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NPG Neurologie - Psychiatrie - Gériatrie (2009) 9, 175—177 CONSEILS DE LECTURE Urgences Emergencies C. Trivalle Rédacteur en chef de NPG. Pôle vieillissement, réadaptation et accompagnement, hôpital Paul-Brousse, 14, avenue Paul-Vaillant-Couturier, 94804 Villejuif cedex, France Disponible sur Internet le 16 avril 2009 Nous allons cette fois-ci aborder le thème des « Urgences » à travers deux auteurs franc ¸ais. Tous deux sont méde- cins et ont travaillé aux urgences de deux grands hôpitaux parisiens: Saint-Antoine et Tenon. Il s’agit du très média- tique Patrick Pelloux et du plus discret Dominique Meyniel. Tous deux ont raconté leur vision des urgences et des malades. Adresse e-mail : [email protected]. Urgentiste À distance de la canicule de 2003, il est intéressant de lire ou de relire le livre de Patrick Pelloux (en faisant abstrac- tion du côté « moi je ») qui dissèque les événements qui ont eu lieu cet été-là. La question qui reste posée est : que se passerait-il aujourd’hui en cas de situation analogue ? Mal- heureusement, il est fort probable que notre système de santé serait à nouveau débordé. L’auteur, qui est depuis 1998 à la tête de l’Association des médecins urgentistes hospitaliers de France —– l’Amuhf — – est maintenant connu de tous les Franc ¸ais. Il travaillait à l’époque dans le service des urgences de l’hôpital Saint- Antoine à Paris (1995—2008) et il a été le premier à donner l’alerte et à annoncer la menace d’une catastrophe huma- nitaire pour le pays. Dans ce livre, il raconte la chronologie et les événements quotidiens de l’hécatombe d’août 2003. Il évoque aussi ses relations difficiles avec les conseillers du ministre de la Santé de l’époque, Jean-Franc ¸ois Mat- tei, les responsables de l’appareil de la santé publique, les élus politiques et, bien sûr, les jeunes journalistes des médias, seuls présents à Paris cet été-là. Dans la dernière partie, il dresse le constat de la situation alarmante de l’hospitalisation publique, la privatisation à bas bruit et le marasme qui se sont emparés des hôpitaux. Depuis 2003, Patrick Pelloux a continué de se distin- guer par son implication dans la défense de l’hôpital public et du service public qui y est rendu. Il est très actif dans les médias et a plaidé la cause de l’hôpital public auprès des gouvernements successifs. Il est réguliè- rement réélu à la tête de l’Amuf (le nom de l’association a perdu son « H », ne se composant plus uniquement d’hospitaliers) qui compte 2000 médecins urgentistes. Il est 1627-4830/$ — see front matter doi:10.1016/j.npg.2009.03.004

Urgences

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Page 1: Urgences

NPG Neurologie - Psychiatrie - Gériatrie (2009) 9, 175—177

CONSEILS DE LECTURE

Urgences

Emergencies

C. Trivalle

Rédacteur en chef de NPG. Pôle vieillissement, réadaptation et accompagnement,venu

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hôpital Paul-Brousse, 14, a

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Nous allons cette fois-ci aborder le thème des « Urgences »à travers deux auteurs francais. Tous deux sont méde-cins et ont travaillé aux urgences de deux grands hôpitauxparisiens : Saint-Antoine et Tenon. Il s’agit du très média-tique Patrick Pelloux et du plus discret Dominique Meyniel.Tous deux ont raconté leur vision des urgences et desmalades.

Adresse e-mail : [email protected].

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1627-4830/$ — see front matterdoi:10.1016/j.npg.2009.03.004

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distance de la canicule de 2003, il est intéressant de lireu de relire le livre de Patrick Pelloux (en faisant abstrac-ion du côté « moi je ») qui dissèque les événements qui ontu lieu cet été-là. La question qui reste posée est : que seasserait-il aujourd’hui en cas de situation analogue ? Mal-eureusement, il est fort probable que notre système deanté serait à nouveau débordé.

