ha , Karnak xii, 2007, p. 261-284 ; G. Charloux, F. Reprise du sondage Ha 15 en mai 2006 (ZCt/Db2.n.3, opration 9b) , en annexe de louvrage, p. 439-442.

    127 Db1.s. et

    Db1.s.6-7

    Azim et Zimmer 1985 Cf. J.-C. Golvin et J.-C. Goyon, Les travaux du Centre franco-gyptien de 1981

    1985 , Karnak viii, 1987, p. 18 ; F. Le Saout, A. Maarouf et T. Zimmer, Le Moyen Empire Karnak : varia 1 , Karnak viii, 1987, p. 294 ; M. Azim, Recherches archologiques dans la zone centrale du temple dAmon-R Karnak, 1982-1984 ,

    en annexe du prsent ouvrage, p. 268-279.

    128 Db2.s. et

    Db2.s.2

    Charloux 2004 G. Charloux, A. Deux sondages dans le second dambulatoire sud (ZCt/Db2.s.

    Db et Db2.s.2, opration 128) , en annexe de louvrage,(128) p. 393-404.

    133 Cm et Db1.s Azim 1981-1984 M. Azim, Recherches archologiques dans la zone centrale du temple dAmon-

    R Karnak, 1982-1984 , en annexe de louvrage, p. 267-280.

    139 Akm Carlotti 1995 ;

    Charloux 2005

    J.-Fr. Carlotti, LAkh-menou de Thoutmosis iii Karnak. tude architecturale, erC, Paris, 2002, p. 171-174 ; G. Charloux, B. Quatre sondages dans lAkh-menou de Thoutmosis iii (akm/Sh. n, opration 139) , en annexe de louvrage,

    p. 405-415.

    143 Db2 .n.1 Carlotti et Gabolde

    1994

    J.-Fr. Carlotti et L. Gabolde, Nouvelles donnes sur la Ouadjyt , Karnak xi, 2003, p. 256-257, 301-303 et l. iia.

    149 Db1.e.1-5

    et Db2.2

    Azim 1981-1984 M. Azim, Recherches archologiques dans la zone centrale du temple dAmon-

    R Karnak, 1982-1984 , en annexe du prsent ouvrage, p. 330-375.

    150 Cr6.s Azim 1982 M. Azim, Recherches archologiques dans la zone centrale du temple

    dAmon-R Karnak, 1982-1984 , en annexe du prsent ouvrage, p. 248-260.

    151 Db2.s Azim 1983 M. Azim, Recherches archologiques dans la zone centrale du temple

    dAmon-R Karnak, 1982-1984 , en annexe du prsent ouvrage, p. 306-309.

    156 Db3.s Mensan 2005 R. Mensan, C. Sondages dans le troisime dambulatoire sud (ZCt/Db3.s,

    opration 156) , en annexe de louvrage, p. 416-418.

    158 Cm Mensan 2005 R. Mensan, D. Sondages autour de la plate-forme en grs

    (CM, opration 158) , en annexe de louvrage, p. 419-426.

    159 Db1.s. et

    Db1.s.6-7

    Mensan 2005 R. Mensan, Les dpts de fondation des constructions lies la cour sud

    du 6e pylne , dans F. Burgos et Fr. Larch, La chapelle Rouge. Le sanctuaire de barque dHatshepsout, volume ii, erC, 2008, p. 127-144.

    160 Cr6.s Mensan 2006 R. Mensan, Les dpts de fondation des constructions lies la cour sud

    du 6e pylne , dans F. Burgos et Fr. Larch, La chapelle Rouge. Le sanctuaire de barque dHatshepsout, volume ii, erC, 2008, p. 127-144.

    161 Cr6.s et

    Cr6.s.1

    Mensan 2006 R. Mensan, Les dpts de fondation des constructions lies la cour sud du

    6e pylne , dans F. Burgos et Fr. Larch, La chapelle Rouge. Le sanctuaire de barque dHatshepsout, volume ii, erC, 2008, p. 127-144.

    165 Db2.n.2 Charloux 2006 G. Charloux, E. Sondages dans la seconde salle du deuxime dambulatoire

    nord de la zone centrale (ZCt/Db2.n.2), opration 165 , en annexe de louvrage,

    p. 427-438.

    170 Db1.n et

    Db1.n.8

    Mensan 2006 R. Mensan, G. Sondages dans les magasins nord et sud de la cour du Moyen

    Empire (opration 170 et 173, Db1.n.8 et Db1.s.8) , en annexe de louvrage,

    p. 443-452.

    171 Cr5.s.1 Mensan 2006 R. Mensan, H. Sondage dans la cour sud du ve pylne (Cr5.s, opration 171) , en annexe de louvrage, p. 459.

    172 Db2.s Mensan 2006 R. Mensan, G. Sondages dans les magasins nord et sud de la cour du Moyen

    Empire (opration 170 et 173, Db1.n.8 et Db1.s.8) , en annexe de louvrage,

    p. 456.

    173 Db1.s, Db1.s.8

    et

    Db2.s

    Mensan 2006 R. Mensan, G. Sondages dans les magasins nord et sud de la cour du Moyen

    Empire (opration 170 et 173, Db1.n.8 et Db1.s.8) , en annexe de louvrage,

    p. 453-455.

