92
L’ÉVALUATION D’UNE FORMATION AU DÉVELOPPEMENT PERSONNEL Au delà de l‘évaluation-contrôle (certification), quels outils pour soutenir les démarches d’auto-évaluation-régulation ? 1

THÈME DU MÉMOIRE - talentssynergie.free.frtalentssynergie.free.fr/pdf/memoirepdf.pdf · La vision du monde de notre paradigme rationnel, dominant, a produit notre civilisation occidentale,

Embed Size (px)

Citation preview

L’ÉVALUATION D’UNE FORMATION AU DÉVELOPPEMENT PERSONNEL

Au delà de l‘évaluation-contrôle

(certification), quels outils pour soutenir les démarches

d’auto-évaluation-régulation ?

1

« pour se reconnaître

dans l’infini,

il faut distinguer pour unir »

YI KING

2

SOMMAIRE INTRODUCTION 1,1 le contexte le plus étroit : un organisme de formation P. 4 1,2 le contexte élargi : la société P. 5 1,3 contexte encore plus large : le changement de paradigme P.7 1,4 pourquoi cette mise en perspective de plusieurs contextes P.10 2 PROBLÈMATIQUE PRATIQUE : LE DÉVELOPPEMENT PERSONNEL PEUT-IL S’ÉVALUER 2,1 approfondissement du concept de développement personnel P.12 2,2 notre formation PNL : objectifs et mise en oeuvre P. 15 2,3 l’évaluation telle qu’elle existe P. 18 2,4 les questions P. 26 3 DÉTOURS PAR LES MODÈLES THÉORIQUES 3,1 que nous disent les sciences de l’éducation, et particulièrement l’évaluation ? P.29 3,2 et les théories de l’apprentissage ? P.33 3,3 et que nous dit la nouvelle physique P.36 3,4 nouvelle définition du développement personnel à la lumière des approches théoriques P. 41 4 ESSAI DE MISE EN OEUVRE D’UNE DÉMARCHE 3

4,1 quelles hypothèses ? P.49 4,2 ma proposition de démarche, recul critique P.49 4,2,1 conception des questionnaires et grille d’entretien P. 53 4,2,2 analyse et interprétation des résultats P. 56 4,2,2,1 dépouillement P. 56 4,2,2,2 interprétation des réponses P. 57 a- définition du développement P. 57 b- les itinéraires P. 59 c- intérêt de cette auto-évaluation P. 77 4,2,3 synthèse générale P. 80 5 CONCLUSION P. 85 Bibliographie P. 87 Annexes P. 89

4

INTRODUCTION

1,1 CONTEXTE ÉTROIT

Dans son contexte le plus étroit, le terrain de ce travail est celui

d’une formation proposée par un organisme de formation

indépendant, créé en 1989 par deux personnes, dont moi-même. J’y

travaille comme salariée en tant que responsable de formation : j’ai

à la fois un rôle de formatrice et de « développeuse » de projets.

Depuis la création, l’activité centrale de cet organisme est une

formation certifiante en Programmation neuro-linguistique

(« praticien » et « master »1). D’autres formations en

« développement personnel »2 ou plus ciblées sur le domaine

professionnel existent aussi, certaines avec des consultants

extérieurs.

Je m’attacherai ici à la formation de Praticien en PNL, et à c’est à

son propos que je poserai la question de l’évaluation.

C’est une formation « externe », qui regroupe des salariés pour

l’essentiel, de diverses entreprises, majoritairement du secteur

sanitaire et social, et du secteur formation, des libéraux

(professionnels de la relation d’aide) et quelques personnes à titre

individuel. Toutes ces personnes sont volontaires, ce sont elles qui

financent la formation, ou l’ont demandée, ont négocié les

conditions de prise en charge du coût, du temps, de l’hébergement,

et ont choisi notre organisme.

Au cours de l’entretien préalable à l’inscription, nous les informons

que l’accent sera mis sur le développement personnel, que toutes

1 il s’agit de deux niveaux différents de certification

52 une définition sera proposée plus loin

les situations de formation seront appuyées sur leurs expériences,

avec un degré d’implication qu’elles géreront, et que tous les

secteurs de leur vie pourront être l’objet d’étude et d’

apprentissages, pas seulement la sphère professionnelle, ou

seulement celle-ci, si elles le préfèrent. Dans la pratique, même les

personnes qui disent venir pour la dimension professionnelle

d’abord, diront très vite, dès le 2è ou 3è regroupement que c’est en

fait dans le domaine personnel qu’elles en retirent le plus de profit.

2,2 LE CONTEXTE ÉLARGI : LA SOCIÉTÉ

Cet organisme est une petite structure, mais son champ, le

développement personnel est un domaine en pleine mouvance. Si

l’on prend le contexte de la formation continue, il recouvre de

nombreuses pratiques et concerne aussi bien des entreprises pour

leurs salariés (avec une nette baisse des fonds alloués à ce

domaine), que des personnes à titre individuel. Ces formations

semblent répondre à l’intérêt qui se généralise pour la psychologie,

les pratiques corporelles, la spiritualité..., intérêt qui manifeste une

recherche de sens de la vie, une quête de l’identité à travers la

connaissance de soi, le besoin de relations différentes avec les

autres3...

Cet engouement d’un public de plus en plus nombreux semble être

une tentative, plus ou moins désespérée, pour redonner du sens à

son existence, sur une toile de fond sociale, politique, économique

de plus en plus inquiétante pour les personnes.

En effet, aux yeux de beaucoup, le monde économique semble fou

dans sa course au profit : il « broie » les êtres humains et fabrique

de l’exclusion au niveau des nations et du monde : des couches de

63 voir « En quel état j’erre » de M. Téodori et J. Deschamps, JC Lattès, 1997

population, des pays entiers sont hors-jeu, tandis que la spéculation

bat son plein et que la consommation devient effrénée. La gestion

des ressources planétaires entraîne des séries de catastrophes

dans le domaine écologique, la pollution bouche nos perspectives ;

le surarmement, les manipulations génétiques sur les plantes les

animaux et sur les humains sont autant de sources d’inquiétude.

Socialement, certains se posent des questions sur le genre

d’espèce que nous sommes pour traiter ainsi nos enfants (livrés à

eux-mêmes, battus, exploités, vendus...) Et nos vieux (parqués,

victimes d’acharnement thérapeutique...), Mais aussi nos pauvres,

nos ethnies exclues...

En ce qui concerne l’individu, le mode de vie occidental générateur

de stress hypothèque la santé : on tombe malade, et surtout on

s’ennuie. Vivre est devenu mécanique, et de plus dans une solitude

sociale qui est un des caractéristiques de notre époque

contemporaine. Alors, les individus se droguent de différentes

manières : avec le travail, le pouvoir, les substances, la télévision et

ses dérivés, les sectes, la violence...

B. Nicolescu 4 (1995, page 101): "L'homme contemporain traverse comme un étranger un monde de

plus en plus incompréhensible."

E. Schrödinger 5 (1990, page 181): " Je crois que la mécanisation et la "bêtification" croissante de la

plupart des processus de fabrication ont pour conséquence la

menace sérieuse d'une dégénérescence générale de l'organe de

notre intelligence...

..L'ennui est devenu le fléau principal de nos vies. Au lieu de laisser

l'ingénieux dispositif que nous avons inventé produire une quantité

croissante de luxe inutile, nous devons décider de le développer de

4 B. Nicolescu « Nous, la particule et le monde » Le Mail 1995

7

telle sorte qu'il libère l'être humain de toutes les manipulations

stupides, mécaniques "machinales". La machine doit assumer les

tâches pour lesquelles l’homme est trop bon. Et l'homme ne doit pas

comme cela se passe trop souvent faire le travail pour lequel la

machine est trop chère. Cela ne tendra pas à rendre la production

meilleur marché, mais à rendre plus heureux ceux qui y sont

engagés. Il y a peu d'espoir de faire passer cela tant que prévaut la

compétition entre les grandes entreprises et les grands intérêts de

par le monde."

Et le crédit pour les réponses globales, économiques ou politiques

s’effondre, tandis que nous sommes, individuellement incapables de

résoudre la plupart des problèmes qui se posent; quand nous ne

rendons pas les situations pires par l'application de solutions qui ne

permettent que de " réussir à échouer " selon l'expression de P.

Watzlawick6, en générant des complications imprévues, spirale sans

fin de crises et de solutions .

1,3 CONTEXTE ENCORE PLUS LARGE : LE CHANGEMENT DE

PARADIGME

La science nous a amenés, à travers l’injonction de Descartes

(1637)7 « rendez vous maître et possesseur de la nature », à

fragmenter la connaissance à l’infini avant de déboucher de manière

paradoxale sur les rives de la « métaphysique ». Sa recherche de

l’infiniment petit, du disjoint, du distinct l’a amenée, principalement à

travers la physique quantique, à l’opposé de là où elle pensait se

rendre, à une conception de l’univers radicalement différente.

5 E. Schrödinger « L’esprit et la matière » Seuil 1990 6 P. Watzlawick « Réussir à échouer » Sueil 1988

87 R. Descartes « Discours de la méthode »

Ainsi qu’a pu le dire Morin (1981)8 : « Sciences, techniques et sociétés sont devenues entraîneuses et

entraînées dans un tourbillon où elles sont mutuellement

dominatrices et dominées, asservisseuses et asservies. Ce tourbillon

entraîne désormais l’avenir de la planète. Une fantastique aventure

s’accélère dont la science de plus en plus élucidante et aveugle,

omniprésente et impuissante est devenue la tête chercheuse. Elle

conduisait, croyait-on, encore il y a un siècle à l’émancipation de

l’humanité. Aujourd’hui, nous voyons qu’elle peut conduire à

l’asservissement de l’homme et à l’explosion du monde. Rien n’est

encore décidé. »

La vision du monde de notre paradigme rationnel, dominant, a

produit notre civilisation occidentale, a promu son hégémonie, et

bute actuellement sur ses propres limites. Ce qu’elle continue à

produire peut nous précipiter collectivement vers notre perte, si rien

n’est infléchi. La physique quantique propose pourtant aujourd’hui

une vision unifiée du monde, qui pourrait nous permettre

d’envisager d’autres compréhensions.

Peut-être aussi à terme cette vision nous permettra-t'elle de

réunifier deux modes de vie très différents, qu'on peut globalement

qualifier « d'occidental » et « d'oriental », l'un fondé sur le contrôle

et la technique, l'autre sur le sens et le plaisir du présent. Ce que B.

Cyrulnik nous donne à voir dans la cassette «Né pour découvrir » 9

avec le commentaire suivant : " la culture occidentale a pris le pouvoir grâce à la technologie qui a

pris le pouvoir grâce à l'attitude séparatrice. En clivant en mille

spécialités, chacun a creusé son sillon, fait des performances

étonnantes et a complètement atrophié les autres représentations du

monde. D'autres cultures ont fait de moins bonnes performances,

8 E. Morin « La Méthode » tome 4 Seuil 1981

99 B. Cyrulnik cassette « Né pour découvrir » réalisée par Hélène Trocmé-Fabre 1995 ENS Production

mais continuent à donner du sens aux choses, ce qui crée une très

grande richesse du quotidien, un monde tout à fait épanouissant. »

On peut poursuivre avec cette réflexion de D. Bohm (1987, page

57)10 Il est clair que ces différentes voies développées par les deux

sociétés conviennent à leur leurs différentes attitudes devant la

mesure. Ainsi, en Occident, la société s'est principalement appliquée

au développement de la science et de la technologie (qui dépendent

de la mesure), pendant qu'en Orient, l'intérêt principal est allé vers la

religion et la philosophie (qui sont dirigées vers l’incommensurable)...

... L'incommensurable constitue la réalité originelle... La mesure

constitue une approche d'un aspect secondaire et dépendant mais

néanmoins aussi nécessaire de la réalité... La mesure identifiée avec

l'essence même de la réalité, ceci est une illusion."

Et certes, l'Occident a brillamment réussit à augmenter sa

puissance technique et son pouvoir sur la nature. Mais dans le

même temps, nous avons perdu la forme de liens directs avec elle,

que nous permettaient des visions plus fusionnelles, magiques,

primitives.. Nous avons choisi une voie et nous l'avons creusée

aveuglément, jusqu’au danger, jusqu’à l'absurde.

D. Bohm ( 1987 , page 21 )11 : " Les distinctions largement répandues et pénétrantes entre les gens

(races, nations, familles, professions, etc..) qui, à l'heure actuelle

empêchent l'humanité de travailler dans son ensemble pour le bien

commun ont, à l'origine , un facteur-clé dans une façon de penser qui

traite les choses comme divisées, de façon inhérente, déconnectées

et "cassées" en d'encore plus petites parties constitutives. Chaque

10 D. Bohm « La plénitude de l’univers » Edition du rocher 1987

10

partie est considérée comme étant essentiellement indépendante et

existant en elle-même ou auto-existante. Lorsque l'homme pense à

lui-même de cette façon, il tend inévitablement à défendre les

besoins de son propre ego contre les ego des autres...

S'il pense à la totalité comme constituée de fragments indépendants,

alors ce sera la façon dont son esprit tendra à fonctionner, mais s'il

peut inclure tout de façon cohérente et harmonieuse dans un tout

entier et sans frontières, (car toute frontière est une division ou un

arrêt) alors son esprit tendra à se mouvoir d'une façon semblable et

à partir de là découlera une action ordonnée à l'intérieur d'un tout » .

Nous verrons plus en détail dans la partie théorique comment la

vision quantique peut, au delà du constat, orienter notre attention

vers des possibles différents.

1,4 POURQUOI CETTE MISE EN PERSPECTIVE DES

CONTEXTES ?

Il me paraît utile de dépasser le simple contexte de cette formation

en « développement personnel » qui reste mon terrain

d’expérimentation, pour avoir des angles de vue différents, des

échelles différentes, pour pouvoir relier les modèles théoriques

entre eux et d’autre part donner du sens à la contribution, certes

des plus modestes, de cet organisme de formation à son

environnement.

Surtout, il me paraît difficile de parler d’auto-évaluation-régulation,

en tant que processus créateur de sens, sans planter un décor

beaucoup plus large et sans faire communiquer entre eux, au moins

de manière analogique les différents niveaux d ’abstraction : de la

11

manifestation la plus concrète (une formation avec ses outils et

techniques), jusqu’à celui de fonctionnement de l’apprentissage et

jusqu’à celui plus conceptuel des structures du mental et de la

conscience, et pourquoi pas de l’univers.

La question alors serait : comment chacun peut-il « tenir » ensemble

les différents niveaux de réalité : vivre ses expériences dans le

domaine de la matière et leur donner du sens dans le domaine de

l’esprit ? On sait que certaines de nos expériences sont si fortes,

qu’elles peuvent être vues comme des « expériences émotionnelles

correctives » 12 et qu’après les avoir vécues, certaines personnes

changent radicalement leurs relations aux autres et au monde. Ce

sont nos expériences les plus exceptionnelles : l’art sous toutes ses

formes, mais aussi les « insights », les morts, les naissances, les

relations d’amour, les extases, les submersions dans la nature. Mais

des expériences plus quotidiennes : discuter, partager,

communiquer peuvent peut-être aussi permettre de sentir le reflet

de quelque chose de plus vaste et ainsi donner une signification et

une valeur nouvelles à ce que nous vivons, pour, selon la formule

de Peat (1988 )13: « regarder et plonger au delà de nos notions conventionnelles de

temps et de causalité, dans l’immensité des modèles de la

nature... Miroirs des processus internes de l’esprit, (qui) prennent

forme comme manifestations extérieures de transformations

intérieures... Expression de mouvements bien plus profonds, qui

prennent naissance dans les fondements de l’univers et incluent

d’une façon inséparable, à la fois matière et signification... En fait

l’univers dans son entier pourrait être vu comme se déployant et

s’exprimant à travers les événements individuels. »

12 G. Nardone et P. Watzlawick « L’art du changement » L’esprit du temps 1993

1213 F.D. Peat « Synchronicité : un pont entre l’esprit et la matière » Le Mail 1988

Quels meilleurs moyens de réconcilier et guérir le divorce entre

l’intérieur et l’extérieur de nous-mêmes ?

2 PROBLÉMATIQUE PRATIQUE

Elle reste très concrète et concerne l’évaluation de cette formation.

Je vais d’abord décrire ce qui existe et les limites.

2,1 APPROFONDISSEMENT DU CONCEPT DE

« DEVELOPPEMENT PERSONNEL »

La métaphore immédiate est biologique. Le développement d’une

plante, d’un animal, c’est sa croissance et son arrivée à maturité,

dans l’interaction avec son environnement. Et pour l’être humain s’y

ajoute sa part de conscience, son pouvoir de création ou de co-

création, entre autres, à travers ses projets, ses relations, le pouvoir

de sa pensée.

Finalement, le concept le plus clarifiant est celui d’auto-éco-

organisation proposé par Edgar Morin. Une formation au

développement personnel serait un temps consacré à l’auto-éco-

organisation, un temps de recul, d’analyse, d’analogie, de prise de

conscience de ce phénomène en nous, avec des méthodes pour le

favoriser, pour en hâter la croissance, pour s’en donner l’appétit,

pour le vivre plus intensément et savoir le transférer dans la vie

ordinaire, quotidienne.

