1. Table des matires V Table des matires Avant-propos 1
Introduction gnrale 3 Partie 1 Stratgie Chapitre 1 Analyse de
lenvironnement et comprhension de la concurrence 17 1
Lenvironnement externe 18 2 La dynamique concurrentielle 55
Chapitre 2 valuer lattractivit dun domaine dactivit 65 1
Lattractivit intrinsque 65 2 Lattractivit relative 73 3 Les systmes
concurrentiels 74 Chapitre 3 Des ressources et comptences la
comptitivit 79 1 Lanalyse interne : de la chane de valeur aux
comptences 80 2 Ressources et comptences : utiliser les effets de
levier, valoriser le portefeuille, et valuer la marge de manuvre
des concurrents 96 Chapitre 4 valuer la position concurrentielle
103 1 Valoriser le portefeuillede ressources et de comptences 103 2
valuer la marge de manuvre des concurrents 111 3 Une valuation
dynamique 119
2. VI Table des matires Chapitre 5 Lavantage concurrentiel 123
1 La nature de lavantage concurrentiel 124 2 Avantage de cot et
volume de production 128 3 Les avantages fonds sur une
recomposition de loffre : diffrenciation et low cost 146 Chapitre 6
De la proposition de valeur au business model : comment crer,
partager et sapproprier de la valeur 163 1 La proposition de valeur
: fonder une offre potentiel 164 2 Le business model : former une
offre potentiel 180 Chapitre 7 Stratgies de croissance et voies de
dveloppement : spcialisation et diversification 195 1 La
spcialisation 197 2 La diversification stratgique 203 3 Les modes
de dveloppement 218 Chapitre 8 La globalisation et les options
stratgiques 223 1 Les forces de globalisation 224 2 La dynamique de
la concurrence internationale 231 3 Stratgie internationale et
avantages concurrentiels 237 4 Linternationalisation et la
rorganisation de la chane de valeur de lentreprise 249 Chapitre 9
Diversification et corporate strategy 257 1 Quest-ce que la
corporate strategy ? 259 2 La segmentation stratgique 262 3 Les
modles de portefeuille dactivits 267 4 Corporate strategy,
diversification et cration de valeur 281 5 Recherche synergies
dsesprment 290 Chapitre 10 Les stratgies dacquisition 299 1 Les
motivations des fusions et acquisitions 301 2 Le processus
dacquisition 317 Chapitre 11 Les alliances stratgiques 333 1
Dfinition des alliances : lambigut coopration/comptition 333
3. Table des matires VII 2 Pourquoi sallier avec un concurrent
? 337 3 Les piges des alliances 343 4 Trois grands types dalliances
348 5 Dynamique et management des divers types dalliances 354
Chapitre 12 Stratgie et dveloppement durable 361 1 Les enjeux
denvironnement de lactivit conomique 361 2 Les enjeux sociaux de
lactivit conomique 370 3 Business et licence to operate 372 4
Actionnaires et parties prenantes 378 5 Business models existants
et dveloppement durable 389 6 Aligner le systme de gestion du
dveloppement durable sur les intentions stratgiques 395 Partie 2
Structure Chapitre 13 lments de base dune thorie de la structure
411 1 Dfinitions 411 2 Les dterminants de la structure 416 3
Diffrenciation-intgration 425 4 Structures et complexit 430 5
Structures et cultures 432 6 Le changement organisationnel 437
Chapitre 14 Les structures mono-dimensionnelles 443 1 La structure
fonctionnelle 444 2 La structure divisionnelle 452 3 Les structures
de transition 463 Chapitre 15 Les structures multi-dimensionnelles
473 1 La structure matricielle 473 2 Les projets 481 3 Mise en uvre
des structures multidimensionnelles 489 Chapitre 16 Les dfis
relever 497 1 Sinternationaliser 497
4. VIII Table des matires 2 Concilier taille et ractivit 508 3
Mobiliser les comptences et les synergies 517 4 Acclrer les
innovations 528 Chapitre 17 Le changement organisationnel 533 1
Lapproche thorique du changement 533 2 Lvolution de la conception
du changement 535 3 La mise en uvre du changement 546 4 Une vision
systmique du changement 556 Chapitre 18 Au-del de la contingence
561 1 Une modlisation de la diversit 563 2 Le renouvellement du
paradigme des structures 569 Partie 3 Dcision Chapitre 19
Planification dentreprise et management stratgique 597 1 Dfinition
de la planification dentreprise 597 2 volution des systmes
classiques de planification 598 3 La crise de la planification 605
4 Architecture des systmes de planification stratgique 607 5 Les
fonctions potentielles de la planification 617 6 La planification :
sen servir ou pas 620 Chapitre 20 Les modles fondamentaux des
processus de dcision 625 1 Le modle de lacteur unique 628 2 Le
modle organisationnel 632 3 Le modle politique 638 4 Le modle de la
poubelle 641 Chapitre 21 Processus de dcision et matrise de la
stratgie 645 1 Le modle de la politique organisationnelle 645 2
Lincrmentalisme logique 653 3 Lincrmentalisme cognitif 659
5. Table des matires IX Partie 4 Identit Chapitre 22 De la
culture lidentit 669 1 Les textes fondateurs : Selznick, Barnard,
LCAG 669 2 Lide de culture : lengouement des annes quatre-vingt 672
3 Critique de la notion de culture : de la culture lidentit 684
Chapitre 23 Lidentit 689 1 Lidentification, lidentit et laction
collective 689 2 Les cinq facettes des identits organisationnelles
693 3 La focalisation de lidentit 706 Chapitre 24 Grer les identits
dentreprise 713 1 La gestion de la corporate reputation 714 2
Action interne sur lidentit : la dmarche clinique par entretiens et
restitution 725 3 Grer les identits dentreprises multiples 728
Chapitre 25 Le leadership 733 1 Une littrature plthorique 733 2
Notre approche 736 3 Le travail de rle du dirigeant 739 4 Approche
psychanalytique du leadership 743 Chapitre 26 Du knowledge
management lentreprise apprenante : le Learning Mix 749 1 Le
Learning Mix : un modle intgrateur 750 2 La technologie : les
systmes dinformation 751 3 Organisation : une structure apprenante
752 4 La gestion dun portefeuille de connaissances 754 5 Une
identit apprenante 755 Conclusion gnrale 761
6. X Table des matires Cas dapplication Cas Vivendi Universal :
corporate strategy et cration de valeur 769 Cas Swissair 805 Grands
auteurs en stratgie 837 Glossaire 849 Bibliographie 857 Index des
concepts 871 Index des socits 875
7. Avant-propos Cet ouvrage est le fruit du travail collectif
du dpartement Stratgie et Poli- tique dentreprise du Groupe HEC.
Ayant pour but dintgrer les multiples facettes du mtier de
dirigeant, il formalise les enseignements donns par les auteurs
depuis une trentaine dannes auprs dtudiants, de cadres et de diri-
geants dentreprise. Il manifeste en outre leur exprience du monde
indus- triel, acquise au cours de nombreuses actions de recherche
et de conseil. Un tel ouvrage constitue un apport essentiel, tant
lenseignement qu la pratique du management stratgique. Il regroupe
dans une vision globale des disciplines qui taient jusqu prsent
dconnectes, dans la littrature comme dans la formation. En ce sens,
il reprsente pour tous, tudiants, professeurs, consultants et
cadres dirigeants, un outil de travail efficace. Cette quatrime
dition, trs largement refondue et enrichie, prsente aussi bien les
concepts de base que les rflexions les plus avances, en sefforant
toutefois de ne pas sombrer dans les effets de mode. Destin aux
tudiants, aux cadres et aux dirigeants dentreprise, cet ouvrage a t
conu et test leur contact. Depuis prs de vingt ans, il constitue la
rfrence de base de nos enseignements. Les auteurs adressent leurs
remerciements aux lves de lcole HEC, aux participants du MBA-HEC,
aux tudiants du doctorat HEC et aux stagiaires dHEC Management qui,
par leur curiosit et leur exigence, ont largement contribu
lenrichissement de leur rflexion. Enfin, cet ouvrage naurait jamais
pu voir le jour sans la collaboration efficace de nos ditrices.
Strategor, Jouy-en-Josas, 2004.
8. Introduction gnrale La politique dentreprise est lune des
plus jeunes sciences du manage- ment. Son objet est lentreprise en
tant quacteur de la vie conomique et sociale. Elle vise connatre
les dterminants, endognes et exognes, de cet acteur, afin
dexpliquer ses comportements passs, de prvoir, et surtout dorienter
ses comportements futurs. Ses finalits en font ainsi la discipline
la plus directement lie la direction gnrale dentreprise, la plus
utile lexercice du mtier de dirigeant. Elle considre lentreprise
comme une totalit (ce qui est prcisment le point de vue dune
direction gnrale), alors que les autres fonctions, que ce soit le
marketing, la production, la gestion du personnel ou la finance,
par exemple, nen concernent quun aspect. Plus quune synthse des
autres fonctions, la politique dentreprise vise raliser la matrise
dun domaine spcifique, qui commence l o celles-ci sarrtent, et qui
se dfinit comme celui du libre arbitre des dirigeants dentreprise.
Elle utilise les informations venant des autres fonctions ainsi que
des mthodologies qui lui sont propres, mais elle ne se laisse
emprisonner ni par les unes ni par les autres. Cest tout le sens du
terme politique, qui trouve ses racines dans le gouvernement sou-
verain, par les citoyens libres, de la cit-tat de la Grce antique.
Si lon conoit lentreprise comme une entit poursuivant des objectifs
propres, par les voies et les moyens quelle se donne, et si lon
accepte quelle puisse tre objet de science, alors la politique
dentreprise est la science de la libert de lentreprise. Cette
libert se manifeste dabord par le choix des objectifs gnraux que
lentreprise entend poursuivre, et des stratgies quelle dveloppe
cette fin. Ce que lon appelle la stratgie, lintrieur mme de la
poli- tique dentreprise, correspond lexercice difficile de ces
choix. Cest un domaine de connaissance dj plus ancien, qui sest
construit partir des
9. 4 INTRODUCTION GNRALE thories conomiques appliques
lentreprise, et o la notion de concur- rence tait la base de tout
raisonnement. Cest dailleurs en rfrence cette notion, qui voque un
tat de guerre entre les combattants que sont les entreprises sur un
terrain reprsent par le march, que les premiers thoriciens ont
adopt le terme de stratgie. Lui aussi dorigine grecque, il se rfre
larme, et au gnral qui dispose ses troupes sur le champ de
bataille. Il sagit donc dune analogie ; comme toute analogie, elle
est trs utile mais possde ses limites. En raction ces partis pris,
les thories de la stratgie dveloppes HEC mettent laccent sur les
stratgies dalliance, celles qui se dveloppent prcisment dans un
contexte o comptition et coopration coexistent. Des stratgies
concurrentielles pures et dures aux stratgies coopratives, il y a
ainsi un vaste champ daction pour les dirigeants dentreprise,
lequel a fait lobjet de nombreuses analyses : elles sont prsentes
dans la premire partie de cet ouvrage. Un grand nombre dapproches
se sont succdes, depuis le premier modle dvelopp dans les annes
soixante luniversit de Harvard. Le lecteur trouvera, tout au long
de cette premire partie, non seulement la des- cription synthtique
de chaque approche, mais encore son analyse critique, ainsi que
lindication des situations concrtes dans lesquelles il apparat par-
ticulirement pertinent. Les mthodes danalyse stratgique ne sont
cependant que la premire face de la politique dentreprise, la plus
visible et donc la mieux connue. Mais il apparut trs tt quelles ne
pouvaient seules rendre compte de la ra- lit du mtier de dirigeant.