  • 36 Karnak avant la xviiie dynastie

  • chapitre i, approche goarchologique 37

    approchegoarchologique

  • 38 Karnak avant la xviiie dynastie

    Le site archologique de Karnak se situe sur la rive droite du Nil, 3 km au nord de la ville de Louqsor. La plaine alluviale du fleuve atteint ici 9,5 km

    de largeur, borde louest par les plateaux calcaires de la montagne thbaine

    (prsentant une altitude moyenne de 500 m, pour les sommets) et lest, par

    les zones montagneuses et accidentes du dsert. Le complexe des temples de

    Karnak se trouve au milieu de cette plaine ; son entre principale est distante de

    545 m de la rive actuelle du Nil (fig. 8).

    La position dun ensemble architectural aussi vaste, situ au centre de

    la plaine dinondation dun des plus grands fleuves du monde, conduit naturelle-

    ment sinterroger sur la relation entre lvolution spatio-temporelle de ce fleuve

    et limplantation des constructions. Bien que stabilis par les barrages et autres

    systmes de canalisations, lenvironnement du site de Karnak joue encore un rle

    primordial dans son dveloppement.

    Durant lAntiquit, la situation tait assurment diffrente. Le Nil,

    puissant fleuve et lment perturbateur de la topographie gyptienne, modifiait

    sans aucun doute laspect gnral de la rgion, ce qui impliquait la fois une

    connaissance de ses ractions et une perptuelle adaptation architecturale. G.

    A. Fasseta exprime trs bien les contraintes lies loccupation dune plaine

    alluviale et la ncessit dune dmarche pluridisciplinaire pour les mettre en

    vidence : Les plaines alluviales sont considres comme des milieux attrac-

    tifs et ce, malgr le risque hydrologique (risque qui se dcompose en trois

    sous-catgories : le risque phratique nappes hautes/drainage, salinisation des

    sols en liaison avec la mise en valeur agricole , le risque drosion et le risque

    dinondation) 1. En ralit, les contraintes naturelles auxquelles lHomme a

    d sadapter y sont nombreuses. Les textes de lpoque pharaonique jusquau

    xixe sicle relatent abondamment les inondations du temple, suite aux crues

    du Nil 2. La topographie, la situation et lvolution du temple de Karnak sont

    irrmdiablement lies aux ractions du fleuve et sa formidable puissance

    sdimentaire. Lun des objectifs des recherches goarchologiques est prcis-

    ment de dterminer limportance des contraintes naturelles chaque tape de

    loccupation des rives dun cours deau. Ces contraintes sexpriment travers un

    bilan en eau et en sdiments (crue ou basses eaux). La difficult tient au fait

    que les actions anthropiques concourent plus ou moins directement ce bilan

    hydrosdimentaire, ce qui perturbe la dtermination des paramtres naturels

    1. Rfrence lectronique G. Arnaud-Fassetta, La goarchologie fluviale , EchoGo 4, 2008, [En ligne], mis en ligne le 05 mars 2008. URL : http://echogeo.revues.org/index2187.html.

    2. C. Traunecker, Les mouvements des eaux phratiques Karnak , Kmi xx, 1970, p. 195-211.

  • chapitre i, approche goarchologique 39

    Ermant

    Td

    Louqsor

    Karnak

    Mdamoud

    Mdinet Habou

    Deir el-Bahari

    ancienne le aux bananes

    le aux crocodiles

    0 5 10 km

    0 150 300 km

    Karnak

    Le Caire

    Fig. 8, Cartes de lgypte et des sites de la rgion thbaine discuts dans le texte

    (climat, gologie) lis a lvolution des milieux fluviaux. Ds lors, tenter de cer-

    ner la part de lanthropisation et du climat dans lvolution des milieux fluviaux

    savre tre une tche difficile 1.

    Le dveloppement dune dmarche pluridisciplinaire, croisant les

    sources historiques, archologiques et environnementales savre important

    afin de contextualiser les diffrentes occupations. Les modifications hydrolo-

    giques doivent tre tudies partir des attestations historiques et des donnes

    sdimentaires acquises lors des fouilles. La restitution palohydrographique

    1. G. Arnaud-Fassetta, op. cit., 2008.

  • 40 Karnak avant la xviiie dynastie

    du fleuve ncessite aussi bien lutilisation de donnes textuelles et iconogra-

    phiques anciennes, que les images rcentes (images satellitaires, photographies

    ariennes et cartes), les relevs de terrain et les informations fournies par les

    carottages gologiques.

    Dans le cadre de cet ouvrage sur les premiers amnagements de la zone

    centrale du temple de Karnak, il nous semble indispensable de croiser les don-

    nes archologiques et environnementales pour valuer le milieu dans lequel les

    premiers amnagements de cette zone se sont implants. Prcisons que ce type

    de dmarche nest nullement novateur et que, aux cours des dernires dcennies,

    la gomorphologie fluviale a eu de nombreuses applications dans le vaste champ

    des interactions entre les socits et leur environnement 1.