Temps spécifique, à l’intérieur d’un organisme de formation qui

propose d’aider à acquérir des comportements (actions) dans un

domaine particulier et aussi une nouvelle façon de voir le monde

(pensée) et un autre mode de relation à ses émotions (sentiments) .

13

Les conditions du développement personnel sont bien entendu

disposées dans l’environnement, chacun de nous, dans sa vie

quotidienne est amené à rencontrer, communiquer, négocier,

prendre les autres en compte de la manière la plus agréable

possible, se donner des lignes d’action, les évaluer. La vie est une

suite d’expériences formatrices, ou plutôt, chaque expérience

constitue un potentiel d’apprentissage. Encore faut-il pendant qu’on

la vit, ou après l’avoir vécue, l’interpréter et en tirer des

enseignements. C’est-à-dire, au cours et par une vie active, être en

prise sur l’environnement, les autres, sur son passé, son présent,

son avenir, sur sa vie intérieure, bref, vivre une « vie vivante ».

C’est là aussi la différence entre l’accumulation de savoirs formels

et les connaissances directement tirées de l’expérience personnelle

et donc plus dynamiques.

Alors, les conditions existent bien déjà pour tout un chacun ! Mais

en même temps, c’est un processus tellement long, douloureux,

tâtonnant, plein d’impasses et de chausse-trappes qu’un organisme

de formation peut souhaiter sinon baliser un chemin, du moins

donner des repères, des outils, des méthodologies pour que ce soit

moins douloureux.

Il s’agit d’une sorte d’accélération du processus « d’éducation à la

vie », un cours de rattrapage pour ceux qui ne sont pas assez

satisfaits de leur propre rythme et de leur manière d’exploiter les

opportunités, de construire du sens, ou simplement ceux qui ont

envie d’explorer, de découvrir, et ... au bout du compte d’être plus

heureux, de rendre plus heureux.

Ghislaine Besnard dans son mémoire de DESS 14 propose une

définition synthétique :

1414 Ghislaine Besnard « Le vase et le feu » mémoire de DESS 1996

« Il semblerait donc bien que le développement personnel soit une

construction (ou une construction/déconstruction) personnelle et

progressive de soi, fondée sur la compréhension et l’intégration des

expériences vécues. Tous les efforts déployés pour acquérir cette

meilleure connaissance de soi et de l’environnement constitue une

démarche qui vise à instaurer (ou parfois à restaurer) l’interaction la

plus harmonieuse possible entre son évolution personnelle (et ce,

sur tous les plans, physique, affectif, émotionnel, intellectuel,

spirituel) et processus extérieurs. Autrement dit, le développement

personnel renvoie à une façon d’être au monde « de la tête aux

pieds en passant par les tripes » .

Jeanne Mallet, pour sa part, précise les points communs à tous les

apprentissages (1996, page 21) 15 : « progressivité des processus... (qui) semblent de nature auto-

organisationnelle, où les notions de liens ( de relation, de rétroaction

et de récursivité), d’ouverture, et de projet qui fasse sens sont

fondamentaux. Enfin, notons que la présence d’un instructeur... ne

doit pas rendre le sujet passif...

Et puis, elle spécifie les conditions particulières du développement

personnel : - une non dualité ... La dimension duelle n’est pas niée, mais elle est

simplement vue comme un niveau de la réalité, ou du regard qu’on

peut porter sur elle ; mais c’est un regard « borgne » pour celui qui

prenant un niveau de réalité pour toute la réalité, est trompé en

quelque sorte (sans le savoir) par un niveau de perception et par des

croyances et schémas de pensées qui s’y rattachent et qui nient par

là même l’existence des autres (d’autres possibles, virtuels et

potentiels).

- au delà des mots... Le processus d’apprentissage... cherche aussi

à dépasser ce niveau sans le nier, mais en l’englobant au sein d’un

processus de connaissance plus directe, plus mobile et plus vaste,

15

15 Jeanne Mallet « Développment des personnes et développement des organisations » Oméga Formation Conseil 1996

niveau fondateur d’un autre rapport avec les mots, les signifiés, les

concepts (qui dans ce cas ne sont jamais premiers, mais référés à

une expérience directe plus vaste, expérience du corps et de l’être

tout entier). Au delà des significations conventionnelles,

académiques, ou contextuelles, c’est l’expérience directe qui fait

« chanter autrement les mots » ; les signifiés sont alors reliés à

l’expérience de développement intérieur, au « voir et entendre actif »,

sur le chemin de l’expérience de la relativisation de l’identité

personnelle et des autres relativisations progressives et

successives....

- au delà de tout projet . Enfin, dernier point parmi les plus difficiles,

il s’agit de dépasser la notion même de projet (indissociablement liée

à l’expérience illusoire d’une identité stable et indépendante ou

même de l’identité sauvegardée et aménagée dans le concept

d’altérité...), pour l’action juste sans projet : « rien à chercher, rien à

vouloir, rien à attendre, personne à suivre ».

2,2 NOTRE FORMATION PNL : OBJECTIFS ET MISE EN

OEUVRE

La PNL est née dans les années 77 aux États Unis, de la rencontre

entre deux chercheurs : John Grinder, professeur de linguistique à

l’Université de Santa Fé, en Californie et de Richard Bandler,

docteur en informatique. Ces deux hommes, dans la mouvance de

l’interdisciplinarité promue par Gregory Bateson, vont mener une

recherche transversale sur la structure de l’expérience

subjective, à partir des connaissances en psychologie,

anthropologie, neurosciences, cybernétique, constructivisme

radical... Ils veulent modéliser cette expérience subjective pour

pouvoir en saisir les règles de fonctionnement et décoder les

stratégies pour les reproduire.

16

La spécificité de la PNL à se centrer consiste tout d’abord sur le

comment : « comment ça marche quand ça marche, ou d’ailleurs

aussi quand ça ne marche pas ? », plutôt que « pourquoi ça

marche ou ne marche pas ? ». Au fil des années, les chercheurs du

début ont fait école et de nouveaux chercheurs font également

évoluer, enrichir les modèles. L’esprit de départ est conservé dans

le pragmatisme des outils.

Bien entendu, si aux États Unis, de telles méthodes font fureur,

nous sommes en France un peu plus réservés et critiques. La PNL

triomphaliste, comme toutes les méthodes « miraculeuses » nous

irritent, et nous avons sûrement beaucoup plus de recul. Certains

peuvent être allergiques à l’aspect « recette » ou à l’aspect

« américain ». Finalement, la PNL est surtout quelque chose à

essayer, car essentiellement appuyée sur l’expérience personnelle.

Ce n’est qu’un outil parmi d’autres (voir encore le mémoire de

Ghislaine Besnard, qui fait l’inventaire des différentes techniques),

Et qui peut ou non convenir à certains. Pour ceux qui décident de

s’y intéresser, l’ensemble des outils est disponibles sous la forme

(entre autres) de formations.

Je vais parler dans ce mémoire du premier cycle de formation, le

« praticien ».

Comme je le précise dans « le contexte, » la formation de praticien

PNL poursuit des objectifs « officiels » (annexe 1) d'apprentissage

d'outils et techniques spécifiques qui font l'objet de la certification.

(Voir « l'évaluation telle qu'elle existe ») et consistent pour

l'essentiel au maniement de grilles de lectures, de techniques de

questionnement, de protocoles pour conduire des changements.

Nous sommes dans le domaine des « procédures ».

17

Cette formation poursuit aussi des objectifs de développement

personnel qui font pour l'essentiel l'objet d'une auto-évaluation-

régulation (voir l'évaluation telle qu'elle existe). Pour ses objectifs là,

nous allons donner une place centrale à l'observation de situations

vécues, des expériences réelles, par opposition à des études de

cas, en donnant mettant l’accent sur la perception des émotions.

Petit à petit, les réactions émotionnelles seront considérées comme

un véritable système interne de régulation.

Comprises dans un système circulaire, elles peuvent être vues

comme l'interprétation du résultat de nos actions, ou comme le

signal de poursuivre ou changer nos actions. Nous sommes dans le

domaine des « processus »

A.R.Damasio 16 à partir de l'étude de personnes privées de

réactions émotionnelles du fait de lésions, a mené des recherches

sur le rôle des émotions. Il écrit (page 9) : « Les émotions ne sont pas du tout des éléments perturbateurs

pénétrant de façon inopportune dans la tour d'ivoire de la raison ;

autrement dit, il est probable que la capacité d'exprimer et de

ressentir des émotions fasse partie de la raison pour le pire et pour

le meilleur..... Exprimer et ressentir des émotions n'est pas un luxe.

Cela nous permet de nous orienter par rapport à nos dispositions

internes et nous aide à communiquer aux autres des indices qui

peuvent ainsi les aiguiller dans leur interaction avec nous. Et les

perceptions d'émotions ne sont ni futiles, ni insaisissables.

Contrairement à l’opinion traditionnelle, je pense qu'elles ont une

valeur cognitive tout autant que les autres percepts. Elles découlent

d'ailleurs d'un agencement physiologique des plus curieux, puisque

celui-ci a mis le cerveau dans l'obligation d'« écouter » le corps. Les

perceptions d'émotions nous donnent un aperçu

1816 A.R. Damasio « L’erreur de Descartes » O.Jacob sciences 1995

instantané sur l'organisme en pleine activité biologique ; elles captent

le reflet même de la vie en train de s'accomplir ».

2,3 L’EVALUATION TELLE QU’ELLE EXISTE

Depuis trois ans, notre organisme est adhérent d’une association

nationale, association regroupant des formateurs PNL, qui définit

des critères de contenu (programme de base), de certification des

personnes (critères d’évaluation) et de professionnalisme des

enseignants. Le tout est rédigé sous la forme d’une charte qualité

signée par les adhérents (voir annexe 1).

L’évaluation existante définit ce que le praticien PNL doit avoir

intégré comme présupposés, dans son comportement et dans ses

relations professionnelles, établit la liste des outils et techniques

qu’il doit savoir identifier et utiliser pour lui-même et savoir utiliser

dans ses interventions avec d’autres personnes. A l’occasion d’un

« test » final, si l’écart n’est pas trop important entre la prestation du

participant et les prestations attendues, son niveau de compétences

sera déclaré conforme au niveau exigé, il sera alors certifié.

Toutefois, de mon point de vue, il existe une limite importante, : ,

c’est que cette évaluation ne prend pas en compte le chemin

parcouru par chacun. Particulièrement pour certaines personnes,

qui vont avoir accompli un parcours considérable, et qui, bien que

n’ayant pas atteint les conditions de satisfaction des critères de

19

certification, ont développé considérablement leurs savoir faire et

ont accompli des changements importants, sur le plan personnel..

Mais plus généralement, cette évaluation, de type contrôle final, ne

valorise pas le cheminement de chacun

En fait, le système de comparaison qui permet la certification,

comparaison entre des objectifs de comportement et les résultats

auxquels arrive le participant, (autrement dit comparaison entre la

personne dans le présent de la certification et un idéal certifiable),

ne prend pas en compte la dimension processuelle du

développement personnel, en tout cas pas directement.

C’est en même temps inévitable et paradoxal. Inévitable, car

l’évaluation est faite par d’autres que le sujet, des

« professionnels », qui vont juger des performances par rapport à

un niveau exigé. Et paradoxal, car qui mieux que le sujet peut, au

bout du compte évaluer les dimensions de son évolution , de son

développement ? Et pourtant, le développement personnel est bien

au coeur de cette formation !

Le test final (contrôle) ne sert pas à évaluer le processus

développement personnel, pas plus que le point de vue du stagiaire

sur ses « avancées » ne peut servir de base à l’évaluation, contrôle

final, de ses acquisitions techniques, ses performances.

Ainsi, nous sommes en présence de la coexistence de deux

systèmes de références complémentaires qui peuvent parfois

diverger:

- Références externes (au stagiaire) : les enseignants,

représentant l’ avis de spécialistes dans le monde social, sont seuls

20

« juges », ( avec leurs collègues), en ce qui concerne le niveau de

compétence. Et dans ce domaine, ils rendent des comptes au

stagiaire, si le stagiaire le souhaite.

- Références internes au stagiaire, son avis et son appréciation

personnelle sur lui-même, sa conviction intime, la satisfaction qu’il

éprouve de ce qu’il a vécu et les enseignements qu’il en a retirés. Il

est seul « juge », mais il peut aussi en discuter avec le formateur,

s’il le souhaite, sans avoir de pouvoir sur la décision de certification

Ainsi que nous le verrons plus précisément en références avec nos

modèles théoriques de l’évaluation, le dispositif d’évaluation PNL

fonctionne donc selon 2 axes : références internes et références

externes, avec pour chacun, 2 types d’approches et d’objectifs : le

contrôle ou la régulation :

Evaluation en référence externe

La « certification », en fin de formation, correspond à un contrôle

terminal et global. Chaque stagiaire prend comme sujet un autre

participant qui va lui exposer une difficulté bien réelle sur laquelle il

bute. Peur de parler en public, conflit avec un proche, colères

envahissantes, peur de l’intimité et des émotions sont des thèmes

fréquents. À l’occasion d'entretiens, le stagiaire doit identifier la

situation problématique et l’objectif du sujet, avec les outils

spécifiques de la PNL, de manière à les rendre accessible à une

solution. Il expose ensuite aux enseignants le contenu de son travail

et propose un technique de changement en argumentant son choix.

Voir en annexe la fiche n° 2 « vue d’ensemble du processus de

changement ».

Le contrôle va porter sur trois paramètres :

21

- le produit : la fiche n° 2 remplie,

- les procédures utilisées pour le recueil et le traitement des

informations, selon les techniques apprises pendant la formation,

- les processus de communication manifestés au travers de

l’interaction avec le participant-sujet (voir annexe 3 critères de

certification, entre autres: séparation des modèles du monde,

adaptation aux réponses, confiance dans les ressources du sujet,

centré sur l’autre....)

La régulation, en cours de formation est de deux ordres

* informel : En fait de très nombreux exercices pratiques sont

proposés en sous-groupe de trois si possible, avec un

« programmeur » qui mène l’exercice, un sujet et un observateur,

qui disposant d’une position de recul peut faire part, après l’exercice

de remarques. Les formateurs, en « supervisant » les exercices

trouvent de nombreuses occasions de feed-back à chaud, tant sur

la forme que sur le fond.

Le but de ces exercices est de manipuler des grilles de lecture et de

questionnement propres à la PNL, en les appliquant aux situations

vécues par les sujets. Le stagiaire prend des notes pendant

l’entretien qu’il conduit, les classe en fonction des outils proposées,

en respectant des procédures, des protocoles.

* formel : À mi-parcours, nous proposons aux stagiaires,

individuellement, un point de réflexion critique sur leurs

apprentissages, en fonction des « critères de certification », voir en

annexe fiche n° 3 .

Ces régulations se font toujours selon deux axes :

22

- renforcer les points positifs

- indiquer ce qui est à améliorer et comment le faire.

Evaluation en référence interne, ou « auto-évaluation » :

- auto-contrôle : est-ce que je fais bien ce qu’il faut, ou non, par

rapport à ce qui m’est demandé ?. Voir en annexe fiche n° 4 «

outils et techniques de l’initiation ». Quelles notes puis-je me mettre

et en fonction de quels exemples de ma pratique personnelle ou

professionnelle. Certains stagiaires ont du mal à trouver les

exemples, avec un sentiment de « n’avoir rien fait », parce qu’ils

n’ont pas immédiatement de situations à exposer. Ils n’ont pas

« travaillé » ce qu’ils avaient projeté. Ils trouvent alors souvent des

situations inattendues : « ah oui, quand même, il s’est passé ça... »!,

même s’ils ne peuvent pas illustrer tous les points de la grille. Ces

exercices portent sur les procédures : quel outil a été utilisé, quand

et avec quel résultat ? Et portent aussi sur les processus: réflexion

et découvertes à partir de ces outils.

- auto-évaluation régulation : à chaque regroupement, un temps

important est consacré à l’appropriation des changements. (Voir en

annexe les fiches n° 5, 6 et 7 « changement et index de

computation », « changements et programmes », « enseignements

sur le changement ») Ils se déroulent en sous-groupe, avec mise en

commun pour multiplier les exemples d’utilisation des outils.

Pour ouvrir le plus possible ces exercices et en faire autre chose

que de l’auto-contrôle, nous demandons aux personnes de trouver

des changements qu’elles ont faits dans leur vie, au plan amical,

familial, professionnel... Nous ne faisons pas référence à ce qu’elles

23

s’étaient fixé comme direction de travail, en fin de session

précédante, mais à un état des lieux possible dans l’instant..

