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Constructive Algebra and Systems Theory B. Hanzon and M. Hazewinkel (Editors) Royal Netherlands Academy of Arts and Sciences, 2006 Variations sur la notion de contrôlabilité Michel Fliess LIX, Ecole polytechnique & Projet ALIEN, INRIA Futurs, 91128 Palaiseau, France E-mail : michel.fl[email protected] 1. I NTRODUCTION Le lecteur peu familier de la théorie du contrôle trouvera dans les lignes qui suivent une explication de notre problématique. 1.1. Une grue plate Fig. 1 représente une grue. Il s’agit de transporter la charge m, tout en esquivant, si nécessaire, des obstacles, en jouant sur le déplacement D du chariot sur le rail OX et la longueur R du filin. La tâche est difficile si l’on veut aller vite à cause des oscillations de m, d’où bien des études, théoriques et pratiques, en robotique et en automatique 1 (voir [38] et sa bibliographie). La loi de Newton et la géométrie du modèle permettent d’écrire les équations du mouvement 2 : m ¨ x =−T sin θ, m¨ z =−T cos θ + mg, x = R sin θ + D, z = R cos θ (1) (x,z) (les coordonnées de la charge m), T (la tension du filin) et θ (l’angle du filin avec l’axe verticale OZ) sont les inconnues ; On the authors’ request the editors would like to stress that this contribution dates from 2001 and hence reflects the state-of-the-art in 2001. 1 L’automatique, terme populaire chez les ingénieurs, doit être comprise comme synonyme du contrôle des mathématiciens (control en américain). Rappelons qu’en américain on dit aussi, ou, plutôt, disait, automatic control. 2 Comme les mécaniciens, les automaticiens emploient la notation des fluxions, où ˙ x = dx dt , ¨ x = d 2 x dt 2 , x (ν) = d ν x dt ν .

Variations sur la notion de contrôlabilité · Variations sur la notion de contrôlabilité 269 Figure 2. Non-oscillation de la charge. 0 5 10 15-1.5-1-0.5 0 0.5 1 1.5 temps (s)

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Constructive Algebra and Systems TheoryB. Hanzon and M. Hazewinkel (Editors)Royal Netherlands Academy of Arts and Sciences, 2006

Variations sur la notion de contrôlabilité ✩

Michel Fliess

LIX, Ecole polytechnique & Projet ALIEN, INRIA Futurs, 91128 Palaiseau, FranceE-mail : [email protected]

1. INTRODUCTION

Le lecteur peu familier de la théorie du contrôle trouvera dans les lignes qui suiventune explication de notre problématique.

1.1. Une grue plate

Fig. 1 représente une grue. Il s’agit de transporter la charge m, tout en esquivant,si nécessaire, des obstacles, en jouant sur le déplacement D du chariot sur le railOX et la longueur R du filin. La tâche est difficile si l’on veut aller vite à cause desoscillations de m, d’où bien des études, théoriques et pratiques, en robotique et enautomatique1 (voir [38] et sa bibliographie).

La loi de Newton et la géométrie du modèle permettent d’écrire les équations dumouvement2 :

mx = −T sin θ,

mz = −T cos θ + mg,

x = R sin θ + D,

z = R cos θ

(1)

– (x, z) (les coordonnées de la charge m), T (la tension du filin) et θ (l’angle dufilin avec l’axe verticale OZ) sont les inconnues ;

✩ On the authors’ request the editors would like to stress that this contribution dates from 2001 andhence reflects the state-of-the-art in 2001.1 L’automatique, terme populaire chez les ingénieurs, doit être comprise comme synonyme du contrôle

des mathématiciens (control en américain). Rappelons qu’en américain on dit aussi, ou, plutôt, disait,automatic control.2 Comme les mécaniciens, les automaticiens emploient la notation des fluxions, où x = dx

dt , x = d2x

dt2 ,

x(ν) = dνxdtν .

Page 2: Variations sur la notion de contrôlabilité · Variations sur la notion de contrôlabilité 269 Figure 2. Non-oscillation de la charge. 0 5 10 15-1.5-1-0.5 0 0.5 1 1.5 temps (s)

268 M. Fliess

Figure 1. La grue.

– D et R sont les contrôles, ou commandes, c’est-à-dire les variables surlesquelles on agit.

Un calcul immédiat démontre que sin θ , T , D et R sont fonctions de (x, z) et d’unnombre fini de leurs dérivées :

sin θ = x − D

R,

T = mR(g − z)

z,

(z − g)(x − D) = xz,

(x − D)2 + z2 = R2

donc,

D = x − xz

z − g,

R =√

z2 +(

xz

z − g

)2

.