En effet, le choix dune stratgie tant suppos acquis, sa mise en
uvre na rien dvident, car elle passe par une rpartition des tches
lintrieur de lentreprise, du sommet la base. Cette rpartition
implique un nombre de personnes dautant plus lev que lentreprise
est grande ; ces personnes sont dautant plus diffrentes les unes
des autres, par leurs comptences, leurs mthodes ou leurs faons de
voir, que les tches accomplir deman- dent une grande spcialisation.
Tout ceci complique le rle des dirigeants, obligs de dlguer leurs
responsabilits en cascade au travers de lorganisa- tion et
dimaginer des moyens de coordination de cet ensemble complexe. Cet
aspect de la direction gnrale dune entreprise est dsign sous le
terme de structure, et on le symbolise souvent par un organigramme.
Il sagit de la structure de rpartition des tches aussi bien que des
liens existant entre les diffrents responsables de ces tches. La
deuxime partie de cet ouvrage est consacre ltude de la structure de
lentreprise. Mais elle va beaucoup plus loin que ce que lon
appelait autrefois la mise en uvre de la stratgie. Elle apprend
certes au lecteur lire un organigramme comme on lit un bilan,
cest--dire y dcouvrir tout ce qui sy cache, mais elle lui fait
galement prendre conscience de la rela- tion trs troite qui unit
stratgie et structure. Car sil est exact quune stra- tgie, pour tre
mise en uvre avec succs, suppose que la structure lui soit
10. Introduction gnrale 5 adapte, une structure donne
influence, de faon trs importante, la strat- gie qui sera choisie.
Cest un peu lhistoire de la poule et de luf : la stra- tgie est le
produit dune structure qui lui prexiste, mais elle engendre son
tour une structure nouvelle. L encore, il existe une srie de modles
qui proposent une codification des rapports existant entre stratgie
et structure. Ils taient au dbut assez simples et associaient un
type de structure un type de stratgie, au sein de ce que lon a
appel une thorie des stades de dveloppement de lentre- prise.
Progressivement sont apparues des thories dites contingentes de
cette relation, refusant les principes universels et mettant en
avant lide que a dpend : le type de structure le plus performant
dpend dun certain nombre de facteurs, tels que la nature de
lactivit ou de la concurrence. Cette appro- che a donn naissance
une deuxime gnration de modles, eux aussi pr- sents et comments
dans la deuxime partie, laide dun grand nombre dexemples concrets.
Les analyses plus rcentes, menes HEC notamment, ont cependant fait
apparatre que les approches contingentes taient elles-mmes trop
limites, car elles ngligeaient laspect politique du choix de la
structure. Une entre- prise nest pas un meccano, mme complexe :
cest avant tout un groupe humain, lui-mme divis en sous-groupes.
Toute transformation de la struc- ture affecte ces diffrents
groupes en termes de responsabilit et de pouvoir. Elle est donc
naturellement elle-mme un enjeu de pouvoir, au-del des rai- sons
plus ou moins mcaniques mises en avant pour la justifier ou, au
contraire, la condamner. Il y a donc, dans tout choix de structure,
un certain arbitraire, qui nest autre quun espace de libert
politique pour ceux qui font ce choix. Cest ce que le lecteur
dcouvrira travers les approches les plus rcentes. Ainsi sera
termine lanalyse de la deuxime face de la politique dentre- prise,
qui complte la premire en interaction avec elle ; la dynamique
stra- tgie-structure reste dailleurs encore pour beaucoup dauteurs
lessentiel de la politique dentreprise. Mais il nen va pas de mme
dans cet ouvrage, o a t justement mis en vidence, au terme des deux
premires parties, lespace de libert qui existe dans le choix dune
stratgie comme dans celui dune structure. Lentreprise, objet de
connaissance, est le sujet de cette libert : lentreprise tout
entire et pas seulement sa tte, ses dirigeants sup- poss que nous
avons jusqu prsent voqus, par commodit, sans les dfi- nir. Qui, en
effet, exerce ces choix ? Voil la question que les thoriciens de la
stratgie ou de la structure oublient le plus souvent de se poser,
comme si lentreprise, en tant qutre agissant, tait une bote noire
parfaitement imp- ntrable, que lon pourrait symboliser par un
hypothtique et tout puissant dirigeant ! Dans la ralit, ce
dirigeant nexiste pas toujours, et lorsquil existe, il est beaucoup
moins puissant que les modles ne le supposent. Les choix quon lui
prte ne sont pas forcment les siens, car bien souvent il ne fait
quent- riner ceux quon lui propose. Certains semblent mme avoir t
oprs tout
11. 6 INTRODUCTION GNRALE seuls, tant ils apparaissent comme le
produit dune histoire plus que celui dune dcision dlibre et
datable. Ltre dune entreprise ne peut donc se laisser saisir
travers son dirigeant, mais bien plutt travers les processus rels
de dcision qui le faonnent peu peu : cest lobjet de la troisime
partie de cet ouvrage. Sans sloigner des grands choix de stratgie
et de structure, elle guide le lecteur dans un domaine ignor des
modles managriaux, et lui montre que ces choix sexpliquent non pas
par les donnes du problme de stratgie ou de structure pos, mais par
la faon dont lorganisation a trait ce problme. Comme il ny a pas de
thorie sans modles, cette partie, elle aussi, pr- sente ltat actuel
du savoir dans le domaine de la dcision. Elle oppose aux approches
rationnelles, cest--dire celles qui se fondent sur une rationalit
purement conomique, les approches organisationnelles, fondes sur
les lois du fonctionnement interne des organisations, et les
approches politiques, fondes sur les rapports interpersonnels des
dcideurs. Lapport des sciences politiques y est essentiel, et
ancien, mais il nest pas le seul. Les thories de la planification
stratgique, en particulier, ont tent de saisir et de codifier les
processus de dcisions en les adaptant lvolution de lenvironnement
de lentreprise, dune manire trs comparable aux approches
contingentes dcrites pour la structure. Parmi les thories les plus
rcentes, celles dveloppes HEC essaient de dpasser nouveau la notion
de contingence pour esquisser ce que pourrait tre la matrise des
processus de dcision. Si plusieurs types de processus de dcision
existent, elles ne se contentent pas de les classer et de leur
faire correspondre des variables exognes : en distinguant ce que
lon appelle des situations de dcision, elles jettent les bases dun
nouveau savoir, qui per- mettra en quelque sorte de dcider la
dcision Ainsi sachve la partie qui dvoile une troisime face de la
politique dentreprise. Il en reste cependant encore une mettre
jour. Cest la moins visible de toutes, la plus difficile comprendre
et matriser. Au-del de la manire dont se prennent les dcisions
stratgiques, il se produit dans toute organisa- tion un phnomne qui
interfre trs largement avec la stratgie, au point parfois de la
paralyser. Il sagit de lidentit de lentreprise, image collec- tive
de ce quest cette entreprise pour tous ceux qui y travaillent. On a
trop souvent mlang identit et image externe perue justement par
ceux (clients ou fournisseurs, par exemple) qui ne sont pas dans
lentreprise. Or lidentit est une image infiniment plus complexe,
qui ne se confond aucunement avec cette image externe, facilement
manipulable par la publi- cit et les relations publiques. Lidentit
procde dune culture interne lentreprise, tudie surtout par les
psychosociologues des organisations. Dans la quatrime et dernire
partie de cet ouvrage, leur apport est pr- sent puis critiqu, car
il manque la ncessaire dimension entrepreneuriale. Les thories
anglo-saxonnes de la corporate culture y sont galement analy- ses
de faon critique : il leur manque sans doute, elles, la dimension
psy- chanalytique indispensable.
12. Introduction gnrale 7 Le concept didentit de lentreprise
est n et a t considrablement dve- lopp HEC depuis plus de vingt
ans. Il reprsente une petite rvolution dans la politique
dentreprise, tant son apport semble prcieux au mtier de dirigeant.
Cet ouvrage le prsente donc sous une forme complte, la plus acheve
ce jour, et en souligne toutes les applications potentielles. Ce
manuel ne saurait sachever sans montrer les liens qui unissent les
qua- tre piliers de la politique dentreprise, que nous avons nomms
: stratgie, structure, dcision, identit. Cest lobjet de la
conclusion, qui esquisse une difficile synthse entre ces quatre
lments. Ils sont un peu comme les quatre faces dun ttradre : lis
deux deux par une crte, qui est aussi une articulation, comme dans
le cas de stratgie- structure ou didentit-stratgie. De sorte que,
quel que soit le problme de politique dentreprise pos, lexamen de
lun de ces lments conduit auto- matiquement examiner les trois
autres. Cest toute loriginalit dune approche qui contribue, avec
toutes celles qui lont prcde, au progrs des sciences du management.
Strategor mode demploi Cette nouvelle dition comporte des modules
pdagogiques, certains classiques et hrits des prcdentes ditions,
dautres innovants : les exemples qui maillent le texte ; les
nombreux tableaux et figures ; les mini-cas en anglais, tmoins de
limportance de lenseignement en anglais et permettant au lecteur de
sapproprier le vocabulaire de la discipline ; les cas complets,
situs en fin douvrage et assortis de leurs docu- ments annexes, qui
permettent aux tudiants de visualiser la structure des sujets
dexamen et den comprendre la logique interne. Enfin, Strategor
comporte des utilitaires : un glossaire franais-anglais ; une
bibliographie complte ; des portraits et rfrences aux grands
auteurs en stratgie ; deux index : index des concepts et index des
socits cites.
13. Partie 1 Stratgie
14. Introduction On trouve dans la littrature managriale un trs
grand nombre de dfini- tions diffrentes de la stratgie dentreprise
; nous renverrons le lecteur int- ress aux nombreux ouvrages, tant
franais quanglo-saxons, publis sur le sujet depuis une trentaine
dannes, et dont on trouvera une liste en biblio- graphie. Pour
notre part, nous dfinirons la stratgie de la faon suivante :
laborer la stratgie de lentreprise, cest choisir les domaines
dactivit dans lesquels lentreprise entend tre prsente et allouer
des ressources de faon ce quelle sy maintienne et sy dveloppe.
