2
556 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XXV - n° 10 - novembre 2016 CAS CLINIQUE Réalité virtuelle • Soins inva- sifs • Hématologie Virtual reality • Invasive proce- dures • Hematology Utilisation de la réalité virtuelle pour accompagner un geste invasif en cancérologie Virtual reality during invasive procedures in oncology L. Bordenave* Légende Figure. La patiente ajuste sur sa tête un casque visuel et audio combiné. 1. Bohil CJ, Alicea B, Biocca FA. Virtual reality in neuroscience research and therapy. Nat Rev Neurosci 2011;12(12):752-62. 2. Hoffman HG, Chambers GT, Meyer WJ 3rd et al. Virtual reality as an adjunctive non-pharmacologic analgesic for acute burn pain during medical proce- dures. Ann Behav Med 2011;41(2):183-91. Références bibliographiques * Praticien spécialiste, Gustave-Roussy Cancer Campus - Grand Paris, Villejuif. L a réalité virtuelle est un outil numérique émergent qui pourrait être utile dans certaines indications médicales (1). Une patiente, âgée de 61 ans, est hospitalisée en hématologie pour une allogreffe de moelle dans le cadre d’une leucémie aiguë myéloïde. Elle présente une obésité morbide (IMC : 38 kg/m 2 ). Son traitement nécessite des ponctions lombaires itératives. Les 2 premières ont été marquées par des tentatives multiples, réalisées par 2 opérateurs différents, avec une aiguille atraumatique, sous protoxyde d’azote, et sont dorénavant responsables d’une anxiété anticipatoire majeure. L’échelle visuelle analogique (EVA) douleur lors de la dernière ponction lombaire était mesurée à 65 mm. Compte tenu de la difficulté, un médecin anesthésiste est appelé pour réaliser une nouvelle ponction lombaire. L’EVA anxiété avant cette troisième ponction lombaire est à 55 mm. On propose à la patiente, qui n’a pas reçu de prémédication, une séance de réalité virtuelle à visée anxiolytique. Elle est invitée à s’installer dans un fauteuil et à ajuster sur sa tête un casque visuel et audio combiné (figure) . L’application utilisée, Aqua®, a été désignée par Oncomfort. La séance dure 20 minutes et associe une promenade aquatique apaisante à des suggestions portant sur la tranquillité. À la fin de la séance, la patiente présente des signes cliniques de transe hypnotique. Au retrait du casque, l’EVA anxiété est mesurée à 30 mm. La ponction lombaire est réalisée immédiatement après la séance, en position assise, en L4-L5. Elle se fait en une seule fois, sans anesthésie locale ni protoxyde d’azote. Le relâchement musculaire de la patiente facilite le passage de l’aiguille entre les épineuses. L’EVA douleur est mesurée à 10 mm. La patiente est enchantée de l’expérience virtuelle et soulagée de constater que le geste est terminé. Elle n’a pas présenté de complication après la ponction lombaire. Discussion La réalité virtuelle est une expérience immersive en 3D dont le contenu peut se décliner à l’infini. Son intérêt a déjà été démontré lors de certains gestes invasifs, comme les soins algogènes aux grands brûlés (2) . L’impact de cet outil sur l’anxiété et le confort des patients en cancérologie mérite d’être évalué. Cet enjeu est majeur, car le cancer est actuellement une pathologie qui devient chronique, au cours de laquelle les gestes diagnostiques, thérapeutiques ou palliatifs se multiplient. Ces gestes doivent se faire en collaboration avec le patient. Naturellement, plus le patient est mis en confiance et confortable lors de ces procédures, plus l’alliance thérapeutique et l’observance sont facilitées. L. Bordenave déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.

