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Texte de prsentation et de la soutenance de thse de doctorat en thologie orthodoxe du
Pre Dr. Jean Boboc : Homo absconditus et eschatologicus Elments pour une tho-
anthropologie orthodoxe, ternaire, apophatique et pneumatique.
A la gloire de Dieu ! Car cest bien de la gloire de Dieu qui sest fait homme pour que nous
devenions dieu, que nous allons parler. Il ny a pas dautre onto-tho-anthropologie que celle-
ci qui rvle le sens de lhomme, question beaucoup plus taraudante que celle de savoir sil
est le fruit de lvolutionnisme ou de la cration lorsque lon a enfin compris que lvolution
nest quune des modalits de la cration de Dieu qui fait que les choses se fassent
Alors, Oui ou non, la vie humaine a-t-elle un sens, et lhomme a-t-il une destine ? Cest
ainsi que le philosophe Maurice Blondel1 que cite souvent le Pre Dumitru Staniloae
2, avait
formul son interrogation qui est en fait celle qui sous-tend notre problmatique
anthropologique ds lors que nous pensons en termes de finitude et deschatologie. Nous
avons cherch rpondre cette question en labordant sur un plan tho-anthropologique sous
le prisme du paradigme anthropologique tripartite et dans une optique orthodoxe pneumatique
et apophatique et selon une mthodologie dlibrment multidisciplinaire, historique,
philosophique, mais surtout scripturaire, patristique, liturgique, hymnographique et
scientifique par les avances de lembryologie et de la gntique, et cela dans un discours
souvent en rupture et en dbat contradictoire. La transdisciplinarit simpose en effet devant
les excs de la sur-spcialisation.
Ds que lon utilise le terme danthropologie, on se trouve face un grand malentendu sur
celle-ci, car elle est toujours en porte faux puisque conue en terme philosophique,
lanthropologie nadresse que des disciplines et matires non-philosophiques et que conue en
terme de science positive, on rduit lhomme une espce donne, mme si considre
suprieure, avec le risque de rater la cible : lhomme se faisant lui-mme, fondant son
1 Maurice BLONDEL, Laction, Alcan, Paris, t.2, 1937. La citation mrite dtre complte : Oui ou non, la vie
humaine a-t-elle un sens, et lhomme a-t-il une destine ? Jagis, mais sans mme savoir ce quest laction, sans
avoir souhait de vivre, sans connatre au juste ni qui je suis ni mme qui je suis. Cette apparence dtre qui
sagite en moi, ces actions lgres et fugitives dune ombre, jentends dire quelles portent en elles une
responsabilit ternellement lourde, et que, mme au prix du sang, je ne puis acheter le nant parce que pour moi
il nest plus : je serais donc condamn la vie, condamn la mort, condamn lternit ! Comment et de quel
droit, si je ne lai ni su ni voulu ? Introduction, p. 15. Louvrage de Blondel fut interdit de publication par le
Vatican. La philosophie de M. Blondel a eu une influence sur lcole dite de Fourvires , qui runissait des
esprits tels que J. Danilou, H. de Lubac, Teilhard de Chardin, H. Urs von Balthasar, G. Fessard. En 1950, une
crise clata entre le Vatican et lcole de Fourvires, la suite du Surnaturel du pre H. de Lubac, auquel
lencyclique De Humani Generis semblait rpondre. Par ailleurs, linfluence de lcole et de Blondel dpassa la
France et le Pre D. Staniloae le cite plusieurs reprises dans son ouvrage mentionn dans la note suivante, n.2.
La mme question : Quest ce que lhomme, quelle est sa place dans le cosmos ? tait pose de lautre ct
du Rhin par Max Scheler qui proposait une mtanthropologie, c'est--dire une anthropologie prenant en compte
la transcendance et avanant une anthropologie mtaphysique. Auteur auquel faisait aussi rfrence le Pre D.
Staniloae, en particulier au regard de louvrage, Vom Ewigen im Menschen (1921) cit dans Ascetica i Mistica
Bisericii Ortodoxe. 2 Dumitru STANILOAE, Ascetica i Mistica Bisericii Ortodoxe, Editura Institului Biblic i de Misiune al Bisericii
Ortodoxe Romne, Bucarest, 2002. Asctique et Mystique de lEglise Orthodoxe, traduction franaise du pre
Jean BOBOC et de Romain OTAL, Cerf, 2011.
2
histoire 3. Cette rflexion dAlphonse De Waehlens est bien entendu valable pour mettre en
perspective toute tude anthropologique mais ne lest plus pour une anthropologie rvle.
Si pour le christianisme orthodoxe le dfi du XXIe sicle est bien celui daffirmer le
principe central de son anthropologie : que Dieu a cr lhomme son image 4, la ncessit
dune vision anthropologique, recentre sur le Crateur, appelle une tho-anthropologie
faisant front lanthropologie occidentale, celle dite des Sciences Humaines et en particulier
lanthropologie humaniste et celle du sicle des Lumires et de leurs pigones actuelles, qui
ont conduit la dclaration de la mort de Dieu et par voie de consquence celle de
lhomme5. Dj lon voit se dessiner aujourdhui les prmices trs militants dune
anthropologie contemporaine qui nest ni moderne, ni mme post-moderne, mais post-
humaine, selon lexpression de Francis Fukuyama6 faisant rfrence aux consquences des
biotechnologies.
Quelques thologiens orthodoxes se plaignent mi-mot de ne pas bnficier dune
anthropologie orthodoxe, faisant figure de discipline universellement reue (le cas de C.
Andronikoff). Vl. Lossky dit aussi la mme chose : en gnral, lanthropologie chrtienne
na pas reu une laboration thologique suffisante, on la connait surtout par le biais de la
christologie [] Une anthropologie scientifique, fonde sur lobservation des faits concrets,
ne peut avoir quune valeur accidentelle pour la thologie. Une anthropologie thologique se
construit de haut en bas, en partant des dogmes trinitaire et christologique pour dcouvrir dans
la ralit humaine lunit de nature et la multiplicit dhypostases cres, etc. 7. Car il sagit
dune anthropologie rvle et ce nest pas du puzzle des fossiles palontologiques ni de la
philosophie quil faut partir, mais de lArchtype. Cest ce que disait aussi le pre Rafal
(Noca), dans une de ses confrences de carme auprs dtudiants en thologie, prcisant que
lanthropologie tudie lhomme pour voir ce quest lhomme, tandis que nous, nous
tudions le Christ pour voir ce quest lhomme. Le Christ est Dieu, mais il est le Dieu qui est
venu dans notre nature pour nous montrer ce quest lhomme tel que Lui, la pens. Aucun
des fils dAdam na pu parvenir la gloire de ce quest un homme parfait 8.
Cest dire que la dmarche sera apophatique. Comme lcrivait Mgr Kallistos Ware, une
thologie apophatique, (donc orthodoxe), rpond aussi une anthropologie apophatique.
