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TABLES DES ANNEXES
ANNEXE 1 : Exemple du bulletin d’estimation du risque d’avalanches du massif du
Mercantour……………………………………………………………………………………..3
ANNEXE 2 : Réponse ministérielle sur la réglementation d'activités sportives à risque
notamment en montagne et à ski suite à une question de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet
(N° 88370 p 3976 sports paru le 24 avril 2007)………………………………………………..4
ANNEXE 3 : Attestation d’assurance en responsabilité civile de l’ensemble des ESF……….6
ANNEXE 4 : Extraits de la Cour d’appel de Chambéry, 2e chambre, en date du 2 octobre
2014, opposant deux expertises avalanches……………………………………………………7
ANNEXE 5 : Extraits du jugement du Tribunal correctionnel d’Albertville, 30 avril 2012,
n°10000000299………………………………………………………………………………...8
ANNEXE 6 : Extraits de l’arrêt de la Cour d’appel de Chambéry, 4 janvier 1979, Afanassief,
ANENA, Jurisque…………………………………………………………………………….14
ANNEXE 7 : Extraits de l’arrêt de la Cour de cassation, 13 novembre 1980, n° 79-
90.506…………………………………………………………………………………………16
ANNEXE 8 : Extraits du jugement du Tribunal correctionnel de Gap, 13 janvier 2000,
« Forté-Jacques-Poudevigne-Wadel », ANENA, Jurisque…………………………………...18
ANNEXE 9 : Extraits du jugement du Tribunal de grande instance d’Annecy, 13 novembre
2006, n°1481/06……………………………………………………………………………....23
ANNEXE 10 : Extraits du jugement du Tribunal correctionnel d’Albertville, 7 janvier 1985,
« Ferrand », ANENA, Jurisque……………………………………………………………….27
ANNEXE 11 : Extraits du jugement du Tribunal de grande instance de Gap, 9 janvier 1985,
« Dubosq c/ ESF des Orres », ANENA, Jurisque…………………………………………….29
ANNEXE 12 : Extraits du jugement du Tribunal de grande instance de Bonneville, 18 février
2013, n°11/01409……………………………………………………………………………..31
ANNEXE 13 : Extraits du jugement du Tribunal correctionnel d’Albertville, 13 janvier 2003,
ANENA, Jurisque…………………………………………………………………………….35
ANNEXE 14 : Extraits de l’arrêt de la Cour d’appel de Chambéry, 22 janvier 1986,
« Grosset-Janin », ANENA, Jurisque………………………………………………………...38
ANNEXE 15 : Extraits de l’arrêt de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 27 mai 2011, n°
733/M/2011…………………………………………………………………………………...41
2
ANNEXE 16 : Extraits du jugement du Tribunal de grande instance de Nice, 8 mars 2007, n°
1090/07…………………………………………………………………………………..……44
ANNEXE 17 : Extraits de l’arrêt de la Cour de cassation, 26 novembre 2002, n°
01/88900…………………………………………………………………………………...….50
ANNEXE 18 : Extraits de l’arrêt de la Cour d’appel de Chambéry, 18 novembre 1999,
« Beermann et autres c/ Ministère public », ANENA, Jurisque……………………………...53
ANNEXE 19 : Extraits de l’arrêt de la Cour d’appel de Pau, 13 janvier 1998, « Dauriac-
Orus », ANENA, Jurisque…………………………………………………………………….62
ANNEXE 20 : Extraits de l’arrêt de la Cour de cassation, 9 mars 1999, « Dauriac-Orus », n°
98-82269……………………………………………………………………………………...64
ANNEXE 21 : Extraits de la Cour d’appel de Chambéry, 11 juin 1997, « Gasser », ANENA,
Jurisque…………………………………………………………………………………….....66
ANNEXE 22 : Tribunal correctionnel d’Albertville, 13 janvier 1997, « Pollet-Givois-Perrier-
Arene », ANENA, Jurisque…………………………………………………………………...68
ANNEXE 23 : Extraits de l’arrêt de la Cour d’appel de Chambéry, 29 octobre 1997,
« Nicolas », ANENA, Jurisque…………………………………………………………….…70
ANNEXE 24 : Extraits du jugement du Tribunal correctionnel d’Albertville, 22 mai 2015,
ANENA, Jurisque………………………………………………………………………….…72
ANNEXE 25 : Extraits de l’arrêt de la Cour de cassation, 24 janvier 2006, n° 03-
18045………………………………………………………………………………………….74
ANNEXE 26 : Extraits du jugement du Tribunal de grande instance d’Albertville, 4 février
2008, ANENA, Jurisque……………………………………………………………………...76
ANNEXE 27 : Extraits du jugement du Tribunal correctionnel de Gap, 8 novembre 1978,
« Ministère public c/ Lebourg », n° 849……………………………………………………...79
ANNEXE 28 : Extraits du jugement du Tribunal de grande instance d’Albertville, 3 mars
1986, « Jaquemot », ANENA, Jurisque………………………………………………..……..83
ANNEXE 29 : Extraits de l’arrêt de la Cour d’appel de Grenoble, 1er
juin 2001, « Forté-
Jacques-Poudevigne-Wadel », ANENA, Jurisque………………………………………...….85
ANNEXE 30 : Extraits du jugement du Tribunal correctionnel d’Albertville, 7 août 2015, N°
12347000019……………………………………………………………………………….....92
ANNEXE 31 : Extrait du rapport de la commission des affaires sociales de l’Assemblée
nationale du 14 janvier 2014, rédigé par Mme BATTISTEL, députée………………….….94
3
ANNEXE 1
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ANNEXE 2
Réglementation d'activités sportives à risque
Réponse ministérielle sur la réglementation d'activités sportives à risque notamment en montagne et à ski suite à une question de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet (N° 88370 p 3976 sports paru le 24 avril 2007)
Question de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet (UMP) :
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet appel l’attention de M. le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative au sujet de la réglementation d’activités sportives à risque. En effet, il semblerait que de plus en plus fréquemment des accidents de ski surviennent en raison d’un manque de réglementation des nouvelles pratiques de glisse telles que le snowboard ou le surf. Aussi, elle lui demande si des dispositions nouvelles en la matière vont être adoptées afin de limiter les risques d’accidents graves entre les skieurs et les snowboardeurs ou surfeurs.
Réponse du Ministre des sports et de la vie associative :
La pratique des activités telles que le ski alpin, le snowboard, le surf des neiges s'effectue dans un cadre naturel constituant un espace de liberté. Les espaces aménagés pour la pratique des sports de glisse, - au même titre que ceux destinés aux loisirs nautiques - font l'objet de dispositifs destinés à les sécuriser. Pour la montagne, la signalisation, le balisage des pistes, le secours à personnes sont organisés en relation avec les services de pistes, les services de secours des pistes, les pelotons de gendarmerie de haute montagne, les CRS, les pompiers. Concernant les accidents, le ministère de la jeunesse, des sports et de la vie associative (MJSVA) s'est doté depuis 1996, d'un système national d'observation de la sécurité en montagne (SNOSM) installé à l'école nationale de ski et d'alpinisme (ENSA) à Chamonix et placé auprès de la commission de l'information et de la sécurité du conseil supérieur des sports de montagne (CSSM). Sa présidence permanente est assurée par le directeur de la défense et de la sécurité civile. Le SNOSM produit chaque année un rapport statistique sur les accidents survenus sur les pistes et propose des axes de prévention. Le dernier rapport du SNOSM en date du 14 novembre 2006 (date de validation par son comité de pilotage pour la période située entre le 1er décembre 2005 et le 31 mai 2006), fait état de 52 203 interventions des services de secours, pour 51 148 blessés. Sur l'ensemble des interventions effectuées par les services de secours, on dénombre 59 décès, dont 6 à la suite de collisions. Concernant les décès sur pistes, 5 décès immédiats sont dus à des collisions contre obstacles ; un, des suites de collision entre personnes. Hormis les accidents par avalanches déclenchées par les pratiquants eux-mêmes, les accidents mortels surviennent essentiellement lors de collisions contre obstacles et à l'occasion de chutes hors piste se terminant au pied de barres rocheuses. Si l'on constate, pour la dernière saison, une certaine stagnation des interventions de secours (+0,9%) après une forte baisse enregistrée lors des dernières années (-8 %), on enregistre une courbe à la hausse pour les interventions concernant les skieurs alpins et les snowboardeurs avec une représentation importante des jeunes autochtones, des résidents saisonniers et des touristes étrangers. Plusieurs facteurs ont été identifiés, notamment : les progrès techniques des matériels qui permettent une progression rapide du niveau technique général des pratiquants, rendant la neige poudreuse plus accessible, mais aussi plus dangereuse par défaut d'appréciation des risques ; la méconnaissance des phénomènes avalancheux par les sportifs, qui transgressent les recommandations préconisées par les professionnels des stations. Or le risque d'avalanche ou de déclenchement accidentel de coulée de neige est auto-évalué sur le terrain par les
5
pratiquants eux-mêmes, ceux-ci décidant, de manière autonome, du comportement à adopter en fonction des informations dont ils disposent ; les données aléatoires propres à l'univers montagnard renforcées par les conditions météorologiques et nivologiques très particulières de la dernière saison, qui augmentent les risques naturels dans un espace non balisé. S'il n'existe pas de règles de droit commun propres aux pratiques de glisse à l'occasion de loisirs pratiqués dans des espaces aménagés, en revanche, la fédération internationale de ski a élaboré un véritable « code de conduite sur les pistes », diffusé systématiquement à l'occasion des campagnes de prévention initiées par le MJSVA et dont les professionnels se font également largement l'écho à l'occasion des apprentissages encadrés. Qualifiées « d'activités sportives pratiquées dans un environnement spécifique », les activités de montagne requièrent, à ce titre, pour les enseignants une qualification relevant de la compétence du MJSVA. L'article L. 212-1 du code du sport dispose ainsi que : « Seuls peuvent, contre rémunération, enseigner, animer ou encadrer une activité physique ou sportive ou entraîner ses pratiquants, [...] les titulaires d'un diplôme, titre à finalité professionnelle ou certificat de qualification : 1 garantissant la compétence de son titulaire en matière de sécurité des pratiquants et des tiers dans l'activité considérée ; 2° et enregistré au répertoire national des certifications professionnelles... ». Enfin les pistes ne constituent pas un ouvrage public et il appartient au maire de la commune de se prononcer sur l'opportunité des mesures de police qu'il entend prendre pour garantir la sécurité des citoyens dans le respect des pouvoirs que lui délègue sa charge, notamment en regard de l'exercice pour tous citoyens des libertés publiques ou individuelles.
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ANNEXE 3
A T T E S T A T I O N D ‘ A S S U R A N C E
Allianz IARD dont le Siège Social est sis 87, rue de Richelieu 75002 PARIS, atteste que le SYNDICAT NATIONAL DES MONITEURS DU SKI FRANÇAIS (SNMSF), 6, allée des Mitaillères 38246 MEYLAN Cedex, est assuré pour son compte et pour celui : - des Ecoles du Ski Français,
- des moniteurs de ski, diplômés ou stagiaires, en tant qu’adhérents au SNMSF,
- des pratiquants pendant le temps où ils sont sous l’autorité de l’Ecole ou du Moniteur,
par le contrat « Responsabilité Civile » n° 48.392.817 souscrit en date du 1er janvier 2012. Les garanties stipulées au contrat sont conformes aux dispositions des articles L321-1, L321-7 et D321-1 du Code du Sport. Les garanties s’exercent à concurrence de 15.000.000 € par sinistre pour tous dommages corporels, matériels et immatériels consécutifs, dont 1 500.000 € pour les dommages matériels et immatériels consécutifs, .sans pouvoir dépasser 30.000.000 € pour l’ensemble des sinistres se rattachant à une même année d’assurance. Les garanties s’exercent dans les limites des Dispositions Particulières, ses Annexes et des Dispositions Générales composant le contrat référencé ci-dessus , et notamment du fait : -des fil-neige, tapis roulants et free-style airbag » utilisés dans les Ecoles du ski Français, -de la pratique du biathlon ( avec usage de carabines à plomb à air comprimé), -de l’organisation et participation à des fêtes, descentes aux flambeaux, compétitions sportives telles que « coq d’or », « chamois », « étoiles »
-de la pratique du snowscoot
-de la surveillance des terrains de snowparks -de la pratique du speedriding -de la pratique du snowkite Le présent document, établi par Allianz, a pour objet d’attester l’existence d’un contrat. Il ne constitue pas une présomption d’application des garanties et ne peut engager Allianz au-delà des conditions et limites du contrat auquel il se réfère. Les exceptions de garantie opposables au souscripteur le sont également aux bénéficiaires de l’indemnité (résiliation, nullité, règle proportionnelle, exclusions, déchéances…..). La présente attestation est valable du 1 août 2015 au 31 juillet 2016 inclus, sous réserve du règlement effectif des cotisations. Pour servir et valoir ce que de droit.
Fait à PARIS, le 24 septembre 2015 POUR LA COMPAGNIE
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ANNEXE 4
Cour d’appel de Chambéry, 2ème
chambre, arrêt du jeudi 2 octobre 2014
Extraits :
« (…)
Attendu que Mr Alain Duclos, expert près la Cour d’Appel de Chambéry dans la spécialité « neige et
avalanches » a estimé dans un rapport établi le 2 juin 2012 à la demande de la société MMA IRD
international, assureur des guides de haute montagne, que les professionnels ont eu le souci de la
sécurité de leurs clients en prenant des précautions habituelles pour éviter leur mise en danger,
notamment par le choix de terrains peu raides, que l’avalanche s’est produite sans doute à cause d’un
phénomène complexe et encore mal connu de déclenchement de plaque à distance, que l’usage des
airbags aurait pu éviter le dommage, et que le secours a bien été réalisé, le dégagement de la victime
avant l’échéance critique de 15 minutes n’ayant pas été possible en raison de la profondeur
d’enfouissement de son corps. Selon cet expert, au regard des pièces du dossier, une avalanche
susceptible d’atteindre les membres du groupe n’était pas sérieusement prévisibles ;
Attendu que dans un rapport complémentaire du 31 janvier 2014, Mr Duclos a maintenu ses
conclusions malgré les critiques formulées par l’expert Lambert, soulignant qu’il n’était pas possible
de raisonner par extrapolation des données nivo-météorologiques d’un massif montagneux voisin,
affirmant que le seuil de pente de 30° est bien celui à partir duquel les accidents d’avalanche sont le
plus fréquemment constatés (entre 30 et 50° de déclivité et surtout entre 35° et 40°), ajoutant qu’en
2009, la formation des guides était encore très faible en matière d’avalanche et de nivologie en
général, ce qui explique que l’école nationale de ski et d’alpinisme lui demandait seulement en 2010
de participer à la formation des professeurs du département alpinisme et en 2012 de participer sur ce
sujet à la formation des professeurs du département ski ;
Attendu que monsieur Richard Lambert, lui aussi expert près la Cour d’Appel de Chambéry en
nivologie, a été mandaté par la famille Romano ; qu’il a estimé dans un rapport établi le 20 janvier
2014 que l’avalanche serait due à une plaque friable déclenchée par un ou des membres du groupe de
skieurs, et que c’est donc un enchainement de circonstances qui a conduit à l’issue fatale pour
monsieur R ; il relève notamment que les deux professionnels se sont séparés, que les deux personnes
ensevelies n’étaient pas judicieusement placées en termes de sécurité au moment du déclenchement de
l’avalanche, que leurs airbags n’ont pas été déclenchés, que monsieur M, guide d’expérience, se
trouvait à 20 à 30 minutes du lieu de l’accident, que l’hélicoptère n’était plus sur zone, que monsieur B
était la seule personne sur place réellement capable de dégager une victime d’avalanche dans un temps
raisonnable de sorte qu’en dégageant d’abord monsieur F, il est arrové trop tard pour finir de dégager
rapidement monsieur O, que les deux autres skieurs peinaient à atteindre, alors que la présence d’un
professionnel dans le temps où la survie de la victime était possible aurait été déterminante ;
(…) ».
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ANNEXE 5
Tribunal correctionnel d’Albertville, 30 avril 2012, n° 10000000299
Extraits : « (…)
Dans leur rapport, les gendarmes de PGHM indiquaient que le corps de m. R avait été
enseveli sous 80 centimètres de neige sur un replat à 2740 mètres d’altitude. Le 31 décembre
2009, les conditions météo étaient bonnes, sans vent avec une neige froide et peu compacte.
Ils décrivaient l’avalanche en la catégorisant en avalanche de type « plaque friable » indiquant
qu’elle était partie sur une zone où l’inclinaison était supérieure à 30° sur une zone de 400
mètres de long et 50 mètres de large. Ils constataient la présence de deux zones de rupture,
l’une haute à 2950 mètre d’altitude avec une épaisseur de 50 à 70 mètres d’épaisseur et une
seconde à 2850 mètres d’altitude avec une épaisseur d’environ un mètre.
Des premières auditions réalisées immédiatement après les faits, il apparaissait qu’au moment
de l’avalanche, étaient présents sur ce secteur hors piste de la Combe de Lory trois groupes : -
un premier groupe de skieurs du Club Med de Val Thorens, auquel appartenait la victime,
mené par un moniteur ESF, M. B ;
- Un deuxième groupe de surfeurs également du Club Med de Val Thorens, mené par un
moniteur ESF, M. L.
- Un troisième groupe de skieurs évoluant de manière autonome.
(…)
Entendu le 31 décembre 2009, M. B expliquait que le risque d’avalanche était de 3 ce jour-là.
Selon lui la combe était sécurisée par des Gazex et il précisait connaître cette pente par cœur.
A son arrivé en haut de la combe, il avait constaté la présence de traces de plusieurs passages
sur la partie de la pente qu’il souhaitait emprunter avec son groupe. Sur le déroulement des
faits, il confirmait les déclarations faites par les membres de son groupe de skieurs.
Les membres du groupe de surfeurs étaient entendus et indiquaient qu’en haut de la combe,
M. L leur avait demandé de le suivre après son passage. Celui-ci avait pris un tracé vierge de
tout passage sur le côté gauche de la combe. L’un des surfeurs indique avoir vu l’avalanche
partir à 15 ou 20 mètres au dessus de M. L. Sur les trois surfeurs entendus, deux indiquaient
avoir vu le groupe de skieurs en aval et un précisait ne pas les avoir vus.
Entendu le 31 décembre 2009, M. L indiquait que selon lui le risque d’avalanche était ce jour-
là de 4. Il précisait avoir vu en haut de la combe son collègue partir et son groupe faire la
traversée en aval. Il expliquait qu’après avoir fait quatre virages l’avalanche était partie et
voyait M.R se faire emporter. Selon lui, il était à l’origine du départ de l’avalanche.
Les membres du groupe de skieurs autonomes décrivaient un départ d’avalanche en deux
temps concomitant au départ du surfeur dont l’un des témoins indiquait que celui-ci avait pris
une trace vierge.
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Les investigations établissaient que le risque d’avalanche était en fait de 3 en tarentaise et de 2
en Maurienne le jour des faits.
Monsieur Duclos, expert « Neige et Avalanche » se rendait sur les lieux sur réquisition des
services de gendarmerie et aux termes de son rapport en date du 4 janvier 2010 concluait :
- « L’avalanche du 31 décembre 2009 à Orelle est une avalanche de plaque de taille
moyenne, qui a mobilisé à la fois de la neige récente et de la neige plus ancienne.
- Les caractéristiques du terrain montraient que des avalanches étaient possibles à cet
endroit, pourvu que les conditions nivologiques s’y prêtent (inclinaison nettement
supérieure à 30°).
- Les conditions nivologiques observables sur le terrain étaient de nature à éveiller la
vigilance du pratiquant (neige récente et vieille neige peu consolidée).
- Le bulletin d’estimation des risques d’avalanche avait sous-estimé ce risque (en
annonçant un risque de 2/5), ainsi que l’ampleur des avalanches possibles (en
prévoyant des cassures de seulement 15 à 20 cm).
- Le recours à une méthode simple d’estimation de risque aurait conduit à une
conclusion très optimiste, compte tenu de l’indice de risque Météo-France, de
l’exposition de la pente et de son inclinaison ».
(…)
Aux termes de son rapport en date du 17 juin 2010, il concluait ; « L’avalanche du 31
décembre 2009 dans la Combe de Lory a sans doute été déclenchée par le surfeur qui était en
train de glisser sur la pente. Seule la neige la plus récente a été mobilisée dans un premier
temps. Cet écoulement a provoqué ensuite le déclenchement d’une plaque plus large et plus
épaisse.
Le délai constaté entre le moment du passage du surfeur et celui du départ de l’avalanche est
dû à la complexité du mécanisme de déclenchement des plaques, qui comprend des phases
d’amorce puis de propagation de ruptures.
La complexité de ce mécanisme est l’une des raisons pour lesquelles la prévision des
avalanches est si délicate. C’est pourquoi l’indice de risque estimé par un spécialiste peut
varier significativement pour des secteurs similaires (de 2/5 à 4/5 en Maurienne et en
Tarentaise pour le 31 décembre 2009).
A la lumière de cet accident, entre autre, il apparaît que le sentiment de « connaître
parfaitement le manteau neigeux » est une illusion pouvant entraîner un manque de
précautions. Ce sentiment est malheureusement partagé par de nombreux professionnels du
ski.
Une bonne connaissance de la neige et des mécanismes de déclenchement permet de
comprendre une avalanche après qu’elle se soit produite (plusieurs skieurs et surfeurs ont
glissé sur des pentes similaires à celle où l’avalanche s’est déclenchée, sans qu’il ne se passe
rien, et sans que l’on ne puisse expliquer pourquoi)… ».
Dans le cadre de l’information, plusieurs moniteurs ESF étaient entendus sur la pratique du
ski hors piste dans le Combe de Lory. Il apparaissait que cette combe était connue pour la
pratique du ski hors piste et il s’avérait que l’appréciation des moniteurs sur la dangerosité de
ce secteur en termes de risque d’avalanche était très variable. Certains, à l’instar de m. B dans
ses premières déclarations, pensaient que le secteur était sécurisé par des gazex, alors qu’il
s’avérait que si des gazex étaient effectivement en place en raison de la présence d’une
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ancienne piste de ski, ce secteur n’était pas sécurisé par les services des pistes, s’agissant d’un
secteur hors piste. Le directeur d’exploitation de la station d’Orelle indiquait qu’il se pouvait
que des avalanches soient déclenchées dans ce secteur mais avec pour unique finalité de
sécuriser les pisteurs lors de leurs interventions et précisait qu’il n’y avait aucune sécurisation
systématique de la combe.
(…)
Lors de son interrogatoire de première comparution, M. L indiquait être titulaire du brevet
d’état lui permettant d’exercer la profession de moniteur de ski depuis 2005.
Il indiquait avoir connaissance de la documentation ESF sur les bonnes pratiques qu’il
qualifiait de bible du moniteur de ski.
Sur le jour des faits, il consultait avant son départ du Club Med le BERA lequel mentionnait
un risque de 3 en tarentaise et de 2 en Maurienne.
En haut de la combe, il expliquait ne pas avoir spécialement testé la neige étant en snow et
sans bâton. Cependant selon lui, la présence de cailloux et le peu d’accumulation de neige lui
permettait de conclure à un faible risque d’avalanche, précisant que toutes les zones sont
potentiellement dangereuses.
Sur son évolution dans la combe, il expliquait être parti en tête pour rejoindre le côté gauche
de la combe et avoir vu le groupe de skieurs se trouvant en amont, précisant être parti en
même temps que trois skieurs. Il expliquait avoir souhaité un départ rapide de son groupe afin
d’éviter qu’un autre groupe, notamment non accompagné d’un professionnel, ne les aperçoive
et décide de les suivre dans la pente de la combe.
Il ne se rendait compte du déclenchement de l’avalanche que dans son dernier virage.
Lors de son interrogatoire de première comparution, M. B expliquait être titulaire du brevet
d’état lui permettant d’exercer la profession de moniteur depuis 1986 et avoir participé
spécifiquement à un stage pour la pratique du ski en hors piste en 2003 au sein de l’ENSA.
Sur le jour des faits, il indiquait s’être rendu avec son groupe sur le côté droit de la pente
laquelle présentait en début d’après d’après-midi des traces de passages. Selon lui, le fait
qu’en début d’après midi, sur un flan sud/ouest, il n’y avait pas eu de départ, limitait le risque
d’avalanche. Il voyait le groupe de snowboarders se stationner en haut de la combe mais
entamait la traversée avec son groupe persuadé que le groupe de snowboarders n’allait pas
s’engager dans la pente avant la fin de leur évolution. Il précisait que selon lui si le second
groupe avait pris le même tracé que lui, il n’y aurait pas eu de départ d’avalanche.
Enfin, interrogé sur ce point, il attribuait le déclenchement de l’avalanche à son collègue.
(…)
SUR CE,
L'article 221-6 du Code pénal définit l'homicide involontaire comme « le fait de causer par
maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence
ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, la mort d'autrui ». L'article 121-3 du même
Code précise que « les personnes physiques qui n'ont pas causé directement le dommage,
mais qui ont contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n'ont
pas pris les mesures permettant de l'éviter, sont responsables pénalement s'il est établi qu'elles
ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de
sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait
autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elles ne pouvaient ignorer ».
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Sur l'analyse du lien de causalité
En l'espèce, les prévenus sont renvoyés en retenant un lien de causalité indirecte entre leur
supposée faute et le décès de M. R.
Si ce lien de causalité indirecte ne parait pas devoir être contesté concernant M.B, il en est
différemment pour M. L.
En effet, il ressort tant du rapport d'expertise de Monsieur D, que des déclarations de
M. L, des témoins et de la vidéo que celui-ci est à l'origine du déclenchement de l'avalanche,
laquelle est à l'origine du décès de M. R. S'il n'y a pas eu de contact direct entre M. L et M. R,
il est cependant constant que c'est suite au déclenchement de l'avalanche que Monsieur
Roussel est décédé, l'avalanche étant la cause directe du décès. Il convient en conséquence de
relever que la faute de M L doit s'apprécier en retenant un lien de causalité directe entre la
faute et le dommage.
Sur les fautes
Sur les faits reprochés à M. B :
Sur les faits reprochés à M. B, il convient de rechercher si celui-ci a commis une faute
caractérisée.
Il ressort du dossier d'information et des débats qu'il n'existait pas de coordination entre les
moniteurs de ski dans le cadre de leur évolution en secteur hors-piste, qu'il évoluait avec son
groupe en secteur hors-piste en amont d'un autre groupe de snowboarders. Le défaut de
concertation entre les moniteurs évoluant en secteur hors-piste sur la même zone, ne saurait
constituer une faute imputable à M. B. S'agissant du fait de s'être engagé en secteur hors-piste,
ce choix découle de la demande commerciale faite au moniteur de ski d'emmener un groupe
en secteur hors piste. En outre, si le secteur hors-piste n'est pas réglementé et sécurisé à
l'instar du secteur des pistes, cela ne signifie pas que le fait d'emmener des clients en hors-
piste est fautif, le client acceptant de par sa demande spécifique, le risque inhérent à la
pratique. Dans ce cadre, le professionnel doit veiller à limiter au maximum les risques liés à
une pratique sportive par nature dangereuse.
En l'espèce, M. B a emmené son groupe dans une combe connue pour la pratique du ski hors-
piste. Au départ de la pente, il a testé la neige à l'aide de son bâton. Ses déclarations
démontrent qu'il a pris en compte les conditions météorologiques et nivologiques avant de
s'engager dans la descente en appuyant lui même sur ses skis dans la partie la plus pentue
pour tester la neige.
En outre, l'enrochement de la piste limitait le risque d'avalanche sur la partie de la piste
empruntée par le groupe de skieurs.
Il ne saurait en conséquence lui être reproché « d'avoir conduit son groupe de skieurs à
évoluer sur un domaine hors-piste, sur une pente à forte déclivité et alors même qu'il existait
un risque d'avalanche lié à l'instabilité du manteau neigeux ».
Sur le fait d'évoluer en amont du groupe de surfeurs, les faits ne sont pas contestés par le
prévenu.
Cependant, s'il précise avoir effectivement vu son collègue en haut de la combe, il expliquait
son choix de traverser le bas de la combe par un souci de mise en sécurité de son groupe et
par la conviction que son collègue allait attendre la fin de leur évolution avant de s'engager
dans la combe, précisant en outre qu'il ne se doutait pas que ce dernier allait amorcer sa
descente sur le côté droit de la combe.
Au moment de la prise de décision, celle-ci ne saurait être considérée comme fautive.
12
Ainsi, il est établi que conformément à la documentation ESF des règles de bonne conduite,
M. B a contrôlé son amont mais a, après une appréciation des risques, décidé de faire passer
ses élèves.
Cette décision ne s'est révélée inadéquate qu'a posteriori, après la réalisation du risque.
Aucune faute caractérisée ne saurait en conséquence être retenue à l'encontre de M. B qu'il
convient de renvoyer des fins de la poursuite.
Sur les faits reprochés à M. L :
Dans son rapport définitif, M. D conclut que « l'avalanche du 31 décembre 2010 a sans doute
été déclenchée par le surfeur qui était en train de glisser ».
M. B qui a assisté à la scène arrive à la même conclusion. De même, le visionnage de la vidéo
permet de conclure à un lien direct entre le passage de M. L et le départ de l'avalanche.
Enfin, à l'audience, M. L a lui-même reconnu qu'il était à l'origine de l'avalanche.
Cependant, pour autant qu'il en soit le responsable, encore faut-il démontrer l'existence d'une
faute.
Si des mesures auraient pu être prises pour vérifier l'état du manteau neigeux, le fait d'évoluer
sur un terrain hors-piste est synonyme de prise de risques, et en l'espèce, un contrôle plus
avancé n'aurait pas forcément amené le professionnel à renoncer à la descente. Néanmoins, le
choix d'attaquer la descente sur la partie vierge de la pente, sur une zone moins stable que
celle parsemée de rochers peut être plus critiquable.
Toujours est-il que la principale faute susceptible d'être reprochée à M. L n'est pas tant le fait
d'avoir déclenché l'avalanche que d'avoir amorcé sa descente sans contrôler son aval.
En effet, si au jour de l'audience, le prévenu indique avoir procédé à ce contrôle et n'avoir rien
vu, la
vidéo démontre que de l'endroit où il a amorcé sa descente, les skieurs étaient visibles et pour
certains en cours d'évolution, ce qu'il reconnaissait d'ailleurs dans son audition
immédiatement après les faits.
Ce défaut de contrôle, qui est une donnée élémentaire en terme de sécurité lors de l'évolution
en terrain hors-piste constitue à lui seule une faute, laquelle suffit à retenir sa responsabilité.
Il convient en conséquence de retenir M. L dans les liens de la prévention.
Sur la peine
S'agissant pour une part de faits commis par un professionnel de la montagne et ayant entraîné
le décès d'un homme, il importe de prononcer une peine lourde de 12 mois d'emprisonnement.
Cependant s'agissant d'une infraction involontaire commise par une personne sans antécédent
judiciaire et qui à la fois selon ses déclarations et son abattement à l'audience a pris
pleinement conscience de ses erreurs, il convient d'assortir totalement cette peine du sursis.
(...)
13
PAR CES MOTIFS
SUR L’ACTION PUBLIQUE :
Relaxe M. B des fins de la poursuite ;
Déclare M. L coupable des faits qui lui sont reprochés ;
Condamne M. L à un emprisonnement délictuel de douze mois ;
Vu l'article 132-31 al.l du Code pénal ;
Dit qu'il sera sursis totalement à l'exécution de cette peine, dans les conditions prévues par
ces articles ;
Et aussitôt, le Président, suite à cette condamnation assortie du sursis simple, a donné
l'avertissement, prévu à l'article 132-29 du Code pénal, au condamné en l'avisant que si il
commet une nouvelle infraction, il pourra faire l'objet d'une condamnation qui sera
susceptible d'entraîner l'exécution de la première peine sans confusion avec la seconde et qu'il
encourra les peines de la récidive dans les termes des articles 132-9 et 132-10 du Code pénal.
(...)
SUR L’ACTION CIVILE :
Déclare recevables les constitutions de partie civile (…)
Déclare M. L responsable du préjudice subi (…)
Condamne M. L à payer (…) ».
14
ANNEXE 6
Cour d’appel de Chambéry, 4 janvier 1979, « Afanassief », ANENA, Jurisque
Extraits :
« (…) Attendu que c'est X.... lui-même qui révélait spontanément aux gendarmes être l'auteur involontaire de l'avalanche ; qu'il reconnaissait être au courant des dangers de la pratique du ski hors-piste au lieu et au temps de l'accident ; Attendu que les premiers juges pour retenir X....dans les liens de la prévention, ont estimé essentiellement que le prévenu avait commis une imprudence génératrice du sinistre, en pratiquant le "ski sauvage" alors qu'il n'ignorait pas les graves risques d'avalanches et qu'il savait au surplus, pour les avoir vus prendre le téléphérique, que des skieurs évoluaient en dessous de lui, plus loin, en direction de la vallée ; Attendu que le prévenu fait plaider sa relaxe et par conclusions prétend qu'il n'a commis aucune infraction : qu'il soutient encore qu'il existait un risque, aussi bien pour les victimes que pour lui-même, excluant toutes poursuites pénales ; qu'au surplus, le virage qui a déclenché l'avalanche ne constituait pas une faute, car il s'était agi d'un phénomène naturel qui aurait pu ne pas se produire et qu'enfin, cette avalanche aurait pu n'entraîner aucune conséquence dommageable pour autrui ; que subsidiairement, il sollicite une expertise qui serait confiée à un technicien de la montagne, seul capable de se prononcer sur l'existence et les conséquences de la faute qu'il aurait pu commettre ; Attendu qu'il est exact que X.... n'a contrevenu à aucune disposition légale ou réglementaire, puisque la pratique des sports de haute montagne n'obéit encore à aucune règle ; Attendu qu'il n'en a pas moins commis une grave imprudence en pratiquant le ski hors-piste, sur une neige vierge, dit "ski sauvage" en un temps et en des lieux où les avalanches étaient à redouter ; qu'il ne pouvait ignorer que les autorités locales avaient mis en garde les skieurs sur des dangers qu'ils encouraient en pratiquant un tel ski, puisqu'en effet, le drapeau à damiers noirs et jaunes avait été hissé sur la "maison de la montagne" à Chamonix, avertissant ainsi les sportifs des dangers d'avalanches et interdisant en fait, sinon en droit, la pratique du ski hors des pistes balisées et surveillées ; (…) Attendu que l'acceptation d'un risque - ce qui est le cas en l'espèce pour les victimes - ne peut effacer ou détruire l'imprudence fautive d'X.... ; Attendu que dans la pratique des sports de haute montagne, le déclenchement involontaire d'un phénomène naturel, de nature à entraîner la mort ou des blessures pour autrui, tel qu'une chute de pierres lors d'une escalade, ou d'une avalanche lors de randonnées à ski, n'est exclusif de toutes poursuites pénales que si l'auteur n'a commis aucune faute ou imprudence dans la pratique normale et prudente de ces sports ; qu'en l'espèce, il est évident qu'aux risques habituels d'avalanches s'ajoutait un risque supplémentaire particulièrement grave, en raison de l'importance de l'enneigement et des
15
conditions atmosphériques particulières, lors de l'hiver 1977 - 1978, et plus spécialement le jour de l'accident ; Attendu que X.... devait être d'autant plus prudent qu'il exerçait la profession de guide de haute montagne à Chamonix même et qu'il n'ignorait pas que d'autres skieurs évoluaient à quelques centaines de mètres plus bas, sur le flanc de la montagne ; Attendu qu'il ne peut être contesté qu'il existe un lien direct de cause à effet, entre l'imprudence du prévenu et ses conséquences dommageables soit la mort et blessures des victimes ; que le délit d'homicide et blessures involontaires est donc caractérisé à son encontre ; que l'imprudence des victimes skiant elles mêmes hors-piste ne peut exclure l'infraction ou en excuser l'auteur et ne saurait avoir de conséquence dans cette procédure puisqu'aucune partie civile ne s'est manifestée ; (…) Attendu que la peine prononcée par les premiers juges est suffisante et ne saurait être aggravée, comme le requiert l'Avocat Général et ce, compte tenu de l'imprudence commise par les victimes ; Par ces motifs, et ceux non contraires des premiers juges : Statuant publiquement et contradictoirement ; (…) En la forme, reçoit les appels ; Au fond, les déclare non justifiés et confirme en conséquence le jugement déféré (…)."
