Soutien santé: le défi afghan

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    Soutien sant : le dfi afghan ______________________________________________________________________

    Aline LebufFvrier 2010

    .

    FF oo cc uu ss ss tt rraa tt gg iiqq uu ee nn 11 99

    Laboratoirede Recherchesur la Dfense

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    LIfri est, en France, le principal centre indpendant de recherche,dinformation et de dbat sur les grandes questions internationales. Cr en1979 par Thierry de Montbrial, lIfri est une association reconnue dutilitpublique (loi de 1901).Il nest soumis aucune tutelle administrative, dfinit librement ses activits etpublie rgulirement ses travaux.

    LIfri associe, au travers de ses tudes et de ses dbats, dans une dmarcheinterdisciplinaire, dcideurs politiques et experts lchelle internationale.Avec son antenne de Bruxelles (Ifri-Bruxelles), lIfri simpose comme un desrares think tanks franais se positionner au cur mme du dbat europen.

    Les opinions exprimes dans ce texte nengagent que la responsabilit de lauteur.

    ISBN : 978-2-86592-676-3 Ifri 2010 Tous droits rservs

    Toute demande dinformation, de reproduction ou de diffusion peut tre adresse [email protected]

    Site Internet : www.ifri.org

    Ifri-BruxellesRue Marie-Thrse, 21

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    Focus Stratgique

    Les questions de scurit exigent dsormais une approcheintgre, qui prenne en compte la fois les aspects rgionaux et globaux,les dynamiques technologiques et militaires mais aussi mdiatiques ethumaines, ou encore la dimension nouvelle acquise par le terrorisme ou lastabilisation post-conflit. Dans cette perspective, le Centre des tudes descurit se propose, par la collection Focus stratgique , dclairer par

    des perspectives renouveles toutes les problmatiques actuelles de lascurit.

    Associant les chercheurs du centre des tudes de scurit de lIfri etdes experts extrieurs, Focus stratgique fait alterner travauxgnralistes et analyses plus spcialises, ralises en particulier parlquipe du Laboratoire de Recherche sur la Dfense (LRD).

    Lauteur

    Aline Leboeuf est chercheur au LRD et responsable du programmesant et environnement de lIfri.

    Le comit de rdaction

    Rdacteur en chef : Etienne de Durand

    Rdacteur en chef adjoint : Marc Hecker

    Assistante ddition : Caroline Aurelle

    Comment citer cet article

    Aline Leboeuf, Soutien sant : le dfi afghan , Focus stratgique , n 19,

    fvrier 2010.

    Cette version a t mise jour le 9 juin 2010.

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    Sommaire

    Introduction _____________________________________________ 5

    Le dfi afghan ____________________________________________ 7

    Exprience de la guerre et rforme des SSA ____________ 7

    Les SSA lpreuve de la guerre asymtrique __________ 8

    Les nouveaux troubles du vent du boulet __________ 12

    Labsence de protection spcifique pour le SSA _______ 13

    Uzbin, un rle catalyseur ___________________________ 15

    Les rformes

    ___________________________________________ 17

    Renforcer la mdicalisation de lavant ________________ 17

    Prvention et prise en charge

    des blessures psychiques __________________________ 23

    Lenjeu clef des ressources humaines ______________________ 29

    Conclusion et perspectives _______________________________ 33

    Rfrences _____________________________________________ 35

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    Introduction

    On doit sadapter, sans cesse, sans cesse. 1

    Le principal problme de la mdecine militaire est que nous avons vcu de nombreuses dcennies de paix o nous avons fait moins de progrs [] que le secteur civil. Cette guerre nous a permis de rattraper notre retard.

    2

    ares sont ceux qui crivent ou parlent du Service de sant des Armessans insister sur le fait quune arme doit tre capable de prendre en

    charge ses combattants blesss 3

    Les pertes subies par un contingent sur un thtre exercent uneprofonde influence sur la perception que la nation se fait de lopration.Un pic brutal de pertes ou un flux continu peuvent avoirdes consquences stratgiques.Protger les forces est donc non seulement un impratif humain, maisaussi une ncessit stratgique pour prserver ladhsion , et tactique pour assurer le succs.[] Le soutien sant [] est dabord et avant tout une obligationmorale que lEtat assume vis--vis de ses ressortissants, surtoutlorsquils sont confronts un risque accru.

    . Comme lexplique le Livre Blanc sur laDfense et la scurit nationale :

    4

    Malgr cet impratif, connu depuis lpoque romaine

    5

    Nous souhaitons remercier toutes les personnes qui ont accept de nous accorder unentretien dans le cadre de cette tude, et tout particulirement S. et T. qui ont accept decritiquer la version intermdiaire de cet article. Leurs remarques nous ont t fort utiles.

    , les servicesde sant des armes se sont avant tout dvelopps et renforcs au coursdes guerres, depuis la fin du XVIII me sicle, surtout ds lors que lesditesguerres taient mdiatises, ce qui mettait en lumire les lacunes du

    1 Entretien avec V, Service de sant des Armes, mars 2009.2 Peter Rhee, John Holcomb, Donald Jenkins, Modern Combat Casualty Care , inDavid V. Feliciano, Kenneth L. Mattox, Ernest E. Moore, Trauma , New York, McGraw-Hill, 2008 (6 me dition), p. 1134.3 M.C.M. Bricknell, N. Hanhart, Stability operations and the implications for militaryhealth services support , JR Army Med Corps , vol. 153, n1, p. 19. Egalement soulign plusieurs reprises lors de nos entretiens.4 Dfense et scurit nationale. Le Livre blanc , Paris, Odile Jacob, La Documentationfranaise, 2008, pp. 218 et 201.5 Roman generals and emperors realized that a soldier who knew his wounds would be

    looked after was more likely to fight . Jack E. McCallum, Military Medicine. From Ancient Times to the 21st Century , Santa Barbara, ABC-CLIO, 2008, p. xv.

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    soutien sant. Cette dynamique se poursuit aujourdhui avec lIrak pour lesEtats-Unis et lAfghanistan pour les pays de lOTAN.

    Le chef dtat-major des Armes, le gnral JeanLouis Georgelin,a insist plusieurs reprises, dans ses discours, sur le durcissement 6

    Le Service de sant des Armes (SSA).

    des conflits. Des oprations extrieures comme lAfghanistan mettent rude preuve toutes les armes qui y combattent parce quelles exigent demobiliser bien plus de ressources et de savoir-faire, et quelles requirentplus dinnovations sur la dure que les conflits des annes 1990. Cetteremise en cause les moyens et les capacits mobilises suffisent-ils ? touche galement les services de sant des armes, qui sont confrontseux-aussi au durcissement du conflit afghan. Ils doivent sassurer quelintervalle qui spare la blessure de la prise en charge voire durapatriement dans les pays de lOTAN est rduit au maximum, garantir lesmeilleurs soins possibles et dployer la chane mdicale permettant letraitement le plus rapide et le plus efficace. Pour la France, notamment en

    raison du rle catalyseur jou par lattaque dUzbin du 18 aot 2008,lAfghanistan a favoris la mise en place de rformes et confort celles djengages. A linstar de guerres antrieures, lAfghanistan interroge voire metau dfi les services de sant des armes (par exemple en les confrontant un type particulier de blessure, ou de nouveaux troubles du vent duboulet ) et les oblige se rformer. Ces rformes sont de deux types : dunct le renforcement de la mdicalisation lavant cherche amliorer letraitement des blesss physiques, de lautre on constate une meilleureprvention et prise en charge des blessures psychiques, notamment lesstress post-traumatiques. Toutefois, ces changements ne suffisent pas rsoudre les difficults plus structurelles poses par un cadre dinterventionaussi contraignant que lAfghanistan : le problme des ressources humaines

    risque en effet de se poser de faon croissante dans tous les services desant des armes de lOTAN.

    Cr en 1708 par Louis XIV, le Service de sant des Armes est un service interarmes 7 . Il remplit une mission duale : concourir au service public hospitalier et assurer le soutien sant des forces armes. A ce titre, sa principale mission consiste soutenir les oprations extrieures, mais il assure galement des missions de prvention et de soin des forces non projetes. Il dispose denviron 2 600 lits dans 9 hpitaux militaires en mtropole. Il est charg galement de missions spcifiques comme la prise

    en charge des blesss en ambiance nuclaire, radiologique, biologique et chimique (NRBC). Son plafond demplois autoriss en 2009 tait de 15 992 quivalents temps plein, dont deux tiers de militaires pour un budget de 1,8 milliard deuros 8

    6 Commission de la dfense nationale et des forces armes, Audition du Gnral darme JeanLouis Georgelin, chef dtatmajor des armes , sur le projet de loi definances pour 2009, Mercredi 8 octobre 2008, Compte rendu n 7,

    .

    http://www.assemblee.tv/13/cr-cdef/08-09/c0809007.asp , consult le 25 janvier 2010.7 Le Service de sant des armes , www.freresdarmes.org/pdf/6.pdf , consult le 25

    janvier 2010.8 Snat, Projet de loi de finances pour 2010 : Dfense , VI. Le Service de sant des

    Armes , http://www.senat.fr/rap/l09-101-3-8/l09-101-3-844.html , consult le 26 janvier2010.

    http://www.assemblee.tv/13/cr-cdef/08-09/c0809007.asphttp://www.assemblee.tv/13/cr-cdef/08-09/c0809007.asphttp://www.freresdarmes.org/pdf/6.pdfhttp://www.freresdarmes.org/pdf/6.pdfhttp://www.freresdarmes.org/pdf/6.pdfhttp://www.senat.fr/rap/l09-101-3-8/l09-101-3-844.htmlhttp://www.senat.fr/rap/l09-101-3-8/l09-101-3-844.htmlhttp://www.senat.fr/rap/l09-101-3-8/l09-101-3-844.htmlhttp://www.senat.fr/rap/l09-101-3-8/l09-101-3-844.htmlhttp://www.freresdarmes.org/pdf/6.pdfhttp://www.assemblee.tv/13/cr-cdef/08-09/c0809007.asp
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    Le dfi afghan

    e sont les guerres et surtout leur mdiatisation qui ont suscit desinnovations permettant damliorer la prise en charge mdicale des

    combattants depuis deux sicles. Aprs une priode de paix relative depuisla fin des guerres de dcolonisation et du Vietnam, les guerres dIrak puisdAfghanistan ont impos aux services de sant des armes occidentalesune remise en question et des rformes que le Liban, la Somalie ou la

    Bosnie navaient pas suffi entraner, malgr les traumatismes que cesoprations avaient pu causer.

    Aprs une mise en perspective historique, la prsentation desspcificits des guerres afghane et irakienne montre bien les nouveauxdfis auxquels sont confronts les services de sant des armes,notamment en raison des nouveaux troubles du vent du boulet et de ladifficile protection du personnel de sant sur le terrain afghan. Lexpriencede lattaque dUzbin a ainsi catalys ces difficults et renforc le processusde rforme du SSA.

    Exprience de la guerre et rforme des SSALhistoire des conflits illustre le rle central jou par lexprience concrtede la guerre dans lavancement de la mdecine comme dans la rformedes services de sant.