L’auteur, qui est depuis 1998 à la tête de l’Associationes médecins urgentistes hospitaliers de France —– l’Amuhf —est maintenant connu de tous les Francais. Il travaillaitl’époque dans le service des urgences de l’hôpital Saint-

ntoine à Paris (1995—2008) et il a été le premier à donner’alerte et à annoncer la menace d’une catastrophe huma-itaire pour le pays. Dans ce livre, il raconte la chronologiet les événements quotidiens de l’hécatombe d’août 2003.l évoque aussi ses relations difficiles avec les conseillersu ministre de la Santé de l’époque, Jean-Francois Mat-ei, les responsables de l’appareil de la santé publique,es élus politiques et, bien sûr, les jeunes journalistes desédias, seuls présents à Paris cet été-là. Dans la dernièreartie, il dresse le constat de la situation alarmante de’hospitalisation publique, la privatisation à bas bruit et learasme qui se sont emparés des hôpitaux.Depuis 2003, Patrick Pelloux a continué de se distin-

uer par son implication dans la défense de l’hôpitalublic et du service public qui y est rendu. Il est trèsctif dans les médias et a plaidé la cause de l’hôpital

ublic auprès des gouvernements successifs. Il est réguliè-ement réélu à la tête de l’Amuf (le nom de l’association

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galement vice-président de la Confédération des prati-iens des hôpitaux, une des organisations intersyndicalesegroupant les praticiens hospitaliers de toutes les disci-lines médicales et pharmaceutiques. En septembre 2008, ilété renvoyé de l’hôpital Saint-Antoine et muté au Samu dearis.

Par ailleurs, il tient une chronique dans Charlie Hebdoù il raconte des histoires vécues à son travail et dénoncees conséquences des décisions politiques prises par les dif-érents gouvernements sur l’hôpital public. Ces chroniquesont parues en recueil sous le titre « Histoire d’urgences »ux éditions du Cherche Midi (2007). Il a recu un prixe l’Institut de France pour ses écrits en 2005 (prix Cinoel Duca). Il intervient aussi comme chroniqueur dans

’émission « Le Magazine de la santé » sur France 5 et trèsouvent à la radio où il intervient comme chroniqueur sururope 1.

Ce livre (Fayard, 18D ) n’a pas été édité en format pochet il faut le rechercher sur Internet.

xtrait

« Désormais les enjeux politiques autour de la questionde l’hôpital sont débattus publiquement. Il suffit, chaquejour, de consulter la presse pour juger de l’ampleur desproblèmes auxquels l’appareil de santé est confronté. Lesmarchandages entre les élus et les institutions autourdu maintien ou non des maternités locales, des ser-vices d’urgence, de la fermeture de lits hospitaliersconcernent tous les Francais. La République veut-ellemaintenir l’égalité territoriale des soins ? La multiplica-tion des crises sanitaires — sang contaminé, vaccinationcontre l’hépatite B, les effets de la « vache folle », affec-tions nosocomiales, légionelloses — finit par entacherla réputation de la santé publique dans nos régions.Fort ébranlés déjà par la mise à l’encan des principauxservices publics, les Francais, qui tiennent à la démo-cratie sanitaire comme à la prunelle de leurs yeux, serendent compte que l’hôpital n’est déjà plus l’hôpital.La pensée économique unique détruit lentement les prin-cipes de ce patrimoine républicain. Si cet ultime espaced’égalité était plus menacé encore, une crise sociale sansprécédent s’ensuivrait ».