16
ANNEXE 7
Cour de cassation, 13 novembre 1980, n° 79-90.506
Extraits : « (…) " AUX MOTIFS QUE X... A COMMIS UNE GRAVE IMPRUDENCE EN PRATIQUANT LE SKI HORS PISTE, SUR UNE NEIGE VIERGE, DIT " SKI SAUVAGE ", EN UN TEMPS ET EN DES LIEUX OU LES AVALANCHES ETAIENT A REDOUTER ; QU'IL NE POUVAIT IGNORER QUE LES AUTORITES LOCALES AVAIENT MIS EN GARDE LES SKIEURS SUR LES DANGERS QU'ILS ENCOURAIENT EN PRATIQUANT UN TEL SKI, PUISQU'EN EFFET, LE DRAPEAU A DAMIERS NOIR ET JAUNE AVAIT ETE HISSE SUR LA " MAISON DE LA MONTAGNE " A CHAMONIX, AVERTISSANT AINSI LES SPORTIFS DES DANGERS D'AVALANCHES ET INTERDISANT EN FAIT, SINON EN DROIT, LA PRATIQUE DU SKI HORS DES PISTES AMENAGEES ; QU'IL NE PEUT ETRE CONTESTE QU'IL EXISTE UN LIEN DIRECT DE CAUSE A EFFET ENTRE L'IMPRUDENCE DU PREVENU ET SES CONSEQUENCES DOMMAGEABLES, SOIT LA MORT ET BLESSURES DE VICTIMES ; " ALORS QUE LA COUR QUI, DELAISSANT LES CONCLUSIONS DE X..., FAISANT VALOIR QU'IL S'ETAIT COMPORTE SELON LES REGLES DE L'ART, CONSIDERE QUE LA SIMPLE INOBSERVATION D'UNE INFORMATION DENUEE NATURELLEMENT DE TOUTE FORCE CONTRAIGNANTE CONSTITUE UNE FAUTE D'IMPRUDENCE ET RETIENT PEREMPTOIREMENT SANS LE MOINDRE MOTIF SON ROLE CAUSAL DANS LA PRODUCTION DE L'ACCIDENT, A ENTACHE SA DECISION D'UNE INSUFFISANCE DE MOTIFS QUI NE PERMET PAS A LA COUR DE CASSATION D'EXERCER SON CONTROLE SUR LA LEGALITE DE LA DECISION INTERVENUE " ; ATTENDU QU'IL APPERT DE L'ARRET ATTAQUE ET DU JUGEMENT DONT IL ADOPTE LES MOTIFS NON CONTRAIRES, QUE X..., GUIDE DE HAUTE MONTAGNE, EVOLUAIT A SKI DANS LE MASSIF DU MONT BLANC, HORS PISTE ET DANS UNE ZONE DE NEIGE VIERGE, LORSQUE, VOULANT EPROUVER LA SOLIDITE DE CETTE NEIGE, IL A AMORCE UN VIRAGE QUI, A L'INSTANT MEME, A PROVOQUE UNE AVALANCHE ; QUE CELLE-CI A ENSEVELI, QUELQUE 800 METRES PLUS BAS, QUATRE SKIEURS QUI REDESCENDAIENT DANS LA VALLEE, HORS PISTE EGALEMENT, ET DONT L'UN, N'AYANT PU ETRE DEGAGE A TEMPS, EST DECEDE ; ATTENDU QUE LES JUGES DU FOND RELEVENT QUE SI X... N'A CONTREVENU A AUCUNE DISPOSITION LEGALE OU REGLEMENTAIRE, LA PRATIQUE DES SPORTS DE HAUTE MONTAGNE N'OBEISSANT ENCORE A AUCUNE REGLE, IL N'EN A PAS MOINS COMMIS UNE GRAVE IMPRUDENCE EN SE LIVRANT SUR UNE NEIGE VIERGE AU SKI HORS PISTE, DIT " SKI SAUVAGE ", ALORS QUE LES AUTORITES LOCALES AVAIENT SIGNALE LE DANGER D'AVALANCHE, AGGRAVE LE JOUR DE L'ACCIDENT PAR L'IMPORTANCE DE L'ENNEIGEMENT ET LES CONDITIONS ATMOSPHERIQUES ; QUE LES JUGES CONSTATENT QUE LE PREVENU CONNAISSAIT CE DANGER ; QU'IL DEVAIT ETRE D'AUTANT PLUS PRUDENT QU'IL EXERCAIT LA PROFESSION DE GUIDE DE HAUTE MONTAGNE ET QU'IL N'IGNORAIT PAS QUE D'AUTRES SKIEURS EVOLUAIENT A QUELQUES CENTAINES DE METRES PLUS BAS ; ATTENDU QUE LA COUR, REPONDANT SANS INSUFFISANCE, NI CONTRADICTION AUX CONCLUSIONS DE X..., DECLARE QUE LE DECLENCHEMENT D'UN PHENOMENE NATUREL, TEL UNE AVALANCHE, N'EST EXCLUSIF DE TOUTE POURSUITE PENALE, QUE SI L'AUTEUR N'A COMMIS AUCUNE FAUTE DANS LA PRATIQUE NORMALE ET PRUDENTE DES SPORTS DE HAUTE MONTAGNE ; QUE TEL N'EST PAS LE CAS EN L'ESPECE, QU'IL RESULTE DES CONSTATATIONS DE L'ARRET QU'UN LIEN DE CAUSALITE EXISTE ENTRE LA FAUTE COMMISE PAR LE PREVENU ET LA MORT DE L'UNE DES
17
VICTIMES AINSI QUE LES BLESSURES SUBIES PAR LES AUTRES ; ATTENDU QU'EN CET ETAT, LES JUGES D'APPEL ONT CARACTERISE, A LA CHARGE DE X..., TOUS LES ELEMENTS CONSTITUTIFS DES INFRACTIONS D'HOMICIDE ET BLESSURES INVOLONTAIRES DONT IL A ETE DECLARE COUPABLE ; D'OU IL SUIT QUE LE MOYEN NE SAURAIT ETRE ACCUEILLI ; ET ATTENDU QUE L'ARRET EST REGULIER EN LA FORME ; REJETTE LE POURVOI ».
18
ANNEXE 8
Tribunal correctionnel de Gap, 13 janvier 2000, « Forté-Jacques-Poudevigne-Wadel »,
ANENA, Jurisque
Extraits : "(…)
M. Y... a, pour préparer la sortie raquettes, chargé M. Z... de reconnaître les lieux à partir du gîte de la
DRAYE, gîte où des places étaient réservées pour accueillir les enfants.
Le 10 janvier 1998 M. Z..., après avoir examiné avec M. R..., gérant du gîte, les différents parcours
possibles, a effectué lesdits parcours. M. Z... a retenu 2 parcours sur les 3 proposés.
Il a entrepris un premier parcours au cours duquel il a bifurqué en raison de la forte pente et des
éboulis, puis, après un retour en arrière, il a cheminé à travers les arbres en zigzaguant jusqu’à la crête
du Lauzet, où il a essayé son téléphone portable. Il a estimé la durée de la sortie à environ 4 heures
pour 800 mètres de dénivelée.
De retour au Centre, il a eu un entretien avec M. Y... et lui a indiqué que l’itinéraire jusqu’à la crête du
Lauzet paraissait le plus adapté au projet présenté et que la distance à parcourir au regard de la
dénivelée serait en temps de marche d’une durée de 5 heures à 5 heures 30.
(…)
Le jeudi matin M. Y... a remis à M. Z... le bulletin météo qui annonçait un risque d’avalanche 4/5. Un
tel risque existait depuis plusieurs jours.
Le jeudi après-midi le groupe s’est rendu en autobus jusqu’à l’Abbaye de Boscodon. Au cours du
voyage M. Z... a indiqué à M. U...., sur une carte, l’itinéraire pour l’après-midi.
(…)
Aucun matériel de secours ARVA, pelles ou cordes, n’avait été emporté, le massif n’étant pas connu
comme avalancheux dans la zone concernée. Personne ne semble avoir pensé que cela pourrait être
nécessaire.
(…)
Au cours du petit déjeuner, le garDEXX du gîte a indiqué à M. Z... qu’il y avait risque d’avalanche en
dehors des sentiers balisés. Le drapeau à damiers annonçant le risque avalanche était en place au
départ du gîte.
(…)
Six enfants, fatigués après une nuit difficile et une marche qu’ils considéraient comme pénible et pour
certains dépourvue d’intérêt ont, à l’initiative de M. Z..., composé un groupe encadré de MM. Z... et
Y... et ont pris un itinéraire différent et moins difficile en passant par le belvédère de Plan Aiguille.
L’autre groupe, composé de 26 élèves emmenés par M. U.... et encadrés par M. D..., Melle P..., M.
O..., Mme C... et M. X..., a continué la progression en direction de la crête du LAUZET située à 2340
m, ce qui représente depuis la cabane de Clôt Besson une dénivelée de 410 mètres.
M.U.... ouvrait la marche et faisait la trace. Il est à noter que M. U.... n’avait jamais encadré en sortie
des adolescents.
(…)
19
De nombreux enfants se sont plaints de la fatigue et de la faim. Monsieur D.... a avancé dans la
colonne jusqu’au niveau de Mme C... et a constaté que, comme lui, elle était fatiguée et en état
d’hypoglycémie.
M. D... a interpellé M. U.... une première fois pour faire une pause. Monsieur U.... a refusé, M. D... a
formulé la même demande une seconde fois. M. U.... a suggéré que ceux qui étaient fatigués s’arrêtent
un moment mais indiqué qu’il continuait à faire la trace. Certains enfants ont suivi M. U.... et une
grande partie du groupe s’est arrêtée sur un replat ensoleillé. Ils n’ont rien mangé parce qu’ils avaient
consommé leur en-cas et que le repas était prévu au niveau de la crête.
(…)
A la sortie du bois, la zone était dégagée. Monsieur U.... a fait la trace en zigzaguant. Il s’ est adressé
aux enfants qui le suivaient dont J... C..., pour leur dire de s’arrêter parce qu’il y avait une plaque à
vent selon J….
Monsieur U.... a commencé à faire la trace jusqu’au niveau de jeunes arbres sur la crête. Il a donné le
signal à J... C... de passer puis a dit à N... B... de suivre. N... a glissé. Monsieur U.... est redescendu
jusqu’aux jeunes arbres, a fait une nouvelle trace sur la droite, en escaliers. J... C... a rejoint Monsieur
U.... en criant à ses camarades de faire attention, qu’il y avait une plaque à vent et qu’il fallait passer
un par un.
Les enfants ont passé ce message qui a été répercuté jusqu’à M. D... qui fermait la marche.
Selon M. U.... il a seulement demandé aux enfants qui le suivaient de s’arrêter et de ne pas le suivre
sur la plaque de neige dure sur laquelle J... l’avait suivi, puis sur la nouvelle trace à droite il a donné la
consigne de s’espacer pour que les enfants ne se gênent pas et ne s’accrochent pas en glissant.
Entre le moment où il a entendu les consignes et où il a vu M. U...., M. D... qui aurait été partagé entre
un sentiment d’inquiétude et un sentiment de confiance à l’égard de M. U...., a essayé d’évaluer le
passage, il n’a vu ni congères, ni vaguelettes, ni stries. M. D... s’est avancé sur la pente pour se rendre
compte de la consistance de la neige, il a constaté une neige dure, presque compactée mais non gelée.
A cet instant il a vu un enfant qui dérapait dans la pente, il est allé l’aider en lui donnant des consignes
pour se rattraper et reprendre la trace, lui-même a repris la trace, et à cet instant, l’avalanche s’est
déclenchée.
(…)
L’examen de leurs corps a révélé que les enfants sont presque tous décédés des suites d’une
hypothermie aggravée pour certains par la présence de fractures de membres. Un enfant a présenté un
phénomène asphyxique par oblitération des voies respiratoires. Madame C... est décédée des suites
d’un traumatisme thoracique et d’une hypothermie et Melle P... est décédée d’un très violent
traumatisme thoraco-abdominal.
(…)
Le Ministère Public et les Parties Civiles invoquent des griefs communs à chacune des quatre
personnes déférées devant la présente juridiction savoir :
- une insuffisance dans la préparation de l’itinéraire.
- un choix aberrant de cet itinéraire considéré comme inadapté au regard de l’état physique et de
l’inexpérience des enfants.
- une sortie en dépit de l’annonce d’un risque avalancheux 4 sur une échelle de 5.
- une carence dans la dotation des matériels (usage de moon-boots, absence de pelles, sondes et arva,
moyens de liaison par les ondes insuffisants...).
Outre ces fautes alléguées d’abstention, de négligence et d’imprudence il est fait aussi grief à :
- M. Y... :
- de ne pas avoir imposé une seconde reconnaissance des lieux.
- de ne pas avoir annulé, en sa qualité de directeur du centre, la sortie compte tenu du risque
20
avalancheux 4/5.
- de s’en être totalement remis à M. U.....
- M. X... :
- d’avoir été l’instigateur et le concepteur du séjour et de n’avoir pas totalement tenu informé les
parents sur le déroulement des activités.
- d’avoir tout mis en œuvre pour que tous les enfants s’engagent à participer à la randonnée prétexte
pris de son objectif pédagogique.
- de ne pas s’être préoccupé de la différence de niveau et de l’état de fatigue, qu’il connaissait, des
enfants lors de la scission en deux groupes des élèves.
- de son inconscience du danger pour autrui.
- M. Z... :
- d’avoir effectué une reconnaissance sommaire et bâclée de l’itinéraire et d’avoir opéré un choix
aberrant.
- d’avoir sous estimé la fatigue des enfants dans le choix de l’itinéraire et dans la sélection des enfants
présumés aptes à effectuer la poursuite de la course.
- d’être resté passif face au volontarisme forcené de M. X....
- de ne pas s’être opposé à la sortie alors qu’il avait connaissance de la présence généralisée de plaques
à vent.
- M. U.... :
- d’avoir modifié l’itinéraire précédemment reconnu par M. Z....
- de n’avoir pas détecté la nature réelle de la plaque à vent.
Il résulte tant de l’information que des débats qu’il est constant :
- qu’à la date des faits, aucune norme législative ou réglementaire ne régissait les modalités relatives
à l’organisation d’une sortie en raquettes et en skis hors piste, et, plus particulièrement, ne
définissait les moyens d’équipement et de sécurité des personnes, le degré de compétence des
usagers et la qualification des éventuels accompagnateurs.
- que la pratique des raquettes est assez facile et ouverte à quasi tout le monde.
- qu’en quelque saison que ce soit, le risque dit zéro n’existe pas en montagne.
- que la zone où l’avalanche s’est déclenchée n’était pas connue, de mémoire d’homme, comme
une zone avalancheuse.
- que tant feue Mme C... que M. X..., en leur qualité de professeurs tuteurs des élèves de 4e S du
Collège privé Saint François d’Assise de MONTIGNY LES BRETONNEUX, se sont totalement
impliqués dans l’organisation et le suivi de cette semaine en montagne, que l’un comme l’autre,
enseignants conscients de leur haute responsabilité, ont recherché la structure la plus adaptée à leur
projet pédagogique commun dont les parents d’élèves et le responsable de l’établissement ont été
clairement informés aussi bien à l’occasion d’un conseil de classe que par l’entremise de supports
écrits, que tous deux ont veillé au bon déroulement des activités proposées et à l’attitude des
collégiens dont ils avaient la charge.
- que ni feue Mme C..., ni M. X... ne disposaient de compétences avérées ou reconnues en matière
pratique de la montagne l’hiver, et, à tout le moins aucun d’eux, à l’instar de leurs élèves, n’avaient
pratiqué les raquettes, de sorte qu’ils s’en étaient remis à ce sujet à M. Y... et aux professionnels
diplômés accompagnateurs, leurs prestataires de service.
- que M. Y..., qui ne disposait pourtant d’aucune qualification particulière en matière de sport de
montagne, en sa qualité de prestataire de service et au regard du projet pédagogique annoncé et des
niveaux différents des élèves en skis, a fait renoncer au projet de sortie en skis hors piste et a
proposé une sortie en raquettes avec une nuit dans un gîte de qualité, et ce, dans une zone qui peut
être qualifiée de moyenne montagne.
- qu’il a eu le souci de faire reconnaître préalablement un itinéraire par M. Z..., spécialisé en
raquettes, que le rapport de reconnaissance lui a révélé la faisabilité sans difficulté signalée du
parcours; que ce faisant, rien ne pouvait lui suggérer d’imposer une seconde reconnaissance ;
- qu’il s’est assuré de la présence d’un personnel d’encadrement qualifié et suffisant au regard du
nombre d’élèves concerné ainsi que de la qualité et du confort du gîte choisi ;
- qu’il a doté MM. Z... et U.... d’un appareil radio chacun et était en relation radiophonique
21
permanente avec le groupe ;
- que l’itinéraire emprunté était adapté à une marche en raquettes, bien conçu, sans à coup,
permettant une marche progressive et régulière dont le rapport durée/dénivelée de 5 heures était
très en-dessous de ce qu’un groupe d’adolescents était en mesure de fournir.
- que chacun des prévenus mais encore tous les autres adultes accompagnateurs, avaient
parfaitement connaissance du bulletin météo annonçant une estimation des risques d’avalanche de
niveau 4, de grosses accumulations et plaques à vent en place formées par des vents dominants de
sud-ouest puis nord ouest à nord ; qu’un tel bulletin d’estimation est utilisé par tous les
montagnards à titre d’aide à la décision, qu’il y a lieu de rappeler que la zone concernée n’était pas
connue comme avalancheuse, qu’elle était exposée à l’ouest, non soumise aux effets du soleil.
- que même l’annonce du risque maximum d’avalanche n’impose pas l’annulation d’une sortie hors
piste, s’agissant seulement d’un paramètre de l’aide à la décision, d’autres éléments étant à prendre
en considération dont notamment la géographie locale, la météorologie locale, l’observation du
manteau neigeux, l’intensité des chutes de neige et la nature de ladite neige.
- que la présence du drapeau à damier corrobore les bulletins météorologiques mais n’a plus sa
valeur significative initiale compte tenu de sa présence quasi constante sur le territoire enneigé dès
le début de la saison.
- que les professionnels de la montagne n’effectuent pas nécessairement une reconnaissance du
trajet avant d’entreprendre une course, mais, que, pour ce faire, ils prennent en considération le
bulletin météorologique, l’analyse des cartes topographiques, la météorologie locale, l’observation
du manteau neigeux et de l’environnement, l’étude des guides relatifs aux sorties répertoriées,
l’ensemble associé à leur propre expérience.
- que tant les professeurs, le directeur du centre, les simples accompagnateurs que les
professionnels qualifiés s’en sont entièrement remis à M. U.... guide de haute montagne, connu
pour son grand professionnalisme et leader incontesté de la sortie ; qu’aucun d’eux n’a émis la
moindre objection ou simple observation au sujet de cette sortie.
- qu’il n’y a eu strictement aucun incident jusqu’au malheureux accident, la surveillance du groupe
a été attentive : ainsi les enfants apparemment les plus fatigués ont-ils été regroupés afin qu’ils
empruntent un chemin moins éprouvant ; les mouvements d’humeur des enfants n’étant que des
réactions habituelles de groupe à l’occasion d’une longue marche.
- que M. Z... n’a nullement subi le volontarisme de M. X... quant à la sélection des enfants.
- que l’usage de "moon-boots" pour pratiquer les raquettes n’est en aucune manière contre-indiqué
et n’a jamais perturbé la progression des enfants.
- que si la dotation de matériels de secours tels que des appareils de recherche de victimes
d’avalanche (ARVA), des pelles et des sondes est une sage précaution, ces matériels participent
seulement, en cas d’accident, aux moyens pouvant être mis en œuvre pour les recherches et les
secours mais encore faut-il, en particulier pour les ARVA, savoir utiliser de tels appareils, ce qui
nécessite pour les sauveteurs un entraînement spécifique.
- que le manteau neigeux ne présentait aucun signe perceptible de l’existence de plaques à vent.
- que l’inclinaison de la pente n’était pas en soi un risque imposant un autre parcours.
- que l’accident est indubitablement dû à l’imprudence de M. U.... lequel bien qu’il se soit rendu
compte de la présence d’une couche de neige dure, qui n’était autre qu’une plaque à vent, a
néanmoins progressé dessus, suivi d’un élève puis a, à nouveau, transité dessus pour la contourner
et faire une trace afin de dévier la progression des randonneurs.
- que la marche à deux reprises sur la plaque à vent a eu un effet de surcharge et a généré le
mécanisme de rupture, lequel s’est déclenché quelques minutes après sur plusieurs dizaines de
mètres de large ;
- que M. U.... a été négligent dès sa première progression sur la plaque à vent qu’il avait détecté, la
prudence lui imposait de chasser immédiatement à droite et de faire une nouvelle trace de
contournement.
- que la cause certaine de ce terrible accident réside dans cette manœuvre imprudente du guide.
- que les décès survenus par hypothermie ou asphyxie sont en partie liés à la fatigue des enfants
mais aussi au fait qu’ils étaient partiellement dévêtus sous le soleil au zénith, et encore à l’arrivée
tardive des secours, ces derniers étant toutefois intervenus dans les meilleurs délais compte tenu de
l’éloignement de la crête et avec des moyens importants, que l’ensemble de ces éléments peuvent
22
constituer des facteurs aggravants de l’accident mais en aucune manière sa cause.
- que dès lors les autres prévenus doivent être relaxés, les griefs allégués à leur encontre ne
caractérisant pas des fautes pénales puisqu’ils ne constituent pas les causes certaines de l’accident.
M. U.... étant retenu dans les liens des préventions, eu égard aux éléments de personnalité recueillis, il
y a lieu de le condamner à une peine d’emprisonnement de 2 ans assortie du sursis simple pour les
délits et à une amende de 8.000,00 Francs au titre des contraventions ;
2°/ SUR LES INTÉRÊTS CIVILS
A) LES DEMANDES PRÉSENTÉES PAR LES PARTIES CIVILES
1°/ L’Association des victimes de l’avalanche de la crête du Lauzet 98 (AVAL 98) agrée par arrêté
ministériel du 3 juin 1998 se constitue partie civile contre MM. U...., Y... et Z..., en présence de
l’UNION Nationale des Centres Sportifs de Plein Air (U.C.P.A.) de la M.A.I.F. et sollicite la
condamnation in solidum de ceux-ci à lui payer :
- la somme de 100.000,00 Francs pour permettre l’édification d’un monument qui perpétuera le
souvenir des six enfants.
- la somme de 50.000,00 Francs par an pendant 10 ans aux fins de bénéficier de moyens matériels
indispensables pour mettre en œuvre toute action d’information auprès des élus des pouvoirs publics ,
du public et des médias et pour mettre en œuvre toute initiative destinée à favoriser un renforcement
de la sécurité des séjours collectifs d’enfants et d’adolescents dans les lieux de loisirs et de vacances,
dans un esprit de prévention.
(…)
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement et en premier ressort,
Contradictoirement à l’égard de Messieurs U...., Y..., Z... et X...,
SUR L’ACTION PUBLIQUE (…)
Relaxe MM. Y..., Z... et X....
Déclare M. U.... coupable des infractions qui lui sont reprochées et le condamne à une peine
d’emprisonnement de 2 ans assortie du sursis simple pour les délits et à une amende de 8.000,00
Francs pour les contraventions.
(…)."
23
ANNEXE 9
Tribunal de grande instance d’Annecy, 13 novembre 2006, n°1481/06
Extraits : « (…)
LE TRIBUNAL,
1° - SUR L'ACTION PUBLIQUE
(…)
Au moment de l'accident, Jean-Marie BO. emmenait le groupe sur un secteur hors piste, pour effectuer
une traversée du col de la Balme. Le groupe effectuait alors sa 2ème traversée. Jean-Marie BO. fermait
la marche tandis que l'accompagnateur se plaçait au milieu du groupe, la marche étant ouverte par les
adolescents. Au moment de l'accident, Cécile B. se trouvait dans la deuxième moitié du groupe. A
l'instar des autres participants, elle était équipée d'un ARVA, ce qui permettait de la localiser sous
l'avalanche. Découverte par des skieurs parmi lesquels des étudiants en médecine, elle se trouvait en
arrêt cardio respiratoire quand ils tentaient de la ranimer.
Le 4 février 2003, Corentin RI. et Eric RA. se rendaient spontanément à la gendarmerie de Thônes Ils
se présentaient comme les deux surfeurs ayant malencontreusement déclenché l'avalanche de la Clusaz
du ler février. Ils indiquaient que le jour des faits, ils avaient l'intention de pic niquer au col de la
Balme. En raison de la présence d'autres skieurs, ils décidaient de monter un peu plus haut. Surf à la
main, ils se dirigeaient à pied sur la crête du col. Vingt mètres en amont, Corentin RI., qui ouvrait la
marche, était déséquilibré par le départ d'une plaque de neige, le manteau neigeux ayant cédé sous ses
pieds. Il réussissait, tout comme Eric RA., à se jeter à l'opposé de la coulée. Réalisant le départ d'une
avalanche, Corentin RI. criait "attention, avalanche".
La procédure d'enquête préliminaire était en définitive classée sans suite par le Procureur de la
République d'Annecy par décision du 9 octobre 2003, pour le motif suivant : "infraction
insuffisamment caractérisée".
(…)
Jean-Marie BO. déclarait qu'il avait consulté sur internet le bulletin météo et avalanche indiquant un
risque de 3/5. Il indiquait savoir que ce risque signifie que le danger est relativement important, que
l'on ne peut se mettre dans n'importe quelle pente, que l'on doit être très attentif, et il pensait l'avoir été
en passant à 100 mètres de la crête, et non à 5 mètres.
Il précisait que dès leur arrivée, ils étaient allés vérifier les conditions d'enneigement en effectuant
quelques pentes hors piste et en se renseignant auprès du personnel de sécurité pour savoir si "ça avait
été miné ces derniers jours", ce à quoi il lui avait été répondu "oui, régulièrement".
Il indiquait en outre qu'en passant dans le secteur de la Balme, il s'était engagé car il avait n'y avait:
personne au dessus : il n'y avait donc pas de risque que les plaques se détachent. En outre, il ne risquait
pas de faire partir des plaques là où il était.
Il indiquait également qu'il avait donné aux jeunes des informations sur les risques encourus,
notamment sur le fait qu'il fallait éviter les cols et crêtes ; il avait en outre, pour cette traversée,
demandé aux jeunes de prendre des distances de sécurité d'une vingtaine de mètre pour éviter d'être
pris à plusieurs dans une avalanche, et d'éviter une surcharge sur la neige (susceptible de déclencher
une avalanche).
Le jour des faits, le risque d'avalanche pour tous les massifs de la Haute Savoie était de niveau 3/5. Le
bulletin de météo France sur l'estimation du risque d'avalanche de la Haute Savoie précisait en
particulier "Depuis jeudi midi, le risque avalancheux diminue. Mais une ou deux avalanches de
poudreuse peuvent encore se déclencher dans les zones très raides comme les couloirs. Quant au
risque de déclencher une avalanche, très limité à basse altitude, il est bien marqué en moyenne et haute
montagne, surtout en contrebas des crêtes et cols. Des accumulations fragiles se forment ce vendredi
sous l'effet du vent de nord est. Un seul randonneur peut briser une plaque plus ou moins dure avec
24
une cassure importante. Par contre, ce risque est faible ou absent sur les bosses et autres lieux de haute
altitude exposés plein vent."
MOTIFS :
Sur l'action publique
Sur la culpabilité de Messieurs RI. et RA.
Attendu qu'il est reproché à Corentin RI. et Eric RA. d'avoir, par maladresse, imprudence, inattention,
négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le
règlement, involontairement causé la mort de Cécile B., par application des articles 221-6 221-8, 221-
10 et 121-3 du code pénal;
Qu'il résulte de l'ensemble des éléments de l'information et des dires des deux jeunes surfeurs que ces
derniers ont, en progressant à pied sur l'arête du col de la Balme, entraîné la cassure d 'une importante
plaque de neige, provoquant une avalanche qui a emporté la jeune Cécile B., qui skiait en contrebas;
Que s'agissant des deux surfeurs dont les agissements sont directement à l'origine de l'accident, une
simple faute d'imprudence ou de négligence suffit à engager leur responsabilité pénale;
Qu'en l'espèce, une telle faute est caractérisée, concernant Corentin RI., dès lors que celui-ci,
connaissant le risque d'avalanche par le bulletin météo, risque de niveau 3/5, expressément signalé
pour les secteurs situés "en contrebas des crêtes et cols", a malgré cela progressé, à pied, sur la crête
du col de la Balme, secteur hors piste, et ce sans s'assurer de la présence de skieurs en aval;
Qu'une telle faute est également caractérisée concernant Eric RA., dès lors que celui-ci a pratiqué le
hors piste sans s'informer préalablement du risque d'avalanche, sans consulter le bulletin
météorologique, et en progressant sur la crête du col de la Balme, sans s'assurer de la présence de
skieurs en aval;
Qu'il convient en conséquence de déclarer Corentin RI. et Eric RA. coupables des faits qui leur sont
reprochés;
Sur la culpabilité de Jean-Marie BO:
Attendu qu'il est reproché à Jean-Marie B O . , d'avoir, exerçant la profession de guide de haute
montagne, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de
sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, involontairement causé la mort de Cécile
B., par application des articles221-6 221-8,221-13et121-3 du code pénal;
Que par application du 3ème alinéa de l'article 121-3 précité, les personnes physiques qui n'ont pas
causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la
réalisation du dommage, ou qui n'ont pas pris les mesures permettant de l'éviter sont responsables
pénalement s'il est établi qu'elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation
particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute
caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elles ne pouvaient ignorer;
Qu'en l'absence de texte spécial réglementant le ski hors piste en fonction du risque d'avalanche, la
responsabilité de Jean-Marie BO. ne peut reposer que sur l'existence d'une faute caractérisée exposant
autrui à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer;
Que de jurisprudence constante, la faute d'imprudence caractérisée constitue une défaillance
inadmissible, pouvant notamment résulter d'une série d'imprudences ou de négligences, dans une
situation méritant une attention soutenue, en raison des dangers ou des risques qu'elle génère;
Qu'en l'espèce, la sortie hors piste prévue pour le groupe d'adolescents présentait des risques
importants, compte tenu du risque d'avalanche, de 3 sur 5 signalée par le bulletin météo;
Que Jean-Marie B O . a décidé de maintenir la sortie de ski hors piste prévue pour son groupe
d'adolescents, malgré ce risque d'avalanche de 3 sur 5;
qu'en outre, il s'est rendu sur un secteur où le risque était particulièrement élevé, situé en aval du col de
la Balme, en contrebas d'une crête, le bulletin météo précisant que "le risque de provoquer une
avalanche est bien marqué en contrebas des crêtes et cols;"
-Que si ces décisions constituent des fautes d'imprudence, elles ne revêtent pas, en l'espèce, les
caractéristiques d'une faute caractérisée engageant sa responsabilité pénale au sens de l'article 121-3
du code pénal ;
Qu'il convient de rappeler que l'itinéraire emprunté par le groupe est un itinéraire classique de ski hors
piste pour de nombreux skieurs et surfeurs de la Clusaz; que le jour des faits, malgré le risque
25
d'avalanche, de nombreux skieurs avaient déjà effectué la traversée effectuée par le groupe, les
enquêteurs ayant relevé que toute la zone de l'avalanche -à l'exception de la zone de déclenchement-
était parcourue par de nombreuses traces antérieures à l'accident;
Qu'ainsi, en emmenant le groupe sur un itinéraire hors piste très fréquenté et emprunté le jour des faits
par un grand nombre de skieurs sans incident, Jean-Marie BO. a légitimement pu juger ce secteur
assez sûr pour décider de le suivre ;
Qu'en outre, le guide avait, avant d'effectuer la traversée, pris diverses précautions pour vérifier les
conditions d'enneigement et assurer la sécurité du groupe;
qu'il s'était en effet renseigné auprès du personnel de sécurité pour vérifier si un déclenchement de tirs
avait été effectué, et il lui avait été répondu "oui régulièrement";
que cette information a été confirmée au cours de l' enquête, notamment par Joél COLLOMB PATON,
directeur du service des pistes de LA CLUSAZ, qui a indiqué qu'un tir négatif avait eu lieu sur cette
zone, dans la combe de la Balme, les jour: précédents l'accident, et notamment la veille des faits; qu'eu
égard au vent peu important soufflant le ler février, il n'avait pas été jugé utile de procéder à une
nouvelle campagne de tir ;
que là encore, les renseignements obtenus par le guide pouvaient lui permettre de penser que les
risques d'avalanche n'étaient pas importants sur cette zone le jour des faits;
Que le guide avait en outre donné aux jeunes diverses consignes de sécurité relatives aux avalanches et
en particulier d'éviter les cols ou crêtes, de respecter les distances de sécurité entre eux; que les
enquêteurs ont d'ailleurs constaté "que les adolescents progressaient avec de bonnes distances de
sécurité entre eux ";
Qu'au début de la traversée, le guide a observé que s'il y avait une dizaine de personnes au Col de
Balme, il n'y avait personne sur la crête située au dessus;
qu'à cet égard, le fait d'avoir fermé la marche au lieu de se trouver en tête du groupe ne peut être
considéré comme une faute, une première traversée du col de Balme ayant permis au guide, alors situé
en tête, de s'assurer du bon déroulement de la descente hors piste;
qu'en outre, aucun élément du dossier ne permet d'affirmer que l'accident aurait pu être évité si le
guide avait été positionné en tête de groupe;
(…)
Attendu par ailleurs que les adolescents, et tout particulièrement la jeune victime, avaient un
équipement adapté au ski hors piste, puisqu'ils disposaient d'un ARVA en état de marche, et étaient
casqués;
Attendu en conséquence que, compte tenu des diligences normales accomplies par le guide Jean-Marie
BOJ::MOND dans la préparation et le déroulement de la sortie sur ce secteur de ski hors piste, de
l'encadrement professionnel et des moyens matériels suffisants fournis au groupe par celui-ci au regard
des usages en vigueur, il convient de dire que ce prévenu n'a pas commis une faute caractérisée
engageant sa responsabilité pénale au sens des articles susvisés;
Que Jean-Marie BO. doit en conséquence être relaxé des fins de la poursuite;
2° - SUR L'ACTION CIVILE
Attendu que Monsieur et Madame B. Jean Claude et Marinette agissant en leur nom propre et agissant
es qualité de représentants légaux de leur fille Rachelle, mineure ;
Attendu que leur demande est recevable et régulière en la
forme ;
Attendu qu'en l'état des justifications produites aux débats, le tribunal ne dispose pas d'éléments
d'appréciation suffisants pour statuer immédiatement sur la demande des partes civiles ;
Attendu que le tribunal renvoie l'affaire contradictoirement sur les intérêts civils à l'audience du 09
janvier 2007 à 9h00. Attendu que la Compagnie d'assurances MACI:i' intervientvolontairement aux débats
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et en premier ressort, Contradictoirement à l'égard de Monsieur RI. Corentin ;
Contradictoirement à l'égard de Monsieur RA. Eric ; Contradictoirement à l'égard de Monsieur BO.