    Les tudes gyptologiques et architecturales effectues sur les monu-

    ments de la zone centrale jusquau ier pylne montrent de manire frappante une

    volution progressive de lemprise du temple de Karnak vers louest, chaque sou-

    verain ajoutant progressivement des difices en direction du cours du Nil actuel.

    Ce premier constat concerne les monuments encore en place, et en particulier

    ceux du Nouvel Empire et des poques tardives. Pourtant, nous savons aussi,

    daprs les sources crites, que des monuments plus anciens ont exist Karnak

    notamment durant le Moyen Empire et la Deuxime priode intermdiaire.

    Les observations goarchologiques effectues partir de nos sondages semblent

    montrer que linstallation des premiers difices est en relation avec une hydrogra-

    phie trs diffrente de lactuel cours du Nil et que laccroissement du temple vers

    louest aux poques rcentes a t induit par un changement du paysage.

    Afin de replacer le site de Karnak dans son environnement ancien, un rappel des donnes gographiques concernant le fleuve sera tout dabord propos.

    Nous tenterons, plus particulirement, de dcrire le fonctionnement dun fleuve

    tel que le Nil partir des tudes gomorphologiques et paleoenvironnementales

    ralises dans son delta et dans sa valle. La mthode utilise est le croisement de

    renseignements issus de carottages (pour caractriser les formations superficielles

    et dfinir leur mode de dpt) avec les indications fournies par les photos satel-

    lites, et avec les attestations textuelles et iconographiques, afin didentifier les

    anciens rseaux hydrographiques. Lobjectif recherch est la mise en lumire de

    la mobilit du Nil au cours de lhistoire, qui a model le paysage et conditionn

    les occupations dans la plaine alluviale.

    1. G. Arnaud-Fassetta, op. cit., 2008.

  • chapitre i, approche goarchologique 41

    Fig. 9, Plan de la zone centrale du temple dAmon-R : localisation des coupes archologiques

    IVII

    II

    III

    IV

    V

    VI

    10 20 m0Nord

    CFEETK / CNRS

  • 42 Karnak avant la xviiie dynastie

    Cette mthode, qui est utilise pour la modlisation palo-hydrologique en Basse

    gypte 1, a t applique pour la premire fois en Haute gypte, Thbes-Est,

    par une quipe de chercheurs sous la direction de J. Bunburry et A. Graham. Les

    derniers rsultats publis mettent en vidence une migration du fleuve contrainte

    par la cration de bancs de sables lors de phnomnes de crues, et apportent des

    informations primordiales pour la localisation des premiers amnagements de

    Karnak 2. Les chercheurs britanniques privilgient une mthode goarcholo-

    gique, partir des rsultats de carottages multiples cibls, afin de comprendre

    limplantation des temples dans le paysage antique.

    De notre ct, nous avons choisi dappliquer une dmarche goar-

    chologique la zone centrale, sajoutant des objectifs initiaux dordre chrono-

    stratigraphique. En effet, il sagissait de rvaluer, en premier lieu, la chronologie

    des monuments en grs par louverture de sondages. En second lieu, la dcou-

    verte de nombreuses arases en brique crue 3, sous les constructions du Nouvel

    Empire, nous a naturellement conduit approfondir les sondages. La stratigra-

    phie observe sous ces amnagements a rvl une formation sableuse voquant

    clairement des dpts nilotiques. Cette formation accusant un fort pendage vers

    louest au niveau du vie pylne rvle une palotopographie hrite dun bras

    du fleuve, impliquant une migration de celui-ci avant les premires installations.

    Dans les pages qui suivent, nous allons galement essayer de soutenir

    lhypothse que les amnagements du temple se sont progressivement dvelop-

    ps vers louest, profitant de laggradation des berges due aux migrations du Nil.

    La cartographie des formations naturelles a t effectue laide dun systme de

    go-rfrencement des relevs sur le logiciel Autocad, permettant la ralisation de longues coupes longitudinales et transversales (fig. 9). Celles-ci illustrent la

    topographie des formations et rvlent la prsence dune butte sdimentaire

    sur laquelle se concentrent les amnagements en brique crue.

    1. C. Lutley et J. Bunbury, Nile on the move , ea 32, 2008, p. 3-5.2. J. M. Bunbury, A. Graham et M. A. Hunter, Stratigraphic Landscape Analysis : Charting the Holocene Movements of the Nile at Karnak through Ancient Egyptian Time , Geoarchaeology 23, 2008, p. 351-373.3. Voir chapitres II et III.

  • chapitre i, approche goarchologique 43

    Le Nil et sa plaine alluviale

    rappel des connaissances actuelles 1

    La valle du Nil 2

    Avec une longueur de 6 700 km, le Nil est le plus grand fleuve du monde.

    Il se dveloppe travers le nord-est de lAfrique, partir de 35 de latitude jusqu

    la mer Mditerrane. La source du principal affluent du fleuve, le Nil Blanc, se

    situe en Afrique quatoriale dans la rgion des grands lacs. Il est rejoint par deux

    autres affluents importants, le Nil Bleu hauteur de Khartoum au centre du

    Soudan, et lAtbara dans le nord du Soudan.