Donnons-nous une loi horaire (x(t), z(t)) pour la charge m, satisfaisant les ob-jectifs mentionnés plus haut, à savoir contourner les obstacles, sans engendrerd’oscillations. Les autres variables du système, notamment les contrôles D et R,s’obtiennent sans intégrer d’équations différentielles, comme fonctions de x, z

et d’un nombre fini de leurs dérivées. La grue est un système non linéaire,appelé (différentiellement) plat, et le couple (x, z) est appelé sortie plate, oulinéarisante. On trouvera ci-dessous des simulations.3 Figs. 2 et 3 démontrentl’absence d’oscillations.4 Les deux suivantes décrivent la régulation du chariot

3 La loi horaire (x(t), z(t)) choisie est une fonction polynômiale du temps [38]. Pour cet exemple donc,comme pour tous ceux évoqués plus bas, en dimension finie ou non, les calculs numériques n’exigentjamais la discrétisation des équations différentielles.4 On « voit » sur la Fig. 2 que cela est dû à une accélération au début de la trajectoire planifiée de m,

suivie d’une décélération en fin de course. Une telle propriété semble plus difficile à obtenir si l’on avaitvoulu commencer par déterminer directement les commandes D(t) et R(t), ainsi qu’il est courant dansla littérature actuelle.

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Variations sur la notion de contrôlabilité 269

Figure 2. Non-oscillation de la charge.

0 5 10 15-1.5

-1

-0.5

0

0.5

1

1.5

temps (s)

devi

atio

n ho

rizon

tale

(m

)

Figure 3. Déviation horizontale.

et du filin, la Fig. 6 illustre les efforts correspondants, qui sont les « vrais »contrôles.

Ce contrôle, dit en boucle ouverte, open loop en américain, doit, pour atténuerdes perturbations d’origines diverses, comme, par exemple, des imperfections demodélisation, être accompagnée d’un bouclage, feedback en américain, facile àdéterminer car (1) est équivalent, en un sens qui sera précisé, au système linéaire

{x(α) = u,

z(β) = v(2)

où α,β � 1, et où u et v sont les nouvelles variables de contrôle.5 Renvoyons à [38]pour plus de détails.6

5 Le bouclage en question stabilise (2). Ce peut être, par exemple, un bouclage statique d’état quipermet de placer les pôles de (2) dans le plan complexe.6 Pour sécuriser des grues conduites par un personnel non spécialisé, l’US Navy a lancé un vaste

programme de recherche. La platitude du modèle correspondant permet d’envisager une aide efficace àla conduite, éventuellement à distance [68].

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270 M. Fliess

0 5 10 15-0.5

0

0.5

1

1.5

2

2.5

3

3.5

4

temps (s)

vite

sses

(m

/s)

regulation bas niveau chariot, mesure (--), consigne ( - - )

Figure 4. Régulation du chariot. Mesure (–), consigne (- -).

0 5 10 15-2.5

-2

-1.5

-1

-0.5

0

0.5

1

1.5

2

2.5

temps (s)

vite

sse

(m/s

)

regulation bas niveau cable, mesure (--), consigne ( - - )

Figure 5. Régulation du filin. Mesure (–), consigne (- -).

La platitude est une propriété d’un système d’équations différentielles ordinaires,sous-déterminé, c’est-à-dire à moins d’équations que d’inconnues : il existe m

variables y = (y1, . . . , ym) telles que :

1. Toute variable du système s’exprime comme fonction différentielle7 de y.2. Toute composante de y s’exprime comme fonction différentielle des variables

du système.3. Les composantes de y et leurs dérivées sont fonctionnellement indépendantes.

7 Une fonction différentielle [98] de y est une fonction des composantes de y et de leurs dérivéesjusqu’à un ordre fini.

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Variations sur la notion de contrôlabilité 271

0 5 10 15-8000

-6000

-4000

-2000

0

2000

4000

6000

8000

temps (s)

effo

rt (

N)

effort chariot: F (---) et effort tambour: C/b ( - - )

Figure 6. Forces correspondantes. Chariot (–), tambour (- -).

Comme déjà dit, y est une sortie plate, ou linéarisante. Elle sert à planifier lestrajectoires du système, c’est-à-dire à imposer un comportement désiré, satisfaisantdes contraintes naturelles, souvent données par des inégalités, comme l’évitementd’obstacles.8

1.2. Où est la contrôlabilité ?

La notion de contrôlabilité a été inventée en 1960 par Kalman (cf. [60]) à proposdes systèmes linéaires de la forme

d

dt

x1...

xn

= A

x1...

xn

+ B

u1...

um

(3)

– u = (u1, . . . , um) et x = (x1, . . . , xn) sont, respectivement, la commande etl’état,

– A ∈ Rn×n et B ∈ R

n×m sont des matrices constantes.

L’état x évolue dans un R-espace vectoriel E, de dimension n. On dit que (3)est contrôlable, ou commandable, si on peut joindre deux points de l’espace d’état,c’est-à-dire si, et seulement si, étant donnés deux points P0,P1 ∈ E et deux instantst0, t1, t0 < t1, il existe une commande u, définie sur [t0, t1], telle que x(tι) = Pι,ι = 0,1. La contrôlabilité est, avec l’observabilité, due aussi à Kalman, un concept

8 C’est là, d’un point de vue applicatif, l’essence de notre méthodologie, qui permet de simplifier larésolution de bien des questions pratiques. La généralisation à la dimension infinie, c’est-à-dire auxsystèmes à retards et aux équations aux dérivées partielles, est accomplie plus bas.

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272 M. Fliess

clé pour la compréhension9 des propriétés structurelles et qualitatives, comme lastabilisation.