Jean Marie ;
26
1° - SUR L'ACTION PUBLIQUE
Déclare Monsieur RI. Corentin coupable des Faits qui lui sont reprochés ;
Condamne Monsieur RI. Corentin à la peine de QUATRE MOIS d'emprisonnement ;
-10-
Dit qu'il sera sursis à l'exécution de la peine d'emprisonnement qui vient d'être prononcée contre lui ;
Le Président, en application de l'article 132-29 du Code Pénal, ayant averti le condamné, que s'il
commet une nouvelle infraction, il pourra faire l'objet d'une nouvelle condamnation qui sera
susceptible d'entraîner l'exécution de la première condamnation sans confusion avec la seconde et qu'il
encourra les peines de la récidive dans les termes des articles 132-8 à 132-16 du Code pénal ;
Déclare Monsieur RA. Eric coupable des faits qui lui sont reprochés ;
Condamne Monsieur RA. Eric à la peine de QUATRE MOIS d'emprisonnement ;
Dit qu'il sera sursis à l'exécution de la peine d'emprisonnement qui vient d'être prononcée contre lui ;
Le Président, en application de l'article 132-29 du Code Pénal, ayant averti le condamné, que s'il
commet une nouvelle infraction, il pourra faire l'objet d'une nouvelle condamnation qui sera
susceptible d'entraîner l'exécution de la première condamnation sans confusion avec la seconde et qu'il
encourra les peines de la récidive dans les termes des articles 132-8 à 132-16 du Code pénal ;
Renvoie Monsieur BO. Jean Marie des fins de la poursuite sans peine ni dépens en application des
dispositions de l'article 470 du Code de Procédure Pénale ;
2° - SUR L'ACTION CIVILE
Par jugement contradictoire à l'égard de Monsieur et Madame B. Jean Claude et Marinette ; Reçoit :
- Monsieur et Madame B. Jean Claude et Marinette agissant en leur nom propre et agissant es qualité
de représentants légaux de leur fille Rachelle, mineure ;
en leur constitution de parties civiles ;
Sursoit à statuer sur la demande des parties civiles ;
Donne acte de l'intervention volontaire de la Compagnie d'Assurances MACIF ;
Renvoie l'affaire contradictoirement sur les intérêts civils à l'audience du 09 janvier 2007 à 9 heures.
(…) ».
27
ANNEXE 10
Tribunal correctionnel d’Albertville, 7 janvier 1985, « Ferrand », ANENA, Jurisque
Extraits : « (…)
Attendu que le prévenu n’ignorait pas l’existence de cette avalanche qui s’est déjà déclenchée
plusieurs fois dans cette combe, ce qui explique qu’elle figure sur la carte de l’institut géographique
national, certes avec une limite inférieure en amont de 150 mètres par rapport à celle atteinte le jour de
l’accident ;
Attendu toutefois que la limite portée sur la carte n’est qu’approximative et peut varier d’une année à
l’autre en fonction de la masse de neige instable accumulée sur cette pente de 70%, très favorable au
déclenchement selon l’expert MARBOUTY ;
Attendu que M. X qui enseigne le ski à La Plagne depuis 1974 et dont l’expérience de la montagne est
incontestée ne saurait soutenir sérieusement que l’avalanche du 6 avril 1982 s’étant arrêtée au dessus
du replat sur lequel il avait regroupé ses élèves le 12 février 1983, il avait la certitude que celle-ci ne
descendrait pas au-delà durant l’hiver 1983 ;
Attendu que connaissant donc le caractère avalancheux d’une partie de l’itinéraire qu’il avait proposé
à ses clients en ce dernier jour de leur stage qui avait débuté le 5 février, M. X devait apprécier avec
rigueur le risque possible de déclenchement ;
Attendu à cet égard que le dernier bulletin nivo-météorologique dont il avait pris connaissance à
l’Ecole de Ski Français était celui du 7 février qui indiquait notamment « l’accumulation de neige sans
cohésion est importante et peut provoquer des avalanches de neige récente sur tous les massifs et à
toutes les altitudes… situation avalancheuse bien établie diminuant … le ski en dehors des pistes
ouvertes et balisées est fortement déconseillé pendant les 72 heures à venir ».
Attendu qu’aux termes d’une note diffusée le 28 décembre 1982 par Monsieur MARTZLOFF,
directeur du service des pistes et de la sécurité de la station, un bulletin reste valable tant qu’un
bulletin complémentaire n’a pas été diffusé en cas de changement brusque des risques dans le sens de
l’aggravation ou de la diminution, ce qui était donc le cas du bulletin du 7 février, non rectifié,
jusqu’au jour de l’accident ;
Attendu certes que la situation météorologique avait évolué favorablement à partir du 8 février puisque
l’expert a relevé que sur l’échelle du risque utilisée par le centre d’études de la neige à Saint Martin
d’Hères, ce risque avait diminué de 7 à 5 entre le 7 et le 12 février ;
Attendu cependant qu’à cette date le bulletin du C.E.N. « Centre d’Etudes de la Neige » mentionnait
encore un risque modéré de déclenchement naturel et un risque fort de déclenchement accidentel, ce
qui selon l’expert « permettait quand même d’éviter une interprétation trop optimiste de cette
situation ».
Attendu surtout que ce risque était apprécié dans des termes identiques par le service météorologiques
de Bourg Saint Maurice que M. X avait consulté téléphoniquement le matin même de l’accident et qui
indiquait la persistance d’un risque modéré d’avalanches naturelles et « fort par surcharge accidentelle
(risque 5) ».
Attendu enfin que le drapeau à damiers jaunes et noirs que le prévenu a vu hissé au sommet de la
Roche de Mio confirmait encore, s’il en était besoin, la persistance du danger, car contrairement aux
dires de M. X, le directeur de la sécurité, de la station a affirmé que le drapeau ne restait pas hissé en
permanence mais qu’il était enlevé lorsque le risque était « faible » ;
28
Attendu que dans ces conditions il apparaît qu’en sa qualité de professionnel rémunéré accompagnant
de surcroît des élèves dont certains étaient mineurs de 12 ans et ne pouvaient à l’évidence que s’en
remettre au choix de l’itinéraire qu’il avait fait lui-même, le prévenu n’a pas apprécié avec
suffisamment de rigueur la probabilité de réalisation du risque et a donc commis une imprudence à
l’origine du décès des 4 victimes.
Attendu que le délit visé dans la poursuite est donc constitué et qu’il y a lieu d’entrer en condamnation
en tenant compte cependant des qualités professionnelles antérieures de m. X attestées par les
nombreux témoignages recueillis en sa faveur.
Attendu que l’Ecole de ski d’AIME 2000 n’a pas la qualité de commettant de M. X en l’absence de
preuve d’un lien juridique de subordination existant entre le moniteur de ski ; que cette dernière doit
dès lors être mise hors de cause.
Sur les actions civiles :
Attendu qu’il n’est pas contesté que l’itinéraire a été choisi par le seul prévenu qui avait lui-même
connaissance de l’avalanche déclenchée l’année précédente et des bulletins météorologiques affichés
dans des locaux d’ESF auxquels les clients n’ont pas accès ;
Attendu en revanche qu’il n’est nullement démontré que les victimes aient accepté par avance les
conséquences du risque de déclenchement de cette avalanche, ni même qu’elles aient eu connaissance
de ce risque par des informations que leur aurait fournies leur moniteurs ;
Attendu que l’on ne saurait donc leur reprocher d’avoir suivi M. X en qui elles avaient placé leur
confiance ; qu’aucune faute n’étant démontrée à leur charge, M. X doit être déclaré entièrement
responsable des conséquences de l’accident ;
(…) ».
29
ANNEXE 11
Tribunal de grande instance de Gap, 9 janvier 1985, « Dubosq c/ ESF des Orres »,
ANENA, Jurisque
Extraits : « (…)
Et par ,exploit du 23 janvier 1985, il a fait assigner X...., mais également l'Ecole de ski des Orres dont
ce moniteur était le préposé et la compagnie d'assurances HELVETIA en déclaration de responsabilité
sur le fondement de l'article 1147 du Code Civil et en réparation de son préjudice matériel évalué à
2.300 francs.
(…)
Au soutien de ses demandes il fait observer que X... et l'école de ski des Orres, tenus à son égard d'une
obligation de moyens ont commis deux fautes :
1°/ en entraînant le groupe dont il faisant partie hors piste alors qu'un danger d'avalanche avait été
signalé.
2°/ en ne vérifiant pas que la plaque à vent pouvait supporter le passage de dix skieurs.
Les défendeurs ont conclu le 15 avril 1985 au rejet des prétentions de la victime après avoir souligné :
- que la présence d'un drapeau à damiers signalant un danger d'avalanche localisé et qui est hissé en
permanence pendant l'hiver, ne saurait constituer un élément suffisant pour retenir une imprudence du
moniteur.
- qu'au demeurant le groupe n'a pas été victime d'une avalanche, mais d'une plaque à vent.
- que neuf des skieurs sont passés sans difficultés et que l'accident a eu réalité pour origine l'erreur
commise par le dernier d'entre eux, G... P..., lequel a dévié de la trajectoire qui lui avait été fixé
comme au reste du groupe.
- que le sieur X.... n'a commis aucune erreur d'appréciation et que la maladresse de V..., pratiquement
d 'un bon niveau, était imprévisible.
- que d'ailleurs le groupe était déjà passé dans le même secteur les jours précédents.
- qu'en définitive cet accident fait partie des risques acceptés par les skieurs qui participent à des
exercices hors piste.
V... a néanmoins sollicité le 14 octobre 1985 l'entier bénéfice de son exploit introductif d'instance en
faisant valoir :
- que le sieur X.... n'ignorait pas qu'il existait un danger d'avalanche dans le secteur considéré.
- qu'il a d'ailleurs admis devant les gendarmes qu'il avait effectué devant le groupe une descente en
tournants sautés en pensant provoquer le départ de la plaque à vent.
- que s'il a effectivement accepté le risque pour lui même, il ne lui appartenait pas en sa qualité de
moniteur de le faire supporter par ses propres élèves.
- qu'il n'a pas pris les précautions suffisantes en se contentant de tester la solidité de la plaque par un
passage individuel, sans se préoccuper de savoir si elle pouvait supporter les passages consécutifs de
dix skieurs.
(…)
30
I - SUR LA RESPONSABILTE
Attendu que l'accident dont il s'agit a fait l'objet d'un procès verbal de gendarmerie régulièrement versé
aux débats et contradictoirement débattu.
Attendu qu'il résulte de l'enquête à laquelle il a été procédé :
1°/ que X.... n'ignorait pas qu'il existait un danger d'avalanche localisé en raison de la situation
nivologique en dehors des pistes balisées et qu'il était parfaitement conscient des risques qu'il prenait
en décidant d'aller skier hors piste avec un groupe de skieurs.
2°/ qu'il a identifié la plaque à vent dont la rupture est à l'origine de l'accident et qu' il l'a testé en
effectuant une dizaine de "tournants sautés ».
3°/ que la plaque n'a pas cédé et que rassuré sur sa solidité, il a fait partir successivement ses dix
élèves en leur donnant pour consigne d'enchaîner les virages jusqu'au bas de la pente.
4°/ que voyant que V... avait des difficultés pour descendre, il a fait les premières traces, puis s'est
arrêté et lui a recommandé de suivre le même itinéraire (cf témoignage V…).
5°/ que son élève a manqué un virage et que c'est à cet instant que la plaque a cédé.
Attendu qu'il est par conséquent constant que le défendeur a commis plusieurs fautes de nature à
engager sa responsabilité contractuelle :
1°/ en entraînant son groupe hors piste en dépit d'un danger d'avalanche qu'il n'ignorait pas.
2°/ en se contentant de tester individuellement la solidité de la plaque, sans se préoccuper de savoir si
elle pourrait résister au passage de dix skieurs.
3°/ en faisant confiance à V..., malgré les difficultés rencontrées par celui-ci au cours de la descente et
bien que, par conséquent la maladresse de celui-ci ait été prévisible.
PAR CES MOTIFS Le Tribunal, après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Statuant publiquement par jugement réputé contradictoire et en premier ressort ;
Dit et juge que l'entière responsabilité des conséquences dommageables de 1'accident dont s'agit
incombe à X.... et à 1 'Ecole de Ski des Orres par application de l'article 1147 du Code Civil.
(…)."
31
ANNEXE 12
Tribunal de grande instance de Bonneville, 18 février 2013, n° 11/01409 Extraits : « (…)
Dans ses dernières conclusions en date du 28 septembre 2012, l’association (…), au visa de l’article
1382 du Code civil, à titre liminaire soulève l’irrecevabilité des demandes formées par les consorts R.
Elle fait valoir en effet que seul le client de tels contrats peut engager la responsabilité contractuelle de
l’organisateur de séjour, et non pas les proches dudit client.
A titre principal, elle s’oppose à leur demande puisqu’elle n’a commis aucun manquement à ses
obligations contractuelles, d’information notamment par l’insertion d’une clause contractuelle, et de
sécurité, l’encadrement étant assuré par Mr X, guide de haute-montagne et de Mr Y, moniteur de ski,
la carte professionnelle de ce dernier était toujours valide au jour de l’accident. De plus, ce dernier
connaissait fort bien la région et n’a commis aucun manquement à son obligation de sécurité, car tenu
d’une obligation de prudence de diligence, cette obligation est à apprécier en fonction des
circonstances de fait et les participants étaient équipés d’un matériel de sécurité qu’ils avaient testé les
jours précédents.
A titre subsidiaire, elle demande que soit constatée la force majeure caractérisée en l’espèce, par la
survenance d’une avalanche imprévisible, l’association devant être exonérée de toute responsabilité.
Et à titre très subsidiaire elle fait valoir que les demandes formées par les consorts R sont
manifestement excessives et qu’ils doivent en être déboutés.
En tout état de cause, elle sollicite une somme de 3 000 euros, au titre de l’article 700 du code de
procédure civile, le tout au bénéfice de l’exécution provisoire.
Dans ses dernières conclusions en date du 28 septembre 2012 ; Mr Y, au visa de l’article quatre de la
loi du 16 juillet 1984, de l’arrêté du 25 octobre 2004, relatif aux brevets d’Etat d’éducateur sportif des
premiers et deuxième degré de l’option ski alpin et de l’article 1147 du Code civil, sollicite qu’il soit
jugé qu’il n’a commis aucun manquement à son obligation de sécurité, alors que d’une part sa carte
professionnelle était valable au jour de l’accident, qu’il ne s’agissait pas d’une randonnée dans les
conditions de l’alpinisme et les participants n’évoluant pas sur un glacier, et ce alors qu’il avait une
parfaite connaissance du site de l’accident, qu’il a une grande pratique du ski hors pistes dans près de
22 pays.
Il n’a commis aucune faute caractérisée par un manquement à son obligation de sécurité de
surveillance et de vigilance, l’obligation de sécurité n’étant qu’une obligation de moyens, et alors qu’il
avait repéré les lieux auparavant, que les participants étaient équipés d’appareils de recherche des
victimes d’avalanche, que les conditions météorologiques au jour de l’accident étaient favorables, que
les six premières descentes se sont déroulées sans aucun problème, qu’il a testé le manteau neigeux,
s’est arrêté à l’endroit lui paraissant le plus sûr et que l’avalanche a eu un caractère soudain et
imprévisible.
A titre subsidiaire, il demande la réduction de dommages-intérêts sollicités.
En tout état de cause, il sollicite une somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de
procédure civile le tout au bénéfice de l’exécution provisoire.
Dans ses dernières conclusions en date du 31 août 2012, Mr X au visa de l’article 1147, sollicite le
débouté des demandeurs qui ne peuvent mettre en œuvre sa responsabilité contractuelle, puisqu’ils
sont des tiers vis-à-vis de ce contrat.
Il soutient qu’il a bien la qualité de guide de haute montagne, ce que les gendarmes chargés de
l’enquête ont confirmé, que les demandeurs ne justifient pas qu’il y avait un risque majeur d’avalanche
le jour de l’accident et ne démontrent pas les manquements qu’il aurait commis qui serait à l’origine
dudit accident. Il fait valoir que Mr Y avait reconnu le parcours, que des descentes avaient été réalisées
au préalable sans incident, qu’il n’existe pas de bulletin de risque d’avalanche en Turquie, qu’il ne
peut leur être reproché d’avoir scindé le groupe en deux, que les secours ont été promptement
organisés ce que confirme le rapport de gendarmerie.
32
Il sollicite une somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Dans leurs dernières conclusions en date du 1er juin 2012, les consorts R maintiennent leurs demandes.
Ils la fondent sur la responsabilité contractuelle mais en tant que de besoin se fondent d’une manière
subsidiaire sur l’article 1382 du Code civil.
Ils mettent en cause les qualités réelles des deux encadrants.
Ils soutiennent que les organisateurs et encadrants devaient apprécier si toutes les conditions de
sécurité étaient réunies tant au niveau de la préparation de la sortie qu’au niveau de la conduite de
celle-ci et des secours ainsi que du lieu choisi, que les trois défendeurs ont failli dans tous ces
domaines :
- Changeant au dernier instant le lieu de descente dans une zone nouvellement testée, sans
s’informer sur les conditions météorologiques, alors que de la neige fraîche était tombée
quelques jours auparavant,
- En ne se dotant pas de l’outil d’internet ou d’un GPS permettant de vérifier les conditions
nivo-météorologiques,
- Enfin sans maintenir un espace suffisant entre les membres dudit groupe, les deux personnes
emportées par l’avalanche ayant été séparées d’une distance de seulement 3 mètres,
- L’organisation des secours n’était pas prévue contractuellement à la charge de la société (…)
et de son associé Mr Y, la présence d’un médecin étant fortuite, l’hélicoptère pour assurer le
secours n’était pas présent, et Monsieur X a mis plus de 15 minutes pour arriver sur les lieux
et il a fallu environ 30 minutes pour pouvoir dégager Mr R,
MOTIFS :
(…)
A/ Sur la recevabilité de l’action des consorts R :
Il est de jurisprudence constante que la responsabilité d’un contractant envers un tiers victime en
l’espèce les membres de la famille du défunt, victime par ricochet, est de nature délictuelle. En
l’espèce, les consorts R ont visé dans leurs dernières conclusions l’article 1382 du Code civil.
(…)
B/ Sur l’existence d’une responsabilité éventuelle :
1/ Sur les textes et principes juridiques applicables :
*L’article 1382 du Code civil dispose que tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un
dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer.
*En principe, le tiers, victime par ricochet, doit établir que le dommage est dû à une faute du
contractant, la faute délictuelle étant envisagée en elle-même indépendamment de tout point de vue
contractuel c'est-à-dire il faut établir un manquement à une règle légale ou réglementaire ou une
imprudence ou négligence appréciée abstraitement de la convention.
Cependant s’agissant d’une obligation de sécurité et de conseil pesant sur l’association organisatrice
du séjour ou sur les encadrants, le manquement contractuel constitue ipso facto une faute délictuelle.
2/ Sur l’application au cas d’espèce :
a/en ce qui concerne l’association (…) :
*Pour mémoire, le contrat stipulait que l’encadrement serait assuré par un guide de haute montagne,
Mr X et un guide local, que deux jours avant le départ fixé le séjour avait été annulé pour absence de
neige mais de nouveau maintenu avec modification de la destination initialement prévue, que cet état
de fait n’est pas constitutif d’une faute à l’origine de l’accident.
*Sur la nature de l’activité exercée : il convient de rappeler que le ski héliporté est une activité de ski
hors pistes en dépose par hélicoptère sur de hauts sommets, donc éminemment dangereuse, la gestion
d’une telle activité n’étant pas constitutive, ipso facto d’une faute.
*Sur son obligation de conseil : en l’espèce, Mr R, n’ignorait pas les dangers d’une telle activité, d’une
part par l’insertion d’une clause contractuelle par laquelle le souscripteur reconnaisse être conscient
33
que durant ce voyage qu’il pouvait courir certains risques dus notamment à l’isolement et à
l’éloignement de tout centre médical, et par laquelle il certifie avoir le niveau requis, être en bonne
santé et avoir remis des certificats médicaux exigés, et d’autre part parce qu’il avait pratiqué à
plusieurs reprises notamment dans le couloir des marbriers à la frontière italienne ainsi que de l’héliski
sur le glacier de trient en Suisse.
*Sur une des qualités requises des encadrants :
Il ressort des pièces versées aux débats que Mr X a bien la qualité de guide de haute montagne, qu’il a
réalisé son stage de recyclage en juin 2008, ce que l’enquête de gendarmerie a confirmé.
Mr Y est bien titulaire du brevet d’Etat d’éducateur sportif premier degré option ski alpin et d’une
carte professionnelle en cours de validité, expirant le 21 février 2015 lui permettant d’exercer en toute
autonomie sur piste et hors pistes à l’exception des zones glaciaires non balisées et des terrains dont la
fréquentation fait appel aux techniques de l’alpinisme ce qui n’était pas le cas en l’espèce.
De plus, il est établi par les pièces versées aux débats que Mr Y avait une parfaite connaissance du site
de l’accident pour avoir repéré cette zone en mars 2008 et janvier 2009 alors qu’il n’existe pas de
formation pour les professionnels de la montagne en Turquie. Il peut donc tout à fait être assimilé à un
guide local.
b/ concernant Mr X et Y :
*Sur l’équipement et la préparation des participants : chaque participant était équipé d’un ARVA, d’un
sac airbag, pelle, sonde, radio. De plus un exercice de secours en avalanche a été effectué lors des
premiers jours. Tous les participants avaient déjà fait du ski hors pistes et héliporté.
*Sur les conditions de l’accident : il résulte de l’enquête de la Gendarmerie Nationale, les éléments
suivants : l’accident s’est déroulé en Turquie dans la région d’Uzungol, les conditions
météorologiques étaient excellentes, l’accident s’est déroulé sur une pente de 25° de déclivité sur
laquelle reposait une couche de neige fraîche de 30 à 40 cm. La pente se terminait par un goulet, les
deux victimes se situant au début de ce goulet. Il ressort des déclarations des différents témoins, que
l’avalanche s’est écoulée dans ce rétrécissement sur environ 300 mètre de long, Mr Y se trouvait sous
une épaisseur de 80 cm de neige tandis que Mr R se trouvait entre 1m50 et 2m de profondeur. Les
victimes disposaient d’un détecteur de victimes en avalanche mais le dispositif pyrotechnique de
sécurité des sacs airbag n’a pas été actionné par les victimes.
Mr Y a fait preuve de professionnalisme, tant dans la préparation du séjour que de l’encadrement de
ses clients. Il a fait preuve de prudence en donnant des consignes claires et précises à ses clients, la
coulée de neige ayant causé la mort de Mr R étant très localisée et difficilement décelable. Le groupe
encadré par Mr Y était composé d’amateurs expérimentés et autonomes en matière d’auto sauvetage et
la durée du secours de Mr R n’est pas due à la qualité de la recherche effectuée par ses compagnons
mais à l’extraction de l’épaisseur de neige qui le recouvrait.
*Deux avis de techniciens sont rapportés aux débats. Celui de monsieur Noraz, professeur à l’école
nationale de ski et d’alpinisme, concernant le ski hors pistes duquel il résulte :
- qu’il n’y avait pas de hiérarchie entre les deux encadrants,
- qu’un travail de préparation de la sortie, de la connaissance de la météo, échanges entre
professionnels et connaissance du site depuis une période, vérification du niveau des clients de leurs
compétences, leurs expériences étaient nécessaires,
- en ce qui concerne l’évolution d’un groupe, le professionnels part en premier pour choisir l’itinéraire,
il fractionne la progression en effectuant des points de ralliement, il n’existe pas de chiffres concernant
les distances de sécurité, celles-ci dépendant du niveau des participants, de la difficulté du terrain, de
la visibilité et des conditions de neige.
Celui de Alain Duclos, expert près la cour d’appel de Chambéry spécialité « neige et avalanches »,
missionné par MMA IRD INTERNATIONAL qui conclut :
- Que l’origine de cette avalanche est sans doute une plaque friable de neige sèche déclenchée
accidentellement dans une pente inclinée au moins en partie à 30° ou davantage, cette
avalanche était imprévisible dans le secteur choisi, compte tenu des connaissances
professionnelles sur le mécanisme de déclenchement des plaques, s’agissant d’un
déclenchement à distance loin de l’endroit où la rupture a été amorcée,
34
- Les participants ont bien été préparés, bonne journée de ski, familiarisation avec le secteur et
l’hélicoptère, puis exercice de sécurité (DVA et déclenchement d’airbag),
- Les encadrants se sont cantonnés sur des pentes à inclinaison inférieure à 30° qui est
l’inclinaison minimale nécessaire pour permettre le glissement d’une plaque de neige sèche, et
sur un terrain accidenté, la séparation en deux groupes a permis d’éviter vraisemblablement de
déplorer davantage de victimes et l’arrêt régulier pour que les skieurs rejoignent l’encadrant
n’est absolument pas critiquable,
- Les deux professionnels avaient des atouts propres complémentaires, une très bonne
expérience du voyage en pays inconnu et de l’héliski pour Mr X et une connaissance préalable
du site et des conditions locales pour Mr Y,
- D’après mes informations qui ont pu être obtenues par l’expert privé, il n’existe pas encore de
bulletins d’estimation de risques d’avalanche en Turquie et l’observation attentive des
conditions niveau météorologiques pouvait constituer une bonne alternative à l’absence de
bulletins,
- Aucun document ne pose de règles concernant les distances à respecter qui dépendent des
conditions de relief d’enneigement de l’espèce,
- Les premiers secours ont été très bien organisés puisque en la matière ce sont les personnes
présentes sur le site qui constituent les secours les plus efficaces, ce qui s’est révélé être le cas
pour l’encadrant, le dégagement fatal à Mr R n’a été induit que par la profondeur de son
ensevelissement.
De plus, rien n’établit que la zone ait été à risque ou que ce jour-là le risque d’avalanche ait été
particulièrement élevé, par ailleurs de nombreux accidents impliquent des personnes connaissant
parfaitement les sites, l’expérience de Mr X en termes de fréquentation de sites nouveaux était un
atout.
*Il en résulte qu’aucune faute délictuelle ne peut être établie à l’encontre de l’association (…) et des
Messieurs X et Y, il convient donc de débouter les consorts R de leur demande de dommages-intérêts,
d’indemnité fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.
(…)
PAR CES MOTIFS :
Le Tribunal statuant publiquement, par décision mise à disposition au greffe, par jugement
contradictoire est susceptible d’appel :
DECLARE recevable l’action formée par (…) épouse R (…).
DEBOUTE (…) épouse R (…) et de ses enfants mineurs (…), de leurs demandes de dommages et
intérêts à l’encontre de l’association (…), de Mr X et de Mr Y, pour les conséquences dommageables
de l’accident mortel dont Mr R a été victime en Turquie le 12 février 2009, sur le fondement de
l’article 1382 du Code civil,
DEBOUTE (…) épouse R, e son nom personnel et qualités de représentant légal de ses enfants
mineurs (…), de leur demande d’indemnité fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE (…) épouse R, en son nom personnel et qualités de représentant légale de ses enfants
mineurs (…) à payer à l’association (…), à Mr X et Mr Y, la somme de 2 000 euros chacun sur le
fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
DIT n’y avoir lieu à exécution provisoire.
(…) ».
35
ANNEXE 13
Tribunal correctionnel d’Albertville, 13 janvier 2003, ANENA, Jurisque
Extraits : « (...)
LE TRIBUNAL,
1° - SUR L'ACTION PUBLIQUE
Attendu que la SA AXXX (…)
Attendu qu'elle est prévenue d'avoir à CENTRON (73), le 31/12/2001, en tant que personne
morale, par maladresse, imprudence, inattention ou manquement à une obligation de sécurité ou
de prudence imposée par la loi ou les règlements, en l'espèce en omettant de munir son salarié,
PXXX Laurent, d'ARVA, involontairement causé la mort de RXXX Olivier et NXXX Séverine ;
infraction prévue par ART.221-7 AL.l, ART.121-2, ART.221-6 AL.l C.PENAL, et réprimée par
ART.221-7 AL.2, AL.3, ART.221-6 AL.l, ART.131-38, ART.131-39 2°, 3°, 8°, 9° C.PENAL. ;
Attendu que Monsieur PXXX Laurent (…)
Attendu qu'il est prévenu d'avoir à CENTRON (73), le 31/12/2001, par maladresse, imprudence,
inattention ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou les
règlements, en l'espèce en omettant de se munir d'ARVA et de consulter les bulletins
météorologiques, involontairement causé la mort de RXXX Olivier et NXXX Séverine ;
infraction prévue par ART.221-6 AL.l C.PENAL, et réprimée par ART.221-6 AL.l, ART.221-8,
ART.221-10 C.PENAL. ;
d'avoir à CENTRON (73), le 31/12/2001, exercé une activité d'encadrement, d'enseignement,
d'animation d'une activité sportive, en l'espèce accompagnateur en moyenne montagne, sans
déclaration, en l'espèce date de validité dépassée ; infraction prévue par ART.49, ART.47-1, ART.43
1 LOI 84-610 DU 16/07/1984. ART.12, ART.13 DECRET 93-1035 DU 31/08/1993. ART.l, ART.3
ARR.MINIST DU 12/01/1994. et réprimée par ART.49 LOI 84-610 DU 16/07/1984. ;
Estimant que des fautes avaient été commises tant par Monsieur PXXX que par la société AXXX, le
Parquet les poursuivait pour homicide involontaire, le premier pour ne pas avoir sollicité d'ARVA
auprès de son employeur et pour ne pas avoir consulté les bulletins météorologiques, la deuxième pour
ne pas avoir équipé ses clients d'ARVA.
S'ajoutait pour Monsieur PXXX une infraction sans lien avec l'accident, qu'il reconnaissait lors de
l'enquête et à l'audience : celle de n'avoir pas renouvelé sa carte professionnelle.
Il sollicitait en revanche sa relaxe du chef d'homicide involontaire en indiquant :
« qu'il n'avait commis aucune faute caractérisée ni violé une obligation particulière de sécurité ; que le
port d'ARVA n'est en effet pas obligatoire, que l'absence de consultation des bulletins nivologiques
n'avait eu aucune incidence dès lors qu'un niveau 2 ou 3 n'empêchait pas la sortie, que l'itinéraire
choisi n'empruntait ni ne suivait de pentes raides
« qu'aucune analyse médicale des causes des décès n'avait été effectuée, de sorte qu'un doute pouvait
subsister sur l'origine de ceux-ci ».
La société AXXX estimait également n'avoir commis aucune faute en lien avec les décès : elle avait
choisi des professionnels qualifiés pour encadrer les activités proposées à ses clients, aucune
disposition ne l'obligeait à les équiper d'ARVA en moyenne montagne, d'autant plus que le lieu de la
randonnée ne présentait pas de danger dès lors qu'elle se situait en terrain plat ; enfin, les
professionnels sur le terrain n'avaient pas jugé utile de réclamer de tels équipements.
36
Bien qu'aucun examen de corps ni autopsie n'aient été pratiqués, il peut se déduire de ces constatations
que le décès des deux victimes n'a pas été causé par un choc traumatique et qu'en conséquence la
possession d'ARVA, qui aurait permis d'accélérer leur découverte et de prodiguer les secours
nécessaires, aurait accru considérablement leurs chances de survie.
Si aucun texte législatif ou réglementaire ne fait obligation aux organisateurs ou aux encadrants de
sorties en montagne d'équiper les participants de tels équipements, il leur appartient d'apprécier si,
compte tenu de l'itinéraire choisi et des conditions météorologiques ou nivologiques, il n'est pas
prudent d'en équiper chacun des membres d'un groupe.
En l'espèce, la société AXXX et Monsieur PXXX affirment qu'il n'existait le jour de l'accident aucun
risque particulier d'avalanche dans le secteur et sur l'itinéraire choisis.
Toutefois, le bulletin d'estimation du risque d'avalanche rédigé le 30 décembre 2001 pour le lendemain
faisait état d'un risque fort de niveau 4 au-dessus de 2000-2200 mètres sur tous les massifs de Savoie.
Il précisait qu'à la faveur du vent et du soleil, quelques départs spontanés étaient possibles dans les
pentes suffisamment raides et que le risque essentiel restait le déclenchement d'avalanches au passage
d'un ou plusieurs skieurs.
Ainsi, le jour de l'accident, il est établi par les pièces du dossier que le risque d'avalanche était élevé,
notamment au-dessus de 2200 mètres.
Or, Monsieur PXXX a choisi d'emmener son groupe au-dessus de cette altitude.
Il a donc pris un risque certain en faisant passer son groupe sous cette pente un jour où le risque
d'avalanche était coté niveau 4.
Il aurait dû dans ces conditions exiger de son employeur qu'il lui fournisse des ARVA. Or, il n'en a
même pas fait la demande.
Il a en outre, selon son propre aveu, négligé de consulter les bulletins nivologiques qui auraient
pourtant pu l'alerter sur les risques élevés et accroître sa vigilance, notamment dans le choix de
l'itinéraire.
En ne le faisant pas, il a commis des fautes caractérisées ayant exposé autrui à un risque d'une
particulière gravité, qu'en sa qualité de professionnel, il ne pouvait ignorer.
Il sera donc déclaré coupable des deux infractions qui lui sont reprochées et sanctionné par une peine
tenant compte de la gravité des fautes mais également de l'absence de tout antécédent judiciaire.
Une peine d'emprisonnement d'une durée d'un an sera prononcée à son encontre mais il conviendra de
l'assortir en totalité du sursis.
Pour ce qui est de la société AXXX, elle a estimé que les ARVA n'étaient jamais nécessaires pour des
sorties en raquettes organisées en moyenne montagne, se fondant en cela sur des années d'expérience.
Or, le dossier démontre, par la survenance même de l'accident et les analyses de l'expert, que le risque
d'avalanche existe même en moyenne montagne et qu'il est peut-être même plus élevé à l'égard de
randonneurs en raquettes que de skieurs, ainsi que l'a indiqué l'expert lors de l'audience.
La société AXXX, qui se définit elle-même comme une professionnelle chevronnée, notamment en
matière d'organisation de séjours en montagne, ne pouvait négliger ce risque.
Il lui appartenait au premier chef de mettre à la disposition de ses salariés, et donc de ses clients, tous
les équipements susceptibles d'assurer au mieux leur sécurité.
Cette négligence constitue une faute en lien certain avec les décès.
Elle sera donc également déclarée coupable de l'infraction qui lui est reprochée et sanctionnée par une
peine d'amende de 7 500€.