    Le Nil parcourt 1 350 km en gypte ; il coule en gnral prs de la

    falaise de la rive droite, sensiblement plus leve que celle de la rive gauche, o

    cultures, villages et villes se concentrent prferentiellement. laval dAssouan

    et jusquau Caire, le fleuve occupe une plaine alluviale de 10 km de largeur

    moyenne, borde de deux hautes falaises. Les wadis venus de lest sont impor-

    tants ; drainant les massifs cristallins, ils peuvent avoir des crues brutales lorsque

    se produisent des orages violents. Les wadis de la rive ouest sont beaucoup plus

    modestes et leur lit est frquemment ensabl. Entre Assouan et Louqsor les

    falaises sont gnralement tailles dans des roches crtaces peu rsistantes, grs

    ou marnes. partir du coude de Qna et jusquau Caire, la valle sencaisse dans

    le plateau de calcaire ocne, et cest une falaise imposante pouvant dpasser

    300 m dans la rgion de Qna qui le borde de part et dautre.

    Le rgime actuel du fleuve sest install il y a 200000 ans ; ce cours

    traversant une zone hyperaride et rythm par des crues estivales ne possde

    aucun affluent sur le territoire gyptien 3. Le lit actuel du fleuve a une largeur

    moyenne oscillant entre 800 et 1 000 m, et une profondeur maximale denviron

    10 12 m 4. Comme cest le cas de toute plaine alluviale, le lit de la rivire est

    en constante migration. Ces dplacements latraux successifs ont cr de nom-

    breuses les et de bancs de sable qui sont continuellement remodels, rods puis

    progressivement intgrs lune ou lautre de ses berges. Depuis la construction

    du haut barrage dAssouan, ces processus sont toutefois largement attnus.

    1. J. Besancon, Lhomme et le Nil, Gallimard (Gographie Humaine), Paris, 1957, p. 29-33 ; R. Zaki, Pleistocene evolution of the Nile Valley in Northern Egypt , Quaternary Science Reviews, 2007, p. 2883-2896.2. P. Sanlaville, Le Moyen Orient Arabe, le milieu et lhomme, Paris, 2000, p. 145-160.3. C. Hillier, J. Bunbury et A. Graham, Monuments on migrating Nile , Jas 34, 2007, p. 1011-1015.4. K. W. Butzer, Early Hydraulic Civilization in Egypt, Chicago, 1996.

  • 44 Karnak avant la xviiie dynastie

    Fonctionnement dune plaine alluviale (fig. 10) 1

    Les paysages alluviaux sont des environnements en constante modification, sou-

    mis aux alas du cours deau qui les traverse. Le fleuve transporte dimportantes

    quantits de sdiments tout au long de son parcours, qui se dposent selon la

    morphologie du chenal. Il y a autant de processus de sdimentation que dro-

    sion (ablation, transport et accumulation de sdiment).

    La morphologie de la plaine alluvialeLa morphologie des plaines alluviales est domine par la prsence dun

    ou plusieurs chenaux (actifs ou hrits) qui occupent les lits mineurs mais aussi

    les lits majeurs priodiques ou pisodiques. La morphologie des chenaux varie

    selon la dynamique des flots : ils peuvent tre rectilignes (dynamique modre)

    ou anastomoss (dynamique rapide). Dans le cas du Nil, le type de chenal est

    appel mandre fluviatile. Cest un type intermdiaire, plus ou moins sinueux

    marqu par des bancs de progradation latrale sur les berges convexes et lappa-

    rition des bancs longitudinaux 2.

    Les dpts sdimentairesLes mcanismes des dpts fluviatiles dpendent de la vitesse et de

    la turbulence des eaux. Dans le cas des chenaux mandres, leau scoule de

    manire diffrente selon que lon se place du ct convexe ou du ct concave

    de celui-ci.

    Du ct concave, leau a une dynamique plus importante et rode la

    berge du chenal, qui migre vers lextrieur du mandre en dessinant une cour-

    bure de plus en plus marque. Comme H. Chamley lexplique : Lors des crues,

    le dbordement du flot saccompagne dune diminution brutale de la comp-

    tence des eaux, ce qui provoque un dpt rapide sur les berges du chenal, en

    couches horizontales formant digue naturelle 3.

    En revanche, la dynamique est moins importante sur la partie

    convexe. Le fleuve y dpose donc des sdiments crant ainsi des accumulations

    de sables appeles barres . La barre saccrot latralement en mme temps que

    1. Cette sous-partie vise noncer les principes simplifis du fonctionnement dune plaine alluviale, avec lobjectif de dcrire le milieu dans lequel se sont installs les temples de Karnak. Nous rappelons toutefois que notre approche gomorphologique est limite et

    sapplique seulement une petite partie du complexe religieux, savoir la zone centrale du temple dAmon. Il nous semble que les

    tudes environnementales devront tre mieux prises en considration lavenir, et quelles doivent tre gnralises sur le site de Karnak.

    Ltat actuel des recherches permet seulement, pour linstant, de mettre en lumire limpact de cet environnement dans lvolution

    des temples. Pour plus de prcisions concernant le fonctionnement des courants fluviaux, nous renvoyons M. Derruau, Prcis de Gomorphologie, Paris, Masson, 1988 (7e dition), p. 92-143.2. H. Chamley, Bases de sdimentologie, Dunod, Paris, 2000, p. 141.3. Ibid., p. 145.

