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HABILITATION À DIRIGER DES RECHERCHES Université Paris 7 - Denis Diderot Directeur : Jean-Pierre Vallat Session Décembre 2004 par Ricardo Gonz lez Villaescusa á Transformations des paysages et mutations sociales et économiques : l'exemple de l'Hispanie pré romaine et romaine Volume I : Synthèse Scientifique

Transformations des paysages et mutations sociales et ... · toutes les institutions et tous ceux qui ont fait que je puisse aujourd’hui expliquer et défendre le travail effectué

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HABILITATION À DIRIGER DES RECHERCHES

Université Paris 7 - Denis Diderot

Directeur : Jean-Pierre Vallat

Session Décembre 2004

par Ricardo Gonz lez Villaescusaá

Transformations des paysages etmutations sociales et économiques :

l'exemple de l'Hispanie pré romaine etromaine

Volume I : Synthèse Scientifique

A Ana, de nuevo, por el tiempo robado.

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REMERCIEMENTS

Arrivé à destination, il convient de jeter un oeil sur le chemin parcouru et rappeler

toutes les institutions et tous ceux qui ont fait que je puisse aujourd’hui expliquer et

défendre le travail effectué au cours des vingt dernières années. Je suis sûr d’oublier

beaucoup d’entre-eux, bien que leurs contributions et leurs ouvrages soient cités dans les

articles qui jalonnent ce travail. La liste des remerciements n’a pas d’autre but que de

rappeler au souvenir de tous les appuis et soutiens de mon activité scientifique.

Je ne peux évidemment pas oublier mon directeur de thèse, un an maintenant

après son décès. Il n’y aurait que très peu de chose à ajouter à ce qui a déjà été dit de cet

insigne archéologue valencien. Je garde également une dette envers Josep-Vicent Lerma,

du Service des Recherches Archéologiques Municipales (Valence), lequel possède une des

visions sur l’archéologie valencienne les plus pointues. Angel Fuentes, professeur de

l’Université Autonome de Madrid et membre du jury de ma thèse doctorale, quant à lui, m’a

appuyé par la suite en suivant mon évolution postérieure à la soutenance de thèse. Pour en

terminer avec ce paragraphe consacré aux remerciements hispaniques, il me faut citer

l’Université d’Alicante qui a accepté l’inscription de ma thèse doctorale.

Mon séjour au sein d’une institution comme la Casa de Velázquez a constitué une

influence de premier ordre dans ma formation. Je suis en dette avec Joseph Pérez,

directeur pendant tout le temps où je fut membre libre (1994-1997) de la section

scientifique ; avec Jean Canavaggio, directeur de la Casa de Velázquez quand fut éditée

ma thèse doctorale ; avec Jean-Gérard Gorges, avec qui j’ai collaboré au cours du

programme de recherches « Moyen Guadiana » ; enfin, je suis tout particulièrement en dette

avec Patrice Cressier, directeur d’études avec qui j’ai collaboré sur des projets scientifiques

qui ont fortement contribué à ma formation.

Je dois aussi beaucoup à Pierre Garmy pour son concours durant mes recherches

en Languedoc au moment où il occupait le poste de Directeur des Antiquités du Service

Régional de l’Archéologie de Languedoc Roussillon. Henri Galinié, directeur d’équipe au

CNRS, Archéologie et Territoires (Tours), et Jean-Luc Fiches, du Centre de Recherches

Archéologiques de Valbonne, m’a accueillir durant mon cycle post-doctoral entre 1994 et

1997, je leur en suis très reconnaissant. Je voudrais adressé quelques lignes spéciales à G.

Chouquer qui fut le tuteur scientifique de mon projet de recherches post-doctoral, et à qui je

dois toutes mes connaissances en matière de morphologie agraire et d’analyse

morphologique des paysages. Toute ma gratitude la plus affectueuse à qui je considère

comme le véritable maître de ma formation scientifique.

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En outre, il me faut remercier expressément l’Université de Paris 7 – Denis Diderot

et tout particulièrement Jean-Pierre Vallat pour son conseil scientifique et son appui

personnel qui depuis 1998, mais surtout cette année, ont pris la forme de sages avis et de

justes suggestions pour la correction de déficiences et d’oublis dans mon travail. Il me faut

aussi remercier par avance les membres du jury dont les observations et suggestions

serviront indéniablement à améliorer mes propositions.

Pour finir, je tiens à rappeler ici la difficile tâche de traduction de mon texte au

français effectuée par Cédric Gameiro et la révision finale de François Amigues, Maître de

Conférence à l’Université de Perpignan et surtout collègue et amis depuis mes premiers pas

en tant qu’archéologue, vers 1984. Cependant, les erreurs ne pourront être mises qu’à mon

compte.

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INTRODUCTION

« Se vogliamo che tutto rimanga come è, bisogna che tutto cambi. Mi sono spiegato? »

G.-T. di Lampedusa, Il Gattopardo, 1956

Tout comme l’avoue l’historien E.-J. Hobsbawn, dans son autobiographie

professionnelle1, toutes les décisions que j’ai prises en tant que chercheur l’ont été « de

façon intuitive et accidentelle », bien qu’à la fin elles terminent par former « un tout

cohérent ». J’espère que les pages qui suivent sauront en apporter la preuve.

Il m’a semblé approprié de diviser mon activité investigatrice en trois grands

thèmes, bien que les passerelles et les références entre eux ne manquent pas. Le thème du

Monde Funéraire est un thème auquel je me suis consacré entre 1985, en tant qu’étudiant

spécialisé en archéologie, et 1994 (année de soutenance de la thèse de doctorat). Entre

1988 (date des premières fouilles de can Fita) et 2002 (date de la publication de can Fita),

je me suis employé à l’investigation du monde romain et à la romanisation d’une région en

particulier, les îles d’Ibiza et de Formentera où prédominent les recherches sur le passé

phénicien et punique. Finalement, de 1994 jusqu’à nos jours, je me suis consacré à la

recherche des paysages depuis la perspective de la morphologie agraire et des

prospections.

Il ne s’agit pas de tiroirs fermés ni de date précises, seulement des estimations.

Les trois grands blocs thématiques et géographiques se mélangent, se recoupent et

agissent entre-eux. Il n’y a que le thème du Monde Funéraire qui semble fini, alors que mes

recherches sur les îles (prospections et fouilles) ont contribué à modeler le troisième grand

bloc, et vice-versa.

Nous pourrions parler de voyage aller / retour entre la conception extensive et la

conception intensive de l’archéologie. La conception extensive est surtout due à ma

formation post-doctorale française ; au retour de mon séjour au CNRS en 1998, je me suis

décidé à publier un site fouillé dix ans plus tôt pour diverses raisons. Tout d’abord parce

qu’il me semblait impardonnable de ne pas transmettre à la communauté scientifique les

connaissances dérivées de cette fouille. J’étais convaincu qu’il ne pouvait y avoir de

pratique archéologique sans fouille, c’était là une raison scientifique de poids ; il fallait que

je revienne à la vision intensive, aux données positives de la fouille avec lesquelles je me

sentais plus à l’aise que par une réflexion sur les formes du paysage ou sur les images de

1 (E.-J. HOBSBAWN 2003)

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superficie de sites fouillés. Une fois la publication finie, j’ai appris que de la fouille d’un site

l’on obtient aussi une image, et ce indépendamment de la subjectivité et des erreurs du

chercheur. L’accumulation de strates, de structures, de matériau céramique, d’échantillons

archéobotaniques… sont aussi des interprétations obtenues d’une fouille et ne sont pas

plus fiables (ni moins non plus) que les données dérivées d’une analyse morphologique ou

de l’analyse d’un texte ancien. Les registres archéologiques, documentaires, paysagers…,

bien que particuliers et spécifiques, nous donnent des images qui doivent contribuer à la

connaissance historique des sociétés du passé. Je crois les avoir pratiqué sans trop de

problèmes ni de préjugés, en effet ma formation et mon intérêt principal se sont orientés

vers le registre archéologique. J’espère aussi en faire la démonstration tout au long de ce

travail.

La réflexion sur le site de can Fita, dix années avoir été fouillé et après ma

formation post-doctorale, ainsi que le travail de récapitulation de mes recherches sur

Ebusus a deux conséquences. D’un coté, renforcer la ligne de recherche régionale qui,

jusqu’à ce jours, se composait de recherches sans liens communs ou simplement

juxtaposées. D’un autre coté, relativiser l’importance du registre archéologique comme

forme de connaissance de la réalité rurale ancienne et de la connaissance générée par

l’archéologie des paysages. Finalement je fais le choix d’une ligne de recherche future qui

tente de faire vivre les structures agraires observées par vue aérienne et qui intègre dans le

milieu environnant ce qui a été sauvé lors de fouilles ou qui intègre les images de superficie

dérivées des prospections. L’objectif est ainsi de mettre en relation les zones de résidence

et les espaces de production respectifs afin d’établir les dimensions du groupe et de la

production, ce qui est peu fréquent dans les recherches sur le monde ancien. Certes il est

vrai que les recherches menées par les médiévistes du monde musulman possèdent

l’avantage de pouvoir définir les espaces de production à travers les unités techniques qui

les constituent, le tracé du canal d’irrigation et le périmètre de terres que celui-ci comprend;

nous ne pouvons pas nous résigner à rechasser les données dérivées d’un savoir qui a

supposé tant de bons résultats pour d’autres chercheurs. Il va sans dire que je ne partage

absolument pas cette croyance funeste, de mise chez beaucoup d’archéologues, selon

laquelle si les « faits » sont correctement pris, les conclusions surgissent d’elles-mêmes.

C’est là l’objectif le plus ambitieux de mes recherches à venir.

Toutefois, il y a d’autres objectifs, secondaires, à tenir en compte. Il faut poursuivre

la formulation d’hypothèses sur l’organisation des paysages. Il s’agit de provoquer le débat,

d’établir de nouveaux objets de recherche et de nouvelles réalités historiques : en

particulier les parcellaires médiévaux ou protohistoriques, les systèmes auto-organisés ou

les formes agraires liées à l’irrigation. Ce n’est pas pour autant que la centuriation, en tant

qu’objet, sera délaissée ; il faudra continuer à la définir et à proposer de nouvelles

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perspectives qui prennent en compte, non seulement l’intervention de Rome sur l’espace

conquis, mais aussi la réalité agraire indigène. Quelles sont les transformations qui se

produisent entre les formes d’exploitation et de possession de l’espace contrôlé par les

sociétés indigènes et celles que la centuriation engendra : structure agraire et assise fiscale

des terres conquises ?

La problématique de l’irrigation comme option sociale et comme générateur d’une

morphologie agraire spécifique est source de nouvelles perspectives tant sur la

modélisation des formes agraires que sur la recherche des espaces de culture. La

problématique doit contribuer à identifier les éventuelles formes agraires dérivées de

l’irrigation ancienne et médiévale et à identifier les processus de travail et de sélection des

cultures que cette option sociale entraîne.

L’évolution spécifique de l’histoire espagnole, formation d’une société musulmane

en al-Andalus et par la suite conquête chrétienne, favorise la convergence de traditions

culturelles et techniques à la fois orientales et classiques. L’investigation sur les formes

agraires médiévales doit être accompagnée d’une recherche des facteurs qui catalysent

cette convergence, à peine signalés dans ma recherche.

Pour conclure, l’intégration des données issues de l’archéologie des formes

agraires et l’analyse spatiale doivent contribuer, pour certaines régions dont les

problématiques historiques suivent les critères précédents, à comprendre ces processus

dans le cadre d’un espace géographique défini. Il faudra aborder ces espaces à partir d’un

angle intensif et pluridisciplinaire, depuis les fouilles de structures agraires ou de zones de

résidence, la prospection, jusqu’à l’interprétation morphologique.

Isona, le 13 Août 2004

RECHERCHES PREDOCTORALES

Archéologie funéraire romaine, rituels et idéologie

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RECHERCHES SUR L’ARCHÉOLOGIE FUNÉRAIRE ROMAINE, RITUELS ET IDÉOLOGIE

PREMISSES

Tel est le sujet de thèse auquel je me suis

consacré entre 1985 et 1994, année où je l’ai

soutenue, tandis que sa publication date de 2001,

dans sa version complète [titre 44]. Récemment je

rappelais dans une formation de l’Université d’été de

Santander [titre 47: 146-163], quel avait été le

commencement du processus de recherche et je

résumais les principales connaissances auxquelles

j’étais arrivé concernant les aspects idéologiques.

En 1985 je commençai une recherche qui prétendait étudier les nécropoles romaines du Pays Valencien. Peu de temps après je pris conscience que les matériaux qui apparaissaient dans les sépultures pouvaient faire l’objet d’une classification typologique qui permettait de dater les enterrements, et que les tombes pouvaient être classées selon leurs caractéristiques: couverture, orientation, position des squelettes.

Quand je voulus classifier les trouvailles funéraires et essayer de simplifier la réalité pour avoir une sorte de « norme » explicative, j’ai été confronté au fait que les exceptions étaient plus nombreuses que la norme. Il y avait tellement de possibilités, y compris pour une même époque, qu’il m’était impossible de réduire la réalité à un modèle explicatif. Le rite funéraire, bien que stéréotypé, est unique et ne peut être réduit à une typologie, comme peuvent l’être les céramiques, ce que j’ai découvert quelques temps plus tard. Si je voulais comprendre et expliquer la réalité archéologique des sépultures je devais trouver les réponses à tout ce qui avait été écrit sur la conception de la mort et dans les manifestations rituelles des enterrements. Je me plongeais alors dans la lecture de tout ce qui tombait entre les mains sur le sujet: anthropologie, histoire, archéologie ..., mais aussi philosophie, épistémologie, droit romain...

Je découvris que certains archéologues l’avaient déjà fait avant moi, mais ils n’avaient jamais explicité leur méthode; personne n’avait expliqué pourquoi telle sépulture exprimait telle idéologie, alors que beaucoup l’affirmaient. J’essaierai de rappeler quelles étaient ces hypothèses théoriques et de les synthétiser. L’objectif consistait à démontrer que les restes matériels trouvés dans une sépulture avaient un contenu symbolique, un signifiant, qui pouvait, avec l’aide de différents outils, s’interpréter comme partie intégrante du rituel funéraire romain. L’identification du rituel conduit au cadre social dans lequel il se définit et permet de savoir quelles sont ses résonances idéologiques. Ainsi, il nous permet d’interpréter le rite comme un révélateur social qui a tendance à reproduire un système socio-économique et de cette manière, il nous est possible de connaître la société dans laquelle ces rituels se sont reproduits.

Dans une première étape il nous fallut définir le concept de rituel qui permettrait d’interpréter l’objet funéraire comme un signe d’existence de celui-ci, ainsi que celle de l’idéologie, et de sa valeur pour l’explication des phénomènes sociaux. Ensuite, il s’agissait de donner les clefs d’interprétation du rituel

Archéologie funéraire romaine, rituels et idéologie

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du point de vue du vestige archéologique ... c’est à dire, la construction d’une sémiotique de l’objet funéraire romain, pour lequel il serait nécessaire d’apporter les différents contextes qui permettraient d’interpréter convenablement ces symboles: le contexte archéologique, le contexte historique et le contexte anthropologique. [titre 47: 147].

Une approche simple du problème aurait abouti à une série de types

d’enterrements, de vaisselles funéraires et à l’origine des objets qui se trouvaient dans les

sépultures, mon intention de dépasser la simple description positive me conduisit à tenter

quelque chose de véritablement plus complexe et peu fréquent chez les historiens qui ont

comme cadre théorique le matérialisme historique c’est-à-dire arriver à ce que l’on appelle

le « troisième niveau » 2, la superstructure :

Le cas de l’étude historique des superstructures est paradigmatique: on ne peut que parler incorrectement d’une histoire totale sans tenir compte et essayer de connaître ce que l’on appelle « le troisième niveau ». Le marxisme recule depuis longtemps devant ce thème trop difficile pour une approche matérialiste, dont la recherche se fait attendre avec impatience. En tant qu’historiens, comment ne pas apprécier alors la constitution d’une histoire des mentalités, d’une anthropologie historique et d’une histoire socioculturelle de la part de la nouvelle histoire avec l’aide des sciences humaines voisines? Jusqu’à maintenant l’historiographie avait abordé essentiellement la superstructure politique, institutionnelle, étatique ; les nouveaux historiens français – non marxistes et marxistes - abordent néanmoins l’analyse de la superstructure de la société civile, ce qui permet, entre autres choses, d’entamer une recherche sur le sujet social de l’histoire dans sa globalité.

Mais, en plus, même sans connaître cette situation décrite par le théoricien Carlos

Barros, en ce qui me concerne avec une difficulté ajoutée, car il était, depuis, l’objet de la

culture matérielle, du registre archéologique. Les restes les plus matériels que peut trouver

l’historien devaient être portés au niveau de la superstructure idéologique. La question était

de savoir comment.

Ayant commencé ce travail au milieu des années 1980, période pendant laquelle

l’influence de la New Archaeology dans les universités espagnoles était grande et les

méthodes de la dite archéologie de la mort s’imposaient à l’heure d’interpréter les vestiges

matériaux des nécropoles fouillées, les effets de mode de la dite archéologie de la mort

persistaient encore comme je pus le démontrer grâce à la disposition sur un graphique des

titres qui avaient pour objet l’étude de la mort selon les différentes sciences sociales et

humaines [titre 44: 30, graphique 1]. L’archéologie de la mort était donc une source

d’inspiration incontournable. Mais, intéressé par le sujet, je ne pus éviter de me plonger

dans la lecture des historiens de la mort de l’école française, raison pour laquelle un séjour

à Paris (Centre Gustave Glotz, Paris I : École Normale Supérieure ; Centre d'Art et

Archéologie ; Bibliothèque de La Sorbonne), financé par la Generalitat Valenciana, en avril

1992 me fut d’une aide précieuse ; il me permit de réunir une ample bibliographie sur le

2 (C. BARROS 1991)

Archéologie funéraire romaine, rituels et idéologie

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sujet, y compris certains classiques introuvables dans les bibliothèques habituelles. Au dire

de quelques uns de mes lecteurs, je suis arrivé à une synthèse des deux écoles en

m’intégrant à la fois dans les courants de pensée anglo-saxon et français, ayant recours à

J.-J. Hatt, à M. Vovelle, comme à F. Hinard, frappant aux portes de l’anthropologie, de

l’ethnologie, de la sociologie, de l’archéologie et de l’histoire, maniant la longue comme la

courte durée, structure et conjoncture, continuité et rupture... Mais sans vouloir enlever une

seule part de vérité à qui ainsi le pensait, je crois que l’étude se revendiquait davantage des

Annales que de l’archéologie anglo-saxonne, même si à aucun moment je n’ai eu la moindre

hésitation à utiliser les résultats de cette dernière. Toutefois, la décision ne fut pas

immédiate, le type de registre archéologique et l’humilité des restes funéraires du Pays

Valencien m’aidèrent à me décider pour cette option. En préparant la recherche et l’analyse

des restes de mobiliers et des cimetières, j’arrivai à la conclusion que l’analyse propre de

l’archéologie de la mort s’adaptait plus aux nécropoles isolées car il est nécessaire que les

données d’une société soient complètes, que tout le groupe social utilise le même lieu

d’enterrement ou que puissent être considérés tous les processus taphonomiques. Les

conditions pour pratiquer cette archéologie de la mort nous renvoient principalement aux

cimetières des groupes réduits de la pré- ou protohistoire ou, même, à un groupe réduit

d’une ville donnée qui avait un seul cimetière et où, pendant des générations, se firent

enterrer les différents membres du groupe, indépendamment de leur condition sociale, mais

avec des différences de rituels, offrandes, etc.

Toutefois, le monde romain nous renvoie à une réalité bien différente. Restes de

nécropoles incomplètes ou partiellement fouillées, petits indices d’une nécropole ici, deux

enterrements isolés là, une grande nécropole urbaine de l’Antiquité tardive, une autre rurale

du haut Empire...; en définitive, l’analyse se prêtait à une étude qualitative plus que

quantitative.

D’un autre côté, je me plaignais du fait qu’il manquait une étude complète, une

histoire totale, basée sur le registre archéologique de la mort à Rome qui aurait tenu compte

de toutes les données qui circulaient et qui existaient de type anthropologique, social,

ethnologique...; le modèle latent d’une étude de ces caractéristiques était celui de M.

Vovelle, La Mort et l'Occident, de 1300 à nos jours, 1983, connue plus tard sous le nom de

vovellien [titre 44: 38]. Certaines personnes, lors de conversations informelles, me

découragèrent de le faire prétextant que ceci relevait exclusivement de la labeur des

« grands historiens » et s’adaptait mal au format d’une thèse doctorale prenant comme

référence les données archéologiques provenant du Pays Valencien. Je dois reconnaître

que pendant un certain temps je crus ce que l’on me disait, mais la fortune me sourit en me

permettant de rencontrer celui qui serait, à partir de ce moment-là, mon directeur de thèse,

E. Llobregat, séduit par le sujet et la méthode de travail que je lui présentai. Je ne peux

Archéologie funéraire romaine, rituels et idéologie

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éviter de me sentir redevable aux augures pour leur avertissement car cela me permit de

réfléchir à l’objet de ma recherche, consacrant un chapitre à l’historiographie sur le sujet, le

1er, et un vaste chapitre, le 3ème, de type méthodologique et théorique, dans lequel

j’exposais les raisons pour lesquelles je croyais qu’un tel projet était possible. Ce qui

finalement fut l’une des parties les plus appréciées par ceux qui m’ont lu3.

DÉFINITION DE RITUEL

La première étape était la définition du concept de rituel qui permettrait

d’interpréter l’objet funéraire comme un signe d’existence de celui-ci, ainsi que celle de

l’idéologie, et de sa valeur pour l’explication des phénomènes sociaux. Ensuite, il s’agissait

de donner les clefs d’interprétation du rituel du point de vue du vestige archéologique, ...

c’est à dire, la construction d’une sémiotique de l’objet funéraire romain, pour lequel il serait

nécessaire d’apporter les différents contextes qui permettraient d’interpréter

convenablement ces symboles: le contexte archéologique, le contexte historique et le

contexte anthropologique.

Les rites ont une finalité communicative, c’est à dire qu ils sont un exercice de

méta-communication. Par l’intermédiaire des métaphores et des métonymies, les

participants au rituel expriment quelque chose, en même temps qu’il se passe quelque

chose, vivent l’événement de façon intense, et ils interprètent pendant l’acte rituel

proprement dit les signifiants qui lui donnent forme. Formalité, stéréotypie, condensation, et

redondance sont donc les caractéristiques communes aux manifestations rituelles.

Indépendamment des résultats immédiats obtenus par la pratique d’un rituel, son effet se

concentre en dernier ressort sur la domination sociale. La cohésion, la solidarité ou la

hiérarchisation sociale obtenues suite au rituel, sont toujours profitables au même ensemble

social.

Le rituel fait partie d’un système par lequel on peut passer de la structure sociale à

l’imaginaire de la communauté, à travers l’ interprétation théâtrale et le jeu, en modifiant, de

cette façon, la perception qu’ont ces sociétés de leur propre réalité.

Les rituels, par leur formalisme, leur stéréotypie, leur concentration, et leurs

redondances, se déroulent suivant un scénario qui prescrit les limites de la règle, en même

temps qu’il en définit les exceptions. Les participants à l’acte rituel acceptent leur rôle social

par rapport au rôle du reste des co-participants, de même que leur comportement établi au

préalable par les rituels; ainsi donc, le rituel est un révélateur de la tension qui existe entre

les éléments préétablis dans ce scénario et les limites de la prescription.

3 (A. FERDIÈRE 2001 : 301)

Archéologie funéraire romaine, rituels et idéologie

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De cette façon, l’interprétation du rituel en tant qu’élément d’une idéologie

dominante ne peut être atteinte que grâce à une lecture idéologique du contexte historique

ou social dans lequel il a lieu.

La mort acquiert une valeur considérable pour l’analyse d’une société parce qu’elle

transmet, comme aucun autre aspect idéologique, les relations de pouvoir entre dominants

et dominés. La relation sociale sous-entend une tension de forces entre l’ordre établi et le

désir ou les pulsions de vie. Le pouvoir est exercé par la peur que génère la mort, et donc,

gérer la mort c’est dominer la vie. Cela suppose un exercice de pouvoir qui rejette toute

mort individuelle qui ne soit pas exemplaire: la peine de mort de l’« associal »; en admettant

et reconduisant comme bénéfice propre le sacrifice du héro. Le droit et le pouvoir, donc,

s’exercent à partir de l’opposition entre différents paramètres: destruction-domination,

puissance-impuissance, qui représentent un moyen « symbolico-magique » de lutte contre

l’angoisse que génère la mort. En conséquence, le pouvoir n’est acquis qu’au prix de la vie,

c’est pour cela que le suicide est un révélateur du lieu qu’occupe dans la société le

suicidaire et de la valeur accordée à la classe ou au secteur social qu’il représente. Les

anthropologues du suicide, à travers l’analyse de la personnalité sociologique du suicidaire,

ont pu établir comme caractéristique principale qu’il s’agit de personnes qui ne trouvent pas

leur espace social défini, à cause de leur manque de participation dans les mécanismes

productifs. Leur négation sociale devient, à travers le suicide, une auto-affirmation et un

dernier, et particulier, exercice de pouvoir sur les autres.

Dans le monde romain, l’esclave de la République tardive et des premiers temps de

l’Empire possède un droit naturel comme marchandise qu’il est, et donc, il possède le droit

au suicide. C’est-à-dire que son suicide ne sera pas puni, sans préjudice du fait qu’il soit

considéré par cette attitude comme « malus », car il attentait contre la marchandise de son

maître. Toutefois, le droit au suicide d’un esclave, quand celui-ci dispose de l’administration

de son propre pécule, n’est pas une attitude en sa faveur, mais au bénéfice de ses

possibles créanciers, qui pouvaient ainsi ester contre ses descendants sans inculper son

propriétaire, responsable de ses actes. En revanche, la situation est différente pour les

liberti et les colons, et même pour les esclaves à partir du IIIè siècle apr. J.-C. : les

tentatives de suicide vont être punies et les biens d’un suicidaire seront rapidement

confisqués.

Si l’on met en relation cette situation avec le rôle social des différents personnages

dans le cadre productif, on peut constater que la mort d’un esclave était considérée comme

un problème mineur, car il n’était autre chose qu’un outil, cher, mais un outil, en fin de

compte. Sa disparition représente un préjudice, mais pas l’arrêt des mécanismes de

reproduction du système socio-économique. Contrairement au système esclavagiste qui se

Archéologie funéraire romaine, rituels et idéologie

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reproduisait par la capture des esclaves en temps de guerre et pour des raisons de guerre

ou sociales, les hommes libres se reproduisent et reproduisent le système au sein d’une

famille et donc, la situation du libertus et des colons est différente car, en attentant à leur

propre vie, ils brisent la reproduction du système dans lequel ils se trouvent. Le suicide d’un

colon, père de famille, représentera la fin de la cellule productive à la tête de laquelle il se

trouvait, ce qui impliquera nécessairement son immédiate substitution.

Pour éviter ceci, le droit romain utilisera les moyens coercitifs les plus poussés: la

punition exemplaire et la confiscation de ses propres biens, comme une garantie pour éviter

l’interruption du système productif. Le suicide du colon attentait à la perpétuation du mode

de production qui allait être dominant jusqu’à l’époque moderne et la doctrine chrétienne

n’allait pas rester indifférente devant un fait d’une telle ampleur, recueillant ainsi les

préceptes moraux de la société romaine tardive.

LE SYSTÈME SÉMIOTIQUE DU RITUEL FUNÉRAIRE ROMAIN

Le rituel funéraire en général, et le romain en particulier, sont des systèmes

sémiotiques, susceptibles, comme tout système sémiotique, d’être interprétés de deux

façons: une interprétation sémantique ou sémiosique, à travers laquelle les destinataires,

devant l’expression du texte, lui confèrent un sens. Et une interprétation critique ou

sémiotique, à travers laquelle le chercheur essaie de comprendre les raisons structurales

qui motivent certaines options rituelles et pas d’autres. Dans cette interprétation sémiotique

je dus trouver la clef qui permettrait d’aller plus loin dans l’interprétation de la culture

matérielle des sépultures, c’est à dire qu’il s’agissait d’établir si les restes matériaux

trouvés, ou leur absence, à l’intérieur d’une tombe, constituent un élément dont la

signification est suffisamment explicite pour pouvoir l’interpréter comme un signe du rituel

funéraire.

Pour cela j’utilisai comme cadre théorique l’interprétation sémiologique d’ U. Eco,

appliquée au rituel et à la culture matérielle ainsi que des exemples comparatifs du propre

rituel funéraire romain. Je pris l’exemple d’un typique rituel du monde romain: le vinum

respersum, un geste qui consistait à verser du vin sur une tombe. En supposant que ce

geste fasse partie d’un système sémiotique, comme je le croyais, les émetteurs du texte

« verser du vin sur une tombe » étaient les acteurs communicatifs d’un message adressé au

reste de la société qui pouvait être considéré comme une métaphore. On pourrait alléguer

que le destinataire de ce geste était le cadavre, et que, de cette façon, devant son

inexistence physique il ne se produisait aucun acte communicatif; toutefois, il n’est pas

nécessaire d’insister sur le fait que le message peut exister sans la présence d’un récepteur

-qui d’un autre côté, dans le monde de l’imaginaire, est considéré comme un être auquel

peuvent être envoyés des messages-; ou que les authentiques destinataires des gestes

Archéologie funéraire romaine, rituels et idéologie

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rituels funéraires ne sont pas les morts mais les vivants. La métaphore naît donc de

l’interaction entre un interprète et un texte métaphorique, mais son interprétation provient

non seulement du texte en lui-même, vinum respersum, mais aussi du contexte général des

connaissances encyclopédiques d’une culture, à un moment précis de son évolution

historique, c’est-à-dire du contexte historique: le sens du vin pour les romains, le sens que

revêt le verser parterre sans lui donner de consommation humaine et donc, le gaspillant.

Toutefois, la genèse originaire d’une métaphore, ainsi placée dans son contexte, plongeait

ses racines dans l’expérience interne du monde et dans les processus émotifs humains

traduits dans le langage, c’est à dire ce que j’ai appelé le « contexte anthropologique » qui,

avec le contexte historique, forment ce que U. Eco définissait comme « système sémantique

global » formé par les unités culturelles et les unités sémantiques. Les unités culturelles se

manifestent à travers leurs interprétations : la parole, l’écriture, les images, les gestes, les

comportements, et ajoutai-je, les rituels. Dans l’exemple utilisé, le vinum respersum, ou

dans l’exemple plus général du banquet funéraire, silicernium o refrigerium, pouvaient être

identifiées les caractéristiques implicites d’une métaphore, parce qu’elle a deux lectures

possibles. La première lecture est la lecture explicite: toute la famille mange avant ou après

l’enterrement, à côté de l’être disparu, et le font ainsi complice du repas; la deuxième est la

lecture interprétative que faisaient les personnes présentes lors du rituel, la conciliation

avec les esprits et le réconfort personnel (il ne faut pas oublier que l’étymologie de

refrigerium est « rafraîchissement », dans le sens de « reconfort » et de « béatitude »,

terme conservé dans la langue française comme « rafraîchissement spirituel »), évitant ainsi

la sanction de la communauté. Le premier sens ne se comprend pas sans le deuxième, et

vice-versa, car il est très rare que le locuteur méconnaisse le premier sens ou fasse erreur

dans son interprétation. Ensuite, le texte « verser du vin sur une tombe » est une métaphore

parce qu’il nous renvoie à un monde possible. Monde qui n’a rien à voir avec la perception

objective du monde de l’Antiquité, mais au monde qui rend possibles les métaphores. De la

même façon qu’aujourd’hui nous déposons des fleurs sur les tombes, sans que pour cela

nous croyions que nous sommes en train de décorer la maison de nos chers décédés et que

ceux-ci se réjouissent de leur présence. Cette tournure sémiologique m’aidait parfaitement

à déraciner une fois pour toutes la confusion engendrée par l’interprétation fonctionnaliste

qui était faite habituellement par certains archéologues et qui avait déjà été formulée par les

premiers chrétiens, comme Lactance, qui se moquait des païens à cause de la célébration

de sacrifices sanglants [titre 47: 151] sans faire remarquer que les chrétiens faisaient un

sacrifice/métaphore non sanglant avec le corps et le sang du Christ, pour commémorer un

fait qui, lui, fut sanglant : la crucifixion. Toutefois, ceci n’est pas un inconvénient pour que, à

certaines occasions, les métaphores d’une culture contribuent d’une façon importante à

Archéologie funéraire romaine, rituels et idéologie

-15-

modeler la perception qu’ont les personnes de la réalité, faisant naître ainsi la confusion

réalité - imaginaire.

Finalement, notre exemple peut être considéré comme une métaphore parce qu’il y

a un transfert de certaines propriétés d’un terme à l’autre de la comparaison, car une fois

accepté le sens métaphorique de « verser du vin sur une tombe », qui est que le décédé est

complice du repas que les vivants lui offrent, si l’interprétation se faisait de façon littérale et

était poussée jusqu’aux dernières conséquences des interprétations des fonctionnalistes,

ceci conduirait à un « univers désordonné », dans lequel il faudrait se rendre tous les jours

au cimetière pour déposer de la nourriture sur la tombe afin que les restes de la personne

décédée pussent se nourrir.

Une fois démontré que le rituel était un système sémiotique, l’étape suivante était

l’établissement d’un modèle dans lequel le registre archéologique trouvé à l’intérieur d’une

tombe puisse être interprété comme l’expression d’un rituel. En d’autres mots, le fait que le

langage soit un système sémiotique n’implique pas directement et de façon automatique

que celui-ci puisse s’interpréter par les données archéologiques d'une langue qui

existeraient. En outre, comment décoder ce métalangage? La façon dont s’établit une

corrélation entre le signe et le contenu découle des décisions préalables ou ultérieures à la

production même du signe. Dans le cas du rituel funéraire romain, si nous acceptons

l’exemple des verres trouvés à l’intérieur d’une tombe, rien ne nous permet d’assurer que

les récipients déposés dans une sépulture soient ceux qui furent utilisés pour l’exécution de

libations rituelles. Cependant, le registre documentaire, les textes anciens classiques nous

permettent de savoir qu’il exista la coutume d’y déposer les verres utilisés dans ce but, et

de cette façon, les premiers archéologues qui fouillèrent des sépultures et qui connaissaient

leur contexte historique purent déduire qu’il devait s’agir des récipients avec lesquels on

avait réalisé des libations et ingestions rituelles, et qu’ils avaient été déposés à l’intérieur de

la tombe. On pourrait penser que ces mêmes récipients furent utilisés dans un autre but, et

notre interprétation habituelle serait peu adaptée.

Finalement ce qui domine est un critère d’économie interprétative. Si l’on se

trouvait face à une fouille d’une culture étrangère, de laquelle nous ignorerions tout du

contexte historique, nous serions en mesure de douter sérieusement de cette interprétation;

mais ce n’est pas le cas pour la culture romaine, dont les textes et la fouille de nécropoles

permettent d’affirmer sans trop de risques qu’il s’agit des restes de libations funéraires.

Cela aurait un autre sens d’affirmer, dans le cas d’une culture dont nous ignorons le

contexte historique, que l’anthropologie permet d’interpréter que les cultures qui déposent

des récipients pour aliments à l’intérieur des sépultures réalisent des sacrifices rituels au

Archéologie funéraire romaine, rituels et idéologie

-16-

moment des enterrements, mais ceci serait beaucoup moins certain et cela pourrait être la

tâche d’autres chercheurs que d’élucider l’opportunité de telles interprétations.

Je concluais que le rituel funéraire était un acte communicatif, dans le sens que J.

Habermas4 donne à l’expression, et que sa manifestation s’inscrivait dans le processus

d’apparition de la structure sociale familiale, en transformant les interactions

symboliquement transmises, propres aux anthropoïdes et aux premières communautés de

chasseurs-cueilleurs, par un système de normes sociales que présuppose le langage et les

gestes qu’il coordonne. L’interprétation des vestiges de la culture matérielle des sépultures

avait enfin, selon mon point de vue, un cadre théorique interprétatif.

Bien que je me sentes spécialement satisfait de cette réussite méthodologique et

de la réflexion sur les aspects épistémologiques et historiographiques, qui représentent ma

« tentative de « refondation» en matière d’histoire sociale à partir des données funéraires »,

je manifeste, cependant, ma divergence avec l’opinion de A. Ferdière dans son compte

rendu sur mon étude5 où il affirme que c’est dans ces aspects que réside l’intérêt principal.

Opinion que j’interprète plutôt comme une conséquence des distances que je prends dans

mon étude par rapport aux sujets scientifiques habituels qui occupent le chercheur dans le

nord de la France.

PRINCIPAUX RÉSULTATS

Voyons à grands traits certains des résultats dans l'application de cette méthode

sur les restes funéraires du Pays Valencien. D'abord je veux revendiquer les chapitres 4 et

5. Une étude à caractère systématique comme celle-ci a un effet évident sur l’état de la

connaissance du sujet dans la recherche de la région. L'inventaire dans un corpus critique

de toutes les nouvelles ou des références, anciennes et plus récentes, perdues ou

dispersées ; le répertoire d'images, plans, rapports de fouille, descriptions de matériaux

déposés dans des fonds de musées, études paléoanthropologiques, inscriptions

funéraires..., et de son homogénéisation dans un modèle de fiche descriptive commune est

une réalisation que possèdent très peu de régions de l'ancien Empire romain. C'est un

avantage de ce travail, qui le rendra, à en juger par les nombreux chercheurs qui y font

référence, incontournable pour longtemps et cité dans les recherches qui ont pour but la

connaissance des restes d'une certaine nécropole du Pays Valencien ou d'Espagne. De fait,

les sept années passées entre 1994 (date de la soutenance de la thèse,)et 2001 (date

d’édition de celle-ci) ont fait que J M. Abascal, membre du jury, affirme dans la présentation

4 (J. HABERMAS 1990 a ; 1990 b ; 1992) 5 (A. FERDIÈRE 2001 : 301)

Archéologie funéraire romaine, rituels et idéologie

-17-

publique du livre, qu’une bonne partie des hypothèses qui y étaient formulées trouvaient

leur confirmation dans certaines des fouilles de cimetières qui avaient été effectuées dans

ce laps de temps.

En outre, je soulignerai les réalisations relatives aux propositions sur l'organisation

romaine de l'ancien Pays Valencien, sujet que j'ai abordé pour la première fois au Congrès

d’Orléans « Monde des morts et monde des vivants en Gaule rurale (1993) » [titre 15: 129-

135]. Aujourd’hui on connaît beaucoup mieux le réseau de villes desquelles dépend la

distribution des nécropoles et la définition des territoria, grâce à la contribution des

méthodes de l'archéologie spatiale et la définition de la culture matérielle des nécropoles

selon la ville à laquelle elles étaient rattachées. La dispersion des cimetières par rapport

aux caractéristiques physiques et la structure routière de l’époque ancienne du territoire

apporta aussi des données importantes pour la formulation de modèles de fonctionnement

de l’ensemble des villes et l'aménagement de leurs territoires. La relation entre les lieux

d’enterrements et les habitats des vivants, que ce soit dans les villes ou dans les environs

des installations rurales, apporta aussi certains modèles explicatifs qui, en observant leur

évolution diachronique, permettaient d’interpréter les nécropoles par les différentes

relations spatiales, à l’intérieur ou à l’extérieur des villes, que gardèrent les différentes

sociétés par rapport à leurs morts. Modèle que j’approfondissais un peu plus tard dans le

congrès Archéologie du cimetière chrétien, qui s’est tenu à Tours en 19946 même si pour

prolonger l’analyse jusqu’à l’époque médiévale je du recourir à mon ami et collègue J.-V.

Lerma [titre 22: 136-144].

Une autre vertu que je revendique était la dimension temporelle et évolutive au

niveau diachronique que j’essayais de donner à l'étude et qui n’était que la conséquence de

quelque chose qui me manquait dans les lectures que je faisais sur le monde funéraire

romain, même si elle était présente, chez les auteurs qui analysaient la mort à des périodes

historiques plus récentes. Dans différents textes sur la mort à Rome je trouvais souvent des

affirmations contradictoires, même si elles étaient étayées par des données et des

arguments invoqués par leurs auteurs. Le problème résidait dans le fait qu’un auteur se

basait sur des textes ou des matériaux d’une période alors qu’un autre se basait sur des

références d’un autre moment historique.

Aussi je trouvais étranges les différentes perceptions des chercheurs du

phénomène funéraire le long de l’Empire qui, dans certains cas appréciaient les

homogénéités culturelles sous le vernis (puissant pendant un certain temps et dans

6 (H. GALINIÉ, E. ZADORA-RIO eds. 1996)

Archéologie funéraire romaine, rituels et idéologie

-18-

certaines provinces), dans d’autres cas, détectaient des idiosyncrasies indigénistes que l’on

pouvait entrevoir sous ce vernis à des moments et dans des lieux différents.

La vision de la diachronie, l’observation des ruptures et des évolutions, des

changements et de leur emplacement à un moment ou un autre, ainsi qu’un effort constant

pour situer la région objet d’étude dans le vaste contexte du monde romain, me permirent

de rompre avec ces tendances et surtout avec les visions historiques « anthropologisées »,

si l’on me permet l’expression, où le « sédentarisme » domine, et laisse place tout au long

des siècles à peu de transformation, pour ne pas dire à aucune. Le meilleur exemple de

ceci dans « Histoire des Mentalités » était l’oeuvre de Philipe Ariès, L'Homme devant la

mort. Aspect qui ne passa pas inaperçu à J. P. Vallat7, qui sut voir les aspects spatio-

temporels de l’étude.

Le résultat se matérialisait donc, en un Pays Valencien singulier par rapport à

d’autres régions de l’Empire, précisément comme conséquence des précoces contacts

méditerranéens depuis son passé indigène, pendant les colonisations (hypogées,

monuments turriformes...) ou avec un passage précoce de l’incinération à l’inhumation,

pauvre quant à la quantité de mobilier dans les dépôts funéraires.

En suivant cette méthode je pus différencier trois grandes périodes qui reflétaient

l’évolution de l’attitude face à la mort et son expression matérielle dans les tombes. La

république tardive et l’expansion impériale de Rome dans la région était et continue d’être la

période de laquelle nous avons le moins de données sur la région qui nous occupe, bien

que certaines découvertes dans la ville de Valence, ultérieures à ma recherche, semblent

éclaircir certains silences dans le registre archéologique, au moins en ce qui touche aux

aspects funéraires d’une colonie romaine créée ex nihilo.

Dans la culture matérielle de ces sépultures nous trouvons une grande profusion

de mobilier correspondant à tous les moments du rituel funéraire, preuve d’un dépôt

matériel objectif, et chaque objet est l’expression d’une étape du rituel : onguentaires pour

l’onction des corps, verres, assiettes ou vases pour les offrandes d’aliments...

En ce qui concerne les sépultures, elles sont le reflet des groupes sociaux et de

leurs manifestations symboliques. Les monuments funéraires d’origine italique et à

précédents héléniques rendent évidente l’héroïsation du défunt dans le style grec. Les

sépultures des humbles consistent en des incinérations qui font penser aux incinérations

grecques dont nous pouvons voir des exemples dans l'Enéide (dans les rituels de Polidore

ou d'Anchise). Cependant, l’humilité de ces sépultures n’empêche pas qu’il y ait la même

7 (J. P. VALLAT 2001, rapport inedit)

Archéologie funéraire romaine, rituels et idéologie

-19-

profusion d’objets et d’offrandes que dans les plus riches, même si la nature des objets

déposés dans celles-ci est plus simple.

Nous trouvons peu de persistances de la culture matérielle ibérique, toujours en

relation aux urnes que contiennent les incinérations, même si les offrandes se réalisent

avec des matériaux importés. Seul un monument funéraire comme celui de Horta Major,

décoré de reliefs sculptés, est un clair exemple d’une société ibérique de haut rang qui

adopte d’autres formes d’expression.

La dispersion des cimetières de l’époque se trouve intimement liée aux villes, où se

déclencha le processus de romanisation, avec une faible population rurale. Les cimetières

se trouvent sur les voies d’accès aux villes en exposant et arborant les stratifications

sociales décrites.

Je la mets cette culture matérielle en relation avec les processus plus généraux de

l’Empire naissant. D’un côté nous trouvons une société en expansion qui prétend et qui

réussira par la suite à conquérir de vastes territoires en exportant le mode de production

esclavagiste, à travers la colonisation agricole et l’expansion de sa culture. Les classes

sociales colonisatrices sont composées de soldats, paysans libres prolétarisés et des

artisans, et de classes intermédiaires développées au sein d’une société mercantiliste de

rapide bénéfice. L’exploitation de la terre se base sur l’esclavage avec peu de mécanismes

de fixation sur la propriété, ce pourquoi l’esclave est déplacé à n’importe quel moment et

n’importe quel lieu.

À ce moment-là, la religion était celle de la Rome ancienne, à laquelle s’ajoute le

panthéon hellénique comme conséquence de l’influence grecque du moment. La religion

officielle est aussi traditionnelle que possible, faisant ressortir les points de connexion avec

l’hellénique. Dans le domaine de la philosophie ce sont les écoles traditionnelles grecques

comme le stoïcisme et le néoplatonisme qui ont une plus grande présence. Ces courants

défendent un matérialisme et un panthéisme en accord avec la société civile, ainsi qu’un

grand scepticisme quant à l’immortalité de l’âme.

Pendant la consolidation impériale jusqu’à la moitié du IIIè siècle apr. J.-C.,

l’extension coloniale atteint sa plus grande expansion, donnant lieu à la création d’un ordo

decurionum provincial et à une grande plèbe liée au développement et à l’attraction

qu’exercent les villes. L’exploitation de la propriété agricole continue d’être le système

esclavagiste, alors que surgissent en son sein les premiers embryons de mécanismes de

fixation à la terre.

Les sépultures de l’époque reflètent à grands traits la pratique des mêmes rituels et

la même disposition verticale des restes funéraires qu’au cours de la période antérieure

Archéologie funéraire romaine, rituels et idéologie

-20-

mais avec une réduction sensible des objets déposés dans celles-ci. L’inhumation surgit de

façon précoce par rapport à d’autres régions de l’Empire et l’on voit augmenter le nombre

des sépultures sans mobilier.

Les monuments funéraires des classes supérieures se trouvent le long des voies

d’accès aux villes et aussi dans la campagne, partageant ainsi l’origine des styles

architecturaux de la péninsule italique (« templiformes »), des provinces orientales

(hypogées) et de celles du nord de l’Afrique (monuments turriformes). Ces monuments

comme les antérieurs sont individuels et non transférables et ont aussi la fonction d’héroïser

le défunt. Avec ces modèles architecturaux, et les premières inhumations, surgissent les

premiers sarcophages importés d’ateliers romains et faits de marbre. Les sépultures des

plus humbles sont faites de façon prédominante avec des tuiles, présentes depuis les

incinérations tardives, l’inhumation organique en contact direct avec la terre se faisant plus

usuelle.

Les cimetières urbains reflètent la stratification sociale horizontale dans l’espace

qui entoure la ville. Les voies bordées de tombes persistent, où l’on enterre les notables de

la ville et leur clientèle, alors que dans les zones plus périphériques on trouve de grands

cimetières de tegulae.

La campagne connaît sa plus forte exploitation et assiste à la multiplication de

petits cimetières, sans organisation interne apparente, quelquefois dominés par des

monuments funéraires importants. Au cours de cette période il est fréquent de rencontrer

différents cimetières avec les caractéristiques de ceux des périodes précédentes ou

l'annonce des suivantes, propres aux siècles ultérieurs. Dans certains d’entre eux nous

trouvons une profusion de mobilier, alors que dans d’autres, contemporains, celui-ci est

inexistant, ce qui semble indiquer une progressive subjectivisation du rituel et une

abstraction idéologique, rendant ainsi inutile le dépôt d’objets qui expriment la réalisation de

certains rituels.

Au cours de cette période, la religion est principalement hellénistique mais tournée

vers les cultes grecs orientaux, alors que les cultes orientaux et à mystères émergent en

parallèle, laissant place à une religion plus intimiste et domestique et aux religions du Salut.

La philosophie de l’époque trouve son expression dans les derniers souffles du stoïcisme

dont les représentants les plus importants sont Sénèque ou le propre empereur Marc

Aurèle. Surgit ainsi une philosophie qui envisage la dualité ontogénique de l’âme et du

corps, celle-là étant immortelle, et donc une idéologie de résignation qui unit la liberté

intérieure avec le conformisme politique. Nous ne devons pas oublier que l’un des

représentants de cette école philosophique était l’empereur lui-même.

Archéologie funéraire romaine, rituels et idéologie

-21-

Pendant le Bas-Empire, on assiste à l’écroulement des limites de l’Empire et à la

faiblesse du pouvoir central. Les classes inférieures s’homogénéisent avec l’apparition du

colonat et des autres formes de fixation à la terre entre la moitié du Ive siècle et le début du

Vè, et en conséquence, les processus de promotion sociale se bloquent.

Les sépultures de ces temps-là représentent la transition définitive entre la

profusion d’objets des périodes précédentes et l’absence presque totale de ceux-ci de la

suivante. Parallèlement à la disparition des ampoules ou ongüentaires, on assiste à une

augmentation inversement proportionnelle des objets de décoration personnelle et des

compléments vestimentaires, déposés dans leur emplacement fonctionnel habituel, ce qui

témoigne de l’enterrement de cadavres habillés et ornés de leurs bijoux. D’un autre côté, les

offrandes alimentaires disparaissent également et laissent place à des récipients à liquides.

Les structures funéraires les plus riches sont presque exclusivement représentées

par le panthéon familial collectif. Face à la verticalité des sépultures antérieures prédomine

l’horizontalité ; l’individualisme se transforme en sépulture familiale, la structure fermée

s’ouvre, créant un bâtiment fréquenté et aménagé pour la visite. Leur caractère familial

montre que l’individu préfère appartenir à un groupe que de se distinguer individuellement.

Sont aussi fréquents, à ce moment-là, les premiers sarcophages paléochrétiens décorés et

importés ainsi que d’autres plus simples, probablement d’origine locale, taillés dans la

pierre et dépourvus de décoration. Les sépultures les plus humbles sont encore faites dans

certains cas en tegulae, bien que l’inhumation organique augmente et que surgissent les

structures en pierre en forme de ciste.

Les cimetières de cette époque ne se trouvent plus sur les voies qui conduisent

aux villes, mais incorporent leur centre névralgique : le siège épiscopal ou autour des

premières basiliques. Dans la campagne, les cimetières grandissent et ont tendance à

s’organiser intérieurement, et parfois ils sont munis d’une fermeture périphérique.

Au cours de cette période nous assistons à la prédominance des cultes orientaux

et à la reconnaissance et à l’officialisation du christianisme, qui ont comme dénominateur

commun le Salut. La philosophie de l’époque se centre sur les écoles néoplatoniciennes et

néopythagoriciennes qui fondent leur ontogénie sur la dualité du corps et de l’âme et

l’immortalité de celle-ci, même si pour cela serait nécessaire une attitude morale et éthique

canalisée socialement.

La société de l’Antiquité tardive est composée de superstructures changeantes, la

monarchie visigothique ou la byzantine, superposées à la grande masse d’hispano-romains

qui constituait la plus grande partie de la population. L’union de la gens ancienne et la

parenté germanique à donné lieu à une aristocratie de service inscrite dans une structure

Archéologie funéraire romaine, rituels et idéologie

-22-

de lien de parenté avec des liens familiaux étroits. L’exploitation de la terre se fait avec une

population paysanne de plus en plus assujettie à la campagne.

La religion et la philosophie représentent l’aboutissement du processus antérieur,

le christianisme va finir par s’identifier complètement avec la romanitas et le néoplatonisme

va se maintenir.

Les cimetières et sépultures de cette période confirment cette évolution de la fin de

l’Antiquité. D’un côté, le rite funéraire se subjectivise complètement. Malgré la persistance

de certains rites de l’Antiquité comme les banquets funéraires, l’absence à l’intérieur des

sépultures des objets qui les identifieraient confirme cette subjectivation définitive.

Les panthéons familiaux disparaissent, étant substitués par l’Eglise ou les

basiliques dans les inhumations privilégiées, mais il surgit un type nouveau de sépulture

collective et familiale qui est caractéristique de ce moment: les chambres creusées de

typologie diverse. Les sépultures les plus humbles sont formées par des fosses creusées

dans la roche ou dans la terre et par les couvertures faites de pierre en forme de dalles ou

de lauzes. Avec celles-ci, on trouve quelques pseudo sarcophages formés par des

matériaux architecturaux réutilisés…

La topographie des cimetières se consolide dans le coeur des villes jusqu’au

XVIIème siècle, même si paradoxalement, dans le milieu rural, ceux-ci s’éloignent des

habitats, quelquefois construits sur des petites hauteurs, et ils grandissent en augmentant le

nombre de sépultures et en rationalisant les areae funéraires; caractéristiques qui sont en

rapport avec la croissante fixation au sol des paysans et l’existence de cimetières communs

à plusieurs exploitations, unies par une seule propriété juridique.

CONCLUSION

L’analyse archéologique se révèle adéquate pour approfondir l’étude des

superstructures idéologiques, atteignant ainsi ledit « troisième niveau », à condition que ce

soit en adoptant une attitude critique et positive d’interprétation et assistée par d’autres

disciplines.

La période analysée se situe au moment où les idéologies dominantes deviennent

–dans l’occident judéo-chrétien- subjectives à travers les principes religieux et moraux. Les

classes sociales inférieures deviennent leurs propres « chefs » moraux, le sujet lui-même

s’imposant les limites de sa mobilité physique et sociale; c’est le triomphe de l’Église et de

la religion; les restrictions constantes du gaspillage funéraire que l’on voit depuis l’époque

grecque ne seront effectives que quand ce seront les sujets eux-mêmes qui s’auto-

imposeront ce contrôle. Que reste-t-il de tout cela bien des siècles plus tard ?

Archéologie funéraire romaine, rituels et idéologie

-23-

D’un point de vue méthodologique, j’ai encore confiance dans le fait d’avoir

contribué à cette « refondation » de la discipline en matière d’histoire sociale à partir des

données funéraires. Et j’admets un certain décalage entre la partie méthodologique et son

application pratique sur les sépultures du Pays Valencien, dû, fondamentalement au fait

qu’il s’agit d’un corpus élaboré sur des informations anciennes. J’estime nécessaire la

multiplication des recherches monographiques de cimetières en appliquant les méthodes et

connaissances de cette partie théorique dans la fouille d’une nécropole, pour rectifier le

modèle à sa juste mesure. Je pense particulièrement aux analyses de stratification verticale

des mobiliers dans les sépultures, à la dispersion horizontale de ceux-ci par rapport aux

cadavres, ou à des études d’organisation interne des nécropoles à partir des données

révélées par des informations d’anciennes fouilles. L’application de la méthode à de

nouvelles fouilles devrait permettre d’identifier de nouveaux vestiges de culture matérielle:

paléosols fréquentés pour les rituels, diagrammes polliniques pour l’intérieur de la sépulture

qui identifieraient des dépositions de fleurs, identification des limites des cimetières ou des

voies d’organisation interne, comme c’est arrivé dans certains cas postérieurs à ma

recherche.

Quant aux conclusions de l’étude, il ne s’agissait pas de prétendre que

l’archéologie funéraire est une clef essentielle pour aborder la connaissance des sociétés

du passé dans le détail de leur organisation et fonctionnement. Au contraire. Le «seul» but

de la démarche était d’atteindre ce « troisième niveau » , c’est à dire, l'idéologie et les

pratiques rituelles que l’on peut déduire des restes matériaux des sépultures, qui se

voyaient reflétées à grands traits dans la connaissance que nous avons de la société et de

l’économie de l’ Antiquité.

Mais il est évident, sous toutes les perspectives, qu’il manque à ce « troisième

niveau » un premier, celui des grands traits de l’évolution sociale et économique de

l’Empire, mais à niveau régional. Dans ce sens, je voudrais reporter les paroles que

prononça M. Vovelle lors d’une conférence magistrale qu’il donna à l’Université de Valence,

alors que j’étais encore étudiant ; c’était peu de temps après la publication de La Mort et

l'Occident, de 1300 à nos jours, sur l’étude de l’idéologie. Vingt ans après perdure en moi le

souvenir de la réponse qu’il apporta à mon professeur d’histoire contemporaine quand celui-

ci lui demanda si l’on pouvait concevoir une étude des structures idéologiques sans avoir de

bonnes connaissances des infrastructures. Il répondit qu’il n’y avait pas de raccourcis. Ce

qui était logique, d’un point de vue basé sur le matérialisme historique. C’est pour cela que

dans mon travail, mon obsession à tout moment fut de pouvoir donner des références à mes

observations dans le vaste contexte de l’ensemble du monde romain qui me permettait de

comprendre ce que mes sépultures reflétaient au niveau régional, en établissant les règles

générales et les exceptions au modèle global. C’étaient les avantages inhérents au fait

Archéologie funéraire romaine, rituels et idéologie

-24-

d’aborder une étude des superstructures idéologiques d’un Empire. En toute certitude, les

résultats seraient beaucoup plus intéressants, nuançables et réfutables si l’on connaissait

mieux les différences économiques et sociales qui caractérisaient le territoire du Pays

Valencien pendant l’Antiquité.

Ainsi, les variations régionales observées dans le registre archéologique des

sépultures trouveraient- elles leur relation avec les différentes stratégies régionales de

chaque zone, avec les élites qui dirigeaient ces processus, avec la population indigène qui

se voyait définitivement intégrée dans une économie régionale du bassin méditerranéen ou

avec la plus ou moins grande perméabilité aux influences externes d’une région à une

autre. Ma recherche était fondamentalement un essai pour identifier l'idéologique

matérialisée dans les restes des sépultures fouillées. Un véritable essai pour systématiser

l’information archéologique disponible et susceptible de l’être pour voir, à travers les objets,

l’évolution idéologique.

Il me semble nécessaire, donc, pour suivre une ligne de recherche de ces

caractéristiques, de multiplier les études régionales comme celle que je fis, et d’approfondir

des études micro-régionales bien concrètes: un territoire d’une ville, une division

administrative ancienne..., pour ainsi pouvoir vérifier si l’évolution idéologique générale est

en relation ou non avec les changements économiques et sociaux de ces micro-régions.

MONDE RURAL ROMAIN A TRAVERS LES NÉCROPOLES

Les sépultures et cimetières ruraux sont liés à des habitats ou agglomérations:

villae, vici..., et ceux-ci, à leur tour, aux villes, capitales administratives, économiques,

politiques et religieuses d’un territoire, dans lequel s’intègrent les établissements ruraux. Il

me sembla indispensable d’aborder les aspects de l’organisation et de la distribution du

territoire dans la zone d'étude.

Les villes de l’époque romaine reconnues sur le territoire actuel du Pays Valencien

représentent un total de neuf ou dix concentrations urbaines. La comparaison entre la carte

de dispersion des principales villes de cette époque et la carte du relief du Pays Valencien

met en évidence que toutes se trouvent (mis à part Lesera) dans l’étroite plaine côtière ou

dans la limite entre celle-ci et les premières hauteurs, toujours à moins de 200 m au-dessus

du niveau de la mer et où se développent les sols colluviaux et alluviaux.

Un autre aspect qui attire l’attention est la présence de sites jalonnant les voies de

communication romaines qui ont pu être identifiées jusqu’à présent. La voie principale qui

traverse le Pays Valencien du Sud jusqu’au Nord est la Voie Augustéenne, ancienne voie

Heraklea, d’importance indiscutable dans le processus de romanisation du Pays Valencien.

Il s’agit de la voie naturelle de pénétration qui fut utilisée par l’armée de Scipion lors de son

Archéologie funéraire romaine, rituels et idéologie

-25-

itinéraire depuis Ampurias jusqu’à Carthagène pendant la seconde Guerre Punique. Il ne

paraît pas nécessaire d’insister sur l’importance que revêt la proximité d’une voie de

communication pour des établissements ruraux, qui permet d’expédier les excédents

agricoles. Pour Columelle8 la proximité d’un bon chemin se justifiait non seulement pour que

l'absence du patron absentéiste soit la moins habituelle possible, mais aussi pour favoriser

l’approvisionnement en articles non produits dans la ville ou pour faciliter le départ des

produits de la terre ; même si par la suite, le même auteur déconseille la proximité

immédiate des chaussées principales car la fréquence de passage des passants peut nuire

aux biens agricoles. La simple observation de la distance à laquelle se trouvent les

établissements ruraux par rapport aux chaussées permet de distinguer clairement que 63 %

de ceux-ci se trouvent dans les 5 premiers kilomètres de part et d’autre de la chaussée,

alors que 24 % du total se trouvent dans le premier kilomètre le plus proche de la voie. Une

fois les données placées sur une courbe on apprécie une corrélation régressive, c’est à dire

que plus la séparation de la chaussée est grande, plus les sites archéologiques se font

rares.

0

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15

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25

30

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9 km

10 k

m

11 k

m

12 k

m

13 k

m

14 k

m

15 k

m

16 k

m

17 k

m

18 k

m

19 k

m

20 k

m

Yacimientos

D’un autre côté, on trouve une série d’exceptions à cette norme générale: deux

pics se trouvent entre 1, 5 et 10 km de distance, ce qui peut être identifié comme distances

préférées pour l’implantation d’établissements ruraux. Si on transfère les mesures du

système métrique décimal à celui des longitudes romain, ces concentrations se situeraient

grosso modo autour d’une demi-mille (739,25 m), 3,5 milles (5.174,75 m) et, finalement, 7

milles (10.349,5 m). En résumé, les chaussées semblent avoir joué un rôle non négligeable

dans la distribution des assises d’exploitation agricole avec des distances préférentielles

bien définies.

8 De re rustica, 1, 4.

Archéologie funéraire romaine, rituels et idéologie

-26-

J’accordais aussi de l’importance à la fonction qu’ont les voies de communication

dans l’emplacement des nécropoles. Approximativement 31% des cas analysés se

trouvaient situés à l’écart d’un chemin actuel ou d’une voie ancienne détectée, ce que je

pus mettre en relation avec l’importance qu’accordèrent les agronomes latins à l’utilisation

des monuments funéraires comme points de référence pour la détermination de limites9,

dans les questions de litiges sur des problèmes de propriété de la terre. C’est à dire, devant

l’absence de cippi gromatici, un mausolée pouvait servir à élucider si une limite avait été

déplacée de sa position antérieure, en fonction de sa pérennité et recevant quelquefois la

catégorie de ratio limitus, de ratio finium, ou fides publica. A ce sujet nous devons aussi

mettre en relation ce qui est explicite dans certains passages du Liber Coloniarum sur le

caractère de garant de la propriété de la terre où sont établies les sépultures des ancêtres.

Précisément l’un des exemples pris dans les miniatures du manuscrit Arcerianus est celui

de la présence de deux mausolées limitant une voie pavée [titre 44: fig. 23].

En considérant la différenciation chronologique et fonctionnelle de la dispersion de

ces assises, on découvre que ce sont les mausolées et les cimetières du Haut-Empire qui

montrent une plus grande proximité par rapport aux chaussées. On peut en déduire que les

établissements du Haut-Empire ont besoin des voies pour la canalisation des produits

élaborés dans l’exploitation agricole, tandis que la progressive ruralisation du Bas-Empire

va relativiser ce besoin de commercialisation d’excédents. La cellule de production de la

première époque de l’Empire existe en fonction de la ville, produisant des monocultures

intensives; en revanche les établissements plus tardifs sont des unités de production

diversifiées qui rendent possibles des échanges avec d’autres cellules, ou avec la ville,

mais dont l’ultime objectif n’est pas l’accumulation d’excédents commercialisés en grandes

quantités pour les classes commerciales urbaines. L’analyse réalisée par P. P. Ripollés sur

l’utilisation de la monnaie sur la Voie Augustéenne met l’accent sur une autre raison,

l’insécurité, pour expliquer l’abandon d’établissements qui jalonnent la voie depuis la crise

de ca. 238 apr. J.-C. Autrement dit, les voies qui, dans un premier temps, servent de voies

de pénétration de la romanisation et des innovations représenteront10, à partir du IIIè siècle

apr. J.-C., un problème lorsque l’on se trouve dans leur entourage.