2° - SUR L’ACTION CIVILE :
Par jugement contradictoire à l’égard de Monsieur RXXX et Madame CXXX épouse RXXX ;
(…)
37
Alloue les sommes suivantes et condamne solidairement la SA AXXX et Monsieur PXXX Laurent à
les payer :
- Monsieur RXXXFrançois-Michel : 14 000 euros (préjudice moral),
- Madame Jeanne CXXX épouse RXXX: 14 000 euros (préjudice moral),
- Monsieur RXXXNicolas : 6 100 euros (préjudice moral),
- Madame RXXXEmmanuelle épouse OXXX : 6 100 euros (préjudice moral),
- Monsieur RXXXFrançois-Michel et Madame Jeanne CXXX épouse RXXX: 2 851,71 euros (frais
funéraires) et 253,75 euros (frais d'hôtel et de restaurant),
- les consorts RXXX: 800 euros au -titre de l'article 475-1 du Code de Procédure Pénale ;
- Monsieur NXXX Henri : 14 000 euros (préjudice moral),
- Madame NXXX Christiane : 14 000 euros (préjudice moral),
- Monsieur NXXX Stephan : 6 100 euros (préjudice moral),
- Monsieur NXXX Frédéric : 6 100 euros (préjudice moral ,
- les consorts NXXX : 800 euros au titre de l'article 475-1 du Code de Procédure Pénale ;
Rejette les demandes présentées par Monsieur OXXX Thierry et Mademoiselle LXXX Isabelle
;
Dit que la Compagnie GENERALI FRANCE ASSURANCES (G.F.A.) doit sa garantie a son assurée
;
Alloue à la CPAM DE LYON la somme de 2 283,30 euros, correspondant au montant des
prestations servies ainsi que la somme de 760 euros au titre de l'indemnité forfaitaire ;
Lui déclare le présent jugement commun et opposable.
La présente décision est assujettie d'un droit fixe de procédure d’un montant de 90 Euros dont est
redevable chaque condamné.
Le tout en application des articles 406 et suivants et 485 du Code de Procédure Pénale et des textes
susvisés.
(…)".
38
ANNEXE 14
Cour d’appel de Chambéry, 22 janvier 1986, « Grosset-Janin », ANENA, Jurisque
Extraits : « (…)
Attendu qu'il est important d'observer tout d'abord que le déclenchement du phénomène naturel qu'est
une avalanche, ne peut être reproché à l'auteur du déclenchement que dans la mesure où celui-ci a
commis des fautes suffisamment graves pour engager sa responsabilité pénale ou civile ;
(…)
Qu'elle déduit ses affirmations notamment du fait que les skieurs du groupe sont restés "bien les uns
derrière les autres" alors que justement cette constatation est contraire aux règles de prudence qui
veulent que sur une pente hors-piste où existe un risque d'avalanche, les skieurs doivent en effectuer la
descente qu'en observant une certaine distance entre eux de manière à éviter une rupture de la masse
neigeuse par surcharge ;
que d'ailleurs peu importe que le déclenchement ait été le fait du groupe qui évoluait avec son
moniteur ou le fait de tiers dès lors que serait rapportée la preuve que ce moniteur a commis la faute
d'emmener ses clients sur une pente qui présentait des dangers objectifs ayant entraîné par sa faute la
mort d'un client ;
(…)
Attendu qu'il y a lieu maintenant de rechercher si X... a commis des fautes en relation de cause à effet
avec la mort de W.... :
Attendu que ce dernier soutient qu'il avait pris toutes les précautions utiles et que si l'avalanche est
descendue et a entraîné la mort de W..., il ne s'agissait que d'un risque naturel ;
qu'il s'est fait "coincer par la nature ", comme il l'a dit lui-même aux gendarmes ;
Attendu qu'il ressort des déclarations du prévenu, moniteur national depuis 1973, qu'il ne prend pas
connaissance du bulletin météorologique de manière habituelle ;
qu'il ne l'avait pas consulté le matin des faits ;
qu'il n'avait vu aucune signalisation particulière au sommet du télésiège des "Tommeuses" ;
Attendu qu'en sa qualité de montagnard (il est né à Megève) et de moniteur, X... se devait de porter
attention à la qualité de la neige et aux conditions climatiques que le bulletin local émis depuis Bourg-
Saint-Maurice le 18 février (il ne s'agissait pas de renseignements généraux portant sur un secteur
important des Alpes mais au contraire sur des conditions locales) énonçait :
1) Nivologie en dehors des pistes :
Le cumul des dernières chutes de neige depuis trois jours a été de 80 cm à 1 m en Haute Tarentaise de
nombreuses plaques et accumulations se sont formées à toutes altitudes.
2) Evolution :
Le refroidissement en cours n'est pas encore suffisant pour consolider le manteau neigeux qui demeure
ainsi très instable. Des avalanches naturelles pourront donc encore se produire sous forme de neige
humide jusque vers 2300 m à 2500 m et qui pourraient entraîner localement toutes les couches sous
forme de plaque ou de neige récente au-dessus. A fortiori, le risque de déclenchement accidentel reste
très élevé et généralisé.
3) Estimation des risques :
Risque naturel fort sur tous les massifs.
Attendu que le Centre d'études de la neige de Saint-Martin-d'Hères relevait que le poste
39
météorologique de Tignes avait annoncé un cumul de neige de 93 cm entre le 15 et le 18 février, que
de plus, consulté par le parquet d'Albertville pour l'étude sur place de l'avalanche, il concluait ainsi son
rapport : " La persistance de l'instabilité du manteau neigeux était reconnue et diffusée localement par
les services de sécurité des pistes de Val-d'Isère et de Tignes. Les deux stations annonçaient un risque
naturel fort. Des déclenchements artificiels étaient effectués quotidiennement [... ] Toutefois un tir
négatif (pas d'avalanche déclenchée) ne peut être garant de stabilité dans le secteur déterminé. «
Attendu qu'en haut de Tovière, un panneau que X... dit n'avoir pas vu, attirait l'attention des skieurs sur
les risques de déclenchement de plaques à vent ;
Attendu que F… directeur des pistes, précisait que la pente en question avait été minée avec deux
charges mais qu'aucun résultat n'avait été obtenu, que s'agissant d'une pente se trouvant sous les vents
dominants, elle avait été purgée plusieurs fois ;
Attendu que X... avait remarqué la couleur noire de la neige qui révélait la tentative de purge ;
qu'il ressort de ces déclarations, que même si l'explosif n'avait pu ébranler la neige, la pente était
dangereuse ;
que F... fait état du risque " plus marqué " ;
que même des panneaux lumineux avaient été implantés au départ de certaines remontées mécaniques
dont celle de la Tommeuse ;
Attendu que malgré ces renseignements sur les dangers que X... allait faire courir à ses clients, il n'en a
pas moins entrepris la descente en passant sous la corde qui marque la bordure de la piste et, par voie
de conséquence le secteur dangereux ;
que X... serait en outre bien naïf de prétendre, en montagnard averti, que si des traces de skieur
existent, c'est qu'il n'y a aucun danger ;
Attendu qu'en négligeant les nombreux avertissements qui devaient attirer son attention sur les dangers
de la pente sur laquelle il allait emmener ses clients, qu'en ne tenant pas compte des conditions
météonivologiques, X... a bien été l'auteur de l'homicide involontaire qui lui est reproché et ce pour en
avoir été la cause par inattention, négligence et imprudence ;
qu'il convient de confirmer le jugement entrepris sur la culpabilité ;
Sur la théorie du risque accepté ou partagé :
Attendu qu'il est de jurisprudence constante que la théorie du risque accepté ou partagé ne peut être
invoquée dans la pratique du ski ou de l'alpinisme comme elle peut l'être dans des sports de combat ou
qui exigent, bien que réglementés, l'affrontement brutal de membres d'une équipe jouant les uns contre
les autres ;
Attendu qu'il ne faut pas confondre, dans la pratique du ski et de l'alpinisme, les risques inhérents à la
nature, dont le risque d'avalanche, qui suffiraient à exonérer l'auteur du déclenchement de toute
responsabilité si aucune faute n'était à l'origine de celui-ci, avec les risques réalisés et causés par une
faute ;
que la victime n'a pas voulu le dommage et n'a pas agi dans le dessein de le subir ;
qu'admettre la théorie du risque partagé ou accepté, dû à la faute d'un tiers, serait nier toute
responsabilité et entraînerait des conséquences graves à une époque où les imprudences sont de plus en
plus fréquentes dans la pratique de la montagne ;
Attendu qu'il y a lieu de rejeter cette exception ;
40
Sur le partage de responsabilité :
Mais attendu que se plaçant sur le plan du partage de responsabilité, les juges ont le devoir de
rechercher si la victime a ou non commis une faute qui a concouru à la réalisation du dommage ;
Sur l'action civile :
Attendu qu'il ressort des circonstances de fait et des déclarations des clients de X... que celui-ci
n'agissait pas dans le cadre d'une leçon de l'école de ski français ;
que tous étaient des skieurs confirmés et avaient choisi un moniteur pour faire du ski hors piste ;
Attendu que si la responsabilité du moniteur est engagée davantage que celle de la victime du fait qu'il
exerce une activité professionnelle, pour laquelle il perçoit une rémunération, des enseignements qu'il
a reçus pendant la période de sa formation, des connaissances et de son expérience personnelle et du
fait qu'il a choisi l'itinéraire, il ne s'ensuit pas que lui seul doive supporter les conséquences de
l’accident.
Attendu que W..., dans la mesure où il n'a pas observé les consignes de sécurité exposées ci-dessus,
malgré les avis répétés par tous les médias, a commis une faute qui a concouru à la réalisation du
dommage, et qu'il doit être déclaré responsable pour un tiers (1/3).
(…)."
41
ANNEXE 15
Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 27 mai 2011, n° 733/M/2011
Extraits :
« (…)
Sur le droit à indemnisation :
Par un jugement en date du 8 mars 2007, le tribunal correctionnel de NICE a relevé les manquements de Jean E, professionnel de la montagne, et l'a déclaré coupable d'homicide involontaire sur la personne de Jacques D. Les consorts D considèrent qu'en l'état de cette décision définitive, Jean E et son assureur sont irrecevables à leur opposer la faute de la victime. La décision rendue sur l'action publique par le juge répressif n'interdit pas à celui-ci, statuant ultérieurement sur intérêts civils, de rechercher si la victime n' a pas elle-même commis une faute civile ayant concouru à son propre dommage et pouvant entraîner une limitation de son droit à indemnisation et par voie de conséquence à celle de ses ayants droits. C'est par des motifs pertinents, exacts et suffisants que la Cour adopte que le premier juge a considéré que Jacques D, par son acceptation du risque, avait commis une faute ayant concouru à la réalisation de son dommage. La Cour estime cependant que la limitation du droit à indemnisation de la victime doit être ramenée à 1/3.
Sur les préjudices d'affection :
Le préjudice des proches de la victime doit être évalué comme suit : - 25000 € pour Sylvie D - 24 000 € pour Anne D - 22 000 € pour François et Marie D - 16 000 € pour Hélène et Henri D.
Sur le préjudice économique :
Comme relevé par le premier juge, les revenus que la famille tirait de l'activité de la victime, ophtalmologue exerçant à titre libéral outre des vacations hospitalières, étaient importants et les parties s'opposent sur l'assiette et le mode de calcul du préjudice. Jean E et GENERALI IARD font valoir que les revenus de Jacques D étaient en baisse depuis 2002 alors que Sylvie D expose que son époux s'orientait vers la mise en œuvre d'une technique nouvelle qui rapporte à ceux qui l'ont réalisée une augmentation conséquente des revenus. Elle considère même avoir subi une perte de chance de voir augmenter les revenus de son époux. C'est à juste titre que le tribunal a estimé que le revenu perdu pour la famille D pouvait s'établir suivant la moyenne des revenus déclarés les 3 années précédentes et a considéré que la perte constatée depuis plusieurs années allait être compensée par une augmentation probable due à la nouvelle thérapie. II ne peut être affirmé, comme le fait Sylvie D, que son mari allait augmenter ses revenus dans une proportion lui permettant de solliciter la réparation d'une perte de chance. Le revenu moyen déclaré du couple sur la période 2003/2004/2005 s'est élevé à 379 525 €. Les revenus moyens de Sylvie D sur la même période étaient de 30 000 €, ils étaient de 64 875 € en 2006.
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Eu égard aux revenus importants du couple, la part d'autoconsommation du défunt doit être fixée à 30%. Les dispositions fiscales frappant les revenus sont sans incidence sur les obligations des personnes responsable du dommage et le calcul de l'indemnisation des victimes. Les rentes versées à la famille par la CARMF, AGIPI et PREFON sont versées en application de contrats facultatifs et n'ont pas vocation à être déduites. Déduction faite des revenus de Sylvie D et de la part d'autoconsommation de la victime, la perte patrimoniale du conjoint survivant et des enfants s'élève à 200 792, 5€. 60% de cette somme doit être attribuée à Sylvie soit 120 475,5 € ,40% aux 5 enfants soit 80 317 € (16 063,4 € par enfant). La durée du versement de la rente due à Sylvie D sera viagère en raison de l'activité de la plupart des médecins spécialistes bien au delà de l'âge de 65 ans, ce d'autant qu'il ressort d'une attestation de la CARMF que la pension de réversion que la veuve pourra percevoir est aléatoire. La rente due à Sylvie D sera capitalisée à l'aide des barèmes publiés à la Gazette du Palais (17,746 pour un homme décédé à 52 ans) et déduction faite du prix de cession non contesté de la clientèle de la victime de 300 000 €, fixée à la somme de 1 837 958,2 €. Le préjudice économique des enfants du couple D sera fixé en fonction des développements précédents, de leur âge au moment du décès de leur père et jusqu'à l'âge de 25 ans, la poursuite de leurs études n'étant pas contestée, comme suit : - Henri D : 75 337, 3 € - Hélène D : 81 135,8 € - Anne D : 127 720 € - Marie D : 184 472 € - François D : 184 231 €
Sur le préjudice matériel :
Sylvie DARMON justifie des frais d'obsèques et de sépulture de son époux pour la somme de 14 788 €. Le caractère somptuaire de cette dépense n'étant pas justifiée, il convient de fixer le préjudice subi à la somme sollicitée. (…)
PAR CES MOTIFS :
La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire à l'égard de Jean E, GENERALI ASSURANCES IARD et des parties civiles, par défaut l'encontre Reçoit en la forme les appels, Confirme le jugement déféré en ce qu'il a constaté que la créance de la RSI s'élevait à la somme de 4 292,90 €. Le réformant pour le surplus, Dit que la victime a commis une faute de nature à réduire son droit à indemnisation à hauteur de 1/3, Qu'en conséquence Jean E est responsable des conséquences dommageables de l'accident à hauteur des 2/3, Fixe le préjudice matériel de Sylvie D à la somme de 14 788 Fixe le préjudice d'affection des ayants droits de Jacques D comme suit : - 25 000 € pour Sylvie D - 24 000 € pour Anne D - 22 000 € pour François et Marie D - 16 000 € pour Hélène et Henri DARMON. Fixe leur préjudice économique comme suit :
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- 1 837 958,2 € pour Sylvie D - 75 337, 3 € pour Henri D - 81 135,8 € pour Hélène D - 127 720 € pour Arme D -184 472 € pour Marie D - 184 231 € pour François D Condamne Jean-Alexandre ECHENE à verser : - la somme de 1 251 830 € à Sylvie D - la somme de 60 892 € à Henri D -la somme de 64 757 € à Hélène D - la somme de 101 147 € à Anne D - la somme 137 648 € à Sylvie D en qualité de représentante légale de sa fille mineure Marie D - la somme de 137 487 € à Sylvie D en qualité de représentante légale de son fils mineur François D. Dit que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter du présent arrêt et que les provisions versées devront être déduites. Le condamne à verser aux parties civiles prises ensemble la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 475-1 du code de procédure pénale. Rejette les demandes plus amples ou contraires des parties. Dit n'y avoir lieu à statuer sur les dépens s'agissant de frais de justice correctionnelle. Déclare le présent arrêt opposable à GENERALI ASSURANCES IARD et commun à la RSI. Le tout conformément aux articles visés au présent arrêt et aux articles 512 et suivants du Code de procédure pénale. (…) ».
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ANNEXE 16
Tribunal de grande instance de Nice, 8 mars 2007, n° 1090/07
Extraits : « (…)
I. CONCERNANT LES CONDITIONS D’EXERCICE DE JEAN ECHENE ET SES RELATIONS
AVEC LA VICTIME ET SA FAMILLE :
Les investigations réalisées démontraient : *que jean Echene était depuis le 4 novembre 1986 titulaire du brevet d’Etat d’éducateur sportif 1er degré – option ski Alpin qui lui donnait droit, en application des arrêtés des 12 août 1888 et 20 mai 1994, d’enseigner le ski Alpin sur piste et Hors pistes (sauf zones glaciaires) *qu’il exerçait régulièrement dans la station d’Isola 2000 *qu’il se présentait lors de sa première audition comme étant « la référence hors piste à l’école de ski » Que cette appréciation était partagée par le directeur de l’école de ski d’isola 2000, Patrick ROCHER qui déclarait : « il est très professionnel dans son travail, c’est un des moniteurs de l’ESF qui a le plus d’expérience en ski hors piste ». *que travaillant depuis plusieurs années pour la famille DARMON, de façon fréquente et régulière tant dans la station d’ISOLA 2000 que même au CHILI, ils s’étaient liés d’amitié *que Sylvie DARMON, épouse de victime interrogée immédiatement après l’évacuation de son mari en hélicoptère sur l’hôpital de Nice, et donc, avant le décès de dernier déclarait : « je n’ai aucun reproche à formuler envers le moniteur. Nous l’avions pris pour surfer hors piste, ma famille et moi savions pertinemment à quels risques nous nous exposions ».
II. CONCERNANT LES LIEUX DU DRAME :
Les enquêteurs relevaient à l’issue de deux transports les 5 et 6 févriers 2006, dont le dernier était réalisé en compagnie de Jean ECHENE dans le cadre d’une remise en situation : *qu’il s’agissait d’un itinéraire hors piste, d’un « couloir raide » de pente moyenne de 35 à 53° et 40° sur le haut, situé sur un autre versant que celui du MENE que celui exploité par la station, mais qui ramène aux remontées mécaniques de la station, couloir qui n’est donc pas concerné par le plan d’intervention de déclenchement des avalanches, d’un secteur parsemés d’arbres, avec deux rochers volumineux qui apparaissent dans le couloir, « la zone de l’accident était connue pour être avalancheuse, le service de sécurité des pistes la qualifie comme telle… Le déclenchement des secours de la station par le haut du couloir présentait un caractère dangereux au sens des dangers objectifs de cette zone (risque éventuel de sur-avalanche) ».
III. CONCERNANT L’AVALANCHE :
Sur réquisition du service enquêteur, une étude sur site était faite par le CENTRE DEPARTEMENTAL DES ALPES MARITIMES DE METEO France qui indiquait : *que le risque d’avalanche était ce jour là de 3/5 par beau temps, *que d’importantes chutes de neige avaient eu lieu la semaine précédente : du jeudi 26 janvier après-midi au lundi 30 janvier 2005 au matin, le cumul se situant à hauteur de 90cm sur Isola, *qu’un redoux intervenait à partir du 31 janvier et que de nombreuses avalanches naturelles et artificielles devaient être constatées, avec des cassures allant de 50 à 80cm, *que l’avalanche qui s’est déclenchée à une altitude de 1950 mètres, et constituée d’une plaque de 40 mètres de largeur, avait dévalé une pente boisée sur 300m.
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Le bulletin de prévision météo rédigé le vendredi 3 février 2006 mentionnait : « dans les versants nord-ouest à est, l’épaisseur de neige récente souvent compactée par le vent, repose sur une sous couche de gobelet sans cohésion. Fréquemment, sur les plats ou dans les pentes débonnaires, la surcharge d’un seul skieur est suffisante pour provoquer un « waouf »caractéristique. Dans les pentes suffisamment inclinées le risque de provoquer le déclenchement accidentel d’une épaisseur, parfois importante de neige compactée reste bien d‘actualité », précisant que « Dans le Mercantour les pentes concernées sont plus localisées, souvent situées dans les zones boisées. » Concluant que le risque de déclenchement accidentel dans le Mercantour est « marqué ». Les enquêteurs observaient quant à eux une fracture franche d’environ 602cm d’épaisseur à 10m en amont de la zone de départ de l’avalanche. Ils notaient qu’il s’agissait d’une avalanche de plaque qui reposait sur une épaisseur importante de givre qui constituait un plan de glissement idéal pour les couches de neige posées dessus. « Une simple surcharge comme le passage d’un skieur permet la cassure et le départ d’avalanche de plaque ». Ils affirmaient : « c’est le passage de deux skieurs en même temps qui a déstabilisé le manteaux neigeux. Aucune trace de skieur n’est observée en amont de la rupture ».
IV. CONCERNANT LES AVERTISSEMENTS ET SIGNALISATIONS DU DANGER :
SUR LES AVERTISSEMENTS MATERIALISES : Les enquêteurs notaient dans le centre de la station l’existence d’un plan des pistes lumineux sur lequel apparaissait le risque d’avalanche 3/5, ainsi que celle d’un drapeau à damier indiquant le risque d’avalanche. Patrick LELUAUT, directeur de la sécurité des pistes indiquait que concernant le ski hors piste, des bulletins nivologiques de météo France sont affichés à tous les points de vente et sont également retranscrits sur les 4 panneaux électroniques d’ouverture et de fermeture des pistes. Il précisait que « le poteau et la signalétique correspondant au danger d’avalanche du moment est situé à chaque départ des remontées mécaniques ». Les enquêteurs constataient : -l’existence à l’arrivée du télésiège d’un panneau jaune rectangulaire indiquant en français, Anglais et Allemand « ACCES STRICTEMENT INTERDIT ZONE DANGEREUSE » panneau photographié. -l’existence d’un panneau triangulaire jaune indiquant le risque d’avalanche dans la zone hors piste en cause. Patrick LELUAUT affirmait sur ce point : « je tiens à préciser que j’avais fait apposer en début de saison, des panneaux de danger d’avalanches qui avaient été mis au dessus de l’arrivée du télésiège du Mené ». SUR LES AUTRES AVERTISSEMENTS : Patrick ROCHER directeur de l’Ecole de Ski Français indiquait : « tous les moniteurs sont informés du risque d’avalanche actuel suite aux dernières chutes de neige, ces derniers sont des professionnels de la montagne, ils parlent beaucoup entre eux des conditions nivologiques ». Les enquêteurs recueillaient enfin les divers articles parus dans la presse concernant le risque d’avalanche.
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V. CONCERNANT LE COMPORTEMENT DU PREVENU LORS DE CETTE SORTIE
Invité à présenter le modus operendi adopté, Jean ECHENE expliquait : -qu’arrivés dans le dernier tronçon à descendre, il avait invité Mme DARMON à s’engager la première dans la descente, -qu’une fois Mme DARMON arrivée en bas, il faisait partir de la même façon les deux jeunes filles, l’une après l’autre, -qu’il décidait ensuite de se lancer dans la pente, en même temps que M.DARMON, rompant alors, ainsi sa logique de conduite selon l’analyse relevée par les enquêteurs.
****** A l’issue de l’enquête, Jean ECHENE était cité devant le tribunal du chef d’homicide involontaire au terme de la prévention précitée.
****** A L’AUDIENCE : Les membres de la famille DARMON se constituent partie civile et sollicitent la condamnation tant pénale que civile de Jean ECHENE, Madame le Procureur de la République requiert une condamnation de 8 mois d’emprisonnement avec sursis. Jean ECHENE plaide la relaxe. MOTIVATION : SUR L’ACTION PENALE SUR LA CULPABILITE : ATTENDU que l’article 221-6 du code pénal prévoit que « le fait de causer dans les conditions et selon les distinctions prévues à l’article 121-3 par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, la mort d’autrui, constitue un homicide involontaire puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende ». Que l’article 121-3 al 2 et 3 du même code prévoit : « Il y a également délit lorsque la loi le prévoit, en cas de faute d’imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, s’il est établie que l’auteur des faits n’a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait. Dans le cas prévu à l’alinéa qui précède, les personnes physiques qui n’ont pas causé directement le dommage, mais qui ont contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n’ont pas pris les mesures permettant de l’éviter, sont responsables pénalement s’il est établi qu’elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d’une particulière gravité qu’elle ne pouvait ignorer ». ATTENDU qu’en l’espèce, s’il apparait établi que les époux DARMON étaient indiscutablement –demandeurs- pour skier hors-piste nonobstant les risques qu’ils ne pouvaient pas méconnaitre notamment, du fait des multiples avertissements et affichage en divers lieux de la station, du fait
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de leur pratique importante de ce sport, il convient cependant de relever qu’ils ont fait appel à un professionnel de la montagne et du ski hors-piste, Qu’il était donc de la responsabilité de Jean ECHENE – à qui les époux DARMON faisaient confiance en raison de son professionnalisme – sans quoi ils se seraient dispensés de son office, -d’apprécier les risques tant au stade de la décision de la sortie, que de sa préparation, que des modalités de sa réalisation, Que Jean ECHENE ne conteste pas qu’il savait que le risque d’avalanche était de 3/5. Que si un risque d’avalanche situé à un niveau de 3/5 n’interdit pas –par principe- la sortie hors piste, faut-il encore que le moniteur en mesure précisément les enjeux de la sortie.
1) Que pour mesurer les enjeux de la sortie il devait en premier lieu se renseigner
précisément, ce qu’il n’a pas fait :
Que Jean ECHENE reconnait tant lors de son audition qu’à la barre ne pas avoir consulté le bulletin météo, Que pourtant la consultation de ce bulletin était de nature à la renseigner précisément sur les risques et devait le guider quant aux choix des modalités d’organisation de sa sortie, (…)
2) Qu’au regard de ces renseignements Jean ECHENE devait choisir le circuit le moins exposé,
ce qu’il n’a pas fait :
Qu’en effet les constats faits tant par les gendarmes que par le service de météo France démontrent : -qu’il a choisi une zone située sur un versant qui n’est pas exploité par la station -que ce versant non exploité par la station n’est donc pas concerné par le plan d’intervention de déclenchement des avalanches, -qu’il a choisi un versant orienté nord/ouest alors que le bulletin de prévision météo rédigé le vendredi 3 février 2006 mentionnait : « dans les versants nord/ouest à est, l’épaisseur de neige récente souvent compactée par le vent, repose sur une sous-couche de gobelet sans cohésion ». -qu’il a choisi une pente située dans une zone boisée répertoriée par le même bulletin comme étant exposée à un risque dit « marqué » de déclenchement accidentel d’avalanche d’une épaisseur importante de neige compactée, la surcharge d’un seul skieur étant suffisante pour déclencher un « waouf ». Que par ailleurs les différents panneaux d’interdiction (qu’il prétend à la barre contrairement à ses premières affirmations – ne pas avoir vus mais qui ont été photographiés par les gendarmes et pour lesquels Patrick LELUAUT directeur de ma sécurité des pistes affirme les avoir apposés en début de saison – devaient là encore l’inciter à la plus grande prudence quant au choix de l’itinéraire,
3) Qu’au regard de ces renseignements Jean ECHENE devait renseigner au mieux ses clients
quant aux risques et à la conduite à tenir en cas d’avalanche, ce qu’il n’a pas fait :
Que s’il affirme avoir avant le départ : *effectué « un briefing » comportant une vérification du matériel, une vérification des conditions physiques et « de l’aptitude des clients à se lancer dans l’aventure » ainsi qu’une simulation ARVA (affirmation sur laquelle il revient à la barre). *avoir fourni les explications – explications d’autant plus utiles qu’à l’audience Jean ECHENE précise que pour l’amie (mineure) de la fille des époux DARMON – il s’agissait de « son baptême hors-pistes », il convient cependant de constater qu’il n’a jamais enseigné à ses clients, malgré le temps passé à travailler avec eux, les consignes à suivre en cas d’avalanche,
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Qu’en effet, il déclare lors de sa 1ère audition que lorsqu’il s’est rendu compte de l’avalanche « j’ai donc réagi en accélérant ma cadence et en me réfugiant du côté droit dans la zone de sécurité que j’avais choisie au préalable. M. DARMON qu’il n’a pas eu cet automatisme, s’est fait prendre par la coulée ». Qu’interrogé à la barre sur cette question Jean ECHENE reconnait ne pas avoir indiqué à ses clients les réflexes à avoir en cas d’avalanche, réflexes qui lui ont permis-à lui-d’avoir la vie sauve, Qu’il déclare en effet à la barre : « le conseil de réflexe n’est pas une chose qui se dit. Donner ce genre de conseil n’est pas évident, les gens pourraient avoir peur et bloquer au milieu de la pente ».
4) Que Jean ECHENE devait ensuite choisir le modus operendi le mieux adapté à la sécurité
de ses clients, ce qu’il n’a pas fait :
Qu’en effet, les enquêteurs concluaient leur procès verbal de mise en situation par l’analyse suivant : « Vu la mise en situation effectuée ce jour, il apparait que Jean ECHENE était au courant des risques encourus dans ce couloir, il voit les panneaux de signalisation identifiant le danger d’avalanche, le drapeau à damier. Il adapte sa conduite de groupe à ces risques. Puis il rompt sa logique de conduite en surfant avec M.DARMON son client, en même temps dans le couloir dans une zone encore vierge et raide. Ils provoquent ainsi une surcharge forte du manteau neigeux et déclenchent l’avalanche. Il aurait du poursuivre sa logique de sécurité jusqu’en bas de la clairière où attendait le reste du groupe. Seule une progression un par un avec des points de repos en zone de sécurité (sous arbres et sus rochers) peuvent garantir un minimum de sécurité dans ces conditions de neige ». (…) Qu’à la question suivante : « Pensez-vous que c’est le passage de M.DARMON et vous qui soit à l’origine de l’avalanche ? » Jean ECHENE répond : « honnêtement, oui, je pense que cette plaque est partie du fait que la pente avait été fragilisée à notre passage et à ceux d’autres skieurs, ce jour là et les jours précédents ». que sur ce dernier élément de sa réponse il convient de rappeler que les gendarmes n’ont constaté aucune trace de skieurs en amont de la rupture. ATTENDU au total – et considérant que même si les époux DARMON étaient conscients des risques – cette conscience les conduisant justement à faire appel à un professionnel auquel ils allaient s’en remettre – force est de constater que ce professionnel, en l’occurrence Jean ECHENE, a commis des fautes dans la pratique normale et prudente de ce sport de montagne, des fautes de négligence et d’imprudence – en lien direct avec le décès de M.DARMON : *en omettant de se renseigner précisément et suffisamment préalablement à la sortie sur les conditions nivologiques et météo, *en choisissant un circuit dont il aurait pu savoir qu’il était exposé à un risque dit « marqué », *en omettant de renseigner les clients sur le réflexe à avoir en cas d’avalanche, *en modifiant le modus operendi, en se lançant dans la pente en même temps que Jacques DARMON ce qui devait provoquer la rupture de la plaque d’avalanche, ATTENDU que dans ces conditions, il convient de déclarer Jean ECHENE coupable de l’infraction qui lui est reprochée. SUR LA PEINE : ATTENDU que le casier judiciaire de Jean ECHENE, âgé de 43 ans, est vierge, Qu’il apparait dès lors adapté de le condamner à une peine de 8 mois d’emprisonnement avec sursis.
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******
SUR L’ACTION CIVILE : ATTENDU qu’il convient compte tenu des observations présentées à la barre de renvoyer l’examen des demandes sur intérêts civils à l’audience du 5 décembre 2007 à 8h30.
PAR CES MOTIFS
SUR L’ACTION PUBLIQUE : Statuant publiquement en premier ressort et par jugement contradictoire, à l’égard de ECHENE Jean Alexandre ; Déclare ECHENE Jean Alexandre coupable des faits qui lui sont reprochés ; Condamne ECHENE Jean Alexandre : A 8 mois d’emprisonnement avec sursis, pour l’infraction de HOMICIDE INVOLONTAIRE (…) SUR L’ACTION CIVILE : (…) Renvoie l’affaire sur les intérêts civils à l’audience du 5 décembre 2007 à 8 heures 30 (…) ».
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ANNEXE 17
Cour de cassation, 26 novembre 2002, n° 01/88900
Extraits : "(...)