  • chapitre i, approche goarchologique 45

    Rive convexe :sdimentation

    Rive concave :rosion

    progradation

    Remplissage d'un chenal par accrtion latrale d'un lobe de mandre

    Sables

    Argiles et limons

    Mandre abandonn

    Chenal

    Chenal

    Lobe de mandre

    Sables

    Argiles et limons

    Formation de banc de sable

    Plaine alluviale aprs migration du cours d'eau

    La valle du Nil, Haute gypte

    Meandre de Qna

    Temple de Karnak

    Fig. 10, Schma de fonctionnement du Nil

  • 46 Karnak avant la xviiie dynastie

    la migration du mandre (sdimentation latrale). Elle est constitue de sable

    dispos en litage oblique, le fond du chenal tant pav de galets. Ces barres qui

    sont en fait des bancs de sables se retrouvent actuellement tout le long du Nil et

    constituent les chapelets dles dissmines dans les courbes du fleuve.

    En terme de granulomtrie le sdiment charri par le cours deau est

    relatif la dynamique du fleuve. Sur le fond, le lit est form principalement de

    graviers, de galets et de sables grossiers, quon ne retrouve pas sur les berges, car

    le dbit est important et linaire au milieu du chenal et donc susceptible de trans-

    porter la fraction grossire. Sur les berges, les dpts sont constitus de sables ou

    de limons selon lintensit des dbordements et la morphologie des leves.

    LinondationLe cours dun fleuve, ou lit mineur, est dlimit par des leves

    qui le sparent de la plaine dinondation couverte de dpts fins. Le fleuve

    peut changer son cours lors de fortes crues ou du niveau trs lev des eaux.

    Laugmentation du dbit du cours deau, qui se traduit par un exhaussement

    du cours du fleuve, mais aussi de la nappe phratique dans la plaine alluviale,

    peut engendrer le dbordement du fleuve de son lit.

    Le changement de chenal du fleuve

    Le courant plus rapide tend devenir moins sinueux et attaque les

    berges des mandres, dont il ne parvient plus pouser les contours. Il en rsulte

    une rupture frquente des berges et linvasion du cours majeur du fleuve par les

    eaux ayant pour consquence lrosion des terrasses alluviales quelle inonde.

    Cette premire phase de linondation est le principal agent modificateur de

    la plaine alluviale. Cest ce moment que le cours du fleuve peut changer de

    chenal et abandonner sa position initiale, laissant sur la plaine le vestige de son

    ancien cours.

    Lors de linondation, le sdiment se dpose diffrents endroits

    de la plaine. Ce processus est plus intense lorsque le flot samortit et que lon

    observe une cessation graduelle de linondation. Les eaux retournent progressive-

    ment vers le chenal dposant tout le matriel en suspension 1, nappant de limon

    les terrasses de la plaine alluviale.

    1. Le Nil est un fleuve qui charrie une charge annuelle de limon en suspension, estime 57 millions de tonnes, avec une amplitude selon les annes allant de 40 100 millions de tonnes (R. Said, The River Nile : Geology, Hydrology and Utilization, Pergamon Press, Oxford, 1993). Le transport des sdiments par les cours deau est souvent nomm transport solide. Il prend deux formes bien diffren-

    cies : le charriage et la suspension. Le charriage est un transport sur le fond du lit, par roulement ou saltation, qui correspond en gnral

    aux alluvions les plus grossires des sables jusquaux blocs, tandis que la suspension est le transport entre deux eaux qui concerne les

    particules fines : argiles, limons, parfois sables dans les rivires les plus rapides.

  • chapitre i, approche goarchologique 47

    Loriginalit du cours du Nil consiste en sa forte mobilit au fil du temps. Il en

    rsulte la prsence dun hritage hydrologique dans le paysage, tels que des palo-

    chenaux modifiant lenvironnement dans la plaine. Le complexe de Karnak se

    trouve en amont dun mandre du fleuve, le coude de Qna. Donc, ajoute la

    sdimentation verticale de dpt fin li la crue, seffectue une sdimentation

    latrale de dpts grossiers. Il en rsulte la formation de bancs de sable, crant

    des terres merges qui peuvent tre englouties la prochaine crue ou qui, au

    contraire, peuvent persister et tre absorbes par les berges, contraignant ainsi le

    cours deau migrer.

    Lvolution de ce paysage hrit de la migration du fleuve, par rosion

    naturelle ou par lamnagement anthropique, permet ainsi la cration de terres

    exploitables.

    Un milieu en constante volution favorable a loccupation

    Malgr linstabilit saisonnire de ces terres amnageables, une occupation pr-

    coce des rives est atteste par larchologie, les premiers tablissements connus

    remontant la priode prdynastique (4200-3000 av. J.-C.) 1. Il est vident que

    les populations sdentaires ayant depuis lors occup les rives du Nil taient par-

    faitement adaptes ce fonctionnement sauvage du fleuve et savaient coloniser

    ces nouvelles terres pour les exploiter.