Cette dfinition identifie deux niveaux de stratgie : la stratgie de
groupe (ou corporate strategy), qui dtermine les domaines dactivit
de lentreprise. Cest cette stratgie de groupe qui conduit lentre-
prise sengager dans tel ou tel secteur, ou se retirer de tel ou tel
autre, afin de se constituer un portefeuille dactivits quilibr ; la
stratgie concurrentielle (ou business strategy) mise en uvre dans
cha- cun de ces domaines dactivit. Cette stratgie concurrentielle
dfinit les manuvres que lentreprise doit accomplir afin de se
positionner favorable- ment face ses concurrents dans un secteur
donn. Par ailleurs, cette dfinition insiste sur le fait que ce sont
les choix dallo- cation de ressources, investissements et
dsinvestissements notamment, qui, davantage que les discours des
dirigeants, font la stratgie. Les premiers modles danalyse
stratgique sont venus des tats-Unis, dans les annes soixante. Le
plus connu est celui de la Harvard Business School, et a t pour la
premire fois propos dans un ouvrage devenu classique1 sign des
professeurs Learned, Christensen, Andrews et Guth, nous nous y
rfrerons par la suite sous le nom de modle LCAG. Bien que ce modle
apparaisse aujourdhui dpass et simpliste, il est utile den rap-
peler la logique, qui reste sous-jacente aux approches plus rcentes
de la 1. Learned E.P., Christensen C.R., Andrews K.R. et Guth W.D.,
Business Policy, Text and Cases, Richard D. Irwin, 1965.
15. 12 PARTIE 1 : STRATGIE stratgie. Le modle LCAG confronte
lentreprise son environnement concurrentiel en valuant la plus ou
moins grande adaptation des compten- ces et ressources propres de
lentreprise aux contraintes que lui impose cet environnement. Cette
confrontation entre analyse interne (de lentreprise) et analyse
externe (de lenvironnement concurrentiel) a t reprsente comme
indiqu dans la figure page suivante. Centr sur lvaluation des
forces (strengths) et faiblesses (weaknesses) de lentreprise dune
part, sur lidentification des opportunits (opportunities) et
menaces (threats) prsentes dans lenvironnement dautre part, ce
modle est galement connu sous lacronyme de SWOT . Les dveloppements
ultrieurs de la rflexion sur la stratgie sont venus se greffer sur
ce modle pour proposer une formalisation plus pousse des mthodes
danalyse externe et interne ainsi que des liens entre les conclu-
sions tires de ces analyses et lventail des choix stratgiques
possibles. Le modle LCAG Politiques fonctionnelles : Production
Marketing R & D Finance Ressources humaines Analyse externe
Analyse interne Opportunits menaces Forces et faiblesses Choix
stratgiques
16. Introduction 13 Soulignons quen fait le modle LCAG est
avant tout adapt lanalyse des stratgies concurrentielles (business
strategies), telles que nous les avons dfinies prcdemment. Lanalyse
des stratgies de groupe (corporate stra- tegies) a t formalise plus
tardivement et de faon trs largement indpen- dante par des cabinets
de conseil en stratgie. Depuis une trentaine dannes, le domaine de
la stratgie sest enrichi de nombreux modles, mthodes et concepts
qui feront lobjet de prsentations dtailles dans cette premire
partie du livre. Lensemble de ces approches peut tre structur dans
une dmarche cohrente comprenant cinq grandes tapes. 1 La
segmentation stratgique Cette premire tape vise identifier, au sein
de lactivit globale de lentreprise qui se prsente la plupart du
temps comme un ensemble confus de produits, de marchs, de
technologies, doutils de production, etc., les ensembles
pertinents, homognes du point de vue de la formulation de la
stratgie, et donc de lallocation des ressources, partir desquels on
pourra construire la rflexion stratgique. 2 Lanalyse
concurrentielle Pour chacun des domaines dactivit ainsi dfinis, il
convient den analy- ser les caractristiques intrinsques
(croissance, potentiel de dveloppement, taux moyen de rentabilit,
valeur, attrait), de dterminer quelles sont les principales forces
qui sy exercent (rivalit entre concurrents existants, pres- sion
des fournisseurs ou des clients, menace de nouveaux entrants dans
le domaine ou de produits de substitution, intervention de ltat) et
didenti- fier ainsi les ressorts essentiels de la concurrence. 3 La
construction dun avantage comptitif Pour chacun des domaines
dactivit considrs, et compte tenu des rsul- tats de lanalyse
concurrentielle, une stratgie approprie permettant lentreprise de
se crer un avantage comptitif durable doit tre mise en uvre. Les
deux principales stratgies envisageables, souvent qualifies de
stratgies gnriques , sont :
17. 14 PARTIE 1 : STRATGIE les stratgies de cot, par lesquelles
lentreprise cherche sassurer un avantage au niveau de ses cots sur
lensemble de ses concurrents. Des volumes de production importants
tant souvent lorigine de cots bas, les stratgies de cot sont
souvent assimiles des stratgies de volume ; les stratgies de
diffrenciation, par lesquelles lentreprise cherche produire une
offre spcifique lui permettant ainsi de se dmarquer de ses
concurrents et dviter une concurrence uniquement fonde sur les cots
et les prix. La construction par lentreprise dun avantage
concurrentiel doit bien entendu sappuyer sur lventail des
ressources et comptences spcifiques dont elle dispose. Ces
comptences distinctives pourront, selon les cas, tre davantage
cohrentes avec la mise en uvre dune stratgie de cot ou, au
contraire, dune stratgie de diffrenciation. 4 Les voies et modes de
dveloppement stratgique Pour acclrer sa croissance, accrotre son
potentiel de dveloppement, rduire ses risques, utiliser des
ressources disponibles, une entreprise pourra chercher entrer dans
de nouveaux domaines dactivit ; plusieurs voies de dveloppement
stratgique souvrent alors elle : lintgration, vers lamont ou vers
laval ; la diversification gographique ou globalisation ; la
diversification lie ; la diversification conglomrale. Ces
dveloppements pourront tre accomplis par croissance interne ou
externe (fusions, acquisitions, alliances, etc.). 5 Le management
dun portefeuille diversifi dactivits Ds lors quune entreprise sest
diversifie et est donc prsente sur plu- sieurs domaines dactivit
diffrents, se pose le problme du management intgr de lensemble de
ces activits. Les modles de portefeuille dacti- vits ont pour
finalit de formaliser et de faciliter une telle gestion globale dun
ensemble diversifi dactivits ; pour cela, ils concentrent lanalyse
sur deux dimensions principales : la valeur des domaines dactivit
considrs ; la position concurrentielle de lentreprise sur chacun de
ces domaines ;
18. Introduction 15 afin de dterminer si la somme des activits
de lentreprise constitue un ensemble quilibr et cohrent. Si tel
nest pas le cas, ces modles font apparatre la ncessit de faire
voluer la composition de ce portefeuille et conduisent formuler une
vritable stratgie de portefeuille dactivits . La premire tape dans
cette dmarche danalyse stratgique permet de passer du niveau
corporate au niveau business. Les deuxime et troisime tapes sont
exclusivement consacres la business strategy. La quatrime tape
permet de revenir au niveau corporate qui est galement la
perspective adopte dans la cinquime tape. Lensemble de cette
dmarche sinscrit dans une logique domine par la libre concurrence.
Or lobservation du comportement rel des acteurs cono- miques rvle
que de nombreuses entreprises se maintiennent durablement en
sinscrivant dans une logique qui est au moins partiellement non
concur- rentielle. Cette dimension de la stratgie, non prise en
compte dans les modles classiques, peut tre qualifie de
relationnelle. En effet, cest par des relations privilgies tablies
avec divers partenaires conomiques (tat, concurrents, actionnaires,
groupes de pression) que lentreprise peut se sous- traire au danger
dune concurrence trop vive. Cest pourquoi, au-del de lanalyse
dtaille des modalits de stratgie concurrentielle, la premire partie
du livre inclut un chapitre sur les stratgies relationnelles. En
outre, elle se conclut par la prsentation de la notion de mtier,
qui est de plus en plus utilise dans le discours de lentreprise, et
qui se situe la charnire entre stratgie et identit. Quest-ce donc
en effet que le mtier, si ce nest la vision subjective quont les
membres de lentreprise de leur propre comptence ? Conclusion donc
en forme de transition, vers une connaissance plus approfondie des
autres facettes de la politique dentreprise. La dmarche gnrale de
lanalyse stratgique 1re tape Dnition des domaines dactivits ou
segments stratgiques de lentreprise. 2e tape Analyse
concurrentielle de chacun de ces domaines dactivit. 3e tape Choix
dune stratgie gnrique pour chaque domaine identi. 4e tape
Dtermination des voies de dveloppement stratgique vers de nouvelles
activits. 5e tape Management dun portefeuille diversi dactivits.
TABLEAU 0.1
19. Chapitre 1 Analyse de lenvironnement et comprhension de la
concurrence Pour lentreprise, ltude de lenvironnement est
complmentaire de lanalyse de ses propres for- ces et faiblesses. La
bonne connaissance de la concurrence ne remplace certes pas
lvaluation de ses ressources internes, de ses comptences
technologiques et organisationnelles, de ses capacits dinnovation
et dinitiative. Cepen- dant, identifier les nouvelles technologies,
les nouveaux entrants, les nouvelles rglemen- tations, les
comportements des fournisseurs, des rseaux de distribution et des
clients est essentiel. Lenvironnement concurrentiel est dailleurs
pro- fondment renouvel de manire quasi permanente. Travers par de
grandes forces dmographiques, conomiques et sociales,
lenvironnement doit tre connu, analys et interprt par les entre-
prises et leurs dirigeants. Dailleurs, le somment de Davos a
maintenant son quivalent alter mon- dialiste ! Ceci traduit une
inexorable monte en puissance des alter pouvoirs : mouvements
politiques, organisations syndicales, organisa- tions de
consommateurs, associations de dfense de toute sorte. Lentreprise
est ainsi un systme ouvert, qui devrait vivre en accord avec son
environnement. Lanalyse stratgique sest enrichie de concepts et de
grilles danalyse au fil du temps. Ltude de la concurrence ne se
rsume plus celle de la rpartition des parts de march entre les
concurrents. La rgle dor nest plus seulement la taille, et le
devenir dune entreprise nest plus dtre seulement dominante. Sa
marque, son respect des valeurs, limpact de ses actions de court
terme sur les prochaines gnrations, sa capacit dinnovation psent
dornavant beau- coup sur lchiquier concurrentiel. Ce chapitre est
ainsi consacr lanalyse de lenvironnement et du contexte
concurrentiels, puis ltude de la concurrence et du march, et enfin
la dynamique concurrentielle. La perspec- tive se veut rnove.