La dispersion des cimetières du haut et du bas Empire ou de l'Antiquité tardive va

dans ce même sens. La carte de dispersion des premiers semble indiquer un habitat

dispersé, avec peu de groupements, alors qu’à l’époque tardive les cimetières présentent

de plus grandes concentrations, presque toujours deux, voire allant jusqu’à six dans

9 (De sepulchris, Liber Coloniarum, La. 271-272) 10 (P. P. RIPOLLES 1999 : 264-267)

Archéologie funéraire romaine, rituels et idéologie

-27-

certains cas. On peut donc observer un renforcement des groupes locaux qui ne peuvent

pas tout à fait recevoir le nom de village groupé à caractère pseudo-urbain, mais on peut

parler d’une tendance à la concentration et à l’existence d’établissements groupées ou de

constellations rurales d’établissements.

Une fois définis ces facteurs de localisation rurale, par ailleurs assez élémentaires,

il fallait nécessairement se demander quelle était la ville à laquelle ils appartenaient. Sauf

exception, les territoires des villes du Pays Valencien n’avaient pas été objets d’étude ou,

du moins, aucune d’approche globale n’avait été proposée ; je décidais donc que la

meilleure option était de proposer un modèle de territoires à partir des polygones de

Thiessen.

Partant de ces présupposés, il était possible d’obtenir une liste de distances entre

les sites étudiés et la grande ville la plus proche, à l’intérieur du polygone défini pour

chaque ville. Leur disposition sur un axe de coordonnées me permit d’observer une

régression comprise entre 1 et 72 km, qui tendait à la rarification d’établissements à mesure

que nous nous éloignions de la ville. L’absence presque totale d’assises à partir de la

distance de 60 km permettait de définir une distance limite qu’aucune ville ne dépasserait et

de déduire l’intensité d’exploitation du territoire autour du lieu central, en marquant les

limites d’espaces là où l’on observait des vides (2,5 ; 5 ; 12 ; 21,5 ; 40 et 48,5 km), donnant

lieu à une division du territoire en secteurs approximativement équidistants. Une fois ces

segments internes tracés on pouvait conclure, en fonction de la quantité de sites et de la

distance par rapport au centre urbain, la structuration productive et le pourcentage du

territoire qu’il représente par rapport au total. Une fois faites les corrections nécessaires on

pouvait distinguer les différentes aires qui configureraient un modèle théorique, comme

nous commençâmes à le faire en 1993 au Congrès d’Orléans Monde des morts et monde

des vivants..., [titre 15: 134-135] et que je pus développer plus tard dans la thèse [titre 44:

126-128].

Archéologie funéraire romaine, rituels et idéologie

-28-

0102030405060708090

100

Yacimientos % Territorio %

Área marginalÁrea rural 2Área rural 1Área suburbanaÁrea periurbana

%

Aire péri-urbaine, qui représente le 0,2 % et se trouve à 1-2 km de distance par

rapport au centre. Elle se trouve aux abords de la ville, ce pourquoi nous pourrions l’appeler

aussi « aire extra muros ». C’est la localisation par excellence des nécropoles urbaines.

Aire sous-urbaine, qui représente 0,6 % du territoire et se trouve à 2,5-5 km de

distance par rapport au centre de la ville. C’est un secteur de différenciation difficile par

rapport à l’antérieur car il englobe une série de nécropoles qui ne doivent pas être

confondues avec les urbaines proprement dites et qui se développent sous l’influence de la

ville.

Aire rurale 1, elle occupe 3,2 % du territoire et se trouve comprise entre 5 et 12 km

de distance par rapport au centre de la ville. Dans ce petit secteur s’accumule 22 % du total

des assises ce qui indique l’intérêt qu’elle a pour l’activité rurale, assurant l’exploitation

agricole intensive visant à la production d’excédents.

Aire rurale 2, avec une portion de 61,5 % du territoire et située entre 12 et 48 km

de distance par rapport au centre de la ville. Elle comprend 64,4 % des assises dans un

territoire qui représente 61,5 % du total, ce qui représente une distribution peu

préférentielle. Son exploitation se situerait dans les paramètres d’une agriculture extensive,

extraction de matières premières pour la construction, activités complémentaires, ou

pâturage…

Aire marginale, avec 34,7 % du territoire et entre 48 et 60 km de distance par

rapport au centre de la ville. C’est la moins intéressante du point de vue de l’exploitation

économique, pouvant être assimilé au secteur 3. La présence de 2 % des assises dans le

tiers du territoire (34,7 %) démontre qu’il s’agit de territoires de faible productivité pour des

raisons de hauteur excessive ou d’insuffisante valeur agrologique des sols.

Archéologie funéraire romaine, rituels et idéologie

-29-

Il fut intéressant de constater que la plupart des cimetières du Haut Empire

comptabilisés se situaient préférentiellement dans le secteur 2, alors que ceux du Bas

Empire et de l’Antiquité tardive, l’étaient spécialement dans les secteurs 3 et 4. Aspect qui

nous permet de confirmer les appréciations sur l’installation différentielle autour des

chaussées; pendant le Bas Empire et l’Antiquité tardive, les installations agricoles ne se

trouvent pas aussi près des centres de redistribution et des voies de communication comme

cela arrive au cours des époques précédentes.

D’un autre côté, la taille des cimetières ruraux me permit de distinguer ceux du

Haut-Empire du reste. Les nécropoles de cette époque étaient de simples accumulations de

sépultures, avec un faible nombre d’enterrements alors que généralement sont fréquentes

les petites concentrations qui n’excédent pas les 5 ou 6 tombes, et même il n’est pas rare

de noter l’apparition d’une ou deux sépultures isolées dans la campagne. Pendant le Bas

Empire et l’Antiquité tardive, nous trouvons, avec la prédominance de petits et moyens

groupes de sépultures comme à l’époque précédente, la présence de grands cimetières,

inédits jusqu’à ces dates-là, et qui se trouvent au dessus du nombre maximum de

sépultures du Haut-Empire : entre 30 et 150 sépultures. Circonstance que je mis en relation

avec les différentes formes d’exploitation. D’un côté la famille vilicana aura tendance à

créer des cimetières petits et ouverts, avec un certain aspect « provisoire »; alors que la

famille coloniale aura d’autres cimetières plus grands et fermés. Non en vain, les structures

organisatrices incontestables des cimetières ne peuvent être associées qu’aux nécropoles

les plus grandes, et donc tardives, du Pays Valencien. Mais nous ne devons pas sous-

estimer la possibilité d’un réseau de peuplement différent. Il a pu exister des cimetières

communs à un ou plusieurs établissements ruraux, symptôme d’un réseau de peuplement

qui serait caractérisé par une concentration différente de la propriété de la terre sur un

unique propriétaire mais avec différents colons travaillant pour lui, créant, en conséquence,

des liens particuliers de solidarité qui mettraient en relief l’existence de cimetières

communs. Ce fait a aussi été constaté en Gaule, où l’on répertoria des cimetières collectifs

qui furent interprétés comme appartenants à différents habitats ruraux11.

AGGLOMERATIONS SECONDAIRES

Contrairement à l’intérieur, la zone côtière de la Péninsule Ibérique est pauvre en

agglomérations secondaires. De l’extrapolation du village ancien sur la base des lieux

d’enterrement méritait d’être soulignée l’absence absolue de grands cimetières qui

témoignassent de l’existence d’agglomérations urbaines secondaires ou habitats groupés de

type vicus. Les uniques exceptions pourraient être constituées par certaines concentrations

11 (A. FERDIERE 1988 : 249-272)

Archéologie funéraire romaine, rituels et idéologie

-30-

d’inscriptions funéraires dans les régions intérieures des villes, ou de villes sans relation

directe avec la côte: les zones de Villar del Arzobispo dans l’intérieur du territoire de la ville

de Edeta et de Jérica ou Viver, Segorbe, appartenant à Saguntum, ou El Monastil, à Elda,

dans l’intérieur de la ville d'Ilici, même si dans ce cas la constatation de cette agglomération

n’est pas due à l’épigraphie mais à l’existence de structures urbaines fouillées ces

dernières années. Finalement quelques concentrations mineures de type portuaire comme

le Portus Ilicitanus, dans l’actuelle Santa Pola, ou le Portum Sucrone12 que j’ai contribué à

identifier avec les restes qui, depuis l’époque des colonisations jusqu’au VIè siècle apr. J.-

C., se trouvent dans l’actuelle Cullera [titre 8: 60-84].

De toutes ces agglomérations urbaines, celle pour laquelle il a été fait le plus de

progrès est dans l’étude de El Monastil, qui peut s’identifier avec la Elo du Synodus

Gundemari, de l’année 61013, auquel assiste l’évêque Sanabilis ; site où ont été réalisées

des fouilles systématiques. Ces recherches mettent en évidence un ancien oppidum

ibérique avec un hiatus entre les IIè et IIIè siècles de notre ère et qui a pu être une civitas

contributa d’Ilici. A partir des IVè et Vè siècles apr. J.-C. ; elle fait l’objet d’une revitalisation

édilitaire avec un urbanisme structuré et la présence d’une nécropole avec des monuments

funéraires tardifs, son activité se prolongeant jusqu’après le début de l’époque islamique.

Même si l’on a moins progressé dans la connaissance de la zone de El Alto

Palancia: Jérica (28 inscriptions), Caudiel (5 inscriptions), Viver (13 inscriptions), et

Segorbe (3 inscriptions) où l’on a pu identifier jusqu’à 4 emplacements possibles

d’agglomérations secondaires, identifiées initialement par l’abondance d’inscriptions

épigraphiques qui furent inclues dans le territoire de l’ancienne Edeta14, celui de Sagonte

ou, même, dans celui d'une ville de l’actuelle zone d’Aragon. La présence d’une inscription

venant du sous-sol de Jérica (CIL II 3997), dans laquelle il est dit que Quintia Proba fit

ériger sur son pécule un arc avec des statues d’une valeur de 40 000 sesterces en son

honneur et de celui de Porcio Rufo et de Porcio Rufino, ainsi qu’un relief funéraire en

provenance d’un atelier lapidaire située dans la zone15 ; ou l’inscription (CIL II 4009) qui

démontre l’emplacement de statues par P. Domitio Sabino et de Fabiae Atticae, sont des

éléments qui permettent de comparer ce phénomène avec celui observé par J.-L. Fiches

dans le territoire de Nîmes, où les restes funéraires traduisaient l’émergence d’une classe

12 Strabon, Chr. 3, 4,6: !"#$%&'"(; Plinio, Nat. His. 3, 3, 20: Sucro fluvius et quondam oppidum; Ravennate, 304, 7: Portum. Sucrune. 13 (E. LLOBREGAT 1977 : 94-97) 14 (F. BELTRÁN 1980) 15 (F. ARASA 1998)

Archéologie funéraire romaine, rituels et idéologie

-31-

de paysans dépendants et d’une élite indigène qui préféraient se faire enterrer dans le

territoire agricole, grâce aux agglomérations secondaires qui, pour la plupart, étaient

d’origine indigène16.

En tout cas, tout semble indiquer que l’on pourrait trouver ces agglomérations

secondaires sur des hauteurs voisines des agglomérations actuelles, où l’on trouve des

anciens oppida ibériques qui ont en commun leur origine indigène et dont ces origines

remontent fréquemment jusqu’à l’âge du Bronze, et qui perdurèrent jusqu’à l’époque du

Haut-Empire, même si l’absence de fouilles systématiques empêche une quelconque

affirmation catégorique17.

En définitive, les deux cas les mieux connus ont des points communs qu’il vaut la

peine de souligner. D’un côté, avec les données dont nous disposons les exemples de la

haute vallée du fleuve Palancia montrent une continuité depuis les établissements indigènes

et semblent s’arrêter à la fin du Ier siècle apr. J.-C. ou au début du IIè et même disparaître,

pendant le Haut-Empire, pour que certains s’en occupent de nouveau et de façon

asynchronique à partir du IIIè siècle apr. J.-C., en coïncidant avec l’abandon de beaucoup

d’établissements dans la plaine au Haut-Empire. À El Monastil, l'établissement ibérique se

perpétue jusqu’aux IIè-IIIè siècles et renaît à partir du IV siècle apr. J.-C., devenant un

centre « urbain » ce qui finit par lui conférer le sixième siège épiscopal du Pays Valencien,

même s’il disparut en tant que tel une vingtaine d’années plus tard. Les deux exemples ne

semblent pas dépasser la continuité de l’habitat au-delà du IIè siècle apr. J.-C. ou, en tout

cas, les manifestations matérielles de cette survie seraient moins perceptibles dans le

registre archéologique, pour se retrouver jusque dans les premiers temps de l’installation

de l’Islam dans ces terres. La « distorsion » qu’introduit dans les formes de gestion de

l’espace le modèle colonisateur romain est une exception, une anomalie, sur la longue

durée.

16 (J. L. FICHES 1993 : 339) 17 (F. BELTRÁN 1980 : 354-356; R. JÁRREGA 2000 : 241, 256-261)

RECHERCHES SUR LE MONDE INDIGÈNE PUNIQUE ET ROMANISATION À EBUSUS

PREMISSES

Au cours du temps, il semble logique qu’étant étudiant d’archéologie vers le milieu

des années 1980, mes premières études aient porté sur la classification des formes

céramiques et les possibilités que ces taxonomies offraient à l’heure de situer dans le temps

les sites archéologiques ou les strates dévoilés par la fouille. C’était le moment de la

publication des deux volumes du Atlante delle forme ceramiche I et II (1981, 1985), les deux

de la Céramique campanienne de J.-P. Morel (1981), ou du Late Roman Amphorae in the

Western Mediterranean de S.-J. Keay (1984), œuvres qui atteignaient une grande précision

dans la datation des formes céramiques stéréotypées et dans la définition de ses origines

de provenance comme conséquence finale d’un processus d’un demi-siècle de pratique

archéologique scientifique dans laquelle les trouvailles les plus nombreuses étaient les

énormes quantités de fragments de céramique. C'était également la décennie qui a connu

l’organisation des grands colloques sur The seaborne commerce of ancient Rome (1980) ;

sur la Producción y comercio del aceite en la antigüedad (1980 et 1984) ; sur les Anfore

romane e storia economica du colloque de Sienne (1986) ; le colloque de Naples sur Le

Ravitaillement en blé de Rome (1991); et, finalement, celui de La production du vin et de

l'huile en Méditerranée édité par l’École Française d'Athènes. Tous ont eu d’importantes

conséquences sur la production scientifique postérieure18.

Simultanément dans certains milieux d’étudiants et archéologues de l’époque, ces

études étaient rejetés car elles représentaient une pratique scientifique positiviste et

descriptive, qui assumait comme finalité ultime la datation des structures ou des sites

archéologiques où apparaissait ledit registre matériel ; ces proposaient en tant

qu’alternative une interprétation qui allait au-delà de la description et de la datation des

objets matériels trouvés dans la fouille. Ceux, jusqu’alors admirés en secret, pour leur

capacité à dater des strates par la présence solitaire d’une pièce avec une forme spéciale

de la lèvre ou un carénage marqué, tombaient en disgrâce, surtout devant le progrès

inexorable de l’archéologie spatiale, qui dans certains cas substituait un fétiche, le fragment

de céramique, dans d’autres, le fragment de céramique situé dans un plan qui faisait partie

d’un grand totem, le territoire. Bien sûr, à partir de ce moment les fragments trouvés en

superficie révélaient un site archéologique et le dataient, de façon à ce que les dispersions

de points dans l’espace puissent apparaître, disparaître et faire partie d’un processus

d’exploitation du territoire.

18 (J.-H. D'ARMS, E.-C. KOPFF, (eds.), 1980 ; J.-M. BLÁZQUEZ, (coord.) 1980 ; J.-M. BLÁZQUEZ, J., REMESAL RODRÍGUEZ, (eds.) 1984 ; M. LENOIR, D. MANACORDA, C. PANELLA, (eds), 1989 ; RAVITAILLEMENT 1994 ; M.-C. AMOURETTI, J.-P. BRUN (eds.) 1993)

Monde indigène punique et romanisation à Ebusus

-33-

Parallèlement, le concept de culture matérielle avait du succès et se répandait vers

la moitié des années soixante-dix par le biais d’archéologues italiens, médiévalistes comme

Ricardo Francovich, ou classiques, comme Andrea Carandini. Ils suivaient le marxisme

« hétérodoxe » de Witold Kula dont je découvrit pour première fois le concept, dans son

oeuvre Problemas y métodos de la historia económica, de 1963 (date de l’édition

polonaise), même si l’auteur faisait référence à un rapport de J. Rutkowski de 1946 dans

lequel le concept était déjà défini19.

Cette « construction idiomatique » ou « construction de sémantique visqueuse »,

comme l’appela en 1993 Miquel Barceló20, a guidé en grande mesure une bonne partie de

ma production scientifique non seulement dans cette ligne de recherche mais aussi dans

une bonne partie des autres, mais tout spécialement dans celle-ci. C’est là une des raisons

qui me pousse à l’expliquer et à la défendre face à la critique et aux propositions

alternatives, comme par exemple celle du registre archéologique, face au registre

documentaire.

La critique du concept « culture matérielle », peu utilisé actuellement, formulée par

Miquel Barceló, était surtout basée sur le manque de précision de celui-ci, car il était utilisé

inconsciemment par une bonne partie des archéologues des années 1980, et sur le fait qu’il

ne découlait pas d’une stratégie de recherche avec des procédés définis comme l’est le

registre archéologique.

Je dois reconnaître que l’expression fut utilisée sans trop de sens par une bonne

partie des chercheurs de l’époque et que la différenciation entre registre archéologique et

registre documentaire convertit l’exercice de l’archéologue en celui d’un historien sans

complexes, enfin, face aux documentalistes. Mais l’utilisation que je fis de celle-ci répondait

sans aucun doute à un contenu défini, délimité et avec une méthode décrite par A.

Carandini qui, à son tour, se basait sur des auteurs comme W. Kula. Je citais cet auteur

explicitement [titre 5: 67] et je conserve encore soulignés quelques extraits dans mon

exemplaire de Problemas y métodos de la historia económica.

Comme je l’ai dit, A. Carandini faisait l’effort pour conceptualiser l’expression

« culture matérielle », lui donnant du contenu pour l’étude de l’Antiquité, dans son livre

Arqueología y cultura material dont l’édition italienne date de 1975, même si sa mauvaise

traduction espagnole date précisément de 198421. Dans cette oeuvre, l’italien rompt avec la

19 (W. KULA 1977: 65-68 , et note 9 chapitre II « El objeto de la historia económica ».) 20 (M. BARCELÓ 1992; 1993 : 195-205) 21 (A. CARANDINI 1984)

Monde indigène punique et romanisation à Ebusus

-34-

conception de l’archéologie comme une histoire de l’art ou une espèce de prologue à

l’histoire de l’art; avec l’archéologie en « miettes » (de l’écologie, du paysage,

industrielle...). Il croyait en une histoire des masses, par le caractère involontaire des

« sources de cette histoire sans textes, qui est le problème de la culture matérielle », et y

incluait entre les moyens de travail « (...) la terre, comme locus standi et champ d’action,

les édifices de travail, les canaux, les rues, etc.) ». Et il pensait que ces moyens laissent

une trace, se conservent sous forme de reliques, dont l’analyse et l’étude permettent de

sérier les différentes époques historiques, définissant les limites d’un système économique

et social déterminé22.

Dans un article préalable le même Carandini précisait l’interrelation entre

production agricole et production céramique dans la Proconsularis23 mettant en relation la

forte présence de vaisselle de cuisine et de table sur les sites de l’Empire romain depuis le

IIè siècle apr. J.-C. et l’essor économique de cette province nord-africaine en tant que

fournisseuse de produits agricoles. En gros, l’huile et le blé africains seraient la production

principale qui partirait dans des bateaux depuis les ports pour lesquels, pour le transport

par mer, était nécessaire la fabrication locale d’amphores utilisées comme des containers.

Cette production stimulerait celle de vaisselle de table et de cuisine qui faisait partie du

chargement entre les interstices de la cargaison. Il se passait la même chose avec le couple

amphores Dressel 1 / vaisselle campanienne, Dressel 20 / terre sigillée hispanique en

relation avec les productions agricoles et les vaisselles qui les produirent (Italie, Gallia et

Hispania).

CÉRAMOLOGIE ET COMMERCE DU MOYEN-ÂGE

Vers la même époque intervinrent dans la production scientifique deux tendances

qui s’influencèrent réciproquement: l’archéologie urbaine d’urgence et l’archéologie

médiévale, qui arriva en Espagne non sans un certain retard par rapport à d’autres pays

[titre 56]; circonstance qui, combinée avec la même ligne des études céramologiques,

m’amena à participer à mon premier congrès en octobre 1984. Ma relation précoce avec le

S.I.A.M. (Servicio de Investigaciones Arqueológicas Municipales- Service de Recherches

Archéologiques Municipales) de Valence me conduisit à participer au III Congresso

Internazionale sulla Ceramica Medievale nel Mediterraneo Occidentale, organisé à Sienne

en octobre 1984 ; j’assistai en tant qu’auditeur aux polémiques, en ce temps-là difficiles à

comprendre pour moi, mais où se trama ma participation au Ier Congrès d’Archéologie

22 (A. CARANDINI 1984 : 61, 65-71) 23 (A. CARANDINI 1969-1970)

Monde indigène punique et romanisation à Ebusus

-35-

Médiévale Espagnole (Huesca, 1985) encore en tant qu’étudiant de la spécialité par le biais

d’une communication en collaboration avec E. Díes [titre 1: 524].

Encore qu’inconsciemment, s’accomplissaient dans ce travail certaines des

hypothèses posées, car il nous paraissait nécessaire « (...) de déterminer avec exactitude la

forme, la typologie et les éléments de datation chronologique de ces pièces qui

permettraient, au moins, de déterminer plus clairement le volume du commerce et la

dispersion des marchés de la ville de Valence » [titre 1: 6]. Le fait que l’objet d’étude porta

sur des containers de marchandises d’origine agricole d’époque médiévale trouvait sa

cause dans ce Ier congrès et dans le fait qu’il s’agissait d’un travail pionnier puisque les

containers céramiques médiévaux n’avaient pas encore fait l’objet d’une étude

systématique, et qu’apparemment, il apportait une grande quantité de documentation

médiévale sur la production et commercialisation de ces emballages.

Dans la répartition des tâches que nous envisagions en tant qu’auteurs, je me

chargeai de la partie « archéologique » du travail, c’est à dire, la description des pièces,

l’analyse de leurs contextes stratigraphiques, la recherche de parallélismes...; mon collègue

se chargea, quant à lui, de systématiser les documents médiévaux qui parlaient des pièces

qui, nous pensions, répondaient à la réalité que le registre archéologique nous apportait,

fruit des fouilles archéologiques. Bientôt nous fûmes conscients que les deux registres,

documentaire et archéologique, n’avaient qu’un seul point de contact, la capacité des

pièces, et nous nous sentîmes incapables de mettre en relation les deux registres de

données, car nous ne savions pas si la terminologie utilisée dans les documents

correspondait aux pièces. Ceci jusqu’à ce que nous décidâmes d’inverser l’argumentation et

d’accorder un caractère d’égalité aux deux registres. La documentation médiévale parlait de

certaines pièces avec des fonctions et une chronologie et pour cette même période

historique nous disposions de pièces qui avaient des capacités mesurables communes.

Pour atteindre l’objectif de mesurer la capacité des pièces, dont nous ne disposions parfois

que du dessin de la section, nous sollicitâmes l’aide d’un collègue afin qu’il conçoive pour

nous un programme que nous pourrions qualifier de « préhistoire informatique ». Ainsi, nous

avons pu, finalement, mettre en relation (même si faiblement) les documents et les jarres

qui étaient arrivées jusqu’à nous.

Les conclusions de ce travail étaient essentiellement les suivantes : la production

céramique valencienne des siècles XIVè et XVè était liée à la commercialisation d’autres

produits, notamment comme des conteneurs de vin, huile et céramique fine ; les jarres

elles-mêmes avaient une valeur en soi car elles étaient parfois embarquées et

commercialisées vides ; de plus, la cargaison des bateaux se composait aussi d’autres

produits comme des tissus.

Monde indigène punique et romanisation à Ebusus

-36-

Cinq années plus tard et déjà plongé dans la recherche sur l’Antiquité [titre 5, en

phase de rédaction du 9], surgit l’opportunité d’élargir les résultats de cette recherche,

publiée en espagnol lors d’un congrès à Rabat [titre 20] et en français dans une revue du

midi français [titre 21], à cause de la présence de ce type d’importations valenciennes dans

la région de Narbonne. Deux raisons conseillaient cette nouvelle incursion. En premier lieu

les nouvelles trouvailles qui confirmaient certains des résultats antérieurs et en deuxième

lieu, l’effet multiplicateur qu’avait engendré le premier apport, car d’autres trouvailles dans

des lieux différents avaient été publiées dont on avait pu identifier l’origine et la chronologie

des emballages céramiques, confirmant, ainsi, les premières intuitions. Même si cette fois-ci

l’allusion à la culture matérielle et à Carandini dans la première note de l’article ou dans

l’allusion à l’article « Histoire de la Culture Matérielle » de J. M. Pesez [titre 21: note 11, 45]

(dont l’édition espagnole date aussi de façon significative de l’année 1984), apparaissait de

manière explicite.

Les principales conclusions résidaient dans une augmentation, une meilleure

définition et la découverte de nouveaux types céramiques des pièces par accumulation de

nouvelles trouvailles, une datation plus affinée de la typologie et une plus grande dispersion

des produits dans la Méditerranée que ce qu'on avait cru. Ainsi, les mécanismes productifs

et les routes, mettant en évidence une grande interdépendance de la production agricole

valencienne et de la production céramique qui se concrétisait sur des réseaux commerciaux

étaient-ils mieux définis. Cela dit, ces réseaux d’échange montraient la faible importance

des emballages céramiques dans la deuxième moitié du XIVè siècle, fruit d’un échange

inégal de produits agricoles avec les draps du Nord de l’Europe [titre 21: 54-59] et d’une

production agricole faible destinée fondamentalement à la consommation locale, des

marchés urbains de la ville. Nous pûmes constater également le décollage des entreprises

commerciales à partir du XVè siècle et une plus grande circulation de produits emballés en

céramique dès 1430, bien que la présence du vin qui se dirigeait vers le nord d’Europe et

les ports méditerranéens de la côte africaine ou de la Sardaigne ne pouvait pas toujours

résulter évidente à travers les restes matériaux : les jarres, car le tonneau occupait alors un

espace dominant, bien que non exclusif. Ce ne sera qu’à partir de la IIème moitié de ce

siècle que la ville de Valence finira par dominer et monopoliser le commerce méditerranéen

de la Couronne d’ Aragon jusqu’à la crise provoquée par l’apparition des marchés

atlantiques américains. De son côté, le registre archéologique de la vaisselle de table

coïncidait avec cette sériation, en harmonie avec l’essor productif de la vaisselle gothico-

mudéjar valencienne des ateliers de Manises et Paterna24.

24 (J. V. LERMA 1992 : 173177)

Monde indigène punique et romanisation à Ebusus

-37-

Un autre aspect intéressant en relation avec les mécanismes de production et

distribution fut la distinction que nous pûmes faire entre les marques imprimées dans les

argiles des emballages comme des marques de potiers, alors que d’autres marques peintes

à l'ocre-rouge sur les épaules et les cols ou panses des pièces (très proches des tituli picti

des amphores romaines) représentaient les marques des compagnies commerciales pour

contrôler leurs produits lors du chargement d’un navire et suivre leur piste en cas de perte

ou de vol. Les marques des contrats commerciaux et assurances de navigation présentes

dans les protêts de lettres de change des notaires sont identiques à celles qui apparaissent

sur les pièces de céramique [titre 21: 48, fig. 1]. La différenciation entre marques imprimées

et peintures répondait, à grands traits, à la même fonctionnalité que celle des amphores de

l’Antiquité.

Comme corollaire à cette ligne de recherche il ne me reste à rappeler que,

quelques années après j’ai pu trouver une confirmation typologique et chronologique de ces

emballages, comme il arrive peu souvent dans la recherche, dans une oeuvre d’art de la fin

du XVè siècle (ca. 1495). Sur une peinture de Fernando Gallego [titre 8: 41] représentant

les Noces de Caná, et qui se trouve dans l’église paroissiale de Arcenillas (Zamora)25, sont

représentées des jarres et des cruches, et la jarre de laquelle est extrait le vin fruit du

miracle est identique à notre type II. Comme sur le tableau, quelques exemplaires de ceux

qui sont répertoriés dans l'étude, présentent un orifice dans le tiers inférieur de la panse

servant à les vider.

EBUSUS INSULAE AUGUSTAE

Le titre 5 s’inscrit dans cette ligne de travail qui adopta en premier lieu la forme

administrative d’une maîtrise. Il s’agissait de l’étude d’un ensemble de céramiques de la

moitié du IIIè siècle apr. J.-C. qui faisait partie d’un ensemble fermé, probablement d’un

dépôt domestique réalisée sur les structures et strates d’un atelier de production céramique

d’époque punique abandonné pendant le IIè siècle apr. J.-C., bien que la zone continuât

d’être fréquentée et utilisée sous le Haut-Empire.

Cependant, les caractéristiques de l’ensemble céramique, un dépôt domestique

homogène et datable de façon assez précise et la présence de deux traditions artisanales

différenciées : vaisselles de table et de cuisine importées d’origine africaine et vaisselle

locale romaine ébusitaine de tradition punique, conseillaient d’aborder l’étude d’une

perspective anthropologique de l’histoire de l’alimentation, comme celle que réalisa M. Bats

sur les céramiques de Olbia, et de l’analyse du contact du monde indigène punique avec

25 (J.-J. MARTIN GONZALEZ 1988 : 99-100)

Monde indigène punique et romanisation à Ebusus

-38-

Rome. Particulièrement dans le cas du monde punique qui présente des caractéristiques

bien différentes des ibères ou gaulois quant à son niveau de

développement social et économique.

Ce travail fut une conséquence de mon implication

dans l’archéologie ébusitaine qui, datant de mes années

d’étudiant, commença avec la fouille du site rural de can Fita

en 1988, sur lequel je m’étendrai plus loin, et qui était le

point de départ d’une ligne de recherche sur le monde

romain de l’ancienne colonie phénicienne. Je dirais

seulement maintenant que les caractéristiques originelles de

l’architecture de cet établissement punique romanisé me

firent croire qu’il était nécessaire d’approfondir les

particularités de l’architecture romaine pour déterminer

l’influence de l’architecture punique dans l'établissement que j'avais fouillé. C’est de cette

façon que, peu de temps après avoir commencé ce travail, vers 1989, j’eus l’occasion de

réaliser un séjour d’un mois, financé par la Generalitat Valenciana, qui avait comme projet

cadre Architecture et urbanisme romains à Ebusus, techniques constructives et influence du

substrat indigène dans l’architecture26.

En relation avec l’analyse du dépotoir, mon séjour à Aix-en-Provence me permit

d’accumuler une grande quantité de bibliographie sur l’Afrique romaine, sur les dépotoirs

contemporains à celui d’Ibiza trouvés dans la Méditerranée et de discuter largement avec

feu Roger Guéry à la Direction des Antiquités Africaines27 à propos des matériaux provenant

de cette zone et sur la problématique du commerce nord-africain du IIIème siècle ap. J-C.

À cause de la finalité académique que poursuivait l’étude j’estimai nécessaire

d’établir un état de la question du IIIème siècle ap. J-C à Ebusus et, à mesure que

j’avançais dans le travail, faire ressortir l’exceptionnalité ébusitaine dans la Méditerranée

occidentale avec la présence de pièces originales et peu fréquentes dans d’autres sites de

la Méditerranée. A dire vrai, le Musée Archéologique d’Ibiza est un excellent répertoire de la

culture matérielle méditerranéenne.

L’ensemble des matériaux était composé de céramiques romaines ébusitaines de

tradition phénicienne ou ibéro-punique, vaisselle africaine de table des classes A et C,

africaine de cuisine, deux fragments d’amphores africaines, fragments de lampes africaines

26 Institut de Recherche sur l'Architecture Antique (CNRS) P. Gross (dir.). Centre Camille Jullian d’Aix-en-Provence J.P. Morel (dir.) ; février 1990. 27 Centre d'Études NordAfricaines d’Aix-en-Provence.

Monde indigène punique et romanisation à Ebusus

-39-

et quelques fragments de verre. D’un point de vue fonctionnel dominait la vaisselle de table

(29,9 %) et de cuisine (64,6 %) qui pouvait se classifier en casseroles, marmites, assiettes,

écuelles et plateaux et cruches pour chauffer du lait, comme elles purent être identifiées un

peu plus tard, quand je fis connaître une des pièces du dépotoir, grâce à un article

monographique dans Antiquités Africaines [titre 14].

D’un point de vue culturel et anthropologique les principales conclusions

permettaient d’identifier une koiné culinaire qui unifia les particularités des anciennes

cultures méditerranéennes tout en conservant des traits distinctifs et propres de chaque

région qui fut intégrée à l’Empire. Ces traits différenciateurs de la culture antique d’Ibiza se

manifestaient par la présence de formes céramiques propres, preuve d’évidentes traditions

locales et de résistances à cette patine homogénéisatrice de la culture romaine, bien que

nuancées par l’acceptation de modèles céramiques de la Zeugitane, dont les racines

puniques partageaient les formes céramiques locales d'Ibiza. Phénomène comparable à la

« vivacité des cultures locales, qui restent présentes tout au long de la période sans jamais

disparaître ou être entièrement dissimulées ni recouvertes par la culture greco-romaine »par

J.-B. Yon dans les provinces d’Orient28.

D’un point de vue économique, le dépotoir de l’Avenue d’Espagne 3 permettait de

confirmer la complémentarité des productions céramiques par rapport à l’objet de

consommation que représentait la production agricole nord-africaine. L’économie ébusitaine

en serait venue à dépendre des importations africaines d'huile représentant la décadence

de la production potière locale, antérieurement beaucoup plus importante, et reflété dans

l’abandon des ateliers artisanaux auteurs des déchets de matériaux qui nous occupent.

L’artisanat potier ébusitain serait confiné à ces formes céramiques spécifiques des

traditions locales (les meilleurs exemples en sont les grandes terrines avec un bec verseur)

que ne satisfaisaient pas, elles ne pouvaient le faire, les formes céramiques importées.

Cet argument était accompagné de la connaissance des prospections thématiques

réalisées par E. Díes et J. Marí autour des contrepoids de presse et trapeta connus dans la

campagne ébusitaine et par le fait que trois des sites fouillés dans l’île sont précisément

des sites dont les principales structures visibles étaient les torcularia29 pour la production

d’huile. De ces trois sites nous pouvons extraire quelques conclusions :

28 (J.-B. Yon 2004 : 336) 29 En ordre chronologique de réalisation des fouilles : Ses Païses de Cala d’Hort, can Corda et can Fita.

Monde indigène punique et romanisation à Ebusus

-40-

1. La production d’huile remonte au moins à l’époque tardo-punique ; à travers les

connaissances actuelles nous ne pouvons faire remonter le début de cette

production à des époques plus anciennes.

2. Les installations se remodèlent et la capacité des bassins de décantation

s’élargit sous le Haut-Empire, à la fin du Ier siècle apr. J.-C. ou au début du

IIème –can Fita– ou deviennent inutiles à cette même époque –Can Corda–,

concrètement entre 80 et 100 apr. J.-C.30

3. ses Païses de Cala d’Hort et can Fita en finissent avec les installations

d’extraction d’huile au IIIème siècle ou déjà au IVème apr. J.-C.

En attendant de nouvelles données, on peut avancer que l’intégration de

l’économie locale punique ébusitaine dans un modèle économique régional dans les canaux

commerciaux du Haut-Empire finit avec une partie des torcularia ébusitaines.

A partir de ce moment-là le doute me pris. Ce doute avait trait au rôle joué dans

ces réseaux commerciaux par Ebusus. C’est à dire, quelle était la raison de la présence de

productions africaines, extraordinaires par leur rareté, comme évidence de leur plus grande

présence ici que dans d’autres ports. Il me semblait évident que si le registre archéologique

ébusitain montrait cette spécificité c’était le signe d’une plus grande fréquentation des

navicularii porteurs de produits agricoles africains et, en même temps, d’une consommation

de produits et une spécificité de l’archipel ébusitain dans le contexte des routes

commerciales méditerranéennes.

Etant données les conditions naturelles de l’île où sont exacerbées les

caractéristiques propres à la Méditerranée –aridité, sols peu profonds, relief accidenté peu

élevé mais d’aspect montagneux, peu de plaines avec des sols aptes à l’agriculture– ainsi

qu’une maigre diffusion des produits agricoles ébusitains dans les amphores ; il me sembla

plausible que le rôle joué par la ville était celui d’offrir de façon maximisée ce que les

conditions naturelles offraient d’elles-mêmes, un port et, par conséquent, un portorium, qui

permît à la ville d’obtenir des revenus grâce à sa situation géographique spéciale, sur les

routes qui sillonnent la mer depuis la Méditerranée centrale et vers l’extrême Occident.

Pour renforcer cette idée je m’appuyais alors sur les travaux de J. Rougé31 sur

l’organisation du commerce maritime méditerranéen dans l’Empire romain et sur l’étude

sous presse de J. Ruiz de Arbulo sur l’importance des routes maritimes dans les processus

30 (R. PUIG MORAGÓN 2003) 31 (J. ROUGÉ 1966)

Monde indigène punique et romanisation à Ebusus

-41-

de colonisation de la Péninsule Ibérique32. Je dois confesser, non sans une certaine honte,

que je méconnaissais à ce moment-là les travaux de M. -I. Finley33, absent de ma

bibliographie, sur l’économie de l’Antiquité, qui auraient été d’extrême intérêt pour renforcer

cette hypothèse.

Quand l’historien de l’économie de l’Antiquité se posait des questions à propos des

villes qui ne recevaient ni butin et ni tributs, il parlait d’un groupe de villes, entre lesquelles

je n’hésite pas à inclure Ebusus :

(...) qui, par sa position géographique, étaient des chambres à compensation et des points de transfert qui obtenaient de bons revenus des péages et taxes de quai, ainsi que des services requis par les marchands de passage et les tripulations des bateaux. Les navires de l'antiquité préféraient habituellement faire de brefs arrêts chaque fois qu'il était possible d'en faire: à cela contribuaient les particulières conditions des vents et des courants de la Méditerranée, l'absence de boussole, la capacité limitée des amures, le peu d'espace pour stocker les aliments et l'eau potable.34

Avec la romanisation des Baléares et l’attaque de Scipión en 217 av. J.-C., on

agressait une colonie punique, mais on l’intégrait dans le réseau de ports de l’Empire

naissant, perdant la fonction économique qu’elle avait pu avoir à l’époque punique, tout en

conservant, inévitablement, sa position stratégique. L’essor du commerce des provinces

africaines à partir siècle II apr. J.-C. fortifiera cette intégration, davantage si possible.

Immédiatement après ce travail je fis connaître deux des pièces qui faisaient partie

du mobilier du dépotoir et une autre provenant d’un site de la côte du sud-est valencien

dans la revue Antiquités Africaines [titre 14] car il s’agissait d’une forme inédite et parce

qu’elles reflétaient cette originalité des routes commerciales qui passaient par Ebusus.

Cette découverte d’une pièce inédite engendra une autre étude monographique, avec déjà

de nouvelles trouvailles, et l’analyse des concrétions calcaires que j’identifiai et que purent

analyser d’autres auteurs, arrivant à la conclusion qu’il s’agissait d’un chauffe-lait35.

Confirmation qui renforce le caractère domestique du dépotoir de céramiques.

En relation avec le commerce africain, je croyais fort en l’idée que l’entrée

ébusitaine dans le réseau commercial impérial signifiait la fin d’une région productrice-

32 (J. RUIZ DE ARBULO 1990) 33 (M.I. FINLEY 1986) 34 (M.I. FINLEY 1986 : 159) 35 (M. ORFILA, A. ARRIBAS 1995 : 250-251). Ces auteurs joignèrent 2 exemplaires de l'île de Majorque aux exemplaires que j'identifiai dans ma publication (2 à Ibiza, 1 à Xàbia, 1 à Uzita et 1 à Ostia en plus des 2 identifiés par C. Aguarod dans Caesaraugusta [titre 14: Addenda, 190]); en plus de 3 autres exemplaires de la côte ampuritana que je n'incluai pas dans mon étude.

Monde indigène punique et romanisation à Ebusus

-42-

exportatrice de biens de consommation pour se transformer en une escale entre la

Méditerranée centrale et occidentale [titre 14: 187]. Affirmation qu’aujourd’hui je nuancerais

dans le sens qu’il serait plus approprié de parler du passage d’une économie locale à une

économie régionale, plutôt que d’une région productrice à une région exportatrice.

J’eus la chance qu’une fois l’étude du dépotoir d’Ibiza achevée, J. Fernández et O.

Granados me proposent de terminer le travail qu’ils avaient eux-mêmes commencé,

plusieurs années avant, sur les marques de sigillée déposées dans le Musée Archéologique

d’Ibiza. Il restait à terminer le catalogue des pièces, l’actualiser avec les nouvelles

trouvailles et l’étude finale dont je m’occupais.

Cette fois-ci il s’agissait d’un échantillonnage important des importations

céramiques estampillées d’origine italique, du sud de la

Gaule et hispanique qui, étant des dépôts du musée, avaient

un caractère insulaire plus large que le registre utilisé dans

le travail antérieur. Le gros des matériaux provenait de la

Péninsule Italique (61 %) ; le sud de la Gaule représentait

presque un tiers (32 %) et des ateliers hispaniques provenait

7 % des marques étudiées. Pourcentage relativement

maigre, résultat de la faible fréquence des marques dans les

formes céramiques de terre sigillée hispanique.

Les matériaux italiques commençaient à fréquenter

l’île autour des années 20-15 av. J.-C., atteignant leur

représentation maximale pendant le règne de Tibère. Les

pièces du sud de la Gaule commençaient à apparaître à l'époque de l’empereur Claude,

cohabitant avec les produits tardo-italiques, se faisant hégémoniques jusqu’à l’époque de

l’empereur Titus, tandis que les produits tardo-italiques continuaient à affluer. Les formes

céramiques hispaniques propres de Tritium Magallum commenceraient à arriver vers la

moitié du Ier siècle apr. J.-C., disparaissant avec le changement de siècle.

Dans ce cas on pourrait distinguer aussi la présence de matériaux exceptionnels

par leur faible présence dans d’autres sites de la Méditerranée. C’est le cas des produits

italiques, ou mieux, des tardo-italiques, avec la présence du plus tardif des potiers de cette

production artisanale (L. Nonius Florentinus) dont l’unique exemplaire hors de l’Italie est

celui de Ebusus (au moins jusqu’en 1992) contemporain des premières productions de

vaisselle africaine de table. Ou encore l’exemple de C·P·P, duquel on trouve dix

exemplaires entre les villes d’Alicante, Carthago Nova et Ebusus. L’absence de ces produits

de la ville portuaire voisine de Valentia (et la fréquence de pièces hispaniques à Valentia,

au détriment d'Ibiza) amenaient à penser qu’il s’agissait d’une différenciation de routes

Monde indigène punique et romanisation à Ebusus

-43-

commerciales. En m'appuyant sur l'étude de R. Guéry36 les produits tardo-italiques

proviendraient d'une route qui, partant d'Ostie, longerait le golfe de Gênes et la côte ligure

jusqu'au Rhône ; leur présence diminuerait ensuite de l'autre côté de cette rivière et on les

retrouverait sur la côte sud-est de la Péninsule Ibérique, fruit d'une escale dans les îles

Baléares, sur leur chemin vers la région du détroit de Cadix.

Ainsi je distinguai trois origines commerciales différenciées qui confluent à Ibiza à

partir de la moitié du siècle I ap. J.-C. [titre 9: 43] :

1. Centre et Nord d'Italie: inertie des anciennes routes commerciales et persistance

d'un échange de produits italiques là où arrivaient avec plus de difficultés les

negotiatores gauloises, jusqu'à la crise « verticale » des produits italiques qui

coïncide avec celle des provinces occidentales. Bien que le commerce italique ait

été entre les mains de marchands africains depuis, au moins, l’époque de

l'Empereur Claude.

2. Sud de la Gaule : conséquence du développement économique gaulois et de sa

relation avec la Mauretania Caesariensis, dont Ebusus serait l'escale intermédiaire

dans la trajectoire entre Narbonne et la côte algérienne.

3. Péninsule Ibérique: avec des caractéristiques similaires à la route antérieure, la

présence de produits hispaniques serait la conséquence du développement du

commerce hispanique, depuis le port de Dertosa en direction à la Mauritanie

Tingitane et Caesarensis.

Une fois de plus les conclusions de ce travail me permettaient de constater les

constantes dans l'archéologie ébusitaine : l'importance géostratégique de Ebusus sur les

routes commerciales de la Méditerranée occidentale et l'intense relation qu'elle maintint,

probablement dû à la raison antérieure, avec la région de la Tunisie depuis l'entrée de la

primitive colonie phénicienne dans la sphère d'influence de Carthage, qui finira par contrôler

les réseaux commerciaux de Tyr, vers la moitié du VIè siècle av. J.-C.37, jusqu'au IIIè siècle

ap. J.-C., bien que les matériaux africains soient également fréquents en époque tardo-

ancienne..

OCCUPATION DU SOL À EBUSUS (FORMENTERA)

A dire vrai, j’ai pendant longtemps poursuivi l'idée de faire de cette ligne de

recherche le sujet central de ma thèse de troisième cycle, une ligne de recherche que je «

36 (R. GUÉRY 1987) 37 (C. GÓMEZ BELLARD 1990)

Monde indigène punique et romanisation à Ebusus

-44-

considère encore d'indispensable réalisation » [titre 46: 15]. De façon monographique les

archéologues se sont peu occupés du monde romain ébusitain, ce qui paraît logique dans la

mesure où l'île est une double fondation, phénicienne et punique plus tard.

L’Ebusus romaine présentait une bonne liste d'avantages pour un éventuel travail

de recherche. D'un côté comprendre et décrire les différents processus de romanisation,

apparemment non violente des puniques ébusitains, « négocié », dirions-nous aujourd'hui38,

mérite bien un effort. Ibiza et Formentera, les îles du dieu Bes, 'Ybsm, traduit au grec,

Pythiusai, ou au latin, Insulae Augustae ou Ebusus, ont un grand avantage, l'insularité, qui

représente des limites d'espace concises qui, à leur tour, représentent une série de

restrictions élémentaires, bien que non pour cela moins importantes par rapport aux

produits qui arrivent à ses côtes et qui partent de celles-ci.

Les caractéristiques méditerranéennes sont exacerbées par leur condition de relief

émergé et prolongation des chaînes de montagnes bétiques de la Péninsule Ibérique. Bien

que de hauteur peu importante, leur aspect montagneux, les plaines restent anecdotiques

dans l'intérieur ou, faiblement, sur la côte [fig. I, 1] ; et quand ces plaines se forment, elles

sont menacées par la difficulté du drainage naturel et la formation de marais littoraux qui

forment des zones humides côtières. En conséquence le développement des sols sur la

base géologique de marnes et du calcaire est moindre, dominant les sols légers et pierreux.

L'insularité amène l'exacerbation de ces conditions naturelles car quand la pression sur le

milieu est grande, celui-ci « réagit » en expulsant ses habitants. Et d'autant plus si l'île est

plus petite (Ibiza avec ses 573 km2, et Formentera avec 82 km2) ; la première, bien qu'elle

compte avec une population autochtone de l'âge du Bronze, elle ne semble pas être très

peuplée à l'arrivée des colons phéniciens ; tandis que Formentera connut deux moments de

dépeuplement absolu : depuis la fin du deuxième millénaire jusqu'aux IVè ou IIIè siècles av.

J.-C., de façon à ce que l'occupation phénico-punique se produira sur un espace vide ; et la

période comprise entre le XVè et le XVIIIème siècles. Et l'on doit ajouter un facteur

déterminant comme l'est le caractère insulaire et le manque de protection de ses habitants

face aux attaques éventuelles des épisodes répétitifs du brigandage et la piraterie dans la

Méditerranée.

Ce n'est que plus tard, dans le cadre des cours de doctorat, que je mis en pratique

les méthodes en vigueur de l'Archéologie Spatiale, sur la totalité des sites de l'Âge du

Bronze de la petite île de Formentera [titre 4], dont la carte archéologique venait d'être

confectionnée.

38 (P. LE ROUX 2004)

Monde indigène punique et romanisation à Ebusus

-45-

L'île a connu une importante occupation pendant le Chalcolithique, amenée à

disparaître pendant la transition entre le Bronze ancien et le Bronze moyen, ce qui se

traduit par une trentaine de petits sites qui devaient être hiérarchisés car cela ne

répondaient pas à la réalité des établissements. Les données dérivées des fouilles des

années 80 permettaient d'observer une différenciation fonctionnelle pouvant s'expliquer par

le terme de constellation d'établissements, comme on les appellera plus tard. Ces sites ont

été interprétés comme étant 10 établissements, plus une série d'installations annexes ; on

estime à environs 50 individus le nombre d'habitant de chaque établissement, ce qui

représentait au moment de l'abandon une population maximale de quelques 500 ou 600

individus ; il s'agissait d'une société hiérarchisée comme le prouve le monument

mégalithique contemporain de ca na Costa. L'économie de ces habitants était

fondamentalement basée sur l'agriculture que complétaient les ressources marines. La

comparaison entre l'estimation des ressources et les différents établissements de l'île à

travers le site catchment analysis indiquait qu'il s'agissait de la population maximale que

pouvait accueillir l'île ; ce qui provoqua son dépeuplement pendant un millénaire, jusqu'à la

fin du IVè siècle ou au IIIè siècle av J.-C., période à laquelle l'île se repeuple.

Les préhistoriens me pardonneront de m'aventurer sur un terrain aussi épineux que

celui-ci, bien que j'aie démontré ma bonne foi en ne publiant pas ce travail resté inconnu,

bien qu'en tant que rapport, il ait été utile aux préhistoriens de l'île.

Or, ce fut un exercice méthodologique au moment de pénétrer la problématique des

analyses spatiales en archéologie qui donnerait ses fruits dans l'analyse exhaustive des

sites d'époque punique et romaine de Formentera [titre 13]. Les sites analysés étaient aussi

le fruit de prospections systématiques, et la tentative pour éviter la subjectivité dans la

systématisation des périodes chronologiques se manifesta à partir du moment même où

nous avons classé les sites par périodes chronologiques. Nous avons essayé de les classer

en fonction de la plus grande ressemblance de comportement entre les siècles ; pour

chaque siècle, la centurie était définie selon les sites occupés pendant cette période

arbitraire de cent ans [titre 13 : 196]. De cette façon, nous ayons pu différencier cinq

périodes de courte durée (punique, tardo-punique, Haut Empire, Bas Empire ou Antiquité

Tardive) ; quatre d'une durée moyenne (punique, tardo-punique / Haut Empire, Bas Empire

ou Antiquité Tardive) et trois de longue durée (punique, romain ou Antiquité Tardive). Ainsi,

la périodisation admise de cinq périodes de courte durée était en fait le fruit d'un

regroupement de caractéristiques communes et de la cohérence chronologique elle-même.

Cependant, nous observions des regroupements curieux au niveau des seuils de plus faible

ressemblance parmi les siècles de la fin de l'Antiquité, parce que la dispersion des

établissements du VIè siècle était plus semblable à celle des Ier, IIè et IIIè siècles qu'à

celles de ceux qui les précèdent (siècles IV et V apr. J.-C.). Comme j'aurai l'occasion de le

Monde indigène punique et romanisation à Ebusus

-46-

commenter plus loin, cette constatation a sa propre logique dans les caractéristiques que

nous identifions pour la période des VIè et VIIè siècles, que nous avons qualifié de phase

« créative » et de transformation.

L'étape suivante consistait à définir des caractéristiques des sites.

1. Distance de l'embarcadère naturel le plus proche ; point par lequel on communiquait

avec l'extérieur.

2. Distance du port le plus proche. Distinguons deux sites qui ont accompli cette

fonction dans les deux points de la côte Nord de l'île.

3. Pourcentage de la ressource mer par rapport à son aire de ressources.

4. Pourcentage de la ressource sel (salines actuelles) par rapport à son aire de

ressources.

5. Pourcentage de la ressource activités complémentaires (forêt, sous bois, bruyère)

par rapport à son aire de ressources.

6. Pourcentage de la ressource sol apte pour l'agriculture par rapport à son aire de

ressources.

7. Pourcentage de sol stérile ou improductif par rapport à son aire de ressources.

8. Dimension des aires de ressources théoriques de chaque établissement.

9. Perduration du site par rapport à la période précédente.

Avec ce dernier descripteur nous prétendions mesurer l'importance des

établissements à forte longévité et dont l'existence au cours des périodes précédentes est

attestée, qui étaient à l'origine, aux moments forts de l'expansion, d'autres établissements

par colonisation ou par « remplissage » des champs. Pressentant le concept défini par J.-P.

Vallat comme « modèle emboîté », parce qu'il considère deux types de temps, du temps

vécu, à long et court terme, ce qui permet de souligner le conservatisme entre deux sites

qui subsistent le même laps de temps, même s'ils ne partagent ni la date de création ni la

date d'abandon.

Continuant sur cette coïncidence de concepts et d'analyse je voudrais souligner la

proximité qu'il y a entre le concept de stabilité tel que nous l'utilisons dans le cas de

l'occupation du sol de Formentera, renforcé par une ligne de stabilité absolue [titre 13 : 199,

fig. 3], et celui de dynamisme utilisé par J P Vallat39 dans ses recherches sur l'Italie40.

39 (J. P. VALLAT 2001; 2002)

Monde indigène punique et romanisation à Ebusus

-47-

0

5

10

15

20

IV-III II-I I-II-III IV-V VI-VIIPeriodos

(yac

imie

ntos

)

Total Creación AbandonoEstabilidad E. Absoluta

En définitive, nous avons pu différencier quatre types de sites selon leur spécialité

productive : agricoles, activités complémentaires et extractives, de vocation maritime,

établissements non spécialisés, et cinq sous-types, dont la périodisation a permis de

présenter les conclusions suivantes.

D'abord, nous avons pu donner une chronologie de la colonisation de l'île en

réfutant la thèse d'une île dépeuplée jusqu'à l'époque du Haut Empire. Les fouilles

archéologiques et la distribution particulière des établissements les plus anciens permirent

de réfuter l'affirmation de Strabon41 et d'avancer de trois siècles la première colonisation de

la petite île42 ; ce que semble, peu à peu, accepté par la communauté scientifique43. Il s'agit

d'un phénomène en accord avec le succès commercial et le fort développement extérieur

d'Ebusus et des amphores ébusitaines dans la Méditerranée.

Bien qu'il manque encore des faits archéologiques positifs qui permettent d'élucider

nos hypothèses, étant donné l'absence de recherches systématiques à Formentera, la

distribution non aléatoire des premiers établissements colonisateurs dans l'espace et une

volonté agricole affirmée paraissent particulièrement éloquentes, tout comme le fait qu'il

s'agisse aussi de huit points encore vifs à la fin de l'antiquité. Ce sont des éléments qui me

permettent de réaffirmer le caractère pionnier et conservateur de leur liaison à la terre,

typique comme nous pourrons voir dans certains cas de sites fouillés à Ibiza. Il ne s'agit pas

40 (J. P. VALLAT 2001 : 585-586) 41 (Chr III, 5, 1-3) 42 (J. RAMÓN 1991 : 49) 43 (C. GÓMEZ BELLARD 2003 : 224)

Monde indigène punique et romanisation à Ebusus

-48-

d'établissements occasionnels propres d'une conjoncture, d'un événement ou de visite

sporadique, mais des établissements de longue durée comme can Fita [titre 46] ou ses

Païses de Cala d'Hort, qui subsistèrent pendant onze siècles, pratiquement sans

interruption, caractérisant et définissant le paysage rural des îles.

Durant la période suivante (IIè-Ier siècles av. J.-C.) les mêmes établissements sont

maintenus et les espaces sont remplis ; il y a conquête de nouvelles terres et nous pouvons

observer une plus grande spécialisation des établissements ruraux. Les événements de la

IIè Guerre Punique n'ont pas trop d'influence sur la société rurale des îles, il semble

simplement que nous soyons en face d'une évolution expansive des mêmes règles qui

régissent la période précédente.

Pendant le haut Empire, (I-II- moitié du IIIè siècles apr. J.-C.) l'île connaît sa

période d'expansion maximale avec l'occupation par « remplissage » de terres marginales

par des sites nouveaux, les établissements de la conjoncture, dont la fonction semble être

d'exploiter les ressources alternatives (sel, activités complémentaires), en rapport très clair

avec les embarcadères et les ports de l'île, de la production agricole qui est la fonction des

établissements et marque le territoire depuis des siècles. Aucune indication chronologique

ne nous permet de considérer de coïncidence entre forte expansion et occupation historique

de l'île et l'édicte de latinité de Vespasien de la fin du Ier siècle apr. J.-C. Toutefois, les

données extraites des excavations de sites de l'île, comme pour can Fita [titre 46] ou ses

Païses de Cala d'Hort, permettent d'avancer l'hypothèse que ce soit le moteur d'une

transformation profonde des structures agraire de nombreux établissements qui eurent

forcément une répercussion sur la gestion du territoire. L'image d'une Formentera

densément peuplée et qui représente la dispersion de dix-neuf sites habités pendant les

deux premiers siècles a probablement un rapport avec la décision de Vespasien d'accorder

le ius latii aux villes d'Hispania, ce qui transformerait Ebusus en un municipium flavium

ebusum de l'inscription CIL II 3663.

La phase suivante correspond à la seconde moitié du IIIè siècle, au IVè et au Vè

siècles apr. J.-C., nous la définissons comme une période de « crise et réorganisation ».

L'abandon des établissements marginaux est un fait quasiment assuré, bien que nous ne

pouvons rejeter l'idée d'une occupation moins perceptible à travers les fouilles ou

prospections archéologiques comme nous aurons l'occasion de le voir pour can Fita [titre

46]. Il n'y a que quatre sites dont on peut assurer le maintien de l'activité ; deux d'entre eux

remontent à la période colonisatrice, tandis qu'un autre pourrait être une installation annexe

d'un autre site de la fin du IVè siècle av. J.-C. ou du début du IIIè siècle av. J.-C. Ce qui a

priori ressemblait à un abandon de quinze établissements, serait plutôt une restructuration

parce que ceux qui sont encore en activité montrent une plus grande adaptation : Ils se

Monde indigène punique et romanisation à Ebusus

-49-

trouvent dans des lieux qu'il leur permet une exploitation diversifiée, moins spécialisée,

avec la possibilité de réaliser différentes activités en même temps : activités extractives et

agricoles, bien que la sortie par mer des excédents ne semble pas déterminante à ce

moment.

De cette période date un site fouillé au début des années 80 et injustement oublié

par les chercheurs, à l'exception de quelques notes marginales et exceptionnelles, comme

pour castellum de can Blai [fig. I, 2] dans l'isthme qui unit la Mola avec le cap de Barbaria,

non loin du site qui perdurent dans ce secteur de l'île pendant cette période. A l'époque

nous proposions déjà de le situer dans le contexte des turres et castella du Bas Empire qui

dans la Péninsule Ibérique avaient pour mission de surveiller les chemins et les terres par

où était transportée l’annona44 et qui, en ce qui concerne can Blai, doit être mis en rapport

avec des armées rustiques formées essentiellement de paysans réunis et armés par les

grands propriétaires et apparus de la main du patronat (patrocinium, defensor locorum).

Cependant, il faut relativiser cette interprétation car les 82 km2 de l'île réduisent la

capacité de dissimulation des bandits sur le long terme. Nous avons du mal à croire à ce

contexte de danger interne et que les bandits puissent aller et venir en toute impunité et

projettent de mettre la main sur un coin de l'île. Il est plus probable que leurs jours aient été

comptés. Son existence, dans ce cas-là, ne paraît être justifiée que par l'accroissement de

l'insécurité et de la piraterie aux abords de l'île. Ces circonstances ont toujours préoccupé

les habitants de Formentera et furent la cause, ou au moins un des motifs, de son

dépeuplement entre le XVè siècle et le début du XVIIIè siècle. Il ne paraît pas très risqué de

poser l'hypothèse d'une augmentation de l'insécurité sur les côtes des îles, particulièrement

dans la petite qui se trouve relativement proche de la côte africaine. Cette insécurité est

plus atténuée pendant les deux premiers siècles de notre Ère mais rejaillie aux moments

conjoncturels où l'autorité romaine s'affaiblit, comme dans le cas la piraterie du Ponto

Euxino et de la multiplication des soutes et des castella côtières à partir du IIè siècle mais

surtout entre 250 et 270 apr. J.-C. dans cette région orientale, jusqu'au point de parler d'un

limes côtier ou d'un limes pontique45. Notre objectif n'est pas d'aller au-delà de la simple

comparaison qui renforce l'hypothèse, mais il convient de préciser que l'invasion des Francs

(ca. 260 apr. J.-C.) avait pour but initial Tarraco et son port, où des navires furent autorisés

et passèrent aux côtes africaines46 ; ils ont alors pu, en passant par ce chemin, se toper

44 (J. Arce 1988: 78, 95, 105, 112-113) 45 (N. G. DA COSTA 2000) 46 (J. ARCE 1988 : 60)

Monde indigène punique et romanisation à Ebusus

-50-

avec nos îles. La documentation mentionne quelques razzias de pirates originaires du Nord

de l'Afrique depuis la fin du IIè siècle et le début du IIIè47.

La planimétrie [fig. I, 2] et l'étude architectonique effectuée par E. Díes ainsi

qu'une première approche que j'ai réalisée moi-même des matériaux trouvés dans

l'excavation, permettent de proposer de nouvelles données. D'abord le contexte historique

paraît correspondre à l'horizon « avenue de l'Espagne » [titre 5] ; c'est-à-dire qu'à première

vue la céramique peut être datée entre 240 et 260 apr. J.-C. Deuxièmement, il semble que

can Blai n'ait jamais été terminé, le castellum est un projet qui n'est jamais arrivé à son

terme ; c'est pourquoi il convient de dater la tentative à un moment postérieur aux années

citées précédemment, ce qui renforcerait certaines des hypothèses précédentes et, en

outre, serait cohérent avec la chronologie et l'interprétation proposée pour le castellum de

Santillán (Mollina, Malaga), dont on a trouvé des éléments parallèles en Afrique, en Syrie et

en Palestine48.

Finalement la dernière occupation de l'île avant l'arrivée de l'Islam (VIè et VIIè

siècles), coïncide avec l'entrée des îles dans l'empire byzantin en l'an 534 de notre Ère. Elle

suppose une phase créative qui triple les sites de la période précédente par un curieux

phénomène de réoccupation d'établissements abandonnés au cours de la période

précédente ou qui démontrent une activité plus réduite, difficile à distinguer à travers les

fouilles archéologiques ; plus encore si nous tenons compte qu'il s'agit d'images de surface,

comme nous aurons l’occasion de le commenter par la suite à propos du site de can Fita.

En tout cas, l'image de surface des domaines agricoles de Formentera donne un

aspect assez comparable à celle du IIIè siècle av. J.-C. juste avant la grande expansion du

Haut Empire et, même, comme il a été dit, certains des anciens sites ont pu être réoccupés.

Nous avons la sensation que les grands domaines agricoles fortement enracinés « sont

recomposés de nouveau bien qu'avec des caractéristiques différenciées ». Les ruines des

anciennes installations ont dû jouer un rôle déterminant au moment de leur récupération et

tout paraît indiquer que, comme dans d'autres lieux, on y exploite à nouveau une surface

cultivée équivalente à celle d'avant les siècles de crise. Nous avons l'impression d'une

transformation harmonieuse, bien que dans une autre direction, dans laquelle les

ressources complémentaires et le bétail ont plus de poids que les produits d'une agriculture

de marché.

47 (J. M. BLÁZQUEZ 1978 : 511) 48 (R. PUERTAS TRICAS 1986)

Monde indigène punique et romanisation à Ebusus

-51-

Avant de finir cet alinéa je voudrais commencer une petite recherche autour d'un

élément du paysage ébusitain injustement oublié et qui n'a jamais fait l'objet d'une véritable

investigation, même petite. Il s'agit de ce que « l'on appelle » l'aqueduc romain de

s'Argamassa [fig. II]. Et je dis « on appelle » parce qu'il ne répond qu'à l'intuition de la

recherche locale. En effet, si l'on parle d'aqueducs, c’est que l’on se refère forcément à des

constructions romaines. Je ne nie pas, toutefois, cette possibilité mais affirmer qu'il est

romain est aussi gratuit que de le nier, étant donné l'absence d'un début d'étude qui

établirait sa source : croquis, planimétrie et analyse constructive, plus une certaine fouille

ponctuelle qui permettrait de trouver des éléments de datation sûrs.