    La majorit des sites des plaines alluviales ne sont pas prservs ou sont

    couverts par une paisse couche dalluvions les rendant inaccessibles. Dans le Delta,

    les indices doccupations prdynastiques se trouvent plusieurs mtres sous la sur-

    face actuelle de la plaine alluviale 2. De manire gnrale, les sites archologiques

    sont situs dans la valle, en bordure du dsert adjacent la plaine dinondation.

    Les donnes les mieux conserves concernent la priode pharaonique et sont, en

    majorit, des vestiges darchitecture monumentale en pierre. Notre connaissance

    de linstallation de populations autour du Nil est donc tributaire de lvolution

    gomorphologique de sa plaine dinondation.

    Dans le Delta, les sources historiques et archologiques dcrivent des

    modifications rcentes de sa morphologie engendrant le dplacement des tablis-

    sements en fonction de la transformation du paysage 3. Les changements les plus

    remarquables sont la disparition et lapparition de plusieurs chenaux maintenant

    1. P. Sanlaville, op. cit., 2000, p. 158.2. F. A. Hassan, The dynamics of a riverine civilization : A geoarchaeological perspective of the Nile valley, Egypt , World Archaeology 29, n 1 (riverine archaeology), 1997, p. 51-74.3. Ibid., p. 61.

  • 48 Karnak avant la xviiie dynastie

    bien cartographis. Au ve sicle avant notre re, Hrodote 1 mentionne lexis-

    tence de trois branches principales du Nil : la Plusiaque, la Sbennitique

    et la Canopique et quatre chenaux secondaires : le Satique, le Mendsien,

    le Bucolique et le Bolbitique. On sait que, partir de lpoque ptolmaque et

    surtout lpoque romaine, lanthropisation sest accentue. Leurs eaux ont pro-

    gressivement t dtournes vers les branches Bolbitique (Rosette) et Bucolique

    (Damiette), qui sont lheure actuelle maintenues artificiellement, alors que les

    autres ont t transformes en canaux 2. Ces mouvements, rcents lchelle go-

    logique, et bien documents dans le Delta, sont en revanche mal connus pour le

    reste du cours du Nil.

    Cas symptomatiques de modification du cours du NilCertains gyptologues transposent le cours actuel du Nil au temps

    archologique, pour leurs besoins de description du fonctionnement dun site ou

    afin daborder le problme de la contextualisation 3. Ceci est d la mconnais-

    sance du comportement dun fleuve et de ses implications sur les installations

    au bord des berges. De nombreuses mentions modernes et antiques attestent

    de cette constante migration du Nil, et rvlent lvidence un environnement

    radicalement diffrent. Un exemple dvolution paysagre lie aux changements

    du lit majeur du fleuve a t mis en vidence dans la rgion cairote entre 942-1281,

    priode durant laquelle une migration du cours du Nil vers louest a eu pour effet

    lintgration de plusieurs les la berge est 4. Ce dplacement du lit du fleuve

    concide avec les pisodes majeurs de faibles inondations connues entre 930-1070

    et 1180-1350 de notre re 5. De nombreuses zones du Caire actuel situes dans la

    rgion nord-ouest se trouvaient, dans lAntiquit, au milieu du Nil et taient,

    bien videmment, impropre loccupation.

    Dans le cas de la rgion thbaine, des documents illustrs et des cartes

    montrent, avec vidence, des modifications de la topographie lies des phases

    de migration du lit majeur du Nil 6. Un bon exemple de cette volution est le cas

    de lle dite aux bananes ou Al-Bayadiyyah, environ 3 km au sud de Louqsor,

    o une ancienne le fut incorpore la rive est comme lont montr A. Graham

    et J. Bunburry 7.

    1. Hrodote, Histoire, livre II, & 15 et 17.2. F. A. Hassan, op. cit., 1997 ; P. Sanlaville, op. cit., 2000.3. S. Aufrre, J.-C. Golvin et J.-C. Goyon, Lgypte restitue, sites et temples de haute gypte (1650 av J.-C.-300 ap. J.-C.), tome 1, Ed. Errance, Paris, 1991 ; J. Baines et J. Malek, Atlas of Ancient Egypt, Paris, 2002.4. A. Raymond, Le Caire, Paris, 1993.5. F. A. Hassan, op. cit., 1997, p. 60.6. A. Graham et J. Bunbury, The ancient landscapes and waterscapes of Karnak , ea 27, 2005, p. 17-19.7. Ibid.

  • chapitre i, approche goarchologique 49

    De nombreuses fluctuations du Nil dans la rgion de Louqsor peuvent tre docu-

    mentes depuis les travaux des gographes de Bonaparte la fin du xviiie sicle.

    La carte de Louqsor montre clairement, cette poque, la prsence de deux les

    la hauteur du complexe des temples de Karnak, dont lune est nomme Jazirah

    Uruzieh 1. Quarante ans aprs le passage de lexpdition dgypte, on constate

    que ces deux les nen forment plus quune sur le relev de la rgion de Thbes

    par K. R. Lepsius 2. lheure actuelle, cette le a entirement disparu.

    Les mouvements antiques du Nil : les travaux rcents sur la rgion thbaine 3

    Lenvironnement du complexe de Karnak, en particulier la situation du fleuve,

    tait certainement fort diffrent dans lAntiquit, comme lattestent les modifi-

    cations rcentes du cours du Nil.