3 A. De WAELHENS, article anthropologie , Encyclopaedia Universalis, vol.2, Paris, mai 1976 et La
philosophie et les expriences naturelles, La Haye, 1961. 4 Cf. J. BRECK, Le don sacr de la vie, Cerf, 2005, p. 167. 5 I.ICA jr, dans la prface lAnimal divinis de P. NELLAS, version roumaine cite. 6 Francis FUKUYAMA, Our posthuman Future. Consequences of the Biotechnology Revolution, Londres, Profile Books, 2003. Ce que disait dj C.S. LEWIS en 1943 : Ltape finale, ce sera lorsque lHomme, par leugnisme, le conditionnement prnatal, une ducation et une propagande bases sur une psychologie applique parfaite, sera parvenu une matrise totale sur lui-mme. La nature humaine sera le dernier bastion de la Nature se rendre lHomme , dans The Abolition of Man, Londres, Harper-Collins, 1999, p. 36-37. 7 A limage et la ressemblance, Cerf, p. 182. 8 Rafal NOICA, Sur lHomme , confrence donn aux tudiants en thologie dAlba Iulia. Grand Carme de
1995. In Cultura duhului, Editura Rentregirea, Alaba Iulia, 2002, p. 148, (en roumain).
3
Cette dmarche daffirmation et de dfense de lanthropologie orthodoxe, gnre puis
implique toute une srie de questionnements issus de la premire et principale interrogation,
qui nest pas de savoir quest-ce que lhomme ?, mais qui est lhomme ?9, et pourquoi
lhomme ?
Ce qui est lhomme ? conduit la dcouverte de lhomo absconditus (en regard du
Deus absconditus), et ce pourquoi lhomme ? conduit son tour lhomo eschatologicus.
Le dynamisme entre les deux nest autre que la mtamorphose paulinienne qui va de
limage la ressemblance, de lhomme psychique compos dun corps et dune me
lhomme spirituel, n lesprit. Transformez-vous 10
dit Paul.
La question de limage demeure donc primordiale et justifie de comprendre lvolution de
ce concept dans les Anthropologies premires (hic, ch. I) et dans lAntiquit classique (hic,
ch. II). Nous avons altern deux modules : lanthropo-morphologie des dieux et la divino-
morphologie des hommes.11
Le passage de la condition humaine lanthropologie proprement dite sous limpact des
cultes mystriques, de linfluence considrable de lOrphisme, de la pntration du
chamanisme et des expriences extatiques, greffe sur lancien schma de reprsentation de
lhomme le concept hellnique de limmortalit de lme et confre finalement une
configuration humaine duelle, un dualisme selon la terminologie moderne que lon en donne
aujourdhui12
.
Cette pntration de lhellnisme et de son paradigme anthropologique dualiste
asymtrique conduit des consquences durables quant la reprsentation de lhomme
devenu dsormais corps et me (donc duel et bientt dualiste par glissement), alors quil tait
un dans sa ternarit holistique vtrotestamentaire13
. Le tripartisme anthropologique
notestamentaire, que lon sest efforc de dmontrer, hritier de lancien assure lunit de
lhomme limage du Crateur Un en son essence et Trine dans ses hypostases, tripartition
anthropologique si vidente chez les Pres, en particulier chez saint Irne et saint Ephrem,
jusque dans lanthropologie palamite comme la montr Mgr. Amphiloque dans sa thse.14
Le distinguo entre les paradigmes anthropologiques bipartiste et tripartiste nest pas
anodin, contrairement certaines positions15
, ni une simple question de smantique car les
tenants du dualisme anthropologique ont peu peu scotomis lontologie du , qui fera
9 J. BRUN, Qui est lhomme ? , in Hommage Alphonse de Waehlens, Facult universitaire Saint-Louis,
Bruxelles, 1982, p. 49. Lauteur montre comment lon a gliss de la question qui est lhomme ? celle de quest-
ce que lhomme ?, de mme que la rvlation fait place au dvoilement, la chute de lhomme la chute des
corps, etc. 10 Rm 12, 2 : Transformez-vous par le renouvellement 11 Sur le statut de limage, cf. Corps des dieux, sous la direction de Charles Malamoud et Jean-Pierre Vernant, Gallimard, 1986. 12 S. PETREMENT, Le dualisme dans lHistoire, ch. V. 13 Sur cette question controverse voir Ephram E. URBACH, Les Sages dIsral, Conceptions et croyances des matres du Talmud, Ch. X, LHomme, Cerf/Verdier, 1996. 14 Mtropolite AMPHILOQUE, Le mystre de la Sainte Trinit selon Saint Grgoire Palamas, traduction franaise dYvan Koenig, Cerf, 2012. 15 Celles de J-C Larchet et mme de Vl. Lossky certains gards.
4
progressivement place un intgr comme partie de la 16
, selon le modle du
Time, dont on sait la carrire.
Le tripartisme anthropologique garant de lontologie de lesprit de lhomme (et l est bien
la question) et non de lEsprit dans lhomme, est une position dfendue tant par Paul que par
saint Irne, saint Ephrem, et bien dautres, dans la conception de lhomme achev ou de
lhomme spirituel partir de lhomme psychique (corps et me), implique justement le
passage de limage la ressemblance par la ncessaire mtamorphose.17
Lomniprsent paradigme anthropologique dualiste occidental nest en fait quun postulat
qui ne dmontre rien et en particulier rien de dterminant sur lontologie de lme mais
prtend configurer la ralit de notre tre non ce quil est mais ce quil en dit. Seul le
paradigme de lanthropologie tripartite peut rendre compte de lenseignement pneumatique du
Christ Nicodme, lappelant une seconde naissance, celle en esprit, vritable
mtamorphose permettant lhomme de trouver la voie de son achvement anthropologique,
c'est--dire dans la dynamique de leschatologie. Cest lEsprit, dit saint Cyrille, qui nous
fait passer un autre tat. 18
Le terme grec utilis est fort, signifie une autre manire
dtre, un autre tat. Il est vraiment question ici dune mtamorphose, dont nombre dindices
sont mmes visibles des tiers et dont M. Fromaget donne quelques exemples analogiques
tirs de la vie biologique. Je cite largement Fromaget et reprend mon compte pratiquement
tout ce quil dit sur le tripartisme et la mtamorphose. Evoquant les mtamorphoses des
chenilles en papillons, celles de diffrentes larves en ctoines, libellules ou cigales, celles de
diffrents ttards en grenouilles, tritons ou salamandres, lauteur insiste sur le fait que la
mtamorphose, et cest cela qui nous importe dlivre le sujet cach dans la larve 19
. Cest
l un point essentiel. Il est intressant de noter aussi cette remarque de lauteur : Sait-on,
dailleurs, dit-il, quen latin, les mots larva et persona peuvent tre synonymes ? 20
et que
ltre parfait quelles dlivrent sappelle, chez les insectes, imago 21
.
Lanalogie avec notre sujet est vidente, sinon pertinente. Chez lhomme, ce passage de la
larva limago, cest en fait le passage de lhomme psychique (corps et me) lhomme
spirituel par la naissance lesprit. Cest dire que nous sommes dans un paradigme
anthropologique de type ternaire et non pas duel, ou dualiste.