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-3, 221-6, 222-19, alinéa 1er,
du Code pénal, 388, 591 et 593 du Code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne des
droits de l'homme, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré les délits d'homicides involontaires et blessures involontaires non
établis à l'encontre d'Hervé Q... et débouté les parties civiles de leurs demandes de dommages-intérêts
à son encontre ;
" alors que les juges correctionnels doivent statuer sur l'ensemble des faits dont ils sont saisis par
l'ordonnance de renvoi ;
qu'Hervé Q... était poursuivi devant le tribunal correctionnel pour homicides et blessures involontaires
pour avoir organisé ou laissé se dérouler une randonnée en raquettes hors piste d'un groupe de trente-
deux personnes dont vingt-six adolescents, novices en sport de haute montagne, dépourvus de tout
matériel de sécurité, alors en particulier que le groupe était mené par un guide qui n'avait pas
personnellement reconnu l'itinéraire ;
qu'il résulte des énonciations des juges du fond que le groupe a été mené par Daniel P... qui n'avait pas
personnellement reconnu l'itinéraire et que l'accident s'est précisément produit sur un passage
dangereux, raide et déboisé de 40 ou 50 mètres de dénivelé à la suite d'un changement d'itinéraire
décidé à la dernière minute par ce guide, passage dangereux "qui aurait pu être facilement évité en
continuant à cheminer sous bois vers la gauche pour parvenir à l'arrête en un autre point, en fonction
de l'appréciation du responsable technique du groupe sur la nécessité de cet évitement lorsqu'il avait
découvert ce passage depuis le bas au cours de la randonnée du vendredi" et qu'en ne s'expliquant,
comme la prévention le lui imposait, si le fait pour Hervé Q..., directeur du centre UCPA, de n'avoir
pas fait reconnaître l'itinéraire personnellement par Daniel P... était constitutif d'une faute caractérisée
ayant exposé autrui à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer, la cour d'appel a
méconnu le principe susvisé ;
" alors que la prévention imputait à faute à Hervé Q... le fait que la randonnée en raquettes hors piste
se soit déroulée alors que le groupe était dépourvu de tout matériel de sécurité cependant que le risque
d'avalanche était de 4 sur une échelle de 5 suite à des chutes de neige ;
que l'arrêt a constaté qu'effectivement le groupe ne disposait ni d'ARVA, ni de pelles, ni de sondes
alors que ce matériel était disponible au centre et a reconnu que les pelles et les sondes allant avec les
ARVA sont indispensables si l'on veut pouvoir dégager quelqu'un dans un délai lui donnant une
chance réaliste de survie, la nécessité de l'utilisation de ce matériel revêtant la même évidence que
l'obligation pour un automobiliste de s'arrêter à un stop et qu'en l'état de ces constatations et
énonciations, la cour d'appel ne pouvait, sans méconnaître les textes susvisés, estimer que l'absence
d'ARVA en janvier 1998 ne peut être considérée comme une faute pénale ;
" alors qu'il entre dans les obligations d'un directeur de centre UCPA de s'assurer que la taille d'un
groupe de randonneurs en raquettes composé d'adolescents permet d'assurer la sécurité des membres
de ce groupe et de donner des consignes pour que les animateurs à qui il est confié ne l'engagent pas
en zone avalancheuse ;
qu'il résulte, soit expressément soit implicitement, des constatations de l'arrêt que le groupe, trop
nombreux, se trouvait en état d'insécurité accrue à partir du moment où il était amené à évoluer en
zone avalancheuse et qu'Hervé Q... n'avait donné aucune consigne aux personnes qui encadraient la
randonnée pour qu'ils n'engagent pas, comme ils l'ont fait, le groupe en zone avalancheuse et que dès
lors, en ne recherchant pas si ces circonstances ne constituaient pas à son encontre des fautes
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d'imprudence caractérisées exposant autrui à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait
ignorer, la cour d'appel a privé sa décision de base légale " ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-3, 221-6, 222-19, alinéa 1er,
du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne des droits de
l'homme, défaut de motifs, défaut de réponse à conclusions, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré les délits d'homicides et blessures involontaires non établis à
l'encontre d'Yves R... et a débouté les parties civiles de leurs demandes de dommages-intérêts à son
encontre ;
" alors que les juges doivent répondre aux chefs péremptoires des conclusions régulièrement déposées
devant eux ;
que les premiers juges, qui étaient entrés en voie de condamnation à l'encontre de Daniel P... des chefs
d'homicides et blessures involontaires, avaient constaté que la cause certaine de l'accident résidait dans
une manœuvre imprudente de ce guide, après avoir noté que celui-ci n'avait jamais encadré en sortie
des adolescents ;
que dans leurs conclusions régulièrement déposées devant la cour d'appel, les parties civiles faisaient
valoir qu'Yves R... n'aurait jamais dû accepter que Daniel P..., qui n'avait pas reconnu préalablement
l'itinéraire, poursuive la randonnée avec une partie des enfants, allant devoir improviser au risque de
rencontrer des difficultés et qu'en ne répondant pas à ce chef péremptoire de conclusions, l'arrêt
attaqué a privé sa décision de base légale " ;
Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-3, 221-6 et 222-19, alinéa
1er, du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne des
droits de l'homme, défaut de motifs, défaut de réponse à conclusions, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré les délits d'homicides et blessures involontaires non établis à
l'encontre de Serge S... ;
" alors que les juges doivent répondre aux chefs péremptoires des conclusions régulièrement déposées
devant eux ;
que de multiples fautes d'imprudence grave ont été relevées par l'arrêt dans l'organisation et le
déroulement de la randonnée et notamment l'absence de matériel de sécurité, un changement
d'itinéraire avec choix d'un passage dangereux opéré à la dernière minute par un guide dépourvu
d'expérience en matière de sortie avec des adolescents quand ce passage aurait pu être facilement évité
et alors que les risques d'avalanche étaient de 4 sur une échelle de 5 et la taille excessive du groupe ne
lui donnant aucune chance d'évoluer correctement sur le terrain en cas d'avalanche ;
que, dans leurs conclusions régulièrement déposées devant la cour d'appel, les parties civiles faisaient
valoir que Serge S..., en sa qualité de professeur d'éducation physique et d'interlocuteur du directeur du
centre UCPA, avait l'obligation de vérifier que les conditions de sécurité étaient réunies tout au long
de la randonnée et de veiller à son bon déroulement et qu'en ne recherchant pas si le manquement
manifeste à ces obligations ne constituait pas à l'encontre de cet enseignant une faute caractérisée
exposant autrui à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer, l'arrêt attaqué a privé sa
décision de base légale " ;
Les moyens étant réunis ;
(…)
Attendu que Daniel P..., guide de haute montagne responsable de la course, et Hervé Q..., directeur du
centre local de l'Union nationale des centres de plein air (UCPA), chargé d'organiser le séjour et les
activités sportives de la classe, ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel sous la prévention
d'homicides et de blessures involontaires ;
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que les parties civiles ont cité Yves R..., accompagnateur en moyenne montagne, et Serge S...,
professeur d'éducation physique au collège Saint-François-d'Assise, à l'audience du tribunal
correctionnel pour y répondre des mêmes délits ;
qu'après avoir déclaré Daniel P... coupable d'homicides et de blessures involontaires et seul
responsable, avec l'UCPA, des conséquences dommageables des infractions, les premiers juges ont
renvoyé les autres prévenus des fins de la poursuite et débouté les parties civiles des demandes
formées contre ceux-ci ;
Attendu que, pour confirmer cette décision, les juges du second degré, après avoir relevé qu'à la date
des faits, aucune disposition particulière de la loi ou du règlement ne s'appliquait à la pratique des
activités de raquettes à neige dans les séjours de vacances déclarés, retiennent que la seule cause
directe des dommages est la rupture d'une plaque à vent constituée d'une couche de neige déstabilisée
par le passage imprudent de Daniel P... et des randonneurs qui le suivaient ;
Qu'ils relèvent que ni le professeur d'éducation physique, qui a accompli des diligences normales dans
la préparation et la surveillance du séjour à la montagne de la classe dont il était responsable, ni le
directeur du centre de plein air, qui a fourni au groupe un encadrement professionnel et des moyens
matériels suffisants au regard des usages alors en vigueur lors des randonnées en raquettes à neige, et
qui a demandé à l'accompagnateur de montagne, spécialiste de cette activité, de reconnaître
préalablement le parcours, n'ont violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de
prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, ou commis une faute caractérisée exposant
autrui à un risque d'une particulière gravité qu'ils ne pouvaient ignorer ;
Qu'ils ajoutent qu'il ne peut être reproché à Yves R... d'avoir, pour encadrer le retour d'un groupe de
randonneurs moins aguerris, laissé Daniel P..., sous l'autorité duquel il se trouvait, conduire seul le
reste du groupe sur la dernière partie de l'itinéraire qu'il lui avait indiqué ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, procédant de son appréciation souveraine des faits et
circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, la cour
d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que les moyens ne sauraient être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi. "
53
ANNEXE 18
Cour d’appel de Chambéry, 18 novembre 1999, « Beermann et autres c/ Ministère
public », ANENA, Jurisque
Extraits : « (…)
L'enquête :
1°) Sur les conditions météorologiques :
Le bulletin météo du dimanche 11 février 1996 à 12 heures faisait état de l'arrivée d'une dépression
avec dès le lundi 12 février une perturbation neigeuse.
Les prévisions pour le lundi 12 février indiquaient :
« Le ciel se charge vite en nuages élevés durant la matinée, pour se couvrir en mi-journée. La neige
débute alors sur les Pré-Alpes et sur les hauts sommets intérieurs pour gagner tous les massifs et toutes
les vallées vers 1000 mètres en début d'après-midi.
Cette neige, en s'abaissant vers 300 mètres, devient abondante au fil de la nuit en montagne avec des
vents violents d'ouest. Elle restera cependant plus modérée en Haute-Maurienne. »
Les prévisions se sont avérées exactes, puisque vers 11 heures 45, les conditions du temps se
dégradent vite.
En outre, la fermeture des pistes et de la remontée mécanique de La Lauzière a été décidée devant
l'aggravation des conditions climatiques, de manière préventive compte tenu de l'arrivée de la
perturbation annoncée par la météo.
2°) Sur les conditions de visibilité :
Lorsque la descente débute, la visibilité est estimée selon les personnes entre 15 et 50 mètres. Elle est
jugée alors réduite, mais encore suffisante pour voir les jalons de la piste.
Lorsque le groupe est dépassé par un autre groupe partant sur la droite, ce dernier n'a eu aucune peine
pour rejoindre la station.
Lorsque le groupe s'est retrouvé en cours de progression dans la poudreuse avant la barrière rocheuse,
des membres ont pris des photos montrant alors une visibilité réduite, mais encore suffisante.
Lorsque le groupe s'est retrouvé au-dessus de la barrière rocheuse, ils ont pu voir la piste de « La
Colombe » en contrebas, ce qui implique une visibilité d'au moins une centaine de mètres.
Lors du départ du groupe sur la piste, il y avait environ 20 centimètres de neige, mais de façon inégale,
compte tenu du vent. Lorsque le groupe a quitté la piste, la neige montait jusqu'aux genoux,
susceptible de constituer un signe d'alerte pour l'accompagnateur.
Un membre accompagnateur d'un autre groupe s'étant retrouvé dans les mêmes conditions que le
groupe en cause, à quelques minutes près et ayant pu rejoindre la station sans encombre, atteste que les
conditions étaient alors encore praticables.
3°) Sur le domaine : pistes, balisage et signalisation :
Il s'avère que du sommet du télésiège de La Lauzière, après avoir fait quatre cents mètres communs à
toutes les pistes, on accède d'abord à une piste noire, fermée pour cause de manque de neige, puis en
continuant sur 500 mètres, à deux pistes rouges, l'une La Reverdy, partant à droite pour rejoindre
Saint-François-Longchamp, et l'autre La Colombe partant à gauche à 90° et menant à Valmorel.
L'étude de la signalisation en place permet de visualiser parfaitement le massif de La Lauzière avec ses
pistes ouvertes et fermées, et de constater les différends jalonnements mis en place pour la sécurité
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avec au départ l'existence de cordes canalisant les skieurs à la sortie du télésiège pour les empêcher de
partir en hors piste, avec un jalonnage classique de piquets orange espacés de 15 à 20 mètres et un
balisage montrant les directions à suivre, comprenant des panneaux signalant le risque d'avalanches et
le danger de faire du ski hors piste, outre les balises rouges de pistes avec le numéro décroissant.
Au sommet du télésiège se trouvent le poste de secours, avec deux pisteurs et l'employé du télésiège.
Lorsque le télésiège de La Lauzière a été fermé, ce jour-là, comme à chaque fois, deux pisteurs-
secouristes ont emprunté chacune des pistes rouges pour vérifier qu'aucune personne ne se trouvait en
difficulté.
Il convient de noter que le matériel en place a particulièrement bien résisté à la tempête.
Selon le directeur du service des pistes de Saint-François-Longchamp, une personne qui dit connaître
parfaitement la piste rouge qui descend de La Lauzière ne pouvait pas, vu les conditions météo, ce
jour-là sortir de la piste par inadvertance.
Il indiquait qu'après la balise 13, la piste bifurquant, un panneau indiquant le danger des barrières
rocheuses avait été mis en dehors de la piste.
Toujours selon lui, la descente en hors piste de la combe de La Rave est un grand classique. Jusqu'à la
barre rocheuse, il est possible de couper en travers et de rejoindre la combe. Plus bas, les skieurs
butent sur la barre et sont bloqués. Des accidents graves avaient été déplorés dans la combe de La
Rave.
4°) Sur le bivouac :
Les skieurs se sont abrités au pied d'un énorme rocher, en plein centre de la combe de La Rave, à une
altitude de 2300 mètres environ, sur le territoire de la commune de La Léchère. Ce rocher est isolé au
milieu de pentes de neige assez raides.
Ils ont creusé une sorte de trou, au pied du rocher, d'une hauteur et d'une largeur de cinq mètres
environ. À l'intérieur, ils devaient rester debout, n'ayant pas de place pour s'allonger.
5°) Au niveau de l'encadrement du ski :
La société Henkel de Düsseldorf (Allemagne), dispose d'un club sportif « Ski Service » proposant aux
salariés de la société des séjours à Valmorel avec encadrement pour les guider et leur faire découvrir le
domaine skiable.
Wilhelm Beermann assurait cette activité d'encadrement du groupe depuis le dimanche. Ils les avaient
testés sur des pistes rouges. Ils avaient bien la technique, mais peu d'expérience de la poudreuse.
Il possède un diplôme d'instructeur de ski, carte de « Ski Ubungsleiter » de la « Deutsche Skiverband »
à l'appui. Toutefois, renseignements pris, il s'agirait d'une qualification fédérale, n'ayant pas de valeur
sur le plan professionnel. En effet, un guide allemand n'a rien à voir avec un guide français et n'a pas
de diplôme de haute montagne.
Le seul diplôme allemand reconnu en équivalence serait le « Staatlich Geprüfter Ski Lehrer », étant
précisé que le détenteur de ce document doit néanmoins faire une demande et une déclaration
d'activité à la Direction régionale de la jeunesse et des sports à Grenoble.
En outre, il s'avérait que Wilhelm Beermann n'était pas inscrit auprès du fichier ENSA des diplômés
étrangers habilités à travailler du ski en France.
En échange de la prestation d'encadrement, il déclare bénéficier d'avantages en nature au niveau du
logement, des forfaits et les repas lorsqu'ils sont pris avec le groupe offerts par Ski-Service. En fait, il
touche une participation à ses frais d'environ 120 Francs par jour, outre le logement et les forfaits qui
sont réglés par le « Sport Service Team ».
6°) Auprès de l'accompagnateur :
Selon lui, lorsqu'ils avaient pris le télésiège, le temps était nuageux et la visibilité bonne. Il avait pu
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voir des traces de ciel bleu à travers les nuages et pensait trouver le soleil au-dessus.
Mais, arrivés en haut, ils s'étaient retrouvés dans le brouillard, sans aucune visibilité. La neige
recouvrait alors la piste en haut sur une hauteur de 20 centimètres.
Ils étaient descendus jusqu'à l'intersection avec la piste noire, qui était fermée. Plus bas, la hauteur de
la neige était alors d'une quarantaine de centimètres et empêchait de ressentir la dureté de la piste.
Pour lui, la piste n'était pas sécurisée en raison du manque de visibilité. Les balises étaient trop
éloignées les unes des autres et les conditions de visibilité étaient exceptionnellement mauvaises.
Selon lui, il n'avait pas commis de faute.
(…)
Sur l'action publique :
Attendu que la contravention de blessures involontaires avec ITT inférieure à trois mois est prescrite
à raison du temps écoulé depuis le jugement sans acte interruptif de prescription ;
1°) Sur le délit d'absence de diplôme et de déclaration :
Attendu que l'incrimination sur laquelle repose le délit résulte des articles 43, 47-1 et 49 de la loi du
16 juillet 1984, modifiée par la loi du 13 juillet 1992 ;
Attendu que l'article 43 dispose que : « Nul ne peut enseigner, encadrer ou animer contre
rémunération une activité physique ou sportive, à titre d'occupation principale ou secondaire, de
façon régulière, saisonnière ou occasionnelle, ni prendre le titre de professeur, moniteur, éducateur,
entraîneur ou tout autre titre similaire, s'il n'est titulaire d'un diplôme inscrit, en fonction du niveau de
formation auquel il correspond et des professions auxquelles il donne accès sur une liste
d'homologation des diplômes des activités physiques et sportives. » ;
Attendu que l'article 47-1 vient indiquer qu'un décret en Conseil d'État fixe les conditions de
déclaration des diplômes à l'autorité administrative, avec intervention de la Direction de la Jeunesse
et des Sports ;
Attendu que l'article 49 de la loi dispose : « Quiconque exerce une activité d'enseignement,
d'encadrement ou d'animation d'une activité physique et sportive sans avoir procédé à la déclaration
requise en application de l'article 47-1, ... sera puni d'une amende de ... et d'un emprisonnement de ...
ou de l'une des deux peines seulement » ;
Attendu que le prévenu, contrairement à ses dires, se trouvait bien dans le cadre de cette loi ;
Attendu, en effet, qu'il effectuait les activités telles qu'elles se trouvent définies par l'article 43 de la
loi, à savoir enseignement, encadrement, animation ; que ces éléments résultent à la fois de l'analyse
des documents de l'association « Sport Service Team », faisant état d'accompagnateur et/ou de ski
guide se trouvant à la « disposition exclusive des clients de l'association », et à la fois des propres
dires de Wilhelm Beermann indiquant lui-même montrer la région à des groupes ;
Attendu, d'autre part, que le texte fait référence à l'existence d'une rémunération ; que si le prévenu
conteste toute rémunération, il convient de se demander alors quels étaient ses moyens de subsistance
pour vivre au quotidien, puisqu'il résulte de ses propres déclarations qu'il se trouvait à Valmorel
depuis environ un mois et qu'il était retourné en Allemagne pendant deux semaines avant de revenir
pour un certain temps sur Valmorel ;
Attendu qu'il apparaît difficile de pouvoir ainsi se contenter de se faire offrir le logement et les
forfaits, outre la somme forfaitaire de 120 Francs par jour pour les repas, uniquement « pour montrer
la région » ;
Attendu, en fait, qu'il existe un véritable contrat de travail souscrit entre l'accompagnateur et le
voyagiste ; que cela résulte d'un des témoignages présentés par les Sociétés Henkel et SFD'75, qui
faisait même état de la production d'un contrat similaire pour dégager sa responsabilité civile et
établir l'existence d'un lien juridique entre le prévenu et le voyagiste ; qu'il convient de constater que
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le contrat annoncé a été, en fait, retiré des documents produits ;
Attendu, en conséquence, qu'il ne fait aucun doute, qu'outre les avantages en nature, un salaire était
versé pour assurer la rémunération de l'intéressé ;
Attendu enfin, que l'intéressé exerçait bien son activité sur le territoire français ; que le texte prévoit
une activité aussi bien occasionnelle qu'habituelle ; que tel semblait bien le cas pour l'intéressé,
puisqu'il indiquait lui-même exercer cet encadrement depuis dix ans ;
Attendu qu'ainsi, les éléments constitutifs du texte se trouvent bien réunis ;
Attendu que le prévenu fait état de la possession de plusieurs diplômes, d'une part de « Skilehrer
Grundstufe », c'est-à-dire de moniteur de ski niveau de base autorisant le titulaire à donner des cours
de ski sous la direction d'un moniteur de ski, d'autre part de « Skiübungsleiter Oberstufe », c'est-à-
dire entraîneur de ski, et, enfin, de « Ski Instructor », c'est-à-dire instructeur de ski, documents
établissant ces qualifications à l'appui ;
Attendu, toutefois, que selon les investigations menées, le seul diplôme allemand reconnu,
susceptible de donner une équivalence immédiate est le « Staatlich Geprufter Ski Lehrer », avec
obligation de faire une demande et une déclaration d'activité auprès de la Direction départementale de
la jeunesse et des sports ;
Attendu que le prévenu soulève pour sa défense le non-respect des principes généraux de libre
circulation et d'implantation des ressortissants européens sur le territoire de la Communauté
européenne édictés par les articles 59 et 60 du Traité CEE et le non-respect de la Directive du 18 juin
1992 suite à l'accomplissement de formalités obligatoires pour les titulaires de diplômes constitutif,
selon lui, d'une discrimination pour les membres des États ressortissants par rapport aux nationaux ;
Attendu que le principe posé par ces textes ayant force obligatoire sur le territoire de la Communauté
européenne est la reconnaissance automatique des diplômes étrangers à partir du moment où il y a
satisfaction des « exigences minimales » ;
Attendu, toutefois, à ce niveau, que dans le cadre de la Directive, il s'avère que le seul diplôme
susceptible d'une reconnaissance automatique est le « Staatlich Geprufter Ski Lehrer », diplôme non
possédé par le prévenu ;
Attendu, ensuite, sur le caractère discriminatoire ou non de la déclaration nécessaire auprès des
autorités compétentes, conformément aux articles 49 et 47-1 de la loi du 16 juillet 1984, qu'il
convient de souligner que, dans le cadre d'une « activité professionnelle réglementée », activité
correspondant à celle examinée en l'espèce, rien n'interdit à un État membre de subordonner les
conditions d'exercice de cette activité à l'accomplissement de formalités par l'intéressé,à partir du
moment où n'ayant pas le diplôme requis, il entendait exercer son activité sur le territoire français,
même de manière occasionnelle, celles-ci étant de nature à permettre d'examiner l'équivalence des
diplômes ;
Attendu qu'il résulte de l'enquête que le prévenu non seulement n'avait pas le diplôme permettant
l'équivalence automatique, mais n'avait pas procédé à la déclaration lui incombant, et non à la société
l'employant, contrairement à ce qui est prétendu ; qu'il ne pouvait pas faire état d'une méconnaissance
des textes puisqu'il pratiquait cette activité depuis un certain nombre d'années, et, que, connaissant les
termes de la Directive de juin 1992, il ne pouvait pas, de ce fait, ne pas chercher à se renseigner sur
l'existence d'une telle formalité dans le pays d'accueil ;
Attendu, dès lors, qu'il y a lieu de rentrer en voie de condamnation à l'encontre du prévenu sur ce chef
;
2°) Sur les blessures involontaires supérieures à trois mois :
Attendu que pour retenir dans les liens de la prévention le prévenu sous la qualification de blessures
involontaires avec ITT supérieure à trois mois, il y a lieu d'examiner les éléments suivants constitutifs
de l'infraction, à savoir l'existence d'un dommage, d'une faute et d'un lien de causalité entre eux ;
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1 - Sur le dommage :
Attendu, sur le préjudice résulte de la durée de l'incapacité temporaire totale subie par Thomas
Grefges, supérieure à trois mois, fondant la poursuite ;
Attendu que le prévenu conteste la durée telle qu'elle a été fixée par le médecin expert désigné par le
Tribunal Correctionnel, le Professeur Meyer, du 12 février 1996 au 3 novembre 1996, arguant de
l'absence de lien entre les interventions médicales intervenues et les faits, de la définition de l'ITT et
du désistement de l'intéressé lors de l'audience du 20 octobre 1997 ;
Attendu que le Professeur Meyer indiquait dans son rapport, qu'à la suite des faits, Thomas Grefges
présentant des gelures bilatérales au niveau des pieds et des membres inférieurs avait été transporté
sur le Centre Hospitalier de Chambéry par hélicoptère ; qu'après deux jours, il était transféré en avion
sur l'Hôpital de Düsseldorf où il restait dix jours ;
Attendu que les soins avaient continué à être prodigués sous forme de perfusions d'héparine, tous les
deux jours en ambulatoire, pendant six mois, avec à compter de début mai 1996 une thérapie
d'infusion et une surveillance régulière des gelures, et enfin sous forme de séances de kinésithérapie
poursuivies en août 1996 ;
Attendu qu'il est fait état également de desquamations de la peau des pieds jusqu'en février 1997,
avec perte de tous les ongles de pieds ;
Attendu qu'après avoir énuméré ces éléments, le médecin, Professeur de surcroît, fixait alors la durée
de l'ITT ;
Attendu, sur l'argument du désistement de la partie civile que celui-ci ressort de la totale liberté de
décision de la victime qui a le droit de le faire sans en exposer les motifs, ce genre de décision étant,
en général, aidé par une indemnisation totale offerte par une compagnie d'assurances en échange d'un
retrait de la constitution de partie civile ;
Attendu sur l'argument de la définition pénale de l'incapacité totale de travail, qu'il n'est pas
contestable que la victime a été arrêtée sur le plan du travail pendant un minimum de six mois suite
aux faits, avec traitements conséquents suite aux gelures existantes ; qu'au surplus, le prévenu ne fait
état d'aucun élément médical permettant de contester sérieusement les éléments fournis par le
médecin-expert ;
Attendu, sur l'argument de l'absence de lien entre les problèmes du genou et les faits, que cette
critique semble pouvoir être retenue, compte tenu des antécédents médicaux de la victime, ayant subi
l'ablation des deux ménisques ; que, toutefois, compte tenu des soins prodigués pour les gelures
jusqu'en août 1996, cette appréciation n'empêche pas de retenir une durée d'ITT supérieure à trois
mois ;
Attendu qu'ainsi le dommage apparaît établi et la qualification sera maintenue sous le chef de
blessures involontaires avec ITT supérieure à trois mois ;
2 - Sur la faute :
Attendu que le prévenu conclut à la relaxe en s'appuyant à la fois sur les dispositions de l'article 121-
3 du Code pénal, prenant en compte l'accomplissement des diligences normales par l'auteur des faits,
compte tenu de ses missions ou fonctions, de ses compétences ou des pouvoirs ou moyens dont il
disposait, précisant que, selon lui, il a, à chaque étape des faits, pris la bonne décision, et, à la fois, sur
l'absence de faute susceptible de lui être reprochée ;
Attendu qu'il convient de rechercher si Wilhelm Beermann a ou non commis une faute lors de
l'encadrement du groupe ;
Attendu, au préalable, qu'il est pour le moins curieux qu'à aucun moment, le prévenu, qui se présente
comme un spécialiste de la montagne, n'ait fait état de la consultation du bulletin météorologique,
élément indispensable pour toute personne chargée d'encadrer une activité de groupe en montagne, et
permettant bien avant le départ d'évaluer les risques encourus pour la journée prévue ;
Attendu, ensuite, qu'il n'est pas contestable que le prévenu connaissait le domaine skiable, pour
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l'avoir pratiqué depuis une dizaine d'années, y compris sur les zones hors pistes, reconnaissance faite
lors de sa déclaration sur les faits, lorsqu'il avait parlé de l'arrivée du groupe sur deux gros rochers ;
Attendu, sachant cela, qu'il convient de s'interroger sur la réalité de la perte du chemin par
l'accompagnateur, compte tenu des propos du directeur des pistes, indiquant « qu'une personne qui dit
connaître parfaitement la piste rouge qui descend de La Lauzière ne pouvait pas, vu les conditions
météo ce jour-là, sortir de la piste par inadvertance » ;
Attendu que ce dernier poursuit : « en particulier, après la balise 13, la piste bifurque, mais nous
avons mis en dehors de la piste un panneau indiquant le danger des barres rocheuse, même si le
groupe était sorti là, il aurait du être alerté par le panneau et ne pas poursuivre » ;
Attendu que cette déclaration est à rapprocher de celle de Margit Eiken qui inquiète de se trouver
dans la poudreuse, interroge le prévenu pour savoir s'il n'était pas préférable de revenir vers le
télésiège et se voit répondre par Wilhelm Beermann qu'il savait où il était, qu'il fallait continuer sur la
droite en longeant une barre rocheuse et qu'il fallait le suivre ; que, quelque temps après, ayant aperçu
un panneau de marquage, le prévenu lui avait dit de ne pas y aller, s'agissant de rochers et d'une zone
dangereuse ;
Attendu qu'ainsi, il s'avère que non seulement le panneau était visible, mais qu'il a été vu et que
Wilhelm Beermann connaissait alors parfaitement sa signification ;
Attendu qu'il convient de ne pas oublier qu'une personne de nationalité danoise a descendu
précisément la même piste rouge avec un groupe de cinq personnes, pratiquement au même moment
que le groupe des huit, et a pu arriver en bas de la piste sans encombre, allant même jusqu'à dire « je
n'ai rencontré aucun problème pour trouver mon chemin » ;
Attendu, enfin, que le télésiège ayant fermé, les employés ont comme à chaque fois descendu les
pistes pour « balayer » celles-ci et vérifier l'absence de toutes personnes perdues, élément que ne peut
pas ignorer une personne connaissant la pratique des stations ; que dès lors, si le groupe était perdu
dans le brouillard, il lui était toujours possible de revenir sur ses pas pour attendre ceux-ci ;
Attendu, par ailleurs, qu'il est intéressant de noter que deux témoins ont fait état de propos tenus par
le prévenu le matin sur le ski en neige profonde ;
Attendu que, d'une part, Almut Hoppner indique « qu'au cours de cette matinée, Willy nous a fait
faire des mouvements pour skier en neige profonde », avant de citer : « Il m'a même précisé que la
neige était bonne aujourd'hui pour apprendre aux débutants à skier en neige profonde » ;
Attendu, d'autre part, que Thomas Grefges fait état d'une proposition du prévenu au cours de la
matinée, juste avant de monter à La Lauzière, demandant « si nous voulions skier dans la neige
profonde » ;
Attendu que l'étude de la force du groupe permet de constater que la plupart d'entre eux n'était pas du
tout habitué à la pratique du ski en neige poudreuse, et que pour effectuer des virages, certains se
couchaient dans la neige ;
Attendu que ces éléments sont à rapprocher de la déclaration du responsable des montées de La
Lauzière, selon laquelle l'itinéraire hors piste pour rejoindre Valmorel par la combe de La Rave est
courant, et s'effectue, soit directement depuis le sommet de la Lauzière, soit « en partant plus bas,
mais cela oblige à partir très à gauche avec un faible dénivelé », terrain idéal pour débuter le ski en
neige poudreuse ;
Attendu, par ailleurs, que les conditions météo n'étaient alors pas si mauvaises que cela, permettant
en cela d'écarter le cas évoqué de force majeure résultant des conditions atmosphériques, la situation
ayant pu, au demeurant, être évitée par une lecture du bulletin météo, exactement comme l'ont fait les
employés du télésiège ;
Attendu que, certes, si au sommet du télésiège, la visibilité était réduite, 15 à 20 mètres selon les
témoins, le vent était fort, la neige tombait et le temps était mauvais, par la suite, il ressort de la
procédure l'existence d'une alternance de brouillard et de bonne visibilité au cours de la descente sur
la piste ;
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Attendu qu'il convient de rappeler que lorsque le groupe se trouve vers la barre rocheuse, au-dessus
de la piste qu'il aurait dû prendre, il est en mesure de la voir, ce qui correspond alors à une visibilité
d'une centaine de mètres selon les connaisseurs ;
Attendu qu'un des membres du groupe, Margit Eiken, au sommet du télésiège, ayant fait part au
prévenu de son inquiétude devant les conditions météo, il lui avait répondu qu'il connaissait la piste et
qu'il n'y avait pas de difficultés ;
Attendu que si les conditions avaient été si mauvaises, il aurait alors prescrit au groupe de descendre
lentement et de s'attendre, ce qui ne s'est pas passé, surtout au moment du fameux virage sur la
gauche, où le groupe s'est rapidement trouvé séparé en deux, l'un restant là et se posant la question de
ce qu'il convenait de faire, et l'autre suivant Wilhelm Beermann ;
Attendu, en effet, qu'il est significatif que l'ensemble des skieurs fait état d'une brusque différence de
hauteur de neige, passée de la hauteur de la chaussure à celle du genou ; que cette constatation était
sans aucun doute possible le signe visible que la piste était quittée et que le groupe pénétrait dans une
zone de neige poudreuse, d'autant que selon Olivier Gayk, il existait à ce moment trois piquets
rouges, sur la droite ou sur la gauche ; que là encore, ces panneaux ne pouvaient pas ne pas être
interprétés par un fin connaisseur de la piste avec dix années d'expérience, perdu de surcroît ;
Attendu qu'il est pour le moins curieux que l'accompagnateur n'ait pas alors tiré toutes les
conséquences sur ce changement de hauteur de neige, surtout si l'on suit ses déclarations sur une perte
d'orientation du groupe ; que sa réponse selon laquelle il n'avait pas pu en tirer des indications, alors
que tous les néophytes s'en sont aperçus, démontre soit une absence totale de qualification en matière
de neige, soit l'existence d'une intention inavouée, faire faire au groupe de la neige poudreuse, malgré
lui, pour lui en faire apprécier les plaisirs, étant précisé que le prévenu connaissait cette possibilité de
descente ;
Attendu, en outre, qu'il résulte des éléments de la procédure qu'à ce même endroit, des membres du
groupe ont pu voir d'autres personnes descendre la piste sur la droite, alors que le groupe obliquait à
gauche, et interroger alors le prévenu, à deux reprises sur sa certitude d'être sur le bon chemin,
(témoignages de Thomas Grefges, Margit Eiken, Tony Tsu) ; que le prévenu a persisté dans la
répétition de sa connaissance de la piste ; qu'à ce moment-là, il était encore possible à Wilhelm
Beermann de faire marche arrière et de redresser la situation ;
Attendu qu'il existe ainsi de très sérieuses interrogations sur les explications fournies quant à une
éventuelle perte du chemin à raison des conditions climatiques ; que cet aspect n'a pas échappé aux
enquêteurs puisqu'ayant posé la question précise à un membre du groupe, Tony Tsu, celui-ci
répondait « Je ne sais pas s'il est volontairement sorti de la piste » ;
Attendu, en conséquence que Wilhelm Beermann a commis, en tant que spécialiste, une faute
manifeste d'appréciation de l'itinéraire à suivre, constitutive d'une faute d'imprudence et de
maladresse en emmenant son groupe, d'un niveau moyen, qui avait placé sa confiance en lui, sur une
zone dangereuse en dehors de la piste normale, en se trompant d'itinéraire pour l'avoir fait tourner
trop tôt sur la gauche et en refusant de prendre en compte les interrogations des membres de son
groupe au prétexte qu'il connaissait parfaitement la station, refusant ainsi de se remettre en cause, et
ce, alors que la connaissance de la météo concernant l'évolution des conditions climatiques était
connue ;
Attendu qu'il convient de ne pas oublier que cette faute de maladresse et d'imprudence aurait pu avoir
une issue beaucoup plus dramatique pour les membres de ce groupe, compte tenu des conditions
climatiques qui sont venues se rajouter sur ce drame, empêchant les secours d'intervenir avant le
deuxième jour ;
Attendu que par la suite, il est certain que les capacités physiques du prévenu lui ont permis d'assurer
la mise en route des secours et que son comportement lors des tentatives de récupération des
membres du groupe ne souffre d'aucune critique ;
60
Sur le lien de causalité :
Attendu que la jurisprudence a retenu la théorie de « l'équivalence des conditions » ; qu'ainsi doit être
retenue toute faute qui a concouru à la réalisation du dommage ;
Attendu qu'il s'avère, en l'espèce, que la faute commise par l'accompagnateur a bien participé à la
réalisation du dommage visé, même si celui-ci a été ensuite aggravé par les conditions climatiques
difficiles ultérieures ;
Attendu, dès lors, que la responsabilité du prévenu dans la survenance des dommages ne faisant
aucun doute, il sera retenu dans les liens de la prévention sous la qualification de blessures
involontaires supérieure à trois mois et la peine prononcée sera confirmée ;
II - Sur la mise en cause des civilement responsables :
Attendu que les sociétés Henkel et SFD'75 se sont vues déclarées civilement responsables du prévenu
dans la première décision ;
Attendu, toutefois, que se pose la question de l'existence d'un lien juridique entre le prévenu et les
sociétés Henkel et SFD'75 ;
Attendu, en effet, qu'il apparaît que la Société Henkel, à travers son comité d'entreprise et la Société
SFD'75, ont créé une nouvelle entité juridique, dénommée association « Sport Service Team », ayant
pour objet l'organisation des activités sportives, pour les salariés des sociétés, notamment au niveau
du ski ;
Attendu qu'il est indiqué que cette association a contacté un agent de voyage, Monsieur Udo Pochert,
chargé de mettre en place le séjour à Valmorel moyennant une somme forfaitaire incluant les frais de
nourriture, d'hébergement, de forfaits de ski et d'encadrement ; qu'il est indiqué que les fonds versés
pour les séjours étaient encaissés par lui ;
Attendu que s'il ressort de la propre documentation de « Sport Service Team », l'existence de
prestations comprenant des « ski guides » et des » Reiseleitern », c'est-à-dire des guides de skis et des
accompagnateurs, « à la disposition exclusive des clients de « Sport Service Team », il résulte des
propres déclarations de Wilhelm Beermann qu'il avait été contacté par le voyagiste pour procéder à
l'accompagnement des membres du groupe, en échange de l'hébergement et du forfait gratuits ;
Attendu, en fait, que le voyagiste souscrit un contrat de travail avec les accompagnateurs ski et ski
guides ; que cela résulte de l'attestation fournie par le gérant de SFD'75, qui avait joint à celle-ci la
copie d'un tel contrat concernant un accompagnateur ski et ski guide Olivier Schafhausen, laquelle
copie n'a finalement pas été jointe aux documents versés, malgré son existence dûment signalée dans
les conclusions ;
Attendu, en conséquence, que le prévenu ne possédant de liens juridiques qu'avec le seul voyagiste, et
non avec les sociétés initialement retenues dans la première décision, il ne saurait n'y avoir lieu à
retenir leurs responsabilités civiles ;
Attendu, dès lors, qu'elles doivent être mises hors de cause, d'autant que le voyagiste aurait lui même
remboursé les frais de secours déboursés, semblant confirmer par là la réalité du lien juridique
existant entre lui et le prévenu Wilhelm Beermann ;
Par ces motifs :
La Cour,
Statuant publiquement, après en avoir délibéré conformément à la loi et contradictoirement
Déclare les appels recevables.