20. 18 PARTIE 1 : STRATGIE 1 Lenvironnement externe Dans
lanalyse stratgique, lenvironnement est traditionnellement source
dinfluences, de pressions ou de contraintes qui psent sur les
dcisions de lentreprise. Jeux de forces venant des concurrents
directs comme dautres acteurs conomiques. Toutefois, une conception
complmentaire souligne le fait que les choix stratgiques adopts par
les entreprises faonnent leur tour leur environnement : Palm Pilot
lance un organizer lectronique, Apple ouvre son site musical payant
tout en lanant son i-Pod. Lanalyse de lenvironnement doit donc tre
mene pour comprendre dans quel contexte et circonstances les
entreprises se font concurrence. Nous nous intresserons dans un
premier temps lenvironnement gnral de lentreprise, entendu au sens
large. Ensuite, nous examinerons les princi- pales forces qui psent
sur lenvironnement concurrentiel direct des entreprises. 1.1 Les
grandes dimensions de lenvironnement Entendu au sens large,
lenvironnement recouvre de trs nombreuses dimensions. Il suffit de
penser lenvironnement climatique, aux dci- sions politiques ou aux
fluctuations montaires pour sen convaincre. Quelles pourraient tre
les influences terme dun rchauffement climati- que ? Quel effet a
eu lavnement de la monnaie unique europenne sur les marchs ? Ces
dimensions trs macro doivent tre mobilises autant que de besoin
pour qualifier le contexte gnral dans lequel les entreprises
voluent. Toutefois, un niveau plus prcis, certains facteurs
faonnent lenvironne- ment de lentreprise. Il est alors utile
lanalyse de regrouper ces dimensions en catgories. Dans la suite,
six principales dimensions de lenvironnement externe seront
discutes : la dmographie, la dimension technologique,
lenvironnement socioculturel, la dimension politique et lgale, la
globalisa- tion, et lenvironnement conomique1 . Il est possible de
considrer que lenvironnement de lindustrie regroupe les facteurs
qui influencent directement les entreprises comme la menace des
nouveaux entrants, le pouvoir de march des fournisseurs et celui
des acheteurs et la crainte des substituts. Enfin, lenvironnement
concurrentiel traduira le type et le degr de concurrence auxquels
se livrent les entreprises dune mme activit. 1. Hitt M., Hoskinson
R. I. et R., Strategic Management : Competitiveness and
Globalization, 5e d., Thomson, 2003.
21. Chapitre 1 : Analyse de lenvironnement et comprhension de
la concurrence 19 1.1.1 Les six grandes dimensions de
lenvironnement externe La dmographie Savons-nous que plus de 60 %
de la population mondiale se trouvait en Asie en 2000 ? Le facteur
dmographique est important pour le dveloppe- ment international de
lentreprise (par exemple, peut-on tre absent des grands marchs
chinois et indien ?) et pour les nouveaux marchs ou les innovations
(quel est le potentiel de march de telle ou telle innovation ?).
Cette considration nest pas anecdotique si vous tes une socit comme
le finlandais Nokia qui souhaite lancer une nouvelle gnration de
tlphones portables pour contrer la monte en puissance du coren
Samsung. Le facteur dmographique recouvre traditionnellement les
cinq dimensions suivantes : la taille de la population, la pyramide
des ges, la rpartition go- graphique, les dimensions ethniques et
la rpartition des revenus. La taille de la population Saviez-vous
que la part de la population de la Chine dans la population
mondiale tait estime plus de 34 % en 1800 et quelle est value 22 %
en 2000 ? Dun point de vue global, il est important de resituer
certains pays dans la population mondiale de plus de 6 milliards
dhabitants au dbut du XXI e sicle. Les tudes de lOrganisation des
Nations Unies anticipent que lInde aura plus de 1,5 milliard
dhabitants, et la Chine de mme, pour une population Lenvironnement
externeFIGURE 1.1 Dmographie conomie Technologie Globalisation
Socio-culturel Politique/Lgal Environnement gnral et contexte
concurrentiel Environnement de lindustrie Pouvoir des fournisseurs
Pourvoir des clients Substituts et nouveaux produits Rglementation
* Intensit de la concurrence
22. 20 PARTIE 1 : STRATGIE mondiale totale de prs de 8
milliards en 2025. Si elles savrent exactes, ces prvisions
indiquent aux entreprises la taille actuelle et future de certains
mar- chs : deux pays pourraient eux seuls reprsenter entre 30 % et
35 % de la population mondiale totale lhorizon 2050. La dmographie
requiert donc de la stratgie quelle ait une dmarche prospective.
Imaginons un instant ce que seront ces marchs en termes de
terminaux mobiles ou dautomobiles, de logements ou de consommation
lectrique. Une autre tendance dmographique forte est la baisse du
taux de fcondit des couples europens ou amricains. Selon lOCDE
(Organisation de coo- pration pour le dveloppement conomique) et
lINED (Institut national dtudes dmographiques), le taux de fcondit
en Allemagne est pass de 2,03 enfants en 1970 1,36 en 2000 et de
2,47 1,89 en France pour les mmes dates. Dans certains cas, le
renouvellement de la population nest donc plus assur. Si vous tes
un investisseur, groupe diversifi ou groupe immobilier, irez- vous
investir dans les maisons de retraites en Europe, ou bien dans les
nou- velles banlieues des mgapoles chinoises, mexicaines ou
indiennes ? La pyramide et la structure des ges Non seulement les
grands pays industrialiss sont sortis du baby boom de laprs Seconde
Guerre mondiale, mais ils connaissent un double phno- mne : un
dsquilibre dans le renouvellement de leur population ; un
vieillissement de leur population. En France, les plus de 60 ans
devraient reprsenter 14 des 61 millions dhabitants en 2010, et 17
des 62 millions en 20201 . Ainsi, la baisse de la natalit et
lallongement de lesprance de vie dans les grandes nations
industrielles conduisent un vieillissement assez impor- tant de la
population : deux mois desprance de vie seraient gagns toute
nouvelle anne. En Europe, la part de la population qui a un ge
suprieur 64 ans est de 15 % contre 6 % en Asie. loppos, certains
pays mergents connaissent une forte croissance de leur population
travers une forte natalit. Ceci les conduit avoir plus dun quart de
leur population ge de moins de 20 ans. En Afrique, les moins de 15
ans reprsentent 42 % en moyenne2 . Ces phnomnes ne sont pas sans
avoir un impact sur les flux migratoires, mais aussi sur les
comportements et les types de consommation. Imaginons ce que seront
les comportements des personnes ges faible revenu. Que
consommeront-ils ? Ceci aura non seulement un impact sur lindustrie
pharmaceutique, mais aussi sur la grande distribution. La pre- mire
identifierait un segment de march en forte croissance mais avec une
solvabilit diminue. La seconde devrait adapter lorganisation de ses
maga- sins comme de son offre. 1. Brutel Ch. et Omalek L.,
Projection dmographique pour la France, ses rgions et ses
dpartements, INSEE Rsultats 2003. 2. INED, Population et Socits, n
392, juil.-aot 2003.
23. Chapitre 1 : Analyse de lenvironnement et comprhension de
la concurrence 21 La rpartition gographique Les dsquilibres
dmographiques que connaissent les pays industrialiss, additionns
aux formes varies de pnuries de main-duvre, acclrent les flux
migratoires rels des zones forte natalit mais faible revenu par tte
vers les zones vieillissement de la population. Lintgration
conomique ou la formation des zones de libre-change acclrent ces
phnomnes. Le flux migratoire des tats-Unis slevait encore prs de 1
million dimmigrants en 1997. Mais, depuis, il tend fortement
baisser. Les entreprises occidentales feront-elles pression sur le
personnel poli- tique pour ouvrir plus les frontires aux flux
migratoires entrants ? Ou bien vont-elles recourir de plus en plus
des sites industriels et des pres- tataires de service installs
dans des pays faible cot de main-duvre mais qualifie ? Les
dimensions ethniques lhorizon 2020, la population dorigine
hispanique devrait reprsenter prs de 20 % de la population totale
des tats-Unis (contre 13 % en 1995). En 2004, en France, la
religion musulmane est devenue la deuxime religion de la population
vivant en France. Ces deux exemples ethniques et religieux
illustrent comment la dimension socioculturelle est devenue
importante, non seulement pour lanalyse des marchs, mais aussi pour
le management des entreprises. La rpartition des revenus Parmi les
facteurs explicatifs des comportements conomiques, le revenu est
lun des plus dterminants. De nombreuses tudes ont montr les inga-
lits de revenus entre les pays, et au sein mme des pays. Dautres
tudes ont aussi tabli quil existait une tendance sculaire
lamlioration des standards et des conditions de vie. Cependant,
nous avons rappel prc- demment la nouveaut du phnomne qui fait
converger laccroissement de la population de plus de 60 ans et
labaissement du pouvoir dachat. Un autre phnomne est luvre dans les
pays industrialiss : le travail des femmes a dvelopp le nombre des
couples deux revenus par foyer, associ une baisse du nombre
denfants. De tels phnomnes socio-conomiques reprsentent des
facteurs denvi- ronnement importants pour les entreprises. La
dimension technologique Quels seront les pays ou rgions du monde
qui assureront le leadership technologique dans les dix annes venir
? Une rcente tude, mene par lIEEE (Institute of Electrical and
Electronics Engineers) auprs de dci- deurs, laisse entendre que 60
% pensent que les tats-Unis seront les leaders mondiaux en R&D
en 2014, compars aux 18 % pour la Chine et aux 6 % pour
lEurope.
24. 22 PARTIE 1 : STRATGIE La technologie exige des efforts de
recherche et dveloppement impor- tants, durables et soutenus dans
le temps. Les innovations valorisent les usa- ges de ces
dveloppements technologiques, et renouvellent en profondeur les
processus de fabrication, les produits et les quipements. Cycle de
vie des technologies et innovation De nombreuses tudes tentent
dvaluer le rle futur des technologies. Un rcent panorama donne le
classement suivant. Pour les dirigeants interrogs, lavenir, les
technologies suivantes seront cruciales : lingnierie bio-molculaire
(pour 70 %) ; les nano-technologies (pour 60 %) ; les
super-calculateurs (50 %) ; les automates et robots (45 %)1 . Le
poids de la biologie et du gnie gntique permet danticiper un
dveloppement important de nouveaux mdicaments et de nouvelles subs-
tances. La sant, mais aussi lagroalimentaire, risquent den tre
lavenir bouleverss. Les alicaments vont le disputer aux produits
alimentaires classiques. La grande distribution bataillera avec les
officines de pharma- cie pour la distribution de quantit de
produits et substances sur leurs sites Internet. Les technologies
de linformation et de la communication ont rduit les distances et
annul le temps. Elles ont favoris la rorganisation des entre-
prises et ont intensifi le rle de linformation dans la production
ou les ser- vices. Imaginez que le traitement des encours crdits
sur les cartes American Express est centralis et trait en Inde.
Leur rle croissant aura sans doute un impact sur la localisation
des activits mais aussi sur la cration demplois dans les nations
industrielles. Lusage intensif de capital et de technologies de
linformation peut tre faiblement crateur demplois nou- veaux. Laccs
aux nouvelles technologies et aux plus grands marchs est
primordial. Renouvellement des produits et nouveaux usages Les deux
technologies que sont lInternet et les terminaux mobiles (et les
rseaux de tlcommunications associs) reprsentent des dveloppements
importants. Lune des principales raisons est quelles favorisent la
diffusion de technologies, de connaissances et dinformations. Ces
dernires jouent un rle non ngligeable dans le positionnement
stratgique des entreprises. Lautre raison est quelles confortent
lindividualisation des comportements de consommation et favorisent
le dveloppement du nomadisme . lavenir, le consommateur se dfinira
vraisemblablement moins par son enracinement gographique que par
ses gots particuliers et ses attentes per- sonnelles. Les
entreprises parviendront-elles convaincre les consomma- teurs
quelles sont parvenues concilier la production de masse (y compris
des services) et la rponse aux demandes particulires ? 1.