Ceux qui ne veulent cultiver que le vieil homme et se refusent la mtamorphose,
demeurent donc ltat larvaire : c'est--dire celui de lhomme psychique. Lhomme
vrai, accompli, cest celui que nous dcrit saint Irne :
La chair modele elle seule nest pas lhomme achev : elle nest que le corps de
lhomme, donc une dimension de lhomme. Lme elle seule nest pas davantage
lhomme : elle nest que lme de lhomme, donc une dimension de lhomme. LEsprit non
16 Sur la question de la spiritualisation du pneuma, voir le travail controvers de G. VERBEKE, Lvolution de la doctrine du pneuma du stocisme Augustin, Paris Louvain, 1945. 17 M. FROMAGET, Dix Essais sur la conception anthropologique Corps, me, Esprit , LHarmattan, 2000. 18
Cyrille DALEXANDRIE, In Io XVI, 6-7, P.G., 74, 433 CD. 19
Op. cit., p. 19. 20
Ibidem. 21
Ibid.
5
plus nest pas lhomme : on lui donne le nom dEsprit, non celui dhomme. Cest lunion,
dans la communion, de ces trois ralits qui constitue lhomme achev. Irne (Contra
haereses, V, 6, 1). Voici donc mon Credo !
Or, prcisment une des ces trois ralits qui forment ensemble lhomme achev, la
dimension de lme, doit tre revue et recouvrer, certes, la place qui lui revient, mais en mme
temps laisser surtout place lesprit dont lontologie est indpendante de cette dernire. Ds
lors que lon approche la question de lontologie de lesprit et celle de lme, on est confront
des questions non rsolues ou du moins insuffisamment rvalues laune des
connaissances actuelles, dont celles embryologiques. Il nous a paru que concernant lme,
nous demeurons dans un flou thologique prilleux. La question de lanimation doit tre
reconsidre du fait de son obsolescence , elle aussi, ds lors que nous savons que ds la
syngamie, le zygote est anim et na donc pas besoin de ltre de lextrieur. (Tertullien,
Grgoire de Nysse, Anastase le Sinate, Jean Damascne ) ne disent pas autre chose,
conscients de cette intuition antique de la semence porteuse dme . La doctrine du
traducianisme obstinment refuse par Rome semble pourtant une vidence scientifique et
thologique. Quant la question de limmortalit de lme, elle nest acceptable que dans le
distinguo entre sa mortalit naturelle et son ventuelle immortalit par grce. Aussi
proposons-nous une nouvelle donne, celle de la saisie du zygote humain par lEsprit ds la
formation de celui-ci, proposition que nous posons face la doctrine hautement discutable du
cratianisme. Autant de questions anthropologiques fondamentales qui ont donn lieu des
dveloppements dans cette thse, avant daborder la dification (sous sa forme ternaire et
unifie) et sans lesquelles, on en resterait lamertume dOrigne sur linconsquence de
lenseignement ecclsiastique sur lme. Telles sont les lignes de rflexion fondamentales qui
forment la toile de fond permanente aux diffrentes dclinaisons tripartites de notre tho-
anthropologie.
------------------------
Une fracture entre lOrient et lOccident sur la conception anthropologique peut tre la
premire fracture avant toute autre fracture ecclsiologique - devenait donc invitable ds lors
que des notions telles que nature pure (augustinienne) et suradditum, confinant un dualisme
anthropologique patent et a-pneumatique, avec ses consquences thologiques et liturgiques
videntes, et ce dautant plus quil y avait (et quil y a encore) carence dexplication sur lme
comme le dnonait dj Origne dans le Trait des Principes22
. Cest cette anthropologie
dualiste, a-pneumatique qua dnonc plus tard aussi le pre Henri de Lubac (futur cardinal)
sous le vocable danthropologie trique 23
, qui est source de la-pneumatisation des
anthropologies contemporaines et de leur dficit pneumatologique.
La mconnaissance et la scotomisation volontaire de lontologie de lesprit de lhomme,
telles quelles prdominent en Occident (Concile de Vienne, Concile Tridentin, Vatican II
gaudium et spes etc.), demandent donc un contre-feu qui doit dans un premier temps tenter
22 ORIGENE, Trait des principes, tome 1, prface, introduction, texte critique de la version de Rufin, trd.par Henri CROUZEL et Manlio SIMONETTI, SC 252, p. 85. 23 H. de LUBAC, Introduction lanthropologie tripartite, p.172.
6
de prouver la ralit de cette ontologie, question dont la thologie mystique de lEglise
dOrient dans son vcu spirituel a pu faire lconomie. Cette dmonstration pour satisfaire la
logique occidentale rationnelle, devrait passer par une tentative srieuse de dfinition de lme
et non pas par les numrations si commodment rptes de ses qualits et proprits, et
aussi par ltude des caractres diffrentiels de lme et de lesprit humain. Les dfinitions de
lme tant, daprs nous, gomtrie variable et non unitaire tantt lon parle dun principe
vital unique, tantt cest laddition de caractristiques psychiques et spirituelles, ou enfin le
tout la fois les tenants de la thse que lme est dfinie par ses qualits devront alors
accepter honntement quil en soit mthodologiquement de mme pour lesprit de lhomme.
Ainsi, par exemple, le cadre nosologique des maladies psychosomatiques, des maladies
mentales, et des maladies spirituelles, bien individualises et dfinies par leur symptmes,
forme une des mthodes didentification de lesprit qui le montre totalement autre que
lme24
, mme sil y a proximit des deux. Ainsi peut-on dj discerner ce qui ressort du
psychique et ce qui tient du spirituel car Le maintien de la distinction, disait H. de Lubac,
entre la zone du psychisme et celle du spirituel est dune importance majeure pour maintenir
leur juste place, dans les limites de leur comptence, toutes sortes de psychologies. Elle
soppose la dissolvante confusion psychanalytique du psychisme et du spirituel25
. Si
larrt de la vise au rationnel et au moral fut souvent la grande tentation, et si cette
tentation demeure, ce qui est le plus redouter aujourdhui est larrt au psychique .26
Entre psychique et spirituel, il y a autant de diffrence, dis-je, quentre le Moi et le Je ,
et quentre lAvoir et ltre .
La distinction ontologique entre lme et lesprit est un argument fondamental du paradigme
anthropologique ternaire dans le NT. A titre dexemples connus de tout le monde :
Mon me est triste en mourir , dit le Seigneur (Mt 26, 37).
Le Christ au Mont des Oliviers na pas dit mon esprit est triste , mais mon me est
triste . Sur la Croix le Christ a remis son esprit et non pas son me. Et Jsus poussa un
grand cri et rendit son esprit (Mt 27, 50). Pre, en tes mains, je remets mon esprit (Lc 23,
46). Chez Jean, lexpression est encore plus forte car elle annonce leffusion de lEsprit-
Saint : Et inclinant la tte, il rendit lesprit . Le protomartyr Etienne ployant les genoux
sous les jets de pierres de la lapidation, invoque le Christ : Seigneur Jsus, reois mon
esprit (Act 7, 59).
Ainsi lesprit va Dieu, tandis que le corps va la tombe et lme en enfer.27
24 Voir les ouvrages que M. Fromaget, op.cit., consacre cette question, ainsi que le cadre nosologique des maladies mentales et spirituelles de J-C Larchet, par exemple. 25
Jacques-Albert. CUTTAT, La rencontre des Religions avec une tude La spiritualit de lOrient Chrtien, 12
Aubier, ditions Montaigne, 1957, p. 40. 26
Henri de LUBAC, Introduction lanthropologie tripartite. Thologie dans lHistoire, Paris, D.D.B., 1990, vol.