L’extension de la contrôlabilité au non-linéaire de dimension finie et à ladimension infinie a suscité depuis près de quarante ans une littérature considérable,qui n’a en rien épuisé ce sujet riche et varié. Les auteurs, dans leur quasi-totalité, ontconsidéré des généralisations naturelles de (3). En dimension infinie linéaire, parexemple, l’état appartient à un espace fonctionnel bien choisi. Pour le non-linéairede dimension finie, on utilise

dx

dt= F(x,u)(4)

où l’état x appartient à une variété différentiable, de dimension finie, Rn par

exemple, dont F est un champ de vecteurs paramétré par la commande u. Or,comme l’avait remarqué très tôt Rosenbrock [113] en linéaire de dimension finie,une écriture commode du phénomène étudié n’est pas nécessairement de type (3)ou (4). Ainsi, les Éqs. (1) de la grue ne sont pas sous la forme (4), et il est, en uncertain sens, impossible de les y ramener [44]. Examinons la dynamique linéaire àétat et commande monodimensionnels

x = u.(5)

Elle diffère de (3) par la présence de la dérivée u. D’après x(t) = u(t) + c, c ∈ R,pour tout couple de points P0,P1 ∈ R, il existe une commande permettant de lesjoindre dans un intervalle de temps [t0, t1]. Il ne faut pourtant pas croire que (5) soitcontrôlable10 car x(t) − u(t) est une constante, c, non influencée par le choix futurde la commande.

La contrôlabilité doit donc recevoir une définition intrinsèque, indépendante detoute représentation particulière. A un système linéaire de dimension finie, asso-cions un R[ d

dt]-module � de type fini. Le système est contrôlable si, et seulement si,

� est libre.11 Avec (3) on retrouve le concept classique : le sous-module de torsionde � correspond au sous-espace de non-contrôlabilité dans la décomposition deKalman (voir, par exemple, [4,59]). Ajoutons que (5) n’est pas contrôlable puisquel’élément x − u, qui vérifie d

dt(x − u) = 0, est de torsion.

Résumons-nous ! Un système linéaire de dimension finie est contrôlable si, etseulement si, il existe m variables y = (y1, . . . , ym) telles que :

1. toute variable du système s’exprime comme combinaison linéaire finie descomposantes de y et de leurs dérivées ;

9 Les traités d’automatique linéaire sont, aujourd’hui, si abondants qu’il ne peut être question de lesanalyser. Mentionnons, toutefois, les livres américains de Kailath [59] et Sontag [138] et celui, français,de d’Andréa-Novel et Cohen de Lara [4]. On y trouvera des développements sur les bouclages statiquesd’état évoqués plus haut.10 Dans l’approche dite polynômiale de Rosenbrock [113], (5) n’est pas, non plus, contrôlable (voir [4]).11 Nous montrerons en 3.3, pour la robustesse, et en 3.4, pour la commande prédictive d’un moteurélectrique, comment ce formalisme permet une solution facile de questions d’automatique posées dansla pratique.

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Variations sur la notion de contrôlabilité 273

2. toute composante de y s’exprime comme combinaison linéaire finie des va-riables du système et de leurs dérivées ;

3. les composantes de y et leurs dérivées sont linéairement indépendantes.

Les systèmes non linéaires plats de 1.1 apparaissent comme des analogues nonlinéaires des systèmes linéaires contrôlables. Un système linéaire de dimensionfinie est, donc, plat si, et seulement si, il est contrôlable : la platitude est unegénéralisation, autre que celles usuelles dans la littérature (voir, par exemple, [57,58,93,138]), de la contrôlabilité linéaire de Kalman. Ce sera le fil conducteur denotre exposé. Quant aux outils mathématiques, ils doivent user d’un nombre fini dedérivées, inconnu à l’avance. Deux choix possibles sont :

1. L’algèbre différentielle et la géométrie algébrique différentielle, nées avant toutdes travaux de Ritt [111] et Kolchin [64], sont apparues entre les deux GuerresMondiales comme généralisations aux équations différentielles des concepts etoutils de l’algèbre commutative et de la géométrie algébrique.12

2. La géométrie différentielle des jets d’ordre infini, de création plus récente, s’estplus particulièrement développée autour de Vinogradov (voir [65,66] et [141,146]). Parente des travaux d’É. Cartan sur l’équivalence absolue [16], elle a euun impact certain sur les questions classiques de physique mathématique quesont les symétries et les lois de conservation.

Ces deux voies se sont développées de manière indépendante et seuls de troprares auteurs ont insisté sur leur parenté [73,141,40,42]. Les confronter dansnotre cadre, le contrôle, n’est pas chose facile. Néanmoins, la caractérisation dela platitude, qui est, comme nous le verrons brièvement en 5.4, un problèmed’intégrabilité, semble, en l’état actuel, plus adaptée à la géométrie différentielle.Empressons-nous d’ajouter que l’économie d’écriture de l’algèbre différentielleet les notions de dimensions qui y ont été développées, comme le degré detranscendance différentielle,13 sont excellentes pour aborder des thèmes commel’inversion entrée-sortie et la représentation d’état [26,28], et divers types desynthèse par bouclage dynamique [20,22,124].