Applewhite A. et Kumagai J., Technology Trends 2004, Second annual
2004 IEEE Technology Leaders Survey, 2004.
25. Chapitre 1 : Analyse de lenvironnement et comprhension de
la concurrence 23 Cependant, aucune de ces deux technologies ne
sera vraisemblablement en conformit avec ce que lon pensait
initialement quelle serait. LInternet nest pas en phase avec ce qui
tait envisag lors de la bulle des annes 2000 et 2001. Quantit
dentreprises souhaitent sexonrer mainte- nant de la gratuit de
laccs et de lusage de linformation. Le dveloppe- ment du commerce
lectronique est dsormais patent1 . Il offre un accs gratuit ou
commercial aux consommateurs. Il organise les relations entre les
donneurs dordre et leurs fournisseurs. Deux dfis sont dsormais
relever. Le premier concerne la scurit. Elle doit tre amliore pour
permettre le dveloppement des transactions financires sur Internet.
Le second est li la capacit sortir de la gratuit et migrer vers les
services payants. Les modles daffaires des entreprises ne sont pas
nombreux. Trois principaux sont gnralement identifis : le
financement par la publicit, labonnement forfaitaire, ou le
paiement la carte. De son ct, la technologie de la troisime
gnration de mobiles (UMTS ou 3G) na pas encore convaincu de sa
supriorit ni de sa capacit repo- ser sur de nouvelles applications
ou de nouveaux usages. Nouvelle techno- logie ne signifie pas
nouvelle application de march de masse. Droits de proprit, brevets
et standards La protection de la proprit intellectuelle relative
aux logiciels est plus avan- ce que pour les bio-technologies ou
les organismes gntiquement modifis. FIGURE 1.2 Expanding web Number
of people with access to the internet, m 600 500 400 300 200 100 0
1995 96 97 98 99 2000 01 02 Source : NUA 3 Source : The Economist,
23 janvier 2003. 1. A Perfect Market : A Survey of E-Commerce , The
Economist, 15 mai 2004.
26. 24 PARTIE 1 : STRATGIE Pour les technologies logicielles,
certains rapports1 dgagent quelques conclusions. Premirement, la
protection par le copyright apparat ncessaire pour com- battre le
piratage ou la copie. Toutefois, linterdpendance conomique et
linterconnexion physique exigent de maintenir une certaine
interoprabilit entre les systmes. Deuximement, la protection par
brevets apparat adap- te aux innovations les plus fondamentales.
Elle serait compatible avec la concurrence, et les logiciels dits
libres. Troisimement, les entreprises sont extrmement concernes par
laccs des technologies quelles ne poss- dent pas. Aussi, la
ngociation de licences dexploitation, daccords de R&D
(recherche et dveloppement), et cooprations pour la mise en commun
de logiciels ou de standards technologiques est essentielle. Laccs
des res- sources ou actifs complmentaires ceux quelles possdent est
un moyen dterminant de leur avenir. Un exemple intressant se trouve
du ct du stockage de lnergie pour les tlphones portables ou les
ordinateurs portables. Le dveloppement de la miniaturisation et des
technologies sans fil flatte la mobilit des utilisateurs. Le
nomadisme de ces derniers requiert le stockage et la concentration
dnergie dans des batteries. Le dfi sera identique pour lautomobile
lec- trique. Les fabricants de ces batteries ne sont pas les mmes
que les indus- triels des quipements de tlcommunications,
automobiles ou informatiques. La collaboration est une condition
pour accder aux technologies compl- mentaires. Par contre, pour les
technologies biologiques et gntiques , le systme de protection de
la proprit apparat questionn la fois dans ses repres techniques,
dans son systme de validation, et dans ses repres juridiques2 .
Cette volution serait dailleurs trs avance aux tats-Unis o
linventivit est stimule. Premirement, les offices de brevets font
ainsi face une avalanche de demandes de brevets dposs dans des
domaines scientifiques et techniques sans cesse renouvels. Le bilan
est quils nassureraient plus tout fait cor- rectement leur rle
dvaluateurs et seraient transforms en chambres denregistrement,
nayant plus les moyens dauditer lantriorit des dpts. On peut
imaginer la multiplication des recours et des plaintes comme ctait
le cas en 2004 o Kodak, travers son rachat de Wang, estime que Sun
a utilis trois de ses brevets pour dvelopper son langage java. cela
sajoute que les critres de base seraient pratiquement dpasss :
invention et dcouverte sont confondues. La premire tait brevetable,
la seconde non. Deuximement, la reconnaissance de la proprit
intellectuelle engendre des litiges et des actions en justice qui
eux-mmes provoquent des cots de transaction et des frais de justice
extrmement levs. Pour lillustrer, le rap- port du Conseil danalyse
conomique (CAE) cite un extrait du tmoignage devant la US Federal
Trade Commission (Washington, le 28 fvrier 2002) dun directeur de
la firme amricaine CISCO : 1. Tirole J., Henry C., Trommetter M.,
Tubiana L. et Caillaud B., Proprit intellectuelle, Rapport n 41 du
Conseil danalyse conomique (CAE), Paris, La Documentation franaise,
2003, p. 164-165. 2. Tirole et al., op. cit., 2003, p.
104-106.
27. Chapitre 1 : Analyse de lenvironnement et comprhension de
la concurrence 25 [] obtenir des brevets est devenu pour beaucoup
de gens et dentreprises une fin en soi, nullement pour protger un
investissement en recherche et dve- loppement, mais pour crer des
revenus en vendant des licences des entrepri- ses []. Ils
organisent un champ de mines []. Ils profitent des cots levs des
procdures judiciaires pour imposer des licences des prix peine
moins levs1 . La proprit intellectuelle connat donc une crise qui
conduit les entre- prises sinterroger sur leur capacit protger
leurs investissements en R&D. Lvolution de la biologie
molculaire et des biotechnologies parat cet gard emblmatique. Bien
qu la base, un gne et une protine soient des molcules chimiques (et
donc traits comme tels), les dveloppeurs des molcules chimiques de
synthse (inventes) aspirent obtenir un brevet tendu. Ce dernier
couvre frquemment toutes les fonctions et applications de la
molcule, connues et venir quelles soient ou non dcrites dans le
brevet dpos. Pour rpondre ce dfi, ne faudrait-il pas protger les
biens communs rares et essentiels que sont les codes gntiques ?
Cependant, il serait cono- miquement important daccorder des
brevets pour couvrir les mdicaments issus de la biologie molculaire
et des biotechnologies, du fait de lampleur des cots fixes de leur
dveloppement. Ceci ouvre donc un dbat sur la capacit de la
puissance publique ou des organismes internationaux rguler laccs
aux connaissances essentielles, mais aussi maintenir un ensemble
dincitations pour les investisseurs. La dimension socioculturelle
La division du travail est la fois sectorielle, sociale et sexue.
Chacune de ces dimensions est concerne par le volet international.
La division sec- torielle est la mieux connue. Elle repose sur la
spcialisation des activits entre fournisseurs, donneurs dordre et
clients. La division sociale traduit les strates ou couches
sociales, les diffrences dducation et de formation, et les carts de
revenus. La division sexue concerne les diffrences entre hommes et
femmes, et en particulier les relations entre la sphre
professionnelle et la sphre domestique. Elle concerne toutes les
socits, des degrs divers et selon des modalits propres. Ainsi, en
Europe, les femmes paraissent travailler trois fois plus la chane
et avoir deux fois de chance quun homme dtre dans une situation de
travail rptitif avec un temps dexcution infrieur une minute. Genre
et diversit Ces trois dimensions dterminent la segmentation des
emplois par catgo- ries et secteurs. Elles traduisent une certaine
hirarchie entre ces secteurs. Par exemple, les femmes sont
majoritairement cantonnes dans les emplois les moins qualifis et
avec les plus bas salaires. 1. Ibid., p. 104-105.
28. 26 PARTIE 1 : STRATGIE Naturellement, le primtre de ces
secteurs volue en fonction du temps et des socits : une mme tche,
spcifiquement fminine dans une socit ou une branche industrielle
pourra tre typiquement masculine dans dautres. Lvolution de lemploi
des femmes en Europe illustre assez bien les in- galits de genre.
En effet, lvolution du march du travail sest caractrise par un fort
dveloppement du secteur des services. Ce dernier accompagne lessor
de la sous-traitance, du travail domicile et du tl-travail et se
tra- duit par une augmentation continuelle des formes prcaires
demploi, CDD (contrats dure dtermine), stages, contrats aids,
intrim, ainsi que du temps partiel. part lintrim, ces formes
demploi concernent particulire- ment les femmes. partir des annes
quatre-vingt, le travail temps partiel sadresse majo- ritairement
aux femmes, traduisant lidologie de la conciliation entre vie
professionnelle et vie familiale. Lorganisation du travail dans
lentre- prise tablit donc de nouvelles formes demploi, travers le
temps partiel. Les formes de pauvret dans les socits occidentales
touchent majoritaire- ment les femmes. En France, on estime que les
femmes reprsentent prs de 80 % des salaris les plus dmunis. Temps
de travail et temps la maison Dans les pays conomiquement moins
avancs, on assiste aussi un fort dveloppement du travail des femmes
dans le secteur, en particulier infor- mel. Elles tirent avantage
de la cration demplois dans les secteurs lis lexportation ou
connaissant des investissements trangers. La division sexue recoupe
aussi le dcoupage entre temps professionnel et temps priv. Des
enqutes sur lutilisation du temps libre ont permis danalyser la
rela- tion entre temps professionnel et temps domestique ou priv.
Pour les hommes, la rduction du temps de travail a accru le temps
de loisirs et de socialisation avec les enfants. Pour les femmes,
le temps libr est principalement consacr aux tches mnagres et au
travail parental domestique1 . Le travail domestique constitue donc
le nud des questions dgalit pro- fessionnelle entre les sexes. La
double journe des femmes est connue et rduit leur disponibilit. De
plus, la porosit entre le temps priv et le temps professionnel
saccrot. Les ingalits conomiques et professionnel- les senracinent
dans ces clivages. Les entreprises ont grer ces dfis tra- vers
lorganisation du travail quelles adoptent. La concentration des
femmes dans les secteurs des services, des soins et de la sant, la
forte concentration fminine dans les emplois faible qualifi-
cation, et les ingalits de salaires et de droulement de carrire
(expression du plafond de verre ) soulignent limportance du genre
dans nos socits. Le genre est un lment constitutif des rapports
sociaux et des rapports co- nomiques qui rgissent la socit. Cest
une notion essentielle intgrer dans le management des entreprises.
1. Maruani M., Travail et emploi des femmes, Paris, La Dcouverte,
coll. Repres , 2000.
29. Chapitre 1 : Analyse de lenvironnement et comprhension de
la concurrence 27 La dimension ethnique Comment peut-on tre Persan
? se demandait Montesquieu. Dans un pays comme la France, sil
existe une certaine rsistance lassimilation, elle est souvent vue
comme enrayant le mcanisme de formation de la France rpublicaine.