Pour ma part, vers la fin de l'année 1989, au moment où je participais au

programme de l'aqueduc de Nîmes, j'ai effectué une série de photographies et un suivi de

son tracé final qui, d'autre part, se trouve en fonction du site de s'Argamassa une possible

usine de salaison [fig. II, 3] où j'ai effectué des fouilles au printemps de 1985 à l'époque où

j'étais encore étudiant ; cette usine fut l'objet de campagnes de fouille sans qu'on ait pu

apporter d'autres résultats que les clichés habituels. Cette première approche à l'aqueduc

m'a démontrée, en plus du fait qu'il y a différentes phases de déposition de concrétions

calcaires qui dénotent des élévations successives du canal tout au long de la phase de

construction ; Ces restes sont probablement les concrétions calcaires d'une structure

périssable qui, une fois dégradée, a laissé son empreinte dans la pente de carbonate

calcique. Toutefois, il s'agit d'un aspect qui, je le répète, doit être confirmé ou infirmé dans

les années à venir.

Monde indigène punique et romanisation à Ebusus

-52-

RECHERCHES POSTDOCTORALES

Monde indigène punique et romanisation à Ebusus

-53-

RECHERCHES SUR UN SITE RURAL EBUSITAIN : CAN FITA

Comme je l'ai déjà dit, mes premières recherches à Ibiza ont été marquées par la

fouille d'un établissement qui est resté en activité durant la même grande période que celle

de l'occupation du sol de Formentera. De cette

manière, un certain nombre des contradictions qui

avaient été données suite à l'interprétation des

images de surface des sites de Formentera

permettaient, quoi qu'avec prudence, d'illustrer les

phases d'occupation du site.

Ce fut le résultat d'une fouille effectuée entre

février et octobre 1988 mais qui ne fut pas publié

avant 2002 [titre 46], bien que deux d'articles

donnèrent un avant-goût de quelques découvertes qui

méritaient une publication préalable. La première

découverte se composait de l'ensemble des

fragments de peinture murale romaine trouvés durant

la fouille et qui servaient, avec d'autres matériels de

remplissage, à amortir quelques chambres ; plus les

restes de revêtement mural de tradition punique trouvés in situ, couvrant quelques murs,

[titre 12]. L'article adopta la forme d'une communication au 1er Coloquio de Pintura Mural

Romana en Hispania, tenu à Valence vers la fin de 1989, et présidé par M. Monraval avec

qui j'ai collaboré pour décrire et trouver les parallèles du premier ensemble significatif de

restes de peinture murale romaine trouvés à Ebusus. La deuxième découverte est une

marque punique imprimée dans la anse d'une amphore PE-17 publiée dans la revue Studi

Epigrafici et Linguistici sul Vicino Oriente Antico (SEL) de l'année 1990 [titre 6], pour

laquelle j'ai collaboré avec M.-J. Fuentes, professeur de langues sémitiques de l'Université

de Barcelone et auteur d'un corpus49 sur les inscriptions phéniciennes et puniques. Les

deux articles ont été inclus, en annexes, dans la publication globale de 2002.

Dix collaborateurs prirent part à la publication définitive apportant à l'ouvrage leurs

connaissances sur la sculpture, la numismatique, l'architecture, l'épigraphie punique,

l'anthropologie physique, la peinture murale, la palynologie, la malacophaune et, pourquoi

pas, l'archéologie ébusitaine. Pour tirer le plus grand bénéfice des restes exhumés, mon

séjour pendant le mois de février 1990 à l'Institut de Recherche sur l'Architecture Antique

49 (M.-J. FUENTES 1986)

Monde indigène punique et romanisation à Ebusus

-54-

(CNRS)50 m'a été d'un grand secours ; j'ai pu aborder avec une plus grande solvabilité

l'étude des structures architectoniques de can Fita, peut-être les restes les plus importants

de la culture matérielle du site.

Je me dois de préciser que la perspective avec laquelle j'ai abordé l'étude du site a

été enrichie par deux influences. D'une part, mes conversations avec Jean-Luc Fiches m'ont

procuré un point de vue extérieur sur la problématique en me montrant la particularité, à

approfondir et à souligner convenablement, des caractéristiques d'un établissement type

« villa » bien antérieur aux premières villae rencontrées dans les provinces occidentales de

l'Empire romain. De l'autre, l'ensemble des recherches de Philippe Leveau sur le Maghreb

romain et les recherches sur les campagnes méditerranéennes que cet auteur réalisa avec

J.-P. Vallat et P. Sillières dans Les campagnes de la Méditerranée romaine51. J'essayerai de

résumer les principaux résultats de l'étude.

Comme dans le cas des sites de Formentera, can Fita prend ses origines à la fin du

IVè siècle av. J.-C. Quelques matériaux permettent cette datation même s'ils restent

marginaux par rapport à ceux du IIIè siècle av. J.-C. Le bâtiment principal occupait une

surface d'environs 650 m2, bien que l'on trouve des restes d'activité humaine sur une

surface de presque 4 000 m2. Le bâtiment de cette première période était fixé sur la roche

et a été fabriqué avec des matériaux périssables qui ont laissé peu de traces, bien qu'ils

aient probablement été réutilisés et masqués par le nouveau bâtiment. Une première grande

transformation élevée au IIè siècle av. J.-C. ; on sait avec certitude qu'il était consacré,

entre d'autres activités agricoles, à la production d'huile comme le démontrent les trois

bassins de décantation qui ont été identifiés. Trois siècles plus tard, à la fin du Ier ou au

début du IIè siècle apr. J.-C., une seconde grande transformation a lieu qui voit les

structures de pressage « se moderniser » (sa fonction continue d'être l'élaboration de

l'huile) à travers des modèles et des moyens technologiques qui se développent à ce

moment-là dans toute la Méditerranée ; cela multiplie sa capacité de transformation des

produits agricoles : deux contrepoids et un seul bassin mais qui a pu contenir 3,5 fois plus

que les précédents [fig. III, 1 et 2].

C'est sûrement à ces mêmes moments que l'installation agricole s'est dotée d'une

pars urbana décorée selon les patrons décoratifs de peinture murale propres des modèles

italiques bien que transformés par le substrat indigène punique, et décorée par une

50 Projet d'études financé par la Generalitat Valenciana, sous la tutelle scientifique de Jean-Louis Paillet et Pierre Gros: Arquitectura y urbanismo romanos en Ebusus, técnicas constructivas e influencia del substrato indígena en la arquitectura. 51 (P. LEVEAU, P. SILLIERES, J. P. VALLAT 1993)

Monde indigène punique et romanisation à Ebusus

-55-

sculpture de marbre qui représente un Hermès dionysien aussi propre des modèles

iconographiques hellénistiques et italiques. Je croyais que ces dates et le processus de

transformation pouvaient s'exprimer à travers la transformation de la vieille mapalia punique

en villa « à la romaine », point sur lequel j'insisterai par la suite. L'horizon de comparaison

est le moment où se produit une transformation très semblable à celle de ses Païses de

Cala d'Hort et, peut-être, l'expansion maximale de l'exploitation de Formentera.

Les installations agricoles continuèrent à fonctionner pendant le IIIè siècle apr. J.-

C., mais certaines dépendances furent abandonnées. La pars urbana, probablement après

un abandon prolongé, a sûrement servi de matériel de remplissage pour amortir les

installations agricoles qui entreraient dans un processus d'activité peu visible par le biais

des fouilles archéologiques que nous ne pouvons pas classer comme totalement abandonné

puisque 77 % des monnaies récupérées sur le site datent des IIIè et IVè siècles apr. J.-C. Il

semble que nous soyons en présence d'un modèle qui expliquerait l'absence d'images de

surface des sites explorés à Formentera et la réoccupation postérieure aux VIè et VIIè

siècles apr. J.-C. On peut direqu’au cours de cette période se produit la rupture du modèle

d'exploitation intensive et l’invention d’un autre, au même moment où les îles entrent dans

l'Empire Byzantin à partir de 534 apr. J.-C.

Il semble que c'est ce qui se passe avec can Fita, ou avec ses Païses de Cala

d'Hort, où la production d'huile est définitivement abandonnée, comme le prouvent l'emploi

des contrepoids des presses d'huile comme support de nouvelles parois et l'état d'abandon

du bassin de décantation. L'ancienne villa devient un petit établissement muni d'une maison

centrale et d'une petite basse-cour qui réutilise la partie supérieure des vieilles installations

remplies des matériaux et des parois de l'ancienne villa [fig. III, 3]. Cet établissement

semble exploiter avec une plus grande intensité les ressources marines et animales qu’au

cours des périodes précédentes alors que la mer a toujours été là, à coté.

Alors qu'au moment de l'étude définitive j'étais plongé dans l'archéologie du

paysage, il me paraissait indispensable de définir le terroir et la production du domaine de

can Fita à travers cette méthode d'analyse et le traitement de l'espace. Pour cela je me suis

servi de la proposition de structure agraire perceptible dans toute l'île, et qui apparaît dans

toutes les petites plaines de cette dernière, et du traitement spatial de la dispersion des

sites et de ses images de surface à travers les prospections systématiques effectuées dans

l'île [titre 46 : 73-78 ; figs. 77-81] ; Je suis arrivé à la conclusion qu'il s'agissait d'un

établissement non seulement spécialisé dans la production d'huile et qu'il pouvait disposer

d'un espace de culture associé de 115 ha et une oliveraie de 30 ha. Ainsi la production

pouvait se situer entre 11 000 et 17 000 litres d'huile par an (nécessitant un mois ou un

mois et demi pour transformer les olives) ; cela m'a amené à constater la disproportion

Monde indigène punique et romanisation à Ebusus

-56-

entre les structures de transformation, les restes matériels du trapetum, les contrepoids et

le bassin de décantation, et l'activité générale de l'unité productive [titre 46 : 61-63].

Cette même constatation m'a conduit à mesurer de nouveau la production

insulaire, excessive, comme c'est souvent le cas dans les études sur l'économie de

l'Antiquité. Cet état de fait occultait une grande oliveraie et les grandes productions

destinées à l'exportation, mais soulignait une consommation de caractère urbain et local

pour ce qui est de la production d'huile. Il convenait donc d'affirmer, en accord avec J.-R

Torres, que les amphores qui sortirent d'Ibiza étaient celles qui contenaient du vin, mais

seulement à partir du moment de l'entrée de son économie dans les circuits commerciaux

italiques.

Avec le temps, je crois qu'il est possible de risquer une hypothèse quant aux

récipients céramiques qui ont pu servir à stocker l'huile ébusitaine. Dans la région du détroit

on a identifié deux productions d'amphores hispaniques caractéristiques de la distribution

de produits tardopuniques typiques de cette zone. Il s'agit des amphores Mañá C2B, qui

contenaient des salaisons et les Mañá C2C qui ont pu contenir de l'huile à en juger par les

restes d'olives contenus dans un des exemplaires trouvés dans l'épave Dramont A. Les

exemplaires qui nous intéressent sont les C2C, elles reproduisent des formes originaires de

Carthage et de la Méditerranée Centrale, dans les conditions morphologiques des Mañá B

et C1B (siècles IVè-IIè av. J.-C.) ; Les données que nous avons pour ces dernières laissent

penser qu'elles contenaient aussi de l'huile. Il n'existe qu'une production d'amphores

ébusitaines qui fasse référence à ces conditions centre méditerranéennes, les amphores

PE-31 produites dans l'île entre la fin du IIIè siècle et le début du IIè siècle av. J.-C., et au

dire de celui qui en a établi la classification : « la production n'a du être faite qu'à petite

échelle. En effet, nous n'avons pas connaissance d'exemplaires exportés hors de l'île, et

dans l'île elle-même, elle est très peu documentée »52.

En clair et en guise d'hypothèse de travail, je crois qu'il est possible d'identifier

l'imitation ébusitaine (PE-31) des amphores de la Méditerranée centrale (C1B) comme

celles qui ont pu contenir l'huile sortant de l'île : si elles sont sorties de l'île, ce fut en très

petites quantités, comme nous l'avons défendu pour la production oléicole d'Ebusus. Les

C2C, quant à elles, auraient contenu la production oléicole de la région du détroit et ce

jusqu'à l'apparition dans cette même zone de contenants qui eurent un plus grand succès et

une meilleure diffusion, comme les Dr. 20. La production des îles ne peut pas être

comparée avec la production d'huile de la future Bétique et par conséquent, il est probable

52 (J. RAMÓN 1991 : 152)

Monde indigène punique et romanisation à Ebusus

-57-

que les exemplaires de PE-31 plus tardifs coïncident avec les premières importations

d'huile, que ce soit du cercle du Détroit ou que ce soit de la Méditerranée centrale.

L'identification de l'unité de production de can Fita est une autre des

préoccupations qu'il m'a parue intéressant d'étudier et de signaler, même brièvement. Il me

semblait que la grande absente des travaux sur le monde punique est la caractérisation de

l'unité élémentaire, l'unité d'exploitation que constituent les établissements comme can Fita

ou ses Païses de Cala d'Hort. Quand nous essayons de les définir, un nom plane

constamment au-dessus de nos têtes : la villa; mais son utilisation serait incorrecte parce

que ces établissements ruraux dispersés sont une réalité très antérieure à l'influence

romaine dans l'île. Il est possible que, par habitude, les chercheurs familiers de la

problématique ébusitaine soient réticents à voir apparaître des « villae » ou des

établissements comparables à l'environnement ibérique, sans la présence du composant

humain, les colons italiques ; c'est-à-dire, ce que nous connaissons comme

« romanisation »53.

Les noyaux ruraux puniques sont, dans leur conception, de véritables villae, et pour

cela il existe un terme punique transcrit en latin comme mapalia-ium, qui a été utilisé, par

exemple, dans l'Enéide quand Virgile se réfère aux établissements ruraux du Nord de

l'Afrique54 puis répétée dans l'inscription d'Henchir Mettich, où nous retrouvons les termes

villa et mappalia sur le même pied d'égalité55. Le terme et son contenu ont été récemment

analysés par P. Leveau56 [titre 46: 69-70] et comme les villae, les établissements puniques

sont des centres de production qui à partir du IIè siècle av. J.-C. s'engagent vers une

commercialisation des excédents57.

Finalement, il me paraissait intéressant d'entrer dans le débat des possibles

relations de production qui ont pu être données dans ce milieu. J'ai alors émis l'hypothèse

purement conjecturale, basée sur les travaux de J. Kolendo (il proposait de situer l’origine

du colonat africain à l'époque tardo impériale) qu'il puisse remonter à l'époque d'expansion

punique.

53 (P. LE ROUX 2004) 54 (ENEIDA, I, 421 y IV, 259) 55 CIL, VIII, Suppl. 4, n. 25 902: “...qui i]n f(undo) Villae Mag/nae sive Mappalia(e) Siga(e) villas [habe]nt...” 56 (P. LEVEAU 1993 a : 162-167) 57 (P. LEVEAU, P. GROS, F. TREMENT 1999)

Monde indigène punique et romanisation à Ebusus

-58-

Pour soutenir cette affirmation, Kolendo58 fait valoir que certains des domaines du

Haut Empire, avec des relations de dépendance, existaient déjà à l'époque numide. Cette

tradition pré-romaine s'appuie aussi sur une phrase de Polibe (I, 72) dans laquelle il est dit

que, pendant la première Guerre Punique, les Carthaginois auraient doublé les rentes des

villes en percevant la moitié des récoltes. Pour sa part, Tite Live59 raconte que dans une

harangue à ses troupes avant la bataille de Ticino, Anibal promettait, pour eux et leurs

descendants, des terres affranchies du paiement de rentes dans les différents lieux qu'ils

conquerraient. On peut donc en déduire que l'état carthaginois percevait des revenus

importants proportionnels aux récoltes ; facteurs qui établissaient les conditions favorables

pour le futur développement du colonat dans cette province, bien que sans exclure

l'existence d'un pourcentage inconnu de travail issu de l'esclavage dans la société punique.

Quand j'ai rédigé ma démonstration en 1998 je ne connaissais pas alors les

récents travaux de J.-L. López de Castro60 sur la décomposition de la formation sociale

phénicienne occidentale par le contact avec Rome, bien que ses recherches, à partir

d'autres approches méthodologiques, aillent dans le même sens. J'essayerai de la résumer

dans les lignes suivantes.

La société coloniale phénicienne-punique est majoritairement composée de

paysans et d'artisans de condition libre qui ont pu utiliser, dans une certaine mesure, de la

main d'oeuvre esclave. Les colonies fondées seraient des centres autosuffisants davantage

reliés à la métropole qu'entre-elles, au moyen d'impôts et de relations commerciales

capitalisées par Tyr ou, tardivement, par Carthage, à travers les temples de Melqart, ce qui

est stipulé depuis la fondation de la ville. L'esclavage aurait été en augmentation

progressive depuis l'expansionnisme de Carthage aux Vè et IVè siècles av. J.-C., et surtout

depuis le IIIè siècle av. J.-C., ce qui conduisit les deux puissances à s'affronter au cours

des successives guerres puniques aux conséquences terribles pour les Nord-africains. Ce

processus eut pour conséquence l'accumulation de terres et donc la multiplication des

établissements ruraux ; le triomphe de Rome et l'intégration des villes de tradition punique

dans son orbite consacra le développement de la production esclavagiste, en germe et

naissante dans le monde punique, jusqu'à la transformation définitive de la société punique.

LE PAYSAGE D'IBIZA ET FORMENTERA

58 (J. KOLENDO 1979 : 147-154) 59 (XXI, 45, 5): “...agrum sese daturum esse in Italia, Africa, Hispania, ubi quisque uelit, immunem ipsi qui accepisset liberisque...” 60 (J.-L. LOPEZ CASTRO 1995)

Monde indigène punique et romanisation à Ebusus

-59-

Les îles d'Ibiza et de Formentera ont été pour moi un « laboratoire » où j'ai pu

appliquer les méthodes d'étude des différents thèmes de recherche que j'ai suivis, à

l'exception de l'archéologie funéraire. Pour cela depuis l'année 1993 j'ai eu l'occasion

d'appliquer les méthodes d'analyse des paysages et des formes agraires que j'avais

commencées quelques années avant (voir thème 3). Toutefois, il ne s'agit pas ici de

dévoiler les résultats que j'ai pu obtenir à partir de cette méthode d'analyse, mais plutôt de

faire part des découvertes susceptibles d’enrichir le thème 2 (Monde indigène punique et

romanisation à Ebusus). Cette année-là, je fut titulaire d'une bourse de recherche de la

Casa de Velázquez61 [titre 16] qui m'a permis d'établir les bases de ma recherche post-

doctorale, accumulant bibliographie et photographies aériennes de différentes zones du

Pays Valencien, en plus d'établir, en collaboration avec G. Chouquer, les lignes principales

de mon étude ultérieure. Cette bourse m'a permis d'identifier une structure agraire de

caractéristiques formelles anciennes sur l'île de d'Ibiza et deux sur la petite île de

Formentera qui requièrent encore une analyse détaillée mais qui, en unissant leurs données

aux connaissances sur la distribution d'anciens établissements, me permirent d'élucider

certaines questions.

Formentera A est un parcellaire incliné à NG-5ºE spécialement bien conservé dans

la zone de la Venda des Pí des Català [titre 25 : 288] ; y sont particulièrement conservées

jusqu'à cinq unités de centuriation autour d'un seul site, can Xumeu Miquel, dont les

origines remontent à la première phase de colonisation (fin du IVè siècle ou début du IIIè

siècle av. J.-C.) et qui disparaît au IIIè siècle apr. J.-C. Une analyse précise de la

métrologie de ce secteur permettait de définir des unités minimales de la division parcellaire

interne à la centurie. Ce qui m'a alors paru très restrictif, cependant, avec le temps, je ne

l’ai retrouvé dans aucun des exemples analysés en Hispanie à cause de la disparition

d'anciennes structures parcellaires suite à l'effet de la création des paysages médiévaux

islamiques ou chrétiens.

Peu de choses ont pu être déduite de l'interaction entre la dispersion des sites et la

structure. En effet, aucune des périodes qui ont été définies ne peut se présenter comme le

moment de création de la structure, et nous ne pouvons pas établir plus de séparations.

Toutefois, à cette époque-là commençait à apparaître l'idée que certains domaines de

l'antiquité (comme des îles dans une structure) aient pu organiser et structurer le domaine

environnant. Telle pourrait être la véritable interprétation à en juger par la faible dispersion

des restes conservés de la structure et par l'empreinte intense qu'elle présentait autour d'un

61 Ville et Territoire: l'organisation du paysage à l'époque antique dans les îles d'Ibiza et de Formentera et le territoire de la ville de Valentia, mars-mai 1993.

Monde indigène punique et romanisation à Ebusus

-60-

établissement qui, tenant ses origines du IVè ou IIIè siècles av. J.-C., se prolongea jusqu'au

IIIè siècle apr. J.-C.

Une autre proposition de parcellaire de type centurié, Formentera B, ne résiste pas

à une révision étant donné sa faible empreinte dans la morphologie agraire, bien que nous

observions des structures par crop marks dans le site de ca s'Hereu au milieu du Ier siècle

apr. J.-C.

D'autre part le parcellaire détecté à Ibiza et incliné à NG-34ºW, coïncidant avec

l'orientation structurelle de l'île et se développant dans les rares plaines côtières, a été

spécialement utile en l'intégrant dans l'analyse du domaine du site de can Fita (voir supra)

[titre 46] et pour en proposer, comme hypothèse de travail (encore insuffisamment éclaircie)

une possible structure agraire dont les origines remonteraient à l'époque punique dans la

plaine de Sant Jordi, dans le cadre d'un projet sur lequel je m'étendrai par la suite et qui a

permis de définir un hawz ou un territoire agricole de la ville islamique [titres 30, 33 et 45]. Il

est évident que l'analyse des formes du paysage des îles apporte beaucoup plus à la

construction médiévale et moderne qu'aux paysages de l'Antiquité, comme nous aurons

l'occasion de l'observer.

CONCLUSION

Arrivé à la fin de ce volet sur les îles d'Ibiza et de Formentera, je garderais

particulièrement certaines idées fortes que je soulignerai de suite.

Les travaux effectués par rapport à la production et à la diffusion de céramique

avaient, comme je l'ai dit, une intention claire, celle d'aller au-delà de la simple description.

Il était important de mettre en évidence l'intégration d'Ibiza dans l'histoire de la

Méditerranée antique.

Dans le cas des céramiques antiques romaines, les sigillées et les vaisselles

africaines, on constatait qu'Ibiza faisait partie d'une région et d'un trafic commercial

différencié, avec pour origine la Méditerranée centrale, mais en nette relation avec la région

que les spécialistes du monde phéno-punique appellent le Cercle du Détroit. Au moins, il

s'agissait d'une manière d'interpréter l'origine de la culture matérielle punique-ébusitaine

avec des imitations de céramique attique ou campanienne et de la présence sur le sol

ébusitain (consommation) de récipients amphoriques puniques de la Méditerranée centrale.

Le principal centre d'intérêt du conflit pour le contrôle de la Méditerranée entre

Romains et Puniques fut le contrôle des sources de matières premières et d'un marché,

avec ses circuits commerciaux relatifs, définitivement unifiés et contrôlés par la suite par

Rome. Il est possible que l'apparition tardive du statut juridique ébusitain comme ville

fédérée à Rome soit une conséquence directe du besoin de Rome d'intégrer l'économie et

Monde indigène punique et romanisation à Ebusus

-61-

les routes commerciales puniques à son profit. Il faut rappeler que si, dans le transport par

voie terrestre il existait des passages naturels ou des cols fiscalisés par les tribus sous

forme de taxes là où Anibal et ses éléphants sont passés (ce qui était considéré par les

Romains comme une forme de brigandage62) l'exemple doit être extrapolable aux ports de

mer. Le foedus avec Ebusus fait partie de l'intégration du marché et des circuits

commerciaux puniques de la Méditerranée occidentale : les navires romains pourraient

dorénavant débarquer sans problème.

L'économie ébusitaine, hautement développée depuis les premiers moments de la

colonisation, perdrait une certaine autonomie probablement en raison de son rapport avec

les nouveaux circuits commerciaux italiques ; même si l'économie et les manifestations

culturelles ébusitaines n'ont pas été romanisées avant la moitié ou à la fin du Ier siècle apr.

J.-C. (apogée de l'expansion commerciale italique et des provinces occidentales). Cela se

manifesta par une réorganisation et par le choix de nouvelles formes de gestion de l'espace

rural, par l'adoption de techniques et d'outillages plus avancés, par l'utilisation du moulin à

huile ou encore par l'adoption des modèles décoratifs muraux typiquement italiques, ce qui

prouve l'apparition de la villa romaine. En 1990 j'avais déjà défini la situation de cette

manière [titre 5: 80]:

Avec l'entrée de l'île d'Ibiza dans la structure économique de l'Empire Romain, l’île perdit son rôle économique mais pas son importance stratégique par rapport aux routes commerciales de la Méditerranée, ce qui lui octroya un nouveau rôle.

Sans cette situation privilégiée qui caractérise Ebusus elle aurait très probablement fini par être un secteur marginal et isolé ou, en termes actuels, « sous-développé » (...)

La thèse récente d'E. García Riaza, d'un foedus conséquence du contrôle des

réseaux maritimes, et la mienne sont cohérentes par rapport à l'apogée du développement

du portorium depuis la bataille de Zama, dans un clair contexte d'intégration des droits

tarifaires déjà existants pour faciliter l'échange commercial entre les régions qui seront

intégrées à l'Empire romain (et Hispania comme scène des guerres puniques est parmi les

premières) et pour augmenter les recettes d'une administration qui exige chaque fois plus

un appareil administratif63. Ebusus n'apparaît pas parmi les stationes hispaniques mais vu

les conditions de navigation de l'Antiquité, les îles constituent un relais tout à fait approprié

pour les marins du mare nostrum ; D'après le matériel trouvé dans le sous-sol, il est

pratiquement sûr que si l'île n'était pas à proprement parler une statio douanière impériale,

elle a du percevoir des tarifs propres imposés par la ville ou des droits de péages pour le

62 (P. LEVEAU 2003 : 330) 63 (E. NARDO, D. FALCIANI 1999)

Monde indigène punique et romanisation à Ebusus

-62-

passage, des droits qui font inéluctablement partie de l'ensemble fiscal homogène que

désigne le terme portorium. D'autre part, si le portorium était perçu dans chacune des huit

circonscriptions douanières qui divisent l'Empire (Britannia, Gallia, Hispania, Africa,

Aegyptus, Asia, Sicilia et Italia) la majorité des routes maritimes qui menaient à la Péninsule

Ibérique avaient Ebusus comme premier port de relais de la circonscription hispanique ; il

est donc difficile de ne pas y voir un des multiples postes douaniers qui se sont créés le

long de la côte à partir de la Seconde Guerre Punique.

D'un point de vue strictement archéologique je crois que le monde rural ébusitain a

profité de la confrontation entre l'information issue des analyses de l'espace et du paysage

et la fouille archéologique de sites. Les images de surface donnent une idée « extensive »

de l'occupation et de l'exploitation du territoire, mais l'archéologie, disons « intensive », la

fouille ponctuelle, a apporté des éléments de réflexion fondamentaux. Par exemple je crois

chaque fois plus intéressant de décrire et de modéliser précisément l'existence de ces

constellations de sites proches entre eux, qui paraissent indiquer la présence de différents

composants des domaines ruraux, l'exploitation agricole et le reste des bâtiments et des

petites installations rurales qui font partie d'une même exploitation.

D'autre part, jusqu'à une période avancée de l'époque romaine, nous ne pouvons

pas faire la différence entre les partes urbanae (la résidence) et les partes rusticae (le

hameau, les bâtiments de production et autres éléments de transformation des produits

agricoles). À can Fita ou, mieux, près du site fouillé cette partie résidentielle a dû exister à

partir de la fin du Ier siècle ou du début du IIè siècle apr. J.-C. ; elle était richement ornée

de peintures murales « à la romaine ». Si nous comparons ces données avec celles que

nous disposons pour les époques précédentes, nous nous trouvons face à un paradoxe.

Quand nous avons pour un établissent et ses abords des indices de la résidence de ses

propriétaires, nous ne trouvons pas les nécropoles rurales, omniprésentes à l'époque

punique, mais qui cessent de l'être à partir de la période tardive du IIIè siècle av. J.-C. Dans

le cas, nous ne connaissons pas la nécropole que can Fita a dû avoir dès ses débuts, au

IVè ou au IIIè siècle av. J.-C., mais les nécropoles rurales ébusitaines sont bien connues

depuis les travaux de M. Tarradell et M. Font en 1975. Ces auteurs ont déjà identifié ce

phénomène d'absence de nécropoles rurales, malgré l'existence d'établissements pendant

toute l'Antiquité64. Ils étaient aussi conscients de ne pas trouver de trace de leur réutilisation

ou de trace de nouvelles nécropoles rurales avant le Bas Empire. D'autre part, dans le cas

de can de Fita nous avons affaire à une nécropole tardive qui fut interprétée en son temps

[titre 46 : 38] comme étant une conséquence « du lien étroit entre la propriété la terre et la

64 (M. TARRADELL, M. FONT 2000 : 189-197)

Monde indigène punique et romanisation à Ebusus

-63-

situation et permanence du cimetière, ce qui prouve que les propriétaires fonciers estiment

positivement, et à long terme, (...) la création d'un cimetière familial in suo fundo ; tandis

que les classes détentrices du domaine utile, mais sans propriétés foncières, et dont les

droits sur la propriété de la terre sont éphémères tendraient à créer des cimetières ouverts

et de courte durée » [titre 44 : 121]. Si nous extrapolons ces aspects à la situation de

désintégration de la société tardo-punique en conséquence de l'influence et du contact avec

Rome, cela pourrait nous apporter des pistes de recherche intéressantes pour plus tard.

Il convient aussi de souligner que la société punique, suite à la défaite infligée par

Rome et sous son influence, subit une transformation en passant d'une économie locale à

une économie régionale ; toutefois, la sensation que les Carthaginois suivaient un chemin

assez parallèle à l'évolution de Rome est chaque fois plus forte. Le conflit armé entre les

deux sociétés était un conflit pour le contrôle des circuits économiques et des marchés

indigènes vitaux pour les deux puissances méditerranéennes. À ce débat, l'archéologie

paraît apporter des éléments de réflexion intéressants, étant donné la « continuité »

matérielle apparente de beaucoup d'aspects de la société ébusitaine tardo-punique avec la

période immédiatement postérieure aux premiers contacts et à la soumission à Rome après

la deditio.

Du point de vue des événements politiques nous ne possédons pas trop éléments

pour attribuer à l'un ou à l'autre la responsabilité des changements. Peut-être pourrions-

nous l'expliquer par le biais de la datation des premières frappes de monnaie punico-

ébusitaine, par une vocation de circulation hors de l'île ou par une nouvelle situation

politique administrative par rapport à Rome ; ce qui d'après E. García Riaza65 pourrait

ratifier l'hypothèse selon laquelle Rome a entrepris « une politique sénatoriale commune

visant à la régularisation du contrôle sur les diverses villes maritimes hispaniques de

tradition punique, dans le contexte des opérations contre Sertorius ».

D'autre part, l'épigraphie nous donne la certitude qu'Ebusus a atteint le statut

municipal à l'époque flavienne (fin du Ier siècle apr. J.-C.) au moment où Vespasien donne

le ius latii aux villes hispaniques. Ceci ne serait qu'une coïncidence si l'essor de l'île à

l'époque du Haut Empire ne pouvait s'expliquer par cette expansion extra insulaire dès les

premières décennies du Ier siècle av. J.-C. ; mais surtout, parce que l'inscription qui nous

parle du municipium flavium fait allusion à un acte d'évergétisme de la part des cornelii

ebusitains, qui se traduit par la construction d'un aqueduc (CIL II, 3663) dont les restes sont

probablement ceux qui furent trouvés il y a quelques années à can Mises [fig. II, 5] ; ou,

65 (E. GARCÍA RIAZA 2001 : 245)

Monde indigène punique et romanisation à Ebusus

-64-

plus tard, à travers le financement de la dette (90 000 sesterces) de la ville d'Ebusus envers

Rome à titre d'impôts annuels66, par un descendant de la gens des cornelii.

Ce fait explique deux aspects qui me paraissent importants : d'un côté l'existence

de familles dont l'accumulation d'excédents leur permet de pratiquer l'évergétisme ; c'est-à-

dire que leur richesse est antérieure à la concession par Vespasien du statut municipal, et

ce d'autant plus si l'on considère que sur les deux inscriptions sont représentées plusieurs

générations. D'un autre côté, la transformation, même si elle ne se fair qu’au niveau

politique, qu'ont dû éprouver celles que nous observons dans les règles de distribution des

établissements ou dans l'évolution interne de ces derniers ; bien au contraire, les données

que nous possédons sur la distribution des établissements et sur les sites semblent faire la

lumière sur les faits de l'histoire politique et administrative. Nous observons des

coïncidences intéressantes entre ces événements politiques et la vie matérielle des îles. Il a

été récemment avancé plus qu'une simple supposition à partir d'éléments comparatifs sur la

date du foedus entre Ebusus et Rome. 78 av. J.-C. a été proposé comme date possible ;

cela correspond au moment où Gades a renouvelé ou a établi l'accord officiel de fédération

avec Rome. L'expansion tardo-punique des sites de Formentera dans la phase II (siècles II-I

av. J.-C.) et la restructuration de l'établissement de can Fita à ces mêmes périodes sont des

faits qui expliquent cette accumulation de richesse, alors que l'éclosion du peuplement

ébusitain ainsi que les transformations qui en découlent (l'occupation maximale de

Formentera et l'évolution entre la mapalia punique et la villa de can de Fita) illustrent, selon

moi, la maturation du processus précédent et la romanisation effective de la société

punique. Toutefois, je ne vois aucun motif pour mettre dans une relation de cause à effet la

municipalisation et les réformes effectuées à can Fita et dans d'autres sites, comme dans

l'expansion des sites à Formentera. En d'autres mots, les transformations profondes qui

sont actuellement connues affectent les villes qui ont été nommées sièges d'événements

internationaux, comme les Jeux Olympiques. Il serait inopportun d'attribuer le résultat de

ces transformations à cette nomination à moins que ce ne soit en tant que catalyseur d'un

état préalable, de l'accumulation de richesse qui rend possible la nomination. Dans le cas

d'Hispania, et en particulier dans celui d'Ebusus, tout paraît indiquer que l'édicte de

Vespasien ne fit que confirmer et accélérer un état de fait qui, de plus, selon Patrick Le

66 (J. JUAN CASTELLÓ 1988 : 88-90)

Monde indigène punique et romanisation à Ebusus

-65-

Roux, a pu entraîner des redéfinitions territoriales ayant pour but un meilleur contrôle

fiscal67.

67 (P. LE ROUX 1994)

RECHERCHES SUR L’ARCHÉOLOGIE DES PAYSAGES

Il s'agit du thème de recherche auquel je me suis entièrement consacré au cours

des quatorze dernières années, rares exceptions faites de quelques retouches apportées à

des travaux de recherche antérieurs.

Je serais bien incapable d’expliquer mon intérêt pour ce type de recherche. Pour ce

qui est de la ligne de recherche sur Ebusus mon idée était de faire une histoire totale. Je

me suis donc adressé à Gérard Chouquer en 1988 dans le but de me former dans l'analyse

des cadastres romains, ce qui constituait un paragraphe supplémentaire dans mon travail

sur can Fita (site fouillé à cette époque-là) ; et, surtout, en toile de fond il y avait le projet

sur Ebusus romaine. Je n'ai reçu de réponse qu'à la fin de l'année suivante quand il

m'informa de l'existence d'un cours par correspondance comprenant un stage final

d'évaluation, cours que j'ai suivi avec un réel intérêt entre 1990 et 199168.

Pour des raisons de calendrier et pour éviter que cela coïncide avec la phase finale

de ma thèse doctorale je m’étais promis à moi-même de ne rédiger aucun article avant de

l'avoir terminée ; promesse que je n'ai tenue qu'en partie seulement, puisque j'ai participé à

un bref essais, paru dans une revue spécialisée en critique archéologique, aujourd'hui

disparue, Arqritica [titre 19: 231-233], annonçant la publication de deux ouvrages de G.

Chouquer et de F. Favory : Les paysages de l’Antiquité et Les arpenteurs romains. Théorie

et pratique69, qui finirent par marquer une inflexion définitive entre les études de cadastres

et l'archéologie du paysage.

A l'époque déjà, je me préoccupais des possibles rapprochements entre

l'archéologie spatiale et cette archéologie des paysages, la première étant une méthode que

je pratiquais depuis un certain temps. Déjà ces inquiétudes étaient le fruit d’une

insatisfaction personnelle vis-à-vis des résultats de l'archéologie spatiale, en effet celle-ci

n'identifiait pas les espaces de production de l'antiquité. À mon avis, les analyses du site

catchment (l’aire de ressources) de chaque site font abstraction de la réalité antique ; en

effet, elles se basent sur le principe que, indépendamment de l'usage actuel du sol, on peut

supposer une variation identique entre les uns et les autres usages, et que donc, la

variabilité entre les uns et les autres est un indicateur de l'intentionnalité et de la vocation

productive du groupe qui s'installe dans un endroit précis. Par conséquent, si une formation

sociale transforme profondément l'usage du sol par le biais de différents moyens techniques

et que cela résulte d'une option sociale clairement différenciée, cela peut fausser et altérer

les résultats de l’analyse de l’aire de ressources

68 Archéomorfologie, carto et photointerprétation par G. Chouquer (CNRS. 69 (G. Chouquer, F. Favory 1991 ; 1992)

Archéologie des paysages

-67-

L'exemple qui peut le mieux éclairer mes propos est celui de l'irrigation. Les terres

susceptibles d'être irriguées ne le sont pas forcément parce que, comme nous le savons,

l'irrigation est une option sociale apportée par les colons de la péninsule ibérique qui

formèrent al-Andalus. Toute analyse du territoire de captation des sites romains de l'arrière

pays de l'actuelle ville de Valence procurera une haute valeur aux sols cultivés par un

apport d'eau supplémentaire issu de l'irrigation. Il est évident que les méthodes qu'utilise

l'archéologie spatiale ne permettent pas de savoir si ces sols sont ceux qui existaient dans

l'antiquité, si toutefois ils existèrent, ni ne permettent d'évaluer l'intervention d'une société

qui transforme l'usage du sol et qui produit des biens dont la valeur à l'usage est beaucoup

plus importante que la valeur à l'échange. Suivant ainsi les principes de recherche de M.

Barceló sur les espaces agraires andalous, le hameau (alquería) islamique d'un groupe

clanique berbère d'une zone montagneuse peut subsister sur un territoire beaucoup plus

réduit (1 ha), (dû à la haute valeur d'usage des produits agricoles de subsistance du groupe

provenant des périmètres irrigués) que dans le cas d'une villa romaine spécialisée dans la

culture de la vigne, produit qui est ou peut être consommé à plusieurs kilomètres de

distance du lieu de production. Jusqu'à présent, les analyses qui ont été réalisées au sujet

des possibles territoires d'exploitation des villae romaines multiplient par 130 cet espace, et

donc, cela requière une approche différente. Par conséquent, tout aussi compliqué que cela

puisse être, il me semble que l'archéologie des paysages peut être, en des circonstances

précises, une jauge pertinente des résultats issus des méthodes de l'archéologie spatiale.

C’est ce que j’ai tenté de démontrer pour le territoire de captation de can Fita [titre 46: fig.

80] et dans l'analyse des formes du paysage de l'ager aesonensis, thème que j'aurai

l'occasion de commenter plus en avant [titre 37 = 41].

Mais, l'archéologie des paysages telle qu'elle était pratiquée dans mon pays (à

cette époque, l'étude des cadastres romains) ne me satisfaisait pas non plus. Après les

travaux pionniers du milieu des années 70, les travaux les plus spécialisés étaient alors

ceux de Enrique Ariño et de Rosa Plana. Ces deux auteurs, suivant le contexte

méthodologique et théorique de l’école de Besançon, se basaient principalement sur l'étude

des cadastres romains et grecs dans la région du val de l'Èbre et dans la région de

l'Ampurdan (le territoire d’Ampurias). Ma critique reposait essentiellement sur le fait que

dans les deux cas on omettait les différentes phases de création du paysage, à moins que

l'objectif n’ait été de différencier les moments de création paysagère et de confirmer la

datation antique des structures cadastrales recherchées. Pour ces auteurs et les régions

qu'ils étudiaient, cela était sûrement possible, mais pour celles où je commençais mon

travail, il me paraissait inadmissible d'aborder les phases antiques de création paysagère

sans entrer pleinement dans l'identification des phases les plus récentes. Ces circonstances

me conduisirent à aborder des problèmes scientifiques qui m'éloignaient des

Archéologie des paysages

-68-

problématiques habituelles et du cadre chronologique de ma spécialité mais qui, par la

suite, enrichirent mon bagage méthodologique, conceptuel et théorique ; j'ai par la suite

essayé de le transmettre à l'étude de l'Antiquité. Je fais principalement référence à deux

problématiques inépuisables, l'irrigation et la société d’al-Andalus, pour ce qu’elles

représentent en tant que rupture et discontinuité (en ce qui concerne les techniques

agraires et les formes des paysages) et pour la société hispano-romaine antérieure.

Cet éloignement m'a conduit directement à

multiplier les contacts avec ceux qui s'occupent de ces

thématiques. D'une part, avec Patrice Cressier, qui était

alors le Directeur des Etudes de la Casa de Velázquez de

laquelle j’étais membre, à propos de projets de recherche

sur la Péninsule Ibérique et tout particulièrement sur le

Maroc. Je cherchais dans ces projets la définition des

formes de l'irrigation dans un contexte où elles n'auraient

pas été perturbées par les phases plus anciennes

(hypothétiquement romaines) de création paysagère ; outre

la caractérisation des irrigations créées ex nihilo, sans

contraintes, en plaines où les formes paysagères

pourraient se développer avec un aménagement formel,

libre des limitations dérivées du relief et des terrasses.

D'autre part, j'ai collaboré avec l'équipe de Miquel Barceló. C'est en participant à

un congrès sur l'agriculture et l'irrigation en al-Andalus, qu'il sollicita ma collaboration pour

l'analyse des formes du paysage de la plaine d'Ibiza ; en effet, il se heurtait aux limitations

de l'archéologie hydraulique, développée par son équipe, pour définir et comprendre ces

espaces. Cette collaboration me permettait d'aller plus en avant dans les hypothèses

émises sur les paysages d'un espace étudié depuis quelque temps, comme l'était Ibiza et

d'aborder la construction paysagère du hawz (territoire de la ville) d'une médina d'al-

Andalus (Yabisa), créée suite à la bonification d'un marais côtier, à travers le drainage et la

construction d’un espace mixte d'exploitation agricole et d'élevage.

De ces deux collaborations, et spécialement de la deuxième, provient mon

immersion dans le cadre conceptuel initié par Pierre Guichard et développé par Miquel

Barceló. Le sujet en est la définition de la société d'al-Andalus et du modèle de l'état

tributaire basé sur le cadre théorique formulé par S. Amin dans Sobre el desarrollo desigual

Archéologie des paysages

-69-

de las formaciones sociales70, et sur l'essai introductif de M. Barceló à la traduction de cette

oeuvre à l'Espagnol.

La somme de ces influences coïncida avec les rapports scientifiques que je

développaient avec Gérard Chouquer depuis un certain temps déjà, comme j'ai déjà dit ;

mais cela ne concrétisa que durant mon activité post-doctoral au sein de l'équipe

« Archéologie et Territoires » de Tours à l'occasion du contrat de recherche effectué pour

l'analyse des formes du paysage touchées par le tracé du TGV Méditerranéen en 1995 dans

le cadre de l'archéologie préventive [titre 27] ; cela se cristallisa, par la suite, dans un projet

de recherche post-doctoral entre 1996 et 1997, financé par le Ministère de la Science et de

la Technologie espagnol et sous la tutelle scientifique de G. Chouquer.

De ce temps datent tous mes travaux en rapport avec cette ligne de recherche sur

le paysage rural et urbain et l'archéologie préventive. Et cela correspond précisément à

l'époque où se manifesta et se cristallisa la crise épistémologique de l'école de Besançon.

À ce moment-là, mon entrée dans cette discipline ne fit que réaffirmer certaines de mes

intuitions préalables, fruit du cadre géographique de mes premières recherches, comme

l'était la nécessité de comprendre les paysages dans la diachronie. Et, surtout, la nécessité

d'établir un vaste répertoire de formes basées sur la casuistique qui me permettraient de

définir les règles générales des formes agraires, leurs interrelations, leur origine et leur

fonctionnalité, pour ouvrir des lignes de recherche futures et de proposer des

problématiques alternatives que la recherche résoudrait par la suite.

Le choix de ces zones suivait un critère basé sur l'identification préalable des

formes du paysage et facilement imputable, a priori, à une société ou à une période

chronologique précise : parcellaires dans les environs d'une fondation médiévale du XIIIè

siècle ou des régions dont la documentation médiévale parleraient de forme explicite

d'interventions d'arpenteurs médiévaux ; parcellaires d'irrigation liés à des établissements

islamiques ; des centuriations stéréotypées et sans appel du point de vue de leur

aménagement formel et d'une bonne conservation des axes qui la formaient. Mais il était

aussi nécessaire d'étudier des pistes de recherche qui dévoileraient de nouveaux objets, de

nouvelles formes agraires qui pourraient augmenter le répertoire des formes inconnues et

permettraient de disposer, à l'avenir, de nouveaux modèles formels. Dans ce sens, les

résultats ont été spécialement fructueux par rapport aux formes médiévales et modernes,

spécialement riches dans le Pays Valencien, et par rapport aux formes proto-historiques

dont nous disposons, à ce jour, de certaines hypothèses qui devront être confirmés dans le

70 (S. AMIN 1974)

Archéologie des paysages

-70-

futur, comme le soulignèrent certains auteurs dans le commentaires qu’ils firent sur mon

travail71.

Toutefois, à mon avis, les résultats les plus intéressants sont le fruit de l'analyse

de la relation entre les formes hypothétiquement anciennes et les formes agraires des

bonifications agricoles (que se soit par irrigation ou par drainage) d'époque médiévale. Pour

la première fois, dans certaines zones qui ont fait l'objet d'une étude, on a pu distinguer la

physionomie des espaces de culture de l'antiquité des espaces de culture médiévaux, et les

règles qui ont régies ces changements ; Spécialement, dans des zones où la recherche

pionnière de M. Barceló n'avait pas pu intervenir : les huertas urbaines et les plaines

côtières où se situent les villes de l'antiquité. Je crois intéressant de rappeler les mots de

M. Barceló72 relatifs à cette problématique :

(...) toutes les recherches qui ont été faites, qui ne sont pas légion, sur les espaces ruraux d'al-Andalus (...) indiquent de manière évidente que les paysans ont produit un espace agricole bien différent de celui qu'il y avait avant, même en avouant la profonde méconnaissance de ce qu'il y avait avant. Mais il n'y a pas de doute qu'il s'agisse d'un espace agricole nouveau, (...) Je n'ai jamais voulu suggérer l’absence de champs de terrain non irrigué. Il y en a, certes, mais l'option préférentielle, celle qui détermine tant le secteur de résidence comme les domaines de culture, les processus de travail, son volume et le régime alimentaire est l'irrigation. Naturellement, ce nouvel espace agricole a une séquence chronologique de formation que nous connaissons encore très mal. Nous ne savons pas non plus, comme il a été précédemment indiqué, sur quel ordre agraire les innovateurs arabes et berbères agissent pour modifier et créer un nouvel espace.

De cette manière, les différentes stratégies productives et d'extraction de

l'excédent des sociétés paysannes par l'État deviennent visibles, en démontrant la

différente « distribution sociale de l'eau comme de l'espace de culture qui correspond à

chaque alquería ».

Tout cela a pris forme dans le volume Las formas de los paisajes mediterráneos,

publié par l'Université de Jaén en 2002 [titre 45], dans lequel j'ai compilé tous les articles

dispersés et publiés dans différentes langues (espagnol, catalan et français) et des rapports

de recherche alors inédits, dans une proportion approximative de 50 %. C'est pourquoi

j'indiquerai toujours une double référence : celle de l'article publié préalablement et celle du

chapitre du livre où il se reproduit parce qu'il y a parfois des nuances et des changements

qui recommandent une double lecture. Par ce volume je prétendait faire un bilan d'étape,

une halte sur le chemin, qui me permettrait une réflexion sur les lignes de recherche future

devant être abordées et sur celles qui de par la distance qu'elles supposent avec ma

spécialité devraient être abordées par des chercheurs beaucoup plus compétents en la

71 (J. L. FICHES 2002; G. CHOUQUER 2003) 72 (M. BARCELÓ 1992 : 247-248)

Archéologie des paysages

-71-

matière. Dans un premier temps j'aborderai les principaux résultats de mes recherches: 1)

La genèse des premiers paysages, 2) Bonification :

irrigation et drainages, 3) Planification et Fondation : le

concept de régularité organique, 4) La variété des formes

médiévales et la contribution des textes de valenciens, et

5) Archéologie préventive ; une ouverture sur de futures

lignes de recherches.

LA GENÈSE DES PREMIERS PAYSAGES : FORMES PROTO-HISTORIQUES

Le premier article dans lequel j'ai abordé la

problématique des paysages valenciens a été écrit dans le

cadre d'un congrès sur Historia y Medio Físico. Agricultura

y regadío en al-Andalus, tenu à Almería en 1995 [titre 24].

Mais ce ne fut que l'année suivante que je concrétisai

dans mon article programmatique [titre 25] les bases de mon projet post-doctoral [titre 45:

chapitre 1]. Il y était établie la priorité d'aborder les premières structurations du paysage à

l'époque protohistorique, tel que cela avait été fait dans d'autres pays d'Europe et en France

en particulier. Cela permettait d'identifier des structures agraires dont les origines

remontaient à l'époque ibérique ou punique. Mais cela permettait aussi la révision

nécessaire des anciennes études des centuriations identifiées en Espagne avec de

nouvelles perspectives tenant compte de la diachronie et de la recherche de la fonction

parcellaire qu'accomplissaient les structures agraires

Bien que le premier rapprochement ayant l'intention d'identifier un parcellaire

d'époque protohistorique se produise dans la plaine qui domine un des sites emblématiques

de la protohistoire ibérique, la Bastida des Alcuses, cette première tentative s’est révélée

infructueuse. En effet, tout paraît indiquer que les formes agraires de la plaine d'Alcuses

sont d'époque médiévale comme nous aurons l'occasion de le voir par la suite. Toutefois,

les analyses de deux autres sites d'époque ibérique, même si elles furent effectuées dans

un contexte d'identification et d'étude de formes parcellaires de type centurié, ont donné

des résultats qui permettaient d'émettre l'hypothèse de structures agraires dont l'origine

pouvait faire référence à des sociétés protohistoriques. Je n'entrerai pas, toutefois, dans le

détail de l'apport que suppose la possible structure agraire d'époque punique identifiée à

Ibiza, puisqu'elle demeure dans le domaine le plus absolu de l'hypothèse conjecturale [titre

45: chapitre VII].

Archéologie des paysages

-72-

Il s'agit des formes agraires du territoire de l'ancienne Edeta (Liria, Valencia) [titre

25: 282, fig. 1; titre 42; 45: chapitres IV et VI; titre 48: 429-439] et de celui d’Eso-Aeso

(Isona, Lérida) [fig. IV, 1] [titre 37 = 41; 45: chapitres V et VI; titre 48: 429-439], qui

présentent de nombreux points communs bien qu'ils se trouvent assez éloignés l’un de

l’autre. Comme dans la majorité des cas d'étude espagnols, les preuves de son ancienneté

sont seulement circonstanciels, la situation spatiale des établissements ibériques, certaines

ornières, bornes ibériques qui sont alignés et orientés comme la structure générale, y

compris l'orientation de la rue principale d'un établissement situé dans la plaine... . Mais il

manque encore la fouille d'une fossé, d'un chemin dont la présence de matériaux ibériques

qui permettrait d'assurer une chronologie approximative, ou du moins d'utilisation dans le

secteur concerné de la structure antique.

Au contraire, face à toutes les preuves circonstancielles, les similitudes entre les

deux cas, sur différents aspects, leur confèrent le statut de modèle. Tout deux ordonnent

l'espace qui entoure la ville (comme c’est le cas des villes ibériques) et montrent une

morphologie assimilable à celle d'un système cohérent sans toutefois manifester

l'orthogonalité rigoureuse d'un système centurié. Cependant elles offrent une métrologie

coïncidente et articulée par un module de 525 m. On pense alors à l'ancienne mesure basée

sur la coudée de 0,525 m (0,525*1 000 = 525) qui, selon Max Guy73, ferait partie d'un

système basé sur cette même coudé, le pied de 0,35 m () de la coudée) et du pied associé

de 0,297 m, qui se trouverait à la base de toutes les mesures parcellaires depuis l'époque

archaïque jusqu'à l'adoption du pied romain vers le IIIè siècle av. J.-C., en Grande Grèce.

Un système très semblable a pu être identifié en Syrie74. En outre, dans les deux cas, les

structures parcellaires d'époque romaine qui se superposerait au système cohérent, forment

un angle presque identique : 27º30' pour les structures d'Isona et de 28º42' dans le cas des

structures de Liria. La différence idéale entre les deux structures étant 27º33’ [titre 45: 135-

136, fig. 51] ; c’est probablement ce que les arpenteurs cherchèrent à obtenir en situation

optimale. Cette variation angulaire offre les caractéristiques d’angles semblables, construits

à partir de l’hypoténuse, que les arpenteurs romains auraient utilisés pour différencier les

structures agraires organisées par leur opération d'arpentage de celles qui existaient

précédemment ; par conséquence, une construction géométrique de parcellaires qui

entraine une plus faible utilisation de la groma75. Ce qui n'est pas étonnant si nous tenons

compte de l'attention spéciale que prêtent les arpenteurs romains à la réalité indigène à

73 (M. GUY 1996, 188) 74 (J. LEBLANC, J.-P. VALLAT 1997) 75 (A. ROTH GONGES 1996)

Archéologie des paysages

-73-

laquelle ils se trouvaient confrontés, tout comme François Favory l'a mis en évidence dans

une étude récente76. Par la suite, nous pourrons voir un autre exemple de comparaison

entre deux centuriations romaines : les perticae de Nîmes A et Orange A, dans le

Languedoc.

Toutes ces caractéristiques et spécialement la régularité métrologique observée,

doivent nous faire abandonner l'idée que, dans les deux cas, il puisse s'agir d'une forme

auto-organisée non prévue ou, ce qui est la même chose, d'un système de formation, conçu

et mis en forme récemment par les travaux de l'école d'archéogéografie de G. Chouquer77.

Une autre structure agraire, dont les origines peuvent remonter à la proto-histoire,

est un cas que j'ai étudié dans le Languedoc : le système de la Vistrenque [titre 45: 112-

120, 131-133, figs. 22-24]. La structure est fossilisée par des grands axes formant de

grands chemins, mais dont la conservation fossile est faible dans la masse parcellaire

actuelle. cependant, contrairement aux exemples précédents, un élément archéologique

permet d'affirmer qu'au moins un axe intégré dans la structure a été fouillé et on peut

affirmer dans ce cas qu'il a été utilisé à l'époque républicaine.

Donc, bien que j'aie tenté de trouver un module métrologique qui pouvant organiser

les plus grands axes de ce système, je n'ai pu rencontrer que quelques coïncidences, que

j'estime peu significatives, également autour d'un module équivalent à 525 m, mais

seulement dans quelques zones (autour de Garons, de Bézouce ou Saint-Vincent et

Jonquières). Au moment de rédiger le rapport en 1997, (sa publication fut plus tardive)

j'affirmais que j'avais : « (...) l'impression d'une grande régularité du fait de l'existence de

structures intermédiaires qui organisent et partagent l'espace », [titre 45: 120], faisant

référence à une proposition de G. Chouquer78 sur les structures de la proto-histoire ; et

j'affirmais que, dans ce cas, nous ne pouvions nous trouver « (...) qu'en présence de la

seule charpente de base du réseau, la voirie. La faiblesse des surfaces concernées par ce

réseau pouvait le démontrer » [titre 45: 132].

À leur tour, ces constatations servaient mes réflexions au sujet des possibles

morfogèneses d'un système cohérent [titre 45: 141-146; fig. 31, 2]:

76 (F. Favory 2003) 77 (G. CHOUQUER 2003 ; C. LAVIGNE 2003 ; C. MARCHAND 2003) 78 (G. CHOUQUER 1996 : 203) : « (...) réseaux protohistoriques lentement réifiés, par développement progressif et assemblage des blocs et quartiers parcellaires. Ce développement a sans doute été favorisé par le tracé de quelques axes principaux, pouvant servir de charpente à cette lente organisation du parcellaire. »

Archéologie des paysages

-74-

La construction spontanée de différents réseaux, non préconçue, dans différents terroirs d'un même finage (...), avec des espaces intermédiaires non cultivés. La cohérence géographique ou la « géométrie naturelle de l' espace » feront le reste, et donneront lieu à une structure, qui fonctionne en réseau, partageant des éléments communs, par exemple, les chemins, mais qui n'a jamais été conçue comme telle. Notre recherche au sud de Marrakech, où la régularité du parcellaire d'irrigation s'étend à travers différents territoires tribaux ; ce que peut aussi illustré l'aspect d'« îles » des différents blocs parcellaires du système de la Vistrenque.

Ce qui annonçait, avant la lettre, les concepts de formes auto-organisées, non

planifiées, ou ce qui revient au même, d'un système de formation, concept associé dans un

premier temps à mon concept de régularité organique79 :

La régularité organique des parcellaires de formation. (...) Ces différentes contraintes imposées par le milieu, à l’homme, se sont posées à toutes les époques et aboutissent à la formation de parcellaires marqués par une forte régularité organique (GONZALEZ 1996). Cette régularité peut être confondue avec la régularité modulaire des parcellaires de fondation du Moyen Âge aux formes, parfois, aussi souples et ductiles.

Bien que plus tard l’harmonie des concepts passerait à l’oubli, sans aucune

explication (je reviendrai plus en avant sur ce thème), il lui fut substitué le concept de

planification discrète80.

(...) c’est l’émiettement et l’adaptation souple des champs à la topographie, à l’hydrographie et aux chemins préexistants, que la régularité des formes issue d’une quelconque grille modulaire. On parlera donc de planification discrète par mitages parcellaires. Le terme de discret est employé ici, à la fois, dans son sens coutumier, c’est-à-dire qui se montre peu et qui est donc difficile à voir, mais aussi dans son sens mathématique, où discret veut dire discontinu. Cette planification est discontinue puisque aucune trame d’ensemble n’assure la continuité géométrique de l’espace.

En définitive, les différentes observations et les nuances que l'on trouve entre les

cas qui ont fait l'objet d'analyse, en Espagne et en France, offrent deux propositions

complètement différentes quant à leur origine et planification. D'un côté, une possible

planification dans les exemples ibériques, peut-être simultané avec l'apparition de

structures à pouvoir fort, et, d'un autre, de la formation d'une structure agraire qui ne ferait

pas l'objet d'une planification, mais d'une formation, en intégrant différents îlots dans un

espace géographique marqué par des axes linéaires qui le structurent, en donnant lieu à

une structure discontinue qui se (ré)crée au fil du temps. Mais, d'autre part, ils

accomplissent des fonctions semblables, puisque dans tous les cas les principales lignes

qui organisent l'espace, se concrétisent comme chemins creux qui ont une fonction

drainante qui évitent l'érosion et la disparition des sols.

CENTURIATIONS ROMAINES

79 (C. LAVIGNE 1997 : 155-156) 80 (C. LAVIGNE 2002 : 151)

Archéologie des paysages

-75-

Quant aux structures centuriés j'ai effectué une triple tâche. Dans un premier

temps, une révision des hypothèses de centuriations émises depuis le milieu des années 70

me paraissait nécessaire et indispensable, puisqu'elles étaient difficilement soutenables ;

en même temps, cela permettait d’éviter la confusion entre centuriations et parcellaires

médiévaux. Dans un deuxième temps, j’identifiais de nouvelles structures centuriées qui

organisent le territoire et qui étaient passées inaperçues, probablement parce que la

recherche ne s’était exclusivement centrée que sur les colonies romaines. Finalement, je

creusais les dossiers de centuriations bien connues du sud de la France, concrètement

dans la région des Costières de Nîmes, où le registre archéologique est particulièrement

riche, tant par la présence indiscutable des marbres d'Orange (Orange A) qui permettent

d'avoir la certitude du siège et de l'extension de la pertica, tant par la production scientifique

de résultats dérivés de la fouille d'éléments matériels de la structuration des champs

d'époque antique. Cette circonstance a supposé une évolution dans l'interprétation et la

compréhension organisatrice d'une structure centurié qui ne me permettrait jamais l'étude

des perticae hispaniques en général et de Valence en particulier (probablement à

l'exception d'Elche), dont les résultats dans ce sens sont encore loin d’être satisfaisants.

C'est là un aspect qui, comme on le verra plus loin, influence de manière décisive

l'archéologie des paysages qui peut être effectuée en Espagne.

Quant à la révision d'anciennes hypothèses, elle a entrainé la production de

nouvelles interprétations sur les formes agraires du moyen âge, comme on le verra le

moment venu. Un exemple singulier est offert dans le secteur de la région de Castellón:

des centuriations ont été proposées autour des villes de Castellón81 et Villarreal 82 [titre 45:

chapitre VIII, figs. 58-60] alors qu’il s’agit en fait de parcellaires agraires qui ont

accompagnés les fondations de Jacques Ier au XIIIè siècle. Un autre exemple, que j'ai pu

évaluer, se situe dans la vallée du Genil à Grenade, près de Pinos Puente, où la présence

d'une centuriation romaine avait été défendue83 ; je n’y ai vu pour ma part que des champs

d'irrigation créés probablement à l'époque islamique. Enfin, la Huerta de Murcie est une

autre zone à laquelle j’ai consacré du temps afin de confirmer ou réfuter les hypothèses

émises sur les centuriations romaines84. Ce qui m'a permis d'approfondir mes

connaissances sur un paysage agraire lié à la fondation de la ville au cour de l'année 825

81 (A. LOPEZ GOMEZ 1974) 82 (A. BAZZANA 1978 ; 1984) 83 (M. C. OCAÑA 1974 : 189-192) 84 (V. M. ROSSELLÓ, G. M. CANO 1974)

Archéologie des paysages

-76-

et, par conséquent, à la création de l'espace agraire environnant le hawz de la médina de

Murcie [titre 45: chapitre XI].

LE DOSSIER ILICI (ELCHE)

Une autre centuriation revisitée est celle de l'oppidum ibérique d'Helike, qui

deviendra la colonie d'Ilici. Cette colonie mérite une brève notice biographique de la

recherche effectuée sur la structure centuriée. La conservation excellente des limites

principales de la centuriation a fait ainsi du paysage d'Elche un des plus analysées et

étudiées d'Espagne. Publiée dans un premier temps par García y Bellido85 , Gozálvez Pérez

en proposa une grille et une planimétrie deux années plus tard, bien considérés et acceptés

pratiquement jusqu'à nos jours, bien qu'en 1976, R Corzo ait corrigé légèrement la

proposition de Gozálvez en proposant une alternative légèrement différente. J.-G Gorges

intégra ensuite ces deux hypothèses dans une approche éclectique entre les deux

hypothèses, proposant l'existence de deux centuriations avec un degré angulaire de

différence et qui pourraient être datées de l'époque d'Auguste et de Tibère (et non de César

et d'Auguste comme j'ai confondu en 1996 et 2002 [titre 25: 158; titre 45: 437]) par le

changement de légende qui apparaît dans les séries monétaires des deux empereurs :

(Colonia Caesarina Ilici Augusta) et C.I.IL.A. (Colonia Iulia Ilici Augusta)86, toutefois, il est

certain que le développement de l'abréviation des émissions monétaires est un problème

qui n'est pas encore définitivement réglé87.