    Afin de pouvoir restituer le paysage de la plaine alluviale hauteur des

    temples de Karnak, J. Bunbury et A. Graham ont pratiqu une srie de carottages

    la tarire dans lenceinte et autour du complexe de Karnak 4. Ces chercheurs

    envisagent, titre dhypothse, que limplantation des monuments de Karnak est

    en relation avec les anciennes positions du Nil. Quand le Nil migre, de nouveaux

    terrains constructibles deviennent disponibles. Ainsi, le quai se situant lentre

    du temple, devant le premier pylne, rcemment dgag par le Csa 5, consti-

    tuerait un amnagement des berges du Nil lpoque de sa construction 6.

    Lanalyse granulomtrique des sdiments contenus dans les carottes permet aux

    gologues de dfinir le mode de dpt des couches traverses. Les dpts de

    1. Description de lgypte ou recueil des observations et des recherches qui ont t faites pendant lexpdition de larme franaise, Paris, Volume II (Antiquits, Planches), 1812, pl. I.

    2. K. R. Lepsius, Denkmler aus gypten und thiopien : nach den Zeichnungen der von Seiner Majestt dem Knige von Preussen Friedrich Wilhelm iv nach diesen Lndern gesendeten und in den Jahren 1842-1845. ausgefhrten wissenschaftlichen Expdition auf Befehl Seiner Majestt. Berlin, Nicolaische Buchhandlung, 1849, Abtheilung I, Band II, pl. 73 (ou consultation en ligne : http://edoc3.bibliothek.uni-halle.de/lepsius/).3. A. Graham et J. Bunbury, op. cit., 2005 ; C. Hillier, J. Bunbury et A. Graham, op. cit., 2007 ; J. M. Bunbury, A. Graham et M. A. Hunter, op. cit., 2008, p. 351-373.4. Ibid., p. 351 : Geological analysis of 5-10-m-long sediment cores in the context of the anthropologically derived materials within them has allowed us to identify ancient landscape features in the Theban area around Luxor, Egypt. From these observations we propose a sequence of island formation and northwestward movement of the Nile from the Middle Kingdom onward in the area of the temple complexes of Karnak. The geoarchaeological techniques used appear to document the Holocene lateral migration and vertical aggradation of the Nile. Our method can be used to test postulated movements and is applicable to sites in river or coastal plains where sediments were being deposited during the occupation of the site. The sediments were sieved to retrieve sherds and numerous other small items (2 mm and larger), which included worked stone fragments, rootlet concretions (rhizocretions), desert polished sand grains, and occasionally beads. The small stone fragments can be cor-related with buildings and sherds of known age within the site, while the rhizocretions and desert sand grains indicate environmental conditions prevailing at the time of deposition .5. Conseil Supreme des Antiquits, responsable : Mansour Boraik (Csa), collaborateurs : Salah el-Masekh, El-Tayeb Gharib, Mohamed Hatem et Saad Bakheit (Csa).

    6. M. Boreik et alii., Fouilles du conseil Suprme des Antiquits gyptiennes sur le parvis du temple , dans M. Boreik et C. Thiers, Rapport dactivit du Cfeetk, saison 2008, 2009, http://www.cfeetk.cnrs.fr/fichiers/Documents/Report-2008-EN.pdf.

  • 50 Karnak avant la xviiie dynastie

    limon fin sont dposs lors de crues (sdimentation verticale) et ne sont gn-

    ralement pais que de quelques centimtres. En revanche, les dpts de sables

    (sdimentation latrale) se forment dans le chenal principal ; ils peuvent tre

    pais de quelques mtres et traduisent une dynamique beaucoup plus violente

    du fleuve lors de fortes crues ou lors de rcessions de crues 1. Ces accumula-

    tions de sables constituent un obstacle au cours deau pouvant constituer, une

    priode, les berges du fleuve. Ces formations sableuses peuvent donc marquer

    la prsence de palochenaux. Par consquent, la cartographie systmatique des

    formations rencontres, et notamment des sables, peut permettre lidentifi-

    cation danciennes berges du Nil et une restitution du paysage. Lquipe de

    A. Graham a ainsi prlev et analys 17 carottes dans lenceinte du complexe et

    lextrieur. Ces carottes ont t tamises afin de rcuprer la fraction anthropo-

    gnique contenue dans les chantillons. Lanalyse des fragments de cramiques

    tablit un terminus post quem 2 pour chaque dpt 3.Les coupes gnres par les analyses suggrent une expansion progres-

    sive des terres habitables Karnak vers le nord et louest depuis les premires

    occupations du site. Les carottes montrent systmatiquement des formations

    sableuses tmoins de changements forts dans la morphologie de la plaine conte-

    nant des artefacts datant ou post-datant cette progression.

    Lhypothse que la succession des amnagements dans le complexe

    de Karnak a t conditionne par lvolution du paysage lie aux mouvements

    du Nil nous semble tout a fait pertinente. Cette visualisation grande chelle

    doit pouvoir tre teste sur la zone des monuments afin de comprendre leur

    relation avec le substrat sur lequel ils sont construits et ainsi cerner lvolution

    du site. Nous avons effectu ces observations sur les sondages pratiqus dans

    la zone centrale.