    La mdecine de guerre, tout comme lart militaire en gnral, tend progresser nettement plus vite en temps de guerre, la fois en sappuyantsur les avances scientifiques et technologiques civiles accumules entemps de paix, mais aussi en introduisant des innovations spcifiques, quilsagisse de lexprience accumule par Larrey pendant les guerresnapoloniennes ou des progrs considrables raliss en chirurgie et dansle soin des maladies pendant la Premire Guerre mondiale. Toutefois, cesprogrs ne concernent pas seulement la technique mdicale proprementdite, mais tiennent galement lorganisation des services de sant, laguerre agissant, en effet, comme un rvlateur de leurs insuffisances. AuXIXme sicle, au moins trois exemples peuvent tre avancs. Dans le casde la guerre de Crime, le froid et de la dysenterie causent un nombre trsimportant de victimes. Suite au travail des premiers correspondants depresse sur un terrain de guerre, lopinion est alerte, et des infirmires sontrecrutes, avec pour consquence une amlioration drastique des soinshospitaliers pour les malades et les blesss 9

    9 Jack E. McCallum, op. cit. , p. xx.

    . Plus tard, durant la guerre de1898 entre lEspagne et les Etats-Unis, tant dhommes meurent de la

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    typhode dans les camps dentranement du sud que la Commissiondaprs-guerre Dodge demande une refonte complte de lU.S. Army Medical Department . Cette rorganisation permet l Army de disposer dedavantage de chirurgiens, dun corps din firmiers et de meilleuresressources lorsque dbute la guerre suivante 10 . La guerre des Boers agalement entran des consquences juges inacceptables sur la santdes recrues britanniques : 14 000 meurent de maladies, dont 8 000 dedysenterie, contre 5 774 de blessures ou daccidents. L-encore, cescandale entrane toute une srie de rformes aprs-guerre 11 . La PremireGuerre mondiale est galement riche denseignements pour le Service desant des Armes. Lvacuation rapide des blesss est par exempleabandonne parce que trop meurtrire. En contrepartie, le service sanitaireest rapproch du front avec, terme, un hpital dvacuation pour chaquecorps darme. 12 Plus gnralement, les progrs des services de sant desarmes se poursuivent jusqu aujourdhui : pendant la Deuxime Guerremondiale, 30 % des Amricains blesss au combat dcdent, puis 24 % au

    Vietnam et seulement 10 % en Irak et en Afghanistan (du moins jusquen2004). 13

    Les SSA lpreuve de la guerre asymtrique

    Toutefois, et contrairement aux progrs continus raliss par la mdecinecivile, les amliorations en matire de traitement et dvacuation desblesss de guerre dpendent dabord de la capacit des SSA sadapteraux environnements conflictuels dans lesquels ils sont engags. Parrapport aux oprations de paix des annes 1990, lIrak et lAfghanistanconstituent une rupture relle qui a exerc un impact dcisif sur lesservices de sant des armes, y compris franais. Ces conflits

    asymtriques entranent des exigences spcifiques, quil sagisse dunombre de personnels de sant dploys, du type de blessures le plusfrquent ou de lchelle dintervention.

    LAfghanistan se distingue des conflits des annes 1990, horsguerre du Golfe par un pourcentage important de personnels du SSAprojets par rapport aux forces totales prsentes sur le thtre. On serapproche du taux observ pendant la premire guerre du Golfe.

    10 Ibid , p. xxi.11 Ibid , p. 50.12 Andr Corvisier, Histoire militaire de la France, Tome 3 : de 1871 1940 , Paris,PUF, 1992, p. 306.13

    Atul Gawande, Casualties of War -- Military Care for the Wounded from Iraqand Afghanistan , NEJM, vol. 351, n 24, 9 dcembre 2004, p. 2471.

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    TABLEAU 1 : Forces du SSA par rapport au total de forces projetes

    P ERIODE % DE FORCES SSA / TOTAL DE FORCES

    PROJETEES

    GUERRE DU GOLFE 10 14

    ANNEE 1990 (HORS GUERRE DU GOLFE ) 3 15

    1ER SEMESTRE 2009 7,65 16

    Chaque type de guerre et daffrontement voit apparatre en outre untype particulier de blessure. Dans le cas de lIrak et de lAfghanistan, il

    sagit des effets dus aux explosions (effet de souffle ou de blast ), souventcauses par des IED, Improvised Explosive Devices .

    TABLEAU 2 : Cause dominante de blessure

    CONFLIT CAUSE DOMINANTE DEBLESSURE

    % DESBLESSES / MORTS

    GUERRE DE SECESSION Balles 94 (blesss)

    P REMIERE GUERREMONDIALE

    Shrapnel ou artillerie 75 17

    AFGHANISTAN

    (blesss)

    IED61,11 en 2009

    (morts)

    Sur 450 morts de la Coalition en Afghanistan en 2009, 275 sont morts cause dun IED, soit 61,11 % 18. En 2008, le pourcentage tait de57,79 % ; en 2007, il tait de 42,39 ; et pour le premier mois de 2010, il estde 72,22. Le pourcentage de morts par IED va donc croissant depuis2002 19

    14 Jean Faure, Le Service de sant des Armes : les dfis de laprofessionnalisation , ra pport dinformation du Snat , n 458, 23 juin 1999,

    . Les blessures causes par leffet de souffle ou le blast sont plusdlicates soigner et stabiliser que les balles des snipers de Bosnie. Or,il est difficile dvacuer un bless non stabilis, surtout sur de longues

    http://cubitus.senat.fr/rap/r98-458/r98-4581.html , consult le 22 janvier 2010.15 Ibid .16 Le Snat, Projet de loi de finances pour 2010 : Dfense , VI. Le Service desant des Armes , http://www.senat.fr/rap/l09-101-3-8/l09-101-3-844.html , consult le 26 janvier 2010.17 About 94 percents of Civil War wounds were caused by bullets, as comparedto World War I, in which 75 percent were caused by either shrapnel or artillery, andthe Iraq War, in which the majority have thus far been blast injuries. Jack E.McCallum, op. cit. , pp. 78-79.18

    http://www.icasualties.org/OEF/index.aspx , consult le 25 janvier 2010.19 Ibid .

    http://cubitus.senat.fr/rap/r98-458/r98-4581.htmlhttp://cubitus.senat.fr/rap/r98-458/r98-4581.htmlhttp://www.senat.fr/rap/l09-101-3-8/l09-101-3-844.htmlhttp://www.senat.fr/rap/l09-101-3-8/l09-101-3-844.htmlhttp://www.icasualties.org/OEF/index.aspxhttp://www.icasualties.org/OEF/index.aspxhttp://www.icasualties.org/OEF/index.aspxhttp://www.icasualties.org/OEF/index.aspxhttp://www.senat.fr/rap/l09-101-3-8/l09-101-3-844.htmlhttp://cubitus.senat.fr/rap/r98-458/r98-4581.html
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    distances comme celles qui sparent lEurope de lAfghanistan : cela exigela prsence de moyens importants sur place pour stabiliser les blesss etsoigner au mieux ces types de blessures complexes. Comme lexplique unmdecin chef du Service de sant des Armes :

    En Bosnie, en 1992, on a eu 44 blesss par balle en 4 mois, pas demorts, 1 bless tous les 3 jours. Ils taient ramens, oprs, vacus.En Afghanistan, ce nest pas le cas. Les chances de survie sont plusfaibles. Les IED arrachent tout. 20

    Cependant, les progrs de la chirurgie et des vacuationspermettent de sauver de nombreuses vies. Dautres facteurs contribuentgalement protger la sant des combattants : une meilleure aide depremire urgence sur le champ de bataille (contrle amlior deshmorragies grce notamment aux garrots et aux pansementscompressifs) et une meilleure protection balistique

    21

    La guerre asymtrique [] a fait des blasts des IED un typedominant de blessure. Un meilleur transport et des avancesrellement phnomnales dans le domaine de la chirurgie, mis enuvre dans les heures qui suivent la blessure, ont sauv les vies dunlarge nombre de combattants qui seraient morts il y a seulementquelques annes. Une consquence malheureuse de ce succs est lenombre croissant de survivants avec des blessures considrables etsouvent invalidantes.

    . Sauver des viesimplique de savoir prendre en charge des blesss souvent gravementhandicaps :

    22

    Si certaines caractristiques de lIrak et de lAfghanistan rappellentdautres conflits tels la Bosnie, le Liban, etc., le nombre de personnestouches, blesses et devant tre soignes ou vacues relve dun autreordre de grandeur. De septembre 2001 septembre 2007, lUS Air Force avacu plus de 44 000 patients dans le cadre de lOIF ( Operation Iraqi Freedom ) et de lOEF ( Operation Enduring Freedom )

    23. En Afghanistan, lesAmricains comptent 9 496 blesss depuis 2001 24. Dans le Regional Command East en Afghanistan, on dcompte un mort tous les 4 jours, etun bless tous les deux jours lt 2009 25

    20 Entretien avec V., Service de sant des Armes, mars 2009.

    . Dans lhpital Camp Bastion,tenu par les Britanniques dans le Helmand, 623 patients ont t pris encharge en lespace de seulement trois semaines, la mi-aot 2009, dont lamoiti constitue de soldats britanniques, lautre moiti compose de

    21 Shawn C. Nessen, Dave E. Lounsbury, Stephen P. Hertz, War Surgery in Afghanistan and Iraq. A series of cases, 2003-2007 , Office of the SurgeonGeneral, Borden Institute, Walter Reed Army Medical Center, Washington, 2008,p. 6; Peter Rhee, John Holcomb, Donald Jenkins, op. cit. , p. 1108.22 Jack E. McCallum, op. cit. , p. xxii.23 Shawn Christian Nessen, Dave Edmond Lounsbury, Stephen P. Hertz, op. cit. p. 6.24http://icasualties.org/OEF/USCasualtiesByState.aspx , consult le 25 janvier

    2010.25 Entretien avec P., officier de larme de terre, Paris, janvier 2010.

    http://icasualties.org/OEF/USCasualtiesByState.aspxhttp://icasualties.org/OEF/USCasualtiesByState.aspxhttp://icasualties.org/OEF/USCasualtiesByState.aspxhttp://icasualties.org/OEF/USCasualtiesByState.aspx
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    forces de lISAF, de soldats afghans ou de civils 26 . La France a, quant elle, vacu dAfghanistan plus de 380 personnes pour raisons sanitairesdepuis 2001 27 . Certes, ces chiffres restent trs faibles compars ceux duXIXme sicle, quand les batailles gnrant des dizaines de milliers deblesss par jour savraient encore chose courante 28 . En outre, il y a, enfait, moins dattaques et moins de blesss que dans les conflitsconventionnels mais ils sont plus difficiles prdire dans le temps etlespace en raison de labsence dun champ de bataille comportant fronts etarrires 29 . Enfin, les blessures sont plus complexes 30

    La chane mdicale

    . Cependant, il sagitdun tout autre ordre de grandeur et dampleur que celui qui prvalait lorsdes oprations des annes 1990, et ce changement dchelle impliquegalement une adaptation de la chane de sant.