Les propositions formulées nous orientent vers l'hypothèse d'une colonie

triumvirale, fondée autour des années 43-40 av. J.-C. Période à laquelle correspondrait la

première émission monétaire postérieure à 42 av. J.-C., (monnaie 1, [fig. V, 1-1]). Une

deuxième deductio augustéenne (ca. 26 av. J.-C.) probablement commémorée par une

émission monétaire avec des emblèmes légionnaires et la légende AUGUSTUS DIVI. F

postérieure a 19 av. J.-C., et la légende C.C.IL.A., (monnaie 2, [fig. V, 1-2]), moment qui

coïncide avec la date d'une inscription dans laquelle apparaît un personnage, T. Statilius

Taurus, patrono, qui pourrait être identifié avec le legs d'Auguste qui a dirigé au 29 av. J.-C.

la guerre contre les Vacceos, Trévires, Cantabres et Astures, et avec le patron chargé d'une

nouvelle déduction de vétérans à ce moment-là. Une dernière émission augustéenne (ca. 12

av. J.-C.) avec le temple de Juno au verso et la légende C.I.IL.A., (monnaie 3, [fig. V, 1-3]).

85 (A. GARCÍA Y BELLIDO 1972) 86 (J. G. GORGES 1983 a et 1983 b) 87 (MA M. LLORENS 1987 : 8-9; A. MARQUES DE FARIA 1999 : 34-35)

Archéologie des paysages

-77-

Récemment, G. Alföldy88 a habilement combiné les données dérivées de la

numismatique, de l'épigraphie, et aussi de la tabula de bronze qu’il place dans une seconde

deductio augusteenne, pour arriver aux conclusions suivantes :

En résumant toutes les observations proposées, nous pouvons maintenir l'hypothèse selon laquelle la fondation de la colonie d'Ilici n'a pas eu lieu en une seule fois. La colonie s'est établie, comme une colonie Iulia et probablement déjà en ce temps comme une colonie immunis, entre 49 et 42 av. J.-C., peut-être déjà liée au licenciement de vétérans par César après ses victoires en Hispania durant les années 40 et 46 et peut-être durant l'année 47. Toutefois, il est beaucoup plus vraisemblable que la colonie ait été fondée peu de temps après le décès du dictateur, probablement en accord avec ses plans, par ses successeurs, et très probablement au cours de l'année 42 av. J.-C. Pendant la principat d'Auguste, pas avant 27 et probablement autour de l'an 26 av. J.-C., à un moment des guerres contre les Cantabres et les Astures au nord-ouest de la Péninsule Ibérique, où la situation militaire a permis le licenciement de légionnaires, ou comme plus tard, aux environs de 19 av. J.-C., quand ces guerres terminèrent, une seconde déduction de vétérans eut lieu à Ilici. Grâce à cette réorganisation, la colonie ilicitaine assuma aussi l'appellation d'Augusta ; sous la forme d'une contributio, le conventus civium Romanorum d'Icosium fut incorporé à la communauté ; et au même moment la ville a probablement reçu aussi l'Italicum ius.

En 1994, dans un article où ils révisaient les différentes hypothèses sur les

structures centuriées hispaniques, E. Ariño, J.-M. Gurt et M.-A. Martín-Bueno croyaient déjà

difficile d'accepter l'existence des deux structures, tel que le proposait J.-G. Gorges, avec

aussi peu de différence angulaire ; toutefois, ils reprenaient à leur compte l'argument réitéré

de la coïncidence des canaux d'irrigation et la grille centuriée comme argument probatoire

de la contemporanéité des deux structures agraires89 , comme l'avait fait à l'époque

Gozálvez Pérez.

Au cours de la même année, une partie de ces auteurs, et d'autres90, proposaient

dans un article le concept de « stratigraphie du paysage » et reconsidéraient quelques

exemples de cadastres hispaniques. Voyons quelques aspects dont a profité cette révision

de la pertica d’Ilici.

Pour commencer, ils ont distingué pour la première fois l'existence de deux

structures agraires, en plus de la structure orthogonale identifiée au préalable avec la

centuriation ; ils ont formulé l'existence d'une structure radiale qui affecte tout le « campo

d'Elche », dont l'actuelle ville d'Elche (fondée à la fin du Xè siècle) est le pôle d'attraction;

tandis que la centuriation a fondamentalement été identifiée près de l'Alcudia, la ville

antique. Au moyen de méthodes de traitement numérique non explicitées, ils ont formulé

une séquence chronologique relative qui attribuait une plus grande antiquité à la structure

88 (G. ALFÖLDY 2003 : 44-45) 89 (E. ARIÑO, J. M. GURT, M. A. MARTÍN BUENO 1994 : 318) 90 (E. ARIÑO, J. M. GURT, A. DE LANUZA, J. M. PALET 1994 : 204-207)

Archéologie des paysages

-78-

centuriée, tandis que ce qui est radial serait d'époque médiévale, datation que confirme

notamment la confluence des chemins vers la ville de création médiévale.

Plus tard, en 1996, une partie des auteurs de l'article précédent91 publièrent une

révision dans laquelle ils insistent sur la chronologie relative des deux structures, en se

basant sur l'existence d'un seul cadastre romain, et non de deux, orienté à 7,5º

sexagésimaux par rapport au nord géographique et un module de 20*20 actus équivalents à

un carré de 710 m de côté, étant la pertica plus étendue que ce qui avait été admis avant.

Quant à la structure radiale centrée sur la ville d'Elche, elle se superposerait et éliminerait

« le cadastre orthogonal, qui à partir de l'établissement de ce second aménagement de

l'espace, a perdu sa fonctionnalité précédente, en s'adaptant à la nouvelle structuration ».

Cette affirmation permet de déduire que ces auteurs datent la structure radiale de la fin du

Xè siècle, moment de la fondation de la ville d'Elche à son emplacement actuel.

La découverte dans l'Alcudia en 1996 d'un bronze [fig. V, 4], probablement une

sortitio de la déduction, fit jaillir les interprétations quant à cette déjà célèbre centuriation,

bien qu'elles n'aient pas été accompagnées de nouvelles études morphologiques. Les

auteurs recoururent aux grilles traditionnels, cependant il me parait indispensable de

procéder à une analyse morphologique détaillée afin de pouvoir définir l'emplacement

théorique sur les terres auxquelles le document fait allusion.

Quand J.-J. Chao, J.-F. Mesa et M. Serrano publient pour la première fois la tabula

de bronze en essayant de situer l'emplacement des terres auxquelles fait allusion

l'adsignatio, ils tombent dans l'erreur, comme J. Corell92, de traduire l'expression sicci ivc

cxxx de la première phrase par 130 jugères de terrain non irrigué (secano), quand, en

réalité, la tabula d'Elche nous parle de 130 jugères asséchées, comme j'en ai moi-même

déjà apporté la correction [titre 45: 440] ainsi que d'autres auteurs93 qui se sont penchés sur

ce document. C’est pour cela qu’ils essayèrent de placer les terres distrbuées dans la

tabula sur les terrains traditionnellement non irriguées (secano).

Pour Corell la datation de l'inscription se situerait, selon les critères épigraphiques

de la tabula, entre les trente et les quarante dernières années du Ier siècle av. J.-C., c’est-

à-dire à l'époque triumvirale, au moment où la ville acquière le rang de colonie ; d’un autre

coté, l'assignation de la tabula correspondrait à la seconde déduction d'époque

augustéenne de la colonie.

91 (J. M. GURT, A. DE LANUZA, J. M. PALET 1996) 92 (J. CORELL 1999 : 63-67)

Archéologie des paysages

-79-

Les travaux d'interprétation cadastrale les plus intéressants ont été effectués, d'un

côté, par M. Mayer et O. Olesti, et de l'autre par J.-Y. Guillaumin. Cependant, ils

commettent l’erreur de vouloir, comme je l'ai dit, intégrer les terres dont nous parle la tabula

dans un terrain qu'ils ne connaissent pas et sur lequel ils n'ont effectué aucune recherche

nouvelle quant à la morphologie agraire, ce qui me paraît indispensable aux vues des

nouvelles données.

M. Mayer et O. Olesti assimilent le document de bronze à une forma ou un liber

aeris lui conférant ainsi l’aspect de résultat d'un tirage au sort, sortitio, des terres entre les

colons. Le tirage au sort serait le résultat d'une division en trois parties égales, trifinium, du

cadre centurial et la distribution de cette subdivision interne en une décurie de dix colons

recevant un lot de 6,5 jugères dans chaque centurie affectée (dont 13 jugères au total), en

mettant en rapport cette subdivision avec une adaptation de la conternatio citée par Higin

Gromatique94 , où le tiers de la centurie est le module qui sert à attribuer la terre à chaque

decuria, et non à chaque colon. Les auteurs interprètent de manière adéquat la mesure et

arrivent à la conclusion que les 10 jugères restantes non assignées sont les limites inter-

parcellaires entre les dix parcelles plus les passages qui demeureraient non assignées de

catégorie subcesiva.

Par ces critères Mayer et Olesti essayent de placer les lots sur le terrain, et c'est là

qu'ils commettent une grosse erreur. Ils ont pris le parti d'identifier comme cardo et

decumanus maximus les axes proposés par Gorges (d'après Corzo) qui se croisent au sud-

est de la ville et, orientant avec le nord la partie supérieure du fragment de bronze ils

situent les 130 jugères sous la ville d'Elche, « dans une zone qui coïncide avec la limite

entre le territoire plat et l’amorce des premières élévations de la montagne voisine ».

À vrai dire, je ne suis pas parvenu à comprendre précisément ce que veulent

affirmer les auteurs dans leurs articles respectifs quant à la situation de la sors représentée

sur la plaque de bronze ; je crois surtout qu’ils entre dans de profondes contradictions.

D'une part, ils ne croient pas que sicci puisse se traduire par terrain non irrigué (secano),

mais sinon par terrains drainés et séchés, et d'autre part ils proposent de situer la tabula

dans le piémont de la montagne d'Elche, où il n'existe aucune possibilité que les sols aient

jamais demeurés en régime d'hydromorphie.

À notre avis, la référence à ces terres sicci permet de supposer l'existence de terres irriguées ou, plus sûrement, drainées (la non-existence d'une pratique implique l'existence de l'autre), ce qui coïncide

93 (M. MAYER, O. OLESTI 2001 : 128; M. MAYER, O. OLESTI 2002 ; J. Y. GUILLAUMIN 2002 : 117 et note 10) 94 (HIG. GROM., 163, 2-14 Th = 200, 3-14 La).

Archéologie des paysages

-80-

précisément avec les secteurs mieux conservés du cadastre, autour du noyau urbain de l'Alcudia (nous devons rappeler que le site est entouré de petits cours d'eau). Ceci coïncide avec les données morphologiques, car, comme nous avons indiqué, il y a divers canaux de drainage et / ou d'irrigation qui suivent l'orientation générale du cadastre et même coïncident avec sa métrique [note 34 : R. Ramos, El Elche de hace 2.000 años. Elche, 1994, p. 43]. Cela nous rapprocherait du sens original du terme traiectus, qui ferait référence à des passages sur les cours d'eau, dans ce cas canaux de drainage.] (...) Il est convenu que le tronçon final de la rivière Vinalopó présente des problèmes de drainage, de sorte que le cadastre a probablement été une méthode pour mettre en exploitation de nouvelles terres (...). Les terres non irriguées (secano) contrastaient avec celles plus proches à la ville, probablement récupérées à ce moment-là.95

Il est possible que les terres mentionnées aient correspondu à des espaces gagnés sur les marécages et le delta de la rivière pendant la procédure de cadastration, avant le tirage au sort.96

Ce paragraphe mérite une explication. Il est certain que sicci doit se traduire par

séchés ou drainés mais il ne peut exister de terres drainées qui soient en même temps en

opposition avec d'autres de terrain non irrigué (secano). Sicci signifie la même chose que

terres drainées. Par conséquent, l'explication des auteurs se perd dans un labyrinthe qui

vise à ne pas entrer en contradiction avec la situation erronée de la tabula sous l'actuelle

avenue de la Libertad d'Elche, entre les limites formées par la rue José María Buck au sud,

et la place de Barcelone au nord. Comme je l'ai déjà dit, les jugères assignées sont d'une

terre qui se trouvait dans un terrain marécageux qui aurait été préalablement drainé [titre

45: 439-440], ce qui concorde avec l'affirmation de J.-Y. Guillaumin97. En définitive, là où

Mayer et Olesti placent la tabula ilicitana il ne peut pas y avoir de terres de ces

caractéristiques-là, ce qui les conduit à critiquer un concept qu'ils ne peuvent qu'admettre,

car enfin, il suffit de retourner la carte pour que les choses aient du sens.

C'est ce que fait J.-Y. Guillaumin. Il ne s'agit probablement pas seulement d'un jeu

intellectuel comme il le soutient dans la note 3 de son étude : en optant pour l'option 4 de

l'hypothèse 1 il situe dans un vieux document cartographique (celui de Gozálvez Pérez et

pas un autre, pour clarifier les doutes exprimés par l'auteur) la situation des assignations du

document de bronze, très près déjà des sols hydromorphes qui entourent l'actuelle lagune

du Fondo ; plus concrètement il s’agit d’une zone connue comme la Foia, la dépression, le

bassin. Bien que Guillaumin le fasse dans un document proposé par Gozálvez Pérez en

1974, avec le système de coordonnées formulé par R. Corzo en 1976 et intégré dans la

position éclectique de J.-G. Gorges98.

95 (M. MAYER, O. OLESTI 2001 : 128-129) 96 (M. MAYER, O. OLESTI 2002 : 1T6A) 97 (J. Y. GUILLAUMIN 2002 : 117 et note 10) 98 (J.-G. GORGES 1983 a et b).

Archéologie des paysages

-81-

En 1997, en tant que membre de la section scientifique de la Casa de Velázquez,

j'ai sollicité le financement pour l’analyse la pertica d'Ilici (La pertica de Elche y su

transformación en regadío), en offrant une avance des résultats dans la publication de 2002

[titre 45: 437-442, figs. 96-101]. Les résultats principaux sont les suivants.

L'hypothèse des deux cadastres romains ayant un degré de différence ne peut être

soutenue. Il n’y en a qu’un et serait orienté à NG-8ºE : on trouve des traces de son

existence dans toute la feuille 1 : 50 000 (893-Elche) qui a comme centre approximatif la

ville d'Elche. Loin de s'agir d'un cadastre de dimensions réduites, il semble que non

seulement on le trouve dans la zone classique autour du site de l'Alcudia, mais on peut

aussi apprécier ses vestiges à l'est, dans le fondet de Sant Pere, au nord-est, à Altabix et à

Vallonga, à Crevillent, entre la ville et la lagune, et, au nord de la Montagne de Crevillent.

Pour la première fois nous bénéficions d’une cartographie complète de la pertica et d’une

analyse morphologique détaillée du secteur central de celle-ci.

L'existence de la centuriation, indéniable de par la conservation de ses structures

intermédiaires, est largement « dépassée » par la conservation d'une autre structure,

cohérente, avec des axes transversaux par rapport aux courbes de niveau. Il s'agit de la

structure radiale proposée par Ariño et d’autres auteurs en 1994 ; dans un premier temps je

l'avais assimilé à l'irrigation traditionnelle, plus tard à celle du débuts du siècle XX créé par

la compagnie Riegos de Levante, et en 2002 j'ai formulé la proposition selon laquelle on

pouvait aussi l'interpréter comme étant une structure dont l'origine remonte à la proto-

histoire. Cependant, il nous manque les données qui confirmeraient ces hypothèses. Mais,

comme on le verra plus loin, il est aussi probable qu'il ne s'agisse d'aucune de ces

propositions ou de toutes à la fois.

D'autre part, j'ai rejeté la traduction sicci = terrain non irrigué (secano) des éditeurs

de la tabula et lui ai préféré celle de « asséché », « drainé ». Et j'ai intégré l'analyse

détaillée du parcellaire dans une argumentation qui interprétait la vieille problématique de

l'origine de l'irrigation à la lumière des différentes stratégies qui président aux formes

sociales d'organisation des espaces productifs et des secteurs de résidence99, en obtenant

des résultats très intéressants.

D'abord, la zone située au sud de l'Alcudia n'a pu être irriguée suivant les

méthodes traditionnelles avant le début du XXè siècle, ce qui fait que la coïncidence entre

canaux d'irrigation et centuriation n'explique aucune chronologie relative ; de plus, il ne

s'agit que d'infimes coïncidences. Comme à Valence, la structure des canaux d'irrigation et

99 (M. BARCELO 1992 : 248)

Archéologie des paysages

-82-

la grille centuriée ne coïncident pas. Le site de la nouvelle fondation à l'époque islamique

n'est autre que la matérialisation physique du principe formulé par M. J.-C quand il affirme

que l'option préférentielle qui détermine tant le secteur de résidence comme les terres de

culture, les processus de travail, son volume et le régime alimentaire, est l'irrigation. La

nouvelle ville islamique abandonne la situation de l'antique Ilici (l'Alcudia) parce qu'il est

impossible de placer les champs arrosés à cet endroit-là. L'oasis-palmerai et la nouvelle

ville sont la même chose, tandis que la centuriation et la bonification des marais qui occupe

le Campo d'Elche forment une réalité spatiale et sociale bien différente. On ne peut donc

pas maintenir les vieux clichés sur l'irrigation, leur origine romaine et les centuriations.

D'autre part, la proposition de Guillaumin quant à l'emplacement du fragment de

bronze avec l'assignation m'a forcé à tenter de vérifier la solidité de cette emplacement par

rapport aux analyses morphologiques effectuées, en le plaçant dans la zone où l'affirme

l'auteur (beaucoup plus cohérente avec le terrain que la proposition de Mayer et d'Olesti)

mais avec le système de coordonnées de la centuriation proposé dans ma propre révision

de la pertica d'Ilici et une photographie aérienne qui contient plus d'information qu'une carte

topographique. Si la localisation s'avère correcte, et les lots assignés ont été réifiés sur le

terrain, la morphologie du terrain devrait donner, tout au moins, quelque indice sur cette

division si spécifique (trifinium) malgré la forte empreinte du système « radial » dans la

zone.

Pour cela j'ai choisi les quatre centuries [fig. VI, 1] qui se trouvent dans les

environs de la zone proposée par Guillaumin. L’identification qu’il donne du cardo et du

decumanus maximus ne repose que sur de simples déductions (les mêmes que les autres

auteurs qui s'en sont occupés) motivées par la forte empreinte des axes dans le terrain, et

non sur connaissance dérivée d’un document épigraphique ni sur la topographie comme

c'est le cas pour les marbres d'Orange.

Les résultats sont donc suggestifs, car dans un secteur clairement marqué et

influencé par le système radial, on observe une faible conservation des axes principaux de

la centuriation (contrairement à ce qui est fréquent dans la pertica ilicitana) à l'exception du

cardo II, qui est fortement attirée et déformé par le cardo mineur (k 2,1), qui divise la

centurie en dix parcelles. D'autre part, malgré la disparition presque absolue de K III, autour

de l'axe théorique on conserve une importante empreinte de parcelles orientées par rapport

à l'orientation dominante de la centuriation, spécialement en DV KIII et DV KII et un peu

moins en DIIII KII. C'est comme si la disparition dans ce cas avait affecté la limite plus

grande, tandis que les petites parcelles ont été conservées dans une plus grande mesure.

Finalement, et en opposition claire avec cette constatation, quelques tronçons des limites

intercisivi sont effectivement conservés, subdivisant la centurie en trifinia. Il faut souligner

Archéologie des paysages

-83-

les 284 m restants, conservés sous forme de limites parcellaires du second decumanus

mineur de DIIII (d 4,2) et les 426 m restants du second decumanus de DV (d 5,2), ce qui

conduit à penser que la proposition de Guillaumin peut être jugée assez satisfaisante, au

moins quant à la zone proposée [figs. VI, 3 et 4].

Je ne voudrais pas conclure sur l'espace consacré à Elche sans faire au préalable

une référence au système radial. Au cours de l'année 2002 j'ai exprimé mes doutes et suis

arrivé à formuler comme hypothèse de travail que les manifestations parcellaires se formant

avec une orientation comprise entre NG-9º-40ºW devaient remonter à l'antiquité, peut-être à

la proto-histoire parce qu'elles étaient aussi fortement en rapport avec le site de l'Alcudia

[titre 45: 438].

Mon appréciation est donc différente des analyses effectuées par Ariño et d'autres

ainsi que Gurt et d'autres100, dans lesquelles ils défendent la postériorité de cette structure.

Bien qu'une bonne partie des trajets coïncidant avec cette orientation vont en direction de

l'actuelle ville d'Elche (fondation du Xè siècle) il n'en est pas moins sûr que certains de ces

trajets intégrants la même structure se dirigent vers le site de l'Alcudia, dont l'origine

néolithique et ibérique est certaine et qui subsiste, tout au moins, jusqu'à la fin du VIIIè

siècle apr. J.-C. Par conséquent, si on considère qu'il s'agit d'une structure créée par une

société déterminée, on ne peut avancer une date postérieure à la fondation de la ville

d'Elche, et oublier les chemins qui se dirigent aussi vers l'établissement antique.

Grau et J. Moratalla allaient dans le même sens dans leur étude sur le Poblamiento

ibérico en el Bajo Segura101, en identifiant l'un de ces chemins comme une ancienne voie

entre l'établissement ibérique de l'Alcudia et celui contemporain d’El Oral. L'affirmation de

ces auteurs se base sur les arguments suivants.

1. L'existence d'une draille d'élevage joignant Elche à Guardamar, qui passant par le

site d'El Oral laisse l'empreinte d'anciennes ornières l’orientation approximative NW-

SE coïncide avec le système radial et avec les trajets que j'ai précédemment décrits.

2. Dans le district de La Foia on trouve la structure centuriée et la structure radiale

(bien que sans disposer d'éléments morphologiques qui permettent d'assurer la

datation relative de ces deux structures) qui, selon eux, seraient anciennes.

3. Dans la zone d'El Plantío, à un kilomètre au sud-est de l'Alcudia, il existe une

parcelle orientée comme la draille d'élevage et qui est « coupée » par un decumanus

100 (E. ARIÑO, J. M. GURT, A. DE LANUZA, J. M. PALET 1994 : 204-207 ; J. M. GURT, A. DE LANUZA, J. M. PALET 1996) 101 (I. GRAU, J. MORATALLA 2001 : 183-185)

Archéologie des paysages

-84-

du cadastre romain. Comme le vallon se dirige vers le site ancien et le rejoint au

niveau du site d'El Oral, les auteurs cités osent suggérer l'utilisation du chemin et de

la parcelle dans la période Ibérique antique.

En ce qui me concerne, j'émettrais des objections sérieuses à certains des

arguments précédents. D'abord le manque de rigueur de l'analyse morphologique, en allant

de l'échelle utilisée pour l'analyse détaillée d'une parcelle (comme celle façonnée dans la

publication définitive et qui masque la réalité de certaines des affirmations) jusqu'à la

réalisation d'une analyse morphologique basée exclusivement sur deux éléments du

paysage, une parcelle et un chemin, ce qui appauvrit les résultats obtenus. Si, à partir d'une

seule parcelle, les auteurs proposent une parcellisation préromaine (sic), cela conduit les

auteurs à ignorer d'autres chemins qui prennent la direction de l'Alcudia et ceux qui se

dirigent vers la ville d'Elche, avec une orientation semblable dans les deux cas.

Mais le plus significatif est l'argumentation selon laquelle une parcelle est divisée

par un decumanus de la centuriation, s'agissant-là probablement d'un problème dérivé de

l'échelle utilisée pour l'analyse. En l'augmentant nous obtiendrions une vision bien différente

[fig. V, 2 et 3]. En effet, la parcelle n'est pas rectangulaire comme elle nous est proposée et

comme nous pouvons l'observer sur l'illustration, où la parcelle rectangulaire idéale (en

jaune) est prolongée au nord du decumanus et ne coïncide pas avec les limites de la

parcelle réelle (en rouge). En outre, la parcelle située au sud et la parcelle située au nord

du decumanus de la centuriation présentent un emplois agricole diversifié : il s'agit d'une

culture arbustive dans la parcelle nord, tandis que dans le sud, même si on ne le distingue

pas très bien, il ne s'agit pas du même type de culture. Il ne s'agit donc pas d'une parcelle

coupée par le decumanus, mais de deux parcelles des deux côtés d'un chemin, dont les

extrémités coïncident partiellement créant ainsi un effet de continuité et non de rupture.

Deuxièmement, il convient de se s’intéroger sur l'antiquité de ce chemin en

question en se basant sur le point de départ ou d'arrivée au site de l'Alcudia de ce dernier.

En effet, si celui-ci précède la structure centuriée, pourquoi s'arrête-t-il au cardo de la

centuriation ? S'il est plus ancien que la structure centuriée il faut se demander pourquoi,

précisément, un élément de cette dernière est l'extrémité finale du trajet et celui-ci ne suit

pas « au-dessous », comme c’est le cas dans les centuries précédentes, quand « il

traverse » diverses limites de la centuriation.

Pour cela cette structure mérite d'être définie plus précisément. Sur la figure [fig.

VI, 2] on apprécie clairement comment plusieurs chemins se dirigent vers La Alcudia et

s'arrêtent aux angles des cadres de centurie. Comme je l'ai déjà signalé en son temps, ces

grands alignements, qui prennent la direction tant de La Alcudia (dans une moindre mesure)

comme d'Elche, sont perpendiculaires à la pente du terrain, tandis que les lignes

Archéologie des paysages

-85-

transversales sont parallèles aux courbes de niveau. Ces lignes transversales représentent,

du nord au sud, plusieurs trajets : (1) le premier est l'ancien chemin qui conduit d'Elche à

l'Altet ; le deuxième (2), double, se dirige ou passe au sud de l'Alcudia, ce sont d'une part

les canaux d'El Progreso (créé en 1906) et d'autre part, la 2e Déviation d'Elche de Riegos

de Levante (créés entre 1918 et 1922 à l'aide du capital de la banque française Dreyfus)102 ;

le suivant (3) est la 1e Déviation d'Elche de Riegos de Levante ; finalement, le dernier trajet

(4), partiellement doublé aussi, n'est autre que le chemin qui se dirige vers le sud, touchant

les zones de marais, vers Santa Pola (l'ancien Portus Ilicitanus). Tandis que les trajets

perpendiculaires sont des voies et des chemins allant, soit vers l'Alcudia (a et b), soit vers

Elche

On peut donc affirmer que tous les trajets réunis donnent une impression de

structure identifiable, avec des ensembles parcellaires isoclines bien qu'ils ne forment pas

une structure cohérente, qui se crée avec le temps, parce que nous avons la certitude que

certains de leurs éléments datent de périodes précédentes, tandis que d'autres sont issus

de l'adaptation au terrain d'infrastructures d'irrigation d'époque récente ; une

(ré)construction qui est sédimentée dans le paysage et qui augmente au fil du temps. En

définitive, je crois que l'explication de tout cela réside dans ce qui a été défini comme trame

parcellaire auto-organisée103.

Cependant, malgré toutes ces considérations, il me semble que l'on peut aussi

proposer, en guise d'hypothèse, l'idée que la structure centuriée se superpose à une

structure (encore insuffisamment définie) sans la transformer complètement, du moins dans

certains secteurs de la pertica. L'exemple de la centuriation de Salonae-Tragurium dans la

péninsule de Split (Croatie) pourrait être un élément de comparaison. La centuriation

étudiée par John Bradford et analysée par G. Chouquer104, au moins pour un secteur, se

matérialise exclusivement dans ses limites majeures, tandis que la trame parcellaire est

fortement déterminée par le relief, étrangère à la grille centuriée.

En résumé, les formes du paysage d'Elche offrent un éventail de possibilités qui

méritent d'être énumérées :

1. On ne peut refuser l'idée que certains alignements de la structure orientée NG-9º-

40ºW prennent leurs origines à l'époque antique (voire proto-histoire ou antiquité au

102 (A. GIL OLCINA 1968 : 541-549 et fig. 6) 103 (C. MARCHAND 2003 : 102-111) 104 (J. BRADFORD 1957 : 187-188, pl. 45; G. CHOUQUER 2000 : 142)

Archéologie des paysages

-86-

sens large), origine qu'il faut confirmer par la fouille des structures fossiles comme

les fossés, les chemins ou les limites parcellaires.

2. Contrairement à l'avis de mes collègues catalans, la pertica d'Ilici est plus grande

que ce qu'a proposé Gozálvez Pérez en 1974, du moins, ses manifestations

parcellaires sont-elles étendues sur tout le Campo d'Elche.

3. Rien n'est clarifié en ce qui concerne la chronologie de la, ou des déductions par

rapport aux anciennes exploitations dispersées dans la campagne d'Elche ou sur le

façonnement de ces structures au sol.

4. Toutefois, le dossier d'Elche apporte des éléments tranchants sur certains thèmes

qui, dûment analysés depuis différentes disciplines, peuvent aider à éclaircir

quelques questions d'importance comme celle de la fonction drainante des

centuriations (et en corollaire l'abandon du stéréotype sur l'origine de l'irrigation en

époque romaine), l'existence de deux possibles assignations (témoignages

épigraphiques et numismatiques) dans une ville ibérique antique, et la connaissance

du patron de l'assignation.

5. Mais le paysage du Campo d'Elche offre de grandes possibilités pour comprendre

les transformations médiévales dues aux conditions extrêmes d'aridité dans

lesquelles se développe l'agriculture dans cette zone. Les limitations de l'irrigation

traditionnelle ont forcé le transfert de l'ancienne ville au nouvel emplacement et la

différente organisation sociale de l'espace autour de ville ancienne et de la ville

médiévale respectivement.

6. En dernier lieu, et comme fait original par rapport à d'autres contributions, je crois

avoir formulé une hypothèse de travail valable, laissant en arrière les conjectures

sur l'identité de la structure « radiale », et avoir reconnu ce qui a été identifié comme

structures « auto-organisées ».

Par sa conservation et par les documents dont nous disposons, le dossier de la

pertica d'Ilici est, pour la géographie espagnole, ce qu'il y a de plus semblable au dossier

des centuriations d'Orange.

IDENTIFICATION DE NOUVELLES STRUCTURES CENTURIÉES

Actuellement, en Espagne, le travail des chercheurs étudiants les centuriations

aboutit à la production de nouveau savoirs quant aux territoires où, habituellement, se

déroule leur pratique professionnelle (Catalogne et vallée de l'Ebre fondamentalement) ; ou

bien, suite à de nouvelles révisions et bilans sur la question, ils reviennent généralement à

des exemples classiques comme Ilici (du fait de la bonne conservation du réseau centurié)

Archéologie des paysages

-87-

ou Augusta Emerita, spécialement en raison des textes des anciens arpenteurs qui y font

référence. Pour cela, les nouvelles découvertes se produisent dans les zones mentionnées

précédemment (spécialement autour d'anciennes colonies Romains ou sur d'évidents foyers

de romanisation), tandis que de nombreuses zones restent en marge de l'intérêt de la

recherche.

Suite à ma formation en morphologie agraire auprès de Gérard Chouquer, au

moment où la morphologie revient vers la diachronie, beaucoup d'anciennes structures

hypothétiquement identifiées n'ont pas été cherchés à dessein, mais ont surgis de l'analyse

des formes du paysage dans une zone déterminée. Tel est le cas des structures détectées à

Ebusus (voir supra) qui, une fois confirmée leur antiquité et romanité, mettraient en

évidence de façon notoire le mode d'organisation de l'espace agraire des petites îles ou des

fundi sans nécessité de recours à l'initiative des centres de pouvoir citoyen.

Le sud-ouest français, en Aquitaine, est une autre zone particulièrement

intéressante ; zone où j’ai collaboré avec Pierre Garmy dans le cadre de l'Action

Thématique Programmée « Grands Projets d'archeólogie métropolitaine », du programme

Morphogénèse, paysages et peuplements holocènes de la zone littorale aquitaine105. Cette

collaboration a produit des résultats intéressants et a été le point de départ de mes

premiers travaux de comparaison entre les paysages qui forment le sujet habituel de mes

recherches et les paysages du sud français, même si dans ce cas ceux-ci se trouvait hors

de la Provence. Deux articles ont rendu compte de cette collaboration. Le premier comme

contribution au 120e CNSHS d'Aix-en-Provence (1995) [titre 34: 253-271] et le second fruit

de ma collaboration au projet CARTOPAR (Cartographie des anciens parcellaires de la

France), initialement créé par l'Université de Tours et qui, dans sa forme définitive, devint

un projet collectif de la Sous Direction de l'Archéologie [titre 23: 272-278]. Etant donné les

caractéristiques de ces deux apports, mon travail consistait fondamentalement à identifier et

à modéliser les formes des paysages observés, ainsi qu'à essayer de les insérer dans un

cadre historique nécessaire, bien que les objectifs, dans un cas comme dans l'autre soient

différents. Pour le deuxième et le dernier cas, il s'agissait d'apporter à l'« archéologie des

paysages », alors naissante, une des études micro régionales qui, à travers toute la France,

essayaient d'apporter des éléments de réflexion sur la construction paysagère, bien que

dans la majorité des autres exemples il existait des preuves positives, dues au grand

développement de l'archéologie préventive (fouille de fossés, limites de champs...), qui

étaient intégrés dans une procédure d'analyse morphologique. Tel n'était pas le cas de

notre apport, comme je l'ai déjà dit, puisque notre étude se limitait à fournir des éléments de

105 Coordonné par : J. Burnouf, J.-M. Froidefond, P. Garmy et J.-P. Tastet.

Archéologie des paysages

-88-

réflexion strictement morphologiques dans les environs du site de Brion, bien que ceux-ci

étaient accompagnés de conjectures sur la fonction qu'avait assumée, dans la structuration

du paysage, une agglomération secondaire, assimilable à l'antique Noviomagus,

dépendante de la ville de Bordeaux dans le territoire du pagus des Médulles.

Dans le premier apport, l'intégration des données dérivées de la connaissance de

l'évolution holocène de la région permettait de localiser d'anciens marais holocènes où, par

exemple, ne s’observaient pas les lignes structurantes des formes agraires de l'Antiquité. La

question de fond à élucider était de savoir si un vicus pouvait structurer « son » propre

territoire dans le territoire de la civitas à laquelle il appartenait [titre 34: 260]. C’est pourquoi

il était nécessaire de recourir à des méthodes d'analyse spatiale et d'analyse des structures

agraires afin de délimiter le territoire théorique possible d'un côté et d'un autre, si dans ce

territoire on détectait une structure agraire qui planterait dans l'espace la rationalisation et

l'intégration des espaces productifs du vicus de Noviomagus. La structure a certainement pu

être identifiée sous la forme d'une centuriation de module canonique de 20*20 actus

équivalents à 710 m, ce qui permettait de la situer à la période à laquelle elle se forge et se

dote comme « pôle urbain structurant d'une partie du territoire médocain de la cité des

Bituriges » [titre 34: 259] vers le milieu du siècle I apr. J.-C. Ce qui nous faisait douter, à la

fin de l'article [titre 34: 270], de l'idée d'une agglomération secondaire sous le contrôle

absolu du chef-lieu. Il semble que Brion / Noviomagus a pu organiser un espace spécifique

définissable et l'exploitait au moyen d'une structure agraire, indépendamment de la civitas à

laquelle elle appartenait.

D'autre part, une autre zone où j'ai identifié une centuriation inédite, a été celle de

l'actuel village d'Isona, la ville d'Eso qui frappe monnaie ibère et du Municipium Aesonensis,

dans les Pyrénées catalanes. En collaboration avec mes collègues et amis Teresa Reyes et

Joan García, et dans le cadre d'un projet financé par la Generalitat de Catalunya106, nous

avons pu approfondir la simple identification formelle de la centuriation. Cela a été possible

grâce aux prospections systématiques effectuées préalablement par T. Reyes, laquelle a

apporté les éléments de réflexion sur l'occupation du sol, et grâce aux travaux d'intégration

des données morphologiques et paysagères dans un SIG par J. García Biosca ; les

résultats ont été publiés dans des articles en catalan [titre 37: 364-390] et en castillan [titre

41: 391-427] ; l'ouvrage Las formas de los paisajes mediterráneos [titre 45: chapitre V]

reprend les aspects strictement morphologiques ; l'article de la Table Ronde d'Avignon [titre

48: 428-439] insiste, quant à lui sur les aspects métrologiques.

106 Project de recherche de la CIRIT : Estudi territorial de l'ager aesonensis, Musé d’Isona et Université de Lérida.

Archéologie des paysages

-89-

Les principaux résultats ont été très divers. D'un point vue purement

morphologique, laissant de coté la structure cohérente qui a déjà été évoquée

précédemment, il faut souligner l'identification d'une structure centuriée de petit module

(15*15 actus) dans un petit municipium de la Tarraconaise intérieure. Pour effectuer cette

affirmation je me suis appuyé sur divers arguments.

Tout d'abord, il semble s'agir d'une division de terres qui aurait affectée les

espaces non organisés, ou exploités lors de périodes précédentes, les terres concernées

par cette division de l'espace sont situées à la périphérie des possessions exploitées par

les structures précédentes, tel que l'on peut le voir dans le modèle numérique du terrain

[fig. IV, 2], où sont mises en évidence les manifestations parcellaires de la centuriation

dans les zones planes. Il ne semble donc pas s'agir d'une transformation profonde de la

situation précédente. Le module est de petite taille, comme il a été signalé, et comparable

avec les cadastres augustéens italiques ou hispaniques, non seulement par le module

utilisé (15*15 actus), mais aussi dans la philosophie de leur empreinte spatiale ; en effet,

ces terres périphériques, aux interventions précédentes, paraissent faire l'objet d'une

attention particulière107, bien qu'elles soient, dans ce cas, propres de la société indigène qui

a pu les créer. En ce sens l'articulation angulaire entre les deux structures parcellaires

récidive, parce que, comme je l'ai identifié à l'époque, elle pourrait indiquer une construction

parcellaire sans l'utilisation de la groma et en recourant à la construction d'un angle varé

[titre 41: 402]. Je me suis basé sur la modélisation que réalisa A. Roth Congés à partir de la

lecture des anciens arpenteurs108; bien que, dans ce cas et dans celui d'Edeta, elle soit,

j'insiste, entre une centuriation et une hypothèse de parcellaire proto-historique.

Je voudrais également faire pert du travail en collaboration avec J. García Biosca

sur l'analyse des différents éléments du paysage (sols, parcellaires, insolation,

établissements ruraux...) à l'aide d'un SIG qui livra des éléments de réflexion sur la

construction et la préférence dans la gestion d’espaces productifs pour chacun des

parcellaires [titre 37: 375-381 = titre 41: 406-415].

Les établissements ruraux ne paraissent pas pencher franchement en faveur des

espaces gérés par le parcellaire centurié ; en effet, seul un site du haut-empire (la villa du

cimetière de Sant Romà, munie de fours) se trouve dans un espace parcellaire clairement

centurié. Tandis qu'un site comme la ville de Lloris (objet d'un diagnostic récent dans le

cadre de l'archéologie préventive) ne paraît organiser aucun parcellaire circonvoisin orienté

telle la grille centuriée ni de structures architectoniques.

107 (G. CHOUQUER et al. 1987 : 254)

Archéologie des paysages

-90-

L'analyse peut être résumée par le tableau suivant.

Relief Ensoleillement Humidité du sol Cultures

Parcellaire

cohérent

Pentes

légères

Peu d'exigence Haute capacité de

drainage

Peu définis bien qu'avec

nécessité d'humidité

Parcellaire

centurié

Terrains

plats

Exigence

maximale

Haute capacité de

rétention

Céréales et arbres fruitiers

de terrain non irrigué

Caractéristiques que j'ai mises en rapport, finalement, avec les résultats obtenus

par F. Favory dans le projet ARCHAEOMEDES109 sur la perception des sols par les anciens, ce

qui permettait d'émettre l'hypothèse que « les sols préférés pour une centuriation sont les

plus appropriés pour les cultures méditerranéennes et, par conséquent, parfaits pour les

Romains et leurs installations de villae. Il resterait à savoir si ces sols avaient déjà été mis

en culture ou si, au contraire, il s'agit d'espaces non utilisés par les ibères » ; [titre 37: 382

= titre 41: 415].

LE TRIANGLE FORMÉ PAR LES VILLES DE VALENTIA, SAGUNTUM ET EDETA

« ...AGROS ET OPPIDUM DEDIT, QUOD UOCATUM EST VALENTIA »110

La ville de Valence est l'un des secteurs où la révision des formes s'est révélée la

plus intéressante pour confirmer les données précédentes, bien qu'avec une importante

révision des arguments principaux qui caractérisaient les hypothèses. Il s'agit d'une des

premières colonies fondées hors de l'Italie et une des premières fondées dans la péninsule

Ibérique : deux hypothèses de centuriations on été formulées, une au nord de la ville vers le

milieu des années 70 et une deuxième au sud de la ville au début des années 80111.

La teneur de la première hypothèse (au nord de la ville) était contenue dans le titre

de l'article (Sobre una posible centuriatio en el regadío de la acequia de Montcada) et qui a

influencé négativement, de mon point de vue, la recherche jusqu'à nos jours. Il s'agit de la

relation d'isoclination existant entre la centuriation et les canaux d'irrigation que confirmerait

la première étude de la centuriation située au sud de la colonie et en corollaire logique la

datation du paysage de la Huerta de Valencia de l'époque romaine.

108 (A. ROTH CONGÈS 1996 : 341 y fig. 38) 109 (F. FAVORY, S.VAN DER LEEUW 1998 : 278-284) 110 (T. LIVE, Periocha, LV) 111 (G.M. Cano 1974 ; E. Pingarrón 1980)

Archéologie des paysages

-91-

La révision des deux structures parcellaires à l’occasion d’un Colloque sur

Agricultura y regadío en al-Andalus (1995) m’a permis d’exposer les éléments de réflexion

suivants [titre 24]:

1. Les deux centuriations dépassent les limites fixées par ceux qui les ont découvertes,

s'étendant au nord et au sud de la ville ; ainsi il est vrais que la première, renommée

Valence B dans mes travaux (NG-23ºE et module de 20*20 actus équivalents à 706

m), a une plus grande influence dans le nord de la ville, tandis que Valence A (NG-

18ºE et module de 20*20 actus équivalents à 704 m), la deuxième, a une plus

grande présence autour de la ville et au sud, aspects qui étaient passés inaperçus

aux yeux des auteurs précédents, à cause surtout d'une question de méthode et

d'échelle des documents avec lesquels ils travaillaient. Bien que la valeur

métrologique du pied romain soit un argument remis en question, dans le cas des

centuriations espagnoles où les vérifications archéologiques sont inexistantes, c'est

un argument qui, toute précaution prise, aide à recherche112.

2. La variation métrique de la valeur de l'unité du pied romain utilisé dans les deux

centuriations, plus l'empreinte dans le territoire permettait de proposer l'hypothèse

d'une Valence A plus ancienne, probablement de déduction coloniale, et d'une

Valencia B conséquence d'une déduction postérieure dont le but était la bonification

des zones marécageuses du nord de la ville. C’était plus la valeur du module et elle

a été rejeté comme un discriminant chronologique ; tant qu'on ne développera pas

une archéologie des formes agraires nous ne disposerns pas d'autre critère.

3. En réalité il n'existe pas une relation d'isoclinie entre la centuriation et le réseau

d'irrigation sauf de rares et occasionnelles coïncidences. Ni le canal principal ni les

canaux secondaires qui forment le cadre des structures intermédiaires du parcellaire

de la zone ne coïncident avec la grille centuriée.

4. La superposition des zones marquées par les formes agraires et les systèmes

agraires mettait en évidence un effacement intense des formes agraires supposées

anciennes (centuriation) là où la présence des formes agraires étaient fossilisées au

moyen de canaux d'irrigation. Les preuves, loin des thèses traditionnelles, affirment

que l'irrigation est un phénomène postérieur à l'antiquité, restructurant les espaces

productifs, à la suite des différents postulats techniques et socio-économiques de

l'irrigation, en éliminant les traces d'anciennes organisations parcellaires.

112 (F. FAVORY 1991)

Archéologie des paysages

-92-

5. Pour la première fois, en plein milieu d'une huerta urbaine de grandes dimensions,

on proposait l'idée de l'existence de parcellaires islamiques avec une morphologie et

une métrique formalisées et clairement différenciées des centuriations.

6. Du point de vue méthodologique, un espace tel que le secteur métropolitain de

Valence, aux importants recouvrements sédimentaires du Turia, densément peuplée

à l'heure actuelle et ne donnant que de très rares informations sur l'occupation du

sol d'époque antique, ne pouvait pas être abordé sans prendre en considération

l'analyse morphologique et la perspective diachronique. Un rapprochement au

problème des centuriations au moyen d'un filtrage oculaire de sélection des grandes

lignes avec une certaine orientation masquait toute une réalité et donnait lieu à

l'interprétation exagérée comme possibles réseaux centuriés basé sur quelques

alignements. A titre d'exemple, je crois aujourd'hui que la structure orientée à NG-

30ºE qui apparaît sur la figure 65 [titre 45: 301] et dont je ne trouvais pas trace des

structures intermédiaires au-delà de la zone restreinte de la figure, ne doit pas être

une centuriation mais la conséquence du choix d'une orientation constante détachée

des autres éléments du paysage.

Certains de ces principes ont guidé la ligne de recherche que j’exposerai par la

suite ; ils me hantent chaque fois que j'essaie de réfléchir sur les formes agraires que

produirait une irrigation véritablement romaine. C'est-à-dire, la recherche de réponses à la

question de savoir si une irrigation dans la grille de la centuriation est possible, ou bien de

savoir si les conditions physiques de l'irrigation conditionnent à ce point les formes agraires

que du moment où nous identifions une structure de canaux de conduite d'eau, nous

sommes nécessairement en présence d'une structure non centuriée. Mais la question

suivante est évidente : Si on avait voulu créer un système d'irrigation à l'époque romaine,

celui-ci aurait-il pu être étranger à une grille centuriée ?

D'autre part, bien que j'y reviendrai plus tard, il convient de rappeler en ce moment

l'existence d'une troisième structure centuriée détectée en 1993 et exposée dans un

Rapport de Recherche [titre 16]. C’était la seule hypothèse de centuriation encore inconnue

(je l'ai conventionnellement appelé Valence C : NG-2º30 'E et module de 20*20 actus

équivalents à 710 m). Son secteur d'influence s’étendait sur tout le territoire lié

traditionnellement à la colonie de Valentia bien que sa présence soit plus notoire à l'ouest

de la ville, dans le Pla de Quart. Il ne s'agit pas d'une structure spécialement présente et

comme nous nous trouvions plongés, en 1993, dans une révision des hypothèses de

multiples centuriations, je n'ai jamais rendu compte de l'hypothèse de Valence C dans

aucun forum scientifique. Toutefois j'ai récemment ravivé cette hypothèse pour trois raisons.

D'abord, parce qu'il s'agit d'une structure qui avait été détectée à la même époque par un

Archéologie des paysages

-93-

autre chercheur, P Guerin, mais n'avait pas non plus été l'objet d'une communication ni

d'une publication formelle ; en second lieu, parce que l'articulation des connaissances

actuelles des anciennes formes agraires des trois villes qui forment le triangle (Edeta-

Valentia-Saguntum) permet de proposer l'existence d'un espace vide d'interventions qui, à

la lumière des espaces gérés par l'une ou l'autre ville, pourrait correspondre à une volonté

de la part de la ville de Valentia de gérer cet espace ; finalement, parce qu'une comparaison

entre les possibles assignations accordées aux colons de Valentia et les surfaces

théoriquement gérées par les centuriations appartenant à cette ville, m'amène à penser que

l'espace théorique structuré par Valence A et B est insuffisant et s'expliquerait par une

assignation de terres dans des perticae des villes voisines (Edeta ou Saguntum), selon la

figure récemment mise en valeur par G. Chouquer et F. Favory du ager sumptus ex vicino /

ex alieno territorio ; ou alors il faudrait évaluer la fonction qu'a pu jouer le façonnement réel

de Valence C à l'ouest de la ville pour rendre compte de l'expansion des exploitations de la

ville.

CIVITAS EDETANORUM

Comme je l'ai déjà dit, l'exemple le plus semblable à celui d'Isona, pour de

multiples raisons, est celui de la centuriation d'Edeta dans l'actuelle ville de Liria (Valence).

L'existence de cette structure centuriée a été annoncée au congrès d'Orléans de 1996 [titre

25: 281-282], développée dans les Scripta in Honorem E. Llobregat Conesa [titre 42: 301-

316] et reprise lors de la Table Ronde d'Avignon [titre 48: 428-439], et partiellement

amplifiée dans deux chapitres du livre sur Las formas..., [titre 45: chapitres IV et VI].

Les caractéristiques de la centuriation, 20*20 actus équivalents à une valeur

métrique de 706 m et une conservation spéciale des limites qui soulignent une structure

centuriée basée sur le saltus de quatre centuries de Varron. La structure ne fait pas

abstraction de ce qui précède, à savoir, une structure hypothétiquement ibérique, et

organise une grande extension de territoire. Comme proposition chronologique je me suis

appuyé sur la chronologie d'un des sites de la zone (la Lloma de Manoll) qui se trouve à

proximité d'une zone organisée par le parcellaire cohérent et quand il descend de sa

position haute entre les siècles IIè et Ier av. J.-C. (selon le modèle de romanisation proposé

pour la zone sans présence des villae républicaines) il est placé dans un espace organisé

par la structure centuriée.

Bien qu'on ne puisse pas préciser la chronologie de la structure centuriée, j'ai

proposé deux moments significatifs possibles : autour de 175-150 av. J.-C., moment de la

destruction d'Edeta, ou vers 44 av. J.-C. ; cette datation découle de la période

d'enfouissement d'un trésor de monnaies entre les ruines de la ville, détruite à un moment

indéterminé du IIè siècle av. J.-C., à en juger par la datation que nous fournissent les

Archéologie des paysages

-94-

ensembles céramiques au même niveau [titre 42 : 312]. Cela mettrait en évidence la

fréquentation de la ville, déjà en ruines, et le déplacement archéologiquement prouvé vers

la plaine, l'actuel emplacement de Mura, aux environs de la ville actuelle. Ce trésor aurait

appartenu, d'après ceux qui l'ont étudié, à un membre du band de César lors du conflit qui

l'opposa à Pompée et qui est mort de manière inattendue113. Cet enfouissement, tout comme

les monnaies trouvées dans la partie supérieure de la colline (datant de la fin du IIè siècle

av. J.-C. et du Ier siècle av. J.-C.) poussent Mar Llorens à penser que la population

indigène se serait concentrer au sommet du « tossal » de Sant Miquel, au moins jusqu'au

développement dans la plaine, au Ier siècle apr. J.-C. de la Civitas Edetanorum.

Toutefois, les découvertes récentes effectuées dans le secteur de Mura, dans la

plaine, où se développerait le municipium edetanorum, permettent aux chercheurs d'affirmer

qu'il a pu y avoir une coexistence entre la ville de l'oppidum, réduite si l'on veut, et un

établissement dans la plaine, prenant la forme d'une dípolis. Ce qui pousse ces chercheurs

à supposer qu'un contingent militaire a pu s'installer dans la plaine tout de suite après

l'extinction de l'oppidum ; il faut alors admettre la date traditionnellement acceptée depuis

les fouilles de D. Fletcher, de 75 av. J.-C. environs. Données qui nous permettent de mettre

en rapport la structure centuriée avec la période comprise entre les guerres sertoriennes et

l'époque césaro-triumvirale. Sur cette proposition influencerait favorablement la valeur

métrique du module de cette centuriation, en la comparant avec celles de l'ager campanus

II, Nola I-Abella, Beneventum I ou Telesia II, toutes de module de 706 m et de chronologie

syllanienne ou triumvirale114.

OPULENTISSIMA SAGUNTUM

Au cours de l'année 2002, j'ai publié une proposition de parcellaire de type centurié

dans la plaine côtière comprise entre Almenara et Puçol [titre 45: 433-436, figs. 94 et 95].

La proposition s'appuyait sur un élément du paysage supposé ancien : le trajet fossilisée de

la voie Auguste dans cette plaine côtière. Il s'agissait d'une nouveauté, insérée dans ce

chapitre, dont le cadre principal était formé par l'article présenté au Congrès d'Orléans de

1996 [titre 25], avec une intention claire : la présentation d'une hypothèse de parcellaire

centurié dans le territoire de Sagonte afin de susciter un débat et de contraster les données

morphologiques avec celles du terrain.

La réponse ne s'est pas faite attendre, et en juillet 2003 eu lieu le séminaire

Catastros, hábitats y vía romana, programme INTERREG III B de l'Union Européenne: Las

113 (MA M. LLORENS 1995 : 469) 114 (G. CHOUQUER et al. 1987 : 245-254)

Archéologie des paysages

-95-

Vías Romanas en el Mediterráneo, de la Generalitat Valenciana. J'ai été invité à prendre

part comme membre de l'USR 708 Archéologie spatiale du Centre de Recherches

Archéologiques du CNRS entre 1996 et 1997, avec J.-L. Fiches, C. Jung et F. Bertoncello.

Cette participation m'a permis de présenter quelques problématiques relatives aux

paysages de Valence qui me préoccupaient, en soulignant surtout la problématique

sagontine.j’ai ainsi pu collaborer avec l'équipe qui a organisé les prospections durant tout

ce mois de juillet dans le cadre de la voie auguste, et concevoir une intervention qui

essayerait de confirmer certaines des hypothèses morphologiques plantées autour de

l'hypothèse initiale. Cela s'est traduit par une participation à l'oeuvre collective parue lors de

ce séminaire [titre 55].

Dans la plaine côtière de Sagonte, c'est l'absence de peuplement ibérique et tardo-

ibère de la plaine côtière au nord et au sud du Palancia qui attire l'attention. Jusqu'au IIIè

siècle av J.-C. la frange côtière littorale paraît dépeuplée, et on ne trouve des sites qu'à

partir de la cote de 100 m s.n.m. et dans la vallée intérieure de ce fleuve (Palancia).

Bien que les matériaux de prospection ne permettent pas d'apporter plus de

précision quant à la chronologie, nous pouvons affirmer que le peuplement de la plaine

commence entre le IIè et Ier siècle av. J.-C. ; bien que quelques matériaux archéologiques,

dont la marge de production est, plus restreinte nous parlent de la seconde moitié du Ier

siècle av. J.-C. Indépendamment du fait que plane sur ces faits la date de ca. 54 av. J.-C.

(date de l'accès, pour une courte période, de la ville de Saguntum115 au rang colonial, fait

récemment découvert grâce à l'analyse des émissions monétaires) et quelque soit le

moment exact, entre le IIè et le Ier siècle av. J.-C., la plaine côtière se peuple de villae et

autres établissements agricoles suite à l'effet instantané que provoque l'intégration de cette

région dans l'Empire sur l'habitat, les structures agraires et les productions agricoles. Il est

aussi possible que le peuplement de la bande côtière étroite, l'exploitation de nouvelles

terres et les nouvelles productions agricoles soient les circonstances qui préparent et

déterminent, finalement, la promotion au rang colonial et qui font qu'Arse, l'oppidum ibère,

finisse par être appelé définitivement Saguntum vers le milieu du Ier siècle av. J.-C.

Pour cette même période, C. Aranegui116, propose le processus suivant :

En dépit de l'imperfection de la documentation dont nous disposons à l'heure actuelle, il est manifeste que Sagunto a fait l'objet d'une reconstruction dans laquelle l'empreinte de Rome est palpable du point de vue technique, urbain, artistique et idéologique, ce qui est tout à fait exceptionnel dans le panorama ibérique de l'époque que cela laisse entrevoir une intervention dirigée par Rome avec le but ferme de

115 (P. P. RIPOLLÉS, M. M. LLORENS 2002 ; P. P. RIPOLLÉS, J. VELAZA 2002) 116 (C. ARANEGUI 2002 : 252)

Archéologie des paysages

-96-

romaniser la population, non seulement par la dotation d'une certaine infrastructure urbaine, mais aussi par les transmission de quelque chose d'aussi significatif que les coutumes religieuses de la patrie (...) puisque la ville a certainement dû revêtir un aspect très différent de celui d'autres villes ibériques (...).

Nous pouvons désormais affirmer que l'intervention de Rome ne se manifeste pas

seulement dans l'idéologie locale ou bien dans les infrastructures urbaines, mais dans un

élément moins mis évidence jusqu'à présent : l'organisation des espaces agricoles qui

l'entouraient et l'exploitation de zones préalablement asséchées. Il existe d'autres faits

tranchants que nous ne pouvons oublier. La zone étudiée de la manière la plus détaillée, le

vall de Segó, montre une richesse extraordinaire due à une exploitation agricole depuis

l'époque romaine, à proximité de la limite la plus haute des marais côtiers et avec des

éléments qui permettent d'interpréter l'existence d'une bonification de terres dans le

contexte de l'assainissement des marais côtiers et la construction simultanée de la voie

Auguste.

Ce fut G. Alföldy qui, en 1977, affirma que les inscriptions de l'influente famille des

Baebii trouvées dans le territoire de Saguntum (dans le vall de Segó, dans la plaine et les

collines immédiatement au sud de la ville, et dans la plaine au sud du Mijares) « pourraient

avoir été la base économique qui a assuré la promotion des Baebii (...) »117, précisément où

nous trouvons les principales manifestations de la structure centuriée. Arrêtons-nous,

d'autre part, sur les inscriptions de le vall de Segó ; il s'agit de 15 inscriptions118 qui nous

offrent un échantillon varié des familles les plus influentes de Saguntum : les Baebii, Aemilii,

Cornelii, Sergii, Valerii. Il s'agit précisément de cinq familles dont les nomina sont les plus

représentées dans l'épigraphie sagontine, et qui coïncident, dans deux cas, avec les

gentilices des magistrats en charge des émissions monétaires durant la période coloniale :

Aemilii, Baebii et avec certains des édiles de la ville dont la trace épigraphique se trouve

dans la zone de la vall de Segó : L. Emilio qui a exercé toutes les magistratures ou G.

Emilio Nepos, édile et duovir, pour ne citer que deux exemples. C'est-à-dire qu'il s'agit de

grandes familles qui possédaient des propriétés aux bords des marais côtiers, dont une,

comme les Baebii, ont financé au moyen d'actes d'évergétisme la construction du forum de

Sagonte ; ou encore, il s’agit de certaines des familles dont les édiles coloniaux frappèrent

monnaie au cours des années où la ville fut colonie. Peut-être ne s'agit-il que d'une

coïncidence, mais les indices nous invitent à penser à une même atmosphère économique

et sociale dans laquelle la colonisation agricole de nouvelles terres, la promotion au rang

colonial, et la frappe de quatre émissions monétaires semblent s'entrelacer, sans que pour

le moment nous puissions nous prononcer sur l'ordre cause-conséquence qui les régit. De

117 (G. ALFÖLDY 1977 : 29 et fig. 4) 118 (J. CORELL 2002, números 417-431)

Archéologie des paysages

-97-

même, la frappe de quatre courtes séries de monnaies a pu augmenter le numéraire

nécessaire aux travaux de bonification agraire et être le fruit d’un acte d'évergétisme de la

part des familles qui dégageraient un bénéfice de ces nouvelles terres. Facilitant ainsi cette

politique d'assimilation de la citoyenneté romaine qui a déterminé le changement qui s'est

produit dans le lien terre-citoyenneté depuis le début du Ier siècle av. J.-C. et qui donna à

l'aristocratie indigène119 la possibilité de se transformer en riche propriétaire foncier. Mais

en échange d'une transformation profonde des structures de la propriété et des systèmes

productifs indigènes : la suppression des communaux, de la terre publique de l'oppidum

indigène, l'ager compascuus, au bénéfice des fundi privés, tel que l'a décrit Max Weber au

début du XXè siècle120.

La contribution de Rome à Sagonte, au-delà d'une certaine infrastructure urbaine et

des coutumes religieuses, a pu encore se manifester et se matérialiser en mettant à la

disposition des élites indigènes les outils de son pouvoir, ce qui leur permit d'entreprendre

une politique de bonification et de conquête de nouvelles terres. La romanisation

idéologique serait chose facile, après avoir considérablement étendu les propriétés des

Baebii, Aemilii, Sergii..., et des autres notables de la ville, et cela au prix d'une

transformation profonde de la structure de l'« ager publicus » indigène.

La signification historique de cette opération de valorisation et de « création » de

sols nouveaux et de propriétés agricoles doit être intégrée dans un contexte différent de

celui d'une assignation de terres à des colons arrivés de l'extérieur. Pour cela je suivrai

fondamentalement les travaux d'E. Gabba et de F. Favory121. L'installation de colons

italiques sur les terres des communautés indigènes alliées, traditionnellement de Rome (et

de Pompée dans le conflit qui entraîna la destruction de Valentia) n'est pas un procédé

fréquent. Comme dans le cas de Nîmes, la promotion au statut de droit latin signifie la

citoyenneté pour les élites indigènes et leurs successeurs et l'accès aux magistratures

urbaines supérieures, ainsi comme le droit au commercium. La promotion au rang de

colonie de Saguntum ne signifie obligatoirement ni l'installation de colons ni d'opérations

d'assignations de terres à romains ou italiques. Pour cette raison, le travail de datation de la

limitation observée au moyen de la dynamique des formes du paysage doit faire l'objet

d'une attention continue pour laisser ouvertes d'autres possibilités. Il existe bien un

événement pouvant se définir comme étant la genèse de la structure agraire, vers le milieu

du Ier siècle av. J.-C., mais sa datation doit continuer à s'appuyer sur la connaissance de

119 (M.-I. FINLEY 1986 : 113, 192) 120 (M. WEBER 2001 : 339) 121 (E. GABBA 1989, 1992 ; F. FAVORY 1997)

Archéologie des paysages

-98-

l'implantation et de l'évolution du système agraire, des établissements qui exploitent le

territoire et l'ouverture de nouvelles perspectives avec l'obtention de faits positives

découlant d'une archéologie du paysage en parallèle avec d'autres disciplines.

Selon les données dont nous disposons les protagonistes de cette situation sont

plutôt des agriculteurs indigènes que des colons romains ; certes, mais il s'agit bien d'une

fonction « civilisatrice » et structurante de la société ibère sagontine, de caractère politique,

territorial, agricole et urbain qui a pu signifier la rationalisation « à la romaine » de l'espace

agricole. La création de nouveaux fundi, la transformation de la propriété collective au

bénéfice de propriétaires privés, l'introduction de nouvelles cultures spéculatives qui

donneront lieu aux fameux vins sagontins se sont révélés comme un indicateur de

développement économique et de romanité, et tout cela dans le contexte des guerres civiles

de la fin de la république : châtiment, d'une part, pour villes prenant le parti des armées

vaincues et sous forme de récompense pour les villes alliées.

LE CARREFOUR VALENTIA-SAGUNTUM-EDETA

On ne peut comprendre la logique des territoires de trois villes, si proches et dont

l'importance dans cette zone de l'Empire a été à la fois précoce et croissante, par elles-

mêmes, mais en tentant de comprendre l'interaction qu'il y a entre elles. J'ai déjà fait part,

en 2002 [titre 45: 435-536, fig. 95], de cette relation, que l'on devine à travers la

morphologie et l'expansion des perticae construites sur leurs territoires ; mais depuis lors,

j'ai découvert plusieurs indices qui permettent d'affiner les hypothèses morphologiques et,

surtout, de deviner les grandes périodes de création des structures centuriées. On ne

dispose malheureusement pas d'arguments archéologiques qui permettent d'apporter des

éléments chronologiques fiables.

Toutefois, pour chacune des trois villes, il existe des faits qui, dûment combinés,

apportent d'intéressants éléments de réflexion pour comprendre le processus de création et

d'évolution de leur espace.

1. Edeta est le chef-lieu éponyme d'un territoire et d'une tribu ibérique qui est détruit

autour de l'année 175, tandis que le autres hameaux et villages de son territoire

succombent avant 150 av. J.-C.

2. Douze ans plus tard, en 138 av. J.-C., la seconde colonie d'Hispania, Valentia, se

fonde et termine ainsi le processus de transformation du patron territoriale d'Edeta.

3. Entre la destruction d'Edeta et le Ier siècle av. J.-C. a lieu la transformation du

patron territoriale tant d'Edeta que de Saguntum.

Archéologie des paysages

-99-

4. L'année 75 av. J.-C., 63 ans après sa fondation, Valentia , pour avoir pris le parti de

Sertorius, est détruite par les partisans de Pompée. Au même moment, il semble

qu'un groupe de « colons » se soit installé au pied de l'oppidum d'Edeta donnant lieu

à la naissance de la ville romaine.

5. L'inscription de Cupra maritima, datée de l'an 60 av. J.-C., témoigne d'une certaine

activité dans la ville de Valentia, malgré le silence des fouilles archéologiques...