Elles peuvent donc choisir de présenter une régulation R- : « je

voulais obtenir X, j’ai fait comme ceci....., ça n’a pas marché, j’ai

donc fait ceci en plus,... en moins, ....différemment. Et ça a

marché. »

Ou présenter une régulation R+ « Je voulais obtenir X, j’ai fait

comme ceci, et je me suis rendu compte que mon objectif était trop

ambitieux et démotivant, alors, je l’ai repris, réajusté, et maintenant,

je veux Y. »

On suit en cela les définitions de J.J. Bonniol, cité par M. Vial 96/97

page 18917: « Boucle conservatrice de sens, je réajuste, c’est-à-dire que je

reprends le cap pour rejoindre ce qui était prévu. Boucle

conservatrice de sens, ça ne change pas le sens initial. R+, qu’est-ce

que je réajuste, eh bien, je réajuste le projet. » Mais, les personnes peuvent aussi se situer hors du système de

comparaison avec ce qu’elles voulaient et dire simplement: « Je me

rends compte que depuis quelque temps, je ne m’y prends plus de

la même manière pour donner mes instructions à ma secrétaire. Je

ne l’avais pas prévu, ça s’est mis en place tout seul ». « Il m’est

arrivé quelque chose de bizarre, terrible, merveilleux, et voilà

comment je le comprends ... »

Pour que ces exercices soient toujours des occasions de manipuler

les outils de la PNL, nous leur demandons de présenter les

situations avec le filtre particulier d’un ou plusieurs outils.C’est

toujours un temps de satisfaction et de valorisation, quelquefois

dans la surprise en réalisant comment changer quelque chose en

2417 M. Vial « Receuil de textes sur l’évaluation » Université d’Aix en Provence 96/97

soi a permis des ouvertures insoupçonnables, soit dans les

interactions, soit dans les idées qu’on se fait sur soi, sur les autres

et sur le monde, soit dans les émotions qui nous traversent.

Cette auto-évaluation permet d’apprécier ce que l’on a réalisé, qu’on

l’ait voulu ou non, « programmé » ou non, ou qu’il se soit passé des

choses inattendues, à côté, au delà des espérances ou des projets,

mais que l’on peut identifier, saisir, savourer. C’est déjà dans ce

sens que fonctionnent en partie les documents 5,6,7.

Ce dernier volet n’a pas d’incidence directe sur la reconnaissance

des compétences par la certification. En revanche, de mon point de

vue, c’est celui qui permet le plus sûrement l’appréciation de soi.

L’ensemble du dispositif peut se schématiser comme suit :

25

contrôle final : le test de la certification produit, procédure, processus

régulation : feed-back formels et informels produit procédure

Ainsi, en ce qu

système de références externes

système de références internes

auto-contrôle : auto-attribution de notes procédure processus

auto-évaluation-régulation : exercices d’appréciation des changements processus

Notons que certains organismes de formation, en vue de la

« certification » de leurs stagiaires (mais hors normes qualité telles

que définies plus haut) créent des conditions particulières valorisant

l’auto-évaluation : ils demandent aux participants de produire un

spectacle : théâtre, chants, danses, collages... où ils mettent en

mots et en images leur évolution pendant la formation. Si ce

procédé peut être intéressant, pour une auto-évaluation, il me

semble qu’il peut difficilement se prêter à une évaluation-contrôle et

qu’il ne devrait donc pas déboucher sur une certification. Ceci, pour

préciser que le contrôle externe, tel qu’il existe dans mon organisme

a une place dans le dispositif de formation, place qu’il conservera à

l’avenir.

Ainsi, en ce qui me concerne et en tant que formatrice PNL, je

souhaite garder ce qui existe et qui fonde la certification, mais en

renforçant, en développant, en améliorant surtout le volet auto-

évaluation- régulation, indispensable au soutien des processus de

formation PNL.

En adjoignant, par exemple comme je l’ai fait cette année, un

dispositif qui autorise une comparaison même subjective entre le soi

passé et le soi présent et en dehors des objectifs fixés d’avance par

le sujet (« boucle R- » de J. J. Bonniol).

26

En tant que formatrice, je suis bien sûr satisfaite quand des

stagiaires atteignent des objectifs ! Mais j’aimerais aussi une

meilleure prise en compte de l’ imprévu, de l’inattendu, du

différent pour favoriser les occasions d’ouverture personnelle.

(boucle R+ de J. J. Bonniol)

LES QUESTIONS

La question centrale de ma problématique pratique est donc :

Est-il possible de concevoir un dispositif, un « système d’évaluation-

régulation » qui prenne en compte non seulement le chemin

parcouru dans ce qu’il peut avoir de conforme aux objectifs initiaux,

mais aussi de différent, par réajustement des premiers, et plus

encore, d’ouverture à de nouvelles idées, de nouvelles façons

d’être, une disponibilité à l’imprévu dont on pourrait voir la trace

rétrospectivement dans notre vie, de manière peut-être à la

percevoir comme source de richesse, voire d’émerveillement .

Ou encore, comment renforcer l’auto-évaluation-régulation, si c’est

bien là le nom du processus dont je veux parler. Comment en faire à

la fois un moteur vers de nouveaux projets, une motivation pour

l’action et surtout, par feed-back, des occasions de satisfaction liées

à des prises de conscience.

27

Comment faire pour que des personnes « réalisent » (au double

sens du terme) leurs avancées et sachent leur reconnaître de la

valeur et du sens, même en l’absence de reconnaissance

extérieure ; comment renforcer leur intérêt pour ce qu’elles ont

accompli, et leurs capacités à l’apprécier.

Et ceci de manière à ce que cela devienne un mode de

fonctionnement disponible facilement pour le transférer dans la vie

courante, et, au bout du compte, simplement mieux apprécier la vie.

Comment élaborer des projets, seul ou avec d’autres, mais surtout

explorer les possibles ? Ou encore comment permettre à la

rétroaction positive de trouver une place maximale ?

Si ce dispositif d’auto-évaluation-régulation est réalisable, avec

quels supports, dans quelles conditions ?

Autrement dit : comment est-il possible d’auto-évaluer le

développement personnel ? ou plus exactement de permettre au

stagiaire de l’évaluer, en références internes.

En outre, avec des démarches qui puissent perdurer au delà de la

formation, comme de nouvelles habitudes d’appréciation, (selon la

constatation que tout progrès accompli rend optimiste sur ses

possibilités à continuer), et jusqu’à ce que cette manière de faire

devienne naturelle, transparente, dans un cycle d’apprentissages où

nos incompétences inconscientes vont d’abord devenir

conscientes. Avec les frustrations que cela peut entraîner, mais

aussi la curiosité, l’envie de découvrir jusqu’à ce que l’action et la

pratique les transforment progressivement en compétences

conscientes, et jusqu’au stade suivant où redevenues

28

inconscientes, ces compétences vont pouvoir se manifester de

manière automatique.

On peut en donner la représentation schématique suivante :

J’ai fait de réels progrès. En m’appliquant, de manière délibérée, je remarque certaines réussites, et de plus en plus.

29

4

3

1

incons-ciemment compétent

Mon savoir-faire est devenu automatique, naturel, transparent. Je ne sais même plus que je sais. La compétence se met en place sans effort

consciem-ment compétent

2

Je sais que je ne sais pas, et je peux me sentir : acablé, frustré, inquiet, exité, joyeux devant les découvertes qui m’attendent

consciem-ment incompétent

je ne sais rien de l’étendue de mon ignorance, concernant... la conduite, la capacité d’empathie, les maths... Et tout va bien pour moi.

inconsciem-ment incompétent

5 Spire supérieure : l’attention, l’énergie, la concentration utilisées

jusque là pour la poursuite des apprentissages en cours,

maintenant achevés, sont libérées et redeviennent disponibles pour

de nouveaux apprentissages. Ils commenceront par la phase 1 ...

Comme l’explique E. Schrödinger (1990) à propos tant de

« l’ontogenèse de notre vie mentale » que de la « phylogenèse de

nos processus nerveux inconscients » , page 157 : « l’effacement graduel de la conscience avec la répétition est d’une

importance exceptionnelle pour toute la structure de notre vie

mentale qui est entièrement basée sur le processus d’acquisition

d’une pratique par la répétition... Les nouvelles situations et les

nouvelles réponses qu’elles suscitent sont maintenues dans la

lumière de la conscience tandis que les situations anciennes ne le

sont plus.. La conscience est associée avec l’apprentissage de la

substance vivante, son savoir-faire est inconscient. »

3 DÉTOURS PAR LES MODÈLES THÉORIQUES

3,1 QUE NOUS DISENT LES SCIENCES DE L’EDUCATION ?

ET PARTICULIÈREMENT LES THÉORIES DE L’ÉVALUATION ?

Jean Jacques Bonniol (1996), pour sa part, insiste sur la différence

entre les « procédures » et les « processus ». Il met l’accent sur le

caractère plus déterminant des processus, même s’ils sont hors

d’atteinte directement et surtout, terrain privé par excellence.

30

Néanmoins, il nous exhorte dans « Le formateur est un passeur »18

à « nous conduire vers des objectifs plus ambitieux que ceux sur

lesquels les formateurs travaillent habituellement : objectifs de

modification, bien sûr, des pratiques, des représentations, des

attitudes devant les problèmes ; mais peut être autant centrés sur les

processus vivants qui sont à l’oeuvre dans une entreprise

d’apprentissage, que sur les procédures conviées qui font l’objet de

ses apprentissages... Tenter des greffes entre des apprentissages

de procédures, de méthodes, de démarches et des appropriation de

processus. Ne plus se contenter des apprentissages de manière de

faire, mais tendre vers des appropriations de manière de prendre les

choses, de les aborder, de les prendre en compte ; de s’y mettre

tout entier, sans se donner du mal, (au contraire, en se faisant du

bien). Pour cela, oser transformer plus profondément.....

Appropriation, conscientisation, mais aussi création, et c’est le

troisième niveau de l’évaluation,: on va toucher là les rapports entre

ce qui est de l’ordre de la normalité et ce qui est de l’ordre du vivant

..... Arriver à réguler les processus doit donc être, même si cela reste

encore aujourd’hui intuitif, notre troisième niveau d’évaluation et ce,

malgré, là encore, le cortège impressionnant des malentendus, des

quiproquos, des faux sens.... Organiser les possibilités d’une auto-

évaluation qui ne se contente pas de porter sur les moyens, sur des

objets, des outils et des instruments, mais qui puisse porter sur le

coeur du générateur, sur l’élan, sur le mouvement, sur le vivant, sur

le processus... »

Ou encore Michèle Genthon (1996) 19: « Ouverture sur l’imprévu, l’inattendu, le non encore actualisé... une

exploration des possibles, dimension téléonomique de la

connaissance. »

18 Cahiers d’Aix n° 1 1996

3119 M. Genthon « Apprentissage, évaluation, recherche » En question 1997

Ou encore Michel Vial (1991)20: « l’auto-évaluation est maintenant redéfinie non pas comme

l’acquisition de mécanismes de conformité, mais comme la

possibilité de répondre en conformité quand c’est nécessaire, parce

qu’on sait que cette conformité est une norme contractuelle, qu’elle

n’est pas vraie, un jeu social. Et puis l’auto-évaluation, c’est le reste

du temps la possibilité de produire du sens, d ’apprendre le monde,

de donner du sens à ce qui est vécu dans le monde, de « voir dans

le vide » comme dit Kennet White. » (page 392)

Je retiens surtout de ces références, l’encouragement à donner la

priorité aux processus, à travers l’auto-évaluation, même si c’est en

tâtonnant.

En effet, dans nos dispositifs de certification PNL, ce que l’on sait

surtout faire, c’est évaluer par rapport à des objectifs, des projets,

que ce soit pour ratifier une conformité : « fonction de satisfaction »,

pour repérer des erreurs : « fonction d’information », comme les

nomme Jean Jacques Bonniol ou, selon la terminologie de Michel

Vial « différencier,...corriger,...contrôler. »

Mais même la « fonction de réajustement » nous laisse dans un

même schéma : d'abord, on a l’idée, l’objectif, le projet et puis on

passe à l’action. Cette action va produire des résultats que l’on va

comparer avec les résultats souhaités. Si les deux résultats sont

suffisamment proches, l’évaluation de cette comparaison nous

indique que nous avons réussi. Si l’écart est trop important, nous

aurons alors le choix entre renouveller les actions, ou les changer

(R-), ou de modifier le but (R+)

3220 Michel Vial « Instrumenter l’auto-évaluation » Thèse Aix en Provence 1991

Ces deux boucles (ou flèches) renvoient ainsi à la rétroaction telle

que définie par Morin (1977) 21 : la boucle la plus grande (R1)

rétroajustant les stratégies d’action, à la poursuite de l’objectif initial,

qui reste constant ; la plus courte, rétroaction positive (R2),

permettant le changement du projet, son affinement, son adaptation

au contexte.

L’étape de comparaison se fait par conformité à un objectif fixé, ou à

une norme. Ce qui me permet de savoir que je réussis, c’est donc à

la fois une échelle fixée à l’avance, et l’obtention du résultat

souhaité.

Tant qu’on garde l’idée de projet, on introduit une notion de linéarité

du temps. On considère alors l’articulation des énergies du passé,

de notre histoire, donc d’énergies de type causal, qui déterminent

une partie du présent et qui « poussent derrière », avec les énergies

d’aspiration du futur, les cibles, buts ancrés dans l’avenir et qui

« tirent en avant ». C’est l’articulation de ces deux dimensions du

temps qui permet la comparaison entre ce que je voulais et ce que

j’ai obtenu. Cette étape de comparaison est un temps spécifique

dans une stratégie de réalisation, qui débouche sur ce que l’on peut 21 E. Morin « La méthode » tome 1 Seuil, 1977

à choisir dans le repertoire d’actions disponibles

2 comparaison

objectif

résultat de mes actions

objectif visé visé

feed-back

3 évaluation 1 action

R1 rétroaction sur les actions : recommencer ou faire autrement

R2 rétroaction par modification de l’objectif : faire autre chose

33

résumer grossièrement à deux possibilités : soit les termes de la

comparaison sont égaux ou proches, soit ils sont différents ou trop

lointains. À mon sens, l’étape d’évaluation proprement dite

n’intervient qu’après, au moment où on interprète cette

comparaison, où on en tire des décisions d’action pour la suite.

« C’est la même chose » amène à constater, apprécier la réussite,

« c’est différent » amène à remanier : s’y prendre autrement ou faire

autre chose. On rejoint ainsi la remarque de J.J. Bonniol,

(1986),citée par M. Vial (1996/97) : L’évaluation a mieux à faire qu’à mesurer l’écart ou l’erreur, elle doit

permettre de l’éviter, de l’analyser, si elle a eu lieu, puis de rectifier.

Et la fois suivante, d’opérer. »

Ne peut-il donc y avoir évaluation que dans ce cadre temporel qui

va du passé à l’avenir, ou est-il possible aussi d’évaluer en marche-

arrière, du présent vers le passé, pour apprécier son parcours, ou

même encore plus simplement de profiter de l’énergie émergente du

présent, sans référence à rien d’autre ? Pour éviter ce danger que

nous pointe Jeanne Mallet (1994) 22 page 119 : « C’est appauvrir ou affaiblir la puissance de cette émergence de ce

que nous nommons le sens (sans doute un des mots les plus

polysémiques) de ne voir sa source première que dans ce qui est de

l’ordre de l’intentionnalité, du projet, du désir, fusse-t-il de connaître

le monde et de se connaître soi-même. »

Et d’où viennent donc cet « élan », ce « mouvement », ce « vivant »,

ce « sens », cet « imprévu ? L’évaluation contrôle ne dit pas grand-

chose là-dessus.

3422 J. Mallet « Entreprises apprenantes » Oméga-formation-conseil 1994

2,3 ET LES THÉORIES DE L’APPRENTISSAGE ?

Ce double focus sur les processus et les procédures correspond-t-il

à des approches de l’apprenant ?

Michèle Genthon (1996)23, fait référence deux conceptions du sujet

: « On arriverait ainsi en outrant un peu le trait à une vision d’un sujet

connaissant, dépendant de l’autonomie de son activité cognitive et

de l’aspect auto-constructif de sa connaissance et à une vision

contraire d’un sujet apprenant, proche d’un système asservi, mono-

finalisé par les tâches proposées et les objets de savoirs à

maîtriser... » (page 44)

On peut aussi considérer ici deux visions différentes du sujet : le

premier sujet est celui considéré comme équipé de structures

innées capables d’acquérir, comme le dit E. Morin (1990) 24: « Il faut qu’il y ait beaucoup d’inné...(pour qu’il y ait de très fortes

aptitudes à connaître et à apprendre...) dans le sens non pas de

programmes innés de comportements, mais de structures innées

capables d’acquérir ». page 151

Le deuxième sujet paraît surtout sensible aux contraintes de son

environnement. Je rapprocherais volontiers ces deux sujets des

deux projets tels qu’en parle J. Ardoino 25 : « l’un donne le sens,

l’autre est la traduction stratégique » . Le premier sujet satisfait un

« projet-visée » ; acquérir, le deuxième sujet se confronte à la

matière, aux procédures, il met en place le « projet-

programmatique ».

23 M. Genthon « Lectures plurielles de l’apprentissage » cahiers d’Aix 1996 24 E. Morin « Introduction à la pensée complexe » ESF 1990

3525 J. Ardoino Cours de DESS 1997

Pour prendre un représentation cyclique, on pourrait faire du sens,

de l’idée la première étape d’un cycle ( ou l’aboutissement du cycle

précédent). Cette idée, pour se manifester, a besoin d’un terrain. Ce

terrain va immédiatement lui opposer une résistance, du fait même

de la différence de nature irréductible entre les deux. C’est cette

confrontation, qui va nous amener à réguler . Nous sommes arrivés

au point où nos « constructions du monde » échouent, où elles

butent sur le monde réel. Il va nous falloir réajuster nos idées, les

adapter au terrain choisi, commencer à construire, jusqu’à arriver à

un produit fini. Le recul sur cette production permet à nos structures

« d’acquérir » et du même coup de produire du sens nouveau, c’est

une création. Le cycle complet de cette création commence, selon

la belle description de M. Genthon (1996) par le fait de : « se cogner contre quelque chose qu’on ne peut pas appréhender

immédiatement, contre du nouveau, qui présente un caractère

d’étrangeté, qu’on va essayer de s’accaparer, de prendre pour soi,

de s’approprier, qu’on va faire sien. Cela rappelle le processus

d’altération. Cet autre, c’est un objet, un phénomène, un autre sujet,

peu importe sa nature, c’est un obstacle. »

Obstacle qui va nous permettre de construire une nouvelle

connaissance que l’on va pouvoir tester, puis appliquer à des

situations proches mais différentes (le transfert), jusqu’à ce que

cette structure soit appropriée, assimilée et disponible de manière

automatique pour un autre cycle.