    La chane mdicale est compose de plusieurs niveaux de prise en charge des

    blesss. Le niveau ou rle 1 est le premier niveau. Il sagit dun poste de secours,

    parfois dun simple VAB sanitaire (vhicule de lavant blind) plac au plus prs des combats. Les blesss y reoivent un conditionnement mdical de survie avant dtre transfrs un autre niveau.

    Le niveau ou rle 2 permet la prise en charge chirurgicale des blesss les plus urgents. Il correspond la chirurgicalisation de lavant.

    Le niveau ou rle 3 correspond des units mdicales oprationnelles,comme lhpital mdicochirurgical (HMC) de KAIA-Nord, Kaboul, qui emploie 120 personnes, dont deux tiers de Franais 31

    Le niveau 4 ou rle 4 correspond aux hpitaux sur le territoire national..

    Le triage classe les blesss en fonction de lurgence du traitement pratiquer et

    des conditions dvacuation. Lvacuation tactique permet lvacuation dans le cadre du thtre (jusquaux rles 3), tandis que lvacuation stratgique permet dvacuer vers le territoire national (rle 4).

    Diffrence majeure avec les accrochages rencontrs sur les terrainsafricains, les combats durent en Afghanistan, et il faut donc conditionner lesblesss sous le feu. Cela suppose l encore un redimensionnement de lachane de sant. Quatre volutions sont donc fondamentales pour leservice de sant franais : au durcissement des conflits, dans uncontexte de guerre irrgulire assez proche de la coercition, [ l] utilisation

    26 Anthony Loyd, Blood and bravery in the table: inside military hospital CampBastion, Times Online , 13 aot 2009, www.timesonline.co.uk , consult le 1septembre 2009.27 380 rapatris sanitaires dAfghanistan depuis 2001 , 29 juillet 2009,http://lemamouth.blogspot.com/2009/07/380-rapatries-sanitaires-dafghanistan.html , consult le 30 dcembre 2009.28 Jack E. McCallum, op. cit., p. 11.29 Bradley W. Hudson, Karen L. Moody, Robert Melton, The role of combatlifesavers in counterinsurgency operations , Infantry Magazine , juillet-aot 2008.30 M.C.M. Bricknell, N. Hanhart, Stability operations and the implications formilitary health services support , JR Army Med Corps , vol. 153, n 1, p. 19.31 Jean-Marc Tanguy, Notre rle 3 KAIA , Le Mamouth , 25 janvier 2010,

    http://lemamouth.blogspot.com/2010/01/notre-role-3-kaia.html , consult le 25 janvier 2010.

    http://www.timesonline.co.uk/http://www.timesonline.co.uk/http://lemamouth.blogspot.com/2009/07/380-rapatries-sanitaires-dafghanistan.htmlhttp://lemamouth.blogspot.com/2009/07/380-rapatries-sanitaires-dafghanistan.htmlhttp://lemamouth.blogspot.com/2009/07/380-rapatries-sanitaires-dafghanistan.htmlhttp://lemamouth.blogspot.com/2010/01/notre-role-3-kaia.htmlhttp://lemamouth.blogspot.com/2010/01/notre-role-3-kaia.htmlhttp://lemamouth.blogspot.com/2010/01/notre-role-3-kaia.htmlhttp://lemamouth.blogspot.com/2009/07/380-rapatries-sanitaires-dafghanistan.htmlhttp://lemamouth.blogspot.com/2009/07/380-rapatries-sanitaires-dafghanistan.htmlhttp://www.timesonline.co.uk/
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    dengins explosifs improviss, modifiant la nature et surtout la gravit desblessures ; [et l] loignement [des] zones de dploiement (RCI [CtedIvoire], Afghanistan), rendant plus complexe la prise en charge desblesss, [sajoute la ncessit de mettre la disposition du combattant lespratiques mdicales aussi proches que celles ralises sur le thtrenational] 32

    Le dploiement de la chane de sant est toujours le plusdimensionnant en termes logistiques

    .

    33 . Lors de la planification, lepositionnement des units mdicales est en effet central puisquildtermine en partie la porte des oprations (pour des raisons de scurit,chaque opration doit se faire une distance prdtermine dun postemdical afin de garantir la meilleure prise en charge en cas de blessure) etsouvent les autres units logistiques sont positionnes prs des unitsmdicales. Or, dans des cadres tels que lIrak ou lAfghanistan, le servicemdical est davantage encore intgr aux oprations 34 . Du fait desdistances importantes sparant ces thtres des pays intervenants, descontraintes logistiques sajoutent, telles que la gestion de la chane du froid(pour les mdicaments, le sang) ou des pices dtaches (pour le matrielmdical) 35

    Les nouveaux troubles du vent du boulet

    .

    Parmi les rapatris, certains le sont pour blessures psychiques. Cesdernires sont connues depuis les guerres napoloniennes et les troubles du vent du boulet : les mdecins avaient ainsi remarqu quaupassage des boulets, des soldats souffraient de troubles quon necomprenait pas 36 . Chaque guerre rappelle le danger de ces troublespsychiques, jusqu ce que la paix les oublie. LAfghanistan ny chappepas. L aussi, la confrontation avec le combat, la mort et les blessures peutsavrer une exprience traumatisante, qui sajoute au stress dune guerremene dans un environnement fortement anxiogne, o chaque soldatpeut sattendre tre victime dun IED quand il effectue une patrouille.Comment accepter la mort dun compagnon, dun frre darmes quand la culture du hros interdit quon sarrte, quon discute des difficultspsychiques rencontres ? Environ 12 % des troupes de combatamricaines en Irak et 17 % en Afghanistan prennent des antidpresseursou des somnifres pour supporter leur exprience 37. Selon le Pentagone,tous les soldats amricains dploys sont confronts au stress, 70 %

    russissant le grer, 20 % souffrant de blessures temporaires lies austress , et 10 % tant touchs par de vritables maladies du stress 38

    32 Michel Stevenard, Doctrine et matriels de sant des armes (SSA) : uneadaptation ncessaire , Fantassin , n 24, novembre 2009, pp. 44-45.

    .

    33 Entretien avec P., officier de larme de terre, septembre 2009.34 M.C.M. Bricknell, N. Hanhart, Stability operations and the implications formilitary health services support , JR Army Med Corps , vol. 153, n 1, p. 19.35 Ibid .36 Entretien avec T., psychologue, CISPAT, Direction des ressources humaines delarme de Terre, 23 fvrier 2010.37 Mark Thompson, Americas Medicated Army , Time , 5 juin 2008,

    www.time.com/time/printout/0,8816,1811858,00.htm , consult le 25 juin 2009.38 Ibid .

    http://www.time.com/time/printout/0,8816,1811858,00.htmhttp://www.time.com/time/printout/0,8816,1811858,00.htmhttp://www.time.com/time/printout/0,8816,1811858,00.htm
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    En 2008, 115 soldats amricains se sont suicids dont 36 en Irak et enAfghanistan. Si les troupes franaises restent moins longtemps enAfghanistan que les soldats amricains, si elles ont adopt une autrestratgie vis--vis des troubles lis au stress (les soldats sont rapatrisplutt que de se voir prescrire des antidpresseurs pour rester sur place),les rotations courtes font que de nombreux soldats font lexprience delAfghanistan et sont donc susceptibles de souffrir leur tour du stress li cette opration. Les seuls chiffres de cas de stress post-traumatiquedisponibles, mais sujets caution, mentionnent 17 cas en 2005, 56 en2006 et 11 en 2007 39

    Labsence de protection spcifique pour le SSA

    . Longtemps insuffisamment pris en compte, ceproblme atteint aujourdhui une ampleur telle au sein de larmeamricaine quil ne peut tre ni ou pass sous silence, pas plus dailleursque par larme franaise, mme si elle est pour linstant moins confronte ce problme et a fait des progrs importants ce sujet.

    Un dernier facteur qui contraint laction des services de sant enAfghanistan correspond labsence de protection spcifique dontdisposent ces services sur le terrain 40. Si les quipes du SSA bnficientde la mme protection individuelle (casque, gilet, arme) que lescombattants, les installations, les vhicules et les personnels des SSA sontpris pour cible, et aucun endroit nassure une protection intgrale. Celanest pas bien entendu la premire fois que le Service de sant desArmes franais est confront un environnement o les Conventions deGenve noffrent plus de protection. Rappelons que dautres conflits ont vudes protagonistes tirer sur les ambulances : le mdecin capitaine EricDorlans est mort en juillet 1995 en Bosnie 41 et le Service de sant des

    Armes aurait perdu 10,5 % des siens pendant la Premire Guerremondiale 42 . Cependant, en Afghanistan, cette contrainte sajoute auxautres, dj exposes. Linfirmier Frdric Pare est ainsi dcd en aot2006 43. Les vhicules sanitaires sont aussi exposs que les autres, quilsportent ou non un croix rouge comme ce VAB (vhicule de lavant blind)sanitaire franais, sans croix rouge, attaqu le 21 juillet 2009 44

    39 Laurent Zecchini, Des soldats plus endurants mais traumatiss , Le Monde ,17 juin 2008. Ces chiffres sont cependant sujets caution puisque, selon le

    Bureau Condition du Personnel Environnement Humain de la Direction desRessources Humaines de larme de Terre, de tels chiffres nexistent pas.Entretien avec le colonel Thibault, Chef du Bureau Condition du PersonnelEnvironnement Humain, 23 fvrier 2010.

    . Comme ledit un mdecin chef du Service de sant des Armes :

    40 M.C.M. Bricknell, N. Hanhart, op. cit. p. 19.41 http://www.soldatsdefrance.fr/Ex-Yougoslavie_r9.html , consult le 30 dcembre2009.42 Guillaume Lvque, Alain Larcan et Jean-Jacques Ferrandis, Le service de sant des armes pendant la premire guerre mondiale , 4 janvier 2009,www.clio-cr.clionautes.org/spip.php?article2197 , consult le 29 dcembre 2009.43 http://www.soldatsdefrance.fr/Afghanistan_r5.html , consult le 30 dcembre2009.44 Jean-Dominique Merchet, Afghanistan : les Talibans attaquent un VAB

    sanitaire franais (actualis) , Secret Dfense , 24 juillet 2009,http://secretdefense.blogs.liberation.fr , consult le 27 juillet 2009.

    http://www.soldatsdefrance.fr/Ex-Yougoslavie_r9.htmlhttp://www.soldatsdefrance.fr/Ex-Yougoslavie_r9.htmlhttp://www.clio-cr.clionautes.org/spip.php?article2197http://www.clio-cr.clionautes.org/spip.php?article2197http://www.soldatsdefrance.fr/Afghanistan_r5.htmlhttp://www.soldatsdefrance.fr/Afghanistan_r5.htmlhttp://secretdefense.blogs.liberation.fr/http://secretdefense.blogs.liberation.fr/http://secretdefense.blogs.liberation.fr/http://www.soldatsdefrance.fr/Afghanistan_r5.htmlhttp://www.clio-cr.clionautes.org/spip.php?article2197http://www.soldatsdefrance.fr/Ex-Yougoslavie_r9.html
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    Les VAB sanitaires ne portent plus de croix rouge, sinon ils sont prispour cible. 45

    Face au manque ou linexistence de protection pour les unitsmdicales, les personnels de sant sont obligs de renforcer leur savoir-faire militaire afin de pouvoir se protger sils sont attaqus

    46

    Cette situation scuritaire dlicate a mme une incidence sur lunede leurs missions traditionnelles en opration extrieure : laide mdicaleaux populations locales afin de gagner leur confiance et leur soutien. Cetusage permet de gagner les curs des populations et donne loccasionau personnel de sant de continuer pratiquer, lorsquil y a peu de blesssfranais ou internationaux. Pourtant, dsormais, ouvrir les portes despostes de secours et hpitaux militaires ne va plus de soi : cest sexposerau risque dun attentat. De telles oprations doivent donc tre planifies,scurises, elles ne peuvent plus tre spontanes ou automatiques. Lerisque est alors de perdre un instrument permettant de gagner la confiancede la population

    .