6. Entre l'an 54 av J.-C. (comme date post quem) et ca. 5 ou 4 av. J.-C., peu avant le

changement d'ère, la ville de Saguntum a connu une période coloniale de quelques

décennies.

7. Depuis la destruction de l'oppidum de Sant Miquel (Edeta), le site demeure dépeuplé

bien que fréquenté ; et peut-être même habité dans le secteur le plus élevé, à en

juger par les monnaies trouvées en surface et par le trésor monétaire de l'année 44

av. J.-C. trouvée au sommet.

8. Les fouilles archéologiques de la ville de Valentia ne révèlent toujours pas le

moindre signe d'activité, bien qu'une fouille de la rue Tenerías122 a mis à jour un

entrepôt d'amphores, que l'on peut dater des dernières 40 ou 30 années du Ier

siècle av. J.-C.

9. Les gobelets de Vicarello (en 20 av J.-C.) font preuve du même silence ; les

mentions sur Valentia y sont presque imperceptibles ; et bien que M.-J. Pena123 l'a

récemment défendu, Strabon ne la mentionne pas entre les années 17 et 18 apr. J.-

C.

10. Un dépotoir votif daté entre l'an 5 av. J.-C. et l'an 5 apr. J.-C. date a été interprété

comme une refondation de la ville de Valentia124. Toutefois, le silence du registre

archéologique demeure éloquent jusqu'à l'époque flavienne.

11. Au cours de cette période (ca. 4-3 av. J.-C.) à Saguntum on constate la première

inscription où apparaît la mention de municipium.

122 (P. PASCUAL PACHECO 1990) 123 (M. J. PENA 2002 ; 276) 124 (R. ALBIACH et al. 1998)

Archéologie des paysages

-100-

Observant l'axe chronologique proposé, il me paraît évident que toutes ces

données s'entrelacent, même si toutes ne trouvent pas de réponse. Comme je l'ai dit, on

ne dispose pas d'éléments de datation pour les structures centuriées identifiées qui

soient fiables, mais le contexte généralisé paraît tendre vers une évolution qui pourrait

être celle que je vais exposer dans les pages suivantes.

Au cours de la période tardo-républicaine postérieure aux guerres puniques, Edeta

est détruite (autour de 175 av. J.-C.) on crée la colonie de Valentia, et Saguntum, l'autre

oppidum de la zone, commence à connaître une romanisation renforcée et garantie par

Rome, tandis que le patron spatial des établissements des territoires des deux villes

indigènes souffre des changements profonds qui, parfois, sont accompagnés de la

destruction de la majorité des villages et hameaux du territoire edetain pendant la

première moitié du IIè siècle av. J.-C. Mais cela n'entraîne pas le dépeuplement du

territoire, parce que les établissements ruraux descendent à ce moment dans la plaine

pour se transformer en Edeta au haut empire.

La fondation de Valentia en 138 av. J.-C. est effectué au carrefour des territoires

des oppida de Saguntum, Edeta, la Carencia (Turís) et de Sucro (Albalat de la

Ribera ?)125 dans le tronçon final du Turia, un espace marécageux qui doit probablement

s'assainit grâce aux structures agraires de la centuriation Valence A. Une petite portion

des territoires des oppida de Saguntum, Edeta et de Sucro est structurée par cette

centuriation. Bien qu'il soit possible que la surface gérée pour cette structure soit

insuffisante par rapport aux chiffres de quelque 2 000 ou 3 000 colons, estimation

donnée par A. Ribera se basant sur la surface de la première ville que l'enceinte murée

républicaine de la fondation de la cité met en évidence126.

Si nous estimons la surface accordée aux nouveaux colons, en utilisant la moyenne

que nous permettent les données connues du monde romain, nous observons

rapidement que même en prenant les estimations les plus optimistes nous ne pouvons

pas conclure à un grand nombre de colons lors des assignations de terre des trois

centuriations connues de Valentia. C'est un inconvénient propre aux territoires situés

125 (H. BONET, C. MATA 2002 : 236-237) 126 (C. MARÍN, A. RIBERA 2002 a : 289; A. RIBERA 2002 b : 53)

Archéologie des paysages

-101-

dans des plaines côtières étroites. Ainsi, nous pouvons obtenir le tableau suivant en

estimant une population de 1 000 ou de 2 000 vétérans, chiffres qui peuvent donner lieu

à une population totale de 3 000 ou de 4 000 colons.

(*Colonies hors de l'Italie)

Hectares /

vétéran

Estimation 1 000

vétérans

Estimation

2 000 vétérans

Premiers temps de la

République 0,5 500 ha 1000 ha

Ager Falernus 0,75 750 ha 1 500 ha

Loi coloniale de César en 59

av. J.-C. 2,5 2 500 ha 5 000 ha

Tabula de bronze d’Ilici ca.

26-19 av. J.-C. * 3,25 3 250 ha 6 500 ha

Vibo Valentia C.L. 192 av. J.-

C. 5,6 5 600 ha 11 200 ha

Thurii C.L. 193 av. J.-C. 7,5 7 500 ha 15 000 ha

Vétérans césariens 12,5 12 500 ha 25 000 ha

Bononia C.L. 189 av. J.-C. * 15 15 000 ha 30 000 ha

Époque imperiale 16,5 16 500 ha 33 000 ha

Aquileia C.L. 181 av. J.-C. * 24,2 24 200 ha 48 400 ha

Vétérans de M. Saturnino

(África 103 av. J.-C.)*

25 25 000 ha 50 000 ha

Source: G. Chouquer, F. Favory 1992, Les arpenteurs romains, Errance, Paris. (Elaboration propre)

Ce qui, comparé aux espaces complets des différentes centuriations étudiées à

Valencia, ou en prenant l'aire métropolitaine actuelle comme référence, nous amène à

penser à des assignations de territoire réduites, en droite ligne avec les assignations de la

fin de la République ou du chiffre de 3,25 ha de la deuxième déduction augustéenne d'Ilici,

comme le montre la tablette de bronze (voir supra).

Hectares totaux prévus Km2

Valentia A 7500 75

Valentia B 10400 104

Archéologie des paysages

-102-

Valentia C 20800 208

Aire Métropolitaine de

Valence

49106 491

Mais en plus des assignations réduites de terre nous devons penser à la voie

ouverte par la concrétisation de l’ager sumptus ex vicino territorio127; je la développerai par

la suite.

Au cours de l'année 75 av. J.-C., 63 années après sa fondation, Valentia est

détruite par les armées de Pompée pour avoir pris le parti des factions sertoriennes,

épisode dont l'archéologie de la ville rend bien compte128. Depuis, Valentia partage l'aspect

quasi désertique de ville comme Edeta. Nous disposons de données relatives à la

fréquentation des deux villes après cette date, comme le trésor de la colline de Sant Miquel

de l'année 44 av. J.-C. ; l'inscription de Cupra Maritima dédiée à Afranius, lieutenant de

Pompée, par les sénateurs et les colons de Valentia de l'année 60 av. J.-C., qui pour

certains serait la preuve d'une deductio pompéienne après la destruction de la ville129, bien

que l'idée n'ait pas encore été étayée par les fouilles archéologiques ; le dépôt d'amphores

des dernières 40 ou 30 années du Ier siècle av. J.-C. de la rue Tenerias; ou encore, la

mention de Valentia sur les gobelets de Vicarello (ca. 20 av. J.-C.). Bien que la réalité

archéologique de Valentia ne prenne pas corps avant la refondation augustéenne, et elle ne

se montre évidente qu'à l'époque flavienne ; tandis qu'Edeta, pour sa part, ne commence

pas non plus à fonctionner comme une ville jusqu'à bien entré dans le Ier siècle apr. J.-C.

D'autre part, l'épigraphie de Valence met en évidence l'existence de deux ordines

130, celui des veterani et celui des veteres (par exemple dans l'inscription CIL II 3741 [fig.

VII]), qui montrent, comme dans peu de cas, l'existence de deux déductions coloniales et,

par conséquent apportent un élément de réflexion pour comprendre les structures

centuriées trouvées sur leur territoire. De toute manière, selon les paroles de M.-J. Pena, il

semble que les veteres sont « très sûrement les descendants des habitants de la Valentia

républicaine » tandis que les doutes sont plus grands pour les veterani, qui pourraient être

les vétérans d'une déduction augustéenne, peut-être antérieure à l'année 27 av. J.-C.131.

Mais la dernière phrase prononcée par l'auteur dans cet article me paraît très importante et

127 (G. CHOUQUER, F. FAVORY 2001 : 127-135) 128 (SALUSTIO, Hist. II, 98, 6 ; A. RIBERA, M. CALVO 1995) 129 (L. ALMELA VALVERDE 2001 : 72) 130 (G. PEREIRA MENAUT 1979 : 1987) 131 (M. J. PENA 2002 : 276-278)

Archéologie des paysages

-103-

mérite d'être soulignée. Se basant sur la survivance de Valentia après la destruction de

Pompée et sur celle des nomina uniques ou rares de Hispania (Sertorius, Brinnius,

Otacilius, Messenia), comme témoignage de la colonie originale de 138 av. J.-C., l'auteur

postule que la relation prosopographique entre Valentia et Edeta s’expliquerait de la

manière suivante :

Face à ces données, il convient de penser que quelques familles valentines de la première époque ont pu survivre sur le territoire ou dans les villes voisines et sont retournées à Valentia à l'époque impériale pour constituer l'ordo decurionum ueterum, intégré dans la nouvelle ville.

Cet état de la question conduit à une série d'indices et d’intuitions qui, face au

manque de données positives, sont de bonnes hypothèses de travail. L'atmosphère qui se

respire dans la zone au cours de la seconde moitié du Ier siècle av. J.-C. : absence de vie

urbaine évidente à Valentia et à Edeta, bien qu'il ne s'agisse pas d'un dépeuplement absolu,

le rang de colonie dont jouit Saguntum durant quelques décennies cette même période, et la

structure centuriée découverte à Saguntum comme à Edeta, me font penser à ce contexte

césaro-triumviral, si productif en ce qui concerne les structures centuriées dans d'autres

zones du futur Empire, comme le cadre chronologique le plus adéquat. La structure

centuriée d'Edeta, tellement surdimensionnée, dans un territoire indigène et hostile, à en

juger par la destruction de la ville, rappelle ces grilles qui, comme dans le cas du cadastre

d'Orange A, couvrent de vastes espaces dans le seul but de romaniser les sociétés

indigènes et servir d'instrument d'intégration de l'espace rural d'une société en voie

d'urbanisation et de municipalisation ; ce même processus qui en Italie septentrionale et

dans le sud de la Gaule, entre 46 av. J.-C. et 27-23 av. J.-C., prend le nom d'époque

cesaro-triumvirale. Ces travaux de bonification et de structuration agraire permirent

précisément l'essor de ces villes au Haut Empire. Nous pourrions supposer que c'est dans

cet espace du territoire valencien, bien qu’appartenant à la future pertica edetana, que

purent « se réfugier » quelques familles de la première colonie de Valentia. Ou, de même,

imaginer une scène dans laquelle la pertica edetana soit une conséquence directe de la

destruction de la ville de Valentia, produisant ainsi une solution discontinue dans l'espace

des villes pour les colons et anciens habitants de la ville, comme dans le cas des trois

centuriations représentées dans les marbres d'Orange, exposés dans le forum de la colonie,

et dont une seule uniquement se trouve sur le territoire de la ville.

Précisément, les seules données dont nous disposons pour les deux déductions

d'une autre colonie du Pays Valencien, Ilici, nous parlent du même contexte chronologique :

ca. 42 av. J.-C. pour la première et ca. 26 av. J.-C. pour la seconde (voir supra).

Le retard d'impulsion de la vie urbaine à Valentia, entre le moment de la

(ré)fondation augustéenne éventuelle et l'époque flavienne, quand la ville démontrera à

Archéologie des paysages

-104-

travers les fouilles archéologiques de véritables symptômes de revitalisation, cause un

certain nombre de problèmes d'interprétation, s'agissant d'une longue période. Mais, si nous

admettons les dépôts rituels du forum de Valentia comme la refondation de la ville (aux

environs de la décennie du changement d'ère) il est probable que ce moment puisse

coïncider avec l'acte initiateur des travaux de Valence B, cadastre comprenant des terres

non gérées précédemment (qui à ce moment seront bonifiées) au nord et au sud de la ville

dans les terres marécageuses de la plaine côtière. Cette structure se prolonge jusqu'aux

confins de la ville, frontière avec Saguntum, bien qu'en dépassant les limites établies par F.

Beltrán ou J. Corell132 par critères épigraphiques, suivant ses traces jusqu'à la limite

municipale de El Puig [titre 45: 320]. Un phénomène semblable se produit avec la pertica de

Valentia C qui s'introduit dans le territoire de l'ancienne Edeta (actuel territoire de Cheste)

et, à son tour, les bords orientaux de la grande pertica edetana sont examinés jusqu'aux

limites les plus occidentales de Valence A, aux abords de la ville de Paterna.

Cette situation admet plusieurs explications qui ne s'excluent pas entre elles. Nous

pouvons penser que les limites territoriales établies par critères épigraphiques ne sont pas

correctes et qu'il faut les réviser, bien que cela corresponde aux spécialistes.

Deuxièmement, nous pouvons penser que les différentes perticae sont indépendantes du

territoire de la civitas, (de fait, elles le sont) et interpréter les structures centuriées comme

autant d'opérations de gestion d'espaces définis par le paysage (vallées, plaines côtières,

régions naturels...) étrangères ou nuançant les réalités administratives. Enfin, perticae et

territoria peuvent être interprétés dans une perspective dynamique, indépendantes l'une de

l'autre, et formant ainsi une réalité plus complexe qui intégrerait des réalités de l'espace

indigène antérieures à la fondation de la colonie, ou une communauté de colons assignés à

un espace géographique qui comprend le territoire de plusieurs villes133.

C'est l'option que nous avons choisie, avec Jean-Luc Fiches en 1997, pour une

étude réalisée sur le territoire de Nîmes [titre 29] où nous avons constaté qu'une limite

intercisivus du cadastre Orange A aux frontières des oppida de Nîmes et d'Ugernum,

confirmait la construction au sol d'une limite administrative au moyen d'un axe de la

centuriation. En nous appuyant sur l'étude effectuée par P. Veyne au sujet de la tablette des

Ligures Baebiani où sont relatés certains des aspects d'une réalité agraire et administrative,

de différentes unités territoriales, bien que conservant un fond de carte historique sur la

réalité des organismes tribaux et de leur adaptation à une nouvelle gestion de l'espace,

nous identifions, aux deux côtés du limes intercisivus 10,5 du cadastre Orange A, les fines

132 (F. BELTRÁN 1980, carte 2 ; J. CORELL 2002) 133 (G. CHOUQUER sous presse)

Archéologie des paysages

-105-

nemausensium et les fines ugernensium même si tout appartenait au territorium

nemausensis après l'attribution de ces oppida ignobilia à Nemausus [titre 29: 297-298].

Bien que dans le cas de Valentia il ne s'agisse pas de la ville indigène promue au

rang de colonie, ni de l'attribution d'un oppidum à une colonie, mais d'une colonie créée à

nouveau; le territoire de Valentia serait créé à partir des portions de territoires des quatre

grandes oppida (Arse-Saguntum, Edeta, la Carencia, Sucro) qui occupaient cet espace.

Bien qu'il s'agisse des territoires définis par les polygones de Thiessen134, les comparant

avec la figure où se concrétisent les différentes centuriations, la pertica edetana s'adapte

assez bien à l'espace de son polygone au niveau des limites de Valence, jusqu'au début de

la plaine côtière, approximativement à Paterna, tandis que les perticae de Valence B et

Valence C s'adaptent aux limites proposées par les études épigraphiques, ou les dépassent

de peu. On peut considérer que le territoire défini par les inscriptions sur pierre (lapidaires)

met en évidence une réalité formée par la totalité des inscriptions et, par conséquent, par

une photo fixe du processus terminé, par les limites historiques finales figées par deux ou

trois siècles d'accumulation d'inscriptions. Le territoire ainsi délimité sera le processus final,

le fruit de tensions entre les villes limitrophes et après la récupération, postérieure aux

destructions d'Edeta et de Valentia au IIè et Ier siècle av. J.-C. respectivement [fig. VIII, 1].

Si il en était ainsi, et si la succession de créations parcellaires signalée

précédemment est correcte, la pertica edetana serait une réalisation tenant compte des

fines edetanorum de l'oppidum préalable à la consolidation du territorium valentinum, tandis

que Valence B serait une intervention avec une délimitation exclusivement conditionnée par

le milieu, dont l'objectif serait la bonification des marais côtiers au nord et au sud de la ville.

D'autre part Valence C s'adapte, ou dépasse même, les limites du valentinum, ce qui peut

s'expliquer comme étant la fin du processus dans lequel les confins territoriaux ont été

consolidés et que l'espace déjà réduit de la colonie de Valentia est devenu trop petit, ce qui

força, de surcroît, à prendre une portion d'espace au territorium edetanum au moyen de

l'ager sumptus ex vicino territorio.

De cette manière, avec les données dont nous disposons, la succession

d'interventions régularisatrices de la morphologie agraire dans le territoire des trois villes

pourrait être la suivante [fig. VIII, 2] :

1. Phase tardo-républicaine : création de Valence A, associée à fondation de la colonie

de Valentia.

134 (H. BONET, C. MATA 2002 : 236-237)

Archéologie des paysages

-106-

2. Phase guerres sociales / césaro-triumviral : perticae edetana et

saguntina.

3. Phase augustéenne : perticae de Valence B et Valence C.

LANGUEDOC, LE PLATEAU DE LES COSTIÈRES

L'opportunité de pouvoir faire des recherches sur les formes de paysages de cette

zone du Languedoc remonte à un contrat de recherche datant de fin 1994, prolongé jusqu'à

l'année suivante : L'analyse des formes du paysage sur le TGV Méditerranée (Valence et

Montpellier), qui donna lieu à un Rapport de Recherche inédit [titre 27] effectué en

collaboration avec G. Chouquer et F. Gateau. Plus tard je continuai à faire des recherches

sur cette zone dans le cadre de ma formation postdoctorale (1995-1997) menée à terme à

l'UMR 6575, Archéologie et Territoires du CNRS de l'Université de Tours, et à l'USR

Archéologie Spatial du CRA de Valbonne, d'où surgit la collaboration avec Jean-Luc Fiches

[titre 29: 292-300]. Ma principale contribution à cette collaboration fut l'analyse

morphologique et les travaux de comparaison à l'exemple des Ligures Baebiani,

collaboration qui profita de l'atout puissant que constituent les connaissances de Jean-Luc

Fiches quant à la zone et quant aux cadastres nîmois.

Finalement, une grande partie de la matière du rapport inédit sur cette zone du

plateau des Costières, largement développée, ainsi que l'article cité ont été intégrés dans

un Rapport de Recherche inédit (Le rôle de la création parcellaire dans la dynamique des

paysages -Secteur nîmois-) financé par l'Unité d'Archéologie Spatiale du Centre de

Recherches Archéologiques du CNRS, et le Service de l'Archéologie du Languedoc, ce qui

en essence correspond au chapitre III de Las formas…[titre 45: 85-172].

C'est dans ce secteur que le contact entre deux perticae acquiert le plus

d'importance : celle d'Orange A, déjà mentionnée, dans son extrémité la plus occidentale

qui arrive jusqu'aux limites de la ville de Nîmes ; et celle de Nîmes A, dans son extension la

plus orientale, jusqu'au Rhône. Au cours de la recherche que j'ai menée à terme, j'ai pu

démontrer que ce contact avait été probablement effectué par la construction, à partir de

l'hypoténuse d'un axe d'Orange A, en formant un angle varé entre les deux cadastres,

marquant dans le sol des réalités administratives indigènes, en plus des structures

nouvelles, proprement agraires qui étaient sous-jacentes à la superstructure administrative

transformée à l'époque romaine [titre 29].

L'articulation géométrique des deux systèmes et la création physique de l'axe VK

10,5, à l'extrémité des Costières, ont servi tant à marquer les réalités administratives

indigènes précédentes et cadastrales différentes (pertica nemausensis et d’Orange A),

comme à construire la centuriation. Sa pérennisation sur la longue durée, marque de la

Archéologie des paysages

-107-

limite diocésaine entre Arles et Nîmes au IVè apr. J.-C., et sa conservation jusqu'à nos

jours, sont des aspects qui montrent bien, comment la forma cadastrale reflétait différents

niveaux de la réalité géographique et administrative, en plus de ses fonctions agraires les

plus évidentes. Mais à la limite occidentale des Costières (à Bouillargues), probablement

parce qu'il s'agit de l'extrémité de la pertica, on a pu mettre en évidence un autre cas de

rapports en diagonale qui indiquent la confluence de Nîmes et de Orange À ; interprété

comme indice de la construction vers l'ouest, de Nîmes A, là où commence la véritable zone

d'influence de cette pertica [titre 45: 136-137, figs. 29 et 30].

Ces analyses ont permis de signaler l'idée que le système d'Orange A a précédé de

quelques années celui de Nîmes À, dans le cadre d'une pertica « transterritoriale » dont la

vocation originale serait celle de créer les conditions d'une nouvelle relation à la terre au

sein des anciens oppida, dont un appartient au secteur d'influence de Marseille, après sa

chute en 49 av. J.-C., et avant la création de la colonie d'Arles en 45 av. J.-C. [titre 29];

nous nous trouverions, donc dans le contexte chronologique des profondes transformations

agraires des cadastres d'époque césaro-triumviral, évoquées par F. Favory135.

Dans ce contexte et en fonction de la relative conservation de chaque système, le

cadastre d'Orange A a pu jouer ce rôle majeur sur le plateau des Costières. Mis à part le

système de la Vistrenque, dont nous trouvons des traces évidentes à travers tout le plateau,

le cadastre A d'Orange représente la superficie et la dispersion la plus importante de la

région (orientation omniprésente et présence de masses parcellaires même dans la zone de

moindre influence). Sa fonction principale a pu être de caractériser convenablement les

types d'établissements qui ont un rapport spatial avec les surfaces gérées et exploitées au

moyen de cette centuriation. Les résultats sur le territoire d'Ugernum ont déjà montré

fréquemment comment les implantations de type villae, du haut Empire ou du Ier siècle av.

J.-C., avaient une relation étroite avec ce système136.

Pour ce qui est du système de Nîmes A, j'ai formuler une hypothèse de travail

selon laquelle la disparition du système du Vistrenque, une structure agraire protohistorique

ou système cohérent, pourrait être lié à la création d'un système de type centurié dont les

axes auraient pour fonction de drainer le plateau vers la vallée du Vistre. En effet, c'est

dans une de ces zones où l'on trouve des traces fossilisées mais aucun type de

conservation active du système du Vistrenque (aux alentours de Garons), que la

centuriation de Nîmes A se manifeste le plus clairement. Dans d’autres zones sa présence

est anecdotique et, en général, liée à un site du type villa du Haut-Empire. Dans ce cas-là,

135 (F. FAVORY 1997 : 121) 136 (F. FAVORY, J.-L. FICHES, J.-J. GIRARDOT 1987-1989 : 82)

Archéologie des paysages

-108-

sa fonction pourrait être comparable, dans un milieu spécifiquement nîmois, à celle du

cadastre A d' Orange, et donc d'être son prolongement vers l'ouest : un cadastre

« transterritorial » lié aux oppida dépendants de Nîmes, entre 45 et 15 av. J.-C.

Par ailleurs, en ce qui concerne Nîmes B, bien que J.-L. Fiches a déjà souligné la

vrai différence entre les systèmes urbains augustéens et Nîmes B, remettant en questions

l'existence crédible d'éléments de datation dépourvus de l'argument chronologique de

référence (l'urbanisme augustéen de la ville de Nîmes, la vieille interprétation selon laquelle

un cadastre de compréhension aurait mis en exploitation les terres laissées de coté

d'Orange A est moins solide. Cependant, la dispersion spatiale sur le plateau des Costières

de superficies parcellaires ainsi orientées, en relation avec les structures agraires, semble

confirmer les premières impressions.

J'ai pu aussi apporter quelques éléments de réflexion, sous l'angle de la

morphologie agraire, aux hypothèses qui parlent d'une conquête de nouvelles terres dans

l'étang de Claussonne à l'époque antique, en parallèle à la construction de l'aqueduc de

Nîmes (milieu du Ier siècle apr. J.-C.), qui a permis de gagner 1 km2 de terres cultivables,

les propriétaires fonciers finançant une partie des frais provoqués par la construction de

l'aqueduc137. Nîmes B serait un cadastre de compréhension, qui aurait pour but la mise en

culture des dernières surfaces cultivables de la région ; terres marginales, bien

qu'exploitables, et le drainage des bassins endoréiques. Ce contexte de pression sur le

territoire, et la relation morphologique du tracé de l'aqueduc de Nîmes, nous situerait dans

la chronologie traditionnelle admise pour ce système.

SUR LA NOTION DE RÉGULARITÉ ORGANIQUE DANS LES PAYSAGES

HISTOIRE D’UN CONCEPT

Il s’agit d’une réflexion sur les modalités de planification des formes agraires dans

l'Antiquité, en dehors du cas bien modélisé des centuriations romaines. Les archéologues

peinent quelque peu à définir les réseaux parcellaires cohérents indigènes, formes que les

chercheurs anglais désignent sous l'expression de cohesive systems138. Comment construit-

on un tel réseau d’époque ancienne, par exemple un réseau « indigène » préromain ? Cette

réflexion s’inspire aussi des remarques faites par F. Favory dans sa thèse d’état, et reprises

dans un article au sujet de la validité de l’attribution des réseaux cohérents ou des

fluctuations des orientations des parcellaires centuriés à la protohistoire139. J’ai essayé

137 (G. FABRE, J.-L. FICHES, J.-L. PAILLET 1999) 138 (F. FAVORY 1983 : 69-74) 139 (F. FAVORY 1997 : 103-104)

Archéologie des paysages

-109-

d’apporter une contribution à ce débat en faisant appel à la morphogenèse et à un concept

lié à la problématique des réseaux cohérents : la régularité organique.

En quoi, réellement, la modélisation d’une centuriation, proposée par F. Favory140:

(« …la centuriation consistera en un réseau bidimensionnel, périodique et orienté selon une

direction déterminée et constante dans le cadre d’une pertica »), se démarque-t-elle de

celle d’un authentique réseau cohérent, comme par exemple le cohesive system des

Berkshire Downs141? La différence principale est qu’il n’y a pas d’axes rectilignes, pas

d’orientation constante. Mais les autres éléments sont bien présents : le réseau est bien

bidimensionnel car on a une structure développée en deux dimensions ; il est aussi

périodique, car on peut apprécier l’existence d’un rythme métrologique. Et, toujours dans la

même ligne de comparaison, si l’on imagine à la place du mot pertica (qui désigne, chez les

arpenteurs romains, le territoire devant être divisé par la limitation en vue d'une assignation)

un autre, méconnu mais approprié à « l’emprise spatiale (aire géographique) et territoriale

(aire politique) des réseaux indigènes », on pourrait situer chronologiquement l'apparition

de ce terme au moment de l’évolution des communautés villageoises vers les entités micro

étatiques du deuxième Âge de Fer142.

Mais c’est là que réside la difficulté de sa modélisation, car le manque de traits

rectilignes comparables aux axes ( limites) d’une centuriation, ne nous permet pas de faire la

différence entre un axe réel préconçu, mais qui ne se verrait plus par usure et disparition, et

un autre qui aurait toujours correspondu à un axe tortueux, s’adaptant constamment à

l’orographie. Quel est le seuil que le chercheur peut tolérer pour accepter un trait qui

change sans cesse d’orientation et pour en rejeter un autre?

On pourrait proposer quelques causes pour assoir la réalité des parcellaires

protohistoriques :

1. D'ordre technique d'abord : les premiers agriculteurs auraient été plus maladroits

que les arpenteurs romains, et il est probable qu'ils ne connaissaient pas d’outil tel

que la groma.

2. Toujours sur le plan technique : en s’adaptant constamment au relief, ils

produisaient un faisceau d’orientations, reflet de la réalité du terrain ; mais

pourquoi s’adapter à la réalité du terrain ?

140 (F. FAVORY 1983 : 51) 141 (R. BRADLEY, J. RICHARDS 1978 : 55) 142 (M. PY 1993 : 150)

Archéologie des paysages

-110-

3. D'ordre social enfin : on peut aussi expliquer la régularité de ces parcellaires par

les types de structures sociales qui les ont produits. Mais pour cela il faut faire un

long détour.

J’ai appliqué pour la première fois le concept de « régularité organique » aux

parcellaires d’irrigation d’origine arabe. Régularité car les principaux axes qui articulent

l’espace agraire répètent des rythmes métriques [fig. IX, 2-2 B], constants malgré leur

sinuosité [fig. IX, 2-3]; organique, car le tracé des canaux est conditionné par les courbes

de niveau et ressemble au mouvement et à la forme organique d’un fleuve [titre 25: 284-

285].

Ensuite, Gérard Chouquer a appliqué le même concept aux systèmes fortuits

engendrés par le relief dominant [titre 27: 7]. C. Lavigne, d’autre part, utilisa le même

concept « La régularité organique des parcellaires de formation. (...) Ces différentes

contraintes imposées à l’homme par le milieu, se sont imposées à toutes les époques et

aboutissent à la formation de parcellaires marqués par une forte régularité organique [titre

25]. Cette régularité peut être confondue avec la régularité modulaire des parcellaires de

fondation médiévale aux formes, parfois, aussi souples et ductiles ».

Plus tard, la syntonie de concepts fut oubliée et, sans explication, fut remplacée

par celui de planification discrète. Bien que je ne sois pas en désaccord avec ce prêt, la

réalité à laquelle je pensais à ce moment-là n'était pas celle d'un système fortuit, auto-

organisé dirions nous maintenant, mais planifié.

Dans une deuxième définition, j’ai précisé le concept en considérant la possibilité

d’une « planification » de la régularité organique au sein d’un système irrigué : [titre 45 :

335-336]:

Le fait d’apprécier une multiplicité d’orientations n’empêche pas l’observation de l’utilisation de modules et de rythmes métriques s’adaptant aux différentes orientations du parcellaire. Le fait majeur qui conditionne cette situation est l’adaptation du tracé des acequias aux contraintes du terrain. Dans les parcellaires irrigués, les nécessités d’adaptation constante au microrelief pour amener l’eau du barrage jusqu’à la dernière unité parcellaire expliquent qu’on se trouve face à la construction d’un parcellaire cohérent, mais sans une orientation dominante constante dans tout le secteur programmé. Car l’arpenteur, ne pouvant s’affranchir de la réalité du terrain, en raison de la particularité de la fonction des lignes du parcellaire, essaie, quand même, de créer des lots de même taille. Dans ce cas, un réseau cohérent peut être issu d’une volonté planificatrice.

Dès 1997, au sein du projet intitulé La naissance de la ville islamique : Nakur,

Aghmat, Tamdult, et à l’occasion des travaux sur Aghmat et son système irrigué, la

recherche du système agraire de la ville d’Aghmat m’a montré le lien existant entre mon

Archéologie des paysages

-111-

concept de régularité organique [RO] et celui de géométrie de l’espace naturel [GEN] qu'on

trouve chez P. Pascon143.

(…) le problème de l’exploitation du Hawz est extraordinairement simplifié et relève de la pure géométrie car, partout où il est vide d’hommes, il ne dépend que d’un seul facteur: l’eau! Une fois connue la géométrie de l’espace naturel et le site des ressources en eau, le projet d’aménagement est aisé à concevoir à un niveau technologique donné. Voilà qui donne à réfléchir sur l’importance des géomanciens et des hydrauliciens dans les cours almoravides et almohades!

Précisions la relation entre le deux concepts. Là où existe une géométrie de

l’espace naturel, il peut y avoir une régularité organique, mais, en revanche, la régularité

organique n’est pas la conséquence directe de la géométrie de l’espace naturel. Dans la

relation directe GEN!RO il peut s’agir d’un réseau fortuit ou bien il s’agit de la

planification discrète, ou discontinue telle que Gérard Chouquer l’a mise en évidence144.

Mais il y a des exceptions, et on ne peut inférer un rapport RO!GEN selon lequel la

régularité organique n’existerait que dans les espaces géographiques où une adaptation au

relief est nécessaire.

Pour tenir compte de ces nuances, on proposera différentes manières, non

exclusives entre elles, de rendre compte de la morphogenèse des systèmes parcellaires

cohérents de la protohistoire.

Une construction spontanée de divers réseaux dans différents terroirs d’un même

finage avec des espaces intermédiaires non cultivés (j'entends les concepts de terroir et

finage tels qu’ils ont été définis par R. Lebeau145). La cohérence géographique ou la

« géométrie naturelle de l’espace » feront le reste et donneront lieu à la genèse d'une

structure qui fonctionne en réseau, partageant des éléments communs, par exemple les

chemins, mais qui n’a jamais été conçue comme telle. Les travaux que nous avons

effectués au sud de Marrakech, où la régularité du parcellaire d’irrigation s’étend à

différents territoires tribaux, prenant l’aspect d’ « îles », nous suggèrent cette possibilité. Ou

bien, quand les alignements avec une orientation dominante, vue dans le terrain, ne

paraissent pas construits par un arpenteur, vu (observé dans le détail) le caractère

irrégulier du tracé.

Une construction programmée à partir d’un projet préalable, élaboré à partir des

terres cultivées. À la différence de ce que l’on constate pour les formes romaines où les

limites des réseaux romains sont d'abord tracés avec la groma, les chemins ne seraient pas

143 (P. PASCON 1983 : 8-9) 144 (G. CHOUQUER 2000 : 189) 145 (R. LEBEAU 1969 : 7)

Archéologie des paysages

-112-

les premiers à être construits. Au contraire, on commencerait par les champs, laissant en

négatif les chemins comme exclusion spatiale dans le projet initial. Plusieurs indices

conduisent à formuler cette hypothèse. Mais le fait principal est qu’on observe une

adaptation permanente des orientations sans qu’on puisse tout expliquer par le relief. Ce

serait précisément l’interaction de cet aspect planifié avec le facteur topographique qui

provoquerait le faisceau d’orientations propre aux systèmes cohérents. Dans la vallée du

Turia, où la régularité du parcellaire paraît liée à la « construction » d’un territoire, avec un

système hiérarchisé d’établissements spécialisés [titre 45: fig. 24 a et b : 165 ; fig. 37 et 38 :

200-201]

Une construction programmée dans le cadre d’un système agraire irrigué ou drainé,

où une préconception des éléments constitutifs est requise. Les éléments en commun de

chaque terroir doivent être nécessairement intégrés (on ne peut imaginer les choses

autrement dans le cas d'un canal d’irrigation ou de drainage), mais à l’intérieur de cet

espace préconçu, la zone cultivée est créé selon la modalité décrite dans le paragraphe

précédent. Cela peut être le cas de n’importe quel système d’irrigation ou drainage.

Toutefois si l’on conçoit ce réseau comme exemple de réseau intégré lié à un drainage, il

faut qu'il ait des connexions, et on ne peut envisager alors des blocs isolés, indépendants

entre eux. Le même exemple peut ainsi illustrer deux réalités.

On peut ajouter un dernier type qui correspondrait à la planification géométrique

par bandes de terres, droites ou ondulantes, parallèles et périodiques telles les formes du

Dartmoor (voir le détail de la forme de l’Upper Dart) ou celles de la région des Tilles et de

l’Ouche près de Dijon146. Dans ces deux cas, l’observation est d'autant plus intéressante

qu'elle porte sur des formes archéologiques reliques ou fossiles, et non pas sur

l'interprétation de parcellaires actuels pour y trouver des formes héritées. Ce quatrième type

serait le plus proche des planifications romaines, même s’il montre des différences. En

outre, il est très comparable aux formes de planification médiévale telles que Cédric

Lavigne les a définies dans son ouvrage comme planifications discrètes147 bien qu’il ait

emprunté ce concept de régularité organique en 1997148. Voyons justement le cas de

l'espace rural des environs de la bastide de Gimont qu'il utilisa en 1997 pour illustrer le

concept de régularité organique, citant l'article dans lequel je fondais ce concept en 1996;

alors qu'en 2002 cet auteur expérimente un changement total, en effet il présente le même

objet de recherche, la bastide de Gimont, comme exemple de planification discrète. Je peux

146 (G. CHOUQUER 1996) 147 (C. LAVIGNE 2002 : 138-164) 148 (C. LAVIGNE 1997 : 156, fig. 6)

Archéologie des paysages

-113-

admettre ce changement et le choix d'un concept différent. Mais je ne comprends pas

l'absence d'argumentation; en effet, le texte publié en 2002 ne présente pas une seule ligne

venant appuyer ce changement. Celui-ci ne prend de sens qu'à travers la lecture de l'essai

de Gérard Chouquer149 L’étude des Paysages dans lequel il effectue la liaison entre les

deux concepts.

Le premier cas décrit ci-dessus, comme le second, peuvent entraîner des

structures que l’on peut envisager de reconstruire en liaison avec un processus historique.

Mais en l’absence d’espaces organisés il n'est pas possible de conclure à une continuité du

réseau.

Bien que le concept ait été développé à partir de la réalité observée dans les

systèmes irrigués, il ne faut pas oublier que cette régularité organique peut être également

perçue dans des systèmes agraires non irrigués. Ainsi l’explication ne tient-elle pas

seulement aux conditions techniques liées à la circulation de l’eau mais aussi à d’autres

facteurs de caractère social. Le concept peut s’appliquer à d’autres systèmes.

DES CONTRAINTES PHYSIQUES

Un système agraire en général, mais surtout en milieu aride, recherche la maîtrise

de l’eau, le contrôle et la gestion de l’eau excédentaire en certaines saisons, érodant ici le

sol, et recouvrant là de grandes surfaces avec des limons qui contribuent à former des sols

neufs. En d’autres saisons, quand il fait plus chaud, le manque d’eau intervient au moment

où les plantes en ont le plus besoin pour achever leur fonction végétative.

La gestion des espaces agraires est donc, pour les paysans, une tentative

permanente de tempérer ces effets extrêmes. D’un côté il s’agit d’éviter, si possible,

l’accumulation excessive d’eau de pluie à la faveur des sols agraires et d’empêcher que

l’énergie de l’eau en mouvement pendant les fortes pluies ne fasse disparaître les sols sur

lesquels repose la production. D’un autre côté, il s’agit de « discipliner » et de réguler des

ressources en eau faibles et irrégulières, dues aux précipitations hasardeuses, de manière

à ce que l’eau puisse être utilisée dans les moments critiques du stress estival, quand les

plantes en ont le plus besoin.

L’eau de ruissellement pose deux problèmes majeurs: la gravité universelle qui fait

que l’on ne peut pas déplacer l’eau autrement qu’en suivant la pente ; l’excès de vitesse par

accélération de cette même pente qui provoque l’érosion des sols. Il faut profiter de cette

force mais il arrive un moment où il faut réduire la vitesse produite par l’accélération. Dans

une canalisation l’eau fonctionne comme un fleuve : à vitesse lente les particules en

149 (G. CHOUQUER 2000 : 141)

Archéologie des paysages

-114-

suspension se déposent, et il y a donc sédimentation ; à grande vitesse l’eau enlève le sol,

et il y a érosion. Pour éviter ces problèmes, les constructeurs des réseaux irrigués ont

recours à deux solutions techniques qui s’expliquent entre-elles : une forte pente (3% en

moyenne) pour diminuer la section du canal, et un tracé sinueux pour freiner un écoulement

trop rapide150. Nous ajouterons une troisième solution, mentionnée par les agronomes

arabes : à l’intérieur de la parcelle maintenir une légère pente pour drainer la surface, pente

qui ne doit pas être inférieure à 12 doigts pour 100 coudées, soit 0,4 %151.

T.-F. Glick a noté que ces facteurs ont été une source de conflits à Valence au

Moyen Âge152 car la force de l’eau des deux côtés du canal n’est pas seulement la

conséquence de la largeur du canal, mais aussi du niveau du fond, à savoir le lit. Ainsi la

quantité d’eau de chaque bras secondaire et des partiteurs est modifiée par les dépôts

sédimentaires altérant le débit et, par voie de conséquence, il y a transformation des

conditions de distribution préalables convenues par les diverses communautés.

L’information de base qui devait être conservée pour chaque partiteur, et parfois aussi pour

les canaux principaux, était non seulement la largeur mais aussi la côte du lit, afin que,

dans certains cas, l’on renforce celui-ci avec des pierres pour bien marquer le fond et

faciliter son entretien.

En milieu aride il y a aussi des contraintes qui affectent directement la capacité

agrologique du sol liée à la disponibilité en eau. Dans les vallées encaissées, l’eau est

abondante et la terre est disponible sous forme de bandes étroites ; dans les plaines, les

terres sont plus étendues mais l’eau est une ressource restreinte. Tels sont les principes

d’aménagement qui président à l’organisation des huertas, tant à l'échelle du parcellaire

que dans l’ensemble, et qui se répètent depuis l’Espagne jusqu’à l’Iran et du Roussillon

français au hawz de Marrakech153.

Les secteurs ou périmètres irrigués sont donc le résultat d’une programmation, de

ce que Miquel Barceló appelle un diseño154: le tracé du canal principal entoure les terres

mises en exploitation ou susceptibles de l’être, selon l’importance du groupe qui crée

l’espace agricole, et selon les contraintes mentionnées ci-dessus (hydrauliques et

disponibilité de sol), avec un mode de restitution de l’eau au système naturel. À son

extrémité, le canal versera les eaux non utilisées pour irriguer les champs soit dans le

150 (P. PASCON 1983 : 84) 151 (L. BOLENS 1972 : 72) 152 (T. F. GLICK 1988 : 106–115) 153 (R. HÉRIN 1977, 1990 : 59-60 ; P. PASCON 1983, 88-89)

Archéologie des paysages

-115-

fleuve soit dans le canal d’un autre sous-secteur. Le terroir ainsi formé est enveloppé par le

cours d’eau, d’un coté, et par le canal principal, de l'autre, et il devient ainsi une unité

technique, géographique et humaine155.

À l’intérieur de ce secteur, les eaux sont distribuées par des canaux secondaires

qui se subdivisent en « sous-secteurs ou finages de villages, dans lesquels le gradient

s’établit de façon centrifuge par rapport au barrage dans le terroir. Ce schéma théorique est

sensiblement modifié par une courbure de la acequia en aval de manière à réduire, au bout,

la surface dominée »156. Mais, dès que cette courbure existe, elle est prise en considération

car les livelladors (niveleurs hydrauliciens) en connaissaient bien les conséquences,

puisqu’un canal courbé offre plus de résistance à l’écoulement d’eau (il faut plus d’énergie

pour impulser l’eau le long de la courbe) :

(…) quand l’eau d’un canal principal [acequia mère] se partage de façon égale entre les deux canaux, pour la construction des cotés et des partiteurs desdits canaux on a coutume de s’attacher à (de s’attarder sur) celle des deux qui… va le plus droit [par rapport] au cours du canal principal. Et si l’on voit qu'une des deux acequias va plus droit [par rapport à la acequias mère], de telle manière que, recevant l’eau plus librement, elle en prenne plus que l’autre, également en ligne droite, n'en reçoit, on prendra l'habitude d’élargir le partiteur du canal qui ne va pas aussi droit, et de rétrécir le partiteur du canal plus rectiligne, afin que celui-ci ne reçoive pas plus d’eau que celui-là, de manière à ce que les deux soient alimentés par la même quantité d’eau157.

C’est pour cette raison que les périmètres irrigués, en plus du tracé sinueux des

canaux, ont une forme lenticulaire. Cela est renforcé en montagne où les conditions du

terrain permettent de trouver de bons sols dans les méandres ou anciens méandres des

fleuves, formant des espaces plus aptes, par leur topographie, à une mise en exploitation

par détournement de l’eau du fleuve.

INTERPENETRATION DE L’ESPACE GEOGRAPHIQUE ET DE L’ESPACE SOCIAL

154 (M. BARCELO 1989 : XXV et suivs.) 155 (P. PASCON 1983 : 84-85) 156 (P. PASCON 1983 : 96) 157 (…) que quant laygua de alguna cequia mare se parteix per egual entre dues cequies en la construccio dels lindors e dels partidors de les dites cequies se ha e acostuma haure sguard qual de aquelles cequies a les quals la dita aygua se deu partir ve pus dreta al discurs de la cequia mare. E per ço com trobant se pus dreta alguna de les tals cequies per haure e rebre laygua pus delliure directa via ne pendria mes que no laltra que no la rebria axi dreta via per tal raho se sol e sacostuma dar avantatge de qualque pocha latitut o amplaria al partidor de la cequia qui no ve tan dreta e se fa pus stret lo partidor de la cequia que ve dreta, por ço que per aquell poch avantatge la cequia que no ve dreta no reba mes aygua que laltra que no ve tan dreta ans cascuna de aquelles reben laygua ab egualtat.

Archéologie des paysages

-116-

R. Hérin158 a explicité le fait qu’à chaque mode de production, je dirais plutôt à

chaque formation sociale, correspond une organisation de l’espace déterminée, qui reste

inscrite dans le sol pendant un laps de temps plus ou moins long, ce qui permet une lecture

et une interprétation postérieures. C’est ce principe qui a guidé, d’une manière plus ou

moins consciente, mes propres recherches.

Dans les milieux arides ou désertiques l’eau devient une variable indépendante159:

Si dans la loi musulmane, comme dans la loi latine, le droit de propriété apparaît comme le type même du droit réel absolu, en droit musulman, du moins, le droit de propriété sur les eaux fait très nettement exception à cette règle ; il n’est ni absolu ni exclusif et il est tout empreint d’une charité religieuse commandée par une impérieuse raison géographique, la rareté de l’eau dans les pays de l’Islam, et aussi par cette solidarité qui régnait dans les sociétés primitives.

C'est ce que je me propose d'examiner dans les prochaines lignes. Les cultures

irriguées ont besoin de soins constants et il est fréquent qu’on puisse récolter plusieurs

moissons par an, d’où la proximité entre l’habitat et les vergers afin d'assurer la surveillance

des terres et les travaux permanents associés. Ensuite, la acequia intercommunautaire est

à l’origine d’un certain nombre de rapports sociaux entre amont et aval et elle suit un tracé

géométrique rarement simple, associant des raisons topographiques et / ou sociales. Le

micro parcellaire est une conséquence du paradoxe cité plus haut sur la disponibilité de la

terre et de l’eau, à savoir qu'il y a très peu de terres là ou se trouvent les ressources en

eau. Mais le micro parcellaire est également dû à la croissance démographique qui

provoque la fragmentation des parcelles par héritage. Or ce processus comporte une limite

qui est à l’origine d’un phénomène de fragmentation du clan. Quand arrive le moment où il

n’y a plus assez de terre, le clan doit se fragmenter et se déplacer ailleurs pour assurer la

survie de l’unité sociale supérieure qu’est la tribu. On reviendra plus loin sur ce point. Tous

ces facteurs donnent une « transcription spatiale de la distribution de l’eau sous forme

d’échiquier » et une interpénétration de l’espace géographique et de l’espace social.

Cette distribution spatiale et sociale révèle aussi un accès différencié à l’eau et à la

terre, car les différents groupes sociaux et ethniques n’ont pas accès à ces ressources

d’une manière égalitaire. Le partage d'un même canal entre plusieurs communautés

villageoises joue le rôle d’élément de cohésion pour cette communauté d’irrigateurs, mais à

l’intérieur de celle-ci il existe une stratification des droits sur l’eau en fonction du rôle social

des différents groupes. Par exemple, d’après L. Ouhajou160, 89 % des familles sans droits

en eau, les « sans eau », sont Haratine, c’est-à-dire qu’elles forment la base sociale par

158 (R. HÉRIN 1990) 159 (D. MENESSON 1972 : 15)

Archéologie des paysages

-117-

rapport aux Hrar et M’rabtine, ce qui n’empêche pas l’existence de correctifs entre ceux qui

sont en amont et ceux qui sont en aval des cours d’eau. Ces correctifs sont basés sur deux

formes de tours d’eau ou droits de prise d’eau pour une certaine durée : la forme allam (en

amont, avec abondance d’eau) où la disponibilité d’eau est proportionnelle à la superficie de

terre et la forme melk (en aval, moins abondant) là où la propriété de la terre est

indépendante de l’eau. Ainsi, ceux d’aval, qui disposent de moins d’eau provenant de la

rivière, peuvent acheter l’eau indépendamment de la terre, corrigeant ainsi les déficits

provoqués par la spatialisation et l’équilibre entre la terre et l’eau. Cette situation se

reproduit d’une manière semblable à Elche, en Espagne, où la dula est le tour d’eau des

terres en aval qui sont moins riches en eau161. Le tour d’eau est ainsi soumis à la

disponibilité de cette ressource.

Cette permanence des structures spatiales nous amène à la solution pratiquée par

la société arabo-islamique quand la croissance démographique affecte le groupe et que les

ressources – en terre et par voie de conséquence, en eau – sont insuffisantes, provoquant

la segmentation clanique. Chacune des crises sociales, avant l’arrivée de la crise

environnementale, est résolue par la scission ou fragmentation du groupe, ce qui provoque

la diffusion des groupes claniques dans tout le monde islamique : diffusion des Hawara ou

des ‘Ata au Maghreb et au sharq al-Andalus. Le projet de recherches conduit par M. Barceló

depuis vingt ans a essayé de mettre en évidence les règles – pautas – de cette « diaspora »

en étudiant les caractères encore imprimés dans l’espace par la construction des espaces

irrigués d’al-Andalus.

M. Barceló162 a pu mettre en perspective l’alternative segmentaire et l’organisation

de l’espace agricole à travers la généalogie des groupes claniques islamiques– « la

segmentation crée des identités généalogiques avec interstices spatiaux » –, détectée par

les travaux des anthropologues depuis les années cinquante, avec la rigidité et la « nature

stable des systèmes physiquement fragiles » des infrastructures hydrauliques. H. Kirchner,

de son coté, lors d’un séminaire de la Casa de Velázquez en 1998, proposait l’idée que la

dimension des espaces hydrauliques serve à estimer la surface nécessaire pour garantir

l’horizon de subsistance du groupe ; ainsi la segmentation n’aurait pas été la conséquence

de l’épuisement du débit de l'eau, mais se serait produite bien avant, pour éviter l’entrée en

crise. De cette façon, au Maghreb et en al-Andalus les vieux systèmes irrigués d’autrefois

conservent une bonne partie de l’empreinte spatiale qui les façonna à l’origine.

160 (L. OUHAJOU 1991 : 96) 161 (R. AZUAR 1998 : 20-23) 162 (M. BARCELÓ 1989 : XXVIII–XXIX)

Archéologie des paysages

-118-

LA PLANIFICATION A PARTIR DE L’ESPACE PRIVE

Pour terminer sur cette approche société / espace, il faut insister sur la différence

de construction parcellaire qui se constate selon que la programmation parte des espaces

publics ou des espaces privés.

Ce qui me paraît intéressant de remarquer c’est que l’on est en train de comparer

des formations sociales assez éloignées dans le temps (protohistoire et monde islamique),

mais peut-être pas dans leur structure sociale. Les travaux d’E. Wirth peuvent éclairer cette

apparente contradiction. Dans ses travaux sur l’urbanisme, il affirme que la ville dite

islamique doit être dénommée orientale, car il n’y a pas de différence entre les villes

abbassides, ottomanes orientales, celles du nord de l’Afrique médiévale ou les villes de

l’Orient Ancien des IVè-Ier millénaires av. J.-C. 163. Pour lui, les caractéristiques propres,

telles que les ruelles tortueuses ou les impasses, « n’existent ni dans les villes de

l’Antiquité classique ni dans les villes du Moyen Age européen… elles ne sont pas le

résultat d’une croissance anarchique et incontrôlée, mais elles furent consciemment

planifiées ». Elles sont le reflet de l’organisation tribale de l’espace. Les axes de circulation

sont une réalité économique et fonctionnelle mais pas des lieux publics : « rues et places

sont en quelque sorte un « espace négatif », le résultat d’une exclusion spatiale hors du

domaine privé… »164. Cette différence est marquée par le poids spécifique variable concédé

par ces sociétés au domaine privé, au détriment du domaine public. Une lecture postérieure

m’a permis de mieux comprendre la modélisation, par García y Bellido de ce processus

dans le monde islamique, processus sanctionné par les fatwas et la coutume165.

On observe sur la figure [fig. IX, 1], de manière simplifiée, la modélisation du

processus d’expansion sur l’espace public et l’appropriation privée par usurpation de J.

García y Bellido. Dans la première phase, une rue rectiligne, qu’elle soit le fait d’une

fondation musulmane ou de l’occupation musulmane d’une rue de l’antiquité, est occupée

par des marquises saillantes ou de tentes en guise d’excroissance, de prolongement des

maisons. La seconde phase voit ces appropriations être mises en dur et envahir la rue, et

dans le même temps d’autres maisons s’étendre au milieu rue par le biais d’autres

marquises ou d’autres tentes. Au cours de la troisième et dernière phase, le processus

d’expansion et de consolidation de l’espace privé, résultat de divers rapports de force et de

pressions entre les propriétaires et des sanctions successives (fatwas), a entraîné la

déformation de l‘ancienne rue rectiligne et son remplacement par une rue tortueuse: c’est

163 (E. WIRTH 1982 : 196 ; 1993 : 72-73) 164 (E. WIRTH 1993 : 79)

Archéologie des paysages

-119-

l’exclusion en négatif de l’espace public. Pour en revenir à la comparaison entre les

formations sociales lointaines, il ne faut pas oublier que la société musulmane se base sur

l’état tributaire et sur les liens tribaux au sein des communautés villageoises, au même titre

que ce qui a été suggéré pour les sociétés protohistoriques plus avancées. Dans les deux

cas, la sphère privée domine la sphère publique. De fait, les Gaulois du sud de la France

vécurent un processus d’émergence progressive du domaine public au détriment du

domaine privé, processus rendu évident par la régularisation graduelle de l’urbanisme à

partir du VI siècle av. J.-C. 166. Mécanisme comparable à celui des sociétés protohistoriques

méditerranéennes, comme les Ibères167, ce qui va de pair avec l’apparition de l’Etat et la

décomposition des anciennes communautés villageoises.

Une hypothèse de travail que l’on peut formuler est celle qui poserait la

prépondérance du privé sur le public comme possible explication de certaines des

organisations parcellaires qui font l’objet d’une étude.

QUELQUES EXEMPLES

Albarracín (Haut Turia, Teruel)

Dans cet exemple de la serranía d'Albarracín on distingue très bien le

fonctionnement d'un modeste système irrigué [fig. X, 1]. La petite surface cultivable est

aménagée et irriguée au moyen d'une noria ou roue d'élévation d'eau (arabe : naura) qui

élève l'eau et la déverse dans le canal principal qui entoure le périmètre irrigué, délimitant

une surface lenticulaire de terre. À l'intérieur du système, pas moins de cinq rigoles

subdivisent cet espace en essayant de créer des bandes de culture d'une surface plus ou

moins égale (les deux bandes centrales sont perpendiculaires au tracé de l'acequia

majeure), bien que l'irrégularité des contours ne permette pas d'obtenir des bandes

régulières aux extrémités du système.

Alpuente (Haut Turia, Valence)

Après la chute du Califat de Cordoue, Alpuente (Haut Turia, Valencia) devient le

chef-lieu d'une taïfa et le siège aussi, dès le début de la conquête arabo-berbère des Banu

Qasim, d'une tribu amazigh. C'est un exemple de site non exploité, dont on conserve le hisn

château-refuge (d'où est pris le cliché), la médina en bas sous l'actuel emplacement

d'Alpuente, ainsi que l'impressionnant terroir irrigué que montre la photographie. Sur l'image

on apprécie la pente douce entre les terrasses plus élevées et les points en contrebas. Le

165 (J. GARCÍA-BELLIDO 2000) 166 (M. PY 1993 : 140-150) 167 (A. RUÍZ, M. MOLINOS 1993)

Archéologie des paysages

-120-

tracé d'un canal, le plus long, avec un chemin de desserte rurale, est souligné en blanc [fig.

X, 2]. Son tracé sinueux est très probablement lié à la recherche de réduction de la vitesse

de l'eau qui y circule. La limite de la terrasse inférieure est, au niveau des points soulignés,

exactement parallèle à toutes les autres terrasses situées en contrebas. La subdivision des

parcelles à l'intérieur des terrasses est perpendiculaire à ces axes, et parfois, pour

maintenir la différence de hauteur dans la bande formée par les deux axes, il y a une

deuxième terrasse subdivisant la bande en deux moitiés égales.

De cette manière les paysans constructeurs de ce terroir ont réussi à réduire la

vitesse de l'eau provoquée par la pente, à lotir et à construire des parcelles de taille

équivalente et enfin à bâtir un espace agricole qui tient compte des conditions du terrain.

Riba Roja de Turia (Camp de Turia, Valence)

La ville de Riba Roja au sud ouest de l'image [fig. XI, 1], domine deux périmètres

irrigués de la plaine alluviale du Turia. Par la photo-interprétation, on peut identifier deux

manières différentes d'organiser l'espace agricole des deux terroirs irrigués. Pour le

système le plus proche de la ville, le concept de régularité organique s'applique aux

quelques canaux qui sont parallèles entre eux, malgré leur tracé sinueux. C'est le cas des

deux canaux les plus proches du canal principal. Les parcelles s’ajustent entre-elles de

manière perpendiculaire. À l'est et en aval du fleuve, un second terroir irrigué présente un

style parcellaire tout à fait différent. Un canal principal délimite les terres non irriguées

(secano) et, dans le secteur irrigué, on observe une grande quantité de bandes

perpendiculaires, avec une métrologie remarquable et des parcelles qui subdivisent les

bandes de manière perpendiculaire, ou quelquefois en oblique.

Il est aussi intéressant de remarquer que l'un des axes délimitant les bandes se

prolonge au-delà de l'espace irrigué ce qui pourrait indiquer la mise en irrigation d'un

espace qui, dans un premier temps, ne l'était pas. Ces deux faits (division organique et en

bandes des terroirs et probable irrigation d'un ancien espace non irrigué) pourraient

indiquer une chronologie relative, à confirmer par d'autres méthodes. L'espace le plus

proche de Riba Roja daterait de l'époque islamique, tandis que l'espace divisé en bandes

serait postérieur ou même subactuel.

Nakur (Al-Hoceima, Maroc)

La zone d'étude (périmètre 14 NE [fig. XI, 2]) montre deux nécessités : d'une part

le besoin de faire passer le tracé du canal principal en l'adaptant à un cône de déjection,

d'autre part le respect d'un autre petit cône de déjection, situé en contrebas du canal, créé

soit de manière artificielle, soit comme conséquence de la dynamique fluviale du torrent. On

observe l'adaptation de la forme du canal à celle du cône principal et on peut imaginer les

Archéologie des paysages

-121-

fréquentes occasions de réfection de son tracé. Dans les terres cultivables qui ont été ainsi

gagnées, on observe plusieurs canaux secondaires perpendiculaires et sinueux qui

subdivisent l'espace de manière régulière en s'adaptant constamment à la réalité du terrain.

Aghmat (Tahannawt, Marruecos)

Dans la plaine de l'Ourika, la ville médiévale d'Aghmat a organisé différents terroirs

irrigués. Sur l’image [fig. XI, 3] il faut remarquer la régularité métrologique, d’un module

d'environ 506 m, et le parallélisme des canaux secondaires soulignés, malgré leur sinuosité.

Il s'agit des canaux distributeurs d'eau qui procèdent de l'Ourika à travers les canaux

principaux. Ceux-ci traversent la plaine en diagonale pour respecter les contraintes du

terrain. Mais une fois l'objectif atteint, les canaux secondaires peuvent organiser l'espace

d'une manière régulière. Cette image illustre très bien le schéma théorique proposé par

Paul Pascon168 ainsi que son concept de géométrie de l'espace naturel. De la même façon,

il montre la distorsion entre le schéma théorique et la réalité du terrain.

Cultura d’algues à Bali (Indonésie)

Un cliché de Yann Arthus Bertrand sur Bali montre un parcellaire atypique dans la

mesure où il s'agit de parcelles sous-marines utilisées pour la culture industrielle d'algues.

Ici les chemins sont inutiles car la circulation et l'exploitation sont effectuées par les

pirogues qui circulent à quelques mètres au-dessus de la surface cultivée [fig. XII, 1].

Néanmoins, il est remarquable d'observer l'utilisation d'une métrologie qui entraîne une

certaine régularité, ainsi que des alignements qu'on reconnaîtrait, au sol, comme étant des

axes de circulation ou des voies. Malgré l'absence de chemins, ce système cohérent offre

une forme de régularité qu'on pourrait assimiler à la régularité organique. Il s'agit d'une

illustration parfaite et totale de planification faite à partir de l'espace privé. Il n'y a pas de

chemins publics pour se diriger dans l'espace privé, la circulation étant assurée à la surface

de l'eau. Par conséquent, la planification n'existe qu'au niveau de l'espace privé, c'est-à-

dire des parcelles de culture.

EN GUISE DE CONCLUSION

Avec la régularité organique, on dispose d'un concept utile qui permet d'avancer

sur la notion de planification, même en l'absence d'axes perpendiculaires. L'idée serait que

les sociétés paysannes s'adaptèrent aux contraintes du terrain et construisirent ces

paysages dès la protohistoire, en associant régularité organique et métrologie. Les

contraintes physiques de l'irrigation forcent cette réalité et aident à sa compréhension, bien

que ces caractéristiques ne lui soient pas exclusives. Mais le fait de faire circuler l'eau,

168 (P. PASCON 1983 : 8-9 ; 93)

Archéologie des paysages

-122-

ainsi que l'origine orientale des techniques de construction, conduit à un besoin

technologique qui se trouve au point de convergence de traditions et de savoirs techniques,

cristallisés par al-Andalus et transmis à l'Europe occidentale depuis l'Orient à travers

l'Espagne.

D'autre part, il existe une organisation socio-spatiale liée à l'eau, tenant compte de

la communauté villageoise, des lignages, des unités techniques de distribution ou acequias

et des exploitants consommateurs d'eau en dernier lieu. Cet agencement montre des

réalités spatiales communes, identifiables partout où la technique d’irrigation du monde

musulman a été diffusée.

Une autre possibilité aiderait à comprendre les faits observés, il s’agit du poids

spécifique du privé par rapport au public dans l'organisation de l'espace des sociétés

tribales, ainsi qu'une planification de l’espace privé antérieure à celle de l'espace public. À

l'inverse, les axes rectilignes révèlent l'importance du projet préalable des chemins et des

rues à caractère public, quoiqu'un projet préliminaire de lots privés ainsi que la pression

issue des intérêts particuliers sur l'espace public modifient profondément les alignements.

Les exemples proposés doivent être approfondis, afin de permettre de mieux

connaître l’interaction entre les aspects physiques, techniques, sociaux et culturels, dont on

a reconnu l’intervention dans ces processus. On ne connaît pas très bien la relation des

éléments qui configurent la régularité organique perçue dans les paysages. Il manque la

connaissance que pourrait apporter le terrain, ce qui relativise les exemples abordés,

connus de la simple observation morphologique à partir de documents aériens. Mais cette

observation devrait permettre de sélectionner les secteurs à analyser en détail sur le

terrain. Cependant, les exemples d'Aghmat, Nakur et Elche, où les faits émanants du terrain

participent de l'argumentation, sont particulièrement éclairants.

BONIFICATION : IRRIGATION, DRAINAGES ET DEFRICHAGES

Je remarquerais la bonification agraire que supposent l'irrigation et le drainage

dans des milieux méditerranéens, et qui se formule de manière spécialement rigoureuse

dans l'expression française la « maîtrise de l'eau ».

Pour certains chercheurs, il s'agit d'une des lignes de recherche les plus

fructueuses de ma production relative aux paysages. En réalité, il est certain qu'elle a

occupé une place prépondérante dans l'éventail de mes occupations et préoccupations

scientifiques, s'agissant de l'un des débats les plus riches et fructueux d'une problématique

de premier ordre historiographique dans mon pays ; problématique que les travaux de

Pierre Guichard et Miquel Barceló, au milieu des années 70 et aux débuts des années 80,

ont encouragé.

Archéologie des paysages

-123-

J'ai tôt découvert que la méthodologie et les hypothèses théoriques ou

méthodologiques applicables aux paysages français ou italiens, dont les exemples

provenaient de ma formation auprès de G. Chouquer, devaient être nuancés, s'adapter ou

même répondre, à la réalité que l'on observait des paysages méditerranéens espagnols.