1.3. Passage à la dimension infinie

Commençons par la classe la plus facile en dimension infinie, celle des systèmes àretards. Le système à un seul retard,

x(t) = ax(t) + u(t − 1), a ∈ R,(6)

12 Un texte récent, dû à Buium et Cassidy [14], dispense un résumé lucide et lumineux de l’histoire del’algèbre différentielle et de ses développements les plus récents.13 Voir [40,42] pour une généralisation à la géométrie différentielle des jets infinis, qui a permisd’élucider certains points en mécanique non holonome et en théorie de jauge. Cette carence de lagéométrie différentielle tient, sans doute, au fait qu’à l’exception notable de Gromov [53], les équationsdifférentielles sous-déterminées ont été peu étudiées.

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274 M. Fliess

où u est la commande et x l’état, joue un rôle certain dans les applications (voir,par exemple, [99] pour les prédicteurs de Smith). On lui associe, comme pourle R[ d

dt]-module � de (3), un module B sur l’anneau R[ d

dt, σ ] des polynômes

en deux indéterminées, où σ désigne l’opérateur de retard, σf (t) = f (t − 1). Ildécoule du théorème de Quillen–Suslin, résolvant la conjecture de Serre, que Bn’est pas libre, mais sans torsion. On récupère une base, c’est-à-dire un modulelibre, en introduisant l’avance σ−1, c’est-à-dire en prenant le module localiséR[ d

dt, σ, σ−1] ⊗

R[ ddt

,σ ] B, qui est libre de base x, car

u(t) = x(t + 1) − x(t + 1).(7)

On dit, avec [48], que (6) est contrôlable σ -libre, propriété fondamentale pour,comme avec la grue, imposer une trajectoire.14 Ce type de contrôlabilité sera aucœur de nos préoccupations.15

En guise de système à paramètres répartis, ou distribués, c’est-à-dire régi par deséquations aux dérivées partielles, examinons l’équation de la chaleur à une seulevariable d’espace :

(∂2

∂z2− ∂

∂t

)

w(z, t) = 0, 0 � z � 1, t � 0.(8)

La condition initiale est w(z,0) = 0. Les conditions aux bords sont

∂w(0, t)

∂t= 0

et

w(1, t) = u(t)

où u(t) est la commande. Le calcul opérationnel usuel (voir [23]) transforme (8) enl’équation différentielle ordinaire en la variable indépendante z

wzz − sw = 0(9)

avec conditions aux deux bouts wz(0) = 0, w(1) = u. Le paramètre s désigne,évidemment, la dérivation par rapport au temps ; u et w sont, dans l’interprétationaujourd’hui dominante, les transformées de Laplace.16 Réécrivons la solution de (9)

w = ch(z√

s)

ch(√

s)

14 La non-causalité de (7) est sans importance puisque l’on désire suivre une trajectoire planifiée, c’est-à-dire prescrite à l’avance.15 On notera l’influence de la géométrie algébrique moderne de Grothendieck (cf. [54]) dans de telschangements d’anneaux de base par produits tensoriels, afin d’obtenir la propriété souhaitée (voir [48,86]).16 u = ∫ +∞

0 e−sτ u(τ ) dτ , w(z) = ∫ +∞0 e−sτ w(z, τ ) dτ . Nous suivrons ici l’approche remarquable du

calcul opérationnel due à Mikusinski [84,85], qui nous évitera toute difficulté analytique.

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Variations sur la notion de contrôlabilité 275

sous la forme

Qw = P u(10)

où P = ch(z√

s), Q = ch(√

s). Pour les mêmes raisons qu’en (6), le C[P,Q]-module correspondant17 est sans torsion, mais non libre. Le module localisé surC[P,Q, (PQ)−1] est libre, de base ζ = w(0) :

w = ch(z√

s)ζ ,

u = ch(√

s)ζ .(11)

Pour calculer une trajectoire désirée, on explicite l’action de ch(z√

s) sur ζ(t) parla formule18

ν�0

z2ν

(2ν)!dνζ

dtν(12)

en supposant ζ fonction Gevrey de classe < 2, plate en t = 0.Avec l’équation des cordes vibrantes

(∂2

∂z2− ∂2

∂t2

)

w(z, t) = 0

et des conditions initiales nulles et identiques aux bords, le calcul opérationnelfournit des solutions analogues, à ceci près qu’il faut y remplacer e±x

√s par e±xs .

On aboutit, ainsi, à un système à retards [89,92]. L’équation, dite des télégraphistes,

(∂2

∂z2− a

∂2

∂t2− b

∂t− c

)

w(z, t) = 0

où a > 0, b, c � 0, nécessite des fonctions de Bessel (voir [47,127]). Au contraire ducas parabolique de l’équation de la chaleur, la planification des trajectoires pour ceséquations hyperboliques utilise le passé et le futur sur un intervalle fini (théorèmede Paley–Wiener).

1.4. Quelques références

Les systèmes non linéaires plats ont été découverts, comme outil du contrôle,par Jean Lévine, Philippe Martin, Pierre Rouchon et l’auteur, et mathématisésd’abord grâce à l’algèbre différentielle [36,38]. Leur présentation dans le langagedes diffiétés de Vinogradov, c’est-à-dire dans une géométrie différentielle des jets

17 Nous n’utilisons pas un C[ ∂∂z , ∂

∂t ]-module, c’est-à-dire un point de vue de D-modules, car la prise encompte de la commande u au bord y semble plus délicate.18 On peut interpréter l’infinitude de cette série comme étant liée à la dimension infinie, commentairequi s’étend aux systèmes à retards (voir, par exemple, la formule (7)), si l’on regarde les opérateurs deretard et d’avance à l’aide d’un développement infini en puissances de la dérivation. Rappelons qu’endimension finie on utilise seulement un nombre fini de dérivées.