L’apprentissage serait alors la concrétisation d’une potentialité plus

abstraite, qui a besoin d’un champ pour se réaliser, s’actualiser :

c’est l’acquisition de connaissances par nos structures qui se

régulent. Le développement personnel s’apparente bien à cette

étape de potentialisation, il a besoin de terrains pour s’implanter,

36

s’actualiser et en saisissant les opportunités que le terrain lui offre,

remplir sa fonction, qui est de l’ordre de la création de soi-même. Il

contribue à « l’être », même si l’action est son moyen. Et d’ailleurs

quel autre moyen aurions-nous pour pratiquer « l’être » ?

Je fais ici le lien avec ce que dit F. Varela dans un article (1994),

page 310 26: "Ce que Piaget a introduit d'une manière inoubliable, c'est l'idée que

la cognition même dans ce qui apparaît comme ses expressions de

haut niveau - s'enracine dans l'activité concrète de l'organisme tout

entier, autrement dit dans le couplage sensori-moteur immédiat....

C'est ce que j'appelle la cognition comme enaction puisque l'enaction

connote cette production par manipulation concrète... L'approche

enactive se donne pour point de départ l'étude de la manière dont le

sujet percevant guide ses actions dans les situations locales..... La

cognition consiste ainsi non pas en représentations mais en actions

incarnées."

3,3 ET QUE NOUS DIT LA NOUVELLE PHYSIQUE ?

Encore un changement de lunettes pour examiner maintenant ces

situations à la lumière de la physique quantique. Il ne s’agit pas de

ma part, d’une approche scientifique (j’en suis bien incapable, je ne

crois d’ailleurs pas que ce serait pertinent) mais simplement d’une

analogie, comme si le niveau de lecture que propose la physique

quantique pouvait éclairer, en se reflétant, pouvait se « déplier » sur

ma situation de formation. Comme si elle pouvait justement 26 F. Varela « Le bonheur comme savoir-faire », article dans « Où est le bonheur » R.P. Droit Le Monde Editions 1994

37

permettre le passage d’un niveau de réalité à un autre, et les faire

résonner ensemble pour donner un sens nouveau au niveau le plus

concret. Le centre d’intérêt le plus courant chez ces physiciens est

d’ailleurs la relation entre l’esprit, la conscience, la matière... (E.

Schrödinger, F.D. Peat, D. Bohm, B. Nicolescu)

Ce que nous propose la physique quantique c'est de reconsidérer

les niveaux de distinction que nous faisons actuellement entre

l'univers, nous-mêmes et les autres espèces, nos sociétés et leurs

manifestations et ainsi que dit B. Nicolescu (1985) , de prendre : " comme hypothèse de travail l'existence, malgré les apparences

contraires, d'une unité des systèmes naturels quelle que soit leur

échelle." page 114

D. Bohm, expose sa conception ainsi (1987): "On peut concevoir l'univers comme un grand tout, une vaste matrice

cosmique où tout est en perpétuel mouvement et structures

énergétiques."

Et E. Schrödinger nous dit (1990) page 193: " Ce sont les mêmes éléments qui composent l'esprit et le monde....,

Le monde m'est donné en une seule fois et non pas sous une vision

existante et une vision perçue, le sujet et l'objet ne font qu'un..., la

multiplicité (des esprits et des consciences) est seulement

apparente, en réalité, il y a seulement un esprit."

L’hypothèse d’une similitude entre échelles quantique,

cosmologique, humaine permet une compréhension renouvelée de

cette quête spécifiquement humaine du sens de la vie, elle permet

de comprendre pourquoi, de tout temps, l'homme sent à quel point,

son sentiment d'appartenance à un tout plus vaste est absolument

nécessaire pour que sa vie ait un sens et lui semble valoir la peine 38

d'être vécue. Ce sentiment est suffisamment universel pour que l'on

s'y attarde et qu’on l'interroge. Même si, dans nos vies, c'est plutôt

l'inverse qui se manifeste.

D. Bohm (1987) l’explique ainsi : page 30 " Croire que tous ces fragments existent séparément est

évidemment une illusion ; cette illusion ne peut mener à rien d'autre

qu'à un conflit sans fin et à la confusion.... cette façon de vivre

entraîne pollution, destruction de l'équilibre naturel et création d'un

environnement général qui n'est ni physiquement ni mentalement

sain pour la plupart des gens qui doivent y vivre. Pour l'individu s'est

largement répandu une sensation d'abandon et de désespoir, il

semble que l'on soit submergé par une masse de forces sociales

disparates dépassant le contrôle et même la compréhension de l'être

humain qui en est prisonnier....

(page 48) Alors, ce n'est pas un hasard si notre forme de pensée

fragmentaire nous mène à une variété si largement répandue de

crises sociales, politiques, économiques, écologiques,

psychologiques.. à la fois dans l'individu et dans la société comme un

ensemble. Un tel mode de pensée entraîne un développement sans

fin de conflits chaotiques et dépourvus de sens dans lequel toutes

les énergies fondamentales tendent à se perdre dans des

mouvements antagonistes et des désaccords.

39

Alors vers quelle vision du monde pourrions-nous tendre conférerait

à nos expériences un sens profond, qui du même coup guérirait

cette disjonction, ce déchirement entre nous et les autres, la

nature... Et d'une manière qui soit forcement différente des visions

archaïques (de Paradis ou d'âge d'or), avant l'émergence de la

conscience individuelle. Comme un besoin urgent de retrouver des

liens et des interactions entre le niveau de la manifestation et celui

de l’esprit, pour garder, entretenir, retrouver une ouverture qui nous

permette, en tant que système vivant, d’éviter la dégénérescence et

l’entropie et d’accéder à notre pouvoir de création. Cette ouverture

est nécessairement plus vaste que simplement ce que nous

imaginons à travers nos objectifs et nos projets, elle doit permettre

de prendre en compte aussi l’imprévu, je dirais le plus que prévu.

Elle laisse la place aux surprises, au delà des souhaits et des

désirs, pour éviter que « les dieux ne nous punissent parfois en

exauçant nos voeux ».

D. Bohm nous propose une vision du monde qui peut combler le

fossé perçu entre notre existence et le reste de l’univers. Selon lui,

le monde matériel, solide, tangible auquel on accède, y compris

avec nos instruments d'exploration scientifiques correspondrait à un

ordre « déplié » ou « développé » présent à nos sens, par

opposition à un ordre « implié », « où la totalité de l'existence est

inveloppée intimement dans chaque région de l'espace et du

temps » et dont les lois seraient pour la plupart insaisissables. Sa

métaphore favorite est l'hologramme. Il en déduit ou plutôt, il

suggère : "qu'il existe une similarité fondamentale entre l'ordre de notre

expérience immédiate du mouvement et l'ordre implié tel qu'il

s'exprime à travers notre pensée." (page 204)

Pourtant, cet ordre nous échappe et notre pensée peut s'emballer et

tourner à vide. C'est parce que nous donnons trop d'importance à

l'ordre déplié et manifeste, et que : " nous ne remarquons généralement pas la primauté de l'ordre

implié", par essence inatteignable directement par nos sens. Les

risques de confusion qui en découlent nous amènent à vivre dans

l'illusion :

" les caractères statiques et fragmentés (d'une expérience) sont

souvent si intenses que les traits plus transitoires et plus subtils du

flux intact (de l'ordre implié) tendent généralement à pâtir et à se 40

fondre dans une telle insignifiance qu'on en est au mieux, seulement

confusément conscient. Donc peut apparaître une illusion dans

laquelle le contenu fragmenté de la conscience est expérimenté

comme étant la base même de la réalité, et cette illusion peut

apparemment confirmer que ce mode de penser est correct, puisque

ce contenu est pris comme fondamental." (page 211)

F.D.Peat, (1988) quant à lui, nous donne une vision appuyée aussi

sur une conception jungienne, qui semble assez similaire, même si

les mots employés sont différents :

« La conscience pourrait impliquer une forme de signification qui

émergerait d’un plan plus profond et serait entretenue par lui.

Comme les structures dissipatives et non linéaires, l’esprit

contiendrait sous une forme involuée la nature entière de ce plan. En

ce sens, les modèles significatifs de la synchronicité, qui se

manifestent à la fois dans l’esprit et dans la matière, représenteraient

le déploiement d’un ordre plus profond, situé au delà de la distinction

de l’un et de l’autre. La synchronicité serait ainsi l’expérience du

potentiel ou de la signification contenue dans un certain moment

d’existence. Elle agirait comme un indice de la signification qui est

cachée dans une vie particulière, dans une liaison ou dans un instant

historique... Peu de temps avant sa mort, W. Heisenberg, le

fondateur de la théorie quantique, affirma que ce qui était vraiment

fondamental dans la nature, ce n’étaient pas les particules elles-

mêmes, mais les symétries qui se trouvaient derrière elles .Ces

symétries fondamentales peuvent être vues comme les archétypes

de toute matière et la base de l’existence matérielle, les particules

élémentaires elles-mêmes ne seraient que les réalisations

matérielles de ces symétries sous-jacentes... La nature contient des

modèles archétypaux et des symétries qui n’existent pas

matériellement au sens explicite, mais qui sont involués divers

mouvements dynamiques du monde matériel...Nous allons étudier

41

les activités de la consciente et de l’inconscient comme résultant

d’ordre et de modèles à un niveau archétypal... Il n’est pas

impossible pour l’esprit d’avoir une structure archétypale cachée, tout

en agissant simultanément de façon créatrice. »

Alors, "matrice", "archétypes", "structures innées", même si ces

explications fonctionnent comme des métaphores, elles peuvent

nous amener à comprendre qu'entre ce que nous vivons et l'ordre

implié, il y a des résonances, des correspondances, du sens. Et

cela peut à son tour nous amener, à travers les expériences les plus

irrésistibles de dépassement de soi et d'ouverture, mais aussi à

travers des expériences plus quotidiennes, à percevoir le lien entre

soi et les autres, soi et le monde. À percevoir le sens de ces

expériences dans le cours de notre vie, les messages qu’elles nous

transmettent, les questions qu’elles nous font nous poser...

Finalement chaque expérience pourrait être vue comme

l'opportunité de saisir quelque chose de plus vaste qui pourrait

remplir nos existences, comme est rempli l'univers.

2,5 NOUVELLE DÉFINITION DU DÉVELOPPEMENT

PERSONNEL À LA LUMIÈRE DES APPROCHES THÉORIQUES

L’aspiration au développement personnel peut démarrer n’importe

où, le plus souvent à partir d’insatisfactions ou de chocs, de crises

graves, de ruptures affectives ou professionnelles qui nous font

prendre conscience que dans telle dimension ou dans telle

direction, nous butons sur des obstacles. Nous pouvons avoir une

idée assez précise de ces limites en considérant la différence entre

42

ce que nous réalisons , obtenons et le résultat que nous visions.

Mais quelquefois, c’est plus confus, l’insatisfaction est latente, et ce

qui nous manque reste flou, insaisissable, indicible. Ce qui nous

pousse aussi parfois, c’est simplement, une curiosité, une envie de

découvrir, de mieux se connaître, de prendre en charge des

objectifs à plus long terme de notre vie. Le présupposé, c’est qu’en

changeant quelque chose en moi, je peux changer ma relation au

monde, et pourquoi pas changer le monde, si on accepte la vision

non-duelle exposée plus haut.

C’est aussi se connaître, faire émerger dans la conscience des

éléments signifiants qui demeuraient en nous en-dessous de notre

niveau de conscience. Nous agissons, sentons, pensons, mais

quelle conscience avons nous de nos fonctionnements, de nos

énergies, de notre imaginaire, de nos émotions et sentiments,de

nos stratégies, de nos intuitions, de nos préférences, de nos

moteurs, de nos désirs, de nos valeurs, des logiques internes des

uns et des autres, de leurs implications et de leurs interactions. La

première étape est sans doute d’être conscient de son moi, pour

l’ouvrir et le relier au monde.

Mais aussi donner du sens à des choses auxquelles on n’en

accorde pas d’habitude, aux choses desquelles on est

ordinairement déconnecté (au moins de manière consciente), mais

que n’en existent pas moins.

Ainsi, c’est un autre type d’évaluation qui va nous amener à nous

sentir plus et mieux reliés aux autres, au monde, à la vie. Qui va

nous permettre d’affiner la perception de nous-mêmes et de trouver

dans l’environnement un autre type de repères, plus impalpables.

Il s’agit surtout de développer de cette capacité à donner du sens à

la vie, à ce qui se passe dans nos vies, actualisation du méta-

43

processus qui consiste à se sentir relié à l’univers, de participer à la

création à travers le simple fait de la conscience de notre

incarnation.

Ce méta-processus va nous donner des pistes intéressantes pour

spécifier le développement personnel.

J’ai eu sous les yeux des listes de compétences et même plusieurs

listes élaborées pour la gestion de compétences professionnelles et

citées par C. Levy-Leboyer 27 (voir en annexe n° 8, 9, 10, 11) et cela

me fait poser une question. Presque toutes ces compétences

pourraient être reprises telles quelles pour parler aussi du

développement personnel : « être une personne pleine de

ressources, construire de bonnes relations avec les autres, être

humain et sensible, se connaître, agir avec flexibilité... »

Alors sur quoi porte la différence entre le « développement

personnel » et le développement des compétences professionnelles

?

Une différence de champ, liée à une différence de contextes !

Spécifique au travail dans un cas et plus vaste dans l’autre. Peut-on

dire pour autant que les compétences personnelles sont des méta-

compétences, et que le champ de l’activité professionnelle n’en est

qu’un terrain d’application ?

En fait, une piste qui me paraît intéressante, c’est celle consistant à

considérer les logique propres au développement personnel et

professionnel. En effet, si ces champs ont leurs logiques propres,

et qu’ils servent chacun leurs buts avec chacun leurs moyens, peut-

être pourra-t-on mieux les différencier.

4427 C.Levy-Leboyer « La gestion des compétences » Ed d’organisation 1997

Une représentation « cyclique » du développement est envisagée

par certains28: Celui-ci peut porter sur plusieurs niveaux de lecture

sur une année, une vie, une civilisation. Ce cycle est à voir comme

une spire, car si le printemps succède bien à l’hiver, c’est chaque

année un printemps nouveau qui survient.

création

conquêtefusion

Dans chacun des quatre cadrans délimités par les inverseurs, les

« crises », les choses se déroulent selon une logique propre, interne

au système. Et puis elles atteignent un sommet ! Il va falloir

changer. Moment très difficile dans lequel le mode de

fonctionnement habituel n’est plus possible, il a atteint ses limites.

La logique qui jusque-là était un support, une aide à la réalisation

devient un obstacle, une entrave. Il va falloir changer pour inventer

la suite. Moment difficile, où le sens des choses change. Le but

poursuivi jusque-là est atteint et doit devenir le moyen de la suite.

A l’échelle d‘une culture, le premier cadran représente un mode de

vie tribale, communautaire, fusionnel, maternant. L’individu n’y a

pas de place distincte, n’en étant pas distinct. Il appartient à sa

tribu, qui appartient à la nature, qui appartient à l’univers. Ce mode

45

28 E. Meichelbeck « la cyclicité » Ed Sophon Strasbourg 1984

survit encore à de rares endroits du globe : Indiens d’Amérique du

Nord, d’Amazonie 29, peuplades sibériennes, Aborigènes

d’Australie, Sénoï de Malaisie....

On en garde aussi des traces à travers les mythes , particulièrement

les mythes des origines et de la création qui racontent comment le

différencié naquit de l’indifférencié. L’avatar moderne de ce mode

de vie fusionnel est une forme de régression à partir de notre propre

culture, (ce qui explique l’échec des tentatives communautaires de

68 par exemple, et permet de comprendre les ravages des sectes)

Puis, l’occident, en changeant de paradigme, est entré dans une

phase de conquêtes, conquêtes territoriales d’abord, conquêtes des

droits sociaux, conquête de l’espace. C’est une période de

découvertes, d’expansion qui a permis des réalisations magnifiques.

Actuellement ce mode d’expansion approche de ses limites :

chacun souhaite sa place au soleil, mais la logique de conquêtes

est aussi à terme une logique d’exclusion et nous tournons en rond.

Un des symboles fort de ce cadran est bien entendu l’argent,

symbole de puissance qui se traduit dans la logique de spéculation.