La multiplication des missions aériennes qu’il étaient nécessaires de consulter

dans les exemples français apportait peu d'éléments, par exemple, puisque, ne s'agissant

pas d'une terre à céréale ni de sols profonds, les éléments révélateurs par croissance

différentielle de la végétation ou par microreliefs étaient absents ou leurs manifestations

insignifiantes. Le prépondérance quasi absolue de l'arboriculture et de l'oranger, rendait

inutile la multiplication des missions. D'autre part, j'ai contribué à souligner l'importance de

la diachronie, puisque les éléments du paysage, hypothétiquement médiéval, étaient d'une

telle ampleur que les éluder équivalait à passer sous silence un gros pourcentage de

l'histoire du paysage en question. Et l'importance de la compréhension du réseau de

fonctionnement de l'irrigation ou du drainage m'ont conduit, finalement, à devoir considérer

la globalité des tracés linéaires constitutifs des canaux d'irrigation ou de drainage sans faire

de filtrages manuels suivant leur orientation. Les premières tentatives envisagées sous

cette méthode, apte pour l'étude des centuriations, se traduisirent par une multiplicité des

grandes lignes sans rapport qui, toutefois, faisaient partie d'une même structure agraire

inséparable : les systèmes irrigués.

Vu les caractéristiques du faux débat historiographique, comme je l'ai déjà

démontré [titre 25], les arguments morphologiques que l'on fait traditionnellement valoir

pour mettre en relation la centuriation et l'irrigation étaient insoutenables, alors, comment a-

t-il pu être la morphologie agraire d'une ancienne irrigation, si toutefois celui-ci a existé ?

Existait-il une morphologie inéluctable conditionnée par les limitations du terrain au moment

de porter l'eau aux parcelles ou, au contraire, existait-il une empreinte culturelle dans les

différentes façons d'organiser les paysages de l'irrigation ?

D'autre part, la géographie méditerranéenne est riche en marais et en zones

humides côtières, caractéristiques du relief et du régime pluviométrique, dont nous avons la

certitude que certains ont été bonifiés en époque romaine (cf. supra les exemples d'Ilici ou

de Saguntum). Ils entrent en effet dans la morphologie agraire produite par une centuriation,

mais ont aussi fait l'objet d'assèchements en époques musulmane, médiévale ou moderne,

comme j'ai pu l'illustrer à travers les exemples d'Ibiza, autour de la madina de Yabisa et de

La Punta de Valence.

Je ne pouvais pas saisir les paysages méditerranéens de la Péninsule Ibérique

sans saisir l'importante intervention, quelle que soit l'époque de mise en valeur des terres,

parmi la création des structures d'irrigation, ce qui m'a mené à collaborer à des projets de

Archéologie des paysages

-124-

recherche qui avaient pour but principal les paysages médiévaux. Fruit de ma collaboration

avec l'équipe d'archéologie agraire, ou concrètement d'archéologie hydraulique, de

l'Université Autonome de Barcelone entre 1995-1997, dans le cadre du projet Las pautas

hidráulicas de los asentamientos rurales de al-Andalus169, dirigé et coordonné par M.

Barceló. Dont la collaboration nous avons rendu compte dans l'article présenté lors des

rencontres d'Antibes de 1996 [titre 30] et dans le volume monographique coordonné par M.

Barceló et publié en 1997 par le Consell Insulaire Ibiza et de Formentera [titre 33: 65-96]

dans lequel j'ai rédigé le chapitre V avec Helena Kirchner ; celui-ci conjuguait les données

dérivées de l'analyse morphologique effectuée par moi même, les résultats de l'étude

documentaire effectuée par H Kirchner et, finalement, les résultats des prospections

paysagères effectuées en commun, qui ont profondément marqué mon travail dans d'autres

projets. Il s'agissait de « comprendre » les lignes du paysage interprétées depuis la vision

zénithale d'une image aérienne et les intégrer dans les différentes unités environnementales

du paysage étudié. Un des objectifs explicités dans mon projet postdoctoral, établir la

nature et la fonction des transformations parcellaires [titre 45: 45], pouvait être atteint au

moyen des « prospections paysagères », en annotant la fonction de chacune des lignes

définies par photo-interprétation, en marquant les microreliefs, les nuances pédologiques, la

convergence des drainages des eaux d'écoulement, en établissant des hiérarchies de

fonctionnement des drainages ou des canaux d'irrigation, en vérifiant les types de culture

qui sont donnés dans l'une ou l'autre unité environnementale. Enfin, une compréhension du

paysage et du système agraire sous-jacent à la morphologie qui avait été précisément créée

pour exploiter d'une manière spécifique un espace déterminé.

Ces principes je les ai aussi appliqués dans le projet effectué entre 1995 et 1998 :

La naissance de la ville islamique: Nakur, Agmat, Tamdult, Casa de Velázquez / École des

Hautes Études Hispaniques (Madrid) et l'Institut National des Sciences de l'Archéologie et

du Patrimoine, INSAP, (Rabat), sous la direction de P. Cressier et L. Erbati.

Cette collaboration a donné lieu à la production d'articles et de monographies,

terminés ou en cours de réalisation, sur les territoires irrigués de fondations de villes

islamisées depuis longtemps dans l'actuel Maroc et dans la Péninsule Ibérique (séminaire

codirigé avec P Cressier dont ils sont les actes compilées [titre 49]) ; avance de résultats du

projet La naissance de la ville islamique: Nakur, Agmat, Tamdult dans le séminaire antérieur

[titre 50] ; ouvrage collectif [titre 51]; participation dans les premières Journées Nationales

169 DGICYT (Dirección General de Investigación Científica y Técnica del Ministerio de Educación y Ciencia PB93-0864)

Archéologie des paysages

-125-

d'Archéologie et Patrimoine de 1998 à Rabat [titre 52]; ou la récente contribution au

colloque de Sienne de décembre 2003 Ancient Landscapes of Maghreb [titre 53].

Les principales conclusions issues de cette collaboration sur la morphologie et la

fonction parcellaires de l'irrigation, sujet qui suscite particulièrement mon intérêt, se

trouvent dans les résultats préliminaires des rapports de recherche, intégrés au corps de

deux des chapitres du livre sur Las formas de los paisajes mediterráneos [titre 45 : chapitre

XII: Los perímetros irrigados de una ciudad emiral del Rif: Nakur (Al-Hoceima) ; chapitre

XIII: Morfología agraria y prospecciones hidráulicas del valle del Ourika-Aghmat (Provincia

de Tahannawt) ; chapitre VIII: Morfología agraria y regadío].

Voyons maintenant quelques unes des questions que je me suis posées et les

réponses respectives que j’ai tenté d’y apporter [titre 45: 264].

(…) nous dirigeons notre recherche vers deux objectifs fondamentaux : 1) connaître la morphologie agraire que l'irrigation médiévale, qu'elle soit musulmane ou chrétienne, entraîne ; et 2) établir la stratégie qui doit régir une analyse des possibles zones d'irrigations romaines et anciennes en général. Ce qui nous a conduit à interroger l'objet observé pour établir les paramètres selon lesquels allait se développer la recherche : 1) Existe-t-il des irrigations de l'antiquité comparables aux Huertas méditerranéens médiévales ? 2) Quel aspect aurait une ancienne irrigation dans le cadre d'une centuriation ou de tout autre forme de division parcellaire de l'antiquité romaine ? 3) Les solutions hydrauliques similaires, comme « réponse commune à un ensemble commun problèmes et restrictions »170, entraîneraient-elles une morphologie parcellaire du système irrigué commun à différentes formations sociales ? 4) Quelles cultures sont l'objet de l'ancienne irrigation ? 5) Devant l'attribution systématique de la recherche traditionnelle de toute oeuvre hydraulique aux Romains, pouvons-nous tomber dans l'argument contraire qui nierait le caractère ancien de tout vestige ayant pour fonction l'arrosage des champs ?

Pour cela je me suis appuyé sur des exemples d'irrigations romaines pour

lesquelles on s'est assuré de l'identité au moyen de fouilles des structures d'irrigation : Les

Bartras (Bollène, Vaucluse), captages tardifs à l'aqueduc de Nîmes, la Z.A.C. des Halles et

le Mas Carbonnel de Nîmes, les Horts de Lunel-Viel, Hérault, ou l'irrigation de Sulmona,

l'ancienne Sulmo en Italie sur laquelle je reviendrai plus tard.

À ces exemples j'ai opposé celui d'un paysage interprété en 1978 par A. Bazzana171

comme une centuriation à cause de la régularité observée dans le paysage ; quand en

réalité elle doit être interprété comme un parcellaire de fondation de la fin du XIIIè siècle,

sous Jacques Ier, à l'occasion de la fondation de la ville de Villarreal (Castellón) et de la

colonisation agraire liée à la nouvelle ville. La structure urbaine de la ville s'identifie avec

les célèbres bastides du sud-ouest français, où domine l'orthogonalité des îlots, articulés

autour des places publiques où se trouvent habituellement des bâtiments civiques ou

170 (B. D. SHAW 1984 : 129) 171 (A. BAZZANA 1978)

Archéologie des paysages

-126-

religieux. L'irrigation de l'espace agricole environnant est aussi créée par Jacques Ier et elle

est organisée par un parcellaire qui rappelle celui des fondations du bas Moyen Âge, avec

des blocs de culture rectangulaires et en forme de losange comme dans le cas des îlots

urbains de Villareal. La seule différence avec les systèmes de champs du sud-ouest

français est la fonction des lignes structurantes qui à Valence sont arrosée par une

structure de canaux qui reproduit les tracés des chemins et les limites de champs.

Ainsi, dans les schémas d'interprétation de la huerta de Villarreal [fig. XII, 2] on

apprécie avec une grande clarté que le réseau de canaux et les limites intermédiaires de la

structure parcellaire ne font qu'un, dont l'orientation de ces limites intermédiaires va dans le

sens de la pente du terrain. Cette morphologie agraire doit être apparenté aux parcellaires

de fondation du bas Moyen Âge comme toute fondation de Jacques Ier.

L'avantage qu'offre cet exemple est que, comme dans le cas des champs romains,

la structure agraire est un système de carrefours de chemins, dans ce cas avec tendance à

l'orthogonalité, qui délimite des blocs de culture. Si à Villarreal, une structure de champs

semblable à celles de l'antiquité peut servir de charpente à un système irrigué, nous

obtiendrions une réponse négative au supposé déterminisme géographique qui n'admet

qu'une seule forme des champs irrigués. En dépit des conditions physiques de l'irrigation

imposées par le déterminisme de la force de gravité, les arpenteurs du bas Moyen Âge ont

pu imprimer dans la construction des structures agraires leur empreinte culturelle, c'est-à-

dire, un parcellaire de fondation.

Par conséquent, ce fait peut être étendu à l'époque romaine ou à tout autre

moment historique : la morphologie agraire de chaque formation sociale peut se manifester

en dépit des contraintes physiques et des techniques d'irrigation. Il n'y aurait donc pas une

morphologie parcellaire de l'irrigation « (a)historique ».

Plus tard j'ai pu le vérifier au cours de recherches menées à terme dans le cadre

du projet marocain La naissance de la ville islamique…, concrètement par l'exemple de la

ville caravanière de Tamdult [titre 39] aux portes du désert du Sahara, où la création ex

nihilo dans la plaine au pied de la petite colline où se trouve cette ville, créée au Xè siècle,

est accompagnée de la construction d'un système d'irrigation dont la morphologie, à simple

vue, pourrait paraître celle d'une strigatio. Le parcellaire est construit avec une grande

régularité quant à l’orientation (NG-45ºE) de ses limites intermédiaires, en coïncidant avec

l'orientation générale de l'inclinaison de la plaine et on observe le respect d'un module

agraire que nous ne connaissons pas [fig. XIII, 1]. La forme agraire ressemble à celle d'une

division précoce d'anciens champs romains -sans que la comparaison aille au-delà de ce

qui est strictement morphologique : une strigatio, parce qu'il s'agit fondamentalement de

blocs de culture élargis dans le sens de la plus grande dimension du territoire (NE-SO) et

Archéologie des paysages

-127-

divisées par les chemins principaux, à l'intérieur duquel, les unités les plus petites,

planches dans notre cas, se trouvent de manière transversale, comme par exemple la

strigatio de Suessa II172.

Les observations sur le terrain ont permis d'apprécier que les unités intermédiaires

qui articulent l'espace agricole sont les canaux principaux et que les canaux secondaires

émergent de ceux-là, de manière plus ou moins transversale, vers la partie la plus basse du

microrelief formé dans la plaine ; c'est-à-dire, vers le sud-est. Aspect que nous avons aussi

pu vérifier lors de l'étude détaillée des champs, des canaux, des drains et des partiteurs.

Sur l'image on observe l'arrivée de quatre canaux à la plaine de Tamdult [fig. XIII, 2] et

l'habitat dispersé (chiffres en rouge [fig. XIII, 1]) près des exploitations agraires, formées

par de larges bandes parallèles subdivisées de manière transversale par les parcelles de

culture. Sur le terrain on appréciait les grands canaux et les planches de culture où nous

avons pu effectuer des fouilles pour vérifier la structure interne et la non-existence d'une

autre éventuelle phase de champs de culture antérieure à celle identifiée aujourd'hui dans

les champs abandonnés et un partiteur des eaux de l’ancien système hydraulique [fig. XIII,

3].

La régularité n'est donc pas étrangère aux sociétés islamiques qui pratiquent

l'irrigation, ni exclusive d'une culture déterminée comme j'ai pu le démontrer à de

nombreuses occasions ; mais dans ce cas, l'absence de relief rend propice la régularité.

Pour le moment on peut dire que dans une plaine comme celle qui se trouve au pied de la

ville de Tamdult, où les différences de niveau sont presque inexistantes, la régularité du

parcellaire est totale.

On pourrait déduire de ces exemples qu'au sein d'un parcellaire de fondation et

dans le contexte d'une plaine sans les restrictions provoquées par le relief, il est possible

de créer un système d'irrigation inscrit dans la même morphologie qu'une centuriation, pour

prendre l'exemple de l'antiquité. Toutefois cette réalité n'a pas encore été vérifiée dans le

contexte d'une grande surface d'irrigation qui aurait fait l'objet d'une structuration de type

centuriée sur le territoire.

En relation avec les marais côtiers, typiques des milieux méditerranéens, cinq

zones ont fait l'objet de mon attention et ont contribué à faire connaître cette problématique.

Le cas de Sagunto et de celui de la plaine littorale de Sant-Jordi (Ibiza), ont été déjà

commentées comme exemples de l'antiquité (voir plus haut et titre 45 : chapitre VII : 245).

L'extension de cette préoccupation à la zone comprise entre Sagunto et Valence se reflète

172 (G. CHOUQUER et al. 1987 : 171, fig. 51)

Archéologie des paysages

-128-

dans un des chapitres consacrés à la commune d'El Puig, résultat de ma collaboration avec

une entreprise pour la confection d'un Document d'Évaluation du Patrimoine Municipal de

son territoire municipale [titre 45: chapitre X: 307-326] ; dans cette zone côtière, on

distingue les lignes de drainage qui depuis le XIIIè siècle, mais surtout depuis le XVIIIè

siècle, ont asséché spécialement la zone. Un des exemples est celui du Camí de Cebolleta

« dont le fossé, à la hauteur de la Font Blanca, est situé à un niveau plus bas que les

champs adjacents et est revêtu (quand l'ancien revêtement a été préservé) par des pierres

qui facilitent le drainage de l'excédent d'eau » [titre 45: 315], comme on peut l'observer sur

la figure [fig. XIV, 1].

Une autre zone est constituée par La Punta, au sud-est de la ville de Valence, à

l'endroit de l'ancienne embouchure du Turia, où j'ai pu formaliser et définir la morphologie

agraire d'un drainage de 1386 et dont nous connaissons le coût et le temps qu'il supposa au

le conseil de la ville de Valence et au diocèse de Valence [titre 40 352-363 (catalan) = titre

46: chapitre XVI: 411-424 (castillan)].

Mais l'étude la plus intense, comme je l'ai dit précédemment, a été le fruit de ma

collaboration avec M. Barceló, dont nous présentons un résumé en français [titre 30: 228-

351], avant son édition catalane complète [titre 33: 65-96] et duquel j'ai reproduit les

aspects exclusivement morphologiques dans mon livre Las formas…, cette fois en castillan

[titre 45: chapitre XIV: 373-398].

J'ai déjà expliqué que, de cette collaboration et des méthodes d'archéologie

hydraulique conçues par M Barceló, provient mon intérêt pour la vérification empirique de la

fonction et la structure des formes du paysage identifiées par vues aériennes ou

planimétriques. De même manière, je m'intègre dans la dynamique des riches discussions

sur l'irrigation et sur l'« option sociale » que celle-ci figure comme nouvel ordre agraire

apporté en Hispania par les arabes173. Mais l'exemple d'Ibiza est, peut-être, une des

exceptions à l'idée générale qui interprète les interventions sur le milieu pour assécher des

sols humides, comme une action de pouvoirs forts174. Je m'explique : L'assainissement du

Prat de Vila d'Ibiza, a été interprété comme la construction de l'espace agricole au début du

Xè siècle, entre des paysans de la médina Yabisa et des paysans des alquerías,

établissements dispersés autour de la ville, c'est-à-dire, sans l'autorité politique de la

médina elle-même. La taille de l'intervention pour transformer le marais en champs de

173 (M. BARCELO 1989 : XV ; 1997: 15) 174 (PH. LEVEAU 1993 b ;1995 ; 1997 ; 2000 ; 2001 ; 2003)

Archéologie des paysages

-129-

culture et en prairies d'élevage extensif était démesurée par rapport à la dimension de la

ville et pour M. Barceló il n'y avait d'acceptable175 que :

(...) la considération de la convergence de travail, autant pour la construction comme pour le maintien et la gestion des alquerías adjacentes, y compris, naturellement, la médina.

Même en acceptant cette situation, j'insiste sur la divergence d'opinion que j'ai

maintenue avec M. Barceló et H. Kirchner par courrier électronique : il s'agit d'une exception

par rapport à tous les exemples connus de drainages de sols humides, parce qu'il s'agit

d'assécher un espace qui fournit des produits typiques des milieux humides, infiniment plus

divers et plus propres d'une agriculture de subsistance que ceux dérivés d'une

transformation agraire, comme je l'ai dit au sujet de La Punta en Valence [titre 45: 414-415].

Par conséquent, les assèchements peuvent être liés à la transformation d'une économie paysanne de subsistance en une agriculture d'échange de produits commercialisables, contexte plus favorable à la présence de pouvoirs forts, capables d'exercer un contrôle sur les individus et les collectivités. Dans le même sens, la grande différence entre les écosystèmes naturels mis à profit par les paysans et leur transformation est la capacité d'auto-maintenance, d'auto-réparation et d'auto-reproduction des premiers ; tandis que les écosystèmes transformés « sont intrinsèquement instables et requièrent nécessairement de l'énergie externe pour l'auto-maintenance ».

Quoiqu'il en soit, en admettant la non-existence d'un pouvoir fort, dans le sens d'un

pouvoir des citoyens par délégation de l'état, à l'initiative d'une telle transformation, sa

réalisation ne peut être comprise que par le rassemblement de la ville, si petite soit-elle, et

des cinq alquerías, si petites soient-elles. D'autre part, il s'avère significatif que la

transformation agraire ait pour but la production de raisins dont nous savons par les textes

d'al-Zuhri176 qu'ils étaient exportés, au moins au XIIè siècle. Je crois, donc, qu'il s'agit d'un

saut qualitatif entre les petits espaces irrigués de montagne analysés traditionnellement par

l'équipe de M. Barceló et l'exemple de terres asséchées aux alentours de la médina de

Yabisa.

Pour finir, j'ai également pu ébaucher une autre construction paysagère d'époque

moderne dans les îles d'Ibiza et de Formentera, ainsi qu'à Valence. Il s'agit de défrichages

modernes, bien datés par la documentation, normalement au détriment de forêts et de

garrigues, qui ont comme caractéristique formelle d'être des parcellaires radiaux alignés par

les élévations du terrain [titre 25: 288, fig. 5; titre 45: 405, figs. 89 et 91].

SOLUTIONS TECHNIQUES A LA CONFLUENCE DE TRADITIONS

175 (M. BARCELÓ 1997 : 23) 176 (AL-ZUHR* 1968)

Archéologie des paysages

-130-

Quels sont les instruments utilisés dans la construction des systèmes d'irrigation ?

Nous pouvons penser qu'il peut y avoir une certaine relation entre la morphologie agraire

des instruments utilisés pour la construction des champs.

Il est clair que les traditions technologiques ainsi que les traités de géométrie ne

sont pas une obligation et ne sont pas nécessairement mis en pratique par les arpenteurs.

Mais leur connaissance aide à comprendre le contexte culturel dans lequel sont mises en

ouvre certaines pratiques et certaines autres non. La particularité hispanique est de

provoquer une synthèse des connaissances, puisqu'il y a eu coexistence des cultures

occidentale et classique et une formation sociale orientale permanente depuis 711 jusqu'à

1492 ou même 1609, lors de l'expulsion définitive des mauresques. Cette synthèse se

donne à voir là où les formations sociales se côtoient, dans la Marche Hispanique, en

Catalogne, au monastère de Ripoll entre la France chrétienne méridionale et occidentale, et

la frontière musulmane nord-orientale d'al-Andalus.

Or c'est dans cette région que se matérialisent deux traditions d'arpentage, fruits de

cette particularité Hispanique. Il est donc utile de s'arrêter un instant sur les copies des

manuscrits gromatiques du monastère de Ripoll. La tradition des Gromatici Veteres est

transmise dans le manuscrit ACA Ripoll 106 Geometria Gisemundi de la fin du IXè siècle,

dont la présence en ce lieu pourrait s'expliquer par l'importance des limitations et des

cadastres des possessions foncières de cet important monastère catalan177. Le manuscrit

aurait pour but la formation culturelle et déontologique des futurs arpenteurs, mais à la

grande différence d'autres recueils comparables, on n'y trouve pas de géométrie mais des

développements de théorie et des pratiques gromatiques, portant sur les « limitations » ou

réseaux d'axes structurant les parcellaires romains. L'absence de problèmes de géométrie

pratique étonne, alors que ces questions sont fréquentes dans le manuscrit ACA Ripoll 225,

copié à la fin du Xè siècle. D'après Lucio Toneatto178, le compilateur s'intéressait plus à la

morphologie des limitations (limites) qu'aux problèmes des dimensions des champs. Parlant

de la formation du futur arpenteur, il écrit :

(…) avec l'intérêt pratique sous-jacent pour sa propre identification et sa propre détermination [du futur arpenteur, ndt]. Alors, peut-être, cet opuscule était-il seulement destiné à couvrir les besoins d'un secteur de l'enseignement, à côté d'autres manuels spécialisés. Ainsi s'expliquerait très bien sa présence dans une bibliothèque comme celle de l'abbaye, son insertion dans un recueil mixte comme le ms Ripoll 106, et même sa composition pour une bibliothèque organisée. Sur ce dernier point, nous devons toutefois conserver une certaine prudence179.

177 (L. TONEATTO 1982 ; 1992) 178 (L. TONEATTO 1982 : 286-288) 179 (L. TONEATTO 1982 : 288 ; trad. G. Chouquer)

Archéologie des paysages

-131-

La prudence est de mise. Mais il faut toutefois mettre en rapport l'absence

des problèmes de géométrie pratique dans le manuscrit 106 avec la

composition diverse du manuscrit 225. Ce dernier comprend180 : De mensura astrolabii, De

utilitatibus astrolabii, Geometría incerti autoris, De mensura astrolapsus, Astrolabii

sententiae, De nominibus laborum laboratorum in ipsa tabula, Capitula horologii regis

Ptolomeo, Regulae de quarta parte astrolabii, Excerpta de De Temporum ratione, De

astrolabii compositione, Description d’un appareil d’horlogerie, Description d’un gnomon

(horloge solaire), De divisione igitur climatum qua fit per almucantarath.

Ce n'est pas un hasard si c'est au moment où apparaît l'astrolabe que l'on constate

la présence, dans cette même bibliothèque, de ce manuscrit didactique utilisé dans la

culture orientale d'arpentage. Ce manuscrit 225 recouvre la tradition orientale de l'emploi

pratique et de la construction de l'astrolabe, ainsi que le recueil de la Geometria incerti

autoris (GIA) qui s'insère dans la tradition antique de l'arpentage, et dont l'auteur

« emprunte des extraits aux textes gromatiques antiques et les intègre dans des ensembles

obéissant à une nouvelle logique du savoir »181.

D’après Glick182, suivant L. Bolens et M. Viladrich et R. Martí, avec l'usage de

l'astrolabe, les astronomes d'al-Andalus introduisirent aussi, venue d'Orient, la pratique de

la triangulation. C'est le cas de Maslama de Madrid (mort en 1008) et d'ibn al-Saffâr (mort

en 1034) dont les travaux auraient suscité l'intérêt pour l'instrument183. Ibn al-Saffâr expliqua

comment devait être utilisé l'astrolabe pour réaliser le tracé d'un qanat et pour évaluer son

niveau. Dans le traité d'Alphonse X le Sage, ou Libro del Astrolabio llano, qui reprend la

tradition arabe, l'astrolabe est présenté comme un instrument général d'arpentage, par

exemple, « para saber la anchez de un río por el astrolabio » [« pour connaître la largeur

d'un fleuve par le biais de l'astrolabe »]. Il est également intéressant de souligner un

deuxième courant d'introduction de techniques d'arpentage et de topographie à partir du

sexagenarium au XVè siècle, depuis le Caire et commandé par l'alfaquí (savant en sciences

juridico-religieuses) de Paterna, à Valence, en 1456184.

Dans l'Espagne médiévale, les arpenteurs, muhandis et sojuzgadores faisaient des

opérations d'arpentage à grande échelle. Et depuis environ 1290, après la diffusion de la

règle de l'astrolabe de Profeit ibn Tibbon avec fonctions trigonométriques, la triangulation

180 (J. M. MILLAS 1931 ; G. PUIGVERT 1995) 181 (G. CHOUQUER, F. FAVORY 2001 : 272-273) 182 (T. F. GLICK 1992 : 38-40; L. BOLENS 1972 ; M. VILADRICH, R. MARTÍ 1983) 183 (J. SAMSO 2001 : 237, suivant P. KUNITZSH)

Archéologie des paysages

-132-

est devenue la procédure la plus habituelle, mais elle était déjà courante à Murcie bien

avant l'arrivé des chrétiens en 1272185.

Il est aussi important de rappeler l'intérêt de Gerbert d'Aurillac (le futur pape

Silvestre II) pour les textes gromatiques. Or il résida près de Ripoll entre 967-970, de sorte

qu’il eut la possibilité de consulter les manuscrits qui nous occupent. De même il suivit des

études à Cordoue, ce qui nous laisse penser qu'il y apprit l'utilisation de l'astrolabe pour la

mesure des parcelles. Plus tard, mais également intéressé par ces questions, l'abbé Oliva

(1002-1046) fut et demeure le grand compilateur des savoirs pratiques du monastère. Il a

probablement participé à la rédaction d'un traité perdu, nommé De ponderibus et

mensuris186.

Face à toutes ces questions on ne peut s'empêcher de penser que la haute

capacité technique affichée par les conquérants catalans des terres du pays valencien ou

Castille (à Murcie), trois siècles et demi plus tard - à l'heure de mesurer, diviser et assigner

les terres conquises, et qui est révélé dans les chartes de peuplement par l'emploi d'un

vocabulaire technique correspondant -, constitue une résurgence du vocabulaire des

arpenteurs de l'antiquité, et, au sol, des formes agraires, sous forme de parcellaires très

présents dans la géographie valencienne [titre 45: 67-68, figs. 3-5].

Le rencontre des deux traditions, romaine antique et orientale, se réalise pleinement

dans la conquête et la répartition du territoire de Murcie. Cette ville, fondée en 825 sur

décision étatique, disposait d’un inventaire de biens fonciers, ou azimen, fondé sur la valeur

agrologique des terres, traduite par une mesure, l’alffaba. La finalité de cette mesure était

fiscale, pour fixer le montant de la contribution due par les propriétaires des terres et des

maisons au souverain et qui était de taux variable, d’après la valeur des choses187. La

valeur de l’alffaba était calculée sur la base d’un ratio entre la qualité agronomique des

terres et la surface exprimée en tahullas : elle allait de 1 alffaba pour 10 tahullas pour ce

qui est de la valeur minimale de la propriété, jusqu’à 1,9 alffaba pour 1,5 tahulla, comme

valeur maximale.

Les critères pris en compte dans ce calcul étaient fondés sur divers facteurs tels que

l’irrigation, l’abondance des arbres, la proximité des acequias ou de la ville, l’existence de

maisons, de marais, de terres sableuses ou argileuses; ce classement était le suivant : a-b)

184 (M. AGUIAR, J. A. GONZÁLEZ 2001) 185 (J. TORRES FONTES 1959 : 6) 186 (J. M. Millàs 1931 : 249 ; voir en dernier lieu J. SAMSO 2001) 187 (J. TORRES FONTES 1959 : 14)

Archéologie des paysages

-133-

irrigué (deux catégories), c) irrigué occasionnellement, d) montagne, e) non irrigué mais

proche des zones irriguées, f) non irrigué188. Classement très semblable à celui

qu’effectuaient les arpenteurs byzantins189, ce qui met en évidence une influence orientale

commune pour les arpenteurs byzantins et ceux d'al-Andalus. Influence qui se manifeste

également à travers l’autorité exercée par le traité d'agriculture nabatéen depuis le IIIè ou

IVè siècle apr. J.-C. en Orient et en al-Andalus 190.

Enfin, dans le Repartimiento de Murcie on trouve aussi un des premiers croquis

(daté en 1272–1273) dessinant des parcelles, ayant servi de preuve dans un conflit sur la

propriété de la terre [titre 45: 332-333, fig. 75].

Toutes ces convergences font de la Péninsule Ibérique un carrefour, un bouillon

d’idées et de pratiques dont la conséquence à long terme sera la professionnalisation

précoce des arpenteurs en pays Valencien, par exemple au XVIIIè siècle191, ou encore

l’utilisation de l’instrument du cercle pour l’arpentage dans les manuels d’apprentissage

utilisés à l’université d’Orihuela192 [fig. XIV, 2]. Néanmoins on connaît, neuf ans avant ce

texte, un autre texte, italien celui-ci, qui évoque l’utilisation du squadro agrimensorio,

héritier le plus direct de la groma et par conséquent témoignant de techniques d’arpentage

plus archaïques193 [fig. XIV, 3]. Cet ensemble a pour fondements l’existence, depuis le

Moyen Âge, de l’office de livellador, ainsi que l’utilisation d’instruments comme le quadrant

(mentionné dans le manuscrit Ripoll 225), ou la ballestilla, appelée également « balhistinha

do mouro », ou « bacul de Jacob »194.

L’APPORTATION DES TEXTES ET LA VARIÉTÉ DES FORMES AGRAIRES DE VALENCE

RESURGENCE DU VOCABULAIRE TECHNIQUE D’ARPENTAGE ET ACCUEIL DU DROIT ROMAIN

Dans deux articles rédigés en 1995 [titre 25: 285; titre 26: 326-327], j'ai exposé la

singularité de la terminologie utilisée par les arpenteurs (partidores) de Valence du XIIIè

siècle, qui témoignait de la résurgence d'un vocabulaire rare dans les chartes de

peuplement précédentes et dont les racines remontent à la tradition classique du corpus

des arpenteurs romains (liste non exhaustive des termes dans le titre 45 : 83). J'affirmait

188 (J. TORRES FONTES 1959 : 18-19) 189 (L. LEFORT et al. 1991) 190 (T. FAHD 1996 : 41-52 ; 1998 : 309-320) 191 (A. FAUS 1995 : 48) 192 (J. ESPLUGUES 1766) 193 (L. PERINI 1757 ; cité par C. PANERAI 1984 : 116–117) 194 (L. DE ALBUQUERQUE 1988 : 10-29 ; A. FAUS 1995 : 42)

Archéologie des paysages

-134-

qu'au cours du XIè siècle apparurent les premiers témoignages de termes techniques liés à

l'arpentage, qui par la suite commencèrent à affleurer au XIIè siècle, mais c'est surtout au

XIIIè siècle, et concrètement au cours de la conquête du Royaume de Valence par le roi

Jacques Ier, qu'ils surgissent et occupent de nombreuses chartes de peuplement. J'ai

essayé d'expliquer cette situation par deux faits qui se cristallisent dans le processus de

conquête de Valence : la gestion de vastes espaces conquis avec un petit nombre

d'habitants et la réintroduction du droit romain lié à la construction naissante et timide de

l'état à la fin du Moyen Âge.

Une liste exhaustive des termes trouvés dans le Pays Valencien et en Catalogne,

et l'analyse sémantique du vocabulaire à l'aide de la récente révision de G. Chouquer et F.

Favory, concrétisée dans un dictionnaire de plus de 1 300 entrées de termes et

d'expressions gromatiques de l’Antiquité195, révèlent des aspects de grand intérêt.

Dans un premier temps, bien que la fréquence soit haute, les expressions ne sont

pas présentes dans toutes les chartes de peuplement, ou ce qui est la même chose, toute la

tâche de repeuplement transcrite par les chartes de peuplement ne produit pas une

terminologie propre de l'arpentage de l'Antiquité, ce qui est déjà un fait significatif en lui-

même. Deuxièmement, on observe une évolution notable entre la présence de termes

descriptifs des chartes de peuplement les plus anciennes, depuis le Xè siècle, et la

présence dans celles plus tardives de phrases ou associations de concepts indiquant que

les arpenteurs essayèrent de transcrire un concept issu de l'antiquité.

Enfin, d'un côté nous trouvons des termes isolés et d'un autre des phrases dont le

contenu, dense, nous renvoie sans doute possible à l'antiquité. Comme nous le verrons,

principale association dont celles-ci rendent compte est l'expression datus et assignatus.

D'autres termes ont souffert des glissements formels dus à l'utilisation de synonymes ou à

l'évolution propre des mots, ce qui entraîne la création de vocables nouveaux fortement

utilisés. Il est aussi fréquent de trouver des expressions inconnues regroupant des termes

latins d'époque romaine mais qui acquièrent une signification, peut-être nouvelle, au Moyen

Age. Finalement, nous trouvons aussi des termes différents du à l'évolution sémantique. Le

cas le plus évident est celui de fita au lieu de terminus ou terminus fictus, fixé, cloué.

Dans l'ensemble nous pouvons classer les mots et les expressions au sein de trois

grands groupes.

Le premier correspond à des termes décrivant le territoire : il rassemble des

expressions de l'antiquité ou des emprunts (et leur respective évolution) d'anciens termes,

195 (G. CHOUQUER, F. FAVORY 2001 : 406-469)

Archéologie des paysages

-135-

mais on ne peut pas non plus en déduire une renaissance des termes techniques des

arpenteurs, mais plutôt une simple utilisation de contenus dont l'expression en latin ne

réside que dans le terme propre de cette langue. Ils sont plus fréquents dans les

expressions des chartes de peuplement plus anciennes.

! Acervis lapidum: Amas de pierres. Il s'agit du glissement curieux d'un terme

attribué à Boèce (Demonstratio artis geometricae, 401, 3 La) où il cite congerium

petrarum ; ou bien il s'agit peut-être d'une expression synonyme du scribe

médiéval.

! Cultis et heremis / Cultis et incultis: Division entre l’ager cultus et l’ager incultus,

mais exprimée parfois par le terme heremo ou eremo qui donnera en castillan

yermo (désert). Il est parfois précisé ce que recouvre le terme incultus: garicis.

Silvis, pasquis, liquis, lapidis...; pratis et pascuis; montaneis, planis, nemoribus,

pasquis, lignis, aquis...; prata et pasqua; seu adhuc heremo derelictis cum

pascuis. Parfois il est utilisé pour exprimer les parties d'un tout : terra erema,

partem culta partem inculta. Cultum atque heremum, rochas et petras, silvas et

garricas atque boschos, prata simul ac pascua vel molinares...

! Fitas: (sin. Terminus, borne). Du lat. fictus, clouer, fixer.

! Metitur: Du lat. metatio. Opération d’arpentage.

! Mojones et fitas: Bornes et jalons.

! Mollonem: Du lat. hispanique mutulus, diminutif de mutus, muet. Dans l’Antiquité,

existe l’expression lapis mutus, muta lapis ou mutus terminus. Cela désigne les

bornes sans inscription.

! Partida: A Valence, ce terme désigne un lieu par extension de la partition.

! Pascua / Pascua / Patua: Pâturages. Cf. Patua.

! Petra natural: Répond à l'expression des arpenteurs naturales lapis ou petra,

point de repère fait de pierre naturelle.

! Petras mobiles vel inmobiles: Distinction étrange, bien qu’il nous semble évident

que les petras immeubles se réfèrent aux points de repère fixes.

! Possessiones: Propriétés.

! Signes: Fréquentement associées à des carrefours, ce terme fait référence aux

symboles ou aux signes qui couvrent les points de repère. Dans le vocabulaire

des anciens arpenteurs nous trouvons les signa terminorum qui désignent divers

éléments de référence dans le paysage.

Archéologie des paysages

-136-

! Terminati: Délimitation au moyen de bornes.

Dans le deuxième groupe, nous trouvons des termes qui font appel à des concepts

issus de l'Antiquité, bien que ces termes soient le fruit de l'évolution de différents

synonymes de l'Antiquité ou de l'invention de nouveaux termes (néologismes) faisant

référence à des réalités anciennes. L’emploi des termes de ce groupe renvoie à une

utilisation de mots antiques mais pas nécessairement au concept.

! Albarani: Cédule, titre, documents des partiteurs ; assises des divisions et

assignations ; documents accréditatifs des propriétés. Cf. Instrumenta.

! Civitas: Utilisé exclusivement dans la charte de peuplement de Tarragone,

soulignant particulièrement la différence entre civitas et territorio.

! Dividere: Action de diviser les domaines.

! Divisor: (sin. Arpenteur). Celui qui divise les propriétés qui seront assignées.

! Instrumenta (sin. Albarani): Du latin: Instrumentum mensorum, documents

émanant de la division et de l'assignation. Assises des divisions et des

assignations.

! Partes et sortes: Désigne les parties qui divisent le territoire et qui sont

assignées à de nouveaux propriétaires, bien que l’on ne puisse pas affirmer qu’il

y ait tirage au sort.

! Partidores: Arpenteur, celui qui divise le territoire en lots.

! Partitorem hereditatibum Regni Valentie: Charge déléguée par le roi pour diriger

les travaux de division et d’assignation. Elle correspondrait au vir egregius,

iudices et advocati, de la classification des arpenteurs de l'antiquité effectuée

par M.-J. Castillo Pascual196.

! Procuratori hereditatibum Regni Valentie: Cf. Partitorem hereditatibum Valentie.

! Quiñoneros (sin. Arpenteur): Celui qui divise le territoire en lots. De quiñón (lat.

quinio, -onis : réunion de cinq, chance de cinq dans le jeu des dés). Lot que

quelqu'un possède en association avec d'autres dans un but productif, surtout

dans le cas d’une terre distribuée pour être ensemencé. Lot de terre cultivable,

de dimension variable selon la zone.

196 (M. J. CASTILLO PASCUAL 1993 : 147 ; 1996)

Archéologie des paysages

-137-

! Sogueador: (Sin. Arpenteur). Celui qui mesure avec la corde ou l’arpent (soga),

instrument de mesure.

! Sors: Terme désignant les parties assignées lors de la distribution ; cependant,

la teneur des textes ne permet pas d’affirmer qu'il y ait eu effectivement recours

au tirage au sort (ou sortitio) comme à l’époque classique.

! Terminare: Borner, diviser les domaines et fixer les limites au moyen de points

de repère ou de bornes.

! Territorio: Utilisé exclusivement dans la charte de peuplement de Tarragone,

soulignant particulièrement la différence entre civitas et territorio197

Finalement, le troisième groupe rassemble les expressions dont l'emploi ne peut

obéir qu'à une volonté expresse de reproduire des concepts et des contenus propres de

l'antiquité. Les termes de groupe renvoient nécessairement à l'action des arpenteurs et

partiteurs.

! Assignare: Donner quelque chose à quelqu'un, attribuer.

! Assignate, date et sogoxate: Domaines assignés, donnés et mesurés.

! Assignatum et terminatum / terminamus et asssignamus: Domaines assignés et

mesurés ou mesurés et assignés.

! Dare, assignare et dividere: Donner, assigner et diviser.

! Datas, divissas et assignatas: Données, divisions et assignations.

! Dedimus et assignavimus populatoribus: Nous avons donné et assignons aux

habitants.

! Dividatur inter dictos populatores: Soient divisées entre ces habitants.

! Donationes et assignationes: Donations et assignations.

! Fitata et determinata: Bornée et déterminée.

! Inventos d’aygües: synonyme d'arpenteur ; apparaît dans la charte de

peuplement d'Ifac (Alicante, 1418) : la seule autre mention qui fait référence ce

terme - inventeur – en l’associant aux techniques d'arpentage se trouve sur le

plan cadastral C d'Orange. Désigne un magistrat municipal Quintus Curtius

197 (P. LEVEAU 2002 : 12)

Archéologie des paysages

-138-

Rufus, appelé inventeur - inventeur, auteur, fondateur - d'une zone située au sud

des Furianae insulae, le long du Rhône.

! Mollonatum: Borné, bornage. Du lat. hispanique mutulus, diminutif de mutus,

muet. À l'Antiquité il existe l'expression mute lapis ou mutus terminus.

! Partitas sortes terminatas et afixuratas: Portions, lots, divisées et bornées.

! Soguejades, soguiyatas: Arpentées, domaines mesurés avec l’arpent, instrument

de l’arpenteur.

! Terminatas, divissas et soguiatas: Bornées, divisés et arpentées.

Cette liste nous offre des ensembles, des associations qui prennent tout leur sens

dans l'Antiquité comme c'est le cas pour l'ager datus et adsignatus et l'ager divisus et

adsignatus bien que le terme ager n'apparaisse jamais, peut-être du au fait que l'objet

d'assignation n'est pas un territoire étendu, un ager, mais des domaines spécifiques. On

lamente aussi l'absence du concept ager limitatus, indispensable dans l'Antiquité pour

accomplir l'étape suivante qui est de donner et d'assigner le territoire. Ceci est peut-être du

au fait que les scribes et des arpenteurs médiévaux trouvèrent une expression synonyme.

Si l'ager limitatus est le territoire qui reçoit le tracé au sol des chemins permettant d'accéder

aux domaines et de faciliter la mesure du sol198, il paraît alors probable que les termes

fréquemment associés à datus et assignatus : hereditates terminatas, determinatas o

soguiyatas, expriment la réalité antique de l'ager limitatus ou l'ager divisus. C'est-à-dire, la

division en portions du territoire ou la « limitation », limitatio en latin, la réification au sol des

limites qui divisent les domaines et qui donnent accès aux propriétés et permettent de les

mesurer ou de les cultiver est remplacée par les partiteurs médiévaux par les concepts de

bornage (amojonamiento) (terminatas ou determinatas) ou mesures par l'arpent ou la corde

(soguiyatas). Cela donne l'impression que le vocabulaire s'adapte à une réalité plus petite

du territoire parce que si nous remplaçons l'instrument de mesure propre des arpenteurs

médiévaux, l'arpent, la corde, par ce qu'utilisaient les anciens, la pertica, nous verrions une

grande similitude entre les deux termes : hereditates soguiyatas renverrait à la même idée

que pertica ; le territoire divisé pour recevoir une délimitation pour une assignation ?

Dans le cas contraire, s'il n'existe pas une division ou une délimitation tangible au

sol, si le travail des arpenteurs ne consiste qu'à décrire un territoire ou même à le mesurer,

nous serions en présence de rigores (et non de limites) : « droite que l'oeil suit entre deux

points, comme une ligne », ce qui se rapprocherait plus des descriptions des premières

198 (G. CHOUQUER, F. FAVORY 2001 : 111)

Archéologie des paysages

-139-

chartes de peuplement conservées, dont le ton est plus descriptif (charte de peuplement de

Lavid, Castell d’Aguiló, 1051):

Et abet afrontaciones: de parte orientis in ipsa strada qui venit per ipsa serra de Montfred; de meridie in termino de Bordel vel in ipsa petra natural vel in eius cruce et vadit a recta linea [el subrayado es mío] usque ad ipsa serra de ipsa Lobatera et deinde usque ad ipsa strada qui vadet ad Sancta Columba; de occiduo in istra (sic) strada iamdicta de Sancta Columba; de IIII vero circii in ipsa serra… usque ad ipsa fita de ipso reguer de ipsa Vid ante ipso orto et vadit per ipsa strada qui vadit ad ipso Sanguinol usque ad ipsa strada qui vadit ad Sancta Columba (…)

Et qui contraste clairement avec le style lié au terrain d'une charte de peuplement

de Valence de 1271, concrètement celle d'Olocau del Rei, où l'action matérielle de

l'arpenteur consiste à diviser, donner et assigner les terres aux nouveaux habitants:

(…) concedimus et comitimus vobis, Dominico et Boneto de Seta, populationem castri nostri de Olocau. Ita quod, vos adducatis ibi populatores qui sint simul vobiscum usque ad centum casatos et possitis vobis et eis dare, assignare et dividere villam et totam terram seu hereditates dicti castri et termini sui…donationes et assignationes (…)

Les termes dont la signification remonte à l'Antiquité n'acquièrent pas de véritable

sens avant le début du XIIè siècle, toutefois ce n'est qu'à partir du milieu du XIIIè siècle

qu'ils prétendront avoir la signification que les anciens leur donnaient. Dans la charte de

peuplement de Balaguer (1118) apparaît pour la première fois l'association divisione sic

determinata ; à Vilanova Privadà (1166) le terme assignare ; et à Verdú (1192) sortes

terminatas partitas et afixuratas ; la première association traduisant le concept ancien datus

et adsignatus ne surgit qu'en 1243 à Vilamalefa, et trois ans plus tard (1246) à Alzira, trois

termes sont associés, « hereditates assignatas, datas, sive sogoyeratas » ; à partir de ce

moment-là ils deviennent fréquents et traduisent l'idée ancienne (mais non l'association) de

l'ager limitatus, divisus, datus et adsignatus. Dans le même ordre d'idée et au même

moment un autre concept apparaît, la possessio, nommant les domaines possessiones ; il

apparaît pour la première fois dans la charte de peuplement de Denia (1257) et dans une

seconde charte de peuplement d'Alzira (1258). Si pour les anciens cela désigne le statut de

la terre publique du peuple romain quand celle-ci est allouée par contrat à un acquéreur qui

s'engage à payer le vectigal à la res publica199, quelle peut être, pour les partiteurs, le motif

de l'utilisation de ce terme à partir de ce moment-là ?

Nous ne faisons pas face à une usure et à un éloignement du latin classique, mais

plutôt face à une résurgence des formes linguistiques qui rappellent explicitement les

formes antiques. Par conséquent, si les différences sont telles sur une période de quelques

150 ans, que se produit-il dans les chartes de peuplement qui passent de l'utilisation de

199 (G. CHOUQUER, F. FAVORY 2001 : 452)

Archéologie des paysages

-140-

termes qui, quand ils coïncident avec ceux de l'Antiquité ne le font que ponctuellement, à

l'utilisation d'un vocabulaire propre des arpenteurs de l'Empire Romain ?

Toujours d’après les derniers travaux de Chouquer et de Favory200 ainsi que ceux

de C. Moatti201 nous pouvons rappeler les étapes qui donnaient lieu à l'assignation de terres

aux colons dans l’Antiquité :

1. Confiscation des terres à un peuple vaincu par conquête.

2. La terre conquise se convertit de ce fait en ager publicus.

3. La délimitation, le bornage et le façonnement de limites dans le sol (limites instituti)

offre la garantie de la concession aux nouveaux possessores.

4. Donner et assigner des lots ou sortes. Faisant place aux différentes catégories

développées dans le sol : ager datus et assignatus (aux colons); ager redditus

(rétrocession des terres excédentaires de l'assignation aux anciens propriétaires

indigènes); ager exceptus (non divisé, en marge de la division); ager concessus (de

juridiction de la colonie, non limité).

Les parallèles avec la situation du nouveau royaume créé aux dépens des

musulmans sont nombreux. Conquête des propriétés, déportations, délimitation et bornage,

nouveaux habitants parfois bien qu'en cas d'absence d'habitants catalans ou aragonais

nouveaux, on procédait à la rétrocession des terres aux musulmans mais non comme

propriétaires de celles-ci. Comme je l'ai auparavant avancé, la conquête féodale des

nouveaux royaumes hispaniques et la réintroduction du droit romain sont des processus

parallèles dont l'affinité conceptuelle qui se « retroalimente » comme l'expliquait R.-I.

Burns202. Le furor legalis du XIIIè siècle qui afflige les royaumes de Castille, d'Aragon ou de

France, est clairement lié à la genèse de l'état moderne203. Dans le cas de la Couronne

d'Aragon, Burns définissait et faisait évoluer la croisade et la guerre sainte depuis le prisme

de la « restauration » et la « reconquête », légitimant l'activité des royaumes chrétiens

s'affairant à « la récupération de portions perdues de la chrétienté » ; cela apparaît très

clairement dans la charte de peuplement de Tarragone, l'ancienne Tarraco, capital

provinciale de la Tarraconaise : « …ob restaurationem Terraconensis ecclesiae et

civitatis…cum territorio suo…civitate et extra civitatem…civitatis et sui territorii… ». La

200 (G. CHOUQUER, F. FAVORY 2001 : 95 y ss.) 201 (C.MOATTI 1993 : 80-82) 202 (R.I. BURNS 1981 : 54) 203 (PEREZ MARTIN 1988 ; MONTAGUT 1988 ; A. GOURON, A. RIGAUDIERE eds. 1988 ; A. RIGAUDIERE 1988)

Archéologie des paysages

-141-

romanisation du droit au XIIIè siècle a affecté jusqu’aux chartes de peuplement204 et a été le

fruit de l'importante activité de réception du droit romain de la part de Jacques Ier et de la

Couronne d'Aragon. Les experts en droit formés à Bologne étaient parfois envoyés par la

Couronne, l'Église ou les nobles, parmi lesquels on peut souligner la présence de nombreux

étudiants en Lois (droit romain) catalans205, ceux-ci entrèrent par la suite dans le corps des

conseillers légaux du roi comme juristes et répartiteurs des nouvelles terres. Beaucoup des

enseignants en Lois formés à Bologne ont été conseillers auliques et partiteurs du nouveau

royaume comme le cas célèbre de l'enseignant en Lois, Jacques Giunta ou Jacques des

lois, qui fut précepteur d'Alphonse X le Sage, conseiller de Jacques Ier, rédacteur des Siete

Partidas et grand répartiteur du nouveau royaume de Murcie, en agissant comme

jurisconsulte des litiges sur les propriétés et en dirigeant au nom du roi les travaux de

répartition du nouveau royaume.

Il se produit la même chose avec les lieutenants de Jacques Ier, Assalit de Gudar

et Eiximen Pérez de Tarassona, experts en droit et formés à Bologne, ils sont répartiteurs

des terres de Valence au nom du souverain (demeure le doute de savoir si l'étudiant

Guillem de Vic que nous trouvons à Bologne en 1218206 est le même que Guillermum de

Vico qui exerce de partiteur 33 années plus tard à Peñíscola, Castellón, en 1251). De cette

manière, tout comme c'était le cas dans l'Antiquité, les répartiteurs bénéficient d'une

formation académique en droit207.

Mais il reste encore à approfondir les raisons cachées qui expliquent cette

légitimation de la conquête. Un procès canonique, présenté par Burns208 oppose le

métropolitain de Catalogne et d'Aragon et l'évêque de Tarragone, à l'évêque de Tolède sur

la juridiction du tout nouveau diocèse de Valence ; ce procès, à mon avis, agit comme

révélateur de la véritable problématique, en illustrant convenablement le problème des

partages de terres et le rôle accordé au droit romain par le nouveau souverain.

Bref. Le diocèse de Tolède exposa des arguments à caractère historique,

remontant à Pline, à Constantin ou encore aux Visigoths, pour faire valoir ses droits sur

Valence, tandis que Tarragone, avançait, par le biais des spécialistes en droit canon de

Jacques Ier, l'argument du droit de conquête et le droit de division du possesseur, rappelant

la distinction établie par les juristes latins sur la nature du droit d'occupation. Même s'il ne

204 (R. I. BURNS 1981: 83, n.16) 205 (J. MIRET 1915) 206 (J. MIRET 1915 : 155) 207 (M. J. CASTILLO PASCUAL 1996)

Archéologie des paysages

-142-

s'agit pas des mêmes aspects que ceux cités précédemment, ce procès illustre clairement

les divergences de point de vue entre la monarchie castillane (puisque par Tolède il faut

entendre toute la Castille) et la Couronne d'Aragon. Si nous pouvions extrapoler (ce qui

mériterait une étude en profondeur) le droit de conquête avancé par l'évêché de Tarragone

et l'ager occupatorius - ex occupatione - ou catégorie technique gromatique, correspondant

à une forme de possessio209, nous pourrions en tirer les raisons qui expliquent l’attachement

des monarques hispaniques et de Jacques Ier au droit romain.

C'est précisément dans le Royaume de Valence et dans la Nouvelle Catalogne que

l'influence du droit romain se fait le plus sentir ; effectivement, la réception du droit romain

se produit dans le Royaume de Valence bien avant les autres royaumes hispaniques210 et

c'est précisément dans ces deux régions que le vocabulaire technique des arpenteurs des

chartes de peuplement est le mieux implanté. La coïncidence de ces événements (la

« reconquête », la réception du droit romain et la romanisation du vocabulaire technique des

partiteurs) doit être comprise comme une tentative de Jacques Ier pour réduire et

reconquérir les prérogatives féodales des nouveaux seigneurs du royaume en construction.

Rappelons les étapes préalables nécessaires pour une assignation antique : 1)

conquête, 2) ager publicus, 3) délimitation, 4) donation, assignation et catégorisation

conséquente des terres ; on peut penser que Jacques Ier a voulu donner et assigner aux

nouveaux habitants ces terres délimitées qui avaient été préalablement converties en ager

publicus de la couronne ; ainsi le roi occupait une place prépondérante dans la construction

du nouveau royaume, par droit de conquête. Acte fondateur qui classe les terres et

conditionne les nouveaux possesseurs, habilement complété d'une justice homogène,

matérialisée lors de la rédaction des Fueros (Furs), privilèges inspirés, sinon directement

copiés, du Code Justinien et du Digeste.

À partir d'ici il devient nécessaire d'établir une ligne de recherche qui permette de

vérifier les hypothèses conjecturales et de déterminer les méthodes de travail qui

permettent de les confirmer ou de les rejeter définitivement.

D'un côté une analyse sémantique exhaustive des chartes de peuplement de

Valence et de la Catalogne nouvelle est nécessaire, qui permette de confirmer l'évolution

les contenus et les significations des nouveaux termes. D'autre part, déterminer si les

termes nouveaux ou les concepts font allusion à de nouvelles formes d'exploitation, de

208 (R. I. BURNS 1981 : 70 et suivs.) 209 (G. CHOUQUER, F. FAVORY 2001 : 106-107) 210 (A. GARCÍA 1968 : 214-218)

Archéologie des paysages

-143-

propriété de la terre ou si ils viennent nuancer celles déjà existantes. Ceci devrait s'appuyer

sur l'exploitation systématique des archives et des contrats d'emphytéose ainsi que des

prélèvements sous forme d'impôts pour déterminer la capacité de la Couronne à obtenir de

nouvelles sources de revenus ou à réduire d'une quelconque manière les prérogatives

seigneuriales.

Une autre ligne de recherche parallèle devra déterminer l'existence de formes

agraires médiévales liées aux zones qui apparaissent dans toutes ces chartes de

peuplement et dans lesquelles les termes semblent évoquer l'implantation au sol

d'opérations d'arpentage. Si les conjectures précédentes se confirment, seules ces chartes

de peuplement qui parlent de bornages, de divisions et de domaines donnés et assignés

seraient le reflet des opérations sur le terrain ; ils devraient être possibles de les

déterminer. Autrement dit, il est nécessaire de finir la carte du Pays Valencien qui vérifie les

zones pour lesquelles les textes font mention d'opérations d'arpentage et dont l'analyse

morphologique a détecté des formes du bas Moyen Âge [titre 45, 82, fig. 4].

LA DIVERSITE DE FORMES MEDIEVALES

Face à cette situation que reflètent les documents médiévaux, quel panorama offre

la morphologie agraire du Pays Valencien ? Je rappellerai les principales propositions de

mes travaux relatives à la richesse des formes médiévales:

1. L'existence de formes auréolaires autour des habitats médiévaux dans le sud de la

France (Languedoc et Aquitaine) [titre 45, 120-128; titres 23 et 27], et dans le nord

de l'Espagne (Tierra de Campos et Catalogne) [titre 25, 288-289, fig. 6] ; là, la

présence islamique est faible ou nulle et l'évolution historique est plus semblable, à

différence des zones où la présence islamique s’étend sur plusieurs siècles.

2. Faible présence de formes hypothétiquement du bas Moyen Âge, matérialisées par

des parcellaires en bandes dans le sud de la France, dans le Languedoc (exemple

de Marguerittes) [titre 45, 124, fig. 9]. On les trouve en Espagne en parallèle aux

espaces conquis durant l'expansion féodale vers le sud ; ainsi la densité d'espaces

agraires organisés augmente en fonction de l’avancée vers le sud. Cependant, on ne

les rencontre jamais dans des pays comme, par exemple, le Maroc.

3. On localise les parcellaires en bandes à proximité des zones de peuplement de la

Reconquête ; ils s’organisent sur de vastes ou de petits espaces proches des

populations [titre 25, 240, 242, figs. 3 et 4.1], ce qui entraîne une concentration des

terres de culture autour du lieu d'habitat, là où les nouveaux habitants avaient pour

obligation de résider, sous peine de perdre les droits accordés par les seigneurs

[titre 45, 452].

Archéologie des paysages

-144-

4. Formes spécialement abondantes dans les zones de la Reconquête où les conflits

issus de la conquête féodale et, plus tard, les révoltes moresques entraînèrent le

déplacement des populations des indigènes musulmanes et le repeuplement par le

biais de nouveaux habitants chrétiens [titre 45, 452, fig. 102].

5. Près de la ville de Valence j'ai pu documenter un parcellaire de drainage servant à

l’assainissement des marais existants dans la zone de l'embouchure du Turia, dans

La Punta, comme on l'a déjà vu précédemment.

6. Finalement, les documents et les analyses morphologiques permettent même parfois

d’avancer le nom de l'auteur matériel, le partiteur d'une certaine forme agraire

identifiée sur le terrain. C’est le cas du partiteur Iacobum Linaris, qui a illustré

plusieurs de mes travaux sur le village de Beneixama dont les terres furent, à en

juger par la charte de peuplement de 1280 [titre 25 : 287; titre 26, 336 ; titre 45 : 78-

79, fig. 3], assignées et divisées par le partitorem hereditatem Regni Valentie.

Raison pour laquelle je ne reprend pas le mode d'illustration habituel, mais une

image aérienne oblique où l’on observe l'église paroissiale de Beneixama placée

sous la protection de Saint Jean-Baptiste, au carrefour de deux axes principaux du

parcellaire [fig. XV, 1]. Et une seconde illustration où l’on observe la subdivision

interne des parcelles transversales en bandes qui structurent l'espace dans le

piémont de La Solana (Beneixama) [fig. XV, 2].

En guise de conclusion je voudrais insister sur l'importance des formes agraires

dans l'espace de l'ancien Royaume de Valence, et sur l'importance qu’aurait (j’aurai

l’occasion d’insister sur ce point par la suite) une modélisation de l’ensemble de ces formes,

à l’image de ce qui a été fait pour la région de la Gascogne.

LA MORPHOLOGIE AGRAIRE ET URBAINE APPLIQUÉE À l'ARCHÉOLOGIE PRÉVENTIVE

En 1993 j'ai eu l'occasion de travailler pour la Généralité de Valence sur un projet

de création d'une base de données de gestion archéologique pour la ville de Valence [titre

17]. Dans ce travail j'exposais une de mes préoccupations principales partant du fait

qu'archéologues et promoteurs immobilier sont de plus en plus amenés à travailler main

dans la main sur les projets ayant pour cadre commun la ville. L'archéologue étudie la ville

ancienne et le promoteur transforme et modèle la ville actuelle. Tout cela dans un contexte

de relations où l'archéologie est posée comme un mal nécessaire. L'archéologie est

capable, dans un vaste champ d'étude, d'améliorer la gestion urbaine et d'apporter un

élément de réflexion permettant une protection dynamique de l'ancien tracé urbain et offrant

des alternatives de construction dans des secteurs d'intérêt historique.

Archéologie des paysages

-145-

L'identification du tracé urbain est un des principaux éléments d'analyse qui permet

la compréhension de l'ancien projet urbain. Le centre historique n'est pas un ensemble

homogène. Il s'agit d'un ensemble constitué de zones isolées et juxtaposées qui, avec la

croissance urbaine au fil du temps, perd son identité individuelle pour se fondre dans une

autre différente. La principale expression de ce phénomène complexe est le tracé du

parcellaire et des rues. L'intervention archéologique en milieu urbain est le meilleur outil

pour comprendre l'ancien paysage urbain et les raisons qui expliquent une concrète et

certaine forme d'intégration du passé historique dans des projets de transformation

historique.

Les moyens mis au service d'un projet de ce type sont divers. Dans un premier

temps une recherche sur les facteurs de développement urbain est nécessaire. Phase

théorique visant à la recherche topographique sur la

longue durée et à échelle macro (1:5 000). Dans le même ordre d'idée que les Documents

d'Évaluation du Patrimoine Archéologique Urbain des Villes de France (D.E.P.A.U.). Il s'agit

de documents de synthèse de réflexion et d'orientation à partir d'un état déterminé des

connaissances. Ils analysent l'évolution topographique historique ; ce n'est pas un

inventaire proprement dit, mais une analyse parallèle du patrimoine théorique, extrapolé du

patrimoine tangible (provenant des faits positifs de la fouille). Cette analyse se détermine à

partir d'événements urbains significatifs de l'évolution historique de la ville. Chaque période

ainsi définie fait l'objet d'une analyse sous la forme de plans susceptibles d'être juxtaposés

(en suivant le principe qui se trouve à la « préhistoire » des Systèmes d'Information

Géographique, SIG211). Par conséquent, tout élément topographique ou administratif du

passé peut être mis en rapport avec chacun des autres définis. À tout cela, il faut joindre les

destructions du sous-sol connues historiquement, pondérées par l'épaisseur des sédiments

anthropiques, des protections réglementaires... Ces D.E.P.A.U. supposent la première

synthèse nécessaire à la mise en place d'une archéologie préventive.

Toutefois, ces documents peuvent devenir très rapidement désuets et la façon de

les mettre à jour prend deux directions : premièrement, la collaboration avec les équipes

locales intéressées qui apportent des solutions visant à l'amélioration des documents vers

des objectifs urbains. Deuxièmement, le projet du C.N.A.U. suppose la future informatisation

des D.E.P.A.U. dans un S.I.G., ce qui permettra sa mise à jour en temps réel. A mon avis, il

s'agit là de la principale contribution de cette puissante machine de gestion et de

manipulation de variables géo-référencés à l'archéologie, comme je l'ai exposé dans un

compte rendu sur l'application des S.I.G. à l'archéologie en Espagne [titre 31].

211 (I. MC HARG 1969)

Archéologie des paysages

-146-

La mise en route d'un tel projet suppose l'élaboration d'un Guide où l'on établit les

critères à considérer pour la rédaction des D.E.P.A.U. : 1) État des connaissances sur les

éléments de topographie historique. 2) Recherche archéologique sur le terrain. 3) État de la

conservation du patrimoine archéologique. 4) Cartographie historique. 5) Document définitif.

6) Publication.

Le document lui-même est réalisé par les groupes de travail locaux (services

archéologiques municipaux), tandis que c'est dans un lieu centralisé (le C.N.A.U en France)

que les critères graphiques sont uniformisés et que l'on effectue les plans ; ainsi, les

publications définitives sont faites à des échelles homogènes entre les différentes villes de

sorte qu'elles soient comparables entre elles.