I, p. 198. 27
Cette question de lanthropologie tripartite de lhumanit du Christ, est discute au paragraphe VIII.4.e., o
nous examinons lanalyse de J. DANILOU sur la trichotomie dOrigne et lapparent dualisme de Grgoire de
Nysse.
7
Tout ceci a t dit bien avant nous par Origne, distinguant lme et lesprit du Seigneur :
on peut observer que, quand lvangile parle dme du Sauveur, autre est ce qui lui est
attribu avec le mot me, autre est ce qui lui est attribu avec le mot esprit. Lorsque
lvangile mentionne quelque passion ou trouble, il emploie le mot me ; comme dans :
Maintenant mon me est trouble ; Mon me est triste jusqu la mort, et : Personne ne
mte mon me, mais cest moi qui la dpose. Mais ce quil confie aux mains du Pre, ce nest
pas son me, mais son esprit, et, lorsquil dit que la chair est infirme, il ne dit pas que lme
est prompte, mais que lesprit est prompt : do il semble que lme soit quelque chose
dintermdiaire entre la chair infirme et lesprit prompt 28
. La mme ide est retrouve chez
saint Irne.
De mme dans le Magnificat, lvidence du tripartisme anthropologique est patente.
Pour parler de Marie, fille de la race humaine, il serait logique de parler sur la base de
simple anthropologie. Mais la rflexion apophatique, prend immdiatement conscience de
linsuffisance des termes pour celle qui est Thotokos. Plus que toute crature, Marie relve
dune anthropologie tripartite ds le premier chapitre lucanien, par son rapport direct avec
lEsprit-Saint. Son dialogue avec lArchange, confirme quelle sera ombrage par lEsprit.
Lors de sa visite lisabeth, Marie dit : Mon me exalte le Seigneur et mon esprit sest
rempli dallgresse cause de Dieu, mon Sauveur (Lc 1, 46-47). Il ny a ici aucune
polysmie des termes, mais une prcision parfaite entre lme qui exalte en tant que
sentiment et lesprit rceptif qui reoit et sest empli dallgresse :
, .
Si le Magnificat renvoie au Cantique dAnne (1S 2,1), en tant que prototype du Magnificat,
nous ne nous intressons ici quaux aspects anthropologiques du verset lucanien et ses
renvois aux Psaumes et en particulier au Psaume 16, 9, comme le fait la Bible de L. Segond.
En effet, le verset 9 du Psaume est dune grande richesse danthropologie ternaire smitique.
Ne nous aventurerons pas dans des discussions de traduction, nous contentant simplement
de remarquer dune part lunicit de ltre en ses trois dimensions dans le Psaume 16, et
dautre part la diffrenciation ontologique bien nette entre lme et lesprit, ainsi quentre les
modalits daction de ces deux entits, lune passive, lautre active, dans le verset lucanien
(Lc 1, 46-47).
Il faut cependant remarquer avec Mgr. A. B. Calkins29
, que ces traductions portent en
elles-mmes une insuffisance par rapport au texte grec. En effet, lexpression mon me
magnifie () le Seigneur est grammaticalement au temps prsent, tandis que
lexpression mon esprit sest rjoui () en Dieu mon Sauveur est au temps pass.
Ce qui signifie que la joie de lesprit de Marie prcde celle de son me. Calkins fait
remarquer que la plupart des exgtes contemporains ne font pas cette diffrence entre les
fonctions de lme et de lesprit et que les traductions ne respectent pas non plus cette
28
De Principiis, Peri Archon, II, 8, 4, Introduction, texte critique de la version de RUFIN, traduction par H.
CROUZEL et M. SIMONETTI, Cerf, 1978, SC 252, p. 349. 29
Arthur Burton. CALKINS, The tripartite Biblical vision of Man: A Key to the Christian Life, 22 avril 2007.
8
diffrence des temps, ajoutant quelles refltent ainsi une incapacit reconnatre la
prcision du langage biblique et son utilisation dans le fonctionnement de lorganisme
spirituel.30
Dfendre le paradigme anthropologique tripartite implique donc de tenter de proposer des
lments ontologiques distinctifs entre lme et lesprit, bien quil y ait proximit des deux et
trop souvent une confusion masque par un flou thologique du fait davoir louablement
voulu faire du , avec le no-platonisme, la fine pointe de lme et davoir finalement dans
la foule platonicienne du Time, accepter de mettre dans lme une hirarchie dtages. Alors
que le , comme le dit Palamas, hritier de la tradition de la spiritualisation du ,
existe en lui-mme et donc se distingue de lme composite, fallait-il vraiment en faire un
supplment dme, intgr lme et prendre ainsi le risque dassimiler deux entits
ontologiquement diffrentes en un seul concept ? Voici ce que nous appelons : lerreur du
dualisme anthropologique ou du moins un de ses effets secondaires pernicieux avec ses dgts
collatraux.
La pneumatologie de lhomme nest quune chimre tant que celui-ci persiste sprouver
comme un tre duel, fait dune me et dun corps, dont lopposition dialectique de laltrit ne
peut conduire et/ou reconduire quau mpris platonicien du corps, son assimilation une
prison mprisable et contraignante ou au mieux un simple instrument de lme, alors quil
est pourtant le Temple de lEsprit . Comprise dans cette perspective, lanthropologie
dualiste ne peut conduire qu cultiver le vieil homme.
Il faut redire tout le drame de la confusion ontologique entre lme et lesprit et les
consquences de ce fameux flou dans les conceptions thologiques, essentiellement
occidentales, se cachant souvent derrire lexcuse de la polysmie des termes. La pense
orthodoxe, fidle lapophatisme et la prire pure, sait que lillumination et la divinisation
dj ici-bas, commencent justement larrt de lactivit mentale, comme lont rpt tous les
hsychastes, pour que lEsprit (grand E) puisse se manifester lesprit (petit e). Le flou de ces
imprcisions sur les notions dme et desprit, est parvenu ce point de confusion que lon
pense le mental comme relevant de lordre de lesprit, ou le psychique de lordre du spirituel !
Il y a pourtant distinction. Est psychique ce qui relve du psychisme, c'est--dire tout un
ensemble de facults, telles que la perception, lmotion, lintelligence, la comprhension, la
conscience, la volont, la mmoire, limagination intuitive, le rve, la rflexion, etc. dont on
remarque demble la forte note psychosomatique pour plusieurs de ces facults constitutives
du psychisme. Or dans son option vitaliste, la ou lanima a seulement pour fonction
essentielle danimer le corps. Laporie est totale sur cette question de lontologie de lme et
force est de constater que si lon dcrit fort bien les caractristiques et multiples fonctions de
lme, on ne lui donne pas de dfinition autre que de dire quelle se dfinit par ses fonctions,
et cela a sembl suffire beaucoup. .
30
Ibid.
9
Le lien entre lme et le corps est, certes, essentiel, formant lhomme psychique, mais le
clivage volontaire qui est fait entre lme et le corps dans une apparence dvidence, nest
quune regrettable commodit de langage qui ne rpond pas non plus la
question fondamentale de ltre et de lavoir: suis-je une me ou ai-je une me?