Le Royaume-Uni semble au contraire en prendre son parti. Aux
tats-Unis, le fonctionnement du melting-pot a fait la nation am-
ricaine. Pourtant, contre le dveloppement de lespagnol, certains
songe- raient aujourdhui faire de langlais la langue officielle du
pays. Si les dmographes cherchent construire des catgories pour
parfaire leurs connaissances de la population, ils font face des
difficults compara- bles celles des entreprises pour comprendre la
diversit ethnique et cultu- relle. Les entreprises, aussi,
affrontent difficilement lomniprsente revendication identitaire de
leurs salaris, de leurs fournisseurs et de leurs clients. Si
lidentit collective prenait traditionnellement deux formes princi-
pales (le culturel et le religieux), elle volue fortement et intgre
la dimen- sion ethnique. Que pourriez-vous recommander un oprateur
tlphonique qui se dve- loppe au Liban o les chrtiens sont une
minorit religieuse comme le sont les protestants en Italie ? Si
vous managiez un parc de loisirs en France, vendriez-vous du vin ?
Quelles sont les reprsentations quune entreprise peut avoir de sa
force commerciale ? Le marketing peut-il tre global et quelles
conditions ? Les entreprises ont grer des employs et dmarcher des
consomma- teurs de plus en plus marqus par une dimension ethnique.
Ceci nest pas le moindre paradoxe puisque cette monte en puissance
est partie prenante de la globalisation. Le fait ethnique est la
fois biologique et culturel, mais il est aussi travers par des
considrations sociales, politiques et identitaires. Pour
lentreprise, il sagit de tenir compte de la varit des comporte-
ments, des gots et des attentes. Cette varit est gnre par la monte
en puissance de la revendication dun particularisme donn. Ce
dernier prend ses racines dans la revendication minoritaire lie
lorigine (langue parle, pays dorigine des parents, date darrive sur
le territoire, etc.), la religion, la langue, au groupe social. Le
particularisme senracine ainsi dans une conscience communautaire de
plus en plus forte, quelle soit ethnique, reli- gieuse,
linguistique ou sexue. Les marchs, les consommateurs comme les
employs sont de plus en plus marqus par une diversit culturelle
marque. Ces groupes dindivi- dus sont lis par un entrelacs de
caractres communs la fois anthropolo- giques, linguistiques,
politiques et historiques, etc. Leur association constitue un
systme propre, une structure culturelle partage, bref, une culture
commune. Deux coles amricano-indiennes existaient dans la Silicon
Valley en plein boom technologique. La communaut possdait son
journal, mais leurs membres travaillaient principalement dans des
socits capitaux amricains.
30. 28 PARTIE 1 : STRATGIE Cette contradiction apparente entre
globalisation (ou massification ) et affirmation dune diffrence
suscite bien des interrogations. Les marchs ont tendance
suniformiser (langue, march, territoire) alors que les entre-
prises ont faire face une diversit revendique croissante. Elles
ragis- sent avec plus ou moins de bonheur ces phnomnes identitaires
et diffrencis. Les dimensions politique et lgale Si la relation
entre les entreprises et ltat a toujours t importante, elle a volu
au cours des dernires dcennies. La construction europenne et la
formation despaces conomiques de libre-change (ALENA, par exemple)
ont fortement modifi cette relation. De plus, des groupes dintrt et
des organisations sont entrs dans le jeu des interactions entre les
nations dune part, et entre les nations et les entreprises, dautre
part. Les relations avec la puissance publique Une tradition
europenne a longtemps conduit les entreprises avoir ltat national
comme interlocuteur privilgi. Il est source de lois et de rgle-
ments. Les lois sur la concentration et la concurrence, celles sur
la fiscalit, comme la lgislation sociale influencent fortement les
comportements des entreprises. Pourtant, le dveloppement
international des entreprises les a conduites ne plus avoir un seul
interlocuteur public privilgi. Elles doivent faire face une varit
de situations politiques, lgales et rglementaires. Elles ont ainsi
d fortement renforcer leurs stratgies dinfluence et de pression sur
les interlocuteurs publics tout en ayant grer une forte multi-
plication des interlocuteurs et parties prenantes.
Rglementation/drglementation Si la France a officiellement abandonn
le contrle des prix la fin des annes soixante-dix, il nen reste pas
moins vrai que des secteurs entiers voient encore leurs prix
contrls. Cest le cas de la sant et dun certain nombre de services
bass sur les rseaux. Cependant, ces derniers sont tou- chs par de
nouveaux phnomnes comme la drgulation, la privatisation et la
transformation des statuts des entreprises. Les industries de
services base de rseau dinfrastructures comme llec- tricit, le gaz,
leau, les tlcommunications ou le transport ferroviaire sont ainsi
touches par une profonde transformation de leurs marchs. Cette
rorganisation passe par la sparation entre la puissance publique ou
ladministration et lentreprise publique. La drgulation se traduit
aussi par louverture la concurrence de marchs traditionnellement
servis par des entreprises publiques en monopole. De nouveaux
acteurs apparaissent. Des dbats nouveaux apparaissent sur la
rglementation dInternet au tra- vers du caractre fortement
international de la Toile, du dveloppement de la fraude, de la
protection de la vie priv, et des types de services. Les tats
31. Chapitre 1 : Analyse de lenvironnement et comprhension de
la concurrence 29 peuvent-ils ainsi rglementer le commerce de
produits illicites se dvelop- pant sur Internet ? Le dveloppement
des jeux dargent ? Peuvent-ils assu- jettir limpt les entreprises
offrant une activit conomique disponible sur leur sol, mais exerant
leurs activits partir de paradis fiscaux ? La construction
europenne Plus de 60 % des lois et des textes rglementaires adopts
par un Parle- ment national sont dornavant issus des travaux du
Parlement europen ou de la Commission europenne. Le cadre national
nest donc plus la rf- rence des entreprises, y compris pour les
volets lgislatifs et rglementaires. La construction europenne sest
traduite par la libre circulation des hommes et des marchandises,
lapplication des rgles communes de la concurrence de trs nombreuses
activits conomiques, et par le contrle des dcisions des tats
membres par des instances supranationales. Les exemples sont trs
nombreux dacquisitions assujetties au contrle de la Direction de la
concurrence, de linterdiction daides ou de subven- tions publiques
aux entreprises. Ceci a conduit nombre dentreprises dvelopper des
stratgies dinfluence et de lobbying au niveau europen pour
participer llaboration de textes qui auront un impact sur leurs
activits (rgulation, ouverture la concurrence, pollution, gestion
des risques). La globalisation Construction de nouveaux espaces
conomiques LOrganisation mondiale du commerce (OMC) a t cre en
1995. Depuis, des tensions sont nes dune interdpendance
grandissante des co- nomies et de certains conflits commerciaux (la
banane, lacier, le respect des droits de proprit sur les brevets et
les marques, les conflits commerciaux entre pays du Nord et pays du
Sud). Pourtant, lintrt que suscite cette nouvelle organisation pour
les entrepri- ses est manifeste, comme celui au sein de la socit
civile. Il est vrai, que du fait de son ambition mondiale et de son
vaste champ de comptences, lOMC rsume un certain nombre de
contradictions de lco- nomie globale en formation que nous
connaissons. LOMC est en effet charge dlargir les champs du
libre-change de nouveaux domaines par louverture de cycles de
ngociations. Elle est ga- lement charge de veiller la conformit de
ces changes avec les rgles en vigueur (rgles sociales, rgles
environnementales). Elle bute cependant sur labsence dun droit
international sur ces volets-l. Dun ct, nombre de pays la
saisissent pour rendre le droit, mais elle ne possde pas tous les
moyens pour imposer un droit international. De lautre ct, elle est
fortement conteste par les courants anti-mondialisation et
alter-mondialistes qui la jugent comme luvre des investisseurs et
des capitalistes.
32. 30 PARTIE 1 : STRATGIE Elle sinscrit dans un contexte
difficile : la formation despaces conomiques plus ou moins intgrs
(ALENA, Union europenne) ; une crise patente du systme des Nations
Unies ; labsence de rgulations mondiales (par exemple, le refus des
tats-Unis et de la Russie de signer le protocole de Kyoto). De ce
fait, des organismes vocation mondiale agissent sans ou avec une
faible concertation : OMC dun ct et OMS (Organisation mondiale de
la sant), OIT (Organisation internationale du travail) ou UNESCO de
lautre. Pourtant, tous ces domaines seront les enjeux des
prochaines ngociations sur les services de demain1 . Pourtant, des
formes sectorielles de rgulation mondiale existent, et ce depuis
fort longtemps, comme lIATA, pour le transport arien, ou lUIT, pour
les tlcommunications. Globalisation et glo-calisation La
globalisation est gnralement associe aux marchs mergents, aux
investissements directs et aux dlocalisations. Il est important de
bien comprendre le rle des dlocalisations. En Europe, il est vrai
quelles sont mises en regard avec les taux de chmage quun certain
nombre de pays connaissent. Pourtant les donnes connues permettent
daffirmer quelles reprsentent moins de 5 % des investissements. Aux
tats-Unis, les dloca- lisations sont de faible ampleur au regard de
la rotation totale des emplois dans lconomie amricaine. La campagne
lectorale de 2004 a fait merger des thses protectionnistes en
termes de localisation des investissements. Dun point de vue gnral,
les investissements vers les pays asiatiques forte croissance,
coupls une base technologique renforce de la produc- tion vont
vraisemblablement renforcer une tendance qui stait forme au cours
de la dcennie prcdente. Les pays rcipiendaires des investissements
vont devoir renforcer leurs efforts nationaux de formation
dingnieurs et de techniciens qualifis. Cest manifeste travers
plusieurs faits. Premirement, depuis longtemps, en Inde, la
formation dingnieurs est solide et rpute. ce jour, ce pays en
retire les bnfices en devenant le pays daccueil des dveloppeurs de
logiciels, solutions informatiques et applications travaillant pour
de trs nombreuses socits occidentales. Deuximement, les formations
doctorales amricaines sont depuis une bonne dcennie dpendantes du
flux dtudiants candidats venant de nombreux pays en voie de
dveloppe- ment. J. D. Foley, professeur au Georgia Institute of
Technology Atlanta, observe dailleurs que les tats-Unis sont : de
plus en plus dpendants des tudiants Ph.D. trangers qui aident au
maintien de la capacit dinnovation du pays, mais qui ont de plus en
plus dincitations rentrer dans leur pays dori- gine . Il constate
que par exemple, Microsoft, Hewlett-Packard, Intel, et IBM possdent
toutes des laboratoires en Chine ou en Inde dornavant2 . 1. Jacquet
P., Pisani-Ferry J., Tubiana L., Gouvernance mondiale, Rapport n 37
du Conseil danalyse conomique (CAE), Paris, La Documentation
franaise, 2002. 2. Second Annual 2004 IEEE Technology Leaders
Survey, ibid.