    47, mais aussi dobserver une baisse dactivit des servicesde sant 48

    Du fait de lampleur du conflit, du nombre de blesss, de la situationdes blesss psychiques et de la vulnrabilit des services de sant face un ennemi qui ne respecte pas les Conventions de Genve, lAfghanistanreprsente en quelque sorte le cas extrme des oprations extrieures dela France aujourdhui. Il sert donc de cas dcole, auquel le Service desant des Armes doit absolument pouvoir rpondre, pour protger les viesdes personnels dploys. Si des efforts de RETEX (retour dexprience)

    sur lIrak, lAfghanistan ou la Cte dIvoire (Bouak) avaient dj permis auService de sant des Armes franais danticiper et de mettre en uvre uncertain nombre de rformes en amont, le moment qui va catalyser la miseen uvre des rformes du SSA en France correspond lattaque dUzbin.

    .

    45 Entretien avec V., Service de sant des Armes, mars 2009.46 M.C.M. Bricknell, N. Hanhart, op. cit. , p. 19.47 Voir par exemple Atul Gawande, Casualties of War -- Military Care for theWounded from Iraq and Afghanistan , op. cit. , p. 2474.48 Un dbat a ainsi trait la baisse dactivit initialement observe KAIA-Nord,par rapport Warehouse. Interprte comme rsultant de mesures de scuritplus exigeantes KAIA-Nord, elle ne serait en fait que la consquence du tempsdadaptation ncessaire pour que la population sapproprie ce nouvel hpital et sesprocdures. Lactivit a ainsi augment dans un deuxime temps : 104interventions entre aot et octobre 2009 contre 228 interventions entre novembre

    2009 et janvier 2010. Entretien avec L., chirurgien, hpital du Val de Grce, 1er

    fvrier 2010 et commentaire du Professeur F., HIA de Brest.

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    Uzbin, un rle catalyseur Que sest-il pass pendant ces sept longues heures [entre 13h30quand les insurgs ont ouvert le feu et 20h30 quand] les premiersblesss [] sont arrivs au groupement mdico-chirurgical deWarehouse, situ 50km de l ? 49

    Cest ainsi que les mdias et le public ont apprhend lattaque dUzbin,qui causa la mort de dix militaires franais le 18 aot 2008. Cette attaqueinterpelle en effet par les lacunes quelle semble rvler, et contraint prendre en compte la nouvelle ralit du conflit afghan, celle dune guerredans laquelle les combattants sont davantage susceptibles dtre blesssou tus que lors des oprations des annes 1990. Comment expliquer queles forces armes franaises puissent se laisser prendre dans uneembuscade sans russir intervenir temps pour sauver les blesss ?Pourtant, au del de limpression dchec, cette embuscade permetgalement de prouver quun certain nombre de dcisions prises pour mieuxgrer ce type dattaque lont t temps et de faon judicieuse. Uzbinremet donc en cause certaines pratiques de larme de Terre et du SSA,mais lattaque confirme surtout certaines orientations dj prises par cesdeux institutions

    50

    Dun ct, le nophyte peut sinterroger sur la lenteur des secourset lincapacit vacuer une section prise sous le feu, mais cetteinterrogation ne rsiste pas une tude plus objective de la situation : lessecours nont pas t lents, mais lembuscade tait suffisamment biensitue pour empcher tout secours de parvenir jusquau lieu o la premiresection tait sous le feu, sans tre son tour engag par des tirs directs.

    Les soldats et auxiliaires sanitaires de la section qui ont tent dapporterdes soins aux blesss et leur ont courageusement sauv la vie, se sont vusaussitt cibls, voire leur tour blesss et tus. Le caporal chef RodolphePenon, brancardier, a ainsi trouv la mort

    .

    51

    Uzbin a permis de dgager des enseignements oprationnels, endvoilant des insuffisances. Par exemple, il a t not que certains

    matriels de soin (gants, barquettes) de couleur blanche ou jaune ont purendre vulnrable le personnel les utilisant en les dsignant comme cibles.Autre leon : le gilet pare-balle utilis par les soldats nest pas adapt,puisquil ne peut tre enlev rapidement et facilement du corps des blesss(il a t remplac). Dautres lments se sont avrs encore plus cruciaux :

    . Ds que la section na plus tsous le feu (vers 20h00), la chane de sant sest dploye de faonefficace et a organis lvacuation de 13 militaires franais (sur la vingtainede blesss) et de deux militaires afghans vers le rle 2 Warehouse deKaboul puis vers la France.

    49 Medecinews , Larme tire les leons de son dispositif sanitaire , 19septembre 2008, www.medecinews.com , consult le 23 dcembre 2009.50 Les informations contenues dans cette partie sappuient sur un entretien ralisavec Y., officier de larme de Terre, septembre 2009 ainsi que sur dautressources prcises ponctuellement en notes de bas de page.51

    Medecinews , Larme tire les leons de son dispositif sanitaire , 19septembre 2008, www.medecinews.com , consult le 23 dcembre 2009.

    http://www.medecinews.com/http://www.medecinews.com/http://www.medecinews.com/http://www.medecinews.com/http://www.medecinews.com/http://www.medecinews.com/http://www.medecinews.com/http://www.medecinews.com/
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    ainsi du manque dhlicoptres, occups dautres missions. Dsormais 52 ,il est acquis que les forces franaises en Afghanistan doivent disposer enpermanence dun hlicoptre dvacuation mdicale quip (cest le cas sion prend en compte les hlicoptres amricains bass Bagram 53

    Cependant, un certain nombre de dcisions visant densifier lachane sant sur lavant, dj prises avant Uzbin, ont t confortes parlattaque. Ce sont en effet les camarades des blesss qui leur ont souventsauv la vie, grce aux trousses de secours amliores

    ). Parailleurs, la protection des VAB sanitaires, ou rle 1, sest avreinsuffisante et a depuis t renforce.

    54

    Uzbin dmontre galement que la formation militaire des personnelsde sant est essentielle : elle leur permet de sintgrer la manuvre et demieux se protger tout en protgeant les autres. Les auxiliaires sanitairesreoivent une telle formation, ainsi que les brancardiers secouristesprsents Uzbin, mais ce ntait pas le cas des infirmiers et des mdecins.

    , et la prsencede deux soldats bien forms aux gestes de premier secours sest rvleun lment crucial. Cela prouve que leffort ralis par les armes pourformer les combattants au sauvetage au combat doit tre poursuivi.

    Uzbin simpose donc rapidement comme moment clef pourrepenser et amliorer le dploiement de la chane sant. Parfois, celaimplique de redcouvrir leau chaude 55

    . Il sagit sans cesse deretrouver ces habitudes perdues dintervenir dans des contextes difficiles,o les embuscades et les piges, et donc les morts et les blesss, sonttoujours possibles. Deux leons essentielles simposent. Tous lescombattants doivent tre forms en sauvetage au combat. Et lespersonnels mdicaux (engags lavant), voire mme les mdecins etinfirmiers, doivent pouvoir se battre et tre quips en consquence. Ilserait mme possible daller plus loin et dattendre deux quils se plient largle avant dtre un spcialiste (chauffeur, brancardier, auxiliairesanitaire), tre un fantassin . On peut aussi penser au slogan desMarines : Every man is a rifleman . Si cela peut aller de soi dans le casdes auxiliaires sanitaires, qui sont des fantassins avant de se spcialiser, ilsagit dun postulat plus exigeant, voire mme problmatique par certainsaspects, pour les mdecins et les infirmiers dont la formation et la fonctionsont plus mdicales que militaires.

    52 Philippe Juvin, 2 mois comme mdecin rserviste Kaboul , Doctrine , n 17, juillet 2009, p. 79 ; Medecinews , Larme tire les leons de son dispositifsanitaire , 19 septembre 2008, www.medecinews.com , consult le 23 dcembre2009.53 Entretien avec L., chirurgien, hpital du Val de Grce, 1 er fvrier 2010.54 Patrick Forestier, Afghanistan. Retour dans la valle de la mort. Interview deFrdric Pons, Paris Match , 7 aot 2009, www.parismatch.org , consult le 17 aot

    2009.55 Entretien avec P., officier de larme de Terre, septembre 2009.

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    Les rformes

    exprience amricaine en Irak, puis celle de lAfghanistan, justifientdonc les adaptations rapides des services de sant, y compris franais.

    Le retour dexprience (RETEX) sappuie avant tout sur le cas amricain,beaucoup plus important, avec plus de 30 000 blesss en Irak 56. Lestroupes franaises en Afghanistan ont eu dplorer nettement moins deblesss : 300 depuis 2005, dont 155 en 2009 57 . Toutefois, lexprienceamricaine semble pouvoir tre trs facilement transpose aux conditionsrencontres par les troupes franaises 58

    Renforcer la mdicalisation de lavant

    . Ces adaptations sont de deuxordres : premirement, le renforcement de la mdicalisation de lavant ;deuximement, une meilleure prvention et prise en charge des blessurespsychiques et des stress post-traumatiques.

    Dominique Jean-Larrey rvolutionna en 1792 la mdecine militaire grce

    un systme, lhpital ambulant, de traitement durgence sur le champ debataille suivi par lvacuation lhpital de larrire 59

    Lvacuation nest jamais urgente mais la ranimation lest.

    . Depuis, la chane desant reste concentre sur les mmes problmes : intervention lavant,sur le champ de bataille pour stabiliser les blesss, et vacuation verslarrire, le plus rapidement possible. Comme on la vu Uzbin,lvacuation rapide nest cependant pas toujours possible, mme lorsqueles hlicoptres existent et sont disponibles : ils ne peuvent intervenir sousle feu. La solution consiste alors renforcer la mdicalisation de lavant oule traitement rapide des blessures du champ de bataille. Comme le dit ladoctrine isralienne :

    60

    Pendant la guerre du Kippour de 1973 et lintervention au Liban de1982, le Service de sant des Armes isralien russit diminuer le taux

    56 http://icasualties.org/Iraq/USCasualtiesByState.aspx , consult le 25 janvier2010.57 Jean-Marc Tanguy, 300 blesss depuis 2005, 155 rien quen 2009 , Le Mamouth, 22 janvier 2010, http://lemamouth.blogspot.com/2010/01/300-blesses-depuis-2005-155-rien-quen.html , consult le 25 janvier 2010.58 Entretien avec V., Service de sant des Armes, mars 2009.59 Jack E. McCallum, op. cit. , p. 10.60 J. Penn (d.), Management of War Casualties , 1re d., Johannesburg, Hugh

    Keartland, 1976. Cit par R. Rozin, J. M. Klausner, E. Dolev, New Concepts ofForward Combat Surgery , Injury , 1998, n 19, p. 193.