Ces postulats ont présidé une bonne partie de mes collaborations avec des

entreprises, en mettant au service de l'archéologie préventive l'analyse morphologique en

milieu urbain ou rural. La première fois, ce fut lors de ma participation au projet

d'intervention archéologique effectuée dans le couvent du Carmen de Valence (1995) pour

lequel j'ai apporté l'analyse morphologique. J'y ai mis en évidence l'existence d'un

urbanisme islamique régulier, ce qui était alors certainement nouveau. Coïncidant avec mon

séjour postdoctoral dans la ville de Tours, j'ai pu consulter la bibliothèque de l'URA 365

URBAMA (Centre d'études et de recherches sur l'urbanisation du monde arabe UMR 6592

C.N.R.S. / Université de Tours). L'article a été rédigé en 1995 bien qu'il n'ait pas été publié

avant l'année 2000 par la revue de l'Institut Archéologique Allemand de Madrid, les

Madrider Mitteilungen [titre 43]. Les principaux résultats peuvent être résumés par les

éléments de réflexion suivants [titre 43 : 453 et suiv.]:

1. L'existence de structures urbaines islamiques qui conditionnent l'orientation des

murs du couvent chrétien [titre 43: 417].

2. Définition de l'urbanisme islamique de tout le quartier, du faubourg périphérique

jusqu’à la ville islamique, comparable à ceux définis par E. Wirth dans le nord

de l'Afrique et du Moyen-Orient [titre 43: 424].

3. Modélisation et prévision de l'urbanisme islamique. Ce qui a été confirmé par

une fouille postérieure, en 1998, quand on a localisé une autre rue de ce même

urbanisme.

4. Définition d'une opération urbaine médiévale chrétienne qui occupe la totalité

de l'espace d’un cimetière islamique avec une morphologie typique de

villeneuve de fondation [titre 43: 427].

Par la suite j'ai pu participer à l'intervention archéologique effectuée dans l'Église

de Saint Jean de l'Hôpital de Valence, qui à ce moment-là se trouvait au coeur de la ville ;

Archéologie des paysages

-147-

collaboration conclue par un Rapport de Recherche encore inédit [titre 38]. Ainsi, j'ai pu

démontrer que les principales caractéristiques descriptives de l'îlot urbain qui entoure Saint-

Jean sont antérieures à la construction de l'église. D'un côté, le poids de l'antiquité et,

concrètement, d'un bâtiment singulier, comme le cirque romain dont la spina passait par la

façade de l'église [fig. XVI, 1], était fondamental pour comprendre l'évolution postérieure

des lignes générales de l'urbanisme du secteur. L'architecture domestique et l'urbanisme

islamique finiront par éclaircir les détails [fig. XVI, 2] ; le dernier événement urbain (du point

de vue de la morphologie) du secteur étant l'occupation de la « juiverie » (judería). A

l'origine, ce qui deviendrait plus tard le call (« juiverie », la judería) était séparé du secteur

par une rue [fig. XVI, 3] ; de plus, l'espace entre celle-ci et la rue du Mar a pu former un îlot

urbain indépendant à l'époque islamique.

J'ai pu élargir mes connaissances de la trame urbaine de Valence dans le cadre

d'un projet de recherche effectué en 1997 : La ordenación social del espacio en la Valencia

bajomedieval: instituciones públicas y proyecto urbanístico212 ; j'ai pu alors vérifier les

données dérivées de l'archéologie urbaine de Valence et de la copieuse documentation

médiévale de la ville.

Par cette comparaison nous avons pu observer que les fouilles réalisées dans le

sous-sol de la ville ont confirmé une vaste tâche de restructuration et de construction de

l'espace urbain entre les deux enceintes (enceinte musulmanes du Xè-XIè siècles et

chrétienne du XIVè siècle), datable des dernières décennies du XIVè siècle et du début du

XVè siècle, la documentation écrite le laissait déjà entrevoir. La nature de certaines des

interventions urbaines contemplées dans les archives a été renforcée par les données de la

fouille, comme dans le cas de la non utilisation de la palissade de l'enceinte.

D'autre part, de la confrontation entre les délimitations paroissiales et les unités

morphologiques urbaines détectées comme révélatrices d'opérations urbaines du bas

Moyen Age, on a pu dégagé l'inexistence de correspondance entre ces opérations,

cohérentes d'un point vue morphologique, et l'organisation sociale ou la propriété des

initiatives comme cela a déjà été démontré dans le cas du quartier du couvent du Carmen

[titre 43: 426-428].

L'intégration des données de fouille dans l'analyse morphologique globale de

l'urbanisme a permis d'apprécier l'héritage direct du tracé urbain actuel dans ces

restructurations détectées archéologiquement. De cette manière, la vérification, par un

nombre déterminé de fouilles, que les orientations des rues et des parcelles actuelles est

212 R. Narbona (coord.) E. Díes Cusí, E. Cruselles, et J.-M. Cruselles.

Archéologie des paysages

-148-

semblable ou identique aux orientations des structures architectoniques ou urbaines

médiévales (datées par les contextes stratigraphiques dans lesquels on les trouve) nous

permet de dépasser l'incertitude et d'affirmer que, grosso modo, l'espace urbain actuel

compris entre l'ancienne muraille arabe et celle du XIVè siècle, est l'héritier de la

programmation urbaine chrétienne. Ou, comme nous le dirions aujourd'hui, la construction

de la muraille chrétienne au XIVè siècle a supposé la légitimation urbaine pour la

requalification du sol agricole extra-muros à la muraille islamique, y compris pour celle du

XIVè siècle.

De même, les données négatives de la fouille, comme les sondages qui ne révèlent

aucune occupation jusqu'au XVIIIè siècle, nous informent sur le processus progressif

d'occupation du sol, et non d'une réalité conclue définitivement au Moyen Âge. Ainsi comme

de la fonctionnalité qui préside à l'occupation du sol ; certains espaces vides de la ville

médiévale, formés en réalité d'un espace non occupé mais avec des habitations, semblent

avoir été des dépôts limitrophes aux espaces domestiques.

Avec l'analyse du quartier du Carmen, de la zone de Saint Jean de l'Hôpital et le

travail effectué pour ce projet de recherche, j'en ai fini avec l'analyse morphologique de la

ville de Valence, mais je n'en ai jamais rendu compte scientifiquement ni par le biais d'un

article ni dans une oeuvre monographique. Les principaux résultats de ce travail peuvent

être résumés à travers les postulats suivants :

1. Identification du tracé des enceintes de la ville depuis l’époque romaine,

médiévale musulmane et chrétienne.

2. Identification des grandes orientations dominantes et leur empreinte dans la

ville actuelle dans la construction de la ville romaine, depuis le tracé constitutif

tardo-républicain jusqu’aux interventions impériales les plus tardives telles que

la trace de bâtiments publics comme le cirque.

3. Interprétation des grands axes d’accès à la ville.

4. Identification des projets urbains musulmans et chrétiens.

D'autre part, ma collaboration avec l'équipe de G. Chouquer pour l'analyse des

formes du paysage traversées par le TGV Méditerranée [titre 27] constitue ma plus grande

expérience en matière d'application de la morphologie à l'archéologie préventive en milieu

rural ;pour des raisons d'organisation du travail, mon champ d'activité s'étendait

fondamentalement du Rhône à la ville de Nîmes (le plateau des Costières), cependant j'ai

aussi travaillé sur des zones du Tricastin ou de la Durance dont les problématiques

historiques et géographiques sont bien différentes. Mais ce n’est que lors de recherches

postérieures dans la même zone que j'ai incorporé les principaux résultats de cette analyse,

Archéologie des paysages

-149-

ce qui m'a permis d'ajouter à mes arguments sur l'archéologie préventive les principes de la

morphologie agraire. Il est à regretter, toutefois, que l'interruption des travaux du tracé TGV

dans la zone ait avorté une opération fossés de vérification des données morphologiques

dans le terrain, comme celle qui fut réalisée dans la région du Tricastin qui a donné tant de

résultats et suscité tant de réflexions.

Il faut reconnaître qu'en Espagne la libéralisation du « marché » de l'archéologie,

d'une part, et la structure politico-administrative décentralisée que nous nous sommes

données à travers la Constitution de 1978, d'autre part, ne constituent pas une atmosphère

très propice à l'homogénéisation de résultats scientifiques ni à l'exécution de programmes

connexes de vérification de structures agraires ou de l'archéologie du paysage dans le

contexte d'un tracé linéaire d'une infrastructure. Ce deuxième élément est assumé dans la

mesure où cela fait partie de la personnalité historique des Espagnols et de l'évolution

politique récente, la démocratisation de mon pays. Mais le premier ne l'est pas autant et a

été plusieurs fois dénoncé depuis la fin des années 80 et le début des années 90. Il est très

difficile d'assumer cette réalité chaque fois plus évidente ces dernières années, chaque jour

une information scientifique se perd des conséquences de cette conception libérale de la

pratique de l'archéologie, spécialement explicite dans la loi sur le patrimoine de ma

Communauté Autonome [titre 56]. Au-delà de ces critiques, j'ai essayé d'apporter mes

connaissances scientifiques sur l'archéologie du paysage lors d'opérations d'archéologie

préventive à des administrations ou à des entreprises prêtes à aborder la question du

patrimoine sous l'angle de l'anticipation. Je n'ai eu vent que d'une équipe, celle de

l'Université de Saint Jacques de Compostelle en Galice, qui ait abordé, dans cette

Communauté autonome, le problème de l'archéologie préventive et l'archéologie du

paysage avec de bons résultats ; bien que très loin des problématiques géographiques et

historiques qui m'occupent normalement213.

En ce qui me concerne, j'ai effectué deux petits rapprochements de la

problématique sur la réflexion préalable à l'aménagement du territoire municipal de deux

communes (Carcaixent [titre 28] et El Puig [titre 45 : chapitre X]) comme conseiller des

entreprises qui ont effectué les travaux préalables à l'approbation du Plan Général

d'Aménagement Urbain (PGOU) par leurs mairies.

À Carcaixent, les sites de la plaine se trouvent au-dessous du niveau de 45 m

s.n.m. espace qui, dans sa plus grande partie, a été affecté à de nombreuses occasions par

les crues du fleuve Júcar. Un premier rapprochement du parcellaire de cette zone, a mis en

évidence l'existence d'un possible parcellaire d'époque romaine qui n'apparaît clairement

213 (F. CRIADO BOADO, X. AMADO, M.-C. MARTÍNEZ 1998 ; F. CRIADO BOADO 1999 ; M. GONZÁLEZ 2003)

Archéologie des paysages

-150-

qu'à l'est d'une ligne qui coïncide avec le niveau habituel de débordement de la rivière. Il y

a une seconde limite qui arrive jusqu'à des zones plus hautes, mais le cas ne se présente

que dans des circonstances exceptionnelles, comme dans le cas de la crue de 1982, quand

l'éboulement du barrage de Tous a sensiblement augmenté le débit de l'eau.

La disparition des manifestations de ce parcellaire à l'ouest de cette ligne ne doit

pas être comprise comme indice de sa non-existence, mais, une série d'alluvionnements se

sont produits historiquement et camouflent l'ancienne division agraire. Les sondages

effectués par P. Carmona sur le site de Benivaire Alt prouve qu'après le Bas Empire, la

zone est passée par des périodes où elle a été transformé en un secteur marécageux. Le

parcellaire qui affecte cette zone correspond, en effet, à une époque postérieure à la

conquête chrétienne [titre 45: fig. 61].

À ces faits il faut ajouter les variations des méandres du Júcar, beaucoup d'entre-

elles récemment, qui ont entraîné la transformation de vastes secteurs des deux côtés de la

rivière. En conséquence directe, la plaine a reçu tout au long de son histoire des tonnes

dépôts sédimentaires qui ont enterré d'anciens restes archéologiques à une grande

profondeur. Les fouilles effectuées à Benivaire Alt et dans l'Ermitage de Sant Roc (Ternils)

mettent en évidence que les niveaux romains sont à plus de 1,5 m de profondeur.

Face à cette situation j'ai proposé une délimitation des sites archéologiques. Les

sites correspondent, dans certains cas, à des découvertes matérielles qui ont permis leur

localisation précise tandis que, dans certains autres, il s'agit de notices historiques qui

permettent seulement leur rapprochement en vertu des toponymes conservés. Dans tous les

cas leur délimitation précise a été impossible car le recouvrement sédimentaire que nous

venons de mentionner nous prive de matériaux archéologiques en surface; pour cette

raison, la délimitation a été effectuée, dans le premier cas, en établissant une zone de

sécurité autour des découvertes et, dans le deuxièmement, en délimitant une vaste zone

autour du toponyme actuel. Les données extrapolées des recouvrements sédimentaires et

des zones d'influence des crues de la rivière permirent une correction postérieure.

D'autre part, l'actuel centre ville de Carcaixent est la conséquence du transfert de

population à l'époque moderne par abandon de plusieurs alquerías situées aux alentours de

la rivière qui étaient périodiquement inondées par les crues. Toutefois, il y a des éléments

qui prouvent que le lieu est occupé depuis l'époque antérieure à la conquête chrétienne du

XIIIè siècle, car il est déjà mentionné dans le Repartiment de Jacques Ier. Sa situation se

trouve, en effet, dans la limite naturelle des avenues habituelles et sur une petite élévation,

c'est pourquoi il est pas à exclure qu'il s'agisse d'un point occupé au moins depuis l'époque

romaine, tenant compte du fait que la zone qui correspond à l'actuelle Plaza Mayor pourrait

se trouver à l'emplacement d'un carrefour du parcellaire romaine.

Archéologie des paysages

-151-

À la délimitation proposée pour chacun de d'eux, j'ai pensé en outre que devait être

pris en considération la sédimentation qui couvre les sites antiques. Ainsi, j'ai proposé une

délimitation en trois zones, A, B et C, en fonction de la limite habituelle des avenues

(mentionnée plus haut). Dans ces zones, les sites délimités seront protégés de tout

bouleversement du terrain à partir d'un niveau de profondeur de -1,25 m dans la zone A, de

-0,5 m dans la zone B et de 0,0 m (côte de surface) dans la zone C.

Dans le centre historique de Carcaixent, j'ai cru opportun de délimiter comme

secteur de protection archéologique l'espace que le tracé urbain mettait en évidence le

noyau original de peuplement créé à l'époque moderne. En même temps, j'ai recommandé

la réalisation d'études plus concrètes pour essayer de délimiter le parcours de l'ancienne

Via Augusta, qui devrait également être inclus comme zone de protection spéciale, de

même manière qu'à Valence dans des zones comme la rue Sagunto, où les fouilles

archéologiques ont confirmé l'existence de vestiges qui jalonnent cette voie.

La deuxième expérience peut être considérée comme la participation la plus

élaborée. Pour la municipalité de El Puig, au nord de Valence, j'ai pu proposer des zonages

et des niveaux de protection archéologique plus précis en prenant en considération la

morphologie agraire, la pédologie, les terroirs, la toponymie et la dispersion des sites

archéologiques. Ce qui m'a permis un zonage archéologique déterminé par les différentes

unités environnementales et agraires : les marais, l'extremal (extrême irrigué par les eaux

résiduelles), le jovedat (terroir irrigué par droit du canal de Montcada) et le secano (terrain

non irrigué) et la définition des zones d'attention spéciale [titre 45 : 307-326 ; figs. 70-72].

Mon intention en publiant cette réflexion dans le chapitre X de Las formas de los paisajes…,

n'était autre que d'attirer l'attention sur le potentiel de la méthode en archéologie

préventive.

NOUVELLES DIRECTIONS DE LA RECHERCHE

Nouvelles directions de la recherche

-153-

QUELLE ARCHÉOLOGIE DU PAYSAGE ?

Dans les prochaines pages je me dispose à faire une évaluation des différentes

écoles qui se sont consacrées au sujet du paysage d'un point de vue de la morphologique

dans mon pays, les plaçant dans le contexte européen actuel. Puis, j'exposerai la voie

alternative issue de l'évolution historique et du développement de la recherche dans mon

pays qui, je crois, devrait présider à l'archéologie du paysage, tout en apportant les

nuances nécessaires ; je montrerai également comment je pense appliquer ces critères à

une série de dossiers que je crois nécessaire d'approfondir.

Avec ce titre, c’est volontairement que je paraphrase Miquel Barceló dans son

article de 1992, Quina arqueología per al-Andalus? (Quelle archéologie pour al-Andalus

?)214; article dont certains aspects me paraissent indispensables et que j'essayerai de

résumer, tout en faisant abstraction du fait que l'article cité fait référence à une archéologie

de la société islamique d'al-Andalus.

Pour M. Barceló l'archéologie doit se préoccuper de la structure de la société

qu'elle étudie. Par conséquent, c'est une archéologie dont l'objectif est la connaissance

historique de la société en question. Face aux tentatives de formuler une « archéologie

théorique » à travers l'illusion de produire des connaissances autonomes, propres de

l'archéologie, il réclame que la société soit le seul sujet historique possible, sujet qui ne

peut être compris théoriquement qu'à partir de modèles conceptuels. L'objectif de

l'archéologie historique serait donc l'identification archéologique des processus de travail

paysans, la découverte du produit dérivé de ces processus, sous forme de taux ou rente,

que se soit par un État ou par un groupe militaire ou par un ordre religieux, ou les deux à la

fois.

De cette manière, le registre archéologique généré par l'Etat produit une

information sur les formes d'accumulation fiscale et de ses frais, étant capable de distinguer

les variations du contrôle effectif de l'Etat sur la société et sur la taille spatiale de ce

contrôle, en se matérialisant dans le processus fiscal qui rend visible la relation entre l'Etat

ou les seigneurs de rente et les paysans.

À mon avis l'archéologie des paysages et / ou spatiale est un laboratoire

élémentaire pour déterminer, au sein des sociétés préindustrielles, la dimension, les

caractéristiques et l'empreinte réelle qu'a exercée une certaine société sur un milieu

déterminé. Spécialement dans le cas de l'espace d'al-Andalus, où l'évolution historique

occidentale « normale » est tronquée par la construction d'espaces agricoles différents de

Nouvelles directions de la recherche

-154-

ceux qu'il y avait avant le VIIIè siècle. Les analyses de morphologie agraire m'ont permis de

distinguer la trace de diverses formations sociales dans l'espace, de mesurer l'empreinte de

ces interventions dans des territoires non abordés jusqu'alors et d'apprécier la relation

différenciée entre des formations sociales et le milieu. Cela se traduit, au moyen de ces

« modèles conceptuels », en connaissance historique sur les sociétés du passé.

Dans les prochaines lignes je m'interrogerai sur la différence entre cette

archéologie du paysage que je défends et d'autres archéologies du paysage que l'on

pratique tant dans mon pays qu’en France.

ARCHÉOLOGIE SPATIALE ET ARCHÉOLOGIE DU PAYSAGE

A travers ce titre je veux simplement faire part de l'existence de tout un groupe de

chercheurs qui se sont préoccupés d'archéologie spatiale depuis les années 80 et qui de

nos jours se consacrent à l'archéologie du paysage avec le même bagage théorique. J'ai

aussi fait partie de ce groupe de chercheurs [titre 13], et le saut théorique et

méthodologique entre les deux est si ample qu'il me paraît difficile de croire qu'il s'agisse de

la même chose. Toutefois, je suis conscient que la majorité des chercheurs ont accompli ce

saut sans trop se justifier. Je suis aussi conscient que dans le cas des archéologues du

paysage la spatialisation des résultats et la considération des critères propres de

l'archéologie spatiale est un phénomène chaque fois plus fréquent ; c'est pourquoi de nos

jours, nous trouvons regroupé sous le label d'archéologie du paysage un amalgame

d'études qui placent l'espace, les établissements, les voies, les parcellaires ou le paléo-

environnement au centre de leurs recherches.

En ce sens le congrès qui illustre le mieux ce saut théorique est celui qui se

célébra en 1998 sous la désignation de Arqueología espacial, 19-20. Arqueología del

Paisaje, héritier de ceux consacrés à l'archéologie spatiale du « Seminario de Arqueología

de Teruel ». Lors de ce congrès se réunirent les anciens chercheurs de l'archéologie

spatiale, qui s'efforcèrent à expliquer ce déplacement théorique, des nouveaux chercheurs

de l'archéologie du paysage suivant les critères de l'archéologie spatiale, des archéologues

des formes du paysage et des archéologues de l'archéologie agraire. Le cas le plus

exemplaire est probablement celui que présenta Almudena Orejas215 (chercheur du CSIC) ;

elle a placé le paysage au centre de ses recherches en effectuant un effort remarquable de

ce que j'ai précédemment appelé la théorisation de la méthode, suivant la philosophie de M.

Barceló.

214 (M. BARCELÓ 1992) 215 (A. Orejas 1995 ; 1995-1996 ; 1998)

Nouvelles directions de la recherche

-155-

Il faut souligner l'effort effectué par J.-M. Ortega pour expliquer ce saut entre les

deux méthodes dans l'article De la arqueología espacial a la arqueología del paisaje: ¿Es

Annales la solución?216 Il y propose que l'archéologie du paysage soit une réponse globale

d'Annales à l'Archéologie Spatiale de fondements écologiques. Cette réponse, ajoute-t-il,

serait une archéologie globale : économie, société, culture, basée sur un revival braudelien

articulé autour de la géographie et de la vision diachronique de la longue durée. Mais un

changement de point de vue se produit aussi depuis l'archéologie des lieux de reproduction

sociale, propre de l'archéologie spatiale, à une archéologie agraire de la production, de

l'archéologie du paysage annaliste. Toutefois, pour J.-M. Ortega217 l'étude des centuriations

et les cadastres :

(...) ce sont les exemples les plus évidents de la structuration du paysage, de l'aménagement social et économique du territoire et de la production, mais aussi un des échantillons les plus palpables que l'intérêt d'Annales à réduire la question à des problèmes de morphologie agraire, en laissant en marge les relations de propriété et le pouvoir de l'état [il fait exception de M. Clavel-Levêque pour cette affirmation]. (…) en conclusion une archéologie agraire ou une archéologie rurale sans paysans ni berger, au choix. Face à l'analyse sociale l'alibi est ici clair : champs de culture face à des paysans, écologie de la forêt face à ses formes d'appropriation, techniques d'infrastructures hydrauliques faces aux formes de partage social de l'eau, etc. (...) S'il est certain que l'« archéologie agraire » de cette Archéologie nouvelle [en français dans le texte] du Paysage a su éviter l'économie implicite dans l'« archéologie agraire » qui se pratiquait au temps de la New Archaeology, il reste encore à franchir le pas suivant d'une véritable « archéologie rurale », dont le sujet central serait la paysannerie, ses processus de travail, l'organisation des calendriers productifs, le partage du produit. (...)

(…)Or, cette Archéologie du Paysage, peut-être le dernier cas de travestissement terminologique de l'Archéologie Spatiale, peut arriver à se transformer, avant tout, en une construction conçue pour masquer la sclérose du positivisme rampant, toujours sous-jacent à une bonne partie des propositions vendues sous une telle étiquette. (…)

(…) Il s'agit probablement du plus grand problème que la nouvelle Archéologie du Paysage peut hériter de ses professeurs : une indéfinition théorique plus que prouvée, ou ce qui revient au même, une indéfinition politique.

En tout cas, comme je l'ai déjà démontré pour l'archéologie de la mort, le paysage

souffre un effet de mode. Les titres qui auraient pu être rédigés il y a 20 ans sous d'autres

termes, font tous aujourd'hui une allusion explicite au paysage, qu'ils aient ou non à voir

avec l'archéologie du paysage. D'autre part il y a de plus en plus d'adaptations personnelles

et de « constructions de sémantique visqueuse » dans lesquelles on devine que l'intérêt

scientifique se réduit à la publication en elle-même. Les idoles comme « économie » dans

les années soixante, « cultures » dans les années soixante-dix, « mentalités » dans les

années quatre-vingt ont été remplacés par « écologie » ou « paysage ». Ou si non, voyons

216 (J. M. ORTEGA 1998 : 33-51) 217 (J. M. ORTEGA 1998 : 42-44)

Nouvelles directions de la recherche

-156-

la publication récente intitulée Ecohistoria del paisaje agrario218, où pas une ligne ne vient

justifier l'utilisation du concept « ecohistoria » et où aucune référence n'est faite à G.

Bertrand ni R. Delort et F. Walter219 qui sont, il ne faudrait pas l’oublier, les premiers à avoir

proposé ces concepts. Sans commentaire.

LA PÉNÉTRATION DE L'ÉCOLE DE BESANÇON EN ESPAGNE

E. Ariño220, a effectué récemment un tour d'horizon des différentes tendances qui

ont abordé le sujet des formes des paysages en Espagne, en plus d'émettre une proposition

face à la « crise » assumée qui frappe les essais qui sont faits sur le paysage. Ce tour

d'horizon peut m'aider à développer mon propos.

La tâche pionnière des géographes (et un archéologue, E. Llobregat, mon directeur

de thèse) qui rédigèrent le volume Centuriaciones romanas en España de 1974 n'a pas eu

de conséquences sur les études postérieures puisque aucun de ceux qui se consacrent

maintenant à ce sujet n'est le disciple de ces pionniers, majoritairement géographes comme

je l'ai déjà dit.

Les premières études sur les cadastres en Hispania sont récentes. Elles ont pour

instigateurs, au cours de la décennie des 80, deux disciples de l'école de Besançon : R.

Plana en ligne directe, et un partisan reconnu de la méthodologie du tandem Chouquer-

Favory, E. Ariño. La première en travaillant principalement dans le nord-est espagnol

(Emporion, Gerunda...), tandis que le deuxième s'est surtout consacré à la vallée de l'Ebre

(Caesaraugusta) et à la révision d'anciennes hypothèses. Par la suite et, à la fin de cette

décennie ou au début des années 90, des études clairement inspirées à l'école de

Besançon commencent à être réalisées depuis l'Université Autonome de Barcelone, tandis

que les chercheurs de l'Université Centrale de Barcelone ajoutent aux méthodes typiques

de Besançon les études paléoenvironnementales apportées par les analyses

palynologiques.

C'est peut-être E. Ariño qui a effectué le plus grand effort pour systématiser et pour

apporter des éléments pour l'étude des cadastres. Formé à l'Université de Saragosse

comme disciple de M. Martín-Bueno, en 1994 avec d'autres auteurs il a proposé une lecture

stratigraphique du paysage221. Revendication soutenue dans deux méthodes : l'analyse

méticuleuse de la documentation écrite médiévale et moderne et l'analyse de la

218 (C. GÓMEZ BELLARD ed. 2003) 219 (G. BERTRAND 1975 ; R. DELORT, F. WALTER 2001) 220 (E. ARIÑO 2003) 221 (E. ARIÑO et al. 1994)

Nouvelles directions de la recherche

-157-

cartographie historique. Selon les auteurs ceci permet d'établir les phases de transformation

du territoire, en différenciant les éléments plus anciens des traces d'époques postérieures.

Comme il est affirmé dans l’extrait de l'article : « De plus, nous pensons qu'il est intéressant

d'analyser la morphologie des parcellaires d'autres époques pour les différencier de ceux

d'époque romaine et éviter de possibles confusions d'interprétation ». Ce qui, à mon avis,

est une perversion de la méthode, écrite noire sur blanc, car ce qui est médiéval est

seulement analysé comme filtre pour éliminer ce qui ne l'est pas, véritable objet de la

recherche.

Définissons maintenant ce qu'est la lecture stratigraphique du paysage222:

Nous comprenons la prospection du paysage comme étant la lecture archéologique nécessaire du paysage sur le terrain, c'est-à-dire l'analyse de la relation stratigraphique entre les divers éléments archéologiques (voies, structures agraires, etc..) sa caractérisation et registre (...) Il s'agit d'une prise de position personnelle à laquelle nous sommes arrivés à partir de l'étude des paysages particuliers qu'offre la Péninsule Ibérique, résultat de géomorphologies diverses et d'une morphologie historique très particulière. [Al-Andalus, la conquête et le repeuplement féodal] ont produit un paysage spécifique (...) caractérisé par une réoccupation des terres, dans laquelle on utilise de nouveau un système varié de parcellaires géométriques, qui dans certains cas se superposent et masquent les parcellaires d'époque ancienne.

Je peux l'admettre comme métaphore, mais non comme concept utile car le texte

ne propose aucune lecture stratigraphique au sens strict (voie qui coupe ou s'adosse à une

parcelle, ou un fossé, recouverte d'alluvions modernes...), mais des lectures spatiales entre

les éléments du paysage. Comme il est fréquent, le transfert de concepts entre disciplines

différentes ne cesse de donner la sensation qu'il s'agit « d'une simple reformulation verbale

de ce qui était déjà su »223, masquant un concept vide ou une « théorisation de la méthode »

comme dirait M. Barceló.

Une contribution de la méthode de travail proposée consiste à casser le schéma

rigide d'un modèle préconçu, suite à l'adaptation à la réalité préexistante. Ainsi, un cardo ou

un decumanus pourraient avoir été concrétisé de manière déformées au sol, depuis le

début, suite à cette adaptation aux réalités du terrain et non suite à une déformation comme

conséquence de son utilisation au cours de l'histoire. Les decumani de Barcino, par

exemple, montrent une légère déformation pour préserver une petite élévation224. Peu de

222 (E. ARIÑO et al. 1994 : 191) 223 (E. GARCÍA 2004 : 75) 224 (E. ARIÑO, J. M. GURT, J. M. PALET 1996 : 149, fig. 11)

Nouvelles directions de la recherche

-158-

temps après, cette vision sera critiquée, bien que non de manière explicite, par des auteurs

de l'Université Autonome de Barcelone225 :

Il est fréquent de lire qu'une centuriation ne répond pas à un module préétabli parce qu'elle s'adapte à une réalité préexistante. Mais, si les axes conservés ne coïncident pas avec un module théorique, sur quels éléments morphologiques faut-il nous appuyer si doutons-nous précisément du modèle qui sert d'analyse ? Nous ne devons pas oublier que les éléments routiers et parcellaires, sauf de rares exceptions, n'ont pas une chronologie en eux-mêmes, mais seulement dès qu'ils paraissent être en rapport avec un modèle théorique.

Tout cela s'est traduit par un faible succès de l'utilisation de la notion de

stratigraphie du paysage comme concept utile pour l'étude des paysages. Preuve en est

l'indifférence d'E. Ariño lui-même envers cette notion dans son dernier article

méthodologique226. Mais cela se traduit, en outre, par des questions d'importance que je

peut apprécier dans l'exemple d'Elche que je connais mieux. Par exemple, la simple analyse

morphologique de la pertica d'Elche me paraît plus étendue (voir plus haut) que ce

qu'affirment Ariño et d'autres auteurs ; en outre, je ne vois pas du tout la dépendance entre

les différentes structures différenciées dans le cas d'Elche, ou du moins, je n'arrive pas à

comprendre ce que signifie cette dépendance227 ; au contraire les auteurs ne voient pas,

malgré l’« analyse régressive », l'irrigation traditionnelle qui, à mon avis, est fondamentale

pour comprendre le paysage d'Elche et le déplacement de l'ancienne Ilici vers l'endroit de la

ville islamique et actuelle, ce qui permet de mieux comprendre l'évolution des structures

paysagères détectées.

L'article le plus récent d'Ariño, qui prétend être une synthèse des études sur le

paysage, est critique envers l'utilisation effectuée par G. Chouquer du concept « plus

éclectique et ambigu » de formes du paysage face à celui de cadastre plus fréquent dans

les années 80228. En postulant une « crise de croissance » dans les études du paysage suite

à l'introduction de nouvelles techniques, traditionnellement reléguées à l'étude de l'ancien

territoire, ce qui donne à une partie de la recherche espagnole le rôle de pionnière en la

matière, incorporant en guise de méthode les études paléoenvironnementales au moyen des

analyses palynologiques, et tout particulièrement les travaux de l'Université Centrale de

Barcelone de J.-M. Palet et J.-M. Gurt.

D'autre part, l'auteur croit que la crise de la recherche sur les paysages est due à

la faible attention prêtée à la prospection intensive combinée à l'analyse des formes des

225 (J. CORTADELLA, O. OLESTI, A. PRIETO 1998 : 43) 226 (E. ARIÑO 2003) 227 (E. ARIÑO et al. 1994 : 206) 228 (E. ARIÑO 2003 : 98)

Nouvelles directions de la recherche

-159-

paysages ; c'est pourquoi il souligne certains des travaux que j'ai réalisés à Isona [titres 37

= 41; 45:chapitres V et VI; titre 48: 429-439], bien qu'il me faille remarquer qu'il utilise de

façon erronée, du moins peu adéquate, mon concept de régularité organique à deux

occasions229, sans faire la moindre allusion à l'élaboration du concept ni à son créateur :

Il est très probable que nous soyons en présence d’une organisation ancienne plus ou moins régulière, mais de croissance organique [en italique, ce qui est de ma plume], imposé par la topographie et le drainage [en allusion à la structure régulière identifiée par O. Olesti de l'Université Autonome de Barcelone comme une centuriation en Iluro]. (…) Un autre phénomène qui commence à être documenté est l'utilisation de réticules géométriques modulés en actus qui n'occupent pas le paysage de manière continue, mais plutôt à la périphérie de zones avec des parcellaires de croissance organique [en italique, ce qui est de ma plume] de chronologie précédente (cas d'Aeso) (…)

Ce qui devrait me flatter parce que, selon P Bourdieu, « la plus grande

consécration que peut connaître un chercheur consiste à pouvoir se qualifier d'auteur de

concepts, d'effets, etc., devenus anonymes, sans sujet »230. Bien que, en utilisant les

mêmes concepts que Bourdieu, je crois qu'il s'agit simplement de la confrontation typique

au sein d'une lutte réglée du domaine scientifique « paysages » où Ariño serait mis à

l'unisson des travaux de l'Université Centrale de Barcelone, face à ceux de l'Université

Autonome de Barcelone ou de tout autre école.

Dans cette « confrontation » l'auteur considère qu'une nouvelle interprétation du

paysage est nécessaire, « révolutionner notre système de travail » ajoute-t-il, et propose un

exemple, étudié avant et après la « crise », avant et après la nouvelle proposition

méthodologique : le territoire de Galagurris. Toujours selon P. Bourdieu, il convient de se

demander si cette révolution aura l'effet de « transformer la hiérarchie des importances »

dans le domaine scientifique en question, dans la lutte pour « être ou se maintenir

actuel »231 ; j'essayerai de démontrer qu’en réalité il n'en est pas ainsi.

Tout d'abord, pour ce qui est de Calagurris et en partant de l'analyse du nom des

lieux qui témoigne d'une répétition de toponymes depuis le XIè siècle jusqu'à nos jours,

nous nous trouvons face à l'affirmation que le paysage ne montre que peu de différences

avec le paysage actuel ; ce qui est certainement douteux, car un paysage peut changer et

garder le toponyme ancien, reflétant ainsi une réalité antérieure. En outre, l'allusion à une

via vetera dans un document de 1162 est l'indice d'une voie ancienne, mais en aucun cas la

certitude qu'il s'agisse de la voie romaine. Par ailleurs, l'auteur ajoute que divers indices

comme la mention d'un aqueductum dans la documentation de 1046, l'existence du canal de

229 (E. ARIÑO 2003 : 100-101) 230 (P. BOURDIEU 2003 : 132) 231 (P. BOURDIEU 2003 Una lucha regulada : 111-126)

Nouvelles directions de la recherche

-160-

Sorbán, la documentation des restes d'un aqueduc romain qui ponctuellement suit

l'orientation de la centuriation, permettent d'affirmer que l'aqueduc a été modifié pour lui

donner un tracé rectiligne en accord avec la centuriation. Face à cette argumentation on est

en droit de s'interroger sur les raisons qui motivent l'adaptation du tracé d'un aqueduc à

celui des axes d'une centuriation ? Quels sont, en outre, les éléments archéologiques qui

permettent d'affirmer de telles modifications : relations stratigraphiques entre le canal

actuel, le canal médiéval et l'aqueduc romain ? Il s'agit là de conjectures, d'hypothèses de

travail, que l'on peut partager, mais en aucun cas de conclusions valables. A l'autre

extrémité on trouve l'hypothèse d'une irrigation au sein du cadastre B d'Orange, hypothèse

avancée suite à la fouille d'un canal localement isocline à la centuriation, rempli de dépôts

d'allochtones et daté en fonction des fragments de céramiques trouvés à l'intérieur 232

Par la suite, l'auteur propose un système irrigué à Valroyo avec terrassement et

nivellement des champs, ainsi qu'un parcellaire de « forme plus ou moins radiale » qui

semble dater de l'époque romaine (traces de matériel romain dans les terrasses), tandis que

la vallée du Cidacos est mise en marge de la division romaine parce qu'elle était sûrement

déjà occupée et irriguée à l'époque préromaine » [sic]. Finalement, il défend l'idée que la

perte de sol dans certaines zones serait la conséquence de l'irrigation :

Il est possible que ces sols pierreux (...) soient le résultat des processus de culture d'époque médiévale et que leur mise en culture par irrigation ait provoqué la perte du sol transformant, par le biais des charrues de l'époque, des terres cultivables en domaines inexploitables.

D'après mes connaissances, l'irrigation, de par ses caractéristiques (apports

extraordinaires d'eau aux cultures), est un facteur déterminant dans la conservation de sols

pour deux raisons : La première est l'apport constant de sédiments aux drains et domaines

où l'eau est acheminée. La deuxième est que les domaines sont étagés pour rationaliser

l'eau et bénéficier du phénomène de la gravité, mais tout en respectant l'horizontalité (voir

plus haut) et jouir d'une pente minimale, suffisante pour que l'eau se déplace, mais réduite

pour éviter l'érosion. Les seuls exemples connus de désertification et d'érosion des sols

sont le fait de l'abandon de l'irrigation et de la dégradation des terrasses qui contenaient le

sol ou de la salinisation des aquifères par surexploitation et abandon consécutif des

champs.

Je ne nie pas la possibilité des affirmations d'Enrique Ariño mais il n'y a pas dans

tout son raisonnement d'arguments qui viennent étayer de telles hypothèses. Où en est-on

de la révolution des méthodes de travail ?

232 (J. F. BERGER, C. JUNG 1996 : 103-105)

Nouvelles directions de la recherche

-161-

En droite ligne avec les travaux d'Ariño, bien qu'avec des nuances, nous trouvons

ceux de J.-M. Palet, et ceux d'autres auteurs, comme c'est le cas de S. Riera, palynologue

qui apporte des données paléoenvironnementales aux analyses morphologiques de J.-M.

Palet et J.-M. Gurt. Cet auteur possède l'avantage de s'attaquer aux études du paysage au

moyen d'une étude régressive de la documentation écrite, examinée et transcrite par lui-

même, d'une analyse rigoureuse et exhaustive de la cartographie historique et, finalement,

d'une prospection intensive des tracés routiers et d'une étude de quelques paysages

agraires fossilisés. Cette méthode lui a permis d'avancer l'idée d'une évolution diachronique

de la plaine littorale de Barcelone entre le IIè siècle av. J.-C. et le XIè siècle apr. J.-C.233,

bien qu'il ait aussi travaillé dans d'autres régions de Catalogne234.

L'opinion critique que je pose sur ces travaux se situe à deux niveaux différenciés :

La méthodologie d'un coté, et de l'autre les objectifs poursuivis. Dans le premier cas

l'analyse morphologique effectuée est loin d'être la plus adéquate à la problématique de

recherche, à cause, surtout, de la petite échelle à laquelle travaille l'auteur (contacts des

photographies aériennes à l'échelle 1 : 33 500 environ235) ; ce qui lui empêche d'entrer dans

le détail du parcellaire et qui conditionne l'exposé des résultats ; en effet, ceux-ci, une fois

publiées, s'expriment généralement sur des plans aux échelles proches de 1 : 178 000. Le

problème réside plus dans la méthode d'analyse que dans le résultat final ; toutefois, pour

bien comprendre les résultats, il me semble nécessaire de recourir à l'analyse des

parcellaires par le biais de clichés agrandis (échelle d'environ 1 : 15 000) ; de plus, les

résultats offerts dans la publication définitive devraient proposer des « sondages » de

certaines zones particulièrement significatives pour l'argumentation où l'analyse parcellaire

détaillée peut être mise en évidence et l'argumentation morphologique être comprise, ce qui

n'est pas toujours évident pour tout lecteur (entre 1 : 50 000 et 1 : 15 000 comme c'est le

cas pour le titre 45). À petite échelle, on perd les détails du parcellaire. En réalité, J.-M.

Palet ou E. Ariño, bien qu'invoquant le nom de G. Chouquer236, n'incorporent pas à l'analyse

morphologique ce qui a signifié l'analyse archéo-morphologique novatrice de la fin des

années 80 et le début des 90.

D'autre part, l'existence de modules variables dans une même trame de la pertica

est un phénomène qui n'arrive, si je ne m'abuse, que dans les cadastres comme ceux de

233 (J. M. PALET 1997) 234 (J. M. PALET, J. M. GURT 1998 ; J. M. PALET, S. RIERA 2001 ; J. GUITART, J. M. PALET, M. PREVOSTI 2003 ; J. M. PALET 2003) 235 (J. M. PALET 1997 : 33) 236 (J. M. PALET 1997 : 28)

Nouvelles directions de la recherche

-162-

Tarraco (Tarragone) et Barcino (Barcelone), tous deux étudiés par J.-M. Palet. Dans le cas

de Barcino, une centuriation se développe dans un module carré de 15 actus de côté, bien

que pour l'auteur l'utilisation fréquente d'un quotient équivalent à 5 actus ait dû servir à

introduire une série de variations dans le module base au secteur le plus proche à la ville,

où l'on forme des centuries de 15*20 actus et 150 iugera de surface237. Dans le cas de

Tarragone il propose, en outre, l'existence de deux trames au sein d'une même pertica

(Tarraco IV) avec une variation de 5 degrés dans l'orientation, se juxtaposant et se

matérialisant au sol dans une zone intermédiaire en conséquence de l'adaptation des axes

de la pertica à la topographie du terrain et aux itinéraires préexistants. À vrai dire, même en

ne doutant pas de cette relation de cause à effet, une telle exception à la norme générale

(existence de différents modules et de différentes orientations dans un même pertica)

nécessite une argumentation s'appuyant sur la morphologie et sur la documentation écrite

beaucoup plus détaillée.

Finalement, un autre doute sur les travaux de J.-M. Palet concerne la spatialisation

des données dérivées des analyses paléoenvironnementales effectuées par S. Riera. Ma

remarque est la même que celle qu'effectua C. Lavigne à D. Marguerie : « les

paleoenvironnementalistes n'ont pas de planimétrie ni formes planimétriques ». Les fouilles

analysés par chaque spécialiste, les trames parcellaires d'un côté, et les pollens, semences

et charbons d'un autre, paraissent se tourner le dos parce que, contrairement à la

localisation précise dans l'espace des zones mises en culture par les centuriations ou par

d'autres systèmes parcellaires, les reconstructions des paléoenvironnementalistes

ressemblent à des schémas ou à des représentations mentales, sans surfaces ni limites. En

ce sens, les doutes posés par Claire Delhon, et d'autres, dans un article destiné à clarifier

les Perceptions et représentations de l’espace à travers les analyses archéobotaniques238

me paraissent symptomatiques de l'utilisation du concept de mosaïque par les

paleoenvironnementalistes :

Le concept de mosaïque, issu de l’écologie végétale, est d’un grand secours pour l’archéobotaniste. Il lui permet de décrire une certaine diversité du mileu végétal et de contourner le problème de la localisation exacte des groupements phytosociologiques. Dans un paysage en mosaïque, on suppose que plusieurs groupements végétaux occupant chacun de faibles superficies se côtoient dans des zones écologiquement équivalentes et à des distances comparables du site archéologique, sans que l’on soit toutefois en mesure de les situer précisément en un point de l’espace. (…) Le terme de mosaïque, très pratique pour décrire l’hétérogénéité d’une végétation morcelée, ne permet cependant pas de véritable ancrage dans l’espace car il ne comporte aucune indication sur la taille exacte, la localisation précise, le nombre, la proximité ou la forme des parcelles occupées par chaque communauté végétale.

237 (J. M. PALET 1997 : 111) 238 (C. DELHON et al. 2004 : 292-293)

Nouvelles directions de la recherche

-163-

« Mosaïque hétérogène » est précisément le terme utilisé pour décrire le paysage

de la plaine de Barcelone dans un article coécrit par J.-M. Palet et S. Riera239.

Plus dans la ligne de Besançon, on trouve des chercheurs espagnols comme Oriol

Olesti ou Rosa Plana qui ont travaillé en terres catalanes, dans le nord-est de la Péninsule

Ibérique. Certains travaux de R. Plana ont été partiellement critiqués par M. Guy240 point de

vue de l'analyse métrologique, ce qui a permis de mettre en évidence une métrique grecque

(stade ionien de 600 pieds) pour le cadastre de l'arrière pays de la colonie grecque

d'Emporion241; et J.-M. Palet et J.-M. Gurt242, quant à eux, commentèrent les travaux de R.

Plana au sujet de l'identification des structures centuriées elles-mêmes. Toutefois, les deux

critiques (depuis l'aspect métrologique et morphologique) sont en accord et admettent que

le cadastre romain pourrait avoir renormé le cadastre grec préexistant. Sans disposer

encore d'éléments solides pour confirmer ou infirmer les propositions de R. Plana ou les

légitimes contre-propositions de J.-M. Palet et J.-M. Gurt, il manque à l'argumentation de

ces auteurs la démonstration morphologique que les deux trames parcellaires proposées

par R. Plana ne correspondent en réalité qu'à une unique trame parcellaire. Car, en réalité il

s'agit de la même polémique suscitée autour de l'identification de deux systèmes : le Forum

Domitii B proposé par A. Pérez et celui de Nîmes À, qui est réfuté au bénéfice d'une seule

trame dans la figure 1 de l'article de F. Favory243. En ce qui me concerne, je soulignerait

l'effort effectué par R. Plana pour mettre en relation, d'une part, les structures agraires

détectées avec le possible système agraire qui donne lieu à une certaine production et les

relations qu'ont pu maintenir les colons grecs avec les agriculteurs indigènes.

La majorité des travaux d'Oriol Olesti souffrent des défauts que j'ai soulignés dans

le cas des contributions précédentes. La déclaration d'intentions est très éloignée des

résultats finaux et la reconstruction de la grille cadastrale paraît être l'objectif principal.

Sans aller plus loin, le décalogue proposé dans un article de 1998 comme réflexions sur

lesquelles articuler une vision réformée de l'étude des paysages, paraît être orienté vers la

reconstruction du paysage et des trames qui le composent, plus que vers l'objectif principal

spécufiée : « l'étude des sociétés qui ont transformé ces territoires » ; ou : « l'objectif

prioritaire doit être le cadastre (...) comme le façonnement dans un territoire concret tant

des relations sociales, comme des mêmes conditions dans lesquelles ils ont été

239 (J. M. PALET, S. RIERA 2001) 240 (M. GUY 1996 : 191) 241 (R. PLANA MALLART 1994) 242 (J. M. PALET, J.M. GURT 1998 : 45-47) 243 (F. FAVORY 1997 : 98-99)

Nouvelles directions de la recherche

-164-

produits »244. Que se soit dans l’ensemble du décalogue ou dans le reste de l'article, je ne

parvient pas à découvrir les stratégies proposées qui pourraient nous mener à définir ces

rapports sociaux, que j'imagine de production, ni les conditions dans lesquelles ils ont été

produits. Des rapports sociaux qui sont sensés être la matière première de l’interprétation

de cette grille centuriée restituée.

Avant d’en finir avec cet alinéa, je voudrais faire une brève mention des travaux de

Jesus Moratalla qui, même s’ils ne font pas beaucoup progresser les études sur le paysage,

ont reçu une crédibilité acritique de la part d’auteurs tel que E. Ariño et L. Abad245. Plus

haut, dans l'espace consacré à Elche, j'ai critiqué certaines de ses approches. J'essayerai

ici de démontrer que la proposition d'extensions d'une éventuelle pertica au nord d'Elche246

dans la moyenne vallée du Vinalopó, ne peut pas être soutenue. Tout d'abord, une des

conditions indispensables quant à l’identification des restes d'une limitation, tel que

l’aménagement formel en carreaux de centurie, n’est pas remplit romaine. La photo-

interprétation de la planche II de son étude (page 567) ne permet d'apprécier à aucun

moment l'existence d'un aménagement de l'espace centuriée [fig. XVII]. Un rapprochement

de ce même espace, important pour l'auteur comme révélateur de l'ancien parcellaire,

démontre quelque chose de bien différent. L'interprétation de la figure 2 (page 554) de son

étude ne laisse aucun doute : l'aménagement formel du parcellaire analysé est typique d'un

parcellaire en bandes étroites. Il s'agit de l'organisation d'un espace (au point de confluence

entre un torrent et le Vinalopó, territoire de Monforte) en parcelles longitudinalespar rapport

aux grandes bandes. Organisées de part et d’autre d'un axe central qui suit la pente du

terrain jusqu'à rejoindre le torrent. Il s'agit d'un parcellaire en bandes qui s’organise suivant

un module de 147*73,5 m environs [fig. XVII, 2-3]. Il n'y a rien de Romain ni dans

l'aménagement formel ni dans la métrique utilisée. La critique habituellement faite aux

chercheurs, qui oublient qu'une limitation antique est une grille d'axes périodiques et que la

division parcellaire est une trame qui commence en fonction d'unités intermédiaires

fondamentales et régulières appelées centuries, prend ici tout son sens, car ils : « (…) se

sont contentés de relever de simples trames isoclines et ont imprudemment conclu à la

présence de centuriations. Sans une reconstitution, au moins vraisamblable, de ce niveau

individuel de cohérence de la forme, on ne peut interpréter dans ce sens (…) une trame

n’est pas une forme »247.

244 (J. CORTADELLA, O. OLESTI, A. PRIETO 1998 : 439-440) 245 (E. ARIÑO 2003 : 100 ; L. ABAD 2003 : 124-125) 246 (J. MORATALLA 2001) 247 (G. CHOUQUER 2000 : 132)

Nouvelles directions de la recherche

-165-

L’ARCHÉOGÉOGRAPHIE

Dans le volume 167-168 de la revue d'Études Rurales de 2003, G. Chouquer fit

part de la crise à laquelle les historiens et des archéologues de l'espace des sociétés

anciennes se trouvent confrontés248. Selon Chouquer, la crise était due au fait que les

contenus de l'archéologie du paysage n'étaient pas clairement définis et que « nous ne

savions pas par quoi remplacer les objets usés des problématiques géographiques et

géohistoriques ». Il nous explique aussi qu'après certaines hésitations dans l'utilisation de

mots composés et spécialisés (archéomorphologie, morphohistoire, morphologie

dynamique), une nouvelle discipline appelée Archéogéographie s'installe ; ses objectifs

seraient249:

C’est l’étude de l’espace des sociétés du passé et de ses dynamiques, dans toutes ses dimensions. C’est l’histoire de la transformation de l’espace géographique en écoumène habité, exploité, aménagé, transmis, hérité. Telle quelle, la discipline possède des spécialités dont certaines sont déjà opératoires : étude des objets géographiques ordinaires et planifiés des sociétés passées (habitats, voies, et parcellaires), la plupart sous forme hybridée ; étude des territoires ; étude des réprésentations que les sociétés anciennes ont de leur espace. (…)

L’objectif principal est la qualification des processus dynamiques qui transforment et transmettent les formes paysagères. Fondamentalement, cela conduit à considérer que la stratigraphie, l’empilement et les relations géométriques verticales de couche à couche ne peuvent plus être le seul fil conducteur de l’interprétation. Le « renversement du schéma stratifié » invite à rechercher d’autres relations, qui se lisent dans l’espace.

Puisque je m’inclus dans cette évolution finale de l'analyse morphologique, je crois

nécessaire de commenter mes réflexions sur certains des apports du volume. D'abord je ne

peux pas m'identifier avec les objectifs définitifs pour l'archéogéographie. L'objet de mes

recherches est la société du passé, et celle-ci a une scène productive. L'implantation d'une

société dans le territoire, et spécialement les structures agraires et les parcellaires, doit

pouvoir nous informer de ses stratégies même si celles-ci ne sont pas planifiées, si toutefois

c'est possible. Je suis d'accord avec la formulation de la crise postulée, les nouveaux objets

définis et spécialement bien décrits, mais il reste encore à définir leur intégration dans le

discours historique (le seul sujet historique possible est la société) et leur relation avec les

paysans (premiers utilisateurs des structures agraires définies). J'essayerai de concrétiser

ces questions quant à certaines des contributions du volume d'Études Rurales.

L'article de Claire Marchand250 expose de manière magistrale que l'existence des

centuriations italiennes, qui ont été conservées de manière extraordinaire jusqu'à nos jours

248 (G. CHOUQUER 2003) 249 (G. CHOUQUER 2003 : 17) 250 (C. MARCHAND 2003)

Nouvelles directions de la recherche

-166-

sans changement remarquable pendant plus de deux mille ans, est due à une accumulation

d'éléments structurels au fil du temps. Elles ne seraient donc pas l'oeuvre de leurs

créateurs originaux, la structure s'affirme avec les siècles. J'ai moi-même déjà proposé

l'existence de ce phénomène, sans toutefois, à l’image de Claire Marchand, modéliser ce

processus, dans le cas de la prolongation de l'importante limite intercisivus 10,5 de la

centuriation Orange A sur le plateau des Costières. A l'extrémité sud de l'axe, c'est

l'orientation de la centuriation Nîmes A qui jusqu'à 1953 prédominait, mais une

restructuration parcellaire postérieure, peut-être liée au Mas des Cerisiers, a provoqué la

prolongation de cet axe d'environ 3,7 Km et la construction d'un parcellaire isocline avec la

centuriation Orange A [titre 45: 97]. Ce que C. Marchand traduit dans une phrase brillante :

« c’est une virtualité antique qui est devenue matérialité moderne »251.

A la critique raisonnable que formule cet auteur sur la vision du paysage selon

laquelle à chaque forme doit correspondre une projection au sol d'un pouvoir institutionnel

(une forme – un pouvoir – une époque), j'en exposerai une bien différente. Si l'on admet

l'existence d'une autre réalité que révèle l'auteur (les formes auto-organisées et

autonomes), la question est donc de savoir si ces formes revitalisées ou matérialisées au fil

du temps, – forcément sous forme de limites de parcelles, parois de pierre sèche, fossés...,

et sont forcément matérialisées par quelqu'un (les paysans par exemple) – répondent à une

autonomie paysanne. S'ils sont autonomes, de qui les communautés paysannes sont-elles à

leur tour autonomes? Quel est leur poids dans le cadre productif de la région ou de ce

système auto-organisé... S'ils n'ont aucun poids, je suppose qu'il suffira de décrire la forme

agraire et de continuer à chercher des formes qui ont une signification. Si l'on me permet la

comparaison, c'est comme si on avait découvert une nouvelle espèce d'insecte. Une fois

définie, classée et dénommé, il faut l'intégrer dans la chaîne écologique à laquelle elle

appartient.

Je voudrai faire une autre observation, que je juge opportune, concernant la

question rhétorique que prononce l'auteur : « Est-il aisément acceptable de penser que la

forme centuriée, projetée sur le sol par des arpenteurs décidés à créer du neuf, soit restée

le cadre de la vie agraire, sans changement notable [en italique, ce qui releve de ma

plume], pendant un peu plus de deux mille ans ? » Même si cette question pose un doute, il

convient de répondre, tout simplement, non. Certes, les rapports sociaux, les techniques

agraires, les pouvoirs et contrepouvoirs ont été variés et multiples durant ces deux mille ans

et, par conséquent, il convient d'affirmer que ce cadre morphologique de la vie agraire a été

251 (C. MARCHAND 2003 : 100)

Nouvelles directions de la recherche

-167-

utile tout au long de cette période ; il a été redessiné, comme le démontre l'auteur, au fil du

temps et il l'a été au sein du même aménagement formel.

Face à cette situation je crois qu'il est utile de confronter ces résultats à ceux que

j'ai obtenus dans le cas espagnol et se demander pourquoi les centuriations hispaniques

(celle des zones où la société d'al-Andalus est restée davantage de temps et a

profondément transformé les structures sociales, agraires, les champs et la technologie

agraire) n'ont pas été redessinées, à l'instar de l'exemple italien, se transformant et ne

laissant quasiment aucune trace de la conception originale des champs romains ? Ainsi,

selon M. Barceló252:

(…) toutes les recherches archéologiques réalisées, bien qu'insuffisantes, sur les espaces ruraux d'al-Andalus - les alquerías, qu'elles soient isolées ou parties intégrantes d'un système - indiquent de manière très claire que les paysans ont produit un espace agraire différent de celui qu'il y avait avant, même si l'on ignore totalement ce qu'il y avait avant.

Toutes les recherches archéologiques réalisées (bien qu'insuffisantes) sur les

anciens espaces agraires indiquent précisément la même chose. La révolution agricole,

apportée par la nouvelle société, selon A.-M. Watson253, a rendu inutiles une grande partie

des cas ou, mieux, a transformé profondément les anciens espaces ruraux en les adaptant

à une nouvelle réalité. Plus important encore, ces paysans autonomes quant à leurs

décisions de créer de nouveaux espaces agricoles échappent, dans une certaine mesure,

au modèle historiciste des paysages critiqué par C. Marchand « une forme – un pouvoir –

une époque ». En créant l'option sociale que suppose l'irrigation, ils ont produit de nouvelles

formes d'établissements, de nouvelles façons sociales d'organiser les espaces, l'alquería ou

les systèmes d'alquerías qui partageaient un même cours d'eau et, en définitive, des

nouveaux processus de travail paysan, conséquence du contrôle que l'exigence de rente ou

de tribut introduit dans la logique productive paysanne254.

En définitive, il est certain que dans le cas italien la revitalisation des centuriations

est un fait incontournable malgré la période de deux mille ans et le passage de différentes

sociétés, mais je doute que cela ait pu être le cas des centuriations identifiées dans

l'espace qui plus tard fut appelé al-Andalus. Au cours de ces deux miles années le sol

italien a été plus adapté au cadre morphologique créé par les centuriations que celui d'al-

Andalus. Cette différence est justement la question à laquelle il faut répondre,

indépendamment de savoir qui est le responsable de ces transformations.

252 (M. BARCELO 1992 : 247) 253 (A. M. WATSON 1998) 254 (M. BARCELO passim)

Nouvelles directions de la recherche

-168-

L'article de Caroline Pinoteau suscite les mêmes observations ; elle y identifie des

trames mixtes physiologiques « hydro-parcellaires » qui seraient auto-organisées « au gré

de la vie de la population locale, sans projet social planifié global connu »255. D'accord, mais

une fois admise cette possibilité, qu'apporte-t-elle à la connaissance de la population locale

s'il n'y a pas eu de projet social planifié?

Cédric Lavigne, pour sa part, nous parle de la planification agraire médiévale et du

concept de planification discrète256. Il détecte l'existence de systèmes auto-organisés qui,

étant d'origine ancienne (voies, chemins et limites parcellaires principales), évoluent et

subsistent grâce aux multiples changements de détail qui les transforment. Il propose, en

outre, un espace global composé, un hybride dans le temps et dans l'espace, car sans une

analyse des formes agraires qui le structure, son étude est inconcevable. Et ce qui me

paraît le plus important257 :

On sait aujourd’hui que les formes paysagères se transmettent et se transforment selon des processus et des temporalités, faites de potentialités et de décalages, qui leur sont propres et qui ont à voir avec les conditions socioéconomiques de production [en italique, ce qui est de ma plume], mais pas du tout selon le schéma conçu jusqu’ici. C’est-à-dire non pas selon une variation en bloc, par grands seuils historiques induisant des changements repérables et brutaux (sauf cas avérés de planification agraire), mais selon une multitude de conditions locales, de dates très variées, suscitant, par leur enchevêtrement, la résilience d’ensemble de la forme. Ce sont bien les mutations incessantes de la forme et des fonctions agraires, sur une trame d’origine antique, qui construisent la stabilité structurale et non l’inertie des systèmes agraires traditionnels : tel est le deuxième changement de perspective.

Là aussi je suis d'accord. Je répète mes propositions précédentes : Nouvelles

formes, nouveaux processus de construction paysagère, mais pourquoi ne pas les restituer

dans ces conditions socio-économiques de production ? Quel est le rôle (cas de

planification agraire prouvée et autres) accompli par ces nouvelles formes dans les

conditions de production ? Quels en sont les auteurs, seigneurs de rente ou communautés

villageoises ? Si ce sont des paysans, de quelle autorité dépendent-ils? À qui payent-ils

leurs tributs ? Ce sont des questions qui ont besoin de réponses.

Je suis sûr que l'archéogéographie est une étape, nécessaire, mais une étape dans

la recherche des paysages.

MORPHOLOGIE APPLIQUÉE : ARCHÉOLOGIE PRÉVENTIVE

255 (C. PINOTEAU 2003 : 250) 256 (C. LAVIGNE 2002 ; 2003) 257 (C. LAVIGNE 2003 : 181)

Nouvelles directions de la recherche

-169-

L'archéologie de gestion est passée d'un statut de prestige, pour les villes au

patrimoine archéologique en sous-sol riche, à la connotation d'obstacle, de barrière. Le

regard que pose sur le patrimoine une bonne partie des planificateurs du sol (urbain ou

rural) a changé au cours des vingt dernières années suite à une gestion inadaptée et

surtout à une improvisation totale. Malgré les progrès obtenus, l'heure est au

mécontentement des professionnels du patrimoine culturel (départements d'archéologie des

universités, services techniques du patrimoine, municipaux ou autonomes, les chefs

d'entreprises de l'archéologie...) qui dénoncent une protection insuffisante et déficiente du

Patrimoine Historique ; il y a aussi la méfiance, voire une peur manifeste, par ignorance,

des responsables politiques quant au patrimoine ; Et enfin, au bout de la chaîne, il y a les

utilisateurs, les citoyens qui font preuve de sentiments contradictoires allant du

mécontentement provoqué par les interventions archéologiques obstruant les villes,

jusqu'au mécontentement et à l'incompréhension quand il y a perte, même partielle, de

fragments de leur passé, de notre passé. Toutefois, l'archéologie et le patrimoine ne doivent

pas être un frein au développement ni à la gestion du territoire, mais un outil de gestion et

un facteur stratégique.

Le manque d'harmonisation entre les politiques patrimoniales et les politiques de

R+D est la cause de ce phénomène. Il y a eu un a manque de relation entre la gestion de

l'archéologie et les lignes de recherche fondamentale, ceci est du d'une part à un manque

d'implication de l'Université, parfois auto-exclue, et aussi à l'absence de consultation de

celle-ci de la part des administrations au sujet de la création de lignes de recherche qui

résoudraient les problèmes de gestion. Dans le même sens, notons qu'il n'existe pas, à

l'image des universités françaises et italiennes, de formation spécifique ni de diplôme

universitaire propre ni même pratiquement de cours d'archéologie de gestion et moins

d'archéologie préventive. Ces concepts renferment une idée de la fouille comme méthode

de connaissance destructrice du patrimoine, non renouvelable. Ils utilisent la

morphodynamique ou les analyses morphodynamiques des paysages ruraux et urbains

comme outils et placent les territoires au cours de la recherche –les villes, leurs territoires

et leur planification. Les formes des paysages sont des systèmes structurant de l'activité

agricole et les marqueurs culturels dans le milieu, et les formes de l'habitat sont les

révélateurs de la présence humaine.

Cette méthodologie permet d'aborder globalement et diachroniquement les

territoires considérant en même temps le milieu physique, sa transformation par l'homme et

la répercussion de celle-ci en crises climatiques décelables dans le registre archéologique ;

sa gestion et utilisation dans le passé et les analyses prospectives de planification future,

en se transformant en un outil qui permet d'utiliser le potentiel du patrimoine –au sens large

: historique, archéologique, paysagistique, naturel... – comme facteur de développement

Nouvelles directions de la recherche

-170-

durable en termes économiques, sociaux et environnementaux et comme facteur de

cohésion sociale. Il suffit de rappeler les zones de l'Espagne rurale dont la seule ressource

est le patrimoine et qui ont déjà défini et mis en pratique des projets stratégiques basés sur

cette ressource.

L'objectif de base devrait être de concevoir une ligne de recherche pour la création

et l'amélioration de méthodes non destructrices dans le cadre d'une archéologie préventive

qui servirait à l'aménagement du territoire et à la protection de l'environnement. Le transfert

des résultats et des techniques servirait à former des spécialistes, à définir des politiques

publiques et des protocoles pour le diagnostic et la protection du patrimoine et de

l'environnement ; cela servirait aussi à la formation permanente de membres d'entreprises

de gestion du patrimoine constituées principalement par des P.M.E. et même à la création

de départements d'archéologie préventive au sein de grandes entreprises de travaux

publics.