33. Chapitre 1 : Analyse de lenvironnement et comprhension de
la concurrence 31 La globalisation se traduit donc par des
mouvements complexes : investissements dans des pays trs grande
taille, fort potentiel de mar- ch, et faible cot de main-duvre, qui
est dsormais qualifie ; dlocalisations industrielles, mais de
faible niveau ; dlocalisations des services en forte croissance,
avec lattnuation du fac- teur distance ; investissements de socits
chinoises, mexicaines ou chinoises dans les pays industriels
occidentaux. Ainsi, Cemex a-t-elle pris le contrle en 2004 de
langlais RWC dans lindustrie du bton. 1.1.2 Les facteurs conomiques
Les conomies sont dsormais insres dans un tissu dinterdpendances
technologiques, commerciales et financires. Les exemples sont
nombreux. La crise financire en Asie orientale de 1997 a eu un
impact rcessif sur les conomies occidentales. Lattaque ter- roriste
du 11 septembre 2001 a, entre autre, eu un impact conomique nga-
tif sur le tourisme de clients amricains en Europe. En 2003,
lpidmie de SRAS en Asie a eu un retentissement non ngligeable sur
le dveloppement des changes conomiques avec cette rgion. En 2004,
la croissance de la Chine cre de trs fortes tensions sur le march
mondial du ptrole. Croissance et cration de richesse Lconomie
mondiale est dsormais le cadre adquat de la croissance co- nomique.
Le dynamisme des marchs asiatique (en 2003, lconomie chi- noise
tait proche de la surchauffe et la vigueur de la croissance
japonaise Renault et le pari dune voiture 5 000 euros En juin 2004,
le constructeur automobile annonait le lancement de la Logan sur le
segment des vhicules conomiques. Dabord lance en Rou- manie, elle
est destine quatre des cinq continents. Pour tre dvelopp sur le
plan technique, ce vhicule a beaucoup emprunt la banque dorga- nes
du groupe Renault : la plateforme B de Renault-Nissan qui quipait
dj la Clio et la Micra ; larrire de la Modus ; le recours un
tableau de bord mono-bloc. Sur le plan industriel, il a t dcid de
ne pas produire de prototypes. Cette conomie est gnralement value
20 millions deuros. Au total, linvestissement est valu 1,5 milliard
deuros (hors Russie et Chine). Ce vhicule sera produit dans
plusieurs pays : lancement en Roumanie avec 200 000 vhicules,
production de 60 000 units par an en Russie, et 300 000 en Iran.
Elle sera commercialise sous deux marques : Renault et Dacia.
Lhorizon commercial est de 700 000 vhicules vendus en 2010.
34. 32 PARTIE 1 : STRATGIE remarquable) le dispute au rle
moteur de la croissance aux tats-Unis. Seules ces deux grandes
zones ont une relle capacit dentranement de la reprise mondiale1 .
Cependant, le dveloppement de ces changes conomiques requiert un
minimum de stabilit des changes. Il est intressant que, en
2003-2004, la hausse de leuro vis--vis du dollar amricain influence
les choix dinvestis- sements des grandes entreprises. Les
conditions de change comme les taux dintrt dpendent des condi-
tions montaires des banques centrales. Aux tats-Unis, une remonte
des taux dintrt long terme tait anticipe courant 2004 alors quau
Japon et en Europe, la politique macroconomique ne possde gure de
marge de manuvre pour compenser les consquences ngatives dune
nouvelle dprciation du dollar. Emploi, fiscalit et impact sur
linvestissement En Europe, la majorit des tats connaissent un
alourdissement des prl- vements obligatoires que le Pacte europen
de stabilit na pas russi endi- guer. Sans rduction de la dpense
publique, ceci conduit un creusement des dficits structurels. Dans
ce contexte, il est ncessaire de bien avoir en tte que le PIB
(produit intrieur brut) par habitant dans lUnion europenne comme au
Japon demeure infrieur de quelque 30 % celui des tats-Unis. Les
causes sont connues : pour lUnion europenne, cest principalement li
lcart de revenu rel ; pour le Japon, il sagit plutt dun retard de
la productivit2 . Ceci illustre assez bien un besoin de rformes
structurelles en Europe. Il sagit de mener les politiques propices
crer un march intrieur europen vritablement intgr et faire
progresser les rformes du march du travail. Car la fiscalit sur le
travail comme le cot des systmes de couverture et de protection
sociales psent sur les dcisions dinvestissement des entreprises.
Les marchs du travail appellent deux grandes catgories de
politiques structurelles : le systme dimpts et de transferts qui
englobe les prestations de chmage et la fiscalit ; la rglementation
des marchs du travail et des produits. Finalement, il est important
de savoir que linvestissement des entre- prises (notamment en
machines et quipements) est reconnu depuis long- temps comme tant
lun des principaux moteurs de la croissance de la production.
Certes, linvestissement direct ltranger et les autres flux de
capitaux gagnent en importance. Mais, les variations
internationales du niveau et de la composition de linvestissement
continuent dtre dtermi- nes par des facteurs internes qui
influencent le cot total du capital et laccs au financement. 1.
OCDE, Perspectives conomiques 2004, Paris. 2. OCDE, op. cit.
35. Chapitre 1 : Analyse de lenvironnement et comprhension de
la concurrence 33 1.2 Lanalyse de lenvironnement de lindustrie
Dfinir le march de rfrence, analyser les opportunits et les
menaces, identifier les forces structurantes de la concurrence sont
les tapes ncessaires Un outil danalyse de lenvironnement externe
Cet outil est utile pour valuer le poids des diffrentes composantes
des six grandes dimensions de lenvironnement de lentreprise. Il
permet dapprcier limpact de certains facteurs sur la stratgie,
selon lactivit, les types de pro- duits ou de couverture
gographique de lentreprise. Composantes Impact sur la stratgie
Faible Fort 1 2 3 4 5 A. Dmographie A.1 Taille de la population A.2
Pyramide et structure des ges A.3 Rpartition gographique A.4
Dimensions ethniques A.5 Rpartition des revenus B. Technologie B.1
Cycle de vie des technologies et innovation B.2 Renouvellement des
produits et nouveaux usages B.3 Droits de proprit, brevets et
standards C. Socio-culturel C.1 Genre et diversit C.2 Temps de
travail et temps la maison C.3 Dimension ethnique D. Politique/lgal
D.1 Relations avec la puissance publique D.2
Rglementation/drglementation D.3 Construction europenne E.
Globalisation E.1 Construction de nouveaux espaces conomiques E.2
Globalisation et glo-calisation F. conomie F.1 Croissance et
cration de richesse F.2 Emploi, scalit et impact sur
linvestissement TABLEAU 1.1
36. 34 PARTIE 1 : STRATGIE pour mener bien une analyse
rigoureuse de lenvironnement concurrentiel dune industrie. 1.2.1
Quest-ce quun march ? Traditionnellement, lanalyse stratgique est
confronte la difficult de dfinir ce quest un march. Lconomie nous
propose la reprsentation dun lieu o se rencontrent loffre et la
demande. La perspective concur- rentielle nous invite nous
reprsenter un lieu daffrontement entre des concurrents. Dornavant,
lensemble des analyses nous invite tenir compte de lhis- toire
(dune profession, dune industrie ou dun march). Lanalyse micro-
conomique dispose doutils performants pour apprcier limpact de la
concentration sur le type et le niveau de concurrence entre les
offres. Il nous faut donc tenir compte du nombre de concurrents
impliqus. Le raisonnement classique repose frquemment sur lhypothse
dune homognit des produits. Pourtant, lanalyse stratgique nous
apprend le rle de la diffrenciation dans le positionnement
concurrentiel des entrepri- ses et de leurs produits. Enfin,
lanalyse dun march requiert den compren- dre les rgles de
fonctionnement : pouvoir rglementaire dune instance, poids dune
organisation professionnelle, droits et conditions daccs, etc. Les
lments de dfinition dun march Le tableau 1.2 ci-aprs synthtise les
quatre critres principaux utiliss pour identifier les contours dun
march : le produit ou le service, lespace gographique, la
technologie et le niveau de la concentration. Prenons lexemple des
moyens de transport. Pendant trs longtemps, le train et lavion
taient considrs comme complmentaires et assez peu substituables,
sauf pour certaines distances. Avec le dveloppement de la
technologie des trains grande vitesse, les distances et le temps
consacr au transport ont t analyss diffremment, dans un espace
conomique comme lEurope. Le train pour rejoindre de Paris des
villes comme Lyon ou Marseille est devenu totale- ment concurrent
de lavion. Cet exemple est une assez bonne synthse des qua- tre
dimensions que nous recommandons pour mener lanalyse dun march.