En même temps la conscience du moi se fait de plus en plus aiguë,

dans la différenciation avec l’autre. On est de plus en plus

individualiste. Les issues sont à inventer. C’est ce à quoi

réfléchissent les chercheurs en éducation, pour passer « d’une

école de la sélection à une école de la vie » 30. C’est aussi les

nouvelles conceptions de la vie sociale

comme celle de J. de Rosnay (1996) page 162 31 : « de l’ego à l’eco citoyen... Des associations symbiotiques ne

peuvent fonctionner sans une intelligence collective émergeant à

29 La recherche de novembre 1996 P. Descola « Le regard sur la nature des Indiens d’Amazonie » 30 « 2100, récit du prochain siècle » sous la direction de T. Gaudin Payot 1990

4631 J. de Rosnay « L’homme symbiotique » Seuil 1996

partir d’actions individuelles concernant à la fois une personne et la

globalité. Un renversement des procédures actuelles de nature

descendante (politiques, technocratiques, plans, programmes) vers

des approches ascendantes (mouvements associatifs, vie

communautaire, démocratie participative) basées sur d’autres

valeurs sont de nature à fonder le nouveau sens de la collectivité. »

Nouvelles conceptions aussi des entreprises, encore en germe, par

exemple les « entreprises apprenantes » et autres interrogations sur

la place de l’économique. Par exemple celles de E. et C. Laszlo32,

page 114 : « La culture des entreprises a commencé à passer d’une

concentration exclusive sur les potentialités du marché et de la

rentabilité de l’investissement à des considérations relatives à ce qui

peut le mieux servir les intérêts de l’entreprise dans le cadre de son

milieu social et écologique. Au vue des liens étroits qui s’intensifient

rapidement entre les entreprises actuelles et la société et la nature,

ce déplacement n’est pas une poussée d’idéalisme, mais constitue

une évaluation nouvelle et plus éclairée de ce qui est vraiment

l’intérêt le plus grand des entreprises. »

À l’échelle humaine, le premier inverseur est évidemment la

naissance qui ouvre une période où nous aurons à « subir pour

avoir », c’est la logique interne de cette tranche d’âge, jusqu’à

l’adolescence.

4732 E. et C. Laszlo « Le management évolutionniste »

être

3 agir pour

2 avoir pour agir

1 subir pour avoir

crise de la quarantaine naissance

crise d’adolescence

Subir, c'est-à-dire être dépendant pour l’obtention des choses

nécessaires à notre survie : biens matériels, soins, affection,

informations... Et selon notre contexte personnel, cette phase peut

nous pourvoir plus ou moins bien.

Puis survient la crise de l’adolescence, dans une évolution «

normale », où on entre dans une logique « d’avoir pour agir ».

L’adolescent mobilise ses ressources pour passer à l’action, et se

faire sa place dans la vie, hors du sein familial. C’est l’âge adulte et

ses conquêtes, dans une compétition avec les autres, et le besoin

de prouver notre existence, notre valeur et d’être reconnu par

l’extérieur. C’est par la comparaison aux autres que cette

48

reconnaissance s’obtient ; nous sommes poussés à faire mieux que

les autres, pour s’en distinguer, nos références sont externes.

Et voilà la « crise de la quarantaine », qui peut arriver à tout âge,

comme son nom ne l’indique pas, où se pose de manière radicale la

question du sens de la vie. « À quoi sert ce que j’ai fait jusqu’ici ? ».

Le regard des autres ne suffit plus, c’est par rapport à nos désirs les

plus profonds que l’attribution de sens se fera. Et c’est douloureux,

comme chaque crise, avec des tentatives de continuer comme

avant, malgré les signaux (stress, maladies, ennui...), ou une

régression pour retrouver le confort (relatif) de la dépendance, pour

ceux qui ne veulent plus se battre et glissent dans l’exclusion.

Pour que nous puissions passer dans le cadran suivant l’action doit

se mettre au service de l’être. C’est le moment d’identifier nos vraies

valeurs, nos aspirations essentielles, en s’appuyant sur une

reconnaissance sans cesse affinée de nos émotions, de nos

sentiments, de notre intuition, de nos convictions les plus intimes.

Cette habitude de tenir compte des signaux intérieurs s’acquiert

progressivement, elle permet de prendre conscience du soi et de

décider alors des actions et réalisations qui soient vraiment en

accords avec ce niveau-là de perception de soi. On ne se compare

plus aux autres, mais à soi-même, nos références sont internes.

Bien sûr, chaque inverseur se vit dans la douleur et la peur, parfois

sans savoir si l’on survivra, comme dans la naissance ou les

initiations véritables, comme une métamorphose.

Le développement professionnel tient plutôt de la logique du 2è

cadran : « avoir pour agir », il est au service de l’action, il vise

l’efficacité, l’utilitaire, il participe à l’accumulation de l’avoir, il est de

49

l’ordre de la production, de la compétitivité, de la conquête,

conquêtes de marchés, entre autres, pour le développement des

richesses matérielles, de l’individualisme. Et c’est une étape

incontournable.

Le développement personnel est plutôt d’une logique du 3è

cadran « agir pour être » . Et chacun de nous, confronté à la crise

du troisième inverseur pourra négocier son passage, (peut-être à

travers le développement personnel), et entrer dans le monde de la

création. Création de richesses non plus matérielles, mais

sensibles, relationnelles, humaines, création de soi, de ses valeurs,

de ses projets de son environnement. Il est de l’ordre de la

singularité, de l’individuation et de la parité.

La signification de ce que je vis, la valeur de mes projets comme

contribution à ce sens appartiennent au mode de l’auto-évaluation-

régulation. C’est par une comparaison à moi-même, par rapport au

chemin parcouru ou à un idéal représenté par la direction que je

veux prendre et grâce au monde sensible, aux sentiments intimes et

intérieurs, que je pourrai apprécier ce que je fais, ce que je suis.

On comprend mieux comment s’articulent développement des

compétences et développement personnel, de la même manière

que s’articulent procédures et processus. Et entre les deux, le

même changement radical de plan. On passe ici aussi du concret,

du matériel ; le monde de l’avoir , à l’abstrait, au subtil ; le monde

de l’être. Lequel monde va évidemment se manifester aussi sur le

plan concret et donc modifier nos anciennes manières de voir, de se

percevoir, de se sentir, et de se comporter.

ESSAI DE MISE EN OEUVRE D’UNE DÉMARCHE 50

4,1 QUELLES HYPOTHÈSES

À travers ce qui se dégage de tout ce que nous avons vu jusque-là,

quelles sont les caractéristiques d’une démarche d’évaluation du

développement personnel, ou plus précisément d’une démarche

d’auto-évaluation-régulation du développement personnel ?

- 1 cette évaluation est au centre du processus de développement

personnel et a pour fonction de soutenir ce processus dans la

durée.

- 2 Bien sûr, elle ne peut, par définition être qu'auto-évaluation, et

uniquement : seule la personne peut décider de ce à quoi elle

attache de la valeur et quelle valeur elle attribue et privilégie. Et si

elle décide de consulter des références externes c’est elle-même

qui les choisit

- 3 Bien sûr aussi, elle est optionnelle : elle sera proposée comme

un outil d’évolution,

- 4 Elle peut rester personnelle (non partagée,secrète)

- 5 Elle peut s’appuyer sur procédures (des documents, ou des

entretiens).

C’est surtout ce 5è point que j’ai cherché à explorer dans la

pratique.

4,2 MA PROPOSITION DE DÉMARCHE, RECUL CRITIQUE

Comme nous l'avons vu avec la différence entre « avoir pour agir »

et « agir pour être », le développement personnel relève de l'être,

de l'intérieur et de la référence interne qui se manifeste à travers

51

nos émotions, sentiments, intuitions, aspirations et valeurs. Il s'agit

donc de leur donner une place centrale et de les considérer comme

une manifestation extrêmement précieuse de ce que nous

ressentons plus profondément. Ce domaine est plutôt culturellement

réprimé. La première étape est de le réhabiliter en tant que mode

d'évaluation. Car, finalement comment savoir si ce que je fais et vis

me convient autrement qu'en identifiant les émotions que cela

suscite en moi ? Cela est assez facile quand les émotions sont

agréables : joie, bien-être, amour, plaisir..., mais devient plus difficile

quand elles sont désagréables : frustration, culpabilité, colère....

Dans les deux cas, ces signaux sont pourtant déterminants, car ils

peuvent nous guider très efficacement, nous indiquer les zones

d'ombre et de lumière. Le regret, par exemple, outre la tristesse

dans laquelle il nous plonge, signale une valeur importante qui a été

négligée, oubliée, ou bafouée, mais cette valeur ne nous est pas

donnée directement ; elle est à décrypter. Les émotions vont donc

être au centre de la formation en développement personnel : ce qui

veut dire apprendre à les écouter, à les reconnaître, à les traduire.

On va ainsi adopter le présupposé que la première chose à faire va

être d’affiner notre sensibilité à nos propres émotions, notre

capacité à les percevoir, à se familiariser avec leur mode

d’expression très corporel. On peut ainsi les considérer comme D.

Golem an 33 (1997) page 67: « Dans sa forme la plus parfaite, l’observation de soi-même se limite

à une conscience impartiale des sentiments passionnés et agités. Au

minimum, c’est une sorte de légère distanciation par rapport à

l’expérience, un métaflux de conscience qui évolue au-dessus ou à

côté du flux principal et perçoit les événements sans s’immerger, ni

se perdre en eux. C’est la différence par exemple entre le fait de se

5233 D. Goleman « l’intelligence émotionnelle » R. Laffont 1997

mettre dans une colère assassine et de penser « tiens, c’est de la

colère que j’éprouve », pendant que l’on est furieux... Cette

conscience des émotions est l’aptitude fondamentale sur laquelle

s’appuient toutes les autres, notamment la maîtrise de soi.. C’est la

conscience à la fois de notre humeur du moment et de nos pensées

relatives à cette humeur. »

Les émotions constitueront ainsi petit à petit le coeur d'un système

d'auto-évaluation-régulation très intime, un véritable dispositif de

régulation interne. Ceci est possible le plus souvent directement,

mais nécessitera parfois, pour certains, un travail sur des émotions

récurrentes qui renvoient à des traumatismes et fonctionnent

comme des « alarmes neurones périmées », mais fort vivaces et

qui vont interférer avec le dispositif de régulation interne.

D'autre part nos émotions sont aussi le résultat, la conséquence de

ce que nous faisons, ce qui suppose des passages à l'action. Le

deuxième axe de la formation est donc de favoriser l'engagement

dans l'action, en choisissant ce que nous voulons réaliser. Et

comme actions et émotions fonctionnent en boucle de régulation, le

point de départ pour entrer dans les apprentissages, le levier, peut

être soit les unes (actions) soit les autres (émotions).

Mon rôle, en tant que formatrice PNL consiste ainsi à mettre en

place des situations favorisant soit l'engagement dans l'action, soit

l'affinement de la perception des émotions, qu'elles soient agréables

ou désagréables et le repérage des boucles de régulation entre les

deux.

C'est cet objectif que visent de très nombreux exercices durant la

formation. Et je dirais, en plus de l'apprentissage du maniement des

procédures, consistant à pratiquer les outils et techniques 53

spécifiques à la PNL, tels que définis par les « standards qualité »

(annexe 1), apprentissages qui relèvent du contrôle-certification.

En fait, mon insatisfaction vient de ce que des personnes peuvent

échouer à la certification alors qu'elles ont fait de grands progrès

dans la manière de considérer leurs émotions et de les retraduire en

actes pour leur vie personnelle. J'aurais voulu leur éviter le

sentiment d'échec, pour ne pas jeter le bébé avec l'eau du bain, en

revalorisant leur parcours personnel. Mais finalement je me rends

compte que c'est sans doute impossible et qu'il leur appartient, et à

elles seules, de « recycler » ce sentiment « d’échec ».

Néanmoins, il me semble qu'il manque au dispositif, et ce pour

chacun, certification obtenue ou non, une perspective globale,

synthétique sur les "avancées". C'est ce que j'ai essayé de mettre

en place cette année, en proposant aux participants, en début de

formation (à 4 jours sur 24) une réflexion, une projection, à l'aide de

quelques questions. Mon intention était de reprendre, poursuivre,

ouvrir ce questionnement à la fin de la formation. Le dernier

regroupement, au cours duquel prend place le contrôle final a eu

lieu en juillet, sous forme de 8 jours en résidentiel. 9 des personnes

qui avaient répondu au premier questionnaire et qui avaient suivi la

formation jusqu'à la certification étaient d'accord pour répondre au

dernier questionnaire. Elles ont été tellement absorbées par

l'intensité de ces 8 jours et tellement focalisées sur le test final que

j'ai plutôt proposé des entretiens pour septembre.

54

4,2,1 CONCEPTION DES QUESTIONNAIRES ET GRILLE

D’ENTRETIEN 34 :

Le premier questionnaire (annexe 12):

La question 1 ; la définition du développement pose le cadre.

La question 2 ; le portrait est vu selon deux directions :

Portrait 1 et 3 ; en fonction des émotions, dans les situations où l’on

se sent bien (émotions positives) et par contraste, les situations où

l’on se sent moins bien (émotions négatives) La perception de ces

groupes d’émotions peut être le point de départ d’une démarche de

développement personnel. De plus la prise de conscience de

l’impact des émotions sur l’image se soi (ou réciproquement) et sur

l’estime personnelle met aussi en relief les boucles de rétroaction

qui existent entre les pensées et les émotions.

Portrait 2 et 4 ; en fonction du regard des autres. Il vise la prise de

conscience des références externes, avec deux directions de

régulation possibles : pouvoir les valider et les utiliser comme feed-

back pour réajuster les interactions, ou les invalider et pouvoir

prendre de la distance, éventuellement en choisissant d’autres

personnes pour servir de références externes.

Avec la question 3 je voulais permettre la reconnaissance, même

rapide des aspirations personnelles, de la manière la plus ouverte

possible. J’ai hésité entre la « marraine-fée » ou une question plus

brutale, comme le « lit de mort : que faudrait-il qu’il se soit passé

dans votre vie pour que vous puissiez mourir paisiblement ? ». J’ai

choisi la première qui m’a parue plus facile.

5534 voir annexes 12 et 13

La question 4 permet de resituer le niveau très large des aspirations

par rapport à des plans plus concrets, en rappelant le contexte et

l’environnement, et de préciser des projets dans le domaine de

l’action, du faire.

Avec ce premier questionnaire, je cherchais donc à la fois à

permettre à la personne d’identifier des émotions agréables ou

désagréables, des références internes et externes, des aspirations

et leurs traductions possibles dans l’action concrète. Le tout dans la

perspective de mettre en oeuvre ce qu’elle appelle développement.

Ce premier questionnaire devait servir de point d’appui pour un

deuxième pour permettre une auto-évaluation guidée du chemin

parcouru. Et ceci en fin de formation, c’est-à-dire après 24 jours. Je

n’ai donc pris en compte que les réponses des personnes ayant

terminé le cycle.

Comme je l’expliquais plus haut, le deuxième questionnaire s’est

transformé en entretien. Je n’y vois que des avantages. La

formalisation de ses propres idées pour quelqu’un d’autre :

l’interviewer, a vraisemblablement un impact plus fort. L’entretien

est aussi une ponctuation fixée qui facilite, voire contraint à ce

retour sur soi-même et sur son chemin pour lequel « on n’a pas le

temps, on ne prend pas le temps. »

56

Le guide d’entretien (annexe 13) :

J ’ai voulu organiser les conditions d’une comparaison entre un état

final : à l’issue de la formation et un autre, initial : le début de la

formation. J’ai donc repris les questions qui permettaient cette mise

en perspective, en insistant sur les différences et les

« nouveautés ». J’ai ajouté deux nouvelles questions dans l’objectif

de favoriser l’habitude et le goût pour l’auto-évaluation.

La question 1 pour remettre dans le bain et peut-être trouver des

éléments nouveaux, soit pour spécifier le mot, soit pour l’élargir.

La question 2 ; nouveau portrait, question d’abord poser à froid,

spontanément, puis reprise avec la relecture des anciens portraits,

pouvait permettre de trouver des changements dans les émotions

éprouvées par rapport à soi-même et aussi des pistes sur

l’utilisation nouvelle des références externes.

La question 3 renvoie aux questions 3 et 4 du premier questionnaire

: aspirations et projets concrets, selon les boucles de régulation R+

et R- : atteint, modifié, abandonné. Elle inclut donc aussi la relecture

des anciennes réponses.

La question 4 a pour but, outre la comparaison avec les souhaits de

départ, de permettre de saisir, de manière consciente des

évolutions inattendues, inespérées, des surprises, des « plus » et

de se les approprier.

La question 5 vise la prise de conscience par la personne des

moyens qu’elle utilise déjà pour saisir qu’elle évolue et vise aussi à

lui permettre d’apprécier mieux cette évolution. Une des

participantes avait mentionné l’idée de « faire un journal, que

j’aurais ainsi l’occasion de consulter pour me rendre compte de ma

progression dans les mois à venir ». J’avais cette idée derrière la

57

tête et bien sûr, je ne l’ai pas trouvée dans les réponses, mais des

moyens plus intéressants, plus faciles....

Je cherchais aussi avec cette question à ce que la personne puisse,

en nommant ses moyens, en saisir mieux la pertinence et les utiliser

plus délibérément dans l’avenir.

La question 6 a été rajoutée après les 3 premiers entretiens (je l’ai

posée par téléphone à ceux que j’avais déjà vus). Elle a pour but

d’installer une expérience de l’ordre du plaisir à s’auto-évaluer.