    L

    http://icasualties.org/Iraq/USCasualtiesByState.aspxhttp://icasualties.org/Iraq/USCasualtiesByState.aspxhttp://lemamouth.blogspot.com/2010/01/300-blesses-depuis-2005-155-rien-quen.htmlhttp://lemamouth.blogspot.com/2010/01/300-blesses-depuis-2005-155-rien-quen.htmlhttp://lemamouth.blogspot.com/2010/01/300-blesses-depuis-2005-155-rien-quen.htmlhttp://lemamouth.blogspot.com/2010/01/300-blesses-depuis-2005-155-rien-quen.htmlhttp://lemamouth.blogspot.com/2010/01/300-blesses-depuis-2005-155-rien-quen.htmlhttp://icasualties.org/Iraq/USCasualtiesByState.aspx
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    de mortalit des blesss un niveau similaire celui de la guerre duVietnam, non pas grce une grande rapidit dans les vacuations,comme au Vietnam (o certains blesss pouvaient se retrouver sur la tabledopration 45 minutes aprs avoir t blesss), mais grce laranimation des blesss ralise sur le champ de bataille, avant de tenterde les dplacer, et grce un hpital dvacuation proche de la ligne defront permettant de stabiliser les blesss avant leur vacuation 61

    Cette approche est galement celle du SSA franais, dont ladoctrine est officiellement celle de la mdicalisation de lavant . Lamdicalisation de lavant reste avec lvacuation tactique (hlicoptres) le maillon le plus susceptible dtre optimis au sein de la chane de sant.Les hpitaux et les savoir-faire mdicaux permettent dj de ranimer et desauver de nombreuses vies, pour peu que les blesss parviennent vivants lhpital. Comme le dit le Colonel Hodgetts au sein de lhpital britanniqueCamp Bastion, dans le Helmand :

    .

    La vitesse et lagressivit avec laquelle nous ranimons, les outilsque nous utilisons cest bien au del de ce dont la plupart deshpitaux sont capables. Apportez-les notre hpital vivants. Celanous donne lopportunit de faire ce que nous savons faire. 62

    La mdicalisation de lavant sest renforce ces dernires annespar une capacit accrue des soldats effectuer les gestes de sauvetage aucombat (le premier maillon de la chane mdicale en quelque sorte), quipermettent de sauver des vies ; et par une capacit renforce despersonnels du SSA intervenir sur un thtre de guerre.

    Renforcer la mdicalisation de lavant nest possible que souscertaines conditions. Comme il est illusoire de vouloir placer un mdecinderrire chaque soldat, il savre plus utile de former chaque soldat effectuer les gestes durgence, par exemple stopper une hmorragie, poserune perfusion ou faire un massage cardiaque, gestes qui vont permettre deranimer, voire de sauver la vie des blesss. Cest un effort ralisactuellement, qui implique que les soldats soient forms faire les gestesqui sauvent au bon moment sous le feu : savoir dplacer le corps pour lesmettre labri, savoir quand continuer de tirer plutt que de tenter desauver son camarade pour viter de mettre le groupe et soi-mme endanger. Tous ces savoir-faire sont dsormais acquis grce des exercicesde drill, dans les rgiments 63

    61 R. Rozin, J. M. Klausner, E. Dolev, op. cit ., p. 196.

    . Cela requiert galement davoir la morphine,la trousse individuelle du combattant (TIC) qui permet de calmer la douleur,stopper lhmorragie et combler le dficit sanguin par des poches de

    62 The speed and agressiveness with which we resuscitate, the tools we use its way beyond what most hospitals are capable of. Get them to our hospital alive.That gives us an opportunity to do what we can do. Anthony Loyd, Blood andbravery in the table: inside military hospital Camp Bastion , Times Online , 13 aot

    2009, www.timesonline.co.uk , consult le 1 septembre 2009.63 Entretien avec X., officier de larme de Terre, t 2009.

    http://www.timesonline.co.uk/http://www.timesonline.co.uk/http://www.timesonline.co.uk/http://www.timesonline.co.uk/
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    solut 64 . Elle contient un garrot tourniquet, un pansement compressifdurgence, un ou deux auto-injecteurs de morphine, des petits pansements,des compresses, un antiseptique et, en option, un kit complmentaire deperfusion (les kits sont rpartis par le mdecin) 65. Supprime des dotationsindividuelles depuis dj des annes, la morphine a donc t finalementrintroduite. Depuis juillet 2008, la trousse quipe chaque militaire enpartance pour lAfghanistan : Uzbin, les soldats franais taient ainsimunis de garrots et de morphine 66

    Il existe des gestes pour lesquels on ne peut plus attendre.

    . Stopper lhmorragie est considrcomme essentiel suite au retour dexprience (RETEX) des Etats-Unis enIrak : beaucoup de blessures occasionnant dimportants saignementsrequirent une intervention trs rapide pour stopper lhmorragie. Commele dit un mdecin chef du Service de sant des Armes :

    67

    Entretien avec le mdecin-principal Jousseaume, mdecin-chef de la Task Force Korrigan en Kapisa et le Lieutenant-Colonel Pierre, chef des oprations de la Task Force Korrigan. Cette task force a eu une cinquantaine de blesss, dont 16 ont bnfici dune vacuation primaire ou secondaire vers Paris. Elle dplore la mort au combat de 7 militaires.

    AL : Tous les militaires sous vos ordres ont-ils t bien prpars au sauvetage de combat ?

    MP JOUSSEAUME : Le sauvetage au combat, terme choisi pour bien le distinguer du secourisme civil, tait lun des cinq axes de formation prioritaires lors de la Mise en Condition avant Projection (MCP). A ce titre, un effort exceptionnel a

    t conduit pour prparer tous les combattants de la force la prise en charge des blessures de guerre.

    LCL PIERRE : Certains doivent leur vie sauve la capacit de leurs camarades ragir en sauvetage de combat. Lun des blesss graves tait responsable sanitaire dans sa section ; ce sont ses camarades qui lui ont apport les premiers soins, sauvant sa vie. La plupart, au retour de mission, sont venus chaleureusement remercier la cellule secourisme du rgiment. Dautres se sont rinscrits aux stages [pour] rester niveau, conscients de limportance vitale de cette capacit (un stage avait lieu cette semaine, je suis venu y assister ; de nombreux stagiaires taient encore en Afghanistan il y a 3 mois). A notre retour dAfghanistan, jai dcid dinscrire le secourisme de combat dans les priorits de formation oprationnelle du 3 me RIMa.

    Certains gestes ont pu galement tre plus controverss, comme laperfusion. Longtemps interdite pour des raisons juridiques, il est aujourdhuiaccept quun auxiliaire sanitaire, voire mme un soldat, ds lors quil a t

    64 Mdecin-Chef Lasselin, Le soutien sant des troupes sur le thtre afghan etson environnement multinational , Doctrine , n 17, juillet 2008, pp. 81-85.65 Emmanuel Vittori, Une nouvelle trousse individuelle pour les combattants ,Actu Sant , n 107, septembre octobre 2008, p. 9.66 Patrick Forestier, Afghanistan. Retour dans la valle de la mort. Interview de

    Frdric Pons , op. cit.67 Entretien avec V., Service de sant des Armes, mars 2009.

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    form pour le faire, puisse la poser en opration extrieure 68 . A lvidence,cela nte pas toute interrogation sur la capacit de tous les soldats jugerde la pertinence dun geste mdical qui ne saurait tre automatique 69

    MP JOUSSEAUME : La pose de perfusion ne se conoit quaprs les gestes de sauvegarde prioritaires que sont la pose de garrot et larrt de toute hmorragie. Il ny a pas ce titre dintrt former tout le personnel. Par contre la plus petite unit de combat pouvant tre durablement bloque sous le feu tant le groupe de combat (10 pax [personnes]), nous avons ralis en amont un effort de formation unique avec la mise en place dun secouriste rfrent de combat par groupe, sur le modle des paramedics amricains.

    . Surcertains thtres, ne pas poser de perfusion est cependant jug plus risquque den poser. De fait, au sein du SSA, un certain flou est encoreperceptible concernant les frontires exactes du groupe former enmatire de perfusion : faut-il limiter cette formation aux seuls auxiliairessanitaires ou inclure galement certains soldats slectionns ?

    Depuis les annes 1980, les Amricains forment galement leurssoldats au sauvetage de combat et notamment des soldats appels Combat Lifesaver , qui se situent entre les auxiliaires sanitaires et lessoldats forms aux bases du sauvetage au combat (20 % des combattantsde lavant) 70. Ce sont des troupes non-mdicales entranes pour assurerdes tches avances de secourisme comme mission secondaire 71 . Ils ontpour fonction de ralentir la dgradation des paramtres vitaux des blesssen attendant larrive dun personnel mdical 72 . Aujourdhui, il est devenu essentiel que tous les soldats soient forms aux tches de combat lifesaver 73

    68 Ibid .

    . Cette tradition interroge le Service de sant des Armesfranais, qui tente de trouver la bonne limite entre diffrents niveaux desauvetage au combat, entre les gestes de survie qui doivent tre connusde tous les combattants et ceux qui doivent rester le privilge desauxiliaires sanitaires voire des infirmiers et des mdecins, afin dviter queces gestes strotyps ne se fassent au dtriment des blesss. Lenjeupour le service de sant est galement de trouver une approche adapte la fois aux terrains afghan et africains, aux exigences et attentes mdicales

    69 Clifford C. Cloonan, Dont Just Do Something, Stand There!: To Teach or Not

    to Teach, That is The QuestionIntravenous Fluid Resuscitation Training forCombat Lifesavers , The Journal of Trauma Injury, Infection, and Critical Care ,n 54, mai 2003, p. S20.70 Ibid , p. S20.71 [N]onmedical troops trained to perform advanced lifesaving tasks as asecondary mission . Larry A. Sonna, Practical Medical Aspects of MilitaryOperations in the Heat , p. 298, http://www.raems.com/MAHE/11.pdf , consult le11 Janvier 2009.72 Appendix C, Combat Lifesaver , in: Headquarters, Department Of The Army,Medical Platoon Leaders Handbook Tactics, Techniques, And Procedures , FM 4-02.4, p. C-1.73 Bradley W. Hudson, Karen L. Moody, Robert Melton, The role of combatlifesavers in coin operations , Infantry Magazine , juillet-aot 2008,

    http://findarticles.com/p/articles/mi_m0IAV/is_4_97/ai_n28581835/?tag=content;col1, consult le 4 aot 2009.

    http://www.raems.com/MAHE/11.pdfhttp://www.raems.com/MAHE/11.pdfhttp://www.raems.com/MAHE/11.pdfhttp://findarticles.com/p/articles/mi_m0IAV/is_4_97/ai_n28581835/?tag=content;col1http://findarticles.com/p/articles/mi_m0IAV/is_4_97/ai_n28581835/?tag=content;col1http://findarticles.com/p/articles/mi_m0IAV/is_4_97/ai_n28581835/?tag=content;col1http://findarticles.com/p/articles/mi_m0IAV/is_4_97/ai_n28581835/?tag=content;col1http://findarticles.com/p/articles/mi_m0IAV/is_4_97/ai_n28581835/?tag=content;col1http://www.raems.com/MAHE/11.pdf
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    diffrentes. Ainsi, trois niveaux de stages de sauvetage de combat (SC)vont finalement tre mis en place. SC1 correspond la base desecourisme et aux gestes de ranimation durgence. Il est destin tousles combattants. SC2, deuxime niveau de formation, sadresse auxauxiliaires sanitaires et infirmiers, et leur apprend par exemple poser desperfusions intra-osseuses. Un troisime niveau, SC3, devrait tre mis enplace mais son primtre na pour linstant pas t prcisment dfini 74

    La mdicalisation de lavant exige galement que le personnelmdical (mdecins, infirmiers, auxiliaires-sanitaires) soit capabledintervenir sous le feu pour ranimer ou stabiliser au plus tt les blesssen attendant de pouvoir les vacuer. Ils doivent par ailleurs pouvoir ragiravec les gestes militaires adapts si leur vhicule ou leur poste de secoursest pris partie, comme nous lavons vu. Pour cela, le Service de santdes Armes dispose des CITERA

    .