Au fond :
Constate la prescription de la contravention de blessures involontaires avec ITT inférieure à trois mois.
61
CONFIRME le jugement du Tribunal Correctionnel d'Albertville en date du 20 octobre 1997 sur la
déclaration de culpabilité (blessures involontaires avec ITT supérieure à 3 mois et enseignement,
encadrement ou animation d'une activité physique et sportive sans déclaration), sur la peine prononcée
à l'encontre de Wilhelm Beermann et sur l'action civile ;
Y ajoutant et statuant à nouveau :
Constate l'absence de liens juridiques entre le prévenu et les sociétés Henkel et SFD'75.
Met hors de cause lesdites sociétés de la présente affaire.
Dit que la présente décision est assujettie à un droit fıxe de procédure d'un montant de 800 Francs dont
est redevable Beermann Wilhelm.
Fixe la contrainte par corps, s'il y a lieu, conformément aux dispositions de l'article 750 du Code de
Procédure pénale.
Le tout en vertu des textes susvisés ».
62
ANNEXE 19
Cour d’appel de Pau, 13 janvier 1998, « Dauriac-Orus », ANENA, Jurisque
Extraits : « (…)
L'arrêté du Maire d'ARAGNOUET en date du 20 novembre 1996 relatif à la sécurité sur les pistes de
ski alpin dispose :
- article 6 :
"Les zones ou les points dangereux traversés par les pistes balisées ou situées à leur proximité, sont
signalisées. Cette signalisation est constituée par des panneaux triangulaires à fond de couleur jaune et
dessin noir, puis par des jalons de couleur jaune et noire" ;
- article 7 :
"Les skieurs ne sont autorisés à emprunter le parcours d'une piste de ski que si celle-ci a été déclarée
ouvertes :
- article 9 :
"En cas de risques d'avalanche ou si les conditions météorologiques ou l'état de la neige ne permettent
plus d'assurer la sécurité des skieurs, la piste doit être immédiatement déclarée fermée dans les
conditions prévues aux articles 6 et 7" ;
(…)
Par ailleurs, il est établi par l'enquête de gendarmerie que le bulletin d'alerte diffusé par Météo France
prévoyait pour le 5 janvier un risque d'avalanche 5 sur l'échelle européenne, c'est à dire un risque
maximal (très fort), ce risque étant descendu à 4 en cours d'après-midi (fort), le bulletin d'alerte pour
de très forts risques d'avalanches n'ayant été clôturé que le dimanche 5 janvier 1997 à 1 5 heures ;
En outre, il résulte de l'audition de M. P... R..., conducteur de Télésiège à PIAU ENGALY, que celui-
ci a mis en garde les deux prévenus le 5 janvier 1997 des risques qu'ils encouraient et faisaient
encourir aux autres en empruntant un secteur interdit ;
X.... a été entendu par les gendarmes le 6 janvier 1 997 ; il n'a pas hésité, néanmoins, à emprunter le
lendemain la même piste qui était toujours fermée en raison du risque persistant d'avalanche (indice 3
sur l'échelle à 5 niveaux en dessous de 2100 m et indice 4 au-dessus de 2100 m) ;
Outre leurs moyens de défense devant le tribunal consistant à prétendre qu'ils n'auraient pris aucun
risque car ils auraient vérifié l'absence de toute autre personne avant de s'engager sur le secteur hors-
piste litigieux, X.... et Y... font valoir devant la Cour, pour solliciter leur relaxe :
- que le télésiège du CLOT qu'ils ont emprunté desservait des pistes fermées et que deux pisteurs qu'ils
ont rencontré à l'arrivée de cette remontée mécanique ne leur avaient pas imposé de bifurquer vers une
piste ouverte,
- que la coulée de neige n'est pas arrivée sur une piste skiable, qui de toute façon était fermée,
- qu'il n'y avait personne sur les pistes fermées, de telle sorte que l'élément matériel de l'infraction
reprochée ferait défaut,
- que la preuve de l'élément intentionnel n'est pas rapportée ;
Cependant, pour entrer en voie de condamnation, les premiers juges ont retenu à juste titre qu'en
enfreignant délibérément un arrêté municipal qui a notamment pour objet la protection physique des
usagers du domaine skiable de PIAU ENGALY, alors que le risque d'avalanche était élevé, et que la
63
configuration de la piste ne leur permettait pas d'apprécier la présence ou l'absence d'autres usagers,
les prévenus ont bien commis le délit qui leur est reproché ;
(…)
Il convient d'y ajouter que la qualité de pratiquants expérimentés de la montagne des deux prévenus
nécessairement mieux informés que des usagers occasionnels des conséquences dommageables que
peut entraîner une avalanche de neige fraîche par rupture de plaque a accru leur conscience d'avoir
directement exposé autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures, sachant que sur la piste bleue
du BADET et sur la piste du SOULECOU, situées en contrebas qui ont été traversées par l'avalanche,
pouvaient survenir sinon des skieurs ou surfeurs en raison de la fermeture de ce secteur, où d'autres
contrevenants ont néanmoins laissé des traces de passage, du moins des pisteurs travaillant sur le site ;
Il convient donc de confirmer la décision entreprise sur la qualification des faits et la déclaration de
culpabilité ;
Les sanctions prononcées apparaissent adaptées dans leur principe à la nature et à la gravité des faits
ainsi qu'à la personnalité des prévenus ;
Toutefois, il convient d'aggraver la peine d'amende prononcée à l'encontre de X...., compte tenu de la
réitération délibérée de l'infraction commise par lui le 7 janvier 1997 alors qu'il avait été entendu et
mis en garde à la suite des faits du 5 janvier 1 997 ;
(…)
Par ces motifs,
La Cour,
Statuant publiquement et contradictoirement,
Déclare les appels recevables en la forme ;
Au fond :
Confirme le jugement du tribunal correctionnel de TARBES du 1er juillet 1997 dans toutes ses
dispositions, sauf à porter la peine d'amende prononcée à l'encontre de X.... à 8 000 F et à reporter aux
mois de février et mars 1998 l'affichage de la décision déférée aux billetteries de la station de PIAU
ENGALY.
(…)."
64
ANNEXE 20
Cour de cassation, 9 mars 1999, « Dauriac-Orus », n° 98-82269
Extraits : « (...)
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article 223-1 du Code pénal, violation de
l'article 1382 du Code civil et de l'article 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que les prévenus ont été déclarés coupables du délit de mise en danger et en répression
condamnés à des peines d'amende ;
(…)
"qu'il n'est pas contesté que l'arrêté du maire susvisé a été régulièrement publié, que les prévenus
reconnaissent par ailleurs avoir vu le panneau et les cordes interdisant l'accès au secteur Lagopèse-
Soulecou qu'ils ont franchi en toute connaissance de cause ;
que par ailleurs, il est établi par l'enquête de gendarmerie que le bulletin d'alerte diffusé par Météo
France prévoyait pour le 5 janvier un risque d'avalanche 5 sur l'échelle européenne, c'est à dire un
risque maximal (très fort), ce risque étant descendu à 4 en cours d'après-midi (fort), le bulletin d'alerte
pour de très forts risques d'avalanches n'ayant été clôturé que le dimanche 5 janvier 1997 ;
qu'en outre, il résulte de l'audition de P... R..., conducteur de télésiège à Piau Engaly, que celui-ci a
mis en garde les deux prévenus le 5 janvier 1997 des risques qu'ils encouraient et faisaient encourir
aux autres en empruntant un secteur interdit ;
que .... a été entendu par les gendarmes le 6 janvier 1997 ; qu'il n'a pas hésité, néanmoins, à emprunter
le lendemain la même piste qui était toujours fermée en raison du risque persistant d'avalanche (indice
3 sur l'échelle à 5 niveaux en dessous de 2100 mètres et indice 4 au-dessus de 2100 mètres) ;
(…)
"et aux motifs des premiers juges que les prévenus reconnaissent avoir enfreint cet arrêté mais
prétendent n'avoir pris aucun risque car ils auraient vérifié l'absence de toute autre personne et avoir un
niveau en ski suffisant pour leur permettre d'apprécier la visibilité ;
(…)
que les prévenus reconnaissent par ailleurs avoir vu le panneau et les cordes interdisant l'accès à la
piste du Soulecou ;
(…)
qu'il n'a pas hésité néanmoins à emprunter le lendemain la même piste qui était toujours fermée en
raison du risque persistant d'avalanche ;
que, dès lors, en enfreignant en pleine connaissance de cause un arrêté municipal qui a notamment
pour objet la protection physique des skieurs cependant que le risque d'avalanche était très fort et que
la configuration de la piste ne leur permettait pas, contrairement à leurs affirmations, d'apprécier la
présence ou l'absence d'autres usagers, les prévenus ont bien commis le délit qui leur est reproché ;
"alors que, d'une part, dans leurs conclusions d'appel visées par la Cour, les prévenus insistaient sur le
fait que la violation de l'obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le
règlement doit être "manifestement délibérée", en sorte que le juge appelé à mettre en oeuvre l'article
223-1 du Code pénal doit se placer dans une position telle qu'avant toute condamnation, "il doit
s'assurer qu'il y a eu de la part du contrevenant une volonté manifestement délibérée de mettre en
65
danger la vie d'autrui ou d'entraîner des mutilations graves ou une infirmité permanente" (cf. p.11 des
conclusions d'appel) ;
qu'en se bornant à constater que les prévenus avaient enfreint délibérément un arrêté municipal sans
relever que c'est de façon manifestement délibérée qu'ils ont entendu violer les obligations
particulières de sécurité, avec pour corollaire la conscience de mettre en danger la vie d'autrui ou
d'entraîner des mutilations graves, la Cour ne justifie pas légalement son arrêt au regard des textes
cités au moyen ;
"et alors que, d'autre part, il était encore soutenu dans les écritures d'appel que les prévenus, eu égard
aux circonstances particulières de l'espèce qu'ils avaient relatée, n'avaient pas eu la conscience de
mettre en danger la vie d'autrui, ni d'occasionner des risques à autrui (cf. p.14 des conclusions), en
sorte qu'on ne pouvait leur imputer une volonté manifestement délibérée de mise en danger au sens de
l'article 223-1 du Code pénal ;
qu'en ne s'expliquant pas sur cette articulation des écritures, la Cour ne justifie pas légalement son
arrêt" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que X.... et Y... ont provoqué une avalanche, dans une station de
sports d'hiver, en pratiquant le "surf" sur une piste interdite par un arrêté municipal pris pour la
sécurité des skieurs ;
que X.... a récidivé deux jours plus tard ; que tous deux sont poursuivis pour mise en danger délibérée
d'autrui ;
Attendu que, pour déclarer les prévenus coupables des délits reprochés, la cour d'appel retient que les
services météorologiques signalaient, le jour des premiers faits, un risque maximum d'avalanche :
qu'elle relève que les intéressés, pratiquants expérimentés, se sont engagés sur une piste barrée par une
corde et signalée par des panneaux d'interdiction réglementaires, en dépit d'une mise en garde du
conducteur du télésiège ;
qu'elle ajoute que les deux "surfeurs" n'avaient pas une vue globale du site et que la coulée de neige est
passée à proximité d'un groupe de pisteurs ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, procédant d'une appréciation souveraine, la cour d'appel a justifié sa
décision au regard de l'article 223-1 du Code pénal, sans encourir le grief allégué ;
Qu'en effet, l'élément intentionnel de l'infraction résulte du caractère manifestement délibéré de la
violation d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement,
de nature à causer un risque immédiat de mort ou de blessures graves à autrui ;
Que le moyen, dès lors, doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme -
REJETTE les pourvois.
(...)."
66
ANNEXE 21
Cour d’appel de Chambéry, 11 juin 1997, « Gasser », ANENA, Jurisque
Extraits : « (…)
que V.... a à son tour entrepris la descente mais s'est arrêté face à son compatriote pour regarder la
caméra en faisant des grands signes avec ses bras ; que c'est à ce moment-là et alors que F... démarrait
que l'avalanche s'est déclenchée emportant et ensevelissant V.... ;
que celui-ci a pu être dégagé et réanimé mais est décédé quelques jours plus tard le 29 janvier 1994 à
l'hôpital ;
Attendu que le haut de la combe est équipé d'un câble transporteur d'explosifs et que cette même
combe se termine sur un paravalanche qui protège la route conduisant à la station de Tignes ;
que le dernier bulletin météorologique neige et avalanches publié le 26 janvier 1994 dans l'après-midi
mentionnait un risque 3 : risque marqué sur tous les massifs ;
que s'agissant de l'état du manteau neigeux ce mercredi 26 janvier en mi-journée, il indiquait que juste
sous la couche la plus superficielle, la neige récente avait subi une humidification assez importante
jusqu'à plus de 2 000 mètres et que le froid qui s'installait progressivement commençait à peine à
durcir ces couches humidifiées, qu'à toutes altitudes, la neige subissait depuis le matin l'action des
forts vents de nord-ouest qui constituaient de nouvelles plaques s'ajoutant aux vieilles encore en place
;
qu'il prévoyait jusqu'à jeudi soir de possibles départs naturels de neige dans de nombreuses pentes en
particulier au-dessous de 2200 mètres, que plus haut le danger viendrait surtout de plaques à vent, que
des déclenchements accidentels étaient à craindre même par faible surcharge notamment près des
crêtes ainsi que dans les pentes à l'abri des vents de nord-ouest ;
Que le bulletin du jeudi après-midi 27 janvier fournissait pour cette journée des informations
conformes aux prévisions ;
Que le but des bulletins neige avalanches n'est pas d'interdire ou d'autoriser la pratique de la montagne
mais de fournir à l'usager des éléments lui permettant d'adapter son itinéraire et son comportement aux
conditions de neige et aux risques prévus ;
(…)
Qu'en outre, les quatre personnes que X.... accompagnait étaient des skieurs de haut niveau qui
connaissaient de surcroît l'itinéraire qu'ils suivaient pour l'avoir déjà pratiqué , que V.... avait l'habitude
depuis de nombreuses années de pratiquer le ski hors pistes avec ce moniteur guide de haute montagne
au moins à raison d'un séjour annuel ;
que X.... n'avait donc pas affaire à des novices en la matière et que V...., même s'il n'était pas censé
avoir le professionnalisme de celui-ci, n'ignorait nullement qu'il évoluait hors pistes puisque tel était
précisément son objectif, ni d'ailleurs les conditions météorologiques, ce qui implique certains risques
et certaines précautions, ni enfin la configuration des lieux ;
Que par ailleurs, si l'accident s'est produit sur le secteur hors pistes de Tignes, il existait néanmoins des
pistes et une route non loin , le lieu était qualifié de difficultés moyennes par les CRS c'est à dire à la
portée des clients de X.... et du niveau de V.... ;
Que le Tribunal a enfin relevé à juste titre que, d'après les photographies prises par les gendarmes, le
tracé de X.... était parfaitement conforme aux risques que présentait la pente empruntée puisque cette
trace est continue, sur le bord de la pente, c'est à dire en un lieu qui permet d'échapper rapidement à
une éventuelle coulée de neige, que tel n'était pas le cas du parcours de V.... qui, ayant effectué sa
descente davantage au centre de la pente, s'était arrêté pour faire des signes avec ses bâtons à son ami
qui le filmait, ce qui l'avait empêché de se rendre compte du déclenchement de l'avalanche et de
rapidement se dégager ;
67
que T.... a en effet déclaré : "V.... regardait l'objectif et n'a rien vu venir" ;
qu'il ne peut à cet égard être reproché à X.... de n'avoir pas interdit à V.... cet arrêt qui n'était pas prévu
puisque T...., qui se trouvait, quant à lui, arrêté dans un endroit parfaitement sécurisé, devait filmer la
descente de chacun des membres du groupe ; et qu'il apparaît que s'il avait été normalement vigilant,
V.... aurait pu s'échapper à temps ; qu'au surplus, à partir du moment où il s'est inopinément arrêté, les
évènements se sont déroulés de manière trop rapide pour que X.... ait pu réagir à cet arrêt inopiné de
manière directe et efficace.
Que lors de l'avalanche, X... a pu suivre la trajectoire de V.... et qu'à l'arrêt de celle-ci, il a vu la
chaussure de la victime qui bougeait ; que T.... a confirmé que V.... avait été complètement enseveli
sauf un pied qui dépassait de la neige que V.... n'a donc à aucun moment été perdu de vue et qu'il n'a à
aucun moment été nécessaire de rechercher où il pouvait se trouver; qu'ainsi, si X.... a bien commis
une faute regrettable pour un moniteur de ski et guide professionnel en emmenant un groupe hors
pistes sans être muni d'un appareil ARVA, cette faute est inopérante puisque sans lien de cause à effet
avec le décès de V.... que X.... a toujours eu dans son champ de vision ;
(…)
Qu'ainsi il n'est pas caractérisé de fautes à la charge de X...., ni en ce qui concerne la conduite de la
sortie de ski hors pistes, ni en ce qui concerne la mise en œuvre du secours à apporter à V.... après
l'avalanche,
qu'il y ait un lien direct et formellement établi de cause à effet avec le décès de celui-ci ;
que le tribunal a à bon droit renvoyé X.... des fins de la poursuite sans peine ni dépens;
(…)".
68
ANNEXE 22
Tribunal correctionnel d’Albertville, 13 janvier 1997, « Pollet-Givois-Perrier-Arene »,
ANENA, Jurisque Extraits : « (…)
Les circonstances de ce déclenchement sont les suivantes : Arrivés au sommet de la Face Nord de
Bellecôte, les trois personnes précitées trouvent une pente qui leur semble praticable.
Toutefois, une corniche en barre l'accès. Ils décident alors de concert de faire partir cette corniche afin
de sécuriser leur descente.
Ils remarquent la présence de skieurs (groupe X....) qui se trouvent en aval à mi-pente. Ils attendent
que ceux-ci soient suffisamment éloignés à leur avis (un peu plus de 2 km) pour casser la corniche.
La corniche cède et forme une coulée de faible importance.
La surcharge et l'effet de résonance occasionnés par la petite coulée due à la rupture de la corniche
désolidarisent une très grosse plaque se trouvant 80 mètres en aval.
Cette avalanche de très grande importance va parcourir une grande distance et ensevelir trois
personnes du groupe de Monsieur X.... comme il a été précédemment indiqué.
Les fautes : - X.... :
Il est reproché à X.... d'avoir emmené les trois victimes hors piste malgré les prévisions nivologiques
très défavorables (4/5 risque fort d'avalanche au passage des skieurs, le manteau neigeux restant
sensible à toute surcharge même faible, ces avalanches pouvant prendre parfois de l'ampleur en
emportant une bonne partie du manteau neigeux en place et en parcourant un bon dénivelé (-cf
bulletins de Météo France Centre de BOURG SAINT MAURICE des 21 et 22 Février 1996-)).
Toutefois, il y a lieu de relever qu'en l'occurence la cause directe et certaine de l'avalanche est l'action
volontaire des prévenus Y...., Z.... et W...., lesquels se trouvaient à plus de 3000m d'altitude sur un
itinéraire plus difficile, alors que le groupe X.... achevait sa descente à 1770 m d'altitude seulement
dans un secteur en pente douce de l'itinéraire classique et ne présentant pas de difficultés majeures -
quoique hors-piste- de la Petite Face Nord de Bellecôte.
Dans ces circonstances, il ne peut être fait grief à X.... de ne pas avoir prévu que des professionnels,
dont il ignorait la présence, apercevant son groupe en aval, prendraient délibérément le risque de
déclencher une avalanche.
Dès lors, il y a lieu de renvoyer X.... des fins de la poursuite, aucune faute en relation directe et
certaine avec l'accident n'étant établie à sa charge.
- Messieurs Y...., Z.... et W.... :
Ces trois professionnels expérimentés avaient connaissance des conditions nivologiques
défavorables précitées, notamment de ce que les avalanches pouvaient prendre parfois de l'ampleur
en emportant une bonne partie du manteau neigeux en place et en parcourant un bon dénivelé. Ils se
trouvaient sur un itinéraire difficile.
Ils ont néanmoins pris le risque de casser une corniche alors qu'ils voyaient des skieurs en aval,
certes à bonne distance (un peu plus de deux kilomètres), mais encore sur la trajectoire possible de
l'avalanche.
Ce faisant, ils ont commis une faute d'imprudence en relation directe et certaine avec l'accident.
Ils seront donc retenus dans les liens de la prévention.
En répression, il y a lieu de les condamner chacun à une peine de un mois d'emprisonnement
assorti du sursis pour le délit ainsi qu'à une amende de 5.000,00 F pour la contravention.
Sur la responsabilité civile : Aucune faute n'ayant été retenue à la charge de X...., il y a lieu de rejeter les demandes formées à son
encontre par les parties civiles.
69
Comme il a été déjà indiqué précédemment, l'avalanche a été provoquée par une action volontaire de
Messieurs Y...., Z.... et W...., lesquels se trouvaient à plus de 3000 m d'altitude sur un itinéraire plus
difficile, alors que les victimes achevaient leur descente à 1770 m d'altitude seulement dans un secteur
en pente douce d'un itinéraire -certes hors-piste- mais classique et ne présentant pas de difficultés
majeures.
Dans ces circonstances, il ne peut être fait grief aux victimes, même skieurs confirmés pratiquant le
hors-piste et connaissant les conditions nivologiques défavorables, de ne pas avoir prévu que des
professionnels, dont ils ignoraient la présence, les apercevant en aval, prendraient tout de même le
risque de déclencher une avalanche.
Dès lors, si Messieurs Y...., Z.... et W.... ont commis une faute d'imprudence génératrice du dommage,
en revanche aucune faute en relation directe et certaine avec l'accident ne peut être mise à la charge
des victimes.
En conséquence, il y a lieu de déclarer Messieurs Y...., Z.... et W.... entièrement responsables des
préjudices subis par les parties civiles ».
70
ANNEXE 23
Cour d’appel de Chambéry, 29 octobre 1997, « Nicolas », ANENA, Jurisque
Extraits : « (…)
- Qu'à un endroit où il y a une grosse cuvette naturelle, X.... a infléchi sa course à gauche pour passer à
côté de celle-ci, qu'V... ne l'a pas suivi et a pris la direction de la cuvette, qu'elle s'est retrouvée dans la
pente amont de la cuvette et a chuté, que tandis qu'elle se relevait, le manteau neigeux au-dessus d'elle,
à environ deux mètres, s'est rompu, provoquant une coulée qui l'a ensevelie au fond du trou ;
- Que X.... a immédiatement déclenché l'alerte par radio, qu'il est descendu au fond du trou, à l'endroit
où il avait vu A...pour la dernière fois, a balisé l'endroit avec un bâton de ski en considérant le
déplacement de la coulée, a entamé des recherches infructueuses avec l'autre bâton, puis est sorti du
trou pour être à la vue des secours, en prenant des positions de détresse ;
- Que les pisteurs à leur arrivée ont localisé V..., l'ont dégagée, mais n'ont pu la sauver ;
Attendu s'agissant du délit d'atteinte involontaire à la vie, que l'article 221-6 alinéa 2 du code pénal
exige un manquement délibéré à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou les
règlements ;
que le tribunal a à bon droit décidé que cette infraction n'était pas constituée ;
Attendu s'agissant du délit d'homicide involontaire, qu'il est constitué par le fait de causer la mort à
autrui par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de
sécurité ou de prudence imposée par la loi ou les règlements ;
Attendu qu'il est constant qu'V... faisait appel depuis plusieurs années aux services de X.... en tant que
moniteur car elle appréciait son sérieux et ses qualités professionnelles dont plusieurs témoins attestent
d'ailleurs, qu'elle était en outre une skieuse compétente et que son niveau technique lui permettait de
pratiquer sans problème l'itinéraire sur lequel elle a trouvé la mort ;
Qu'il est indiqué par les gendarmes que cet itinéraire situé dans un secteur hors piste est classique, qu'il
est largement emprunté par les skieurs de tous niveaux (d'où son nom "la Familiale ») ;
qu'il ne présente aucune difficulté technique, qu'hormis des conditions de neige défavorables, le
cheminement ne présente pas de risque particulier et ne demande pas aux skieurs une technique
pointue (absence de pentes extrêmes ou présence de barres rocheuses) ;
qu’il est assimilable à une piste de fait, que les pentes supérieures de l'endroit où a eu lieu l'avalanche
ne sont pas sécurisées, ceci n'étant pas prévu dans le Plan d'Intervention de Déclenchement des
Avalanches (PIDA) de la station, et que ce secteur n'est pas répertorié de type avalancheux ;
Que si le bulletin météorologique du jour même de l'accident à 15 H 30 faisait état sur tous les massifs
de la Savoie d'un risque 4 c'est à dire d'un risque fort, le dernier bulletin dont X.... pouvait avoir
connaissance est celui du Vendredi 30 décembre 1994 où l'estimation des risques valable jusqu'au
samedi 31 au soir était un risque 3 c'est à dire un risque marqué;
que selon les informations fournies par les gendarmes, le 31 décembre 1994, au moment de l'accident,
le temps régnant sur la station était médiocre, il y avait des nappes de brouillard et la visibilité n'était
pas très bonne ;
que certes le temps n'était pas beau mais qu'alors même que les hélicoptères du SAF à VAL D'ISERE
et à COURCHEVEL n'ont pu décoller en raison des conditions météorologiques, il ne peut être déduit
des constatations ressortant des procès verbaux de gendarmerie que les tines n'étaient pas visibles ;
que Madame T... et MadameU... elles-mêmes ne le prétendent pas se bornant à souligner dans le récit
qu'elles versent au dossier que le ciel était couvert, que le vent faisait tourbillonner la neige et qu'il
faisait très froid, qu'il y avait du brouillard et que la visibilité était mauvaise, que c'était une journée
blanche c'est à dire qu'il était impossible de distinguer le ciel et la terre ;
71
Qu'ainsi il ne saurait être valablement reproché à X...., au regard du dernier bulletin neige et avalanche
publié qui faisait état d'un risque 3 c'est-à-dire d'un risque marqué et des conditions météorologiques
existantes et appréhendantes au moment de l'accident, certes médiocres mais qui n'étaient pas telles
que toute visibilité était supprimée ou du moins nettement insuffisante, d'avoir emmené V..., skieuse
performante et jeune femme douée d'une intelligence lui permettant d'apprécier son environnement et
de mesurer les risques, sur un itinéraire hors-piste mais tout à proximité des pistes, qui avait une pente
modérée, ne présentait aucune difficulté technique et se situait dans un secteur non avalancheux, qu'il
n'y a effectivement sur cet itinéraire aucune rupture de pente et pas de risques particuliers de plaques à
vent;
que le risque d'avalanche, qui de fait était un risque 4 même si le dernier bulletin publié prévoyait un
risque 3, et le temps médiocre qui excluaient que certains secteurs hors pistes puissent être empruntés
sans danger prévisible, n'étaient pas tels que X.... aurait dû renoncer à emmener sa cliente sur
l'itinéraire de l'accident malheureux et tragique où les seuls obstacles à éviter étaient les tines ;
Que X...., dont les seules affirmations tardives de Madame T... et de Madame U... ne sauraient suffire
à démontrer qu'il aurait été sous l'empire d'un état alcoolique, a par ailleurs déclaré aux gendarmes
qu'il avait donné les conseils d'usage à son élève, à savoir de bien rester dans sa trace derrière lui, et
l'avait prévenue de l'existence de trous à cet endroit ;
(…)
Qu'il apparaît donc bien que la consigne habituelle était pour l'élève de suivre le moniteur dans ses
traces, que force est de constater qu'il ressort de la procédure d'enquête préliminaire que V..., qui était
une skieuse confirmée et qui était en mesure d'appréhender le temps qu'il faisait et l'environnement
dans lequel elle évoluait a pour une raison indéterminée quitté les traces de son moniteur et est allée
tomber au bord d'une tine ;
Que c'est en essayant de se relever qu'elle a déclenché une coulée qui l'a emportée au fond de la tine et
l'a ensevelie,
(…)
Que X.... qui n'a pas commis de faute en emmenant V... sur l'itinéraire qui a été fatal à celle-ci, dont il
n'est pas établi qu'il n'aurait pas donné à son élève en temps utile les conseils et informations
nécessaires, n'a pas davantage failli à ses obligations en ce qui concerne les moyens dont il disposait et
qu'il a mis en œuvre pour la secourir après l'accident ;
Que le ski est une activité sportive à risques comme bien d'autres et que le risque ne peut être réduit à
néant quelles que soient les précautions prises ;
que chaque accident ne suppose pas inévitablement un coupable ou à tout le moins un responsable ;
qu'en l'espèce où il n'y a aucun témoin de l'accident en dehors de X.... qui est "prévenu" et où certains
faits demeurent inexpliqués, la preuve n'est pas rapportée d'une faute caractérisée de maladresse,
d'inattention, d'imprudence, de négligence ou d'inobservation des règlements imputable à celui-ci et de
nature à engager sa responsabilité pénale ;
Qu'à bon droit le tribunal l'a renvoyé des fins de la poursuite sans peine ni droit fixe, a mis hors de
cause le syndicat national des moniteurs du ski français et a donné acte à la Compagnie Uni Europe de
son intervention ;
(…)."
72
ANNEXE 24
Tribunal correctionnel d’Albertville, 22 mai 2015, ANENA, Jurisque
Extraits : « (…)
Il est prévenu d’avoir, le 9 décembre 2010, à Val d’Isère (Savoie), en tout cas sur le territoire national
et depuis temps non couvert par la prescription, par maladresse, imprudence, inattention, négligence,
involontairement causé la mort de Eric L., en ayant créé ou contribuer à créer la situation qui a permis
la réalisation du dommage ou en n’ayant pas pris les mesures qui auraient permis de l’éviter, en
l’espèce étant moniteur de ski, en ayant fait évoluer Monsieur L. en domaine hors-piste dans le couloir
dit « des pisteurs » sur une pente à forte déclivité avec un risque d’avalanche marqué et des signes
d’instabilité du manteaux neigeux observables, l’ensemble de ces éléments constituant une faute
caractérisée ayant exposé Monsieur L. à un risque d’une particulière gravité qu’il ne pouvait ignorer.
Faits prévus part ART.221-6 AL.I C.PENAL. et réprimés par ART.221-6 AL.I, ART.221-8, art.221-
10 C PENAL. […]
Les éléments de procédure permettent de retenir que le jour des faits le risque d’ avalanche avait été
fixé à 3/5, soit un indice d’avalanche dit « marqué » mais fréquent au cours de la saison hivernale. Ce
seul critère ne saurait être retenu comme fautif.
Cependant il ressort des conclusions des experts que le jour des faits les conditions nivologiques
auraient dû interpeller Monsieur B. et l’amener à renoncer dans sa décision d’aborder le couloir « des
pisteurs ». Ainsi, le vent des jours précédents, les amas de neige, la déclivité du couloir, la présence de
rochers sont autant d’éléments qui, dans la prise de décision, aurait pu amener le moniteur à renoncer à
la descente. S’il a effectivement observé ces éléments nivologiques et climatiques, il n’en a pas tiré
les bonnes conclusions quant à la décision d’aborder la descente.
Cependant les fautes relevées contre Monsieur B. présentent un lien de causalité indirect avec le décès
de Monsieur L.
Le Tribunal se doit en conséquence de déterminer si ces fautes, ou leur cumul, constituent une faute
caractérisée.
Sur le plan de la sécurité, le moniteur avait en sa possession ainsi qu’en celle de son client,
l’équipement de sécurité indispensable pour évoluer en secteur hors-piste. Il a pris l’ensemble des
renseignements notamment météologiques et nivologiques, il a observé et testé le terrain mais en a tiré
les mauvaises conclusions. Si ce mauvais diagnostic est fautif, il ne saurait constituer une faute
caractérisée.
Constatant que l’un des éléments constitutifs de l’infraction n’est pas établi, il convient de renvoyer
Monsieur B. des fins de la poursuite.
Sur l’action civile :
Attention que X se sont constitués parties civiles ;
Attendu qu’il y a lieu de déclarer recevables en la forme les constitutions de partie civile ;
Attendu que C. Ariette, partie civile, sollicite la condamnation solidaire du MMA, 25 000 euros au
titre du préjudice moral, 5000 euros indivisément au titre de l’article 475-1 Code de procédure pénale
et en cas de relaxe, l’application de l’article 470-1 Code de procédure pénale et un renvoi sur intérêts
civils ; […]
Attendu qu’il y a lieu de faire application de l’article 470-1 du Code de procédure pénale ;
Attendu que le tribunal considère qu’il y a lieu d’ordonner le renvoi de l’affaire sur intérêts civils afin
que les parties civiles produisent aux débats l’état des débours versés par l’organisme social ayant pris
en charge les soins de Monsieur L.
73
Par ces motifs
Sur l’action publique :
Relaxe B. Marc des fins de la poursuite ;
Sur l’action civile :
Fait application de l’article 470-1 du Code de procédure pénale ;
Déclare recevables les constitutions de partie civile…
(…) ».