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276 M. Fliess

infinis, se trouve pour la première fois en [37] (voir, aussi, [43]). Pomet [105],de façon très voisine, van Nieuwstadt, Rathinam et Murray [143], dans le langagedes formes extérieures d’É. Cartan, ont aussi proposé une définition de la platitudepar géométrie différentielle. Il y a longtemps déjà, Hilbert, dans un article [55]isolé de son œuvre, avait, à propos d’un exemple, remarqué la possibilité d’uneparamétrisation ne nécessitant pas d’intégrations d’équations différentielles,19 sansla définir formellement (voir, aussi, Cartan [15]).

Comme beaucoup d’autres choses, c’est Kalman (cf. [61]) qui, pour les systèmeslinéaires de dimension finie, a introduit les modules en contrôle. Il l’a fait pour lareprésentation d’état et aboutit à un module de torsion, finiment engendré, sur unanneau principal. La généralisation aux systèmes à retards est dû à Kamen [62](voir, aussi, [135]). De manière entièrement dissemblable, l’équivalence entresystèmes linéaires et modules, due à l’auteur [29,30], prend en compte toutesles variables, sans nécessairement, comme le point de vue comportemental, oubehavioral, de Willems (voir [104]), faire de distinctions entre ces variables. Cetteapproche, valable aussi avec des coefficients non constants, a servi à préciserdiverses propriétés structurelles (voir [11,12,31,33]). Le cas des systèmes à retardsest le fait d’Hugues Mounier et l’auteur (voir [48,86]), celui des équations auxdérivées partielles de Mounier, Rouchon, Joachim Rudolph et l’auteur [50,92].20

On trouvera en [49,68,78,83,117,119,125] d’autres tours d’horizon, avec desperspectives différentes.

1.5. Applications

Il y a eu, en peu d’années, un grand nombre d’illustrations concrètes. Beaucoup ontété testées avec succès en laboratoire. Certaines sont exploitées industriellement.21

1.5.1. Systèmes platsLe classement par rubriques donne une idée de l’ubiquité de la platitude :

– robotique [63,67], et véhicules non holonomes [38,39,120] ;– aéronautique [76,77] ;– moteurs électriques [74,81,82,132,147], et paliers magnétiques [69,130] ;– industrie automobile, que cela soit pour les suspensions actives [68], les em-

brayages [70], ou les balais d’essuie-glace [7] ;– hydraulique [6] ;– génie chimique avec divers types de réacteurs [101,114,116,122,126,133] ;– agro-alimentaire [5].

19 Hilbert écrit explicitement integrallos.20 Renvoyons à [94,103,107] pour d’autres points de vue sur l’utilisation des modules en contrôlelinéaire.21 Des raisons de confidentialité ne permettent pas d’inclure les références correspondantes.

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Variations sur la notion de contrôlabilité 277

1.5.2. Systèmes à retardsIls ont été appliqués à l’aérodynamique, au raffinage et aux antennes [89,101,

102]. Certaines situations, comme celles des réseaux à haut débit [88], nécessitentdes retards variables.

1.5.3. Équations aux dérivées partiellesLa commande de l’équation des cordes vibrantes, qui se rattache, comme

nous l’avons vu, aux systèmes à retards, a été appliquée à diverses situationsde verges flexibles [89,92], qui peuvent se matérialiser à propos de certainsproblèmes de forage [87]. L’équation de la chaleur a été utilisée pour un réacteurchimique [51] et un échangeur de chaleur [127]. Les calculs [50] faits pour éviterles vibrations d’une barre, modélisée par l’équation d’Euler–Bernoulli, ont étéconfirmés expérimentalement en [2,56]. L’équation des télégraphistes [47] a conduità une restauration active de signal le long d’un câble et au contrôle d’un échangeurde vapeur [127]. On trouvera en [101,115] d’autres cas, notamment en géniechimique ou électrique, et sur certains types de cables, parfois avec des équationsplus générales.

2. SYST È MES LIN É AIRES ABSTRAITS

2.1. Généralités

Soit A un domaine d’intégrité, c’est-à-dire un anneau commutatif sans diviseurs dezéro, supposé, pour simplifier, noethérien. Un système A-linéaire, ou un A-système,� est un A-module de type fini. La catégorie des A-systèmes est, donc, celle desA-modules de type fini.

Une entrée, ou un contrôle, ou, encore, une commande, est une partie finie u ⊂ �,peut-être vide, telle que le module quotient �/spanA(u) est de torsion. L’entrée u estdite indépendante si le A-module spanA(u) est libre, de base u. Une A-dynamiqueD est un A-système muni d’une entrée u. Pour une A-dynamique sans entrée, c’est-à-dire u = ∅, D est de torsion.

Une sortie est une partie finie y ⊂ �. Un A-système entrée-sortie S est une A-dynamique munie d’une sortie.