Est spirituel, par contre, ce qui relve de la transcendance, donc dorigine non
spcifiquement humaine, relevant du divin, de lincr par opposition au psychisme et au
physique qui, eux, relvent du cr. Il convient dcarter les thories spirites et leurs mes
dsincarnes et pour qui me et esprit sont une seule et mme chose, tout autant que certains
rcits de dcorporation31
, dextases et de voyages chamaniques32
qui relvent de la littrature,
de lhistoire et de la phnomnologie des religions. Le spirituel en tant que dimension
transcendantale rfute toute ontologie commune lme et lesprit et oriente vers une vision
de lhomme ternaire, corps, me, esprit, conformment lenseignement de Paul qui fait que
toute la nature biopsychique de lhomme peut participer lesprit et entrainer le passage du
corps psychique au corps spirituel, c'est--dire la pneumatisation.
Ainsi peut-on opposer lesprit lme, ce qui est incr ce qui est cr et ce qui est
unicit ce qui est diversit. La rupture ontologique se situe entre lme et lesprit, mais il y a
par contre une continuit entre lesprit et lEsprit de faon ce que la communication puisse
avoir lieu. Si cest ses fruits que lon reconnait larbre, ainsi reconnaitra-t-on ce qui est de
lesprit par les fruits qui mriront avec le temps et qui seront frapps au coin de permanence,
dunit et dimmuabilit, tandis que ce qui relve de lme, du psychique, reste marqu
dinconstance, dinstabilit car il ny a de certitude exempte de doute, ni damour toujours
gal. Le fruit demeure finalement le critre de distinction.
[Enfin, un dtail smantique ne devrait pas chapper lanalyse. Lamour qui vient de
lesprit nest pas celui qui vient de lme au sens smitique du terme. Le grec des vangiles a
su faire le distinguo. Ainsi le verbe signifie aimer au sens chrtien dun amour venant
de lesprit, tandis que le verbe exprime lamour en gnral, celui qui vient de lme,
31
Raymond MOODY, La vie aprs la vie, Paris, 1977 et S. Rose, The Soul after Death, Platina, CA. 1977. Sans
mettre systmatiquement en cause les travaux du Dr. Moody, repris en grande partie par lArchimandrite
Seraphim Rose, notons que beaucoup de ces tmoignages doivent tre temprs par lobservation clinique
actuelle des tats
comateux et pr-comateux, par lapprciation plus fine des effets narcotiques et hallucinatoires de nombreuses
drogues utilises cette priode et des effets pharmaco-cliniques secondaires et/ou paradoxaux des
tranquillisants et analgsiques utiliss en phase terminale. De mme lutilisation de champignons hallucinognes
et de diffrentes herbes est-elle de mise dans les expriences chamaniques. Beaucoup de rcits prsents comme
des expriences post-mortem ne sont en fait que des comptes rendus de souvenirs oniriques de la conscience ou
du subconscient en priode dagonie dite terminale mais nayant pas finalement abouti la mort. Les
tmoignages de ceux qui sont sortis dun coma plus ou moins prolong, sont difiants cet gard. Par ailleurs,
les ouvrages du Dr. Moody ont abreuv le proslytisme bouddhiste tibtain de Sogyal Rinpoch dans les
programmes daccompagnement spirituel dans les centres palliatifs et autres collecteurs dexpriences
parapsychiques aux Etats Unis notamment. 32
Voir Le Chamanisme de M. ELIADE, op.,cit.
10
c'est--dire de lhomme charnel.33
Cest aussi ce quenseigne Diadoque de Photice : Autre
est lamour de type naturel de lme, et autre celui qui vient en elle de lEsprit Saint 34
.]
Si pour le corps temple de lEsprit appel la pneumatisation de la matire, les choses
sont relativement claires, de mme que pour lesprit de lhomme que nous pensons pouvoir
affirmer dans son ontologie, des questions concernant lme se posent, dont trois majeures :
celle de lanimation, celle du traducianisme, et celle de son immortalit.
La question de lanimation, (si fondamentale dans le pass combien de traits intituls De
anima ? et tellement obsolte aujourdhui si lon veut bien rflchir tant soit peu la ralit
concrte de la syngamie et du zygote humain), se rvle avoir t mal pose justement du fait
de la conception anthropologique dualiste. La fameuse question de lanimation immdiate ou
retarde a aussi particip creuser ce foss anthropologique entre lOrient et lOccident. Ainsi
la leon aristotlicienne de lanimation tardive sest rvle particulirement toxique en
Occident, avec la doctrine de la succession des mes nutritives, sensitives et rationnelles,
(reprise par Thomas dAquin), tandis que lOrient considrait la coexistence immdiate de
lme et du corps ds la conception, selon les leons de la synthse anthropologique de
Grgoire de Nysse (hic, ch. VIII), et de la rcapitulation de Maxime le Confesseur (hic, ch.
IX), qui suivaient en fait et les dveloppaient les ides de Tertullien, le grand prcurseur en ce
domaine, et navaient pas eu besoin pour cela des donnes de lembryologie actuelle.
La question du traducianisme sest avre elle aussi manquer de clart. Lme provient-elle
des parents ? Ou est-elle donne par Dieu, cre par Dieu chaque fcondation ? Tent par le
traducianisme, le bienheureux Augustin a fini par reconnatre ne pas pouvoir trancher et
mme ne plus rien y comprendre.35
Cette incertitude augustinienne et ce louvoiement entre
cratianisme et traducianisme, a finalement dot lOccident de la doctrine de lhrdit de la
faute originelle, ce que les auteurs de la littrature intertestamentaire avaient justement voulu
viter en ddouanant Adam de cette responsabilit et voulant mme en faire le premier
patriarche pr-abrahamique36
. Toutes choses impliquant de reconsidrer les consquences
anthropologiques de la transgression (hic, ch. X) et la signification des tuniques de peau, en
tant que mortalit, lment essentiel de lanthropologie orthodoxe.
La question de limmortalit de lme na pas non plus manqu dambigut. La conception
dualiste de lhomme nous prsente donc un compos naturel dun corps et dune me, sans
nous dire si cette me vient au corps par cratianisme ou par traducianisme, ni do et quand
vient cette me au corps, ni ne prcise non plus leur contemporanit et coexistence, laissant
un choix de type optionnel, et entranant une consquence vidente et mme une
33
Remarque que nous empruntons M. FROMAGET, op. cit., p. 67, qui ajoute que cette rgle connat quelques
rares exceptions . 34
DIADOQUE DE PHOTIC, Discours asctique, 34 ; P.G., 45, 1178 B. 35 AUGUSTIN, De Genesi ad litteram, X, 37-39, t.2, trad, introd. Et notes par P. Agasse et A. Solignac, BA 48-49, Paris 20002, 20012, p. 212-215. 3636 Sur cette question anthropologique de la responsabilit dAdam, voir Peter C. BOUTENEFF, Beginnings, Baker Academic, Grand Rapids, Michigan, 2008, ch.1, p. 14-26.
11
inconsquence notoire : lhomme sexpliquerait simplement par ses deux composants, son
corps et son psychisme, et trouvera donc logiquement son accomplissement par la mise en
valeur de ces deux composants, comme seule finalit quasi eschatologique. La question de
lanimation immdiate ou retarde, proccupera les philosophes et les mdecins de lantiquit,
puis les Pres de lEglise qui opteront avec Grgoire de Nysse et Maxime le Confesseur pour
la contemporanit des deux composants. Nous avons soulign par quelles rflexions les deux
thologiens aboutirent cette ncessaire conclusion, du moins pour lpoque.