    75 , les centres dinstructions auxtechniques de ranimation de lavant, qui permettent de renforcerlaguerrissement mdico-tactique du personnel de sant. Cr la suitedun retour dexprience de la guerre du Golfe, ils sont actuellement aunombre de sept (Bordeaux, Brest, Lyon, Metz, Toulon et deux rcents,Paris et Djibouti), Lyon soccupant des formations en lien aveclAfghanistan 76. Il serait galement utile que les personnels de sant soientinclus plus systmatiquement dans les exercices du CENTAC (centredentranement au combat) comme ils le sont dans ceux du CENZUB(centre dentranement en zone urbaine). Un effort a dailleurs t fait pourintgrer tous les personnels de soutien, et donc les personnels du SSA lamise en condition avant projection (MCP), entranement qui leur permetdtre mieux forms, plus aguerris, avant leur dploiement en Afghanistanavec leurs rgiments. Une MCP spcifique a galement t mise en placeau profit du personnel qui arme la chane sant, ce qui leur permet, entreautres, deffectuer des drills de prise en charge des blesss et damliorerleur matrise des transmissions 77

    Les personnels de sant en poste en Afghanistan en rle 3 (KAIANord) ont moins besoin de ce genre de formation, puisquils ne sont pas lavant. Cependant, ils reoivent malgr tout une formation de cinq jours,pendant laquelle ils sentranent au tir et apprennent un certain nombre demesures de scurit

    .

    78

    Ces rformes, qui contribuent laguerrissement du personnel desant, peuvent cependant inquiter certains mdecins, ds lors quellesrisquent de faire disparatre la frontire entre mdecin et soldat. En allant

    .

    74 Entretien avec S., Service de sant des Armes, fvrier 2010.75 Mdecin chef Lasselin, Soutien sant , op. cit. , pp.81-85.76 Jean-Marc Tanguy, Rflexions avances pour deux nouveaux CITERA , Le Mamouth , 28 mai 2009, http://lemamouth.blogspot.com/2009/05/reflexions-avancees-pour-deux-nouveaux.html , consult le 31 aot 2009 ; Jean-MarcTanguy, CITERA dsertique , Le Mamouth , 22 janvier 2010,http://lemamouth.blogspot.com/2010/01/citera-desertique.html , consult le 25

    janvier 2010.77

    Entretien avec S., Service de sant des Armes, fvrier 2010.78 Entretien avec L., chirurgien, hpital du Val de Grce, 1 er fvrier 2010.

    http://lemamouth.blogspot.com/2009/05/reflexions-avancees-pour-deux-nouveaux.htmlhttp://lemamouth.blogspot.com/2009/05/reflexions-avancees-pour-deux-nouveaux.htmlhttp://lemamouth.blogspot.com/2009/05/reflexions-avancees-pour-deux-nouveaux.htmlhttp://lemamouth.blogspot.com/2010/01/citera-desertique.htmlhttp://lemamouth.blogspot.com/2010/01/citera-desertique.htmlhttp://lemamouth.blogspot.com/2010/01/citera-desertique.htmlhttp://lemamouth.blogspot.com/2009/05/reflexions-avancees-pour-deux-nouveaux.htmlhttp://lemamouth.blogspot.com/2009/05/reflexions-avancees-pour-deux-nouveaux.html
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    jusquau bout de lesprit de ces rformes, le mdecin peut se retrouver des postes de tir, se voir jouer un rle actif et non juste dfensif pendant lesattaques, ce qui pose autant de problmes thiques et techniques :comment respecter le serment dHippocrate ? Comment viter, engommant les frontires entre combattants et soignants, de donner raisonaux insurgs qui ne respectent pas les Conventions de Genve ?Comment soigner les blesss du camp adverse, sur lesquels on vient detirer ? Au niveau technique, comment tre la fois fantassin et mdecin etconserver des gestes de soin prcis et efficaces, malgr la tension ducombat ? Certaines frontires sont trs poreuses, mais une fois franchies,elles ne cessent de faire question : si tous les personnels de sant,mdecins et infirmiers de lavant, doivent savoir se dfendre enAfghanistan pour pouvoir exercer, ils ne devraient se battre quen casdextrme ncessit, restant toujours mdecins et ne devenant fantassinsquin extremis .

    MP JOUSSEAUME : Parmi les 40 morts franais en Afghanistan on compte deux infirmiers et deux brancardiers-secouristes. Dix pour cent des dcds taient donc combattants et en emploi sant. Si cela ne semble pas mettre sur le compte dun manque daguerrissement, a prouve cependant que le personnel mdical et paramdical trouve bien aujourdhui sa place lextrme-avant, au plus prs des combats.

    LCL PIERRE : Nos mdecins et infirmiers taient indissociables des units dans lesquelles ils servaient, marchant des heures avec les soldats dans des terrains trs accidents et sous de fortes chaleurs. Ce sont des combattants part entire sachant utiliser leur arme pour se dfendre. Il nest mme pas envisageable dintgrer du personnel non aguerri dans des units de combat au contact : ils mettraient leur vie et celles de leurs camarades en danger.

    Si ces rformes visant consolider la mdicalisation de lavantsemblent essentielles, elles ne sauraient cacher toute une srie dautresrformes conduites en profondeur par le SSA franais. Il sagit par exempledu renouvellement ou de la modernisation de la totalit des postesmdicaux (rle 1) et des antennes chirurgicales et hpitaux mdico-chirurgicaux (rle 2 et 3 79). Dautres rformes incluent le dveloppementdun systme dinformation pour amliorer la traabilit des patients(processus en cours 80) ou lutilisation croissante de la tlmdecine (parexemple, envoi dimages scanner en France pour interprtation 81) quipermet de rduire les besoins en spcialistes et en matriels sur le terrainafghan. En outre, le programme Morphe 82

    79 Michel Stevenard, op. cit .,pp. 44-45.

    assure une vacuationstratgique de type ranimation des blesss. Enfin, il est important denoter les efforts raliss ces dernires annes afin damliorer la prise encharge des blessures psychiques des combattants.

    80 Entretien avec V., Service de sant des Armes, mars 2009.81

    Ibid .82 Michel Stevenard, op. cit ., pp 44-45.

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    Prvention et prise en charge des blessures psychiques

    Les possibilits de blessures psychiques sont aujourdhui mieux prises encompte. Un suivi sest progressivement mis en place au cours des annes1990 puis 2000, avec le dploiement de psychiatres du SSA pendant laguerre du Golfe, puis au Rwanda et en Bosnie notamment. Du ct delarme de Terre, le centre de relations humaines, lanctre du BureauCondition du Personnel Environnement Humain (BCPEH) de la Directiondes Ressources Humaines de larme de Terre, a propos ds 1994 deuxmanuels sur le stress post-traumatique mais sans succs 83 . Il faut attendre1998 pour que ltat-major des Armes demande toutes les armes quesoit mis en place un dispositif de soutien psychologique, et 2002, pour quesoit diffuse la premire directive de soutien psychologique de larme deTerre. Cependant, les outils crs par la directive, par exemple, lofficier environnement humain et plus tard (2004) la CISPAT (cf. infra ), ontdans un premier temps du mal simposer. Suite Uzbin, le BCPEH aralis une tude de trois mois en Afghanistan pour dvelopper undispositif plus systmatique et complet, qui aboutit avec la diffusion du premier concept de soutien psychologique en zone de combat pourlarme de Terre 84 , dcid le 14 avril 2009 et mis en uvre enAfghanistan depuis lt 2009. Il encadre les forces dun filet serr depersonnes sensibilises au risque psychique, formes et missionnes parlinstitution militaire pour prvenir et agir. Depuis la guerre dIrak, il ne sagitplus dattendre la manifestation de la blessure psychique pour agir, maisbien danticiper davantage, en dbriefant les militaires et en les amenant verbaliser. Ce systme a progressivement pris une forme de plus en plusoprationnelle et systmatique. Il repose sur le constat que le soutienpsychologique est une responsabilit partage 85

    Premier pilier de ce systme, la cellule dintervention de soutienpsychologique de larme de Terre (CISPAT) vient en appui ducommandement et assure un soutien psychologique durgence aprs unvnement particulirement choquant survenant en garnison ou lextrieur

    et il valorise le rle

    primordial du groupe permettant de partager une exprience traumatisante.

    86 ; elle est dj intervenue aprs Uzbin. En quelque sorte, laCISPAT parie sur lavenir en esprant quune fois rencontr unpsychologue ou un psychiatre qui leur ressemble , les militairesnhsiteront plus consulter 87

    83 Les informations contenues dans ce paragraphe sont tires dun entretien avecT., psychologue, CISPAT, Direction des ressources humaines de larme de Terre,23 fvrier 2010.

    . Contrairement aux procdures civiles, lesentretiens collectifs et individuels avec la CISPAT sont obligatoires. Lesentretiens collectifs permettent notamment de se rendre compte desconvergences ou divergences de sentiments entre membres du groupe etresserrent les liens au sein de la section. La CISPAT reste joignable 24

    84 La lettre de la condition du personnel , op. cit. , p. 1. Il sagit de la directiven 500273/DEF/DRHAT/SDEP/BCP-EH/DR du 14 avril 2009.85 Entretien avec T., psychologue, CISPAT, Direction des ressources humaines delarme de Terre, 23 fvrier 2010.86 La lettre de la condition du personnel , dcembre 2009, n 7, p. 6.87

    Entretien avec T., psychologue, CISPAT, Direction des ressources humaines delarme de Terre, 23 fvrier 2010.