C. Trivalle

e couloir des urgences

ominique Meyniel qui était le chef de service des urgencese l’hôpital Tenon (qu’il prend plaisir à appeler l’hôpitale Ménilmontant) est, depuis 2006, chef du pôle urgences,édecine, tête (UMT). Dans ce livre (Le Livre de Poche,

,50D ) fait de petites histoires vécues, il entend ne rienrouver, ni ne rien dénoncer. Il ne s’agit en aucun cas d’univre de polémique. Il raconte, il témoigne. Il nous rappelleue la meilleure médecine du monde ne saurait oubliera compassion, l’écoute, l’attention à l’être humain. Der-ière chaque plainte et derrière chaque situation qui peutembler surprenante, il faut discuter avec le malade et saamille pour mieux les comprendre. Il considère que le chefe service des urgences est un peu le bouc émissaire de’hôpital et qu’il est chargé de recevoir et de répondre àoutes les plaintes des malades et des familles. Il se com-are au Malaussène de Pennac. Le texte est donc composée nombreuses lettres répondant à des plaintes adresséesl’hôpital. Ces lettres sont toujours pleines d’humour.

et humour traduit l’absurdité de beaucoup des situationsécues aux urgences. De l’horreur à la tendresse, en passantar la dérision, elles expriment avec éloquence le quotidien’un lieu où s’entrecroisent des destinées en déséquilibre.n témoignage pour une réflexion sur notre société et sesxclus : malades, psychotiques, SDF, personnes physique-ent ou moralement seules. Il s’agit d’un quotidien presqueanal, loin de ce que l’on peut voir dans la série américaineUrgences ».

Les exemples donnés en quatrième de couvertureonnent bien le ton du livre : « Pourquoi cet Africain veut-l un certificat qui établisse qu’il n’est pour rien dans laort de son épouse ? Pourquoi l’infirmière Rose pousse-t-

lle le dévouement jusqu’à venir travailler hors de sonemps de service, au point de se rendre importune ? Pourquoia famille absente d’un patient mort du sida accuse-t-elleoudain les médecins de non-assistance à personne en dan-er ? ».

L’extrait que nous avons choisi montre bien les dérivesctuelles de notre société et le ton plein d’humour du livre.

xtrait

« Monsieur le Directeur,Je vous remercie de m’avoir transmis le courrier

de Monsieur X., adressé au ministre de la Santé etau Président de la République, exprimant son profondmécontentement quant aux conditions de sa prise encharge aux urgences. Monsieur X. a été conduit auxurgences par les pompiers de Ménilmontant, à la suited’un malaise sur la voie publique, révélateur d’un infarc-tus du myocarde antéroseptal. À son arrivée dans leservice, il était en arrêt cardiorespiratoire et a étéintubé, ventilé et massé pendant dix minutes au coursdesquelles ont été pratiqués trois chocs électriquesexternes et l’injection d’une dose cumulée de 10 mg

d’adrénaline. À la reprise d’une hémodynamique compa-tible avec un transfert, nous avons adressé Monsieur X.dans le service de soins intensifs où il a bénéficié d’uneangioplastie. Les suites ont été simples et Monsieur X. apu regagner son domicile au dixième jour.
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aItlypitre sur la tuberculose, basé sur les registres des décès

Urgences

Il est possible que ce soit au cours des manœuvres deréanimation initiales qu’ait malheureusement été éga-rée la pipe de Monsieur X. auquel je vous demande detransmettre toutes nos excuses. . . »

Leur actualité

Patrick Pelloux vient de sortir un nouveau livre Urgencespour l’hôpital (14D ) dans lequel il développe le débat surl’avenir de l’hôpital public. À signaler aussi le livre plus amu-sant J’aime pas la retraite (10,50D ) avec le dessinateurCharb et rédigé entièrement dans l’esprit Charlie Hebdo.

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Il est intéressant de noter que les deux urgentistes ont leême éditeur : le Cherche Midi.Dominique Meyniel vient d’y publier un ouvrage qu’ildirigé sur Tenon, l’hôpital de Ménilmontant (30D ).

l s’agit d’un ouvrage historique, très richement illus-ré, reprenant l’évolution médicale et architecturale de’hôpital Tenon depuis son ouverture en 1878. Verlaine

a séjourné et l’appelait le « littéral palais ». Le cha-

onservés depuis l’ouverture de l’hôpital, est particulière-ent intéressant. On y voit bien le fléau qu’a été cettealadie jusqu’en 1952 et la découverte de l’isoniazide

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