74
ANNEXE 25
Cour de cassation, 24 janvier 2006, n° 03-18045
Extraits : « (…)
Attendu que le 17 mars 1983, Franck X..., âgé de 18 ans, a trouvé la mort enseveli sous une coulée de
neige alors qu'il progressait dans un massif des Alpes, avec un groupe de 10 autres stagiaires de
l'Union nationale des centres sportifs de plein air (UNCPA), encadré par deux guides de haute
montagne, Pierre Y... et M. Z... ;
(…)
Sur le premier moyen, pris en ses trois branches ;
Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt d'avoir statué comme il l'a fait, alors, selon le moyen :
1 / qu'en affirmant que Pierre Y... et M. Z..., guides de haute montagne professionnels, n'avaient
commis aucune faute en emmenant en randonnée à ski hors piste, de jeunes stagiaires de l'UNCPA
tout en considérant que, ce jour là, le risque accidentel de déclenchement neigeux était marqué en
raison d'une instabilité générale du manteau neigeux et qu'une avalanche s'était effectivement
déclenchée, ensevelissant les skieurs et causant la mort de deux d'entre eux, la cour d'appel n'a pas tiré
les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles 1382 et 1384 alinéa 5 du Code civil
;
2 / qu'en se bornant à affirmer que les guides de haute montagne n'avaient commis aucune faute
puisqu'ils avaient demandé aux membres de la caravane de s'espacer de 50 mètres, ce qui permettait
d'étaler le risque de surcharge accidentelle du manteau neigeux, sans rechercher, comme elle y était
invitée, si le seul fait que les skieurs fussent nombreux n'était pas suffisant pour déclencher
l'avalanche, même s'ils étaient espacés, et si, dès lors, la sortie d'un tel groupe dans des conditions
météorologiques impliquant un fort risque accidentel d'avalanche était fautive, la cour d'appel a privé
sa décision de base légale au regard des mêmes textes ;
3 / qu'en affirmant que l'avalanche ayant causé la mort de Franck X... était imprévisible et constituait
un cas de force majeure de nature à exonérer de leur responsabilité les guides de haute montagne et
l'UNCPA, commettant de l'un d'eux, tout en constatant que, ce jour là, les bulletins nivo-
météorologiques avaient relevé un risque accidentel d'avalanche marqué en raison d'une instabilité du
manteau neigeux, un tel événement étant, dès lors prévisible, la cour d'appel a violé les mêmes textes ;
Mais attendu que l'arrêt constate que, le jour de l'accident, les conditions nivo-météorologiques étaient
bonnes avec un risque de déclenchement avalancheux naturel faible, et un risque d'avalanche
accidentel marqué en raison d'une instabilité générale du manteau neigeux, qu'une phase décroissante
de ce risque s'était amorcée, mais que, pour autant, la vigilance était de mise dans le choix de partir et
dans le choix de l'itinéraire ; que l'arrêt relève, à cet égard, d'une part, que l'expert concluait que les
données nivo-météorologiques n'étaient pas de nature à empêcher une sortie, à condition que le risque
de décrochage de "plaques de vent" soit pris en compte et d'autre part, que dans la partie de l'itinéraire
judicieusement choisi puisqu'il était moins exposé que les autres aux amas de neige et permettait de se
dégager plus vite d'une zone potentiellement dangereuse, Pierre Y... avait demandé que les membres
de la caravane s'espacent de 50 mètres, technique permettant d'étaler le risque de surcharge
accidentelle du manteau neigeux ; que de ces constatations, la cour d'appel, qui a procédé à la
recherche prétendument omise, a pu déduire que les deux guides, qui avaient correctement évalué le
risque nivologique et s'étaient placés, l'un en tête, l'autre en queue de caravane, avaient adopté
une attitude prudente de sorte qu'aucune faute ne pouvait leur être imputée ; que la cour d'appel, qui a
retenu que le décrochement neigeux qui, par l'effet d'onde de choc, s'était propagé sur une largeur
allant du col à l'aplomb de la cime, a été d'une importance imprévisible par ses dimensions et son
75
volume, a attribué un caractère d'imprévisibilité, non à l'avalanche elle-même, mais à l'onde de choc
ayant aggravé son importance et ses effets ; que le moyen, non fondé en sa première branche, ne peut
être accueilli en ses deux autres griefs ;
Et sur le second moyen, pris en ses quatre branches ;
Attendu que les consorts X... font encore grief à l'arrêt d'avoir statué comme il l'a fait, alors, selon le
moyen :
1 / que les consorts X... soutenaient que Pierre Y... avait reconnu qu'à l'époque de l'accident, il utilisait
avec ses clients des balises ARVA permettant de localiser rapidement une personne ensevelie sous la
neige ; qu'ils en déduisaient que même si, à l'époque, de telles balises étaient peu utilisées, Pierre Y...,
qui en connaissait l'existence et l'efficacité, aurait dû les utiliser lors de sa randonnée avec les
stagiaires de l'UNCPA, alors surtout qu'il existait un risque d'avalanche connu, et qu'à défaut, il avait
commis une faute en s'abstenant de répondre à ce moyen, pourtant de nature à modifier l'issue du
litige, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
2 / que les consorts X... soutenaient qu'en ne prévoyant pas de liaison par radio avec les secours, ce qui
avait retardé leur arrivée, Pierre Y... et M. Z..., guides de haute montagne, avaient commis une faute de
nature à engager leur responsabilité ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen de nature à modifier
l'issue du litige, la cour d'appel a violé le même texte ;
3 / que les consorts X... soutenaient qu'en ne procédant pas, après l'avalanche, à des sondages dans la
partie basse de la coulée, là où le corps de Franck X... allait être retrouvé le lendemain, Pierre Y... et
M. Z... avaient commis une faute de nature à engager leur responsabilité ; qu'en se bornant à affirmer
que les guides avaient procédé à des sondages sans répondre à ce moyen de nature à modifier l'issue
du litige, la cour d'appel a encore violé le même texte ;
4 / qu'en affirmant que Pierre Y... et M. Z... devaient être exonérés de toute responsabilité dans
l'organisation des secours survenue après l'avalanche, en raison de la force majeure que constituait
pour eux l'avalanche, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et a ainsi violé les articles 1382
et 1384 alinéa 5 du Code civil ;
Mais attendu, sur les deux premières branches, que, par motifs propres et adoptés, l'arrêt, répond aux
conclusions prétendument délaissées, en retenant qu'à la date de l'accident, les balises ARVA
existaient depuis peu, qu'elles posaient encore des problèmes de compatibilité, qu'elles n'ont été
conseillées par l'ENSA de Chamonix qu'en 1984 et rendues obligatoires en janvier 1986 et l'on ne
saurait, pour les mêmes motifs reprocher à Pierre Y... et M. Z... de ne pas avoir disposé de radio, de
sorte que le défaut d'un équipement dont l'usage et la diffusion étaient encore assez restreints à
l'époque, ne saurait être considéré comme fautif ; que sur les troisième et quatrième branches, l'arrêt
retient que les deux guides avaient eu les réactions les plus appropriées en envoyant deux stagiaires
donner l'alerte, aider au dégagement des camarades visibles, commencer les recherches et sondages
sur place, et qu'il était regrettable que les hélicoptères se soient posés sur le front de la coulée, là où
précisément les victimes pouvaient avoir été entraînées et là où Franck X... devait être retrouvé le
lendemain ; que, répondant aux conclusions, la cour d'appel a pu en déduire, que cette erreur de
technique de sauvetage n'était pas imputable aux deux guides qui n'en avaient aucunement la maîtrise ;
Qu’inopérant en sa quatrième branche qui critique des motifs surabondants, le moyen ne peut être
accueilli en ses trois autres griefs ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les consorts X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette l'ensemble des demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par M. Bargue,
conseiller le plus ancien en ayant délibéré, en remplacement de M. Bouscharain, conformément à
l'article 452 du nouveau Code de procédure civile, en l'audience publique du vingt-quatre janvier deux
mille six ».
76
ANNEXE 26
Tribunal de grande instance d’Albertville, 4 février 2008, ANENA, Jurisque Extraits :
« (…)
1) Nicolas FABRI
Attendu que la journée de ski hors piste mise en place par Monsieur FABBRI était particulièrement
bien organisée puisque le matériel de sécurité dont disposait le groupe de skieurs était complet et
comportait un élément facultatif des sacs ABS pour chacun ;
Que ce type de matériel est d'une utilisation aisée et que Monsieur FABBRI a fourni des explications
sur son fonctionnement à plusieurs reprises : préalablement à la sortie et également avant de prendre la
descente de la Combe ;
Attendu que toutefois, si ces airbags sont d'une utilisation simple, il reste à la charge du skieur une
action positive, celle de tirer sur le manche du sac situé à l'épaule, ce qui suppose un peu de temps et
suffisamment de calme ;
Que s'il est donc difficile de déterminer pourquoi Eddy et Aymeric n'ont pas réussi à déclencher leurs
sacs ABS, il est certain que les explications données par Monsieur FABBRI sur leur règle d'utilisation
ne sont pas en cause ;
Attendu enfin qu'on ne peut pas reprocher au prévenu le défaut d'utilisation des airbags dans la mesure
où il s'agissait d'un équipement de sécurité parfaitement facultatif ;
Attendu que le niveau de ski des victimes a pu être évalué par le prévenu puisque, pour atteindre la
Combe des Lanchettes, le groupe a emprunté plusieurs pistes dont certaines étaient des noires et sur
lesquelles Eddy et Aymeric n'ont eu aucune difficulté. Qu'à cette occasion Monsieur FABBRI a pu
observer les victimes skier pendant près d'une heure ce qui lui a permis de constater que leur niveau
était suffisant ;
Attendu cependant qu'un surfeur Nicolas MICHEL a affirmé que le niveau des skieurs de Monsieur
FABBRI n'était peut être pas en adéquation avec la pente car il en avait vu un tomber ;
Que sil est vrai d'une part qu'être capable de skier correctement sur des pistes damées ne signifie pas
nécessairement être à même de pratiquer du hors piste, ce que les victimes faisaient pour la première
fois, il n'en résulte pas pour autant qu'elles aient été réellement en difficulté, ni que Monsieur FABBRI
ait été en mesure de s'en rendre compte si cela avait été le cas
Que dès lors le niveau de ski des victimes ne peut être stigmatisé comme étant la cause, même
indirecte, de leur mort ;
Attendu que Monsieur FABBRI a choisi de faire la descente de la Combe des Lanchettes alors qu'il
savait que météo France annonçait un risque d'avalanche de 4 sur 5 ce qui correspond à un risque fort ;
Attendu que les victimes avaient été mises au courant de l'existence d'un risque élevé d'avalanches ;
Que cependant un tel risque ne signifie pas qu'il soit interdit de faire du hors piste, qu'affirmer
l'existence d'un principe général de précaution dès qu'il existe un risque fort d'avalanche reviendrait à
77
porter atteinte à la liberté des skieurs en montagne et que dès lors il ne peut être reproché à monsieur
FABBRI de ne pas avoir annulé cette sortie ;
Attendu qu'il a été reproché à Monsieur FABBRI d'avoir emprunté un itinéraire répertorié comme
avalancheux, ce couloir ayant été à l'origine d'une avalanche mortelle en 2005, ce que n'ignorait
d'ailleurs pas le prévenu ;
Que toutefois Monsieur FABBRI a discuté son itinéraire avec plusieurs professionnels de la montagne
avant le départ lesquels n'ont pas désapprouvé son choix de se rendre à la Combe des Lanchettes ;
Que cette descente n'est pas réputée plus dangereuse que d'autres qui l'entourent
Que de plus, avant de prendre la descente, il a marque un temps d'arrêt pour de nouveau évaluer les
risques ;
Qu'enfin en voyant les traces d'un groupe de huit skieurs qui terminait la pente, Monsieur FABBRI a
pensé que le lieu était suffisamment sûr ;
Que cette appréciation des risques a été stigmatisée comme étant hasardeuse, dans la mesure où la
présence de tant de personnes sur cette pente, qu'il s'agisse des premiers skieurs, des surfeurs ou du
groupe de Monsieur FABBRI, a peut être pu déclencher une cassure dans une plaque de neige à
l'origine de l'avalanche
Que cependant le choix de se rendre dans la Combe des Lanchettes ne saurait constituer une faute
caractérisée en raison de la prudence dont a fait preuve Monsieur FABBRI en s'y engageant et de
l'incertitude relative à l'évaluation des risques en montagne, notamment dans le cadre du ski hors piste
qu'à ce titre la présence de traces sur la neige peut être analysée soit comme le signe d'une descente
sûre, soit comme l'indice de fragilités pouvant toucher des plaques de neige ;
Attendu en définitive qu'au vu de la qualité professionnelle de l'organisation de la sortie de ski hors
piste qui ne peut être mise en cause sur aucun point, le Tribunal ne peut retenir une faute pénale
caractérisée au motif que Monsieur FABBRI aurait du, en raison du seul risque fort d'avalanche,
annuler cette sortie.
2° Nicolas IERPOLI
Attendu que Nicolas IEROPOLI a été cité par parties civiles pour homicide volontaire en tant que
gérant de l'entreprise DARENTASIA et donc employeur de Nicolas FABBRI qui a emmené des
clients hors piste ;
Attendu que l'entreprise DARENTASIA est en fait le syndicat local DARENTASIA dont Nicolas
IEROPOLI est le directeur, et qui fonctionne comme les écoles de ski où les guides ou moniteur ont
une autonomie dans l'organisation pratique des sorties ; le directeur n'ayant qu'un rôle administratif ;
Attendu que Nicolas IEROPOLI qui n'a été entendu que pour la restitution du matériel dans la
procédure, n'a aucune responsabilité directe dans l'organisation de la sortie placée sous la seule et
exclusive responsabilité de Nicolas FABBRI.
Attendu que Nicolas IEROPOLI n'a par ailleurs aucun rapport d'autorité envers Nicolas FABBRI
puisque tous deux ont le même rôle d'accompagnateur de sortie dans le cadre des activités du syndicat
DARENTASIA : parapente pour Nicolas IEROPOLI et hors piste pour Nicolas FABBRI ;
Il ne peut donc qu'être mis hors de cause
78
2° - SUR L'ACTION CIVILE
Attendu que Monsieur THOUVENIN Rémi s'est constitué partie civile ; Attendu que sa demande est
recevable et régulière en la forme
Que sa demande tend à la condamnation solidairement de FABBRI Nicolas et de IEROPOLI Nicolas
au paiement des sommes de 20000 euros en réparation de son préjudice moral pour le décès de
THOUVENIN Eddy et de 20000 euros en réparation de son préjudice moral pour le décès de
THOUVENIN Aymeric ;
Attendu qu'une somme de 5000 euros est demandée au titre de l'article 475-1 du Code de Procédure
Pénale indivisément avec THOUVENIN Fabienne
Attendu qu'il y a lieu de rejeter les demandes de Monsieur THOUVENIN Rémi ;
Attendu que Madame THOUVENIN Fabienne s'est constituée partie civile ; Attendu que sa demande
est recevable et régulière en la forme
Que sa demande tend à la condamnation solidairement de FABBRI Nicolas et de IEROPOLI Nicolas
au paiement des sommes de 20000 euros en réparation de son préjudice moral pour le décès de
THOUVENIN Eddy et de 20000 euros en réparation de son préjudice moral pour le décès de
THOUVENIN Aymeric
Attendu qu'une somme de 500 euros est demandée au titre de l'article 475-1 du Code de Procédure
Pénale indivisément avec THOUVENIN Rémi ;
Attendu qu'il y a lieu de rejeter les demandes de Madame THOUVENIN Fabienne ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et en premier ressort, Contradictoirement à l'égard de Monsieur FABBRI
Nicolas ; Contradictoirement à l'égard de Monsieur IEROPOLI Nicolas ;
1° SUR L'ACTION PUBLIQUE
Renvoie Monsieur FABBRI Nicolas des fins de la poursuite sans peine ni dépens en application des
dispositions de l'article 470 du Code de Procédure Pénale ;
2° SUR L'ACTION CIVILE
Par jugement contradictoire à l'égard de Monsieur Rémi THOUVENIN
Par jugement contradictoire à l'égard de Madame Fabienne THOUVENIN ;
Reçoit Monsieur THOUVENIN Rémi en sa constitution de partie civile ; Rejette les demandes de
Monsieur THOUVENIN Rémi ;
Reçoit Madame THOUVENIN Fabienne en sa constitution de partie civile Rejette les demandes de
Madame THOUVENIN Fabienne ;
Le tout en application des articles 406 et suivants et 485 du Code de Procédure Pénale et des textes
susvisés.
(…) ».
79
ANNEXE 27
Tribunal correction de Gap, 8 novembre 1978, « Ministère public c/ Lebourg », n° 849
Extraits :
« (…)
Le groupe, partant du téleski du Rocher de l'Aigle s'était engagé hors piste, après avoir bifurqué sur la
gauche, quittant ainsi la piste balisée du Souérou. L'information a clairement établi que les skieurs
n'ont pu manquer d'apercevoir plusieurs panneaux placés hors de la piste et juste à côté desquels ils
sont passés. En effet juste après l'arrivée du téleski du Rocher de l'Aigle étaient placés côte à côte
deux grands panneaux indiquant pour l'un: “ATTEMTIOSE - ZONA PERICOLOSA - VIETATA -
NON PASSARE OLTRE QUESTO CARTELLONE“ et pour l'autre “ATTENTION AU-DELA DE
CE PANNEAU ZONE DANGEREUSE INTERDITE“. Le groupe est passé ensuite à côté de quatre
panneaux espacés triangulaires avec la mention “DANGER“ panneaux similaires à ceux employés
sur la route (désignation A.14 dans le code de la route) et connus de tous les automobilistes. A
l'endroit où le groupe s'est écarté de la piste du SOUEROU pour se diriger vers la Crète de la Replate
du Chenaillet se trouvait encore un grand panneau en langue italienne semblable à celui mentionné
plus haut, doublé d'un panneau de sens interdit (BI dans la nomenclature du Code de la Route).
L'endroit est à considérer comme avalancheux. À une soixantaine de mètres plus bas par rapport à la
traversée empruntée après la bifurcation se trouve un autre panneau de danger placé au dessus d'une
stèle apparente mentionnant “5 morts par avalanche“ (1931).
Le groupe avait alors poursuivi son chemin et avait passé la crête de la Replatte de Chenaillet pour
descendre par la face sud-ouest de celle-ci. Une première descente en traversée, orientée sensiblement
en direction Nord (cf croquis P.G.H.M. côte D.I) avait donné lieu à un incident. En effet deux petites
coulées avaient été déclenchées par le passage du groupe (constatations des gendarmes et témoignage
KOLLER pièce N° 12 cote D.I). Après quelques virages, le groupe entreprenait une nouvelle
traversée plus longue orientée sensiblement au Sud, le moniteur passait en tête et attendait ses clients
au bout de celle-ci. Le groupe suivait et une grande plaque de neige se détachait sous les premières
coulées. Cette avalanche emportait Mademoiselle COMBEY dont le corps ne devait être retrouvé
que 2 h 10 après l'accident.
La faute d'imprudence du moniteur est particulièrement caractérisée. Elle résulte d'une série de
négligence de sa part:
1°/ Il nie avoir aperçu les différents panneaux mentionnés plus haut, alors qu'avec son
groupe il a dû passer à proximité;
2°/ De même il nie avoir vu un drapeau à damiers noirs et jaunes hissé à la station, et
signalant le danger d'avalanches. L'information a établi que ce drapeau était nettement
visible sur 400 mètres depuis le télécabine des Chalmettes qu'il avait emprunté. L'inculpé
déclarera simplement au juge d'instruction qu'il était alors “tourné de l'autre côté“.
3°/ Les bulletins nivo-métérologiques mentionnaient des risques d'avalanches; le prévenu
reconnaissait ne pas les avoir consultés;
4°/ Indépendament des informations extérieures la formation de l'inculpé, le bon sens et la
prudence que l'on est en droit d'exiger de la part d'un professionnel de la montagne auraient
dû lui faire éviter d'engager ses clients sur une pente orientée sud-ouest à 16 h 30, alors que
les chutes de neiges récentes et le vent impliquaient la formation de plaques à vent, et que la
neige sèche de surface adhérait mal au manteau neigeux préexistant. Le risque était aggravé
en raison du fait que le neige de surface avait été “travaillée“ pendant toute la journée par le
soleil compte tenu de l'orientation de la pente, de l'heure tardive et de la température
extérieure élevée de ce jour-là.
5°/ Le déclenchement des deux premières coulées par le passage des skieurs aurait dû,
constituer pour le responsable du groupe le plus sérieux des avertissements et l'attitude
normale de prudence eût été de repasser la crète pour regagner là piste de SOUEROU au lieu
80
de repasser à la verticale sous ces deux coulées qui indiquaient un terrain dangereux.
L'attitude du prévenu a été, aussi bien dans les instants qui ont précédé l'accident, que tout au long de
l'information, celle de la plus parfaite inconscience qui culmine lors de sa réponse au dernier
interrogatoire du Magistrat Instructeur qui lui faisait remarquer qu'il ne pouvait manquer de voir les
panneaux, compte tenu de leur nombre et de leur emplacement: “Vous comprenez bien que lorsqu'on
fait du ski toute la journée sans arrêt, on ne regarde pas les panneaux“.
Dans ce type d'affaires, la faute doit également être appréciée eu égard au fait qu'il s'agit d'un
professionnel que les clients paient pour ses compétences et sa connaissance du terrain et qui lui font
confiance à ce double titre; d'une part les titres de moniteur national de ski et de guide de haute
montagne qui sont normalement une garantie de sérieux et de compétence et qui sont souvent
utilisées comme une attraction commerciale, avec parfois un monopole farouchement défendu (ski de
glacier par exemple) et d'autre part la connaissance particulière de l'endroit par un autochtone qui
connait son secteur, pour des clients qui viennent de l'extérieur.
Sur les faits contestés par le prévenu:
Sur le déclenchement des deux petites coulées de neige:
Attendu que le témoin Rémi KOLLER, employé des Remontées Mécaniques a déclaré: “j'ai aperçu
un groupe de huit skieurs qui débouchait sur la crête de la Replatte du Chenaillet. Dans la courbe
Sud-Ouest il y avait déjà des traces faites par des skieurs dans le début de l'après-midi. J'ai vu alors
trois skieurs qui descendaient ensemble dans cette courbe a“proximité des traces antérieures. Les cinq
autres skieurs ont traversé vers le Ford sous la crête avant de revenir en traversée vers le Sud. Au
cours de la traversée sous la crête, ils ont fait partir sous eux deux petites coulées qui se sont arrêtées
au niveau d'une zone de rochers. C'est alors qu'ils revenaient en traversée vers le Sud, à la basse de
ces petites coulées que j'ai vu toute la pente partir au dessus des trois derniers skieurs engagés. J'ai
pensé que ces trois skieurs étaient pris dans l'avalanche et j'ai notamment vu l'un d'entre eux
disparaître rapidement sous la neige“.
Attendu donc d'après ce témoin oculaire du déclenchement de l'avalanche, qu'il s'agit bien du groupe
formé par le moniteur et ses quatre clients et que ce sont bien eux qui avaient quelques instants avant
fait partir les deux petites coulées de neige; que même si ces coulées avaient été déclenchées quelques
instants auparavant par le groupe de skieurs italiens qu'ils avaient rejoint, cela aurait du éveiller
l'attention du moniteur et le faire redoubler de prudence;
Sur la signalisation
Attendu que bien que les participants du groupe LEBOURG aient déclaré ne pas avoir vu le drapeau
à damiers, ni les panneaux signalant les risques d'avalanche, il n'en reste pas moins que ceux-ci
étaient en place et visibles à proximité de la traversée qu'ils ont emprunté pour franchir la crête de la
Replatte et se rendre dans la combe Sud-Ouest (déclaration de Charles ROUX, employé du téleski et
gendarme en retraite, lequel conseillait à certains skieurs isolés de ne pas faire du ski hors piste en
raison du danger d'avalanche persistant) et que le drapeau à damiers jaunes et noirs signalant le
danger éventuel d'avalanches ait été hissé au centre de la station depuis deux jours et qu'un second
fut en place au départ du téleski de l'Aigle qu'ils avaient emprunté; (déclarations de Daniel MASSE et
de Charles ROUX);
Sur les prévisions météorologiques
Attendu qu'il ressort de la déclaration du chef de la station météorologique d'EMBRUN, Monsieur
Georges CAMPIOMI que les renseignements pour la journée du 25 mars 1978 étaient les suivants:
«I°/ Observations communiquées par la gendarmerie de Montgenèvre (message journalier
HIVO-METEO): température minima: moins 6° température maxima: plus 3° -Hauteur de la
neige fraîche: 5 cm - manteau neigeux: 1 m 95 (altitude 1850 m) - Coulées de neige fraîche
observées dans tous les secteurs, toute altitude, avec danger modéré et augmentant.
II°/ Prévisions nivo-météo du 24 pour le, 25 Mars 1978:
a) - METEO: Temps médiocre avec chutes de neige vers 800 mètres localement abondantes
surtout près de la frontière. Quelques éclaircies au milieu de la journée du 25. Vent à 3000
Mètres secteur Nord-Ouest 60 à 80 Km/heure. Isotherme zéro degré vers 1000 mètres -
81
Isotherme moins dix degrés vers 2500 mètres.
b) - NIVOLOGIE; Chutes de neige de l'ordre de 10 à 30 cms principalement sur la moitié
Nord du département. Neige très ventée. Formation de nombreuses plaques à vent, corniches
et congères. Risque d'avalanche par plaques augmente nettement surtout dans le Pelvoux-
Galibier-Thabor et Nord Queyras.
III°/ Bulletin spécial Presse, diffusé par le centre météorégional à MARIGNANNE le 24 en
prévision du 25 Mars 1978 pour la Haute-Savoie, la Savoie, l'Isère et les Hautes-Alpes:
D'importantes chutes de neige sèche avec formation de nombreuses plaques à vent et corniches ont eu
lieu et sont en cours. Il en résulte un risque d'avalanche dans tous les massifs et il persistera pour les
trois jours prochains.
De ce qui précède, il s'avère que la température n'était pas particulièrement douce ce jour-là. D'autre
part, le risque d'avalanche n'augmente pas nécessairement avec un “redoux“. L'observation formulée
ce jour-là par la Gendarmerie de MONTGENEVRE tend à confirmer que la neige était sèche et
qu'elle adhérait mal au manteau neigeux pré-existant.»
Attendu que ces prévisions météorologiques ne se sont pas réalisées en partie car le procès-verbal
signale que ce jour là “le temps était beau et chaud et le vent faible“;
Attendu que malgré cette contradiction quant à la qualité du temps et, compte tenu de l'incertitude de
ces prévisions, il n'en demeure pas moins que des risques d'avalanchesétaient partout signalés et que
si le moniteur avait consulté les bulletins météorologiques il aurait été mis en garde contre ces risques
et aurait peut être jugé plus sage de ne pas entraîner ses clients hors des pistes balisées;
Sur l'acception des risques
Attendu qu'à titre subsidiaire l'avocat du prévenu soutient que la victime en acceptant de suivre son
moniteur sur un itinéraire hors piste conservait néanmoins son autonomie et était en mesure, tout
comme le moniteur, d'apprécier le risque auquel elle s'exposait;
Mais attendu précisément que le moniteur ne l'a pas avertie de ces risques, notamment de celui
d'avalanche, puisque lui-même ne s'en était pas préoccupé, qu'il n'avait pris aucune précaution et
n'avait même pas cherché à se renseigner, qu'il n'a pas su apprécier le danger auquel il exposait ses
clients en descendant en ski vers 16 h 30 un 25 mars une pente de 25 à 30 % en moyenne, exposée au
Sud-Ouest, dans une neige en voie de transformation du fait de cette exposition au soleil;
Attendu d'autre part qu'il est faux de prétendre que la victime conservait son autonomie: qu'en effet,
bien que skieuse confirmée, elle avait loué les services d'un moniteur national de ski, guide de haute
montagne, pour pratiquer le ski dans une région montagneuse qu'elle ne connaissait pas; que se fiant à
son moniteur; montagnard et skieur chevronné, elle ne pouvait que le suivre dans ses évolutions;
qu'ayant été entraîné dans cette combe sans être avertie d'un quelconque danger, elle se trouvait dans
l'obligation de lui faire confiance et elle était légitimement en droit de penser que celui-ci avait choisi
un itinéraire ne comportant aucune difficulté;
Qu'en outre ne connaissant pas la station de Montgenèvre et faisant partie d'un groupe dirigé par un
moniteur, il n'est pas démontré qu'elle avait une connaissance spéciale des dangers de la neige pour
pouvoir s'opposer à un itinéraire choisi par ce spécialiste qu'elle était en droit de supposer compétent
et prudent;
Attendu donc, qu'on ne saurait considérer que la victime ait commis une quelconque faute en suivant
les évolutions d'un professionnel du ski dont elle avait loué les services afin de bénéficier de ses
conseils et de son expérience de la montagne;
Attendu en définitive que le prévenu, à la suite de plusieurs négligences, notamment en ne tenant pas
compte de la signalisation, des renseignements météorologiques, des risques prévisibles
d'avalanches, a agi sans discernement et a commis une grave imprudence en entraînant ses clients,
après les heures d'ensoleillement d'une journée de fin mars, dans une pente exposée au Sud-Ouest sur
un itinéraire dangereux dont il n'a pas apprécié les risques;
Que ce faisant il n'a pas respecté l'obligation de soin et de vigilance que ses clients étaient en droit
82
d'attendre de sa part;
Qu'en tant que professionnel du ski, rétribué en fonction de ses diplômes et donc de ses compétences
par des clients qui se fient à son expérience et à sa connaissance des dangers objectifs de la neige et
de la montagne, il avait le devoir d'assurer leur sécurité et de ne pas leur faire prendre des risques
inutiles en choisissant des pentes dangereuses à un moment inopportun de la journée; qu'ainsi le
prévenu LEBOURG doit être déclare entièrement responsable de la mort dans une avalanche de
Mademoiselle Yolande COMBEY et condamné de ce fait en application de 1*article 319 du Code
Pénal.
Sur l'action civile
Attendu que les membres de la famille de Mademoiselle COMBEY sont recevables et bien fondés à
se constituer parties civiles;
Attendu qu'il convient de tenir compte que Mademoiselle Yolande COMBEY était âgée de 29 ans,
avait fait des études supérieures, se trouvait au chômage et habitait chez ses parents;
Attendu que le tribunal a les éléments pour fixer les différents préjudices de:
Monsieur Georges COMBEY, 67 ans, père de la victime à; 6.354,27 Francs en remboursement des
frais d'obsèques, 30.000 Francs à titre de préjudice moral;
Qu'en ce qui concerne le préjudice matériel résultant pour Monsieur COMBEY de l'impossibilité de
former avec sa fille une société civile professionnelle,
Attendu qu'il n'est pas établi que Mademoiselle COMBEY travaillait à son service et à son profit et
qu'une association avec elle aurait été pour lui source de rémunération supplémentaire;
Que s'il est vrai que pendant sa période d'inscription au chômage Mademoiselle COMBEY a aidé son
père dans son travail et se soit ainsi initiée à certains travaux d'expertise immobilière, il n'existe aucun
élément de preuve permettant de considérer comme certaine une future collaboration professionnelle;
que d'autre part il apparaît que Monsieur COMBEY a trouvé un associé à qui il compte vendre sa
clientèle par la création d'un cabinet commun;
Quant à la perte de tout espoir d'assistance future elle est trop hypothétique pour justifier l'octroi
d'une indemnité, d'autant plus que le ménage COMBEY a encore trois enfants susceptibles de leur
apporter un éventuel secours;
Qu'il importe donc d'écarter cette demande de réparation d'un tel préjudice;
Attendu que le préjudice moral des autres membres de la famille peut être fixé comme suit:
(…)
Par ces motifs:
Le Tribunal après en avoir délibéré,
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de police correctionnelle et en premier ressort.
Déclare Jean-Claude LEBOURG coupable des faits qui lui sont reprochés;
En répression le condamne à une peine d'emprisonnement de quatre mois avec sursis et à une amende
de 5.000 Francs.
Reçoit les nombres de la famille COMBEY en leurs constitutions de parties civiles et condamne
LEBOURG à verser:
(…) ».
83
ANNEXE 28
Tribunal de grande instance d’Albertville, 3 mars 1986, « Jaquemot », ANENA,
Jurisque
Extraits :
« (…)
Attendu qu'il résulte de l'avis technique émanant du Centre d'Etudes de la neige de ST MARTIN D'HERES qu'à partir du 20 janvier 1985 des vents forts ont accumulé des plaques de neige instables, notamment dans les couloirs encaissés, et que "cette situation est décrite avec une précision remarquable dans le bulletin local de prévision du 29 janvier 1985 diffusé par le service des pistes et de la sécurité de la Plagne, qui confirme d'ailleurs l'analyse établie à une échelle plus globale par la météorologie (Centre d'Etudes de la Neige, BOURG ST MAURICE)" ; Attendu, en effet, que ces 2 bulletins sont concordant puisqu'ils mentionnent pour le 30 janvier 1985 "un très important risque de déclenchement d'avalanches accidentelles et un risque naturel fort" (bulletin du Service des Pistes de la Plagne), et un "risque de déclenchement accidentel par surcharge très marqué et généralisé, même là où le manteau neigeux semble peu épais et un risque naturel modéré évoluant l'après-midi en risque naturel fort" (bulletin météo de BOURG ST MAURICE) ; Attendu que le prévenu a négligé de consulter ces bulletins et a cédé aux sollicitations de ses clients en fin d'après-midi, au motif que ceux-ci "n'avaient pas eu le plaisir de faire une descente qui les satisfasse" ; Attendu qu'en choisissant un couloir exposé Nord-Ouest et Ouest au cours de l'après-midi, le prévenu a aggravé le risque de déclenchements dès lors que ceux-ci sont favorisés en journée sur les versants ensoleillés, ainsi que le rappelle opportunément le bulletin météo du 29 janvier 1985 ; Attendu qu'en sa qualité de professionnel averti, Monsieur X.... n'a pas apprécié avec suffisamment de rigueur la probabilité de réalisation du risque et ce d'autant plus que la pente de la brèche des Bourtes est importante dans la zone de départ (40° à 43° selon le C.E.N.) ; Attendu que ces fautes d'imprudence et de négligence sont en relation de causalité avec le décès de la victime et qu'il y a lieu d'entrer en voie de condamnation en tenant compte cependant de larges circonstances atténuantes en faveur du prévenu ; Attendu en effet qu'il résulte des déclarations des clients survivants que Monsieur X.... a testé plusieurs fois la neige avec ses skis avant d'aborder lui-même le couloir, qu'il a rappelé les consignes de sécurité et qu'il a muni tout le groupe d'appareils de détresse ; que par ailleurs, de l'avis des guides et moniteurs ayant versé des attestations aux débats, il ressort que la brèche des Bourtes n'était pas connue comme un couloir avalancheux en raison des ancrages rocheux assurant généralement la stabilité du manteau neigeux dans ce passage étroit ; SUR L'ACTION CIVILE Attendu qu'il est constant que les 8 clients de Monsieur X.... étaient des skieurs de haut niveau participant à un stage toutes neiges impliquant donc la pratique du ski hors-piste, au demeurant connue d'eux depuis 10 ans ;
84
Attendu que certains d'entre eux ont reconnu qu'ils connaissaient l'existence des conditions météorologiques défavorables, et en tout état de cause les drapeaux à damiers jaunes et noirs, hissés notamment à l'arrivée du télécabine de la Roche de Mio, étaient là pour rappeler le risque local d'avalanches à ceux qui l'auraient oublié ; Attendu que feu V..., comme les autres membres du groupe, n'ignorait pas que la présence d'un moniteur, aussi qualifié soit-il, ne fait jamais disparaître les "dangers objectifs de la montagne" auxquels s'exposent nécessairement les adeptes du ski hors-pistes ; Attendu que son expérience de ce sport et des risques inhérents à sa pratique lui commandait de s'informer lui-même des conditions nivo-météorologiques et d'en tirer les conséquences quant à sa participation éventuelle aux randonnées proposées par le moniteur ; Attendu que cette faute d'imprudence et de négligence commise par la victime, si elle est d'une gravité moindre que celle commise par le professionnel rémunéré, a cependant concouru à la réalisation du dommage dans une proportion que le TRIBUNAL estime devoir fixer au 1/3 ; SUR L'ACTION PENALE Déclare X.... coupable du délit qui lui est imputé ; En répression et faisant application de l'article 43-2 du Code Pénal, la condamne à titre de peine principale à l'interdiction d'exercer sa profession de moniteur de ski en dehors des pistes pendant une durée d'une année ; (…)."
85
ANNEXE 29
Cour d’appel de Grenoble, 1er
juin 2001, « Forté-Jacques-Poudevigne-Wadel », ANENA,
Jurisque
Extraits :
« (…)
5-1 Le choix et la préparation de la randonnée À la suite de l'observation des élèves lors de leurs prestations à ski, le niveau du groupe a été jugé
insuffisant par l'encadrement technique et les enseignants pour effectuer en sécurité suffisante une
sortie à ski de randonnée, en raison notamment de la difficulté manifeste de la plupart à skier en
"toutes neiges". Celle-ci a été remplacée par une randonnée en raquette, déjà envisagée avant même
l'arrivée du groupe.
Ainsi que l'a exactement retenu le tribunal, la dénivellation très moyenne de la sortie et l'absence de
technicité de la marche en raquette dès lors que le sujet "attrape" le coup de ne pas se marcher sur les
pieds étaient parfaitement compatibles avec les possibilités de jeunes de 13/14 ans effectuant 7 heures
de sports par semaine, et qui avaient d'ailleurs suivis une préparation physique foncière particulière en
vue de cette randonnée. Ils venaient en outre d'effectuer 3 jours de ski à temps plein. Les adultes
entendus au cours de l'instruction et des débats ont d'ailleurs tous notés que les enfants parlaient
abondamment ou même chantaient en marchant, ce qui est le signe d'une aisance physique certaine de
la plupart d'entre eux, même si l'effort demandé n'était pas nécessairement du goût de tous.