Soit B un anneau commutatif noethérien qui est, aussi, une A-algèbre. Le sys-tème B� = B⊗A� est un B-module, c’est-à-dire un B-système, appelé B-extensionde �. Ici, B sera toujours obtenue par localisation, c’est-à-dire B = S−1A, où S estune partie multiplicativement stable.

2.2. Commandabilité

L’A-système � est dit B-contrôlable sans torsion (resp. B-contrôlable projectif,B-contrôlable libre) si le B-module B� est sans torsion (resp. projectif, libre). Onsait que la B-commandabilité libre (resp. projective) implique la B-commandabilitéprojective (resp. sans torsion).

Supposons � B-contrôlable libre. Toute base du B-module libre B� est appeléesortie B-plate, ou B-basique.

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278 M. Fliess

Remarque 2.2.1. Le système entrée-sortie A-linéaire S est dit B-observable22 siBS = spanB(u,y).

2.3. π -liberté

Le résultat suivant [48], capital en dimension infinie, découle directement de [123,Proposition 2.12.17, p. 233].

Théorème 2.3.1. Soient

– un système A-linéaire �,– B = S−1A une A-algèbre, où S est une partie multiplicativement stable de A,

tels que B� soit B-contrôlable libre.

Il existe, alors, un élément π ∈ S tel que � soit A[π−1]-contrôlable libre.

On dit que � est (contrôlable) π -libre et π sera nommé élément libérateur. Toutebase du A[π−1]-module libre A[π−1]⊗A � est appelée sortie (plate) π -libre, ousortie π -plate.

3. SYSTÈMES LINÉAIRES DE DIMENSION FINIE

Un système linéaire sur l’anneau principal R[ ddt

] des polynômes différentiels de laforme

finie

dtα, aα ∈ R, α � 0,

est dit de dimension finie. Considérons, en effet, une dynamique R[ ddt

]-linéaire D,d’entrée u. Le module de torsion D/span

R[ ddt

](u), qui est de type fini, est, en tant

que R-espace vectoriel, de dimension finie.

3.1. Représentation d’état

Soit D une R[ ddt

]-dynamique. Posons n = dimR(D/ spanR[ d

dt](u)). Choisissons

dans D un ensemble η = (η1, . . . , ηn) dont le résidu23 η = (η1, . . . , η

n) en

D/spanR[ d

dt](u) est une base. Il vient

d

dt

η1...

ηn

= F

η1...

ηn

22 On trouvera en [46] (voir, aussi, [32]), des développements récents sur l’observabilité et lesobservateurs intégraux exacts. Renvoyons à [75] pour une application à un moteur électrique.23 C’est-à-dire l’image canonique dans D/ span

R[ ddt

](u).

Page 13: Variations sur la notion de contrôlabilité · Variations sur la notion de contrôlabilité 269 Figure 2. Non-oscillation de la charge. 0 5 10 15-1.5-1-0.5 0 0.5 1 1.5 temps (s)

Variations sur la notion de contrôlabilité 279

où F ∈ Rn×n. Donc

d

dt

η1...

ηn

= F

η1...

ηn

+ν∑

α=0

dtα

u1...

um

(13)

où Gα ∈ Rn×m. On appelle η un état généralisé, et (13) une représentation d’état

généralisée.Soit η = (η1, . . . , ηn) un autre état généralisé. Comme les résidus de η et de η

dans D/ spanR[ d

dt](u) en sont des bases en tant qu’espace vectoriel, il vient

η1...

ηn

= P

η1...

ηn

+∑

finie

dtγ

u1...

um

(14)

où P ∈ Rn×n, det(P ) �= 0, Qγ ∈ R

n×p . On remarque que (14) dépend en général del’entrée et d’un nombre fini de ses dérivées.

Supposons en (13) ν � 1 et Gν �= 0. Posons, selon (14),

η1...

ηn

=

η1...

ηn

+ Gν

dν−1

dtν−1

u1...

um

.

Il vient

d

dt

η1...

ηn

= F

η1...

ηn

+ν−1∑

α=1

dtα

u1...

um

.

L’ordre maximal de dérivation de u y est au plus ν − 1. Par récurrence, on aboutit à

d

dt

x1...

xn

= F

x1...

xn

+ G

u1...

um

(15)

où A ∈ Rn×n, B ∈ R

n×m. On appelle (15) une représentation d’état kalmanienne24 ;x = (x1, . . . , xn) est un état kalmanien. Deux états kalmaniens x et x = (x1, . . . , xn)

sont reliés par une transformation indépendante de l’entrée :

x1...

xn

= P

x1...

xn

(16)

où P ∈ Rn×n, det(P ) �= 0. Nous avons démontré le

24 C’est Kalman qui a répandu ces représentations d’état (cf. [60,61]).

Page 14: Variations sur la notion de contrôlabilité · Variations sur la notion de contrôlabilité 269 Figure 2. Non-oscillation de la charge. 0 5 10 15-1.5-1-0.5 0 0.5 1 1.5 temps (s)

280 M. Fliess

Théorème 3.1.1. Toute dynamique R[ ddt

]-linéaire admet une représentation d’étatkalmanienne (15). Deux états kalmaniens sont reliés par (16).