Le dualisme induit donc que lme, le moi la conscience de moi-mme lindividu :
unit indivisible et possdant une identit et la personne celle qui parle au travers du
masque des apparences se trouvent sur un mme plan, de type horizontal. Cela fait
beaucoup dlments distincts pour ce qui devait tre un principe simple, le principe vital!
Dans ces conditions, il devient alors difficile de considrer cette me autrement que
mortelle, tant ses caractristiques relvent de lunion au corps, ce qui dfinit bien lhomme de
chair, lhomme psychique mortel par nature en fait par nature contre nature . La question
de la position chrtienne vis vis de lide grecque de limmortalit de lme avait t pose
par G. Florovsky : Are Christians, as Christians, necessarily commited to the belief in the
Immortality of the human Soul ? 37
. Citant Etienne Gilson, G. Florovsky rajoute: What is,
on the contrary, absolutely inconceivable, is Christianity without a Resurrection of Man. Si
lme est cre et mme cre pour chaque nouvel individu - doctrine du cratianisme -, elle a
donc un dbut et se trouve alors lie une fin. Lme immortelle ne peut donc ltre que par
le bon vouloir de Dieu, cest dire par grce et non par nature. Saint Thophile dAntioche
penche dailleurs pour le caractre neutre de lhomme, ni mortel ni immortel par nature mais
capable des deux38
.
Les premiers Pres ont bien ni limmortalit de lme par nature. Ce faisant, ils fondaient
la diffrence entre me et esprit. Sil y avait une me elle ne pouvait qutre cre et si cre,
il lui fallait une fin, elle ne pouvait que mourir. Si cette me devait tre immortelle, alors ne le
pouvait-elle que par Grce. Ainsi lme humaine rationnelle devenait-elle immortelle par
GrceEncore fallait-il expliquer comment et quand elle sincarnait et sinscrivait dans la
matire, c'est--dire se dterminer sur lanimation de lembryon et comment se dtachant du
corps elle pouvait alors retourner Dieu et attendre la Rsurrection.
37
Georges FLOROVSKY, Creation and Redemption, vol. III, Nordland Publishing Company, Belmont,
Massachussetts, 1976, p. 213. 38
THOPHILE DANTIOCHE, Ad Autolycum, 2, 27. OECT, Oxford, Clarendon, 1970. La logique de linterprtation
thologique de Thophyle mrite de donner ici la citation in extenso : Mais, on nous dira : mourir ntait-il pas
dans la nature de lhomme ? Pas du tout ! Etait-il donc immortel ? Nous ne disons pas cela non plus. On va
rpliquer : il ntait donc rien du tout ? Ce nest pas non plus ce que nous supposons. Voil : par nature lhomme
nest pas plus mortel quimmortel, sil avait t cr dans le principe immortel, il eut t cr Dieu. Dautre part
sil avait t cr mortel, il et sembl que Dieu fut la cause de sa mort. Ce nest donc, ni mortel quil a t cr,
ni immortel, mais capable des deux , dans Trois livres Autolycus, texte grec tabli par G. Bardy, traduction de
Jean Sender, introduction et notes de Gustave Bardy, SC 20, Cerf, 1948, p. 165.
12
Tatien pensait que lme nest pas immortelle en elle-mme : Lme nest pas en soi
immortelle, Grecs, mais mortelle, mais il est possible pour elle de ne pas mourir ! 39
La
pneumatologie de Tatien distingue en fait deux espces desprit ( )
dont lun sappelle lme et lautre est suprieur lme (tant) image et ressemblance de
Dieu ; lun et lautre se trouvaient chez les premiers hommes, de faon quils fussent en partie
matriels, en partie suprieurs la matire 40
.
Sattaquant au dualisme grec, Tatien affirme sa trichotomie anthropologique et maintient
que lme ne peut chapper la mort, si elle nest sauve par lesprit, ce qui est aussi la thse
de Justin martyr. Ce nest pas lme qui a sauv lesprit, dit Tatien ; elle a t sauv par lui ;
et la lumire a reu les tnbres, en tant que la lumire de Dieu est verbe et que lme
ignorante est tnbres. Cest pourquoi lme livre elle-mme sabme dans la matire et
meurt avec la chair ; mais si elle possde lunion avec lesprit divin (
), elle ne manque plus daide ; elle monte vers les rgions o la guide lesprit, car
cest en haut quil a sa demeure, et cest en bas quelle a son origine.41
Non seulement Tatien
pose clairement le paradigme anthropologique tripartite, mais il en donne la justification
eschatologique, lesprit doit pneumatiser lme mortelle par nature qui slve grce lui.
Un autre passage confirme sa vision anthropologique tripartite. Or le Dieu parfait na pas
de chair, mais lhomme est chair ; lme est le lien de la chair (), et la chair est ce qui
contient () lme. Si la forme dun tel arrangement est comme un temple, Dieu veut y
habiter par le moyen de lesprit, son reprsentant. Mais si lhabitation nest point telle,
lhomme ne lemporte sur la bte que par la parole articule ; pour le reste, il mne la mme
vie, ntant pas la ressemblance de Dieu .42
Ainsi Tatien nous informe que cest bien par
lesprit de lhomme que Dieu opre la pneumatisation de lme, qui, si elle na pas lieu,
abandonne lhomme son tat naturel, celui dhomme psychique ou si lon se rfre ce qui
a t dit plus haut, son tat de larva, naccomplissant pas son parachvement
anthropologique++++
Pour Justin (Martyr) aussi, lme est naturellement mortelle : toutes les choses cres ont
la nature de la corruption. Les cratures en tant que telles sont corruptibles 43
et allant plus
loin, Justin ajoute : Dieu a appel lhomme pour la vie et la rsurrection, et non une partie
mais le tout, qui est lme et le corps 44
et ailleurs sur la mme ide Justin conclue : Ceux
qui disent quil ny a pas de rsurrection des morts et que leur me leur mort, est enleve
aux cieux, ne sont pas du tout chrtiens 45
. On voit ici tout le chemin parcouru par lancien
philosophe qui prend dailleurs ses distances avec le dualisme platonicien en forant mme la
note anthropologique tripartite de la faon suivante: Il y a rsurrection pour le corps qui a
39
TATIEN , Oratio ad Graecos, dition M. Whittaker = OECT, 1982 [Texte et trad. anglaise]. Trad. franaise A.
PUECH, Recherches sur le Discours aux Grecs de Tatien, suivies dune trad. franaise du Discours avec notes,
Paris, 1903. 40
Ibid., (12, 1 ; p. 12, 18-21 SCHWARTZ), cit par P.-H. POIRIER in La lecture pneumatologique de Gn 2, 7
art.cit. 41
Ibid., 12, 1-2 ; p. 14, 18-26 SCHWARTZ, cit et traduit par P.-H., POIRIER, art. cit. 42
Ibid., 15, 1-3 ; p. 16, 6-27 SCHWARTZ, cit et traduit par P.-H., POIRIER, art. cit, p. 10. 43
JUSTIN, Dialogue avec le Juif Tryphon, 5 et 6. Collection Ichtus, DDB, 1982. 44
JUSTIN, De resurrectione, 8.Texte tabli par K. HOLL, Texte und Untersuchungen, N. F., V2 Leipzig, 1899. 45
JUSTIN, Dial., 80. op. cit.