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    heures sur 24 et consiste en une quipe de quatre personnes, qui passe six personnes lt 2010 88 . Elle a son quivalent dans les autres armes :cellules durgence mdico-psychologique de la gendarmerie (dbut desannes 1990), de la marine (depuis les annes 1930), de la brigade dessapeurs-pompiers de Paris (2005), et du service mdico-psychologiquecentral de larme de lair (2006) 89

    Le rfrent de section, cr en 2009, est un militaire du rang ou unsous-officier, form par la CISPAT pendant deux jours, notamment auxrisques psychiques lis aux oprations et aux procds de base comme larespiration ou la relaxation. Sensible aux problmes psychiques desmembres de sa section, il peut couter, soutenir et conseiller sescamarades en difficult ou en situation de stress. Il apprend ainsi allervoir les personnes qui vont mal sans attendre, connat les signes dtecteret constitue ainsi des yeux avertis en plus

    . A cette cellule clef, qui assuregalement un rle de conseil pour le commandement et contribue diminuer le stress , sajoutent le psychologue de thtre, les officiers environnement humains et les rfrents de section.

    90 . Une valuation desrfrents de section a montr quen Afghanistan, ils ont t plbiscits parle 3 me RIMA, qui a t confront de nombreux vnements graves, maisles avis taient plus mitigs au sein du 2 me REI, qui na pas connu lamme situation 91

    Lofficier environnement humain est un conseiller auprs du chef ducorps, form pendant cinq semaines, dont deux dans un servicepsychiatrique. Il contribue une meilleure prparation mentale au dparten opration extrieure (il participe par exemple la prparation des

    familles au dpart et distribue le kit RSO ractions lies au stressoprationnel chaque section avant le dpart) ; il participe la dtectiondes facteurs de risque, des personnels vulnrables et des conduitesaddictives ; une fois en opration, il organise lintervention de la CISPAT encas dvnement grave. Mis en place en 2002, lOEH a eu des difficults trouver sa place au sein des rgiments, et celle-ci reste encore fragile, dslors que dautres missions sont souvent confies lOEH, rduisant ainsisa disponibilit pour le soutien psychologique

    .

    92

    88 Entretien avec T., psychologue, CISPAT, Direction des ressources humaines delarme de Terre, 23 fvrier 2010.

    .

    89 Question de M. Jacques Remiller, n 39867, rponse publie le 24 fvrier 2009,http://questions.assemblee-nationale.fr/q13/13-39867QE.htm , consult le 26

    janvier 2010. Complt par : Entretien avec T., psychologue, CISPAT, Directiondes ressources humaines de larme de Terre, 23 fvrier 2010.90 Entretien avec T., psychologue, CISPAT, Direction des ressources humaines delarme de Terre, 23 fvrier 2010.91

    Ibid .92 Ibid .

    http://questions.assemblee-nationale.fr/q13/13-39867QE.htmhttp://questions.assemblee-nationale.fr/q13/13-39867QE.htmhttp://questions.assemblee-nationale.fr/q13/13-39867QE.htm
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    MP JOUSSEAUME : Oui, chaque section disposait dun rfrent environnement humain en contact avec lOEH. Leur formation est surtout une sensibilisation aux problmatiques psychologiques. Si aucun deux ne sest aventur dans la prise en charge dun stress de combat ou dun tat de stress post-traumatique, ils taient cependant prcieux dans le recueil, lcoute et lorientation des personnes en souffrance.

    LCL PIERRE : Avec la chane de commandement organique (chef de groupe chef de section commandant dunit), ils taient des lments essentiels de remonte du renseignement, prenant le pouls des hommes engags tous les jours sur le terrain. Il ne faut pas ngliger dans nos units la force de larchitecture de commandement : les cadres connaissent trs bien leurs hommes et chaque changement dattitude est rapidement dcel.

    MP JOUSSEAUME : LOEH tait en contact permanent et direct avec le

    chef des oprations (Lcl PIERRE) et le chef du dtachement []. Ce ntait pas sa seule fonction sur le thtre o il assumait la liaison avec les kandaks [bataillons] afghans et le rle dOfficier suprieur adjoint. Mais sa disponibilit tait suffisante pour sonder la disponibilit psychologique de la force et faire remonter les difficults par le truchement des rfrents section et des postes mdicaux.

    LCL PIERRE : Le bureau de lOEH tait proximit du mien, dans la mme pice. Chaque vnement grave tait gr en coordination troite avec lui.Il sassurait entre autres que les familles concernes puis toutes les familles du rgiment soient au courant avant diffusion de linformation dans la presse. Au quotidien, il assurait un lien constant avec la base arrire du rgiment et transmettait tous les mois Vannes des prsentations PPT projetes lors de journes des familles . LOEH tait un officier rang du rgiment, expriment et connu de tous.

    Le psychologue de thtre est dploy de faon permanente enAfghanistan depuis une dcision davril 2009 (missions de trois mois). Ilconseille le commandement et assure un soutien psychologique deproximit. Il travaille en complmentarit avec le psychiatre dont laprsence sur les terrains doprations est acquise depuis dj plusieursannes 93

    93 Assemble nationale, Rapport d'information dpos en application de l'article 145 du rglement par la commission de la dfense nationale et des forces armes sur le service de sant des armes , prsent par M. Christian MENARD, Dput,

    n 335, le 29 octobre 2002, p. 11,

    . Dj dans la foule de lembuscade dUzbin, un psychiatre avaitt projet en Afghanistan pour assurer le soutien psychologique descombattants, tandis que deux autres psychiatres intervenaient enmtropole, auprs des familles, et que la CISPAT tait active. Enfin, deuxdernires chevilles ouvrires sont essentielles pour ce dispositif : lemdecin dunit form dtecter des troubles ventuels, et lecommandement dont le rle est crucial car sassurant du bonfonctionnement du systme. Sil nest pas convaincu, rien ne peut tre fait.Dsormais une formation spcifique dune heure ou deux est raliseauprs des coles dapplication, de lENSOA (Ecole nationale des sous-

    http://www.assemblee-nationale.fr/12/rap-info/i0335.asp , consult le 30 dcembre 2009.

    http://www.assemblee-nationale.fr/12/rap-info/i0335.asphttp://www.assemblee-nationale.fr/12/rap-info/i0335.asphttp://www.assemblee-nationale.fr/12/rap-info/i0335.asphttp://www.assemblee-nationale.fr/12/rap-info/i0335.asphttp://www.assemblee-nationale.fr/12/rap-info/i0335.asp
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    officiers dactive), de tous les chefs de corps (stage de chef de corps) etdes mdecins dunit 94 . Lide est bien de sensibiliser voire de mobilisertous les personnels, des camarades aux chefs en passant par les acteurssociaux et les aumniers. Loin dune vision jusque l fortement rpanduedu chef comme meilleur psychologue de la troupe , et loin duneapproche qui voudrait que seuls les spcialistes, psychiatres etpsychologues, soient mobiliss et concerns par la souffrance psychique, ilsagit bien de renforcer les cadres et de leur donner les moyens de jouerleur rle au niveau psychologique, en insrant leur action dans un dispositifcomplet 95

    Ce filet doit donc permettre de dtecter, de prendre en compteceux qui sont dans linstitution militaire [et qui souffrent de blessurespsychiques] afin dviter de les laisser repartir dans le civil sans soin

    .

    96

    Outre ce filet de scurit, un autre outil aide les units amliorer lagestion du stress : le sas de fin de mission

    .

    97. Il permet aux militaires lesplus exposs en Afghanistan (OMLT operational mentoring and liaison team et units engages sur le terrain) de passer quelques jours Chypre qui tiennent lieu de transition entre la mission et le retour la vie enfamille et en garnison. Cest aussi loccasion de discuter de ce qui sestpass, et notamment des expriences traumatisantes, voire de dtecter lespersonnes vulnrables, susceptibles de souffrir de problmes psychiques.Y contribue la tenue dun debriefing collectif de fin de mission centr surle vcu motionnel et comportemental 98

    Enfin, une fiche de suivi post-oprationnel contient dsormaistous les vnements graves vcus par le militaire ainsi que les tapes duretour post-oprationnel et permet de garder une trace de ce vcu pourmieux faire face aux difficults psychiques qui peuvent merger quelquetemps aprs lopration. Contrairement au dossier mdical, cette fiche nestpas confidentielle et surtout elle prend en compte tous les vnements,mme en labsence de troubles psychiques visibles.

    .

    Lide du sas et du rfrent de section avaient dj t proposs en2002-2003 99

    94

    Entretien avec T., psychologue, CISPAT, Direction des ressources humaines delarme de Terre, 23 fvrier 2010.

    . Pourtant, il aura fallu attendre lAfghanistan et Uzbin pour que

    95 Entretien avec Colonel Thibault, chef du BCPEH, et T., psychologue, CISPAT,Direction des ressources humaines de larme de Terre, 23 fvrier 2010.96 Ibid .97 Jean-Dominique Merchet, Retour dAfghanistan, les militaires sarrtent Chypre pour rduire leur stress , Secret Dfense , 21 dcembre 2009,http://secretdefense.blogs.liberation.fr , consult le 22 dcembre 2009 ; Jean-MarcTanguy, Des OMLT ont nouveau frquent Chypre , 5 novembre 2009, LeMamouth, http://lemamouth.blogspot.com , consult le 30 dcembre 2009 ; Jean-Marc Tanguy, Les POMLT iront Chypre , 3 dcembre 2009,http://lemamouth.blogspot.com , consult le 11 janvier 2009.98 La lettre de la condition du personnel , op. cit ., p. 5.99

    Entretien avec T., psychologue, CISPAT, Direction des ressources humaines delarme de Terre, 23 fvrier 2010.

    http://secretdefense.blogs.liberation.fr/http://secretdefense.blogs.liberation.fr/http://lemamouth.blogspot.com/http://lemamouth.blogspot.com/http://lemamouth.blogspot.com/http://lemamouth.blogspot.com/http://lemamouth.blogspot.com/http://lemamouth.blogspot.com/http://secretdefense.blogs.liberation.fr/
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    ces ides soient mises en place. LAfghanistan a permis beaucoup dechangements, et pourtant ceux-ci restent encore fragiles, puisque chaquenouvelle gnration doit tre socialise pour prendre en compte le facteurpsychologique et comprendre lintrt du dispositif mis en place.Aujourdhui encore, le rle de la CISPAT reste insuffisamment compris eton ne fait pas appel elle ou au psychologue de thtre suite uneexprience traumatisante, mais uniquement en cas dvnement graveentranant des morts 100

    AL : Pensez-vous que la problmatique des troubles psychiques soit suffisamment prise en compte ?

    . Enfin, les mesures mises en place sont trstournes vers lAfghanistan et on peut sinterroger sur le devenir de cedispositif par la suite.

    MP JOUSSEAUME : Lexprience des autres armes dans ce domaine

    provient de conflits durs et prolongs (Vietnam, Irak, guerres israliennes) tels que larme franaise nen a pas connu depuis son engagement en Afghanistan. Sa prise en compte est certaine sur le thtre avec la prsence permanente dun psychiatre du Service de sant des Armes et dun ou deux psychologues de la CISPAT, et la sensibilit de lencadrement cette problmatique volue trs vite une fois en contact avec sa ralit.

    LCL PIERRE : la problmatique des troubles psychiques est, mon sens,de mieux en mieux prise en charge avec ltablissement dun vritable continuum : avant, pendant (suivi spcialis par CISPAT et dbriefing collectif au sein des cellules tactiques, sas Paphos [Chypre]) aprs (le CISPAT tait au rgiment la semaine dernire et cette semaine pour revoir ceux qui sont les plus touchs).