Remarque 3.1.1. On peut, contrairement à une vaste littérature récente sur les sys-tèmes linéaires implicites, toujours se ramener à une représentation kalmanienne.C’est dû au fait que le groupe engendré par les transformations d’état (14) est plusgros que ceux admis dans ces travaux sur l’implicite. Il est instructif de rappelerque les transformations d’état dépendant du contrôle, négligées jusqu’à présent parles théoriciens, avaient été parfois, il y a longtemps, utilisées en pratique.

3.2. Contrôlabilité

L’anneau R[ ddt

] étant principal, R[ ddt

]-contrôlabilités sans torsion et libre se confon-dent. Nous dirons, donc, qu’un système R[ d

dt]-linéaire est contrôlable si, et seule-

ment si, il est R[ ddt

]-contrôlable libre.La dynamique (15) est contrôlable au sens de Kalman (voir [60] et [4,59,138])

si, et seulement si, le critère de Kalman

rg(B,AB, . . . ,An−1B

) = n

est vérifié. La démonstration du résultat suivant a été esquissée en 1.2 :

Théorème 3.2.1. La dynamique (13) est contrôlable au sens de Kalman si, etseulement si, elle est contrôlable.

3.3. Digression : robustesse

Un système R[ ddt

]-linéaire �pert est dit perturbé25 si l’on y a distingué unsous-ensemble fini de perturbations � = (�1, . . . ,�q). Le quotient � = �pert/

spanR[ d

dt](� ) est le système non perturbé. Dans une dynamique perturbée Dpert, on

suppose

spanR[ d

dt](u) ∩ span

R[ ddt

](� ) = {0}

ce qui signifie que commandes et perturbations n’interagissent pas. Alors, la res-triction du morphisme canonique Dpert → D = Dpert/ span

R[ ddt

](� ) à spanR[ d

dt](u)

est un isomorphisme : on notera encore, par léger abus de notation, u l’image de u

dans D.Restreignons-nous à une dynamique monovariable, c’est-à-dire où m = 1, telle

que la dynamique non perturbée soit contrôlable. Soit z une base de D qui estde rang 1. Il vient u = ωz, ω ∈ R[ d

dt], ω �= 0, et, donc, u = ωzpert + ε, où zpert ∈

25 Conserver des performances acceptables en dépit d’une certaine méconnaissance du modèleest un chapitre primordial de l’automatique, appelé robustesse. Cette ignorance peut se traduiremathématiquement en linéaire par la présence de pertubations additives.

Page 15: Variations sur la notion de contrôlabilité · Variations sur la notion de contrôlabilité 269 Figure 2. Non-oscillation de la charge. 0 5 10 15-1.5-1-0.5 0 0.5 1 1.5 temps (s)

Variations sur la notion de contrôlabilité 281

Dpert a pour image z ∈ D et ε ∈ spanR[ d

dt](� ). On en déduit facilement [45] la

représentation d’état perturbée

xpert1 = x

pert2 ,

. . .

xpertn−1 = x

pertn ,

xpertn =

n∑

ν=1

aνxpertν + bu + ε′,

a1, . . . , aν , b ∈ R, b �= 0, où la perturbation ε′ ∈ spanR[ d

dt](� ) est assortie, c’est-à-

dire vérifie ce qu’on appelle en américain la matching condition d’Utkin [142].26

Cette condition permet, grâce à des hypothèses naturelles sur ε′, d’atténuer, et c’estun résultat important rendu possible par notre démarche, la perturbation par unbouclage approprié. Cette propriété, toujours vérifiée dans notre cadre, supposedans le point de vue ancien un changement d’état dépendant des perturbations.Considérons, en effet,

{x

pert1 = x

pert2 + �1,

xpert2 = u + �2.

Posons xpert1 = x

pert1 , x

pert2 = x

pert2 − �1. Il vient

{ ˙xpert1 = x

pert2 ,

˙xpert2 = u + �2 + �1.

La généralisation au cas multivariable (m � 2) se fait par la forme de Brunovskýperturbée (cf. [45]).

3.4. Digression : commande prédictive d’un moteur électrique

La commande prédictive, due, avant tout, à Richalet [110], s’est largement popula-risée dans l’industrie.27 C’est une forme de commande « anticipante », feedforwarden américain, qui consiste à imposer un comportement « désiré » au système. Notrepoint-de-vue permet de résoudre plusieurs, sinon la plupart des problèmes ouverts28

concernant ce type de commande, à savoir la stabilisation et la robustesse, le

26 Cette condition a été définie à propos du contrôle par modes glissants, sliding modes en américain,pour lequel les modules sont aussi fort utiles (voir [52] pour une étude préliminaire).27 Renvoyons à [45] pour une analyse bibliographique plus fouillée.28 Un problème ouvert en mathématiques appliquées n’a pas le même contenu qu’en mathématiquespures. Il n’y a pas, en d’autres termes, d’analogues du dernier théorème de Fermat, ni des conjecturesde Riemann ou Poincaré, c’est-à-dire d’énoncés précis à démontrer. Un rapide commentaire s’imposedonc. Un problème ouvert est, dans les sciences de l’ingénieur, un magma plus ou moins flou, auquel unetraduction mathématique donne éventuellement corps. Parmi l’infinité de traductions possibles, certainesreflètent mieux les buts visés et admettent une solution élégante. Le débat épistémologique se déplacedonc sur un terrain nouveau qu’un tel exposé ne permet de creuser.