13
succomb car lesprit ne succombe pas. Dans le corps il y a lme ; le corps ne peut vivre sans
lme ; quand lme la quitt, il nexiste plus, car le corps est la maison de lme et lme
celle de lesprit. Ces trois lments seront sauvs chez ceux qui mettent en Dieu tout leur
espoir et leur foi absolue 46
. On touche ici avec Justin lun des fondements de
lanthropologie ternaire, dans la mesure o ce qui a t avanc par Tatien ne peut tre
considr comme un enseignement des Pres de lglise, mme si sur ce point, il est
parfaitement orthodoxe.
Saint Irne et mme Clment dAlexandrie dont la rputation de platonicien nest plus
faire, affirmaient que lme nest pas immortelle par nature . Augustin qui stait dtourn
si difficilement du platonisme parlait de la mortalit de lme et dans son ouvrage dj
mentionn, G. Florovsky le cite : According to the mutability of this life, it may be said to be
mortal . Quant saint Jean Damascne, les Anges eux-mmes ne sont pas pour lui immortels
par nature mais bien par grce.
Lassertion anthropologique dAthnagore dAthnes fait de lme et du corps une entit
vivante . Dailleurs lAncien Testament ne sait rien dune me sauver : lme cest
lhomme lui-mme, en son essence, sa potentialit, exactement comme dans la structure dune
me primitive dclare Van der Leuuw47
sinspirant de J. Pedersen48
. Le primitif qui dvore
le cur de son ennemi sen assimile la puissance. Il ny a pas de dualisme pour lui ! Lme
nest pas pour lui une partie de lhomme mais lhomme tout entier dans sa saintet 49
.
A lexception de la parabole du Riche et du pauvre Lazare (Lc 16, 19-21) et de celle du
Riche insens (Lc 12, 20), le Christ ne parle pratiquement jamais dme mais de vie et
desprit. Je suis la Rsurrection et la vie (Jn 11, 25). Dailleurs le Nouveau Testament
parle peu de lme mais surtout de lesprit. Nous y reviendrons dans le chapitre sur les sources
scripturaires du tripartisme anthropologique. Et G. Florovsky de conclure sur ce point:
Christians as Christians, are not commited to any philosophical doctrine of immortality.
But they are commited to the belief in the general Resurrection50
.
Van der Leuuw remarquait quavec le christianisme, limmortalit cdait la place la
Rsurrection. Cest bien le point de vue dO. Cullmann qui va aussi dans le mme sens que le
thologien orthodoxe (Florovsky). Dans un ouvrage de tendance exgtique, Immortalit de
lme ou rsurrection des morts51
, le thologien protestant cerne la diffrence considrable
entre lattente chrtienne de la rsurrection des morts et la croyance grecque limmortalit
de lme 52
. Cullmann nhsite pas avancer que lon aurait volontiers sacrifi au Phdon, le
chapitre 15 de la premire lettre aux Corinthiens, si prcise dans sa dialectique quant la
rsurrection des morts!
46
JUSTIN, De Resur., 7-10. Cit par A.G HAMMAN dans LHomme Icne de Dieu, PDF, Migne, Paris 1998, p.
70,71. 47
Gerardus VAN DER LEUUW, La Religion dans son essence et ses manifestations, Payot, Paris, 1970, 45,3. 48
J. PEDERSEN, Israel, I-II, 1920, 68 ss. Le corps, cest lme sous la forme extrieure ,125. 49
Gerardus VAN DER LEUUW, op. cit, p. 272. 50
G. FLOROVSKY, op. cit, p. 239. 51
O. CULLMANN, Immortalit de lme ou Rsurrection des morts, d. Delachaux et Niestl, Neuchatel, Suisse,
1956. 52
O. CULLMANN, op. cit, p.8-9.
14
Pour les premiers chrtiens, dit Cullmann, lme nest pas immortelle en soi, mais lest
devenue uniquement par la rsurrection de Jsus Christ le premier dentre les morts et par la
foi en Lui. 53
Cullmann ne parle cependant pas dhypostase humaine ! Au terme me, il prfre celui
dhomme intrieur. Si bien que lorsque Paul parle de la nudit de lme prive du corps, qui
vit donc bien et nest pas mortelle et quil dit : nous prfrons demeurer hors du corps et
demeurer auprs du Seigneur , Cullmann comprend que lhomme intrieur dpouill du
corps nest plus seul et quil y a continuit de la vie en esprit. Il y a l simplement une
analogie avec limmortalit de lme mais la diffrence est anthropologiquement radicale.
Dpassant donc la question ontologique de lme, Florovsky insiste sur le fait que les
chrtiens naspirent pas une immortalit naturelle systmatique mais bien une
continuelle communion avec Dieu, une thosis 54
. Ce point rejoint en fait ce que dit le pre
D. Staniloae sur la continuation de la vie sans hiatus , dans ce que nous proposons comme
paradigme anthropologique tripartite : c'est--dire dans le dynamisme de la mtamorphose
eschatologique pectasique et donc sans fin ni satit.
Notre dmarche apophatique savre donc ncessaire pour comprendre lhgmonie de
lesprit sur les autres composants de lhomme (le corps et lme) et de lui faire recouvrer
paradoxalement son caractre holistique et unitaire justement dans sa ternarit qui le fonde.
La dmarche sappuie sur la richesse de lhritage scripturaire qui plaide en faveur du
tripartisme et de son paradigme anthropologique, confort par la dcouverte de lesprit et de la
seconde naissance, celle de lesprit lesprit (hic, ch. V), par le distinguo entre lesprit et
lme (hic, ch. VI), et la dimension apophatique de la personne (hic, ch. VII).
Concernant les arguments, nous nous sommes adosss :lhritage scripturaire biblique,
vtrotestamentaire (en particulier Gense et Deutronome), notestamentaire (synoptique,
johannique et pistolaire55
, dont lincontournable vangile de Jean sur la seconde naissance et
la primordiale affirmation paulinienne de lhomme complet et spirituel, tripartite, (1 Th 5,
23), lhritage patristique, ainsi qu celui liturgique, hymnologique en particulier
lanthropologie du Grand Canon pnitentiel de saint Andr de Crte, et toute la littrature
philocalique et la tradition hsychaste, qui viennent soutenir les thmes du paradigme
anthropologique tripartite et la dimension apophatique de la personne dans son eschatologie.
Lhgmonie de lesprit sur lme et de lme sur le corps (saint Ephrem56
), rend possible
la spiritualisation de ces derniers, quasiment par induction pneumatique et peut assurer la
thosis.
53
Ibid., p. 20. 54
G. FLOROVSKY, op. cit, p. 240. 55 1 Th 5, 23. 56 Paradis, sermon IX, t. III, p. 591.
15
Avant de se modeler sur la thologie acadmique occidentale, la thologie orthodoxe a t
par excellence mystagogique . Dans notre vision thoanthropologique, il ny a pas de chemin
plus mystagogique que celui de la naissance lEsprit par lesprit de lhomme.