4,2,2 ANALYSE ET INTERPRÉTATION DES RÉSULTATS

4,2,2,1 LE DEPOUILLEMENT

Neuf personnes se sont prêtées à l’expérience (sur 15) sept

femmes et deux hommes. Bien sûr, je changerai les prénoms, pour

conserver l’anonymat (bien relatif entre les participants), en

conservant simplement les différences de sexe. Les âges vont de

30 à 45 ans, les niveaux scolaires de 5 à 1. Comme il s’agit d’une

auto-évaluation entre soi-même en début de formation et soi-même

en fin de formation, je ne prendrais pas ces paramètres en compte.

Les questionnaires veulent servir d’abord à activer « les

mécanismes même de la prise de conscience communs à tout être

humain », pour citer P. Vermersch (1996) , page 179 35.

Comme il s’agit d’itinéraire personnel, je vais surtout insister sur le

deuxième questionnaire, qui retrace et apprécie le parcours plutôt

que sur le premier qui fait office d’état des lieux et fixe le point de

5835 P. Vermersch « L’entretien d’explicitation » ESF 1996

départ. Quand ce sera utile, je marquerai en italique les premières

réponses.

Les questions 1 et 6 seront traitées de manière transversale.

Les réponses aux questions 2 à 5 seront traitées sous la forme d’un

récit personnel, c’est le chemin parcouru tel que la personne le voit.

Les réponses aux questions 2 et 3 ont des liens si nombreux que

les réponses sont souvent enchevêtrées ; l’image de soi en se

modifiant, modifie les aspirations, les projets, et la manière de les

concrétiser et réciproquement. J'en tracerai les grands axes tels que

la personne me les a livrés, et donc souvent enchevêtrés.

Les réponses à la question 4 seront reprises sous la rubrique

« nouveautés » et celles de la question 5 sous la rubrique

« repérage ». À nouveau, ici, beaucoup de recoupements ; c’est

souvent les nouvelles habitudes mises en place qui vont servir de

moyen concret de repérage. On pourra donc trouver sous la

rubrique « nouveautés »: «le décodage des émotions » et sous la

rubrique « repérage » aussi.

L’ensemble de ces réponses constitue l’itinéraire de chacun des

interviewés. Je tenterai uns synthèse qui reprendra les présupposés

du développement personnel, vus dans «nouvelle définition » :

- logique d’agir pour avoir : des actions au service de l’être,

- système de références internes impliquant un changement dans

les relations à soi-même et aux autres,

- utilisation des émotions, sentiments, intuitions comme dispositif

d’auto-évaluation-régulation.

59

4,2,2,2 INTERPRETATION DES RÉPONSES DES PARTICIPANTS

A - LA DEFINITION DU DEVELOPPEMENT PAR LES

PARTICIPANTS

QUESTION 1 : quelle est votre définition du mot « développement »

?

Une personne ne change rien à sa définition dont elle vient de relire

les mots : « pouvoir passer d’un état de conscience ou

d’appréhension de l’univers à un autre. »

Quatre définitions appuyées sur « ouverture » s’élargissent :

« ouverture tant sur le plan mental que terre à terre » devient

« ouverture au monde, comme une caverne d’Ali Baba » et l’autre,

d’abord sans complément devient « mouvance vers l’extérieur », et

deux « ouverture sur le monde et la vie ».

Quatre définitions se précisent en se centrant non pas sur du plus

vaste, mais sur du plus personnel :

- « découvrir, s’étendre, avancer » devient « être meilleure par

rapport à mon idée, à moi, de ce ce qui est bien pour moi ».

- « aller de l’avant en s’améliorant » devient « être bien dans ma

peau, c’est moi le seul juge. Pour juger je sens l’état de mon

microcosme ».

- « découvrir de nouvelles ressources » devient « la connaissance

de soi, maintenant je suis centrée sur moi, j’étais dissociée, je me

retrouve entière, pas en petits morceaux, ici et là. J’ai réussi à réunir

mon corps et mes pensées ».

Si ces trois réponses parlent d’une appréciation plus intime et de

références internes, la quatrième insiste plus sur les liens entre

développement, projets et actions.

60

- « Elargissement du champ de perception, épanouissement des

ressources » est complété avec « meilleure vision des objectifs et

mise en route des réalisations personnelles, les projets ne sont plus

latents. Aller vers la prise de conscience des mécanismes anciens

qui bloquent, ça passe d’abord par là. Il y a plus d’agir, de

dynamisme, moins de pensées, ça permet un passage à l’acte ».

Nous pouvons voir dans ces réponses un double mouvement : vers

l’extérieur au sens le plus large (le monde, la vie) ou replacé dans

un contexte (par rapport aux projets), et vers l’intérieur (centrage,

bien être).

Le mouvement vers « l’extérieur » que l’on retrouvera dans d’autres

questions des itinéraires (donc dans l’expérience et non plus

seulement dans la conceptualisation d’une notion), correspond à

mon avis à ce que j’ai essayé d’appréhender à travers les modèles

de la physique quantique. C’est-à-dire, la perception de notre

appartenance à un tout plus vaste dont nous serions un fragment

hologramorphique, dotés en outre d’un pouvoir de co-création,

grâce à ce que Morin appelle l’auto-éco-organisation.

Les réponses qui marquent une précision par rapport au contexte

ou à « l’intérieur » peuvent illustrer cette idée centrale du

développement personnel : une meilleure connaissance de soi, de

ses valeurs et une position de référence intérieure permet une

meilleure articulation avec des projets qui aient une signification

forte et du même coup, facilite le passage à l’action qui reste sous-

tendue en permanence par le sens que ces projets matérialisent.

B - LES ITINÉRAIRES :

On regroupera ici les questions 2 à 5.

61

Et pour chaque itinéraire, on repérera :

- l’historique , correspondant aux questions 2 et 3 :

2) Quel portrait de vous-même pouvez-vous faire maintenant ? Par

rapport à vos portraits antérieurs, comment pouvez-vous apprécier

les différences ?

3) Il était question de bonheur... Êtes-vous heureux d’une manière

nouvelle ? Est-ce proche de ce que vous espériez ou non, et en

quoi ? Qu’avez-vous atteint, modifié,, à quoi avez-vous

éventuellement renoncé ?

- nouveautés , la question 4 : Pouvez-vous identifier des choses

nouvelles qui se passent pour vous maintenant et que vous n’aviez

pas spécifiquement souhaité à l’époque du premier questionnaire ?

(ce qui s’est passé, produit, mis en place, sans correspondre à un

souhait exprimé, par « hasard », « inconsciemment »).

- repérage : question 5, Est-ce que vous pouvez identifier comment

vous faites pour apprécier votre développement personnel, votre

évolution ? Avez-vous de nouvelles habitudes pour cela ?

- Enfin chaque itinéraire fera l’objet d’une « synthèse » pour pointer

les tournants, les temps forts par rapport à la problématique d’auto-

évaluation du développement personnel

62

B 1 : ITINERAIRE DE MICHELLE

HISTORIQUE

« Dans les relations, je cherche à connaître l’autre et moi avec ça.

Ce qui m’intéresse, c’est ce qui se passe dans l’esprit de l’autre,

même si pour moi, c’est pas du tout ça. C’est plus difficile dans la

relation amoureuse, mais très intéressant. Je ne me fais plus

d’opinion : il a dit ça = il est jaloux ou matérialiste. Je ne juge plus, je

cherche à trouver son processus. Et c’est du développement perso

parce que du coup, je comprends aussi ce que j’ai fais pour que

l’autre puisse penser ça et je peux réfléchir à ce que je fais et dis. »

« Si je retombe dans une vision de moi négative, si je sens à

nouveau ces émotions, ça me sert de signal d’alarme, d’alerte, je

me méfie alors de ce que je pense, je cherche à comprendre et

surtout je suis plus indulgente avec moi, je relativise ».

« J'ai honte de mes contradictions, je veux les résoudre » devient

« L’être parfait que je veux être et que je ne peux pas être ! Je peux

accepter des compromis avec moi-même, tout n’est pas noir et

blanc, je peux m’accorder le pardon pour ce que je ne suis pas et

garder l’envie de m’améliorer. J’ai rapproché la partie de moi qui

juge et celle qui est jugée. Je ne pouvais pas garder cette différence

de niveau. J’ai enlevé l’idée d’être parfait, je suis juste perfectible.

« J'ai envie de mieux m’occuper de moi et de moins m’occuper des

autres » devient « J’ai pris conscience que même quand je fais des

choses pour les autres, j’y ai un intérêt et je me rends compte aussi

que des choses que je croyais faire pour moi, c’était en fait pour

faire plaisir à d’autres. Je me pose la question « c’est quoi mon but,

qu’est ce que j’y trouve ? » Y compris quand quelqu’un fait quelque

chose pour moi, je peux le repérer : j’ai le sentiment que ce n’est

63

pas vrai et que l’autre va finir par me le reprocher. Ça clarifie les

relations avec les autres, finies les idées fausses, ça permet d’être

plus honnête avec soi-même. J’y accorde beaucoup de valeur,

parce que parler comme ça, ça fait partie de l’être. Des gens pleins

de mérites, des « tronches » peuvent ne pas me toucher : ils ne

parlent pas d’eux-mêmes, mais par rapport aux autres. La réflexion

sur soi est une vraie intelligence, j’aime les gens qui peuvent faire

ça, c’est des gens qui s’ouvrent. »

NOUVEAUTÉS :

« Ma grand-mère est morte, elle n’existe plus que dans ma

mémoire. J’ai pris conscience de ce qu’elle m’a transmis : l’amour

de la musique. Je reconnais que c’est grâce à elle. J’accepte que la

mort clôture la vie.

Je me demande par rapport à mes nouveaux objectifs : « es-tu bien

sûre d’avoir envie de ça ? ». Je ne fonce plus dans des trucs que je

vais laissé tomber. Je repère mieux mes envies, et ça fait que je

prends mieux soin de moi. Je ne tente plus des trucs qui vont me

coûter trop cher. »

REPERAGES :

« Je me pose des questions sur ce que je fais ou pense, je repère

des comportements qui m’alertent et seraient passés inaperçus. Je

prends le temps de réfléchir dessus. Le changement maxi, c’est

dans la relation, j’ai changé ma façon de discuter avec tout le

monde, y compris l’artisan du coin qui m’appelle ma petite dame !

Je garde l’objectif d’une bonne relation, je me souviens de ce que je

veux et je laisse tomber l’envie de clouer le bec et de m’énerver. Va

me permet d’arriver à mon but et de respecter l’autre. »

64

SYNTHÈSE

- Elle prend conscience des boucles de régulation possibles à partir

de la mise en place de « signaux d’alarme » : soit émotions

négatives, soit comportements repérés. C’est-à-dire qu’elle a

installé le mécanisme d’autorégulation intérieur où les émotions

servent de feed-back et permettent de réguler les attitudes.

- Elle vérifie ses projets par rapport à ses envies propres, les buts

qu’elle se donne. Michelle illustre bien les points vus dans les

modèles théoriques : boucles de régulation R- et système de

références internes. Elle modifie ses projets pour qu’ils aient du

sens par rapport à ses valeurs, qu’elle connaît mieux,

particulièrement dans les interactions avec des proches (le plus

difficile) ou simplement avec les personnes avec lesquelles elle est

amené à prendre contact. Il ne s’agit plus d’avoir raison, de juger,

de convaincre, ou de clouer le bec, mais de garder une bonne

relation et une bonne ouverture aux autres.

- Elle fait mieux la différence entre sa « réalité » et celles des autres.

Cette connaissance de sa réalité l’amène à voir et à concevoir que

celle des autres est différente et respectable ! Mieux, même, digne

d’intérêt et source de curiosité. En cela, elle pose bien la différence

de points de vue entre les cadrans 2 et 3 , entre l’individualisme et

l’individuation : elle ne défend plus une vision du monde juste et

unique, mais s’intéresse à des conceptions autres que les siennes.

- Elle ressent plus de bien-être, l’image d’elle-même est plus

nuancée. Elle met ainsi en lumière ce changement au niveau des

processus dont nous parle J.J. Bonniol (1996), déjà cité :

65

« appropriation de manière de prendre les choses, de les aborder, de

les prendre en compte ; de s’y mettre tout entier, sans se donner du

mal (au contraire, en se faisant du bien). »

B-2 ITINERAIRE DE FRANK

HISTORIQUE

« Je ne vois plus les choses de la même façon. Je pense que j’ai

un potentiel, j’ai « de quoi », des ressources inconnues mais

certaines disponibles, ce dont je n’étais pas convaincu. Je vois la

PNL comme un « système de navigation » qui permet d’accéder et

de trouver rapidement les ressources. Devant les situations, il

interpelle, en supposant que d’autres solutions existent, ça élargit

les potentialités. Je me suis découvert des aspects de ma

personnalité que je n’avais pas étiquetés et du coup, j’accepte des

sentiments et émotions que je n’acceptais pas. Par exemple, une

certaine violence. Si le navigateur joue le jeu correctement, il doit

pouvoir l’orienter correctement. ... Après l’effroi du premier contact

avec la violence, je crois qu’il y a des choses intéressantes. Dans

les contacts, je suis plus apte à rester sur mes positions plutôt que

d’aller vers la tendance de l’autre. J'ai piqué des colères

décoiffantes, je suis content du résultat, même si le moyen reste à

améliorer. Je me donne plus le droit d’accepter mon désaccord,

mon ressentiment.

J’ai beaucoup moins de problèmes avec l’angoisse. Accepter

l’étiquette de violence m’amène à accepter beaucoup d’autres

étiquettes. Je commence à les cloisonner. Je ne suis plus flanqué

par terre, complément, tout le temps, maintenant, ça ne déborde

66

plus sur le reste. Je peux dire stop, appréhender la situation et la

laisser à sa place ».

« Connaître les autres pour me connaître » , « J’ai inversé les deux

termes. Prendre le temps de l’introspection, c’est utile, c’est comme

ça que j’ai découvert ma violence, l’aspect viscéral de mon être. Je

fais avec. Ce que je suis est un thème de réflexion et au fur et à

mesure, je le connais aussi chez les autres. J’arrive d’autant mieux

à m’intéresser aux autres, la meilleure preuve, c’est que je me sens

mieux avec les autres. J’ai pris conscience que les gens sont les

gens et que je fais partie des gens. Il n’y a plus de distance entre

les autres et moi, je suis bien plus à l’aise. J’ai été effrayé, ça

m’intéresse maintenant ».

« Je suis méfiant vis-à-vis de la spontanéité et de la gratuité, c’est

puéril » . « Mes attentes ont été déçues, sans doute et j’ai qualifié

de puérils des choses qui sont vraiment des forces. J’ai quand

même toujours de la méfiance, mais je ne le dis plus avec douleur.

Les gens m’intéressent par rapport à mes critères, ceux qui ne

m’intéressent pas peuvent en intéresser d’autres. Ça ne remet pas

mes valeurs en cause. J’organise mon cadre de références internes

avec plus de choix et plus de largeur ».

NOUVEAUTÉS

« Je n'étais pas parti sur cette optique de développement personnel

et maintenant la personne que j’écoute le plus, c’est moi et ce n'est

pas mal du tout. Je suis mon moteur de recherche.... J’ai

l’impression qu’il s’est passé des années, même si je ne suis pas

accompli, et heureusement. Je ne compare plus mon potentiel à

celui des autres, c’est hasardeux ! Je suis ce que je suis, ils sont ce

qu’ils sont. On n’a pas les mêmes valeurs et les mêmes critères ».

67

RERÉRAGE

« Ce n'est pas un système conscient, des grilles ou autre, ça s’est

mis en place tout seul. Je m’en suis aperçu parce que je suis plus

ouvert, à l’aise, une sensation d’aération.

J'ai fais un gros travail sur le recadrage de sens : je cherche

l’intention positive, quand je perçois et sens, je lance mon

navigateur, il y a une intention à trouver. Je ne suis pas d’accord

avec une personne importante, au lieu de dire : « flûte, elle en sait

plus que moi », je cherche la raison valable de mon désaccord et je

lance mon navigateur. Je ne cherche pas qui a raison, mais la

raison, fondamentalement valable, je veux la connaître, quitte à

reconnaître que c’est une erreur, ce que je ne m’autorisais pas

avant. Je gère les situations au lieu de les subir : ce n'est pas grave

d’avoir tort, je peux le reconnaître. Et j’ai la conscience tranquille.

On peut me critiquer sans remettre en cause mon

intégralité/intégrité. C'est très peu de choses par rapport à mes

aspirations !

Entendre les autres, les voir en contact avec leurs propres

émotions, ça m’inspire beaucoup ».

SYNTHÈSE

- Il distingue les références internes et externes, valide a priori ses

références internes, puis vérifie au lieu de les invalider tout de suite.

C’est une attitude radicalement nouvelle. Comme pour Michelle, la

distinction de ces deux systèmes de références possibles, ouvre le

passage du cadran 2 « avoir pour agir » vers le cadran 3 « agir pour

être », où des visions du monde différentes sont possibles et sont

surtout source de richesses et d’échanges. On cherche les raisons,

68

avec l’a priori qu’elles sont toutes valables pour la personne et

aussi, objets de négociation : avoir tort ou raison n’est plus un

enjeu, il s’agit juste d’échanger sur des conceptions et des valeurs.