Produit ou service Quelques arguments et exemples sont utiles pour
justifier de retenir cette dimension. Tout dabord, de trs nombreux
produits ou services qui occupe- ront une place importante dans
notre mode de consommation ne nous sont pas connus ce jour. Prs de
la moiti est gnralement cre et lance en moins de cinq ans. Par
exemple, qui aurait correctement imagin en 1995 que le nombre
dabonns aux services tlphoniques mobiles dpasserait celui des
abonns au fixe au dbut des annes 2000 ? Demain, des services
complets de loca- tion automobile (usage, assurance, entretien et
renouvellement) nous seront vraisemblablement offerts en lieu et
place de la proprit directe du
37. Chapitre 1 : Analyse de lenvironnement et comprhension de
la concurrence 35 vhicule. Ceci bouleversera profondment le modle
daffaires des construc- teurs automobiles. De manire complmentaire,
le porte-monnaie lectroni- que sera vraisemblablement une
composante du tlphone portable, aux cts des fonctions de lappareil
photographique et du lecteur de musique. Une grille danalyse dun
march Produit ou service Nature du produit ou du service D
caractristiques techniques et dusage D degr dintgration de
fonctions D position dans la lire : produit de premire
transformation, bien intermdiaire, bien durable, service,
prestation Distinction des rles entre les prescripteurs, les
utilisateurs, les acheteurs et les vendeurs carts de prix entre les
produits : existence et stabilit des segments Indpendance (ou non)
des mouvements de prix de deux produits ou services D Forte
dpendance : critre de substituabilit D Faible dpendance : critre de
complmentarit lasticit croise de la demande : inuence du niveau du
prix de A sur la consommation des produits B, C, ou D Espace
gographique (local, rgional, national, international) Acheteurs D
les comportements dachat des diffrents types dacheteurs D les types
daccs au produit ou au service D aire gographique dans laquelle les
acheteurs font leurs choix. Vendeurs : aire gographique sur
laquelle les ventes soprent Distances pour le transport des
produits Part relative des cots de transport dans les cots de
production tat de la technologie Niveau de la concentration TABLEAU
1.2
38. 36 PARTIE 1 : STRATGIE La capacit dintgration de diffrentes
fonctions dusage dans un mme objet est un facteur de bouleversement
considrable des sparations classi- ques entre produits ou services,
et donc entre secteurs dactivit. Face au dveloppement des jeux
multi-joueurs disponibles sur Internet, est-ce encore pertinent
dacheter une console de jeux vido individuelle ? Accder un service
de tlvision numrique payante et la carte met en concur- rence le
tlviseur du salon avec lordinateur. Si vous y ajouter la mobilit de
la technologie asynchrone, et de haut dbit sans fil, vous opposez
la mobilit la sdentarisation du consommateur. Enfin, un enfant sera
sensible un objet, une couleur ou une marque et il sera la fois
prescripteur et utilisateur. Par contre, le distributeur sera le
vendeur mais ne sera en gnral pas le producteur. Ce dernier
cherchant agir sur la dcision dachat des parents. Les prix
serviront dindicateurs de synthse pour comprendre si : le dcoupage
du march fait apparatre une segmentation stable : les pres- tations
htelires peuvent-elles tre expliques par les prix ? les produits ou
services seront complmentaires ou substituables : par exemple, le
prix dune prestation informatique peut tre compar au cot de
dveloppement dun service informatique en interne dans une
entreprise ; le niveau de prix de certains produits ou services
influence la consomma- tion dautres produits ou services : le
niveau des loyers a-t-il une influence sur le nombre de prestations
par abonnement (tlphone, tlvision par cble) ? Aussi, une analyse du
produit ou du service est essentielle pour compren- dre la position
et le rle de chacune des entreprises parties prenantes. En
particulier, il est utile de retenir les dimensions suivantes :
nature et caractristiques du produit ou du service ; qui fait quoi
? ; rle des prix ; comportements de la demande. Espace gographique
La consommation sur Internet sexonre des contraintes du temps et de
lespace. Demain, un consommateur japonais peut rserver, via
Internet, pour sa famille les billets de train de la socit Amtrack
pour un voyage entre New York et Washington DC. Grand Station New
York, deux mois plus tard, il retirera ses billets en prsentant une
billetterie automati- que son numro de rservation et sa carte de
crdit. Ce premier exemple pourrait tre complt par celui de la socit
Dell. Cette dernire a ainsi choisi de sexonrer des circuits de
distribution classi- ques (magasins spcialiss) et de dvelopper un
contact direct avec lache- teur potentiel travers une relation
tlphonique ou un accs Internet. Lespace gographique disparat-il
pour autant de lanalyse concurren- tielle ? Non. Il importe encore
de comprendre le rle de laire gographique
39. Chapitre 1 : Analyse de lenvironnement et comprhension de
la concurrence 37 dans la construction dun march, et donc pour la
concurrence. Lhtel fami- lial install sur le Mont Saint-Michel
est-il sur le mme march que la socit Accor. Si cette dernire avait
un htel au cur de ce mont unique au monde, la rponse serait
positive. Il faudrait alors tenir compte des caract- ristiques des
chambres, des prestations offertes et du niveau des prix. Cepen-
dant, cet htel familial peut trs bien bnficier dun avantage li sa
localisation, comparable celui dont bnficierait une socit minire
pour lexploitation dun gisement. Alors, il est possible de montrer
que cet htel familial nest pas sur le mme march gographique que la
chane htelire mentionne prcdemment. Ceci illustre limportance de la
prise en compte de lespace gographique dans la construction des
marchs : comportements dachat ; localisation des diffrents acteurs
; poids des cots de transport ; rles des distances gographiques.
tat de la technologie travers les prcdents exemples, il est
manifeste que la technologie sera un facteur structurant des
marchs. Certes, elle concerne le produit ou le ser- vice, travers
sa conception, sa production et sa distribution. Il suffit de
penser au rle futur des technologies du gnie gntique dans la sant,
lali- mentation ou la production agricole. Toutefois, la
technologie a aussi un impact sur le type de distribution et daccs
au client. Imaginons la rserva- tion dun voyage et de son
hbergement aprs un voyage virtuel dans le lieu de son choix sur un
site Internet appropri. Niveau de la concentration Combien
dentreprises sont prsentes sur le march dfini partir des trois
dimensions prcdemment proposes ? Y a-t-il une entreprise dominante
? Existe-t-il une frange dentreprises de taille modeste ? Fait-on
face un oligo- pole ou un duopole ? Lanalyse de la concentration et
de son niveau aidera comprendre la structure du march, et anticiper
les comportements concurrentiels des principaux acteurs prsents.
Dfinition dune opportunit Une opportunit est un lment qui compose
lenvironnement dune entre- prise qui peut tre exploit. Dans ce cas,
la valorisation de lopportunit contribue la comptitivit de
lentreprise concerne. Par exemple, la bulle Internet des annes 2000
et 2001 na pu se former que parce que nombre dinvestisseurs et
dentreprises analysaient le e-busi- ness comme une opportunit
exploiter et sur laquelle il fallait investir. Cela a aussi t un
bel exemple de comportements moutonniers dbouchant sur des
valorisations extravagantes !
40. 38 PARTIE 1 : STRATGIE De mme, le fait quil y ait en France
prs de 40 millions dabonns mobile, reprsente une opportunit
considrable pour dvelopper des services de messages texte ou de
transactions. Le chiffre daffaire cumul des trois oprateurs franais
dune journe de SMS reprsentait ainsi 30 millions deuros fin 2003
(source : Que choisir ?). Une opportunit concernera donc les
entreprises connues dune industrie, mais aussi des acteurs
financiers, conomiques et industriels qui ny appar- tiennent pas.
Ceci a ainsi t le cas de lindustrie du courtage en ligne dont le
dveloppement a t assur, dans un premier temps, par des acteurs
nouveaux1 . Dfinition dune menace Une menace est une caractristique
de lenvironnement qui affectera la comptitivit dune entreprise (ou
dun ensemble dentreprises). Toutes les entreprises dune mme
industrie sont dailleurs concernes. Il est frquent quune menace
prenne la forme dune technologie nou- velle, dune dcision lgale ou
rglementaire ou dun comportement innovant. Ainsi, des comportements
dchanges gratuits peer to peer de fichiers musicaux ou vido entre
utilisateurs dInternet crent une menace extrme- ment srieuse pour
les industriels des mdias, et en particulier pour les di- teurs
musicaux qui enregistraient en 2003 des baisses suprieures 15 % de
leurs chiffres daffaires. Fin 2004, il est dailleurs intressant de
constater que la partie commerciale du march comme celle de lchange
gratuit sur la base du peer to peer progressent de manire parallle.
1.2.2 Lanalyse de lindustrie Filire dactivit ou business system La
trs grande majorit des domaines dactivit ou des secteurs sinsrent
dans une filire conomique ou une filire dactivit. Trois dimensions
de la filire permettent de bien comprendre son intrt et son
importance pour lanalyse stratgique : cest un ensemble doprations
techniques qui vont de la matire premire jusquau produit final
acquis par le consommateur ; la filire agroalimentaire est lune des
plus connues ; cest un ensemble de relations conomiques et de
transactions commercia- les entre des entreprises situes des stades
complmentaires le long de laxe amont-aval ; ainsi des fabricants de
semi-conducteurs vendent leurs systmes des fabricants de centraux
de tlcommunications, eux-mmes les vendant des oprateurs de rseaux ;
ces derniers pouvant les louer dautres oprateurs ; cest un ensemble
dentreprises mais aussi dorganisations plus ou moins hirarchises
qui grent la coordination des oprations techniques et des
transactions commerciales ; ainsi la filire florale voit en amont
des produc- 1. Claude-Gaudillat V. et Qulin B., Nouvelles
comptences et modes daccs : Lexemple du courtage en ligne , Revue
franaise de gestion, n 149, mars-avril 2004, p. 133-151.
41. Chapitre 1 : Analyse de lenvironnement et comprhension de
la concurrence 39 teurs de fleurs et en aval le fleuriste proximit
du client ; entre ces deux stades extrmes, se trouvent des marchs
organiss comme le march aux fleurs de La Haye aux Pays-Bas ou celui
de Rungis. moins dtre totalement intgr, chaque industrie ou secteur
est donc pris en tenaille entre un secteur fournisseur et un
secteur client (distribution et client final), un stade amont et un
stade aval. Ces deux stades exercent sur le secteur des pressions
variables qui exacer- bent plus ou moins la lutte concurrentielle
intrasectorielle ou lintrieur de lindustrie. Celle-ci est galement
influence par la plus ou moins grande difficult entrer dans le
secteur ou en sortir : les barrires lentre jouent un rle de filtre.
En effet, le nombre dentreprises qui ont accs une industrie est lun
des facteurs dterminants du jeu concurrentiel. Enfin, larrive
possible dun produit de substitution reprsente une autre dimen-
sion prendre en compte. Le schma des cinq forces concurrentielles
Hritier de lconomie industrielle, Michael Porter prsente un schma
trs utile dans son ouvrage de 1980, intitul Competitive Strategy.
Ce schma, dit schma des cinq forces , rsume de manire astucieuse
les dimensions utiles lanalyse de lindustrie et de la concurrence.
Des relations verticales entre des fournisseurs, leurs donneurs
dordre, et enfin les distributeurs ou clients de ces derniers. Des
forces extrieures cette organisation verticale structure venant :
dautres industries sous la forme dinnovation ou de substituts ; de
la rglementation, de la politique publique, ou des forces sociales.
Cette tradition de lanalyse concurrentielle tend objectiver
lenviron- nement. Ce dernier nest pas le rsultat dune construction
ou dune repr- sentation des dirigeants ou des managers des
entreprises. Il peut tre, au contraire, rsumer des dimensions comme
: la concurrence interne un march dfini par une prennit des concur-
rents, des produits et des technologies dans le temps ; la capacit
entrer de start-up ou dentreprises innovantes venant dautres
industries ; la possibilit de lapparition de produits, technologies
ou services de substitution. De plus, la concurrence est base sur
un jeu de force avec les fournis- seurs, les donneurs dordre et les
clients pour le partage de la valeur ajoute. On dispose ainsi dune
dfinition de lindustrie. Cest un espace de concurrence entre des
producteurs offrant des rponses au march trs proches, voire
similaires, et fortement substituables. Moins nombreux sont les
concurrents, et plus levs seraient les profits. Plus ces derniers
sont levs, et plus lapptit des nouveaux entrants est aiguis.
42. 40 PARTIE 1 : STRATGIE Les barrires lentre et les obstacles
la mobilit Ces concepts sont issus de lconomie industrielle. Ils
synthtisent lide dobstacles aux capitaux, aux investissements et
aux ressources pour entrer dans une industrie ou une activit donne.
La notion dorigine est fonde sur la nature structurelle de ces
barrires, comme la rglementation ou la raret des matires premires.
Pourtant, des travaux de plus en plus nombreux insistent sur la
nature construite de ces barrires. Elles peuvent appa- ratre comme
le rsultat de lhistoire sdimente dune industrie, comme par exemple,
la taille requise de sites industriels ou de surfaces commerciales
ou la densit dun rseau commercial. Par la suite, nous examinerons
les principales barrires que lon peut iden- tifier dans lanalyse
dun environnement concurrentiel. conomie dchelle et denvergure La
notion dconomies dchelle est une notion attache un centre dactivit
comme une usine ou un centre commercial. Elle ne doit pas tre Les
cinq forces de PorterFIGURE 1.3 Menace dentre de nouveaux
concurrents Position de force des fournisseurs Position de force
des clients Menace darrive des produits de substitution Secteur
professionnel Rivalit entre firmes du secteur Source : M. Porter,
LAvantage concurrentiel, 1985.