    [] Personne ne rentre comme il est parti et tous ont eu des expriences douloureuses avec lesquelles il faut apprendre vivre. Les symptmes peuvent se dclencher plus ou moins rapidement (selon le corps mdical, la priode la plus critique est celle comprise entre les 3 et 6 mois suivant le retour) ; comment suivre quelquun qui dclenche un post trauma des annes aprs ?

    Un vritable rseau de soutien psychologique 101

    se dploie doncpour tre prsent dans les units, les accompagner et les dbriefer pourprvenir et ragir en temps et en heure. Pourtant, ces rformes nesemblent pas suffire rpondre tous les dfis engendrs par cesnouveaux engagements qui, comme lAfghanistan, mettent lpreuve lesservices de sant des armes de lOTAN.

    100

    Ibid .101 La lettre de la condition du personnel , op. cit ., p 5.

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    Lenjeu clef des ressources humaines

    s lors que le Service de sant des Armes est un service de guerre etnon de paix, toutes sortes de contraintes en dcoulent, en particulier

    en ce qui concerne les ressources humaines. Les recrues doivent tredisposes tre projetes sur des terrains de guerre et accepter un niveaude risque suprieur celui des oprations passes. Le nombre depersonnes devant tre dployes en Afghanistan crot galement, alors

    que le profil des personnes prtes prendre ce genre dengagement nestpas trs rpandu. De nombreux individus qui rejoignent le service ont desattentes trs civiles , peu compatibles avec les exigences de lamdicalisation de lavant. La fminisation 102 du SSA peut galement jouerun rle en renforant en partie ces tendances. Par ailleurs, le SSA continuede devoir contribuer aux actions nationales de sant publique comme lavaccination contre la grippe, ce qui peut se rvler trs exigeant en termesde ressources 103 . Le constat est fait par larme amricaine 104

    Retenir le personnel est toujours un problme.

    , mais aussien Australie par l Australian Defense Health Services Directorate dont unmdecin affirme :

    105

    Ce constat est dj tabli par lAssemble nationale en 2002, quisinquite de la capacit du service renouveler sa main-duvre dans lesannes suivantes :

    Au 1 er juin 2002, leffectif ralis des mdecins des armes tait de2 125 pour un effectif budgtaire de 2 429, soit un dficit de 304postes (12,5 %). 106

    102 Jean Blad, Un service de sant des armes aujourdhui , Dfense nationale , vol. 50, dcembre 1994, p. 71-83.103 200 mdecins et 280 infirmiers devaient tre disponibles partir du 10dcembre 2009. Le service de sant des armes renforce sa participation lacampagne nationale de vaccination , www.armees.com/Le-service-de-sante-des-armees.html , consult le 22 dcembre 2009.104 Atul Gawande, Casualties of War -- Military Care for the Wounded from Iraqand Afghanistan , NEJM, vol. 351, n 24, 9 dcembre 2004, p. 2471, 2475.105 Peter Wilkins, Retention of staff is still a problem , ADF Health (Journal of the

    Australian Defense Health Service), vol. 9, juin 2008, p. 1.106 Assemble nationale, op. cit. , p. 19.

    D

    http://www.armees.com/Le-service-de-sante-des-armees.htmlhttp://www.armees.com/Le-service-de-sante-des-armees.htmlhttp://www.armees.com/Le-service-de-sante-des-armees.htmlhttp://www.armees.com/Le-service-de-sante-des-armees.htmlhttp://www.armees.com/Le-service-de-sante-des-armees.html
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    TABLEAU 3 : Sous-effectif en mdecins du SSA de 2002 2008

    ANNEE EFFECTIF CIBLE EFFECTIFREALISE DEFICIT %

    2002 2429 2125 304 12.5

    2006 107 2262 2029 233 10.3

    2008 108 2237 1943 294 13.14

    Or, en 2008, ce sous-effectif est encore plus important, puisquilatteint 13,14 %. Certaines spcialits sont particulirement difficiles

    recruter, comme les masseurs-kinsithrapeutes (dficitaires 49 %)109

    Selon un mdecin chef du SSA, il est craindre que : Le mtierde mdecin militaire nattire plus

    .

    110

    Une solution consiste innover pour grer le manque de personnel,avec des quipes multinationales, des rserves et des contractants civils

    . Alors que la pnurie de personnelsde sant touche tous les pays dvelopps, la demande dans le secteur civilest telle quil est ais pour les mdecins et infirmiers militaires de sereconvertir. La concurrence est donc difficile pour les services de sant desarmes.

    111 .

    En 2008 dj, les rservistes assuraient 6,2 % de la fonction sant enOPEX, avec 119 personnels ayant effectu 5 465 journes en 2007 112 . Au10 octobre 2008, leffectif total de la rserve tait de 4 989 personnes 113

    Il nest toutefois pas certain que ces solutions suffisent rgler leproblme, ds lors quune des leons de lAfghanistan souligne justementlimportance de la formation au feu pour les personnels de sant : des civilsou des rservistes insuffisamment forms ne seraient pas la solution sur detels terrains. En outre, le SSA a dcid dharmoniser la dure des missionsen Afghanistan trois mois, au lieu de sjours plus courts (six semaines

    .

    107 Snat, Projet de loi de finances pour 2007 : Dfense , www.senat.fr/rap/106-078-38/106-078-3825.html , consult le 26 janvier 2010.108 Philippe Folliot, Assemble nationale, Avis prsent au nom de laCommission de la Dfense nationale et des forces armes, sur le projet de loi definances pour 2009. Tome II. Dfense. Soutien et logistique interarmes ,n 1202, p. 27, http://www.assemblee-nationale.fr/13/pdf/budget/plf2009/a1202-tII.pdf, consult le 26 janvier 2010.109 Philippe Folliot, op. cit. , p. 28.110 Entretien avec S., Service de sant des Armes, fvrier 2010.111 Bricknell et Hanhart, op. cit., p. 19.112

    Philippe Folliot, op. cit. , p. 28.113 Ibid. , p. 29.

    http://www.senat.fr/rap/106-078-38/106-078-3825.htmlhttp://www.senat.fr/rap/106-078-38/106-078-3825.htmlhttp://www.senat.fr/rap/106-078-38/106-078-3825.htmlhttp://www.senat.fr/rap/106-078-38/106-078-3825.htmlhttp://www.assemblee-nationale.fr/13/pdf/budget/plf2009/a1202-tII.pdfhttp://www.assemblee-nationale.fr/13/pdf/budget/plf2009/a1202-tII.pdfhttp://www.assemblee-nationale.fr/13/pdf/budget/plf2009/a1202-tII.pdfhttp://www.assemblee-nationale.fr/13/pdf/budget/plf2009/a1202-tII.pdfhttp://www.assemblee-nationale.fr/13/pdf/budget/plf2009/a1202-tII.pdfhttp://www.senat.fr/rap/106-078-38/106-078-3825.htmlhttp://www.senat.fr/rap/106-078-38/106-078-3825.html
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    par exemple) et ce, partir de fvrier 2010 114

    Des efforts supplmentaires pourraient tre galement raliss, afin

    dassurer une certaine galit des membres du SSA face aux risquesinhrents une mission en Afghanistan. Il semble par exemple que sur unequarantaine de chirurgiens gnralistes en exercice au sein du SSA, seuleune vingtaine parte

    . Pour un rserviste, il estdifficile de se librer pour une dure si longue.

    115

    On pourrait enfin observer un renversement dans le profil derecrutement des personnels de sant du SSA. La guerre du Golfe avaitdmontr que les personnels de sant taient des militaires avant dtredes mdecins, avec pour rsultat un effort de rajustement visant

    renforcer les qualifications mdicales du personnel de sant

    . Un mlange dincitations financires et de sanctionsdevraient permettre de motiver davantage ceux qui lheure actuellerefusent de partir.

    116

    . Aujourdhui,avec lAfghanistan, cest linverse qui se produit : dsormais sont nouveau valorises les qualits militaires des personnels de sant, alorsquelles ne sont pas assez prsentes. Pour retrouver lquilibre du mdecinmilitaire, mdecin et militaire, une solution avance consiste rintroduirede nouvelles preuves, notamment physiques, dans le recrutement. Ilsagirait notamment de sassurer que tous les personnels de sant sontcapables de porter une personne de 110kg sur un brancard, ou dutiliserdes moyens de transmission 117

    . Cependant, des exigences accrues lentre ne risquent pas de faciliter un recrutement dj dlicat mettre enuvre. Retrouver lquilibre perdu entre mdecin et militaire, tout enattirant la nouvelle gnration de mdecins du SSA, est un pari risqu, qui

    suppose quune identit reprcise et raffirme, valorisant la projection etlaction, donne envie de rejoindre un corps fier de ses missions et de sonrle crucial pour les armes.

    114 Entretien avec L., chirurgien, hpital du Val de Grce, 1 er fvrier 2010.115 Ibid .116

    Entretien avec S., Service de sant des Armes, fvrier 2010.117 Ibid .

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    Conclusion et perspectives

    MP JOUSSEAUME : Les postes mdicaux ont fourni un travail soutenu, constant et remarquable, soulign par tous les grands commandements. Au vu du rythme et de lenchanement des missions, la problmatique qui se pose est celle dun renforcement des effectifs dans un contexte particulirement tendu. La mise en place du sauvetage de combat par le Service de sant des Armes constitue par

    ailleurs un progrs sensible.

    LCL PIERRE : [Je suis] trs satisfait [du travail du SSA]. En Afghanistan, notre GTIA avait la particularit de bnficier des moyens amricains (hlicoptres envoys au plus prs des contacts et particulirement ractifs) et dune chane sant franaise qui mdicalise au plus vite et au plus prs de la ligne des contacts (mdecin, infirmiers lavant). Nous avions notre profit une vraie mdecine de combat.

    u cours du XX me sicle, les services de sant des armes nont cess

    de se perfectionner, entranant une chute du taux de mortalit descombattants blesss. Les conflits en Irak et en Afghanistan confirment cettetendance, malgr le durcissement des oprations constat au coursdes dernires annes.

    Pour autant, certaines questions restent non rsolues. Cest le casdu nouveau profil du mdecin militaire : entre savoir mdical et savoirmilitaire, devant tre capable de perfuser ou dintuber et de se dfendre,larme la main, il peut se rvler difficile incarner. Jusquo lespersonnels de sant peuvent-il tre des fantassins sans perdre leur proprespcialit voire leur identit ? Comment viter aussi que ne disparaissent

    les frontires entre fantassin form au sauvetage de combat et personnelde sant de lavant, forms se battre comme un fantassin ? Les savoirsde chacun et leurs capacits techniques les distinguent certes. Cependant,un certain malaise est perceptible, qui se cristallise autour de pratiquescomme la perfusion ou de certaines rgles thiques encadrant le recours la force par le personnel mdical. Si des rponses sont en coursdlaboration, les rformes conduites jusquici, peut-tre trop rapides, ontentran une impression de flottement, puisque des identits jusque-l trsclaires ont t amenes tre dplaces et partiellement modifies.

    A un autre niveau, on est galement en droit de sinterroger sur lesapports spcifiques de la chane de sant franaise par rapport la chanede sant OTAN et surtout amricaine. Certes, lutilit de la prsence