Frank insiste beaucoup sur ce point et rejoint ainsi ce que nous dit

Jeanne Mallet (voir page 14) sur la « non-dualité » et sur « au delà

des mots » : il accède à plusieurs niveaux de réalité

complémentaires et relativise ainsi ses expériences personnelles,

son identité, ses émotions, particulièrement celles qui sont

« difficiles ». Il donne un sens différent à certains mots, certaines

expériences (« raison,... spontané... la violence... »).

- Il a plus d’émotions agréables : conscience du potentiel, à l’aise

avec les autres, ouvert...

- Enfin, d’une position d’observateur extérieur et neutre, il passe à

une position de participation. Il a conscience de « faire partie des

gens », cette nouvelle forme de liens avec les autres lui donne un

sentiment d’appartenance à un tout plus vaste ainsi qu’en parle D.

Bohm (1988) et nous montre une situation de « disjonction » qui

évolue.

B-3 ITINÉRAIRE DE VÉRONIQUE

HISTORIQUE

«Je suis beaucoup mieux, une harmonie entre le corps et l’esprit, le

physique et ce qui se passe dans ma tête. Mes portraits, c’était noir

et blanc (rires). Je fais un autre effet aux gens, j’attire des gens

positifs maintenant : je me suis réconciliée avec des gens que je

n’avais pas vus depuis longtemps et qui m’ont appelée comme ça !

C'est bon signe. J’ai plus d’assurance, c’est sûr. Avec mon ex,

69

j’étais un chien battu, ça a changé, il a du mal à soutenir mon

regard. »

NOUVEAUTÉS

« Un stock de choses. J’ai plus confiance et j’ai une meilleure

relation avec les mecs. Je cherche les trucs positifs dans la relation,

même si un mec me laisse tomber. Je me permets plus de choses,

je suis plus directe, j’identifie mieux mon rythme propre pour savoir

ce dont j’ai besoin et si c’est le moment.

Avec ma fille, je suis plus proche, elle se confie à moi. »

REPÉRAGES

« Je sens les gens, j’évite ceux que je ne sens pas. Je le fais au

feeling, au ressenti. Je me fie à mes intuitions, pour tout d’ailleurs,

même pour téléphoner par exemple, à ce que je ressens au fond de

moi. Je demande des choses, avant je savais ce dont j’avais besoin

mais je le gardais dans ma tête, maintenant je le dis ouvertement ».

SYNTHÈSE

- Elle identifie et respecte son rythme

- Elle suit ses « intuitions »

Avec ces deux points, elle nous montre un centrage sur l’intérieur,

une meilleure connaissance de soi, une attention plus grande à

l’univers personnel.

- Elle est plus active pour demander, exprimer...

- Elle a une meilleure relation avec les autres....

Ces deux paramètres-là peuvent être envisagés ensemble :

régulation des actions qui l’amène à passer d’actions mentales (ce

70

qui se passait dans sa tête) à des actions concrètes. Et à nouveau,

par récursivité, amélioration des relations avec les autres.

B- 4 ITINÉRAIRE DE GISÈLE

HISTORIQUE

« Je me sens mal beaucoup moins souvent. J’arrive beaucoup

mieux à gérer mes émotions, je ne suis plus anéantie dans mon

fauteuil tout le jour en disant « qu’est-ce que j’ai fait ? ». Je sais ce

qui n’est pas de mon ressort. Je relativise : j’ai fait du mieux que j’ai

pu... , c’est clair, je suis plus détendue ».

NOUVEAUTÉS

« Je m’exprime autrement que dans la suractivité pour montrer à

tout le monde ce que je peux faire, je n’ai plus besoin de montrer

quoi que ce soit. Je me trouvais tellement moche qu’il fallait que je

compense. Je n’ai plus besoin de me crever à la tâche pour exister.

Mais je fais les choses quand même, beaucoup plus décontractée.

Je n’ai plus rien à prouver aux autres, je fais les choses pour moi,

selon ce que je ressens, je n’ai plus besoin de me mettre en

vitrine...

J’écoute les autres différemment, pas à travers ce que je

ressentirais pour moi. J’écoute plus mon intuition, j’ose plus par

rapport à ce que je ressens sur les autres ».

71

REPÉRAGE

Je m’en rends compte immédiatement : je me pose tout de suite la

question de ce que je peux faire, moi, quand une situation bloque,

et je rends à l’autre ce qu’il dit et qui lui appartient, , sans me le

laisser attribuer. Je sais que tout n’est pas de mon ressort, à partir

de là, je sais aussi mieux ce que je peux faire. »

Un recentrage qui me permet de dire ce que je sens, c’est une

libération : j’ai une vie simple ».

SYNTHÈSE

- Ses émotions sont utilisées pour différencier références internes et

externes : elle a mis en place le système d’auto-évaluation qui

utilise le feed-back des émotions pour rétro-agir sur les actions.

- Les actions se font plus en fonction de ses besoins,

particulièrement pour sortir des situations bloquées, ce qui, à son

tour, entraîne des émotions différentes, plus confortables, sur base

de détente..

- Elle passe moins souvent à l’action sous le poids du regard

extérieur et l’attente de reconnaissance, c’est-à-dire que le système

de références externes n’a plus la priorité comme déclencheurs du

passage à l’action. Elle est donc plus centrée sur elle-même.

Gisèle aussi retrace son parcours essentiellement à partir de

nouveautés et de différences depuis son point de départ. Elle ne

raisonne pas en termes d’objectifs atteints conformément aux

souhaits, elle est à côté de ce type de cadrage, pour découvrir ce

qui a vraiment du prix, du sens dans ces huit mois, pour elle..

B- 5 ITINÉRAIRE DE NOÉMIE

72

HISTORIQUE

« J’avais peur des gens, je ne me laisse plus emmerder, c’est clair.

Je tente des choses, je téléphone à des partenaires, j’obtiens des

prix... Je me sens forte.

Je prends conscience de ce que je dis, ça me sert à avancer. Je

peux déterminer vraiment ce que je veux et être en harmonie avec

ce que je dis, ce que je pense et mes gestes, avec ce que j’ai

vraiment au fond de moi....

Être plus heureuse avec mon mari, c’est fait (rires). J’ai plus

confiance en moi, je sais ce que je vaux, ce que les autres valent.

Je reste centrée sur mes valeurs, j’arrête de me centrer sur celles

des autres. J’ai conscience de mon chemin, d’où je suis partie et où

j’en suis arrivée, et qu’il est bon pour moi. Ça rejoint mes rêves

depuis toute petite ».

NOUVEAUTÉS

J’ai changé ma façon de réfléchir. Ça ressemble à ce que je voulais,

mais maintenant, je sais le mettre en place. J’ai un sentiment d’unité

parce que je suis centrée sur moi. Je dis ce que j’ai dans ma tête et

je me fais mieux comprendre, au lieu de laisser l’autre deviner ».

REPÉRAGE

Je fais un cahier avec ce que les choses m’apportent depuis 4 ans.

Quand des fois je me sens mal, je le reprends au début et

j’apprends à être moins impatiente. Ça me rappelle ce que j’ai fait et

ça me permet de dire « chaque chose en son temps ».

SYNTHÈSE

73

- Une nouvelle organisation des références internes et externes.

Les références internes se construisent avec l’appréciation du

chemin parcouru. Elle en parle à plusieurs reprises. C'est bien une

comparaison du soi passé au soi présent qui lui permet de laisser

tomber l’ancienne comparaison de soi aux autres, que cette

comparaison se fasse à son avanrtage ou à son désavantage.

- Plus d’émotions plaisantes liées à l’appréciation de ce qu’elle a

déjà accompli et moins de stress lié à l’avenir, car elle repositionne

les choses dans le temps sur une continuité, une progression

graduelle.

- Moins de pensées et plus d’actions au service de projets porteurs

de valeurs. En ayant plus confiance dans ses propres références,

elle les met en jeu beaucoup plus activement dans la poursuite de

ses projets, alors que l’ancien doute la conduisait à saboter ses

propres projets. Elle met ainsi en oeuvre « agir pour être ».

Gisèle fait partie des rares personnes qui reprennent tel quel un

souhait de début de formation pour constater qu’il est réalisé « être

plus heureuse avec son mari », elle prend ici une position d’auto-

contrôle, de manière ponctuelle, pour cet objectif-là.

.

74

B- 6 ITINÉRAIRE DE SOPHIE

HISTORIQUE

« Je suis bouleversée, j’ai du mal à lâcher prise. Des valeurs ont été

remises en question, mais je n’ai pas encore reconstruit.

Accepter les différences, j’y tends, mais ça me bouleverse : les

visions des autres me font bizarre. Avant, je croyais que c’était

forcement comme moi.

L’objectif essentiel reprendre ma vie de couple est atteint. Mais il me

manque la confiance ».

NOUVEAUTÉS

« Je me sens abandonnée dès que je pars de chez moi, c’est

incroyable. Je dois travailler sur ce qui monte maintenant, je sais

que les émotions me montrent la piste. Je m’accroche à quelque

chose. C’est comme si je faisais le deuil de moi-même. Je ne

voulais pas voir et j’ouvre les yeux. Je dois sauter dans le vide,

dans une nouvelle vie et j’ai du mal ».

REPÉRAGE

« Des petits déclics : je sens de la chaleur, de la lumière, je me

confie à mon guide intérieur... »

SYNTHÈSE

Sophie, de tous les participants est celle qui a le plus de difficultés à

savoir où elle en est, et qui constate avant tout un bouleversement,

une confusion, un désordre plus grand qu’avant la formation.

Néanmoins, elle ne voit pas cette étape comme une stagnation ou

une régression, mais bien comme une avancée, vers quelque chose

75

qu’elle ne connaît pas encore et qui lui fait peur, mais en direction

de quoi elle veut malgré tout progresser. Elle lâche « le regard

borgne » dont parle Jeanne Mallet. Pour quelle suite, elle l’ignore ?

- Réajustement (douloureux) des valeurs.

- ouverture (douloureuse aussi) sur les autres.

- émotions qui marquent la piste.... Elle veut maintenant utiliser ce

qu’elle ressent comme indicateurs de ce qu’elle peut « travailler » et

donne ainsi le sens nouveau d’indices à ce qu’elle éprouve. C’est

une opportunité qu’elle n’a pas encore mise en oeuvre.

B- 7 ITINÉRAIRE DE BRIGITTE

HISTORIQUE

« Je suis plus dynamique, j’ai besoin d’action, plus que de penser

qui me paralysait. Je suis un tigre plutôt qu’un ours en hibernation.

Je repère les avantages d’une situation : je n’ai plus de voiture, je

fais du vélo avec mon fils, c’est un plaisir inattendu. Plus d’ouverture

vers les autres aussi ».

J’ai développé un égoïsme nécessaire. D’abord mon unité

personnelle, mon droit au bonheur. Je suis centrée sur moi, je fais

attention à mes besoins, je réfléchis en fonction de mes objectifs, de

mes désirs et de ce que j’ai envie d’être ».

NOUVEAUTÉS

« J’ai travaillé sur la souffrance avec le décès de mon père et sur

une souffrance plus profonde qui me reliait à lui : la difficulté à être

reconnue pour ce que j’étais. Ca m’a amené à m’aimer. La

perfection, ça m’a passé.

76

Sur le plan sentimental, j’ai fait un bond. J’ai levé le dernier masque.

Je peux exprimer mes besoins, mes désirs et si l’autre m’en

empêche, il part. Et c’est ce qui c’est passé. Je pensais que j’étais

bien assise. Ce n'était pas vrai, je me laissais choisir.

Une rencontre très forte... J'ai suivi mes instincts, mes désirs, sans

crainte, et j’ai bien fait. Ëtre en harmonie comme ça, je le cherchais

depuis longtemps : c’est la révélation de ne plus pouvoir faire autre

chose qu’être moi-même. »

REPÉRAGE

« Avant, quand j’avais des signaux (marasmes, malaises...), je

faisais du sport, ou l’amour avec mon copain. Maintenant, c’est un

signal, je n’y pallie pas. J’ai des solutions, je suis plus en relation

avec mon inconscient. J’ai cessé de vouloir tout comprendre et tout

décortiquer, ce qui obstrue la vue plutôt qu’autre chose.

SYNTHÈSE

- Elle se centre sur elle (besoins, désirs, objectifs..), « égoÎsme

nécéssaire », sur les plans affectif et professionnel

- Ses émotions sont vues comme des signaux, des messages

qu’elle utilise pour comprendre ce qu’elle vit et donner du sens à

ses expériences au lieu de s’en distraire en attendant qu’elles

passent. Elle aussi a mis en place le dispositif interne d’auto-

évaluation fondé sur les émotions.

- Plus d’actions et moins de pensées qui tournent en rond, c’est le

résultat d’une meilleure connaissance d’elle-même. Elle conduit

mieux ses propres projets auxquels elle accorde une valeur plus

sure en fonction des émotions ressenties.

77

B - 6 ITINÉRAIRE DE PASCAL

HISTORIQUE

« parler, dire, exprimer » devient « J’ai pu récupérer ma parole, une

partie tout au moins et me voir comme acteur, par opposition à

spectateur. J’accorde plus de valeur à ma parole, c’est une

opération centrale. J’accepte de ne pas être d’accord avec les

autres et de le dire. J’ai le sentiment qu’elle est juste par rapport à

un état interne qui me sert de référence. Je me sens bien dans cette

parole, même si elle n’est pas évidente à dire.

En formation, j’agis différemment, j’étais proche de la réponse du

berger à la bergère. Je laisse l’autre développer son argumentation,

je l’amène à vérifier ses informations plutôt que de le contrer ».

NOUVEAUTÉS

« Considérer les émotions comme des rails, des guides. On a un

parcours à faire et juste le canal des sensations pour dire si on est

dans le chemin ou pas. Je n'étais pas acteur, dans le sens de libre.

Avant j’aurais dit : je peux faire ce que je veux de ma vie, elle était à

moi. Maintenant, je sais que j’ai quelque chose à faire sur terre et

seulement les émotions comme guide. Je fais partie intégrante de

l’univers, et tel que je suis j’ai quelque chose à y faire, je suis partie

prenante de la création.

Sentiment capital de prendre ma vie en charge. J’ai dévoilé petit

bout par petit bout des choses intimes, certaines dont j’avais

conscience mais j’avais peur du regard de l’autre. Et tout ça, juste à

partir des émotions.

Je gardais beaucoup de culpabilité de cette histoire d’alcool, j’ai

nettoyé ma culpabilité. Je me suis pardonné mon histoire. J’ai

78

particulièrement intégré que si j’avais bu à l’époque, c’est que c’était

le seul moyen que j’avais pour ne pas mourir. J’ai donné un autre

sens, c’est une ré-écriture de l’histoire. »

REPÉRAGE

À travers l’unité et le tout : être à la fois la réduction de l’univers et

l’univers tout entier, Dieu et partie de Dieu, ça me guide. Il y a un

autre mode de réflexion que cartésien, l’intuition, je pense. Je lui

donne de plus en plus d’importance, dans la mesure où je suis

centré, dans ma vérité intérieure.

SYNTHÈSE

- Il construit des références internes qui vont lui servir d’abord

contre la peur du regard de l’autre. Il leur accorde, et s’accorde de

la valeur.

- Ceci construit aussi une meilleure image personnelle.

- Il utilise les émotions comme guide, développe l’intuition, c’est-à-

dire qu’il adopte le dispositif d’auto-évaluation interne comme

complément de la réflexion cartésienne. C’est une vraie

réhabilitation du monde sensible tant comme expérience

passionnante que comme mode d’évaluation.

- Réinterprétation du sens d’événements personnels : il transforme

largement la signification de pans entiers de son passé et donc de

sa mémoire, en améliorant ici aussi son image personnelle et

l’estime de soi.

- Sentiment d’un lien avec l’univers et la création, se sent partie

prenante. C’est Pascal qui nous donne le mieux, avec cette notion,

79

un exemple de cette correspondance, résonance dont je parlais

(page 40) entre nos expériences quotidiennes et « l’ordre implié du

mode » . Il illustre ainsi Peats (1988), page 213 : « un esprit qui reste flexible et sensible sera engagé dans un

processus de transformation créatrice et répondra aux modèles

généraux de la nature, de sorte que l’individu pourra participer à ces

modèles selon des modes nouveaux. » B - 9 ITINÉRAIRE DE CLAUDINE

HISTORIQUE

« Je suis en plein apprentissage, en plein changement personnel,

intérieur et qui rejaillit sur l’extérieur. Ma première référence, c’est

moi. Je fais pour mon bien et après je vois comment les autres

réagissent. Si je me sens vraiment bien, les critiques ne me

touchent plus ; c’est juste l’avis de l’autre ; pas le mien.

J’arrive à accepter les compliments, je ne savais pas faire. Ca me

fait du bien de dire merci si l’autre est sincère.

« Avoir le don de le faire entendre sans crier » .... j’ai arrêté de crier

et de « baffer »

J’ai mieux conscience de mes intérêts, si mes relations vont dans ce

sens, c’est bien. Le bonheur m’intéresse mais pas sous le regard de

l’autre. J’ai pris conscience que j’existe, que j’ai des avis pertinents.

Mes décisions sont appuyées sur moi, ce qui est bon pour moi. Il

faut que je le fasse, même si ce n’est pas les habitudes de la

maison ».