Utilisation de la réalité virtuelleUtilisation de la réalité virtuelle pour accompagner un geste invasif en cancérologie Virtual reality during invasive procedures in oncology

  • Upload
    others

  • View
    1

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Utilisation de la réalité virtuelleUtilisation de la réalité virtuelle pour accompagner un geste invasif en cancérologie Virtual reality during invasive procedures in oncology

556 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XXV - n° 10 - novembre 2016

CAS CLINIQUE

Réalité virtuelle • Soins inva-sifs • Hématologie

Virtual reality • Invasive proce-dures • Hematology

Utilisation de la réalité virtuelle pour accompagner un geste invasif en cancérologie Virtual reality during invasive procedures in oncology L. Bordenave*

Légende

Figure. La patiente ajuste sur sa tête un casque visuel et audio combiné.

1. Bohil CJ, Alicea B, Biocca FA. Virtual reality in neuroscience research and therapy. Nat Rev Neurosci 2011;12(12):752-62. 2. Hoffman HG, Chambers GT, Meyer WJ 3rd et al. Virtual reality as an adjunctive non-pharmacologic analgesic for acute burn pain during medical proce-dures. Ann Behav Med 2011;41(2):183-91.

Références bibliographiques

* Praticien spécialiste, Gustave-Roussy Cancer Campus - Grand Paris, Villejuif.

La réalité virtuelle est un outil numérique émergent qui pourrait être utile dans certaines indications médicales (1).

Une patiente, âgée de 61 ans, est hospitalisée en hématologie pour une allogreffe de moelle dans le cadre d’une leucémie aiguë myéloïde. Elle présente une obésité morbide (IMC : 38 kg/m 2 ). Son traitement nécessite des ponctions lombaires itératives. Les 2 premières ont été marquées par des tentatives multiples, réalisées par 2 opérateurs différents, avec une aiguille atraumatique, sous protoxyde d’azote, et sont dorénavant responsables d’une anxiété anticipatoire majeure. L’échelle visuelle analogique (EVA) douleur lors de la dernière ponction lombaire était mesurée à 65 mm.

Compte tenu de la difficulté, un médecin anesthésiste est appelé pour réaliser une nouvelle ponction lombaire. L’EVA anxiété avant cette troisième ponction lombaire est à 55 mm.

On propose à la patiente, qui n’a pas reçu de prémédication, une séance de réalité virtuelle à visée anxiolytique. Elle est invitée à s’installer dans un fauteuil et à ajuster sur sa tête un casque visuel et audio combiné (figure) . L’application utilisée, Aqua®, a été désignée par Oncomfort. La séance dure 20 minutes et associe une promenade aquatique apaisante à des suggestions portant sur la tranquillité. À la fin de la séance, la patiente présente des signes cliniques de transe hypnotique. Au retrait du casque, l’EVA anxiété est mesurée à 30 mm. La ponction lombaire est réalisée immédiatement après la séance, en position assise, en L4-L5. Elle se fait en une seule fois, sans anesthésie locale ni protoxyde d’azote. Le relâchement musculaire de la patiente facilite le passage de l’aiguille entre les épineuses. L’EVA douleur est mesurée à 10 mm. La patiente est enchantée de l’expérience virtuelle et soulagée de constater que le geste est terminé. Elle n’a pas présenté de complication après la ponction lombaire.

Discussion La réalité virtuelle est une expérience immersive en 3D dont le contenu peut se décliner à l’infini. Son intérêt a déjà été démontré lors de certains gestes invasifs, comme les soins algogènes aux grands brûlés (2) . L’impact de cet outil sur l’anxiété et le confort des patients en cancérologie mérite d’être évalué. Cet enjeu est majeur, car le cancer est actuellement une pathologie qui devient chronique, au cours de laquelle les gestes diagnostiques, thérapeutiques ou palliatifs se multiplient. Ces gestes doivent se faire en collaboration avec le patient. Naturellement, plus le patient est mis en confiance et confortable lors de ces procédures, plus l’alliance thérapeutique et l’observance sont facilitées.

L. Bordenave déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.

0556_LON 556 18/11/2016 16:23:20

Page 2: Utilisation de la réalité virtuelleUtilisation de la réalité virtuelle pour accompagner un geste invasif en cancérologie Virtual reality during invasive procedures in oncology

La Lettre du Cancérologue • Vol. XXV - n° 10 - novembre 2016 | 557

0557_LON 557 18/11/2016 16:23:21