Au plan mthodologique, la logique analytique est prsente mais tient peu de place dans nos
dveloppements, qui relvent plus de la logique apophatique, car lapophatisme nest pas
dnu de sa propre logique. La logique analytique npuisera jamais le contenu ontologique
profond des ralits, leur fond inexprimable de faon conceptuelle, leur essence
indfinissable. 57 Cest bien ce que saint Basile crivant contre Eunome, affirme : Non
seulement lessence divine mais aussi les essences cres, elles mmes, ne peuvent tre
connues et exprimes laide de concepts 58. Si notre tre se rduisait une simple existence
naturelle, prive de cette profondeur de sa structure apophatique, il se diluerait vite dans une
existence strictement naturelle, ayant perdu sa consistance ontologique spcifique.
Afin de runir le faisceau darguments permettant de proposer le paradigme anthropologique
tripartite, et sa caractristique pneumatique et apophatique, en individualisant lontologie de
lesprit de lhomme, il fallait survoler nouveau des pans entiers de culture, que nous nallons
pas dvelopper maintenant, mais qui ont t brosss en plusieurs tableaux dans la premire
partie de ce travail, intitule : Sous le signe de lincompltude, la seconde partie tant Sous le
signe de la mtamorphose, (ou lalternative anthropologique) et la troisime partie : La
Rvolution anthropologique, celle de lIncarnation-Rsurrection et des consquences jusqu
la dification de lhomme un et trine, lui aussi, puisqu limage de Dieu.
Sous le signe de lincompltude fait ltat des lieux des Anthropologies premires au regard
de la condition humaine et de la finitude dans le contexte du Proche Orient, depuis le monde
sumro-babylonien, celui du Nil (et son au-del) et la mora grecque.
Lobjectif tant de sortir de la condition humaine et de passer du destin lintriorit,
lOrphisme prend alors toute sa place, ainsi que les Mystres, et inaugurent ensemble une
anthropologie proprement dite pour certains auteurs, qui considrent que lon ne peut parler
danthropologie que ds ce tournant spirituel.
La seconde partie de ce travail est intitule Sous le signe de la mtamorphose et traite de
lalternative anthropologique : natre lesprit ou cultiver le vieil homme.
Cette mtamorphose dont nous avons parl de manire analogique, est en fait la
dynamique spirituelle qui se met en marche ds lors que naissant lesprit qui est en lui,
lhomme va vers ce quil est ou devrait tre, c'est--dire son imago, et plus prcisment son
image dans la ressemblance.
57
Ibid., p. 102. 58
Contra Eunomium, I, 1, c, 6, P.G. 29, col. 521-524.
16
La troisime partie de ce travail tente de tirer les consquences anthropologiques de la
seule mutation anthropologique historique, celle de LIncarnation-Rsurrection, entrainant la
double mutation ontologique, o Dieu se fait homme pour que lhomme se fasse dieu, afin
que lhomo eschatologicus parachevant sa mutation participe la thosis et ce dans
lpectase.
Ayant justifi la dmarche apophatique en anthropologie, reconnu lesprit de lhomme son
ontologie propre et propos une nouvelle approche de lintervention divine dans la survenue
dune nouvelle vie par la saisie du zygote humain par lesprit ce qui a de profondes
implications en biothique - nous parlons dsormais dune onto-tho-anthropologie
orthodoxe, tripartite et unitaire, apophatique et pneumatique, qui considre la mtamorphose
de lhomo absconditus en homo eschatologicus, ou de limage la ressemblance, en vue de sa
thosis epectasique. Cela nous semble rclamer une rvision du concept dme, une
rhabilitation du traducianisme partiel et de nouvelles avances sur lanatomie de la
mtamorphose.
Avec tout le respect que lon doit aux anciens, nous ne pouvons cependant plus les suivre
dans leurs modes de pense. Sans tre totalement en rupture, nous ressentons la ncessit de
rflchir autrement et en dehors des catgories de pense qui ont gnr une scolastique
contagieuse. Est-il obligatoire de continuer de rflchir en termes de thse, dantithse et de
synthse, de toujours penser lautre en termes de simple dualit dans laltrit, davoir le tiers
exclu pour logique, alors que le tiers inclus solutionne tant de questions, que laltrit dvoile
le plus ontologique de lautre au-del de la simple contingence. Nous entendons chapper au
strilisant corsetage des cataphatismes scolastiques, qui conduisent comme le dnonait A.V.
Kartachov, une thologie mascule, au manque daudace. Dans le domaine de la
philosophie nous avons montr comment cette exigence de rupture sest finalement impose
M. Merleau-Ponty qui dsirait se dtacher des modes de pense universitaires et tourner le dos
avec combien de difficults, au dualisme.
Par contre la dmarche apophatique applique non pas la question de lhomme naturel
(que nous avons vu contre-nature selon les Pres) et que nous abandonnons aux sciences
humaines, mais celle de lhomme en son lien infrangible (mme si celui-ci nest pas
reconnu) avec son Crateur, ouvre des perspectives eschatologiques infinies jusqu la
dynamique de lpectase.
Toute la tho-anthropologie est dpendante de la rvolution anthropologique de
lIncarnation-Rsurrection. Quand le Verbe sest fait chair, Il sest fait chair dans un homme
aux trois dimensions, de corps, dme et desprit ce que navait pas compris Apollinaire de
Laodice, et a mme endoss les tuniques de peau. Aussi lorsque lhomme se fait dieu, par la
pneumatisation de tout son tre et par la participation aux nergies incrs, cest lensemble
de ltre qui se fait dieu et non pas son me seule, ou plutt son . Cest pourquoi, il a fallu
dans la troisime partie revenir sur diffrents aspects du corps et en particulier du corps
pneumatis et faire quelques avances peut tre prsomptueuses et risques sur une tho-
anthropologie ternaire de la dification et mme de leschatologie universelle en nous assurant
de la consistance de nos propos audacieux et peut-tre oss, par leur adquation la pense
17
dun grand thologien, en loccurrence celle du pre D. Staniloae, sur qui nous nous sommes
adoss, du moins sur les aspects anthropologiques eschatologiques.
Deux points nous ont paru essentiels, concernant lternit de lhomme, sous le prisme de
la tho-anthropologie. Dune part la continuit hypostatique en ses trois dimensions ou si lon
prfre, celle de la personne, et dautre part lindestructibilit de la relation de la personne
Dieu, la survie sans hiatus et le maintien par Dieu du lien dont sans doute il ne veut pas se
dfaire, celui qui est le lieu de lamour et de la prire.
Lamour incessant de Dieu pour sa crature ne saurait tre limit par la mort. Et nous ne
voyons pas, dit le pre D. Staniloae, le motif pour lequel Dieu se priverait un temps si long de
ce qui est son trne, la relation damour avec lhomme croyant ou comment Dieu tolrerait
que soit dtruit lhomme divinis ou quil demeure dans un sommeil aussi prolong. La mort,
comme disent les spirituels, ne peut parvenir jusqu lesprit qui dj dici sest clair aux
rayons de lternit 59.
La tho-anthropologie, tripartite, pneumatique et eschatologique, sans rien renier de la
Tradition et sans relativisme, rpond pleinement au sens de lhomme dans le monde :
lhomme projet de Dieu qui attend dans le plrome lhumanit maximale participante la
dification.
59
D. STANILOAE, Teologia dogmatic ortodox, op. cit., t. III, Bucureti, 2003, p. 247 (trad. personnelle).