Contrairement aux cartes archéologiques et à la dispersion de points sur un plan,

ce qui s'avère inopérant pour la prise de décisions prospectives, il devrait être possible de

définir les éléments constitutifs de deux documents de gestion urbaine et territoriale

historico-archéologique, tels que le C.N.A.U. de Tours les a proposés : Le Document

d'Évaluation du Patrimoine Urbain et le Document d'Évaluation du Patrimoine Municipal,

(D.E.P.A.U. et D.P.A.M. respectivement) dont l'esprit devrait être celui de la conception de

plans de potentialités patrimoniales, environnementales et d'aspects techniques qui

permettent l'aménagement du territoire sous l'angle d'une approche prévoyante et

stratégique visant à déterminer les valeurs plus opportunes et transformatrices d'une

politique territoriale, comme le préconise la STRATEGIE TERRITORIALE EUROPEENNE (ETE).

Nous pensons, par exemple, à la définition de ces composants qui supposent des

« dépendances historiques » du sol comme la présence de patrimoine au sous-sol et de ces

facteurs qui représentent une difficulté pour transformer ces « dépendances » en

avantages. Faits qui doit faire partie intégrante des systèmes d'information géographique

(S.I.G.) territoriaux ou urbains dans un but prospectif : nous pourrions considérer le prix du

sol, la puissance des sédiments stratigraphiques, formules de définition du coût de la

prospection, fouille et documentation comme d'autres propositions de diagnostic non

destructrices. Des recherches qui se trouvent derrière la récente loi de 2001 qui régule

l'archéologie préventive en France et qui devrait prochainement, selon les syndicats, souffrir

une modification.

Pour atteindre notre objectif principal, il devrait être possible de définir une

méthodologie de catalogage, de protection, de conservation et d'exploitation durable du

patrimoine paysager à travers une archéologie du paysage, ainsi qu'une évaluation des

Nouvelles directions de la recherche

-171-

résultats et de leur rentabilité sociale. La notion de paysage définie par la Convention

Européenne du Paysage comme « une partie de territoire perçue par les populations, dont

le caractère résulte de l'action de facteurs naturels et / ou humains et de leurs interactions »

(art. 1.a), doit être dotée de contenu. Pour cela la formation de spécialistes devient

nécessaire, comme le recommande aussi cette convention. Le contexte universitaire est le

plus adéquat puisque c'est là que les étudiants de troisième cycle seront formés à ces

méthodes et techniques ; puis à travers les accords université-entreprise, ils pourront

intégrer le monde du travail. C'est l'état d'esprit qui dominera cette année deux projets de

l'Université de Valence et de l'Université Autonome de Madrid. Dans le premier cas il s'agit

d'un Diploma de Agente de Patrimonio Rural (APR). Estrategias para la Revalorización del

Patrimonio Rural Valenciano ; j'y participerai en traitant le thème de la valeur patrimoniale

du paysage et de l'évolution du paysage rural de Valence. Pour ce qui est du projet de

l'Université Autonome de Madrid, il s'agit d'un cours de troisième cycle sur Nuevas técnicas

en la gestión del patrimonio, dans lequel je me chargerai d'expliquer les relations entre

l'analyse des formes et de l'archéologie agraire et l'archéologie préventive : morphologie

urbaine, rurale, pédologie, fouille de structures agraires, analyse des réseaux routiers...

Comme il a été avancé, l'archéologie du paysage et l'analyse morpho dynamique au

moyen de la cartographie historique ou actuelle en formats numériques ou numérisés ad

hoc ; la photographie aérienne ou scènes satellite, est la technique la plus adaptée pour le

développement de cartographies et de documents d'évaluation du patrimoine, d'atlas de

cartographie historique intégrés en SIG appliqués au concept de risque d'« impact

archéologique » dans l'archéologie préventive et la protection de Biens Culturels.

Dans le cadre urbain, la méthode est tout particulièrement importante car il s'agit

d'un espace réduit aux activités multiples, aux modifications historiques se succédant dans

l'espace ; de plus il s'agit d'un lieu où l'intervention contemporaine dans le sous-sol est

quotidienne et le besoin de méthodes de diagnostic indirect et non destructives est plus

grand.

Toutefois, la diversité physique et culturelle du territoire espagnol est si grande que

quelques exemples ne suffisent pas à concevoir un projet. Il s'agira donc de constituer un

vaste répertoire méthodologique à partir d'exemples de villes et de leurs territoires qui

répondent à un catalogue significatif des différentes origines culturelles, chronologiques et

physiques.

Je crois qu'il est aussi nécessaire de créer les bases d'un Observatoire Permanent

de l'Archéologie Préventive / Prospective afin de diagnostiquer et d'évaluer l'impact

économique et social des cas ayant eu recours au patrimoine comme ressource pour la

promotion du développement durable dans des zones agricoles, et pour la création d'une

Nouvelles directions de la recherche

-172-

banque de données qui serve à l'échange d'expériences dans la conception de ce type de

politiques.

Un projet de ces caractéristiques n'aurait aucun sens sans le transfert de ces

connaissances à la société civile et sans sa participation ; il s'agit d'évaluer des

expériences et d'apporter des ressources muséologiques et muséographiques nouvelles qui

montrent aux citoyens des réalités complexes, comme un territoire ou des formes agraires

ou des planifications urbaines, uniquement révélées à travers le prisme cartographique ou

télématique. Pour cela l'apport des techniques de la Société de l'Information et la

reconstruction d'espaces virtuels et d'autres moyens d'exposition, serait de premier ordre.

Nous avons aussi collaboré avec l'entreprise muséographique General de Producciones y

Diseño sur des thèmes de cette nature : territoire, centuriations et irrigation de la Huerta de

Valence intégrés dans la Machine du Temps du Musée d'Histoire de Valence (M.H.V.) [fig.

XVIII 1 et 2].

MULTIPLICATION ET MODÉLISATION DES HYPOTHÈSES MORPHOLOGIQUES

Pour diverses raisons la tâche effectuée dans l'ouvrage Las formas..., [titre 45] est

insuffisant. Dans un premier temps, la majorité des cas d'études analysés sont uniquement

le fruit d'hypothèses. Même quand certaines de ces hypothèses furent vérifiées sur le

terrain au moyen de prospections ou d'éléments de fouilles intégrés, comme à Ibiza, Isona,

Les Alcuses ou au Maroc... , [titres 35, 38, 39, 43, 46 : figs. 102-106...], je me suis

consciemment passé d'elles dans l'édition définitive de la publication. Je prétendais

provoquer le même fertile débat que connu la France durant les années 80 et 90, tout en le

mettant à jour de la critique des hypothèses morphologiques émises jusqu'à alors. Dans un

deuxième temps, même si les exemples sont nombreux, ils sont globalement insuffisants.

Les critères de sélection des cas d'études étaient conditionnés par trois éléments

globalement insuffisants mais nécessaires sur le moment ; il s'agissait, je l'avoue, de

« brûler » les étapes :

1. Critère morphologique, là où les formes du paysage étaient évidentes et liées à

des processus historiques connus et reconnaissables de colonisation agraire.

2. Critère chronologique, la tentative de constitution d'un vaste catalogue des

formes agraires allant des périodes plus anciennes aux plus récentes.

3. Un critère de connaissance scientifique, enfin, qui privilégiait des zones où l'état

avancé de la recherche ou l'existence de programmes de recherches qui

requéraient une analyse de la morphologie parcellaire.

Nouvelles directions de la recherche

-173-

Il est évident que ces trois éléments ont conditionné le contenu de l'oeuvre. Les

paysages qui y sont répertoriés sont stéréotypés, classés chronologiquement et dépourvus

d'argumentations archéologiques ; toutefois, cet ouvrage possède la vertu de présenter un

répertoire de formes qui suivent la ligne de recherche proposée par G. Chouquer.

L'identification des structures de voies et de systèmes parcellaires, et la restitution des

systèmes centuriés répertoriées dans mon essai « sont à considérer comme des

hypothèses relatives à une dimension du paysage étudié, la morphologie agraire, et en

partie seulement »258.

Je crois nécessaire, en outre, l'élaboration d'un vaste catalogue de formes ainsi

comme une réflexion sur la formation, la création, l'évolution et la dégradation de ces

dernières dont certains des objectifs sont clairement explicités dans le tableau récapitulatif

de l'article relatif au programme de l'archéogéographie de G. Chouquer259, et d'autres qui

peuvent apparaître :

1. Nouvelle lecture des formes agraires.

2. Apports de l'archéologie préventive.

3. Étude des formes auto-organisées.

4. Évaluation de la relation entre morphologie et archéologie.

5. Requalification de l'objet planifié.

6. Dissociation entre assignation et territoire de la ville.

7. Réévaluation des formes médiévales et modernes.

8. Nouvelle lecture du corpus des arpenteurs anciens et des textes médiévaux.

9. Planification protohistorique.

Comme point de départ, l'aspect plus « exotique » et éloigné est, je crois, la

réalisation indispensable d'une étude d'ethnoarchéologique sur la morphologie du township

Américain qui pourrait être réalisée par un étudiant américain de maîtrise ou DEA réalisant

ses études en Europe. Selon R. Lebeau ce système de division a été fixé en 1785, quand le

territoire américain a commencé à supporter une structuration en carreaux réguliers d'une

mille de côté (1 609,3 m), la section, pour distribuer l'espace entre les colons. Au tout

début, le lot de base était le quart de section, ce qui est plus grand que la centurie romaine

(un carré de 804,6 m environs de côté et de 64,7 ha de surface). Plus tard, avec la

258 (F. FAVORY 1997 : 102) 259 (G. CHOUQUER 2003 : 16)

Nouvelles directions de la recherche

-174-

colonisation du Far et du Middle West, les lots ont été doublés ou quadruplés260. Un groupe

de 36 sections formait une unité administrative, le Township étant équivalent, mutatis

mutandis, au concept de pertica.

J'ai récemment étudié quelques images aériennes et certaines cartes à l'échelle

1:24 000 des grandes extensions de cette forme agraire à Indianapolis ou à Chicago et je

crois qu'elles offrent un excellent domaine de recherche sur une morphologie agraire proche

à celle des systèmes centuriés, domaine de recherche récemment entamé par G.

Chouquer261. Tout d'abord, bien que ne se soient écoulées que 220 années (face aux 2 000

des paysages anciens) le paysage de colonisation n'est ni figé ni immuable. Il a souffert des

transformations, mais il a aussi assimilé, au moment de sa mise en place, des éléments de

l'ancien paysage indigène. La distinction sur les plans actuels de certaine indian road qui

serpente sous la grille omniprésente du township est symptomatique. Il est également

surprenant de constater que tout l'espace n'a pas fait l'objet de divisions matérialisées au

sol ou alors nous sommes en présence d'éléments non isoclines (non orientés par rapport

au towship) qui organisent de petits espaces. En plus du façonnement sur le terrain, visible

sur les photographies aériennes et dans la cartographie, dans cette dernière apparaît la

grille virtuelle, donc administrative, qui divise des espaces où elle n'a pas été matérialisée

sur le terrain.

Toutes ces données serviraient à apporter un élément mineur, pour ainsi dire, à la

récente histoire américaine mais, avant tout, une réflexion valable et utile pour comprendre

et essayer de connaître les processus de création, de dégradation et de construction des

paysages. Beaucoup de doutes, vus précédemment, exposés par E. Ariño sur la

matérialisation physique des centuriations seraient ainsi éclaircis.

D'un point de vue méthodologique je crois qu'une mise en commun des études des

paysages manque et devient nécessaire dans mon pays. Une réunion scientifique qui

rassemblerait les chercheurs travaillant en Espagne sur le thème de la morphologie des

paysages est indispensable ; au cours de celle-ci présiderait la même philosophie que celle

du volume 26 de la Revue Archéologique de Narbonnaise (1993) ou de la journée d'étude

du GDR 954 du CNRS le 27 février 1995, dont le texte proposé pour la réunion par J.-L.

Fiches : « Tracés directeurs de la Nîmes antique et de ses campagnes »; où on a proposé

« (…) un bilan précis, noter les évolutions, mettre en évidence un certain nombre de

questions et de problèmes méthodologiques, ouvrir des perspectives ». Réunions qui ont

contribué à établir des critères unifiés de description des cadastres, à établir les critères de

260 (R. LEBEAU 1969 : 102-103) 261 (G. CHOUQUER sous presse)

Nouvelles directions de la recherche

-175-

datation et de chronologie des limitations romaines, de bases méthodologiques pour

continuer la recherche, de définition de stratégies méthodologiques et morphologiques, de

formes de coopération entre différentes disciplines et chercheurs. La tâche reste entière

dans mon pays et la désunion entre les différents groupes qui travaillent sur ce thème est

totale.

Une autre tâche tranchante est la modélisation des formes médiévales attachées

tant à époque islamique que chrétienne. Il est nécessaire de former les étudiants

médiévistes en analyse morphologique pour qu'ils puissent continuer le processus, que j'ai

moi-même engagé, de comparaison des formes agraires de l'irrigation islamique et des

formes agraires de l'irrigation dans le Nord de l'Afrique. Cela permettra de définir les

évolutions propres et inhérentes au processus historique hispanique, ainsi que de faire

toute la lumière sur l'existence d'une morphologie propre de l'irrigation. En ce sens, une

analyse de morphologie agraire et de modélisation des parcellaires géométriques

marocains me paraît aussi d'une importance vitale (parcellaires en bandes ou en lanières)

qui sont construit dans le but d'assigner les terres comme forme de paiement aux troupes

guich (ar. djich = troupe armée) depuis le milieu du XVIè siècle262. Terres qui ont été

administrés en collectivité, bien que les tribues soient exclusivement considérées comme

des usagers, le domaine restant la propriété éminente de l'État.

Une analyse exhaustive, en parallèle, des formes médiévales répertoriées dans le

Pays Valencien me paraît indispensable (conquête catalane postérieure au XIIIè siècle),

des textes médiévaux, principalement les chartes de peuplement, et de l'adoption du droit

romain. De sorte que la datation du vocabulaire décrit précédemment s'avère nécessaire,

ainsi qu'une étude prosopographique des principaux personnages qui étudièrent le droit

romain (Lois) à Bologne afin de les mettre en relation avec les partiteurs et arpenteurs qui

ont travaillé à la distribution et à la division les terres du nouveau royaume. Il me paraît

évident que cette incorporation du droit romain dans la pratique de la gestion de l'espace

par Jacques Ier et l'apparition d'un nouveau vocabulaire vers le milieu du XIIIè siècle n'est

pas du au hasard et que les sources d'inspiration doivent être cherchées à Bologne.

Toutefois, les tenants et les aboutissants de la démonstration n'ont pas été fixés et doivent,

à mon avis, être établis par quelqu'un dont la formation allie une base de médiéviste, une

formation rigoureuse en analyse morphologique et une connaissance du droit romain adopté

au XIIIè siècle.

Or, depuis 1996 je ne cesse de répéter que la région qui mérite une étude

approfondie et pluridisciplinaire est celle de Murcie [titre 26 : 330-331]. Un passé antique et

262 (J. LE COZ 1965)

Nouvelles directions de la recherche

-176-

une fondation de la ville à l'époque émirale, une documentation chrétienne éloquente et la

possibilité de situer dans l'espace l'évaluation agrologique et fiscale de l'azimen (cadastre à

finalité fiscale), ainsi que la forte intervention chrétienne dans certains secteurs de la

Huerta, sont des éléments qui font de Murcie et de son environnement une région

privilégiée pour l'étude de la planification médiévale. Il semble que C. Lavigne l'a compris,

en effet il a mis en marche un projet de recherche sur la morphologie agraire de Murcie et

observe263 :

Sur près des deux tiers de la huerta (principalement au nord et à l’est de Murcie), l’analyse morphologique permet de mettre en évidence de très vastes trames organisées en longues bandes parallèles, lesquelles servent de cadre à une division géométrique sur la base de champs de très petite taille (document 4 et 5). Certaines s’étendent, avec la même orientation, sur prêt d’une dizaine de kilomètres. D’autres ont une extension plus réduite. Il semblerait donc que la colonisation chrétienne, organisée de façon méthodique par Alphonse X à partir de 1266, date à laquelle la ville et son territoire sont définitivement incorporés à la couronne de Castille, soit passée, au moins pour les secteurs concernés par la troisième et quatrième répartition, par une restructuration radicale des terroirs hérités de l’époque musulmane. Or, la lecture des synthèses historiques anciennes et récentes fait apparaître une interprétation différente fondée sur l’idée d’une répartition des terres aux chrétiens par transfert de la propriété, respectant donc le cadre morphologique en place (…)

Cependant, à cette approche nous pouvons objecter qu'il est possible que cette

restructuration radicale des champs hérités d'époque musulmane soit la conséquence de

l'abandon partiel de la Huerta et de l'abandon complet des terrains non irrigués par les

mudéjares qui finirent par émigrer à Grenade, et du retour d'une bonne partie des nouveaux

habitants à leurs régions d'origine, comme l'a exposé J. Torres Fontes dans les deux

articles264. Apparemment, entre la conquête chrétienne et le XVè siècle, de constantes

épidémies, de mauvaises récoltes, des fléaux de sauterelles et des inondations ont

contribué au dépeuplement de la zone et par conséquent à l'abandon de terres se

transformant progressivement en marais. Devant cette situation les autorités de la ville

exigeront aux Rois Catholiques la possibilité de drainer ces terres le marais avait gagné. Il

est probable qu'une partie de la restructuration observée par Lavigne est celle qui fut faite à

cette date pour planter du riz dans les zones inondable du Segura, culture totalement

absente de la documentation. Dans ce cas il est possible que structure parcellaire et

système agraire changent en même temps.

Le dernier effort nécessaire en rapport avec la modélisation de certaines des

formes identifiées comme hypothèse concerne les possibles structures protohistoriques et

la nécessaire matérialisation et identification par des méthodes archéologiques de ce que

j'ai appelé régularité organique et des formes attribuées à la protohistoire. Il devient donc

263 (C. LAVIGNE 2004, extrait du projet de recherche) 264 (J. TORRES FONTES 1971 ; 1972)

Nouvelles directions de la recherche

-177-

nécessaire de parvenir à modéliser certains des exemples décrits comme parcellaires

protohistoriques (Liria, Isona...) mais aussi certains des systèmes irrigués qui reproduisent

cette même morphologie.

Il convient de rappeler qu'à l'heure actuelle le Laboratoire d'Optique de Besançon

ne dispense plus le service d'analyse de filtrat directionnel et métrologique qui fut si utile au

cours des dernières années. A l'avenir il faudra faire un effort supplémentaire pour obtenir

ce que ce laboratoire a commencé il y a de nombreuses années : obtenir un programme

d'utilisation simple au niveau de l'usager pour pouvoir réaliser des filtrats directionnels et de

métrologie des lignes d'un paysage en particulier.

ARTICULATION DE LA MORPHOLOGIE AGRAIRE ET LES DONNÉES DE PROSPECTIONS

RELATIVES A L'HABITAT ET LES CHAMPS DE CULTURE

(...) l’analyse d'une formation sociale concrète doit tourner autour du mode de formation de l'excédent caractéristique de cette formation, des transferts éventuels de l'excédent et vers d'autres formations et à la distribution intérieure de cet excédent entre les différentes parties concernées (...)265

Je crois que ces mots définissent bien, à mon avis, l'objectif de l'histoire comme

forme de connaissance des sociétés du passé. Je ne nie pas qu'il existe d'autres formes de

connaissance des sociétés, mais la simple description de ses conditions de vie, de sa

culture, de ses manifestations artistiques, religion, idéologie... est insuffisante. Comment

quelqu'un qui a consacré une bonne partie de sa vie de chercheur au monde funéraire et à

l’interprétation les restes archéologiques des rituels funéraires allait-il le faire? Toutefois, la

majeure partie du temps, la majeure partie de la population, la majeur partie de l'histoire et

de notre monde, a été consacrée à la subsistance de quelques-uns et l'accumulation de

l'excédent par d'autres. Cette subsistance et cet excédent était, jusqu'il y a bien peu en

termes historiques, la finalité du travail de la terre. Paraphrasant M. Barceló, c'est là

l'objectif, à moins que l'on considère la formation, la capture, le transfert et la distribution

intérieure de l'excédent, comme quelque chose naturel. Dans ce cas, il faut expliquer ce

miracle selon lequel « les paysans s'occuperaient volontairement de maintenir un grand

groupe d'illustres oisifs »266.

L'archéologie spatiale, du peuplement, de l'occupation du sol, des parcellaires ou

du paysage... peut et doit s'occuper de ces questions. L'archéologie des parcellaires offre

un point de vue privilégié sur l'étude des sociétés du passé. L'objet parcellaire n'est autre

que la rationalisation mise au service de la production et de l'exploitation du milieu par les

265 (S. AMIN 1974 : 67)

Nouvelles directions de la recherche

-178-

sociétés agraires. Son identification et étude, liées à d'autres méthodes et à d'autres

techniques doivent pouvoir permettre de comprendre la relation existante entre la société et

la nature en vue d'obtenir un excédent. Si, par exemple, l'arrivée des Romains en Hispania

suppose une série de changements radicaux dans les structures agraires, c'est non

seulement un indice de l'impérialisme jouisseur de certaines classes oisives, mais aussi des

nouvelles formes d'exportation du problème, d'extraction de l'excédent entre la société

colonisatrice et la société colonisée, et entre des indigènes qui verront augmentées leurs

possibilités par ces changements, et d'autres indigènes moins heureux. Tout cela canalisé

par une fiscalité spécifique qui s'occupera de transférer et de « distribuer » cet excédent.

L'information que nous possédons sur ces processus de stratégies et de

distribution est faible, malgré la connaissance produite. C'est pourquoi, à l'avenir une bonne

partie de mes recherches auront pour objectif de définir et de conceptualiser le registre

archéologique qui permet de les comprendre, principalement pour la période antique :

dispersion et taille des unités de production agraire, dimension des espaces productifs,

cohérence entre eux et les descripteurs qui permettent de définir toutes ces données. Ce

qui revient à dire, en empruntant les mots de F. Favory, « faire vivre les parcellaires

d’époque romaine pour comprendre leur fonctionnement avec l’habitat contemporain, ce qui

m’a conduit à l’occupation de l’espace structuré par ces systèmes parcellaires cohérents et

à la dynamique du peuplement »267.

Je crois que la manière adéquate d'approfondir dans la formulation de ces

« questions » le registre archéologique est de concentrer nos efforts sur trois ou, au

maximum, quatre régions permettant d'articuler les données dérivées de l'analyse de la

morphologie agraire avec celles de la prospection des habitats et des champs de culture.

Les excellents résultats obtenus pour la vallée du Rhône268 sont la conséquence de la mise

en pratique de ces mots que nous venons de citer. Pour moi, ces zones sont celles qui ont

été exposées précédemment : les îles Ibiza et Formentera, le triangle Liria -Valencia -

Sagunto, le Campo d'Elche et les Abruzzes italiens.

Pour commencer par la fin, je crois nécessaire, depuis longtemps [titre 45 : 269-

271], un projet269 à mi-chemin entre la modélisation de l'analyse morphologique et

l'articulation des données morphologiques avec celles qui sont dérivées de la prospection

266 (M. BARCELO 1992 : 245) 267 (F. FAVORY 2000 : 11) 268 (ARCHAEOMEDES 1998) 269 Pour laquelle j’ai sollicité une aide financière à l’UMR 7041 pour une mission préalable.

Nouvelles directions de la recherche

-179-

de l'habitat et des champs de culture. Il s'agit des formes du paysage de la ville de Sulmona

(Abruzzes), l'ancienne Sulmo du poète Ovide.

Cette région offre des conditions de départ qui peuvent éclairer la problématique de

la morphologie agraire de l'irrigation. Les textes de Pline et d'Ovide donnent un témoignage

assez direct d'une ancienne irrigation destinée, entre autres, à la culture du lin, très célèbre

à l'époque ; de la même manière que l'archéologie des restes de canalisations anciennes en

articulation avec un système irrigué moderne, en fonctionnement de nos jours270. La figure

que nous offrent E. Mattiocco et F. van Wonterghem prétend mettre en rapport le réseau

hydraulique hypothétiquement ancien avec les propositions d'anciens cadastres271 ;

cependant, elle pose quelques problèmes car il s'agit de comparer « la planimétrie [actuelle]

schématique des canaux de dérivation du Sagitario et du Gizio » selon la carte 369-II

Sulmona à l'échelle 1:25 000 de l'IGMI (Institut Géographique Militaire) et la réalité virtuelle,

ancienne, d'une des deux centuriations d'époque des Gracques (Corfinium-Sulmo I = N-

38º45 'W et module de 15*15 actus) proposées pour la plaine alluviale entre les villes de

Corfinium et de Sulmo. Il est regrettable que la grille proposé pour la centuriation

augustéenne (Corfinium-Sulmo II = N-39º30 'E et module de 20*20 actus) n’ait jamais été

présentée ni par Chouquer, ou d'autres, ni par Mattiocco et Wontherghem, puisqu'il s'agit de

l'orientation dominante de la plaine alluviale et, par conséquent, l'endroit de plus fortes

coïncidences entre la centuriation et les canaux qui arrosent la vallée dominée par

Sulmona. Si nous pouvions confirmer ces indices et ainsi prouver qu'il s'agit d'une irrigation

ancienne et de la coïncidence de ce dernier avec les axes de la centuriation Corfinium-

Sulmo II, nous aurions alors la démonstration de la thèse soutenue précédemment (voir

supra, Villareal) : la conception simultanée d'un paysage irrigué et d'une centuriation est

possible dans le même cadre morphologique. Ce qui est parfaitement cohérent avec les

intuitions des recherches menées à terme en Jingyang (Chine) par le géographe Pierre

Gentelle272

Un élément de comparaison de cette zone d'étude se trouve dans un projet

d'archéologie préventive auquel je participe au moment où je rédige ces lignes et qui devrait

servir de base à l'union de deux zones qui ont probablement en commun la culture du lin

dans l'Antiquité. Il s'agit de la villa romaine d'Els Alters (l'Énova, Valence) qui vient d'être

fouillée dans le territoire de l'ancienne Saetabis, le lin qu'elle produisait était parmi les plus

270 (E. MATTIOCO, F. VAN WONTERGHEM 1995 : 202, fig. 3) 271 (G. CHOUQUER et al. 1987: 133-136, fig. 28) 272 (P. GENTELLE 2003 : 168)

Nouvelles directions de la recherche

-180-

célèbres d'Europe selon Pline273. Les fouilles ont mis en évidence l'existence de deux

grands bassins, séparées par une paroi de la pars urbana et que nous pouvons interpréter

comme les cuvettes de ruissellement du lin. La première approche à l'étude du paysage a

permis de situer la ville à proximités d'une zone où les sols hydromorphes dominent et sont

organisés par une structure agraire en grandes bandes de morphologie médiévale. Les

agriculteurs de la zone m'ont informée que jusqu'à la moitié du XXè siècle on y cultivait du

riz, production agricole qui représentait au XVIIIè siècle 88 % de l'activité agricole. Ce qui

suppose que les nécessités d'humidité de la culture du lin ont dû être satisfaites dans un

espace équivalent à celui qui en époque moderne était consacré au riz, la zone de sols

hydromorphes dominée par le canal principal qui apporte l'eau de la rivière Albaida. Les

conditions pluviométriques de la zone (environs 600 mm annuels face aux 800 mm de la

région de Sulmona) permettent d'aventurer l'hypothèse de la nécessité d'irrigation dans

cette zone pour la culture du lin. De même, la présence de la villa au bord d'une zone

inondable et humide rappelle le cas de la villa Le Vernai (Saint-Romain-de-Jalionas, Isère)

a dû mouiller le chanvre (besoins agrologiques très semblables au lin) aux abords d'un

milieu humide, au cours de la période comprise entre l'an 15 apr. J.-C. et le IIè ou IIIè siècle

apr. J.-C.274

En ce qui concerne les autres régions, il s'agit de les aborder avec des critères

combinés d'analyse morphologique et spatiale. La première tentative effectuée à

Formentera avec des descripteurs adaptés à la spécificité de la région, bien

qu'exclusivement d'un point de vue spatiale [titre 13], a pu être renforcé par la conjonction

des faits venants des prospections systématiques d'Aeso et l'introduction des données

parcellaires dans un SIG (GRASS) [titre 37 = 41]. En fait, ce décrypteur des sites a été

utilisé pour la première fois dans la zone du Beaucairois275, bien qu'il n'ait pas été pris en

considération lors d'études postérieures qui ont systématisé la méthode pour le projet

ARCHAEOMEDES.

L'objectif n'est autre que de définir les formes de l'habitat en suivant les mêmes

étapes que le projet ARCHAEOMEDES ou celles de la systématisation effectuée par F.

Bertoncello276 dans le midi ou encore celles de J.-P. Vallat en Italie, déjà citées; l'objectif est

aussi d'obtenir une typologie au moyen de méthodes d'analyses statistiques variable

(Analyse Factorielle de Similitudes et Classification Ascendante Hiérarchique) que j'ai déjà

273 (C. PLINIO SECUNDO, Naturalis Historia, XIX, 9 : « ... ubi a Saetabis tertia in Europa lino palma ») 274 (J. F. BERGER et al. 2003) 275 (F. FAVORY, J. L. FICHES, J. J. GIRARDOT 1987-1988 : 71) 276 (F. BERTONCELLO 1999)

Nouvelles directions de la recherche

-181-

utilisé moi-même dans l'étude de Formentera, même si cette méthode se trouve à la

« préhistoire » de l'informatique et des études de classification des sites. Classer ce même

habitat par des propriétés archéologiques, chronologiques ou spatiales permet d'aller au-

delà de la simple taxonomie traditionnelle (vicus, ville, hameau...). Ensuite, classer les

habitats en fonction de leur implantation dans le sol et des paysages qui les entourent ainsi

que les relations entre les habitats eux-mêmes afin de pouvoir comprendre l'organisation

des réseaux d'habitats par rapport à ces mêmes paysages.

Dans le cas des îles d'Ibiza et de Formentera, la principale question est de savoir

si l'évolution interne des forces productives de la fin du monde punique est réellement

comparable à celle du monde romain, ou s'il s'agit du résultat d'une dynamique interne due

aux contacts précoces qui confèrent à Ebusus sa condition insulaire. Et ainsi vérifier si les

structures agraires observées (de datation considérablement difficile pour le moment) sont

propres de la société punique ou de la société romaine, ou bien sont une création punique

croissant sur une transformation romaine. Afin de déterminer ces extrêmes, il me paraît

fondamental d'établir, dans un tableau global organisateur (organisation d'un ou de deux

fundi), s'il s'agit réellement d'un phénomène d'îlots parcellaires ou d'une continentalisation

morphologique des manifestations dispersées sur les îles des structures agraires isoclines

(organisation d'une grille centuriée, pertica, pour chaque île).

Les prolégomènes de la problématique concernant le triangle Liria - Valencia -

Sagunto ou même pour le Campo d'Elche sont très différents. En effet, il s'agit de vastes

territoires qui, sauf pour Edeta, manquent de prospections systématiques. Je ne vois d'autre

solution que d'affiner les analyses morphologiques de détail (on ne peut continuer à

interpréter des éléments spatiaux en rapport avec la tablette d'Elche sans établir une étude

morphologique définitive) et augmenter les prospections permettant la mise en rapport des

deux registres. Il est très probable que ces analyses de détail devront être effectuées dans

le cadre de recherches académiques sous forme de travaux de recherche divers.

Cependant, et indépendamment des problématiques historiques et morphologiques

citées plus haut, je crois indispensable de définir la chronologie de l'implantation de ces

structures centuriées dans le but de confirmer si leur plus grande prolifération date

effectivement de l'époque césaro-triumvirale ou de celle qui la précède immédiatement,

comme c'est le cas d'autres régions de la Méditerranée. Comme l'archéologie préventive

espagnole est encore très loin de développer une véritable archéologie des parcellaires, la

seule chose que je crois qu'il nous reste à faire à l'heure actuelle et pour l'instant est de

parvenir réellement « à faire vivre » les parcellaires liés aux centuriations pour comprendre

leur fonctionnement par rapport l'habitat contemporain.

Liste des travaux

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Liste des travaux

LISTE DES TRAVAUX

Liste des travaux

-197-

TRAVAUX

LA : Auteur d’un livre

AC : Article dans un

congrès

RR : Rapport de

Recherche

T : Traduction d’un article

pour une revue ou

congrès

LC : Co-auteur d’un livre

AR : Article dans une

revue

CR : Compte rendu

CL : Coordinateur d’un

ouvrage

AO : Article dans un

ouvrage

1986

AC

1. E. Díes Cusí, R. González Villaescusa, Las tinajas de transporte

bajomedievales y sus marcas de alfarero, Actas del Ier Congreso de

Arqueología Medieval Española, (Huesca 17-19 Avril, 1985), Zaragoza,

1986, tomo V, pages 613-631.

1987

AC

2. R. González Villaescusa, Aspectos de la romanización del País Valenciano

a través del estudio de las necrópolis rurales, Jornades Internacionals

d’Arqueologia Romana, Granollers, 5-8 de febrero de 1987, 1-Documents

de Treball, 127-134.

1989

RR

3. J. Gisbert, R. González Villaescusa, P. Fumanal et al., Vinyals (Ondara).

Una necrópolis del territorium de Dianium, 1989 (inédit).

1989

RR

4. R. González Villaescusa, Introducción al patrón de asentamiento de la

Edad del Bronce en Formentera, 1989 (inédit).

1990

LA

5. R. González Villaescusa, El vertedero de la Avenida de España, 3 y el siglo

III d. de C. en Ebusus, Trabajos del Museo Arqueológico de Ibiza nº 22,

1990, 160 págs. [ISBN 84-87143-01-6]

1990

AR

6. R. González Villaescusa, Mª José Fuentes Estañol, Nueva inscripción

púnica hallada en Ibiza, Studi Epigrafici e Linguìstici 7, Verona 1990, pages

123-127.

Liste des travaux

-198-

1991

AR

7. R. González Villaescusa, Aspectos de la romanización del País Valenciano

a través del estudio de las necrópolis rurales, Cullaira 3, 1991, pages 53-

70.

1991

AR

8. M. Monraval, R. González Villaescusa, J. Blasco, Aportaciones al estudio

arqueológico de Cullera desde época ibérica a la Antigüedad tardía,

Cullaira 3, 1991, pages 17-41.

1992

LC

9. J. Fernández, J. Oriol, R. González Villaescusa, Marcas de Terra Sigillata

del Museo Arqueológico de Ibiza, Trabajos del Museo Arqueológico de

Ibiza nº 26, 1992, 150 págs. [ISBN 84-87143-05-9]

1992

T

10. François Amigues, La cerámica gótico-mudéjar valenciana. Las fuentes de

inspiración de sus temas décorativos, Spanish Medieval Ceramics in Spain

and in the British Isles, Ed. C.M. Gerrard, A. Gutierrez, A. Vince (eds.),

BAR International Series, 1992, 141-158.

1992

T

11. François Amigues, La cerámica de Paterna: sus técnicas de fabricación,

Spanish Medieval Ceramics in Spain and in the British Isles, C.M. Gerrard,

A. Gutierrez, A. Vince (eds.), BAR, International Series, 1992, 129-139.

1992

AC

12. R. González Villaescusa, M. Monraval, Primeros hallazgos de Pintura mural

romana en Ibiza, Ier Coloquio de Pintura Mural Romana en Hispania,

(Valencia 9-11 febrero de 1989), Valencia 1992, pages 161-166.

1992

AR

13. R. González Villaescusa, E. Díes, Evolución de la ocupación del suelo de

Formentera: épocas púnica y romana, Cuadernos de Prehistoria y

Arqueología Castellonenses 15, 1991-1992 [1993], pages 335-373.

1993

AR

14. R. González Villaescusa, Origine et diffusion d'une forme peu courante de

céramique africaine. Nouvelle contribution à la connaissance du commerce

de Byzàcene au III s. après J.-C., Antiquités Africaines 29, 1993, pages

151-161.

1993

AC

15. R. González Villaescusa, Monde des morts et monde des vivants en Pays

Valencien (Hispania Tarraconensis), Monde des morts et monde des

vivants en Gaule rurale (A. Ferdière ed.), Revue Archéologique du centre

de la France, (6è suppl.) 1993, pages 411-416.

1993

RR

16. R. González Villaescusa, Ville et Territoire: l'organisation du paysage à

l'époque antique dans les îles d'Ibiza et de Formentera et le territoire de la

ville de Valentia, Rapport de bourse de la Casa de Velázquez, 1993

(inédit).

Liste des travaux

-199-

1993

RR

17. R. González Villaescusa, Proyecto de creación de una Base de datos de

gestión arqueológica preventiva para la ciudad de Valencia, Generalitat

Valenciana, 1993 (inédit).

1993

T

18. Gérard Chouquer, La investigación de los parcelarios en Francia.

Morfología, prospección, excavación, IV Encuentros de arqueología y

patrimonio: Arqueología de los espacios agrarios, Salobreña (Granada), 26-

29 octubre 1993 (à paraître).

1994

AR

19. R. González Villaescusa, El paisaje humanizado, Arqrítica 6, 1994, pages

19-20.

1995

AC

20. F. Amigues, E. Cruselles, R. González Villaescusa, V. Lerma, Los envases

cerámicos de Paterna/Manises y el comercio bajomedieval, Actes del 5ème

Colloque sur la Céramique Médiévale (Rabat, 11-17 noviembre de 1991),

INSAP, Rabat, 1995, pages 346-360.

1995

AR

21. F. Amigues, E. Cruselles, R. González Villaescusa, V. Lerma, Les

"emballages céramiques" de Paterna/Manises dans le commerce du bas

Moyen Age, Bulletin de la Commission Archéologique et Littéraire de

Narbonne, 46, 1995, pages 135-151.

1996

AC

22. R. González Villaescusa, V. Lerma, Cristianismo y ciudad, los cementerios

in ambitus murorum, Archéologie du cimetière chrétien (Actes du 2è

colloque A.R.C.H.E.A., 29 septembre-1er octobre 1994), Tours, 1996,

pages 37-44.

1996

AC

23. P. Garmy, R. González Villaescusa, Note préliminaire sur les structures

parcellaires anciennes en Nord-Médoc (Gironde), Les formes des

paysages. 1. Etudes sur les parcellaires, G. Chouquer (dir.), Paris, 1996,

pages 148-153.

1996

AC

24. R. González Villaescusa, Paisaje agrario, regadío y parcelarios de la

Huerta de Valencia. Nuevos planteamientos desde el análisis morfológico,

II Coloquio de Historia y Medio Físico (Almería 1995) Agricultura y regadío

en al-Andalus, Almería, 1996, pages 343-360.

1996

AO

25. R. González Villaescusa, Centuriations, alquerias et pueblas. Elements

pour la compréhension du paysage valencien, Les formes des paysages. 2.

Archéologie des parcellaires, G. Chouquer (dir.), Paris, 1996, pages 155-

166.

Liste des travaux

-200-

1996

AR

26. R. González Villaescusa, Arqueología de paisaje e historia agraria: algunas

cuestiones de método, Revista d'Història Medieval, 7, 1996, 223-242.

1996

RR

27. G. Chouquer, F.Gateau, R. González Villaescusa, Étude des formes du

paysage par carto- et photo-interpretation. Départements du Gard et de

l’Hérault. Lots 22, 41 et 42, CNRS-Université de Tours 1996 (inédit).

1996

RR

28. R. González Villaescusa, Asesoramiento al Plan General de Ordenación

Urbana (PGOU). Análisis de las formas del paisaje de Carcaixent, 1996

(inédit).

1997

AO

29. Jean-Luc Fiches, R. González Villaescusa, Analyse morphologique et

limites de perticae. Le cadastre A d'Orange et le territoire de la cité de

Nîmes, Les formes des paysages. Tome 3 L’analyse des systèmes

spatiaux, G. Chouquer (dir.), Paris, 1997, 127-134.

1997

AC

30. M. Barceló, R. González Villaescusa et H. Kirchner, La construction d'un

espace agraire drainé au hawz de la madina de Yabisa (Ibiza, Baléares),

XVIIè Rencontres internationales d'Archéologie et d'Histoire d'Antibes (17-

19 octubre 1996), La dynamique des paysages protohistoriques, antiques,

médiévaux et modernes ou les paysages au carrefour de l'interdisciplinarité

et de la diachronie, Sophia Antipolis, 1997, 113-125.

1997

CR

31. Ricardo González Villaescusa, Los sig y el análisis espacial en

arqueología, Bulletin de l’Association Ager, 7, octobre, 1997, Paris, 14-15.

1997

RR

32. Ricardo González Villaescusa, Ville et Territoire: l'Organisation du paysage

à l'époque antique (País Valenciano), Rapport Scientifique Membre de la

Casa de Velázquez, 1997 (inédit).

1997

LC

33. M. Barceló, (coord.), M. Argemí, R. González Villaescusa, H. Kirchner, C.

Navarro, El curs de les aigües. Treballs sobre el pagesos de Yâbisa (290-

633 H-902-1235 dC), Consell Insular d’Eivissa i Formentera, Ibiza 1997,

112 págs. [ISBN 84-88018-24-X].

1998

AC

34. P. Garmy, R. González Villaescusa, Brion (Saint-Germain-d'Esteuil-

Gironde) et le pagus des Médulles: structuration de l'espace et urbanisation

chez les Biturigues vivisques (note préliminaire), P. Gros (dir.) Villes et

campagnes en Gaule Romaine, 120e Congrès National des Sociétés

Historiques et Scientifiques, Paris, 1998, 71-88.

Liste des travaux

-201-

1998

LC

35. R. González Villaescusa, La cristianización: Los cimientos de una nueva

sociedad, Historia de la Marina Alta, vol I, 1998, 169-180.

1998

LC

36. R. González Villaescusa, La cristianización: Los rituales funerarios, Historia

de la Marina Alta, vol I, 1998, 181-192.

1998

AR

37. T. Reyes Bellmunt, R. González Villaescusa, J.E. Garcia Biosca, Estudi de

l’ager Aesonensis (Isona i Conca Dellà, Pallars Jussà), Revista

d’Arqueologia de Ponent, 8, 1998, 49-60.

1998

RR

38. R. González Villaescusa, Análisis morfológico de la manzana de San Juan

del Hospital de Valencia, 1998 (inédit).

1998

RR

39. P. Cressier, L. Erbatí, R. González Villaescusa, La naissance de la ville

islamique au Maroc –Tamdult– 1999 (inédit).

1999

AO

40. R. González Villaescusa, Sobre drenatges i recs històrics a La Punta, en

Els valors de la Punta. 18 arguments en defensa de l’horta, Universitat de

València, 1999, 51-61.

2000

AR

41. T. Reyes Bellmunt, R. González Villaescusa, J.E. Garcia Biosca, Estudio

del ager Aesonensis (Isona y Conca Dellà, Pallars Jussà), Arqueología y

Territorio Medieval, 8, 2000, 125-160.

2000

AO

42. R. González Villaescusa, Aportación al estudio de los paisajes agrarios de

la Edetania. Algunas consideraciones sobre la agricultura ibérica, Scripta in

Honorem Enrique A. Llobregat Conesa, 2000, 325-339.

2000

AR

43. R. González Villaescusa, El barrio del Carmen de Valencia: análisis

morfológico e historia urbana, Madrider Mitteilungen, 41-2000, 410-435.

2001

LA

44. R. González Villaescusa, El mundo funerario romano en el País Valenciano:

Monumentos Funerarios y Sepulturas entre los siglos I a. de C-VII d. de C.,

Casa de Velázquez-Institución Juan-Gil Albert Madrid-Alicante, 2001, 485

págs. [ISBN 84-95555-13-1]

2002

LA

45. R. González Villaescusa, Las formas de los paisajes mediterráneos:

(ensayos sobre las formas, funciones y epistemología parcelarias: estudios

comparativos en medios mediterráneos entre la antigüedad y época

Liste des travaux

-202-

moderna), Universidad de Jaén, Jaén, 2002, 506 págs. [ISBN 84-8439-102-

7].

2002

CL

46. R. González Villaescusa (coord.), E. Pacheco Cardona, avec la

collaboration de R. Arroyo Ilera, A. Balil, V. Borredá, E. Díes Cusí, M.

Dupré, Mª J. Fuentes, N. Márquez, M. Monraval, J. Ramón Torres, Can

Fita, onze segles d’un asentament rural de l’antigüitat ebusitana (segle IV

a.C. – segle VII d.C.), Consell Insular d’Eivissa i Formentera, Ibiza, 2002,

123 págs. [ISBN 84-95565-16-1].

2003

AC

47. R. González Villaescusa, La arqueología funeraria en las necrópolis del

Levante peninsular, en J. Iglesias Gil, (ed.) Actas de los XIII Cursos

monográficos sobre el Patrimonio Histórico, Reinosa–Santander 2002,

Santander, 2003, 249–266.

2003

AC

48. R. González Villaescusa, Essai de définition d’un module agraire chez les

Ibères, en François Favory (dir.) Métrologie agraire antique et médiévale.

Actes de la Table ronde, 8–9 septembre 1998, Presses Universitaires

Franc-Comtoises, Besançon, 2003, 15–25.

LC

49. Patrice Cressier, R. González Villaescusa (eds.), Génesis y evolución de

los paisajes de regadío medievales en la Península Ibérica: aportación de

la fotointerpretación, Casa de Velázquez (a paraître)

AO

50. P. Cressier y R. González Villaescusa, Terroirs irrigués et développement

urbain au Maroc médiéval: le cas d’Agmât (haouz de Marrakech), en P.

Cressier, R. González Villaescusa (eds.) Génesis y evolución de los

paisajes de regadío medievales en la Península Ibérica: aportación de la

fotointerpretación (a paraître).

LC

51. P. Cressier, L. Erbati (eds.) M. Acien, A. El Boudjay, R. González

Villaescusa, A. Siraj, La naissance de la ville islamique: Nakur, Agmat,

Tamdult, Casa de Velázquez – Ministère d’Affaires Étrangers (a paraître).

AC

52. P. Cressier, L. Erbati, M. Acien, A. El Boudjay, R. González Villaescusa, A.

Siraj, Nakur, capitale d’un Emirat du Haut Moyen Age, premiers résultats,

Plus d’un siècle de recherches archéologiques au Maroc, 1ères Journées

Nationales d’Archéologie et du Patrimoine (Rabat : 1-4 juillet 1998), (a

paraître).

AC

53. P. Cressier; L. Erbati, R. Gonzalez Villaescusa, E. Salesse, Le terroir

irrigué des établissements urbains du Maroc médiéval: un modèle et ses

variantes du Rif à l’Anti Atlas, Ancient Landscapes of Maghreb: Morocco

Liste des travaux

-203-

and Libya, Siena, 4-5 décembre, 2003 (a paraître).

AO

54. R. González Villaescusa, Morfología agraria y regadío, en P. Cressier, R.

González Villaescusa (eds.) Génesis y evolución de los paisajes de regadío

medievales en la Península Ibérica: aportación de la fotointerpretación (a

paraître).

AO

55. R. González Villaescusa, Bonificacion de zonas palustres en el ager

saguntinus, en Catastros, hábitats y vía romana, programa INTERREG III B

de la Unión Europea: Las Vías Romanas en el Mediterráneo, Generalitat

Valenciana, 2003, (a paraître).

AO

56. R. González Villaescusa, J. V. Lerma Alegría, Le service public (?) de

l’archéologie en Espagne ou l’œuf du serpent, Atelier – Débat Forum Social

Européen, Novembre 2003 de Paris St.-Denis, Un service publique au

service de la culture: l'archéologie préventive, cible particulièrement

démonstrative de l'ultra libéralisme, SGPA-CGT-Culture de la FERC-CGT (a

paraître).

Liste des travaux

FIGURES

Figures

-205-

Figure I, 1 : Modèle digital du terrain d’Ibiza et Formentera où l’on apprecie les plaines

littorales reduites.

Figure I, 2 : Castellum de can Blai (Formentera).

Figure II, 1 : Aqueduc de s’Argamassa (Santa Eulària des Riu, Ibiza).

Figure II, 2 : Aqueduc de s’Argamassa (Santa Eulària des Riu, Ibiza). Canalisation de la

dernière phase de fonctionnement.

Figure II, 3 : Vestiges de l’usine de salaisons de s’Argamassa (Santa Eulària des Riu,

Ibiza).

Figure II, 4 : Aqueduc de s’Argamassa (Santa Eulària des Riu, Ibiza).

ConcretionsConcrétions calcaires et phases de canalisation.

Figure II, 5 : Aqueduc de can Mises (Ibiza).

Figure III, 1 : Can Fita. Évocation de la phase 3, fin du Ier siècle ap. J.-C. (Santa Eulària

des Riu, Ibiza).

Figure III, 2 : Can Fita. Évocation de la phase 3, de la salle du pressoir à huile de la fin du

Ier siècle ap. J.-C. (Santa Eulària des Riu, Ibiza).

Figure III, 3 : Can Fita. Évocation de la phase 4, VIè-VIIè s. ap. J.-C. (Santa Eulària des

Riu, Ibiza).

Figure IV, 1 : Territoire d’Aeso avec les traces du système cohérent sur le modèle digital du

terrain.

Figure IV, 2 : Territoire d’Aeso avec les traces de la centuriation à module de 15*15 actus

sur le modèle digital du terrain.

Figure V, 1 : Séries de monnaies d’Ilici (Elche). 1 : Émision monetairemonétaire postérieure

à 42 av. J.-C. 2 : Émision monétaire postérieure à 19 av. J.-C., légende C.C.IL.A. 3 :

Émision monétaire ca 12 av. J.-C., légende C.I.IL.A.

Figure V, 2 : Campo de Elche entre la ville actuelle au nord et les marais du Fondo au sud

sur la mission dudit vol américain de 1956.

Figure V, 3 : RefutationRéfutation de l’hypothèse de chemin protohistorique à partir de

l’analyse de detail de la parcelle qui longe ce chemin.

Figure V, 4 : Forma en bronze ou sortitio où l’on assigne 130 jugères de terres asséchées a

dix colons dans la pertica d’Ilici. Découverte en 1996. Archive de La Alcudia de Elche.

Figures

-206-

Figure VI, 1 : Fond parcellaire de la partie centrale de la pertica d’Ilici avec la proposition

des centuries qui pourraient être l’objet de l’assignation de la tabula de bronze (DIIII KII /

DIIII KIII / DV KII / DV KIII).

Figure VI, 2 : Rélévé des traces radiales qui pourraient faire parti d’un système auto-

organisé.

Figure VI, 3 : Photointerprétation de la zone de La Foia ou se trouvent les centuries DIIII KII

/ DIIII KIII / DV KII / DV KIII qui pourraient être l’objet de l’assignation de la tabula de

bronze. En rouge, division de la centurie en trifinia et subdivision interne en une décurie de

dis lots de 6,5 jugères. En jaune les vestiges conservés dans le paysage actuel de cette

pratique d’arpentage.

Figure VI, 4 : Photointerprétation de la zone de La Foia. En jaune les vestiges conservés

dans le paysage actuel de la pratique d’arpentage.

Figure VII, 1 et 2 : Inscription CIL II 3741 en calcaire (72x53-44x47 cm) de Valencia et

detail. M(arco) Nummio / Senecioni Al / bino c(larissimo) v(iro), pont(ifici) / leg(ato)

Augg(ustorum) pr(o) / pr(aetore), Valentini / Veterani et Veteres patrono, / cur(antibus)

Brin(nio) Marco et Lic(inio) Quinto.

Figure VIII, 1 : Synthèse des structures centuries dans le triangle des villes de Valentia-

Saguntum-Edeta.

Figure VIII, 2 : Proposition de l’évolution chronologique des structures centuriées dans le

triangle des villes de Valentia-Saguntum-Edeta et rapport avec les territoires des cités. 1)

Phase tardo-républicaine : création de Valence A, associée à la fondation de la colonie de

Valentia. 2) Phase guerres sociales / césaro-triumviral : perticae edetana et saguntina. 3)

Phase augustéenne : perticae de Valence B et Valence C.

Figure IX, 1 : Modélisation de la transformation d’une rue rectiligne en tortueuse dans le

monde islamique d’après J. GARCIA-BELLIDO 2000. 1) Une rue rectiligne, qu’elle soit le fait

d’une fondation musulmane ou de l’occupation musulmane d’une rue de l’antiquité, est

occupée par des marquises saillantes ou de tentes en guise d’excroissance/de

prolongement des maisons. 2) La seconde phase voit ces appropriations être mises en dur

et envahir la rue, et dans le même temps d’autres maisons s’étendre au milieu de la rue par

le biais d’autres marquises ou d’autres tentes. 3) Dernière phase, le processus d’expansion

et de consolidation de l’espace privé, résultat de divers rapports de force et pressions entre

les propriétaires et des sanctions successives (fatwas), a entraîné la déformation de

l‘ancienne rue rectiligne et son remplacement par une rue tortueuse: c’est l’exclusion en

négatif de l’espace public.

Figures

-207-

Figure IX, 2 : Modélisation de la construction de la « regularité organique ». 1) Construction

d’un canal tortueux (A) par les contraintes physiques dues à améner l’acheminement de

l’eau par la différence de niveau. 2) Equidistances (B) ainsi que limites de parcelles

transversales pour contruire des parcelles de même taille à partir du canal (A). 3)

Construction d’un deuxième canal (C) quidistanteéquidistante du premier. 4) Construction

d’un troisième canal (D) a partir des mêmes équidistances.

Figure X, 1 : Albarracín (Haut Turia, Teruel): Exemple de la serranía d'Albarracín où l’on

distingue très bien le fonctionnement d'un modeste système irrigué.

Figure X, 2 : Alpuente (Haut Turia, Valence). Exemple de terrain de la régularité organique

dans un système irrigué.

Figure XI, 1 : Riba Roja de Turia (Camp de Turia, Valence). La ville de Riba Roja au sud

ouest de l'image domine deux périmètres irrigués de la plaine alluviale du Turia. Par la

photo-interprétation, on peut identifier deux manières différentes d'organiser l'espace

agricole des deux terroirs irrigués : le plus proche à la ville avec la régularité organique et

un système irrigué divisée en bandes.

Figure XI, 2 : Nakur (Al-Hoceima, Maroc). Le périmètre 14 NE montre deux nécessités :

d'une part le besoin de faire passer le tracé du canal principal en l'adaptant à un cône de

déjection, d'autre part le respect d'un autre petit cône de déjection, situé en contrebas du

canal, créé soit de manière artificielle, soit comme conséquence de la dynamique fluviale du

torrent. Dans les terres cultivables qui ont été ainsi gagnées, on observe plusieurs canaux

secondaires perpendiculaires et sinueux qui subdivisent l'espace de manière régulière en

s'adaptant constamment à la réalité du terrain.

Figure XI, 3 : Aghmat (Tahannawt, Maroc). Dans la plaine de l'Ourika, la ville médiévale

d'Aghmat a organisé différents terroirs irrigués. Sur l’image il faut remarquer la régularité

métrologique, d’un module d'environ 506 m, et le parallélisme des canaux secondaires

soulignés, malgré leur sinuosité. Bali.

Figure XII, 1 : Culture d’algues à Bali (Indonésie). Un cliché de Yann Arthus Bertrand sur

Bali montre un parcellaire atypique. Il est remarquable d'observer l'utilisation d'une

métrologie qui entraîne une certaine régularité, ainsi que des alignements qu'on

reconnaîtrait, au sol, comme étant des axes de circulation ou des voies. Malgré l'absence

de chemins, ce système cohérent offre une forme de régularité qu'on pourrait assimiler à la

régularité organique. Il s'agit d'une illustration parfaite et totale de planification faite à partir

de l'espace privé.

Figure XII, 2 : Photointerprétation et photo aérienne dudit « vol américain » de Villareal

(Castellón). Irrigation dans un système parcellaire quadrillé.

Figures

-208-

Figure XIII, 1 : Photointerprétation de la plaine de Tamdult (Aqqa, Maroc) et champs

fossiles. En bleu les tracés des canaux principaux qui suministraientsubministraient en eau

l’oasis. En rouge l’habitat dispersé dans la plaine. En tirété champs actuels qui sont mis en

culture pour aprofiter l’eau superficielle.

Figure XIII, 2 : Depôts calcaires qui mettent en évidence les canaux principaux en amont de

la plaine de Tamdult et vers les sources en eau.

Figure XIII, 3 : Fouille d’un partiteur d’eau du système irrigué de Tamdult.

Figure XIV, 1 : Drainage dans la plaine cotière au nord de Valence au Camino de Cebolleta

(El Puig).

Figure XIV, 2 : Illustration du Tratado de matemáticas y geometría, Orihuela, 1766, Archivo

Histórico de Orihuela, ms. 50. de Joseph Espulgues.

Figure XIV, 3 : Squadro agrimensorio d’après L. Perini, Geometria pratica, Venecia, 1757,

cité et illustré par M. Cristina Panerai 1984.

Figure XV, 1 : Beneixama (Alt Vinalopó, Alicante). Traces induites par le parcellaire

originaire du partitorem hereditatem Regni Valentie, Iacobum Linaris (1280) aux alentours

de la ville de Beneixama.

Figure XV, 2 : Beneixama (Alt Vinalopó, Alicante). Traces induites par le parcellaire

originaire du partitorem hereditatem Regni Valentie, Iacobum Linaris (1280). DetailleDétail

de la sousdivision interne.

Figure XVI, 1 : Église de Sant Joan (Valencia). Ilôt avec indication du cirque romain antique

et l’urbanisme induit d’époque romaine.

Figure XVI, 2 : Église de Sant Joan (Valencia). Ilôt avec indication de l’urbanisme islamique

et probables azucats, impasses, d’accesd’accès lesaux maisons islamiques.

Figure XVI, 3 : Église de Sant Joan (Valencia). Ilôt avec indication du couvent de Sant

Cristobal et les évidences preuves des limites du call (juiverie).

Figure XVII, 1 : Monforte (Alicante). Réinterpretation de la dite centuriation au nord de Ilici

qui ne peut que s’interpreter comme un parcellaire en bandes.

Figure XVII, 2 : Monforte. Modélisation du parcellaire en bandes sur la carte topographique.

Figure XVII, 3 : Monforte. Modélisation du parcellaire en bandes sur la photo aérienne.

Figure XVIII, 1 : Valentia. Carte synthètique de l’urbanisme romain du Ier siècle ap. J.-C. et

rélation avec Valencia A (rouge) et Valencia B (vert).

Figures

-209-

Figure XVIII, 2 : Valentia. Réconstruction virtuelle pour le Museu d’Histoire de Valence de

la ville et les parcellaires à partir de la figure antérieure.

TABLE DES MATIÈRES

Table des matières

-211-

REMERCIEMENTS 2

INTRODUCTION 3

RECHERCHES PREDOCTORALES 7

RECHERCHES SUR L’ARCHÉOLOGIE FUNÉRAIRE ROMAINE, RITUELS ET IDÉOLOGIE 8

PREMISSES 8

DÉFINITION DU RITUEL 11

LE SYSTÈME SÉMIOTIQUE DU RITUEL FUNÉRAIRE ROMAIN 13

PRINCIPAUX RÉSULTATS 16

CONCLUSION 22

MONDE RURAL ROMAIN A TRAVERS LES NÉCROPOLES 24

AGGLOMERATIONS SECONDAIRES 29

RECHERCHES SUR LE MONDE INDIGÈNE PUNIQUE ET ROMANISATION À EBUSUS 32

PREMISSES 32

CÉRAMOLOGIE ET COMMERCE DU MOYEN-ÂGE 34

EBUSUS INSULAE AUGUSTAE 37

OCCUPATION DU SOL À EBUSUS (FORMENTERA) 43

RECHERCHES POSTDOCTORALES 52

RECHERCHES SUR UN SITE RURAL EBUSITAIN : CAN FITA 53

LE PAYSAGE D'IBIZA ET FORMENTERA 58

CONCLUSION 60

RECHERCHES SUR L’ARCHÉOLOGIE DES PAYSAGES 66

LA GENÈSE DES PREMIERS PAYSAGES : FORMES PROTO-HISTORIQUES 71

CENTURIATIONS ROMAINES 74

LE DOSSIER ILICI (ELCHE) 76

Table des matières

-212-

IDENTIFICATION DE NOUVELLES STRUCTURES CENTURIÉES 86

LE TRIANGLE FORMÉ PAR LES VILLES DE VALENTIA, SAGUNTUM ET EDETA 90

« ...AGROS ET OPPIDUM DEDIT, QUOD UOCATUM EST VALENTIA » 90

CIVITAS EDETANORUM 93

OPULENTISSIMA SAGUNTUM 94

LE CARREFOUR VALENTIA-SAGUNTUM-EDETA 95

LANGUEDOC, LE PLATEAU DE LES COSTIÈRES 98

SUR LA NOTION DE RÉGULARITÉ ORGANIQUE DANS LES PAYSAGES 106

HISTOIRE D’UN CONCEPT 108

DES CONTRAINTES PHYSIQUES 113

INTERPENETRATION DE L’ESPACE GEOGRAPHIQUE ET DE L’ESPACE SOCIAL 115

LA PLANIFICATION A PARTIR DE L’ESPACE PRIVE 118

QUELQUES EXEMPLES 119

EN GUISE DE CONCLUSION 122

BONIFICATION : IRRIGATION, DRAINAGES ET DEFRICHAGES 122

SOLUTIONS TECHNIQUES A LA CONFLUENCE DE TRADITIONS 129

L’APPORTATION DES TEXTES ET LA VARIÉTÉ DES FORMES AGRAIRES DE VALENCE 133

RESURGENCE DU VOCABULAIRE TECHNIQUE D’ARPENTAGE ET ACCUEIL DU DROIT ROMAIN 133

LA DIVERSITE DE FORMES MEDIEVALES 143

LA MORPHOLOGIE AGRAIRE ET URBAINE APPLIQUÉE À L'ARCHÉOLOGIE

PRÉVENTIVE

144

NOUVELLES DIRECTIONS DE LA RECHERCHE 152

QUELLE ARCHÉOLOGIE DU PAYSAGE ? 153

Table des matières

-213-

ARCHÉOLOGIE SPATIALE ET ARCHÉOLOGIE DU PAYSAGE 154

LA PÉNÉTRATION DE L'ÉCOLE DE BESANÇON EN ESPAGNE 156

L’ARCHÉOGÉOGRAPHIE 165

MORPHOLOGIE APPLIQUÉE : ARCHÉOLOGIE PRÉVENTIVE 168

MULTIPLICATION ET MODÉLISATION DES HYPOTHÈSES MORPHOLOGIQUES 172

ARTICULATION DE LA MORPHOLOGIE AGRAIRE ET LES DONNÉES DE PROSPECTIONS

RELATIVES A L'HABITAT ET LES CHAMPS DE CULTURE

177

BIBLIOGRAPHIE 182

LISTE DES TRAVAUX 196

FIGURES 204

TABLE DES MATIÈRES 210

Monde indigène punique et romanisation à Ebusus

1

2

-I-

Monde indigène punique et romanisation à Ebusus

1

23

45

-II-

Monde indigène punique et romanisation à Ebusus

-III-

1

2

3

Archéologie des paysages

-IV-

Aeso

1

2

Aeso

Archéologie des paysages

-V-

1

3

4

2

Archéologie des paysages

-VII-

Archéologie des paysages

-VI-

(1)

(2)

(A)

(B)

(3)

(4)

1

3

2

4

Archéologie des paysages

1

2

-VIII-

Archéologie des paysages

1

2

-IX-

1

3 4

2

A

C

D

B

Archéologie des paysages

1

2

-X-

Archéologie des paysages

1

2

3

-XI-

Archéologie des paysages

1

2

-XII-

Tº de Almazora

Mijares

Tº deBurri

ana

Ace

quia

deBur

riana

Acequiola

AcequiaMayor

Acequ

iade

Nul

es

Fila1ª

Fila2ª

Fila3ª

Fila5ªFila

7ªFila8ª

Fila9ªFila

10ª

Fila11ªFila

12ª

Fila

13ª

Fila

14ª

Fila

15ª

1.000 m

Villarreal

Archéologie des paysages

1

2

3

-XIII-

Archéologie des paysages

1

2

3

-XIV-

Archéologie des paysages

1

2

-XV-

Archéologie des paysages

1

2

3

-XVI-

Archéologie des paysages

1

2

3

-XVII-

500 m

Archéologie des paysages

1

2

-XVIII-