NOUVEAUTÉS

« Des portes se sont ouvertes, j’ai laissé entrer pleins de choses,

des nouvelles manières de voir, de se nourrir, d’accepter les autres 80

tels qu’ils sont, sans faire du rentre dedans. J’ai ouvert la porte, il

n’y a plus rien que le ciel. Il faut que je saute. Avec ou sans

parachute, les yeux fermés ou les yeux ouverts, mais je saute. Je

mets un pied en avant entre deux falaises et il y aura une

passerelle, c’est moi qui la ferai, mais elle y sera, j’ai confiance.

REPÉRAGE

« Je le vois par rapport à mes choix, ils marchent et ça fait du bien.

J’y crois a priori et je vérifie, même pour des choix comme une

médecine... J’ai l’esprit orienté sur ce qui est positif dans tout ce qui

se passe.»

SYNTHÈSE

- Elle adopte un système de références internes, ainsi qu’un

centrage sur soi. Double opération où chaque terme renforce l’autre.

Plus elle se connaît (son bien, ses intérêts, ses avis...) plus elle peut

accorder de valeur à ses références et les mettre en jeu, donc les

conforter, apprendre à nouveau sur elle-même...

- De manière concomitante, elle développe une meilleure image

d’elle-même...

- Elle installe des boucles de régulation sur l’extérieur, dans ses

relations avec les autres avec lesquels elle a des interactions plus

riches, y compris conflictuelles, et beaucoup plus d’ouverture.

C - L’INTÉRÊT DE CET ESSAI D’AUTO-ÉVALUATION

Il s’agit ici de la question 6 : « Quel intérêt pouvez-vous trouver à

reprendre ce premier questionnaire et / ou à participer à cet

entretien ? »

81

Je cherchais avec cette question à savoir si l’ensemble des deux

questionnaires pouvait permettre aux stagiaires d’apprécier comme

je me le demandais (page 26) le chemin parcouru, soit

conformément à des attentes, des espérances, soit comme

ouverture à l’imprévu. Et s’il pouvait aussi permettre de valoriser de

nouvelles habitudes d’appréciation des expériences vécues.

Les réponses vont unanimement dans ce sens-là.

« Parler de ses tripes, ça motive encore plus, ça me permet de

mieux me rendre compte de l’état dans lequel je suis. Ça me fait

plaisir d’exprimer tout ça en condensé. Je suis encore plus

convaincue. »

« Ça permet de faire le point. J’en ai fait du chemin ! Point que je ne

fais pas (encore) naturellement. Je me suis réapproprié ce chemin,

il était seulement à l’arrière-plan, maintenant, je le vois beaucoup

mieux. »

« Dire ce que j’ai accompli, en même temps me montre l’étendue de

ce que j’ai fait et me donne du courage pour l’étendue de ce qui me

reste encore à faire. »

« Je suis rassurée, je me rends compte que ce qui m’arrive est

normal. Et même dans ce tournant terrible de ma vie, ça me donne

envie de travailler ce qui m’arrive, plutôt que de le subir. »

« Bien sûr, c’est intéressant. Dire les choses permet de les mettre à

distance, légèrement, juste assez pour les regarder autrement et

dans mon cas, les apprivoiser. J’aimerais bien aussi savoir ce

82

qu'ont dit les autres, ça m’aide, comme des modèles possibles de

compréhension. »

« Le premier plaisir, ça a été d’écrire des réflexions, des sentiments

que je portais, mais dont je ne discutais pas. L’entretien, c’était

moins élaboré, mais très intéressant de penser, après la pratique.

Refaire le pont, avoir une occasion de le faire, c’est l’intérêt de cette

évaluation. »

« Ça m’a plu de répondre à cet entretien, ça m’a remise dans le

bain des bons moments de mes apprentissages, ça a réorienté

mon esprit vers tout ce qui s’est passé pour moi d’agréable. Je

devrais faire ça plus souvent. »

« En le disant, j’en prends conscience. Le développement passe par

un bouleversement. Et puis, comme un puzzle, tout à coup, on a le

flash de l’image, c’est une construction qui passe par soi. Dire, ça

ancre encore mieux, ça précise cette image.

Ce temps d’auto-évaluation a globalement été fort bien vécu par les

participants. Ils ont été sensibles au plaisir de réapprécier le passé,

en regardant le chemin parcouru, et aussi au plaisir de l’instant, en

se replongeant dans des moments agréables, et enfin à

l’anticipation de l’avenir, en évoquant par exemple « le courage

d’aborder l’étendue de ce qui me reste à faire. »

Nous pouvons aussi trouver une fonction d’intégration et de

renforcement, à ces entretiens, qui apparaissent à travers des mots

comme : « apprivoisement... plus convaincue.... réappropriation...

ancré... préciser l’image... »

83

Il me semble que ce que M. Vial (1996/97), page 198, appelle

« auto-questionnement » est assez proche de ce que j’appellerais

volontiers auto-appréciation, mettant ainsi plus que lui l’accent sur la

satisfaction retirée et donc sur les émotions et moins sur la réflexion

: « l’auto-questionnement tire sa force, sa fécondité du seul fait qu’il

est possible, que le formateur le rende (ou le laisse) possible. Les

stagiaires, les formés feront le reste. Cela n’a pas à être instrumenté,

prévu, opérationnalisé, mais simplement à etre accueilli. »

Mes questionnaires -quoiqu’instruments, mais fort légers- ont bien

rendu possible d’accueillir tous ces commentaires, en permettant

leur expression.

SYNTHÈSE GÉNÉRALE

À travers ces itinéraires, on peut voir des temps forts qui reviennent

pour chacun ou presque et selon une séquence en trois moments :

- 1) le centrage sur soi

- 2) l'adoption de références internes

- 3) la différenciation soi/autre.

Les deux premiers points correspondent à une logique « d’avoir

pour être » (voir page 47) : se connaître pour prendre conscience

de soi et se comparer à soi-même pour avancer. Ils contribuent à

donner aux émotions éprouvées une valeur évaluative

fondamentale. C’est cette double opération qui, remettant en

lumière ce qui se passe dans notre vie, donne un sens nouveau à la

vie émotionnelle.

Le troisième point, par contre, est une surprise pour moi. Même s’il

semble tout à fait logique. Je ne m’attendais pas à ce que de si

nombreuses personnes le mentionnent. Il est bien sûr directement 84

lié aux deux précédents, mais je n’imaginais pas qu’il serait aussi

déterminant. Il ne fait pourtant que reprendre une notion très

importante que la PNL a adaptée de la sémantique générale et du

constructivisme : la carte n’est pas le territoire, chacun construit sa

réalité !

Ces opérations entraînent des manifestations de divers types :

- 4) dans le passage à l'action

- 5) dans l'amélioration des relations

- 6) dans l'attribution d'un sens différent à des événements

- 7) dans le développement d'émotions plus agréables.

- 8) dans un sentiment d’appartenance à une catégorie plus vaste

(les gens, l’univers).

Reprenons ces paramètres un par un.

1 Le centrage sur soi, s'exprime par exemple avec « ne plus

pouvoir être autre chose que moi-même ». Les participants parlent

d’observer, sentir, leurs envies, désirs, besoins, aspirations,

rythmes... Ceci aboutit pour beaucoup à l’installation des émotions

comme guide, signaux, rails... C’est ce que j’ai appelé le « dispositif

de régulation interne », à partir des émotions.

2 La connaissance de soi permet la construction du système de

références internes que chacun va mettre en avant pour décider,

négocier, communiquer, éventuellement défendre contre les autres,

y compris en les affrontant. Mais le plus souvent, avec un sentiment

de soulagement : « La perfection, ça m’a passé. »

85

3 La distinction entre soi et les autres : la prise de conscience de

« qui je suis » amène à la prise de conscience de « qui est l’autre ».

Et c’est forcement quelqu’un de différent. Une personne s’en

étonne : « les visions des autres me font bizarre, avant, je pensais

que c’était comme moi. » Mais paradoxalement ces différences sont

le plus souvent l’occasion de mieux comprendre les autres, grâce à

une mise à distance, et finallement une occasion de s’en rapprocher

: « je fais partie des gens » !

4 La mise en oeuvre d’actions cohérentes avec les nouvelles

priorités ; « je sais mettre en place ce que je veux. », « Je demande

ce dont j’ai besoin. », assortie d’une bonne efficacité et renforçant la

confiance en soi. Comme si le fait de s’autoriser à valider les

valeurs propres permettaient d’y croire mieux et plus et de les

mettre en jeu, de s’y engager avec beaucoup plus d’assurance et la

conviction que ça vaut le coup. On voit ici la boucle de récursivité

entre les émotions et les actions : changer les unes influent sur les

autres. Ou comme dit M. Vial (1996/97) page 164 : « S’interroger sur le sens de ce que je fais, donc ne jamais perdre de

vue les valeurs que je porte, faire le va et vient entre mes actes et le

sens que je trouve, que je peux done à mes actes, le sens auquel je

peux renvoyer mes actions. »

5 Les relations avec les autres sont clarifiées : le sentiment le plus

fréquent dû à la distinction entre soi et les autres est l’envie de

mieux connaître ces autres, d’une manière plus intime. Nous

observons plus d’ouverture et de respect mutuel, même si c’est pour

mettre fin à une relation, cas cité plusieurs fois.

86

« Je ne cherche pas qui a raison, mais je veux connaître la raison »,

« Avec ma fille, je suis plus proche, elle se confie à moi. »...

Bien entendu, il ne s’agit pas de chausser des lunettes roses et de

trouver chacun meveilleux, mais plutôt de changer de style

relationnel, que ce soit par l’apprentissage réciproque de nouvelles

attitudes, par le prise de distance, émotionnelle au minimum, de

relations incontournables et difficiles, voire la création d’un nouvel

environnement affectif choisi pour sa compatibilité avec son

évolution personnelle.

6 Le sens attribué à des événements change : « Je relativise, j’ai

fais du mieux que j’ai pu. », « C’est une ré-ecriture de mon

histoire. » Des liens de cause à effet s’inversent : « J’ai pris

conscience que même quand je fais des choses pour les autres, j’y

ai un intérêt et aussi que des choses que je croyais faire pour moi,

c’était en fait pour faire plaisir à d’autres. »...

Ce sens nouveau n’est bien sûr pas le fruit d’une régulation R+,

mais pas non plus d’une régulation R-. C’est une interprétation

nouvelle qui émerge, sans être la conséquence d’un labeur ou d’un

projet. C’est avant tout une situation d’auto-éco-organisation qui

conduit à ce que Jeanne Mallet (1994) page 143, appelle : « un nouvel état N+1, lui-même relativement stable, pour un temps,

(autour d’un nouvel atracteur), nouvel état stable, plus intégré et plus

complexe. »

7 L’amplification des émotions agréables : « Le bonheur ça

m’intéresse. », « Ça m’a amenée à m’aimer. ». Beaucoup de

personnes parlent de mieux-être, de détente, d’acceptation,

d’ouverture. Même des émotion difficiles sont regardées

87

différemment : « Ma violence, elle m’intéresse. » Et encore une fois,

agréables ou désagréables, elles servent de signaux pour indiquer

la voie, la direction vers laquelle s’engager pour en même temps la

créer.

8) Le sentiment d’appartenance n’a été exprimé que deux fois, mais

avec quelle intensité ! Ce qui évoque pour moi, très fort D. Bohm

(1987) page 213 : « Tous ceux-ci (les êtres humains) sont en réalité des projections

d’une unique totalité. Comme l’être humain prend part au processus

de cette totaité, il est fondamentalement chargé de l’activité même

dont le but est de changer cette réalité qui est le contenu de sa

conscience. »

L’ensemble de toutes ces réponses est vraiment placé sous le signe

de ce que M. Vial appelle « le différentiel ». Très peu d’exemples

font mention d’une conformité par rapport aux souhaits de départ.

En fait, quatre seulement : reprendre la vie de couple, être plus

heureuse avec mon mari, parler et m’exprimer, arrêter de crier. Pour

ces situations, les personnes adoptent une optique d’auto-contrôle.

Tout le reste du temps le message général est vraiment : « ça c’est

passé différement et tant mieux ! » Voir la citation de M. Vial

(1996/97) page 196 : « Le différentiel nécéssite d’arriver à accepter que ce qui est imprévu

est au moins aussi important et valide que ce qui était prévu, voire

que l’imprévu, c’est l’essentiel. » Nul n’a non plus échappé à ce que Jeanne Mallet décrit comme

« une plongée par les grandes profondeurs » qui conduit

effectivement à un « retour à l’espérance ».

88

5 CONCLUSION

Cette année, sous l’impulsion de ma formation de DESS de

responsable de formation, j’ai voulu renforcer la dimension auto-

évaluation-régulation de la formation de « praticien PNL » que

j’anime.

J’ai donc rajouté un questionnaire initial et un entretien final, qui me

semblent produire des résultats suffisamment intéressants pour que

je les conserve l’année prochaine, en les améliorant. C’est peu de

choses, mais c’est déjà un « tâtonnement », comme J.. Bonniol

nous invite à en faire.

J’ai aussi, de ci, de là, à la volée, relativiser encore le travail sur les

objectifs, en insistant sur le plaisir de se laisser surprendre par la

vie, en favorisant la disponibilité intérieure. Ils prennent de plus en

plus la fonction de déclencheurs, de moyens de s’engager dans des

réalisations pour obtenir des informations, mais non pas buts, en

eux-mêmes, fixes et rigides.

J’aimerais aussi essayer de mettre en place, à l’avenir des auto-

évaluations relevant plus du « symbolique », pour favoriser un

mode d’expression plus conforme au langage émotionnel. Par

exemple des propositions pour des volontaires, toujours, de mettre

en métaphore, en image, en poésie, en mythe, le récit de leur

propre aventure intérieure. Nous finissions déjà un cycle court de

PNL (huit jours) par un collage et le moment où chacun présentait

son « oeuvre » au groupe était particulièrement fort. Nous pourrions

demander, pour chaque début de regroupement que les personnes

qui le souhaitent tentent cette expérience.

89

Enfin, je crois qu’on ne peut guère aller plus loin, sans changer trop

radicalement notre formation PNL et devoir renoncer peut-être ou

relativiser la certification-contrôle, et ce n’est pas le but recherché.

Jean Jacques Bonniol, cité par Michel Vial (1991) insistait sur le fait

que « C’est le chemin qui est intéressant et c’est vrai qu’il est

d’ordre initiatique et pas seulement de l’ordre des apprentissages. »

Et ce chemin parcouru est bien attesté, en tant que tel par les

stagiaires. Bien évidemment, ils auraient pu en parcourir un autre

plus ou moins proche, plus ou moins lointain en choisissant d’autres

« méthodes », d’autres outils et peu importe. L’essentiel est ce

qu’ils en retirent et ce qu’ils en feront.

BIBLIOGRAPHIE

Besnard G. Le vase et le feu, mémoire de DESS Responsable de

formation, 1996

Bohm D. La plénitude de l’univers, Edition du Rocher, 1987

Bonniol J.J. La passe ou l’impasse. Le formateur est un passeur,

En question, Université de Provence, 1996

Cyrulnik B. vidéo cassette, Né pour découvrir, réalisée par H.

Trocmé-Fabre, ENS production, 1995

Damasio A.R. L’erreur de Descartes , O. Jacob, 1995

Gaudin T. (sous la direction de) 2100, récit du prochain siècle;

Payot ,1991

Genthon M. Lectures plurielles de l’apprentissage, Cahiers d’Aix,

1996

90

Genthon M. Apprentissage, évaluation, recherche , En question,

Université d’Aix en Provence, 1997

Godeman D. L’intelligence des émotions , R. Laffond, 1997

Levy-Leboyer C. La gestion des compétences , Ed d’organisation,

1997

Mallet J. Entreprises apprenantes, Oméga Formation Conseil,

1994

Mallet J. Développement des personnes, développement des

organisations, Omega Formation Conseil, 1996

Meichelbeck E. La cyclicité, Ed Sophon, Strasbourg, 1982

Morin E. La Méthode , tome 4, Seuil ,1981

Morin E. Introduction à la pensée complexe , ESF, 1990

Nardone G. et Watzlawick P. L’art du changement , L’esprit du

temps, 1993

Nicolescu B. Nous, la particule et le monde, Le Mail, 1985

Peat F.D. La synchronicité, un pont entre l’esprit et la matière, Le

Mail, 1988

de Rosnay J. L’homme symbiotique, Seuil, 1995

Schrödinger E. L’esprit et la matière , 1990

Téodori M. et Deschamps J. En quel état j’erre , J.C. Lattès, 1997

Varela F. Le bonheur comme savoir-faire, article dans Où est le

bonheur, R.P. Droit , Le Monde Editions, 1994

Vemersch P. l’entretien d’explicitation ESF 1996

Vial M. Instrumenter l’auto-évaluation, Thèse, à Aix en Provence,

1991

Vial M. Recueil de textes sur l’évaluation, Université d’Aix en

Provence, 1996/97

Waztlawick P. Réussir à échouer Seuil, 1988

91

92

annexes n°1 charte qualité NLPNL

n° 2, 3, 4, 5, 6, 7 : documents de sessions de la formation

n° 8, 9, 10, 11 : listes de compétences professionnelles

n° 12 et 13 : questionnaire et guide d’entretien