    1. J. M. Bunbury, A. Graham et M. A. Hunter, op. cit., 2008, p. 357 : These are deposited in a single event (e.g., recession of the flood) and usually represent a timescale of a few weeks .2. Cd. la limite aprs laquelle a eu lieu le dpt.3. Ibid., p. 352 : To constrain the time of deposition of the sediments, Dr. Sally-Ann Ashton and Dr. Irmgard Hein studied the ceramic frag-ments and building and decorative materials found in the sediment cores. The content of any given sediment can only be used to provide a date after which the deposit was laid down (post quem) ; that is, a sand containing Middle Kingdom sherds must have been deposited during or after the Middle Kingdom .

  • bibliographie 511

    bibliographie

  • 512 Karnak avant la xviiie dynastie

    Abrviations

    Rfrences principales

    M. Azim, Recherches archologiques : M. Azim, Recherches archologiques

    dans la zone centrale du temple dAmon-R Karnak, 1982-1984 , en annexe

    du prsent ouvrage, p. 239-289.

    G. Charloux, Karnak au Moyen Empire , 2007 : G. Charloux, Karnak au Moyen

    Empire, lenceinte et les fondations des magasins du temple dAmon-R ,

    Karnak xii, 2007, p. 191-226.

    L. Gabolde, Le Grand Chteau dAmon , 1998 : L. Gabolde, Le Grand Chteau dAmon de Ssostris ier Karnak. Mmoires de lAcadmie des Inscriptions et Belles-Lettres, Tome xvii. Diffusion de Boccard, Paris, 1998.

    E. Lano et O. de Peretti, les fouilles , 2008 : E. Lano et O. de Peretti, les fouilles

    des cours du 5e pylne , dans F. Burgos et F. Larch, La chapelle Rouge. Le sanctuaire de barque dHatshepsout. Volume ii, erC, Paris, 2008, p. 144-150.

    F. Larch, Nouvelles observations , 2007 : F. Larch, Nouvelles observations

    sur les monuments du Moyen et du Nouvel Empire dans la zone centrale

    du temple dAmon Karnak , Karnak xii, 2007, p. 407-499.R. Mensan, Les dpts , 2008 : R. Mensan, Les dpts de fondation des

    constructions lies la cour sud du 6e pylne , dans F. Burgos et F. Larch,

    La chapelle Rouge. Le sanctuaire de barque dHatshepsout, Volume ii, erC, 2008, p. 127-144.

    PM ii : B. Porter et R. L. B. Moss, Topographical Bibliography of Ancient Egyptian Hieroglyphic Texts, Reliefs, and Paintings. ii. Theban Temples, Oxford, 1972.

  • bibliographie 513

    Revues et maisons dditions

    asae : Annales du Service des Antiquits gyptiennesat : gypten und Altes Testamentavdaik : Archologische Verffentlichungen, Deutschen Archologisches Institut, Abteilung KairobCe : Bulletin de liaison du Groupe international dtude de la cramique gyptiennebifao : Bulletin de lInstitut Franais dArchologie OrientaleBitud : Bibliothque dtude, Institut Franais dArchologie Orientalebie : Bulletin de lInstitut dgyptebsg : Bulletin de la Socit dgyptologie de Genvebsfe : Bulletin de la socit franaise dgyptologieCCe : Cahiers de la Cramique gyptienneCdE : Chronique dgypte ; Bulletin priodique de la Fondation gyptologique Reine lisabethCraibl : Comptes-Rendus de lAcadmie des Inscriptions et Belles-LettresCripel : Cahiers de Recherches de lInstitut de Papyrologie et dgyptologie de Lilleea : Egyptian Archaeologyeef : The Egyptian Exploration Fund

    ees : Egyptian Exploration SocietyerC : ditions Recherche sur les Civilisations

    fifao : Fouilles de lInstitut Franais dArchologie Orientale

    GM : Gttinger Miszellenifao : Institut Franais dArchologie Orientale

    JarCe : Journal of the American Research Center in EgyptJas : Journal of Archaeological Science

    Jea : Journal of Egyptian ArchaeologyJssea : Journal of the Society of the Study of Egyptian Antiquitiesl : Lexikon der gyptologieMdaik : Mitteilungen des Deutschen Archologischen Instituts, Abteilung Kairommj : Metropolitan Museum Journal

    NarCe : Newsletter of the American Research Center in Egypt (ARCE)oiP : Oriental Institute Publications

    pUf : Presses Universitaires de Franceraph : Recherches darchologie, de philologie et dhistoire

    RdE : Revue dgyptologieRecTrav : Recueil de Travaux relatifs la philologie et larchologie gyptiennes et assyriennessdaik : Sonderschrift des deutschen archologischen Instituts, Abteilung KairoUga : Untersuchungen zur Geschichte und Altertumskunde gyptensUzkai : Untersuchungen der Zweigstelle Kairo des sterreichischen Archologischen

    Institut in Wien

  • 514 Karnak avant la xviiie dynastie

    Bibliographie

    Adam (S.)

    1959 Report on the excavations of the Department of Antiquities at Ezbet Rushdi ,

    asae 56, p. 207-226.

    Arnaudis (A.) et Laroze (E.)

    2007