De même, l'équipement individuel de ceux-ci en vêtements et matériels était correct compte tenu de
l'impossibilité de demander aux parents d'acheter des vêtements et des chaussures spécifiques à la
randonnée pour une seule sortie. Le matériel de liaison était suffisant et a d'ailleurs fonctionné de
façon satisfaisante compte tenu des aléas inhérents aux télécommunications en terrain accidenté.
L'encadrement à raison d'un adulte pour cinq à six adolescents, dont un professionnel titulaire d'un
brevet d'État pour chacun des deux groupes finalement formés, était très largement suffisant
Le fait de ne pas avoir emporté les ARVA, et avec eux d'autres pelles et d'autres sondes que celles
portées par Daniel YXXX, est plus difficilement compréhensible à première vue, et d'autant plus que
ce matériel était disponible au centre. L'emploi de ces appareils était quasiment obligatoire et
systématique depuis au moins 1985/86 dans les clubs de montagne et dans les institutions (ENSA,
EHM, etc.) pratiquant le ski de randonnée, voire à l'occasion de certaines courses en montagne à pieds
présentant des risques objectifs d'avalanches.
Pourtant, alors que les dangers sur neige en raquettes sont au moins aussi importants qu'à ski, voire
même supérieurs car les skis permettent de manœuvrer rapidement et peuvent être largués facilement
en cas de nécessité, force est de constater que l'usage d'emporter les ARVA pour une randonnée en
raquettes en groupe institutionnel n'était pas suffisamment établi en janvier 1998 au point de pouvoir
être considéré comme une règle de prudence de base. L'absence d'ARVA à cette époque ne peut ainsi
pas être considérée comme une faute pénale sans commettre l'erreur de raisonnement appelé
anachronisme.
C'est en fait la catastrophe de la crête du Lauzet qui a provoqué dans le milieu montagnard la prise de
conscience que la raquette pouvait être aussi dangereuse que le ski de randonnée ou hors piste et a
entraîné un changement des pratiques, tandis que de leur coté les pouvoirs publics édictaient une
réglementation applicable aux mineurs.
86
Concernant les ARVA régnait à cette époque, et règne peut être encore chez certains professionnels,
l'idée que l'emport de l'ARVA pourrait ne pas être systématique mais ne se faire qu'au coup par coup
en fonction des conditions et de la composition du groupe. Cette idée est aussi fausse que celle qui
consisterait à ne s'arrêter à un "stop" que s'il y a une voiture en vue à proximité : tôt ou tard il est
statistiquement certain que se commettra une erreur d'appréciation sur la distance avec l'autre véhicule
entraînant l'accident. Cette idée était couramment associée à celle, tout aussi fausse, que le guide étant
devant se trouverait en dessous en cas d'avalanche et le client ne sachant pas utiliser le matériel celui-
ci ne servirai à rien. D'abord parce que c'est tout aussi souvent, voire plus, que le ou les premiers d'un
groupe sont épargnés (cela a d'ailleurs été le cas sur la crête du Lauzet). Ensuite parce que, sauf pour
les courses à la journée, il est toujours possible de prévoir une courte séance de maniement des ARVA
pour enseigner le minimum de son usage, et que les pelles et les sondes allant avec les ARVA sont de
toute façon indispensables si l'on veut pouvoir dégager quelqu'un dans un délai lui donnant une chance
réaliste de survie.
Les encadrants de l'UCPA, par habitude de la montagne estivale sinon par obligation réglementaire,
ont respecté l'essentiel des règles relatives aux groupe de mineurs en moyenne montagne estivale, tant
en ce qui concerne les normes d'encadrement que la reconnaissance préalable du parcours. La
reconnaissance du chemin d'été débouchant sur l'arrête au nord du lieu de l'accident, chemin
constituant l'itinéraire initialement envisagé, a été effectuée par VVVX avant les chutes de neige. Elle
a confirmé que cet itinéraire traversant un important couloir d'avalanche était inutilisable par fort
enneigement, ce qui a conduit à en choisir. Un autre pour la randonnée des 22/23 janvier. Pour tout
pratiquant de la montagne vivant sur place à même d'observer les chutes de neige en continu,
disposant du matériel d'orientation et cartographique traditionnel, du bulletin nivo-météo des derniers
jours et des renseignements du couple gardien du refuge, il n'était pas besoin de reconnaissance
supplémentaire.
Au surplus il ne s'agit pas tant de vérifier par cette reconnaissance les dangers sur le terrain que
d'étudier le parcours prévu pour essayer d'en appréhender la difficulté et les dangers, y compris ceux
qui ne seraient pas immédiatement perceptibles sur le terrain en y arrivant sans cette réflexion
préalable.
Le groupe était manifestement trop nombreux, tant par ce que plus un groupe est nombreux et plus il a
des difficultés à respecter son horaire, même calculé large comme c'était le cas, que parce que plus un
groupe est nombreux et plus on augmente le risque pour ceux qui ne sont pas immédiatement les
premiers dans la progression en zone avalancheuse. Toutefois, il n'était pas au programme de se
risquer dans une zone avalancheuse.
5-2 Sur la décision de partir en randonnée le jeudi Le bulletin nivo-méteo comporte deux parties, une partie texte décrivant notamment les risques en
fonction de différents paramètres, et une partie chiffrée indiquant le niveau du risque par rapport aux
pentes ainsi décrites. Le niveau 2, voire 1, peut suffire à l'accident pour peu que l'on aille au mauvais
endroit, alors que l'on peut évoluer en sécurité par niveau 4 voire 5, toujours selon l'endroit choisi.
Sortir ou pas par situation avalancheuse est donc pour les montagnards une fausse question. La bonne
question est "où peut-on aller en sécurité ?". Il s'agit de bien choisir l'endroit où l'on va en fonction des
risques qui peuvent de présenter sur le parcours que l'on envisage, et du niveau de risque que l'on
accepte de prendre.
Si un itinéraire présente trop de risque ou un niveau de risque que l'on n'accepte pas, il est
généralement possible d'en trouver un qui en présente moins : le risque avalanche zéro n'existe pas
dans l'indice chiffré, mais il peut s'approcher, par exemple, sur une piste de ski de fond loin de toute
pente avalancheuse. Il n'y a pas de coupure nette entre les itinéraires "à risque" et les itinéraires "sans
risque" mais seulement une insensible différence de degré.
87
En l'espèce l'itinéraire prévu se déroule précisément sur un espace au départ relativement plat et
comportant une piste de ski de fond restée ouverte, plus redressé par la suite mais pour l'essentiel
boisé, sans grandes pentes raides dégagées au dessus. Il n'est pas exposé à des avalanches pouvant être
déclenchée par des tiers ou par le vent ou des animaux. Il s'agit manifestement d'un terrain de jeu dédié
au ski de fond et à la raquette, voire à l'initiation au ski de randonnée.
Pour un pratiquant expérimenté désireux de profiter du beau temps stable revenu en prenant le
minimum de risque, c'est le type même du terrain de repli idéal devant une situation avalancheuse bien
marquée interdisant les itinéraires plus exposés. Et ceci d'autant plus qu'il se situe en exposition Ouest,
en principe à l'abri des vents de Sud-Ouest à Nord-Ouest ayant entraîné la formation des multiples
plaques à vent signalées par le bulletin nivo-meteo.
Le seul point éventuellement dangereux était le court passage raide et déboisé de quarante ou
cinquante mètres de dénivelé pour atteindre l'arrête, là où précisément s'est produit l'accident.
Toutefois les différents bulletins nivo-méteo publiés depuis le déclenchement des chutes de neige
récentes ne faisaient pas état de risques de formation de plaques à vent dangereuses ("sous le vent")
sur ce versant d'ascension, tandis qu'il existait sur l'autre versant plusieurs possibilités d'itinéraires sûrs
pour la descente, que Daniel YXXX avait d'ailleurs déjà pratiqués.
Ce passage dangereux, qui n'était pas spécialement choisi au départ, aurait pu être facilement évité en
continuant à cheminer sous bois vers la gauche pour parvenir à l'arrête en un autre point, en fonction
de l'appréciation du responsable technique du groupe sur la nécessité de cet évitement lorsque il a
découvert ce passage depuis le bas au cours de la randonnée du vendredi. Au prix, il est vrai, du temps
perdu par ce détour et du supplément d'effort nécessité par une pente plus raide et débouchant plus
haut.
5-3 Sur la conduite de la course le vendredi 53-1 La modification de l'itinéraire reconnu par VXXX au vu de la carte et de l'observation de la crête
depuis le refuge est parfaitement justifiée, cet itinéraire étant le chemin d'été empruntant à sa sortie sur
l'arrête un couloir d'avalanche bien rempli.
Depuis l'itinéraire emprunté jusqu'au pied du raidillon final n'était visible aucun signe objectif de
danger d'avalanche au lieu considéré ce qui, joint à l'information que l'arrête avait été "faite" la veille
sans difficulté particulière autorisait à maintenir le passage par l'arrête. Il était donc raisonnablement
envisageable de passer par l'arrête comme prévu, sous réserve de ce qui serait ponctuellement
découvert sur le terrain.
53-2 À partir du moment de la séparation des groupes, Daniel YXXX se trouvant matériellement en
tête du groupe traversant l'arrête devient par là même le seul responsable de la conduite de la course,
choisissant l'itinéraire et marquant le rythme de la progression.
Les autres adultes, une fois leur accord donné à la poursuite de la course, ne sont plus, par la nature
même des choses résultant de leur place matérielle dans le groupe étiré dans la trace selon les règles
habituelles de progression, en situation d'intervenir. L'on entre là dans le domaine de la spécificité
technique de l'intervenant extérieur.
Les temps de repos ont été correctement pris, nourriture et boissons n'ont pas été négligées au cours de
la progression. Tous les en-cas avaient été distribués durant la progression, les derniers au pied du
raidillon. D'après les gendarmes qui ont refait l'itinéraire dans les jours suivants le rythme a été plutôt
relâché, "bien en dessous de ce qu'un groupe d'adolescents pouvait fournir", tandis qu'Alain Duclos,
guide et expert en nivologie, parle de trace "confortable" faite par un guide manifestement soucieux de
ne pas bousculer son groupe.
Le retard du groupe sur l'horaire est ainsi plutôt le résultat de sa taille excessive et d'une conduite de
course bienveillante de la part de Daniel YXXX que d'une fatigue particulière des enfants. Quoiqu'il
en soit, à quelques minutes près, il ne restait plus vers 13 heures 15 qu'à redescendre pendant deux à
88
trois heures, et le groupe était encore largement dans les délais pour retourner au centre UCPA et
prendre le train de 20 heures 50 pour Paris.
L'itinéraire final arrêté au refuge a été a peu près suivi, Daniel YXXX qui conduisait le groupe ayant
suivi une trace de ski favorable, sans doute celle du garde forestier monté la veille sur l'arrête d'après
ce qu'a indiqué le gardien du refuge. Puis il a à juste titre préféré monter droit vers l'arrête en restant
dans la forêt, passant entre deux zones avalancheuses évidentes, jusqu'à ce qu'il débouche au pied du
dernier raidillon.
Les descriptions de cette pente abordée par le groupe et franchie par ses éléments de tête concordent
sur sa hauteur, soit environ 40 à 50 mètres entre la crête du Lauzet et le début de la zone du premier
dépôt en avant du rideau de mélèzes et contre celui-ci. La mesure de son inclinaison effectuée par
Meteo France dans son rapport du 2 février 1998 (D91) donne :
- une courte (20 à 30 mètres) partie à 40 degré entre deux parties
- l'une de 35° jusqu'à l'arrête plate et horizontale, zone convexe où s'est produite la cassure,
- l'autre concave ramenant à 20° (zone du premier dépôt) puis repartant à 30° qui est la raideur de la
partie finale du couloir étroit emprunté par la partie de l'avalanche qui n'a pas été arrêtée par le rideau
de mélèzes.
L'axe de l'avalanche a été une petite combe qui s'est remplie par l'effet d'un peu tous les vents ayant
soufflé les jours précédents, puis a donné lieu à la formation d'une plaque a vent très dure, épaisse de
30 centimètres sauf en son centre où elle atteint 1 mètres 50. Les photographies des enquêteurs
donnent l'image d'une crête enneigée ayant subi des vents forts, avec des pentes chargées. Toutefois
les accumulations ne sont pas nettement visibles depuis le bas de la pente, et l'on y cherche en vain les
signes traditionnels d'une pente de toute évidence "sous le vent" considérée traditionnellement comme
manifestement dangereuse. En particulier la corniche sommitale, lorsqu'elle existe, est des plus
discrète, probablement à cause du caractère tournant des vents qui a masqué et effacé les signes
déposés lors de l'accumulation de la plaque supérieure. Elle n'est pas non plus visible d'en dessous. Les
vagues imprimés par le vent sur la neige évoquent par leur orientation un vent plutôt Nord/Nord-Ouest
parallèle à la crête que le très violent vent d'Est manifestement à l'origine de la formation de la plaque.
Il est vrai que le vent de Nord-est signalé est situé à 3 000 mètres et que l'orientation du vent d'altitude
à tendance à tourner lorsque l'on se rapproche du sol en fonction tant de la rotation de la terre que de la
plus ou moins grande viscosité de la couche d'air déplacée par la perturbation a l'origine du vent. En
outre le voisinage d'une crête peut modifier localement la direction du vent, celui-ci pouvant
successivement contourner l'obstacle en passant directement par dessus l'arrête ou au contraire suivre
la crête pour reprendre sa direction primitive après celle-ci.
Aucun signe d'avalanche importante antérieure n'a été relevé sur la végétation ou sur le terrain, tout au
plus existe t-il les stigmates habituels des reptations de printemps lors de la fonte des neiges.
Si le réflexe d'un pratiquant moyen dirigeant un groupe de bon niveau aurait probablement été de
prendre à gauche pour rester dans le bois et éviter ainsi le court raidillon malgré tout peu engageant, il
n'est pas aberrant que Daniel YXXX, professionnel expérimenté se fiant tant au bulletin nivo-météo
qu'à l'absence de signes marqués manifestant que la pente était sous le vent, soucieux au demeurant de
ne pas fatiguer les adolescents par un détour par le bois comportant une pente plus raide et un peu plus
élevée, ait cru pouvoir monter directement à l'arrête en sécurité.
53-3 L'analyse du manteau neigeux (D 68, D 91, D 350 et notes d'audience de première instance)
montre une stratification de la couche de neige en une sous-couche profonde avec selon les endroits
deux ou trois couches fragiles formant des plans de glissement et, tout au dessus, la couche de neige
récente des jours précédents, reprise et travaillée par le vent et formant une plaque extrêmement dure
donnant l'illusion de la solidité, d'une épaisseur variant de 30 cm à un 1,50 mètre selon les endroits.
89
Cette plaque a été probablement formée par le vent de Nord-Est à Est ayant soufflé à partir du
mercredi 21 janvier avec le rétablissement du grand beau temps froid, avec une très grande violence le
mercredi.
Les vents annoncés et pris en compte par les bulletins nivo-méteo successifs depuis le début de la
semaine sont de secteur Sud/Sud-Ouest ayant tourné Nord-Ouest/Nord selon le mécanisme classique
du retour du beau temps froid après le passage d'une perturbation, alors que la crête du Lauzet est
d'orientation grossièrement Nord/Sud. Des épisodes de passage du vent en secteur Nord/Nord-Est voir
plein Est sont mentionnés dans les bulletins du mercredi au vendredi, mais sans mention de la
formations des plaques à vent correspondantes, plaques qui ne sont signalées que dans les zones sous
les différents vents d'Ouest. Ce déphasage provient peut-être des délais de transmission des
observations de terrain au centre météo chargé de les interpréter.
Le mécanisme de déclenchement a été une cassure de la plaque récente dans la zone la plus fragile,
soit la partie la plus convexe. Il est possible que la cassure ait été provoquée soit par le passage du
groupe de tête sur la plaque dure avant qu'il ne fasse demi-tour, soit à distance lorsque Daniel YXXX
est passé sur la plaque friable de droite. La partie cassée a glissé sur une fine plaque de glace de pluie
formant plaque de roulement, puis l'ébranlement a entraîné par endroits une couche plus ancienne qui
a glissé sur la glace de fond.
Le tribunal a retenu que Daniel YXXX, s'étant rendu compte qu'il était sur un plaque à vent
dangereuse, a eu un comportement fautif en ne faisant pas immédiatement contourner celle-ci par le
groupe qu'il a au contraire tardé à empêcher de s'y engager, provoquant ainsi la cassure. Cette
appréciation est définitive et il n'appartient pas à la Cour de se prononcer à cet égard.
53-4 Les moyens d'alerte étaient opérationnels et ont fonctionné compte tenu des contraintes de la
radio et du téléphone en milieu accidenté, et le délai d'intervention des secours a été normal eu égard
au caractère exceptionnel de la catastrophe.
6 - Sur les indemnisations
6 – 1 Sur l'indemnisation des familles des victimes Le premier juge a exactement apprécié les indemnités à allouer aux différentes parties civiles pour
leurs préjudices moraux résultant du décès ou des blessures graves de membres de leurs familles
respectives.
Le premier juge a exactement apprécié le montant des provisions allouées aux parties en cours
d'expertise médicale, et il appartiendra à celles-ci de demander le cas échéant des provisions
complémentaires au tribunal, qui reste saisi de la liquidation des préjudices corporels de ces victimes.
Encore qu'il soit définitivement déclaré responsable du dommage, il ne serait pas équitable de laisser
au seul Daniel YXXX, qui ne dispose à cette fin d'aucune couverture de son employeur ou de son
assureur, la charge des frais non répétibles exposés en appel par les parties civiles pour parvenir
essentiellement à la condamnation de Hervé ZXXX, VVVX et Serge WXXX.
6 - 2 Sur les demandes d'AVAL 98 Le premier juge a exactement apprécié le montant de l'indemnisation allouée à cette association
régulièrement déclarée et agrée par les pouvoirs publics au titre de l'édification du monument.
La demande d'une subvention pour une activité consistant d'après ses conclusions à "mettre en œuvre
toute action d'information [...] et toute initiative [...] dans un esprit de prévention", pour légitime que
soit ce but, se heurte effectivement au caractère nécessairement indemnitaire des dommages et intérêts
à la suite d'une infraction pénale.
6 -3 Sur les demandes de la CPAM des Yvelines La liquidation de ses droits définitifs en suite du décès de Bernadette CXXX (1 567 642,54 francs) a
été exactement opérée par le jugement, qui sera confirmé sur ce point. Cette somme comprend les
prestations servies aux enfants Benoît et Liliana CXXX en suite du décès de leur mère.
90
Les réserves sont de droit et résultent donc suffisamment de la mention de la présence de la CPAM à
la procédure.
La Cour se doit de rappeler que le recours de la CPAM s'exerçant dans la limite de la part de
l'indemnité mise à la charge du tiers responsable soumise à son emprise, aucune somme ne peut lui
être allouée tant que cette indemnité n'est pas définitivement liquidée après établissement du décompte
définitif des droits des tiers payeurs, victime par victime. Dès lors aucun intérêt ne peut être mis à la
charge du tiers responsable avant cette liquidation.
La caisse de sécurité sociale est partie intervenante nécessaire à l’instance, mais ne peut exercer
l’ensemble des droits reconnus à la partie civile et ne peut de ce fait prétendre au bénéfice de l’article
475-1 du Code de Procédure Pénale. Sa situation relève en réalité de l’application de plein droit de
l’article L.454-1 du Code de la Sécurité Sociale, qui est mis en œuvre par son comptable public hors
toute décision judiciaire.
6 - 4 Sur les demandes de Serge WXXX Les parties civiles ayant poursuivi directement Serge WXXX n'ont fait qu'exercer leurs droits dès lors
que le juge d’instruction n'a pas devoir le mettre en examen pour permettre, sous le contrôle éventuel
de la chambre d'accusation, un examen contradictoire des charges le concernant durant la phase
d'instruction de l'affaire.
L'appel est un droit dont il n'est pas démontré qu'il ait été exercé abusivement en l’espèce.
PAR CES MOTIFS reçoit les appels contre le jugement rendu le 13 janvier 2000 par le Tribunal Correctionnel de GAP
(…)
DIT N'Y AVOIR LIEU à transport ou à auditions de témoins,
REJETTE les exceptions de procédure,
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions critiquées,
RENVOIE en tant que de besoin la cause et les parties devant le premier juge pour la suite de la
procédure,
DÉCLARENT IRRECEVABLES les demandes de la CPAM des Yvelines par application de l'article
475-1 du Code de Procédure Pénale et en application de l'article L.454-1 du Code de la Sécurité
Sociale, cette dernière ne relevant pas de l'autorité judiciaire mais de la comptabilité publique,
REJETTENT le surplus des demandes de la CPAM des Yvelines,
REJETTE la demande de Serge WXXX par application de l'article 472 du Code de Procédure Pénale,
REJETTE les demandes fondées sur l'article 475-1 du Code de Procédure Pénale pour les frais non
répétibles exposés en appel,
(…) ».
91
ANNEXE 30
Tribunal correctionnel d’Albertville, 7 août 2015, n° 12347000019
Extraits :
« (…)
Dans le procès verbal de premières constations, les militaires du PGHM notaient que l’avalanche avait
eu lieu en secteur hors piste, sans aucun jalon ni panneau, reprenant le propos tenus au secours et
retranscris sur la main courante mentionnant le caractère hors piste de la zone.
Des premiers témoignages, il ressortait que trois moniteurs de ski de l’UCPA, V…, S… et J… eut
leurs stagiaires se trouvaient sur une zone en dessous d’une remontée mécanique sur le secteur dit
« mur de pâquerette ».
(…)
Les gendarmes procédaient aux auditions des témoins et notamment d’autres gendarmes du PGHM du
Jura en stage sur le secteur. Ils expliquaient avoir immédiatement pris part aux recherches avec les 20
à 30 personnes présentes sur la zone constatant cependant que les personnes ensevelies n’étaient pas
porteuses de DVA.
Une première personne était rapidement extraite et consciente tandis que l’autre personne ensevelie
n’était retrouvée que plus tardivement en arrêt cardio-respiratoire à l’aide du systèùe RECCO.
L’un des militaires du PGHM expliquait qu’ils étaient partis pour faire du hors-piste mais avaient
renoncé et étaient restés sur les pistes ouvertes compte tenu des conditions météorologiques.
Le bulletin météo et le BRA du 5 décembre 2012 indiquaient :
- Fortes chutes de neige
- Fortes rafales de vent
- Risque d’avalanche de 4/5
- Le passage d’un seul skieur peut permettre le départ d’une avalanche.
L’autopsie réalisée sur la jeune femme de 20 ans concluait : « il est possible de dire que le décès n’est
pas d’origine traumatique (…). Si l’on considère les circonstances d’hypothermie retrouvées à 26 ° C
(…), cette hypothermie est responsable d’un coma anoxique (…). Il existe un lien direct et certain
entre les circonstances de l’accident et le décès ».
L’expert en nivologie, Monsieur DUCLOS concluait à « une avalanche de plaque friable, constituée
essentiellement de neige accumulée par le vent … Les conditions du mois de novembre expliquent la
formation de couches fragiles persistantes, lesquelles peuvent être à l’origine de mécanismes de
déclenchement complexes, tels que les déclenchements à distances ».
V… était entendu. Il exposait qu’en sa qualité de formateur à l’UCPA ils avaient emmené avec ses
deux collègues leurs groupes respectifs pour les entraîner au passage du brevet d’état pour le monitorat
de ski. Ils devaient les entraîner notamment en slalom, ce qui s’était avéré impossible depuis le début
de la semaine compte tenu des conditions météo.
Ils étaient donc partis le matin sans avoir l’intention de faire du secteur hors-piste et n’avaient donc
pas pris le matériel de sécurité hors piste à savoir le DVA, la pelle et la sonde.
Les trois groupes de 10 stagiaires évoluaient chacun de leur côté avant de se retrouver en haut de
Tovière. Pendant redescendre par la piste des Trolles, V… se rendait à la cabane des pisteurs en
compagnie de S… où il rencontrait 3 pisteurs. Il interrogeait l’un d’entre eux sur les ouvertures de
pistes et de remontées mécaniques et il lui était répondu que la piste noire sous l’aéroski nommée
« Pâquerette » était bonne mais pas balisée.
Ils partageaient l’information entre les trois moniteurs et ils décidaient d’entreprendre leur descente sur
la zone de pâquerette.
92
Ils vérifiaient l’état du manteau neigeux s’assurant qu’il était conforme à ce qui avait été décrit par les
pisteurs. Il confirmait l’absence de balisage mais indiquait connaître le tracé de la piste l’ayant
emprunté lors de saisons antérieures.
Chacun des moniteurs de positionnait à des hauteurs différentes de la pente et envoyait les stagiaires
un par un.
Alors que l’un des stagiaires arrivait à son niveau et que son groupe était en bas, l’avalanche partait
faisant se coucher son groupe ainsi que des anglais qui se trouvaient plus bas. (…).
S… confirmait les déclarations de V… ajoutant que les deux victimes étaient dans son groupe.
Concernant la conversation avec les pisteurs, il expliquait ne pas avoir entendu toute la conversation
mais avait entendu que le pisteur leur avait précisé que « ça passait même si la piste n’était pas
ouverte.
Il avait lui-même été pris dans l’avalanche mais était resté en surface.
J… confirmait les auditions de ses deux collègues. Il indiquait qu’ils avaient connaissance des
conditions nivologiques et météorologiques de la journée.
Il confirmait également que ses collègues s’étaient rendus à la cabane des pisteurs et étaient revenus en
indiquant qu’ils pouvaient passer sur pâquerette.
(…)
Les investigations faites confirmaient que la piste était fermée le jour des faits, même si un membre de
l’UCPA indiquait qu’elle était apparue un moment ouverte sir l’application de la station. Cette
affirmation ne pouvait être vérifiée.
Ainsi le responsable des remontées mécaniques confirmait que la piste était fermée.
L’exploitation du PIDA de ce jour laissait apparaître l’absence de purge du secteur 110 protégeant la
piste pâquerette. L’absence de purge de ce secteur permet de penser qu’il n’y avait pas d’intention de
l’ouvrir. (…)
A l’audience, les trois prévenus restaient sur leurs dernières déclarations confirmant qu’il ne s’agissait
pas d’un secteur hors piste.
SUR CE :
Sur la nature du secteur de pâquerette :
(…). Il n’existe en conséquence aucun doute sur la nature du terrain où l’avalanche s’est déclenchée, il
s’agit d’un secteur hors piste.
Les prévenus ne pouvaient en outre pas ignorer qu’il s’agissait d’un secteur hors piste.
(…)
Enfin, s’ils soutiennent qu’ils avaient la certitude d’évoluer sur le domaine skiable, leurs propres
stagiaires, ayant moins de formation et d’expérience qu’eux, avaient pour la majorité conscience
d’évoluer en hors piste.
Il était donc en conséquence certain qu’ils étaient en hors piste. Affirmer le contraire ne pourrait
qu’interroger sur leur compétence dans le domaine de la pratique du ski.
Sur la faute des pisteurs :
Si la procédure laisse apparaître un défaut de concordance entre les déclarations des pisteurs et celles
des prévenus et des stagiaires, force est de constater que les divergences, l’imprécision et les
changements de position des pisteurs tendent à confirmer les déclarations des prévenues et des
stagiaires sur le fait qu’il y avait effectivement eu un échange entre les moniteur V… et S… et les
pisteurs. (…)
Cependant, même à supposer que les pisteurs auraient indiqué qu’ils pouvaient évoluer sur le secteur
de Pâquerette, il convient de rappeler que si cette communication d’un professionnel à un autre
93
professionnel peut être constitutive d’une faute, il ne peut s’agir que d’une faute simple et n’ôte
aucunement le libre arbitre des moniteurs dans le choix ou non d’emprunter un secteur hors piste. En
tant que professionnel, il appartient au moniteur de prendre une décision éclairée au regard des
éléments portés à sa connaissance.
Dès lors qu’il est établi que les faits ont eu lieu en secteur hors piste, ce dont les moniteurs avaient
forcément conscience, il convient d’analyser en présence d’un lien de causalité indirect, si en leur
qualité de professionnels ils ont commis une faute caractérisée, laquelle est à l’origine du départ de
l’avalanche.
Les éléments dont les prévenus avaient nécessairement connaissance étaient les suivants :
- Une météo défavorable
- Un indice d’avalanche de 4/5
- Une déclivité supérieure à 30°.
Tous les professionnels présents sur le secteur le jour des faits et notamment les gendarmes du PGHM
ont indiqué qu’ils ne se seraient pas risqués en hors piste.
Les prévenus le font en amenant 30 personnes sur un manteau neigeux instable et sans l’équipement
de sécurité de base (DVA, pelle et sonde) pour pouvoir évoluer en hors piste.. Les prévenus ont ainsi
cumulé une prise de risque énorme avec l’absence de matériel de sécurité et ce d’autant que la
présence d’un DVA aurait sans aucun doute permis de retrouver la victime plus rapidement et
certainement indemne.
Si de longs développements ont été faits sur le déclenchement ou non de l’ensemble du PIDA, ces
derniers sont sans incidence sur l’analyse juridique des faits, le secteur hors piste étant par définition
non sécurisé. En outre, les témoignages et les éléments nivologiques confirment que l’avalanche est
liée au passage des groupes de skieurs sur la zone.
Ces éléments établissent la faute caractérisée permettant de les retenir dans les liens de la prévention.
SUR LA PEINE :
(…) l’importance de la faute, l’absence de conscience à tout le moins après leurs premières auditions
d’avoir commis une faute ayant causé le décès de la jeune C… et blessé N… . Il convient en
conséquence de les condamner à une peine d’un an d’emprisonnement lequel sera assorti totalement
du sursis, ainsi qu’à une amende de 2000 euros.
Compte tenu de la commission des faits, de leurs déclarations selon lesquelles ils étaient sur piste, il
convient de prononcer une peine d’interdiction d’exercer la profession de moniteur de ski pendant 1
an, interdiction qui est seule de nature à donner de la consistance à la peine.
(…) ».
94
ANNEXE 31
Extrait du rapport de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale du 14
janvier 2014, rédigé par Mme BATTISTEL, députée
2. Moniteur de ski : une profession libérale très organisée
Les moniteurs de ski ont un statut de travailleurs indépendants reconnu par l’article L. 622-5 du code
de la sécurité sociale dont le dernier alinéa dispose que « pour des raisons impérieuses de sécurité, les
moniteurs de ski titulaires d'un brevet d’État ou d’une autorisation d’exercer, organisés en
association ou en syndicat professionnel pour la mise en œuvre de leur activité, sont considérés
comme exerçant une activité non salariée relevant du régime des travailleurs indépendants et ce,
quel que soit le public auquel ils s'adressent ».
Comme le souligne incidemment cet article en se référant aux associations et syndicats professionnels
regroupant les moniteurs de ski, cette profession, certes indépendante, n’en demeure pas moins très
organisée, ce qui, d’après la Direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services
(DGCIS), constitue uneexception notable parmi les professions libérales. Certaines d’entre elles
peuvent en effet être encadrées par des ordres professionnels mais les compétences de ces derniers se
limitent essentiellement aux aspects déontologiques de l’exercice de ces professions.
A contrario, la très grande majorité des moniteurs de ski est regroupée au sein d’écoles de ski
chargées de répartir l’activité entre leurs membres. Les moniteurs de ski rassemblés au sein de
chaque association locale élisent leur directeur qui est chargé d’organiser le tableau de répartition des
heures d’enseignement en fonction, d’une part, des diplômes et des compétences particulières de
chacun (spécialité, langue étrangère…) et, d’autre part, de l’ancienneté au sein de l’association. Les
moniteurs de ski se répartissent ainsi entre permanents, situés « en haut du tableau », c’est-à-dire
susceptibles de bénéficier du maximum d’heures sur la saison, occasionnels, qui viennent ensuite, en
continuité ou non sur la saison, et renforts, présents uniquement pendant les périodes de vacances
scolaires ou en fonction des besoins. Par ailleurs, chaque école de ski peut accueillir des moniteurs
stagiaires, en formation au sein de l’École nationale de ski alpin (ENSA), qui bénéficient d’un tutorat
exercé par un membre plus ancien de l’association. La cohabitation de plusieurs générations au sein
des écoles de ski favorise ainsi une forme de compagnonnage, qui elle-même facilite la transmission
et l’acquisition des savoir-faire.
Les plus anciennes et les plus nombreuses de ces écoles de ski sont les écoles du ski français (ESF)
dont l’organisation faîtière est le syndicat national des moniteurs du ski français (SNMSF) auquel
adhèrent aujourd’hui près de 90 % des moniteurs. Ses membres sont surnommés « les pulls rouges »
en référence à leur tenue. Il existe également d’autres organisations, comme les écoles de ski
international (ESI) dont les membres, habillés de bleu, appartiennent quant à eux au syndicat
international des moniteurs de ski (SIMS) ou encore des associations indépendantes, présentes
uniquement localement. On compte environ 17 000 moniteurs de ski en France dont 12 000 seraient en
activité.
L’École du ski français L’École du ski français (ESF), marque communautaire enregistrée depuis 2009, est née de la méthode
d’enseignement du ski mise au point par Émile Allais, reconnue comme une méthode propre à la
France (arrêt de la Cour d’appel de Grenoble du 30 janvier 2012). Elle regroupe, sans avoir la
personnalité juridique, les moniteurs adhérant au Syndicat national des moniteurs de ski français
(SNMSF) créé en 1945. Celui-ci a pour objet d’assurer la défense et l’organisation de la profession et
de contrôler le bon fonctionnement des écoles du ski français, mais non de diriger ou de contrôler
l’activité de ses adhérents (arrêt de la Cour d’appel de Paris du 27 avril 2011).
Regroupés au sein de syndicats locaux, les moniteurs enseignant dans l’une des 250 ESF présentes
sur tous les massifs montagneux français acceptent de respecter la méthode d’enseignement de
95
l’ESF, les règles déontologiques de la charte de l’ESF, définie au plan national, et la convention
régissant, au niveau local, l’exercice de la profession (rémunération, planning, disponibilité, etc.). Ils
élisent un directeur qui a la charge du bon fonctionnement de l’ESF et qui les représente auprès du
syndicat. La distribution des cours et leçons se fait par l’intermédiaire du directeur dans l’intérêt du
client et du bon fonctionnement de l’école en tenant compte des compétences et des diplômes ainsi
que de l’ancienneté des moniteurs.
Les moniteurs perçoivent des honoraires et ne sont pas juridiquement des préposés de l’ESF, ni du
syndicat local, qui n’a pas la personnalité juridique et ne peut donc pas agir en justice (arrêt de la Cour
d’appel de Chambéry du 22 octobre 1977). Ils sont personnellement responsables des fautes qu'ils
peuvent commettre à l'occasion des cours qu'ils dispensent (arrêt de la Cour d’appel de Chambéry du
11 janvier 2000).
L’ESF n’a pas l’exclusivité de l’enseignement du ski. D’autres organisations existent, qui regroupent
des moniteurs titulaires des mêmes diplômes d’État, ou de diplômes admis en équivalence, par
exemple le Syndicat international des moniteurs de ski (SIMS) qui regroupe 2 000 moniteurs répartis
dans 95 écoles de ski et de snowboard en France, en Suisse et en Italie, sous l’enseigne « École de ski
internationale »