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282 M. Fliess

déphasage non minimal, la prise en compte des contraintes, tout en simplifiantconsidérablement la génération de trajectoires. L’exemple suivant, emprunté à [45],est un moteur électrique à courant continu

Figure 7. Moteur à courant continu.

régi par les équations

x1 = Ri

TMk�

x2 − 1

J�L,(17a)

x2 = − J

TMTik�

x1 − 1

Ti

x2 + kRD

RiTi

u(17b)

où x1 = ω est la vitesse angulaire de la tige du rotor, x2 = i le courant rotorique. Lecontrôle u est la tension source, �L est la perturbation due au couple de charge.

Les valeurs nominales des paramètres sont J = 2.7 kgm2, k� = 2.62 Nm/A,kRD = 500, TM = 0.1829 s, Ti = 0.033 s, Ri = 0.465 �. Les spécificationsnominales du moteur sont : puissance 22 kW, tension 440 V, courant 52.6 A, vitesseangulaire 157 rad/s. Le moteur supporte, pendant de courtes périodes, une surchargeapproximative de 1.6 à 15 fois les valeurs nominales de la tension et du courant.

Commençons par le cas non perturbé, c’est-à-dire �L = 0. Il est immédiat devérifier qu’alors (17) est contrôlable. Une sortie plate est z = x1, que l’on peutmesurer. Il vient, alors,

x1 = z,

x2 = TMk�

Ri

z,

u = RiJ

TMk�kRD

z + TMk�

kRD

z + TiTMk�

kRD

z.

Une fois fixée la loi horaire prédite z�(t), ces équations déterminent (x�1(t), x�

2(t),u�(t)). Transférons z du repos x1(t0) = 0 rad/s à la valeur x1(tT ) = 145 rad/s enl’intervalle de temps T = tT − t0 = 0.5 s.

La Fig. 8 présente ces trajectoires prédites, calculées par interpolation polynô-miale de manière à assurer la continuité aux deux bouts.

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Variations sur la notion de contrôlabilité 283

Figure 8. Trajectoires prédites du moteur.

Figure 9. Réponse en boucle fermée (–) et trajectoires prédites (–·).

Dans une seconde étape, on atténue la perturbation en posant u = u� + uε , oùuε(t) = α1e1(t) + α0

∫ t

0 e1(τ ) dτ , e1(t) = z(t) − z�(t), α1, α2 ∈ R, est un correcteurPI, ou propotionnel-intégral.29 La Fig. 9 donne des simulations.

29 Un tel correcteur et, plus généralement, les correcteurs PID, ou proportionnels-intégraux-différentiels, sont d’un grand usage dans l’industrie (cf. [3]).

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284 M. Fliess

Figure 10. Comportement avec changement d’échelle de temps : réponse en boucle fermée (–) ettrajectoires prédites (–·).

Pour éviter des saturations, on doit satisfaire la contrainte x2 max < 500 A. Unchangement d’échelle de temps d

dt= σ d

dτ, σ > 0, donne

x1 = z, x2 = TMk�

Ri

σd

dτz,

u = RiJ

TMk�kRD

z + TMk�

kRD

σd

dτz + TiTMk�

kRD

σ 2 d2

dτ 2z.

Les simulations de la Fig. 10, avec σ = 0.5, fournissent un résultat très satisfaisant.

Remarque 3.4.1. On trouvera en [74] un exemple de moteur électrique réelcommandé selon ces techniques.

4. SYSTÈMES LINÉAIRES DE DIMENSION INFINIE

4.1. Où est la dimension infinie ?

Soit un module de torsion de type fini T , sur l’anneau de polynômes R[ω1, . . . ,ωρ]en ρ � 2 indéterminées. Soit J l’idéal de R[ω1, . . . ,ωρ], annulateur de T . Suppo-sons l’existence de χ ∈ R[ω1, . . . ,ωρ], χ /∈ R, tel que J ∩R[χ] = {0}. Il existe doncau moins un élément τ ∈ T tel que spanR[ω1,...,ωρ ]{χντ | ν � 0} soit de dimensioninfinie en tant que R-espace vectoriel. Il en découle que T est aussi un R-espacevectoriel de dimension infinie. Prenons une dynamique R[ω1, . . . ,ωρ]-linéaire D.Ce qui précède s’applique au module de torsion D/ spanR[ω1,...,ωρ ](u).

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Variations sur la notion de contrôlabilité 285

4.2. Théorème de Quillen–Suslin et commandabilité libre

Plutôt que, dans un tel exposé, invoquer de nombreux exemples concrets, exami-nons le système R[ω1,ω2]-linéaire

ω1w1 = ω2w2(18)

qui se rencontre souvent (voir les systèmes (6) et (8)).

Proposition 4.2.1. Le système (18) n’est pas R[ω1,ω2]-contrôlable libre, mais ilest R[ω1,ω2]-contrôlable sans torsion.

Démonstration. Réécrivons (18) sous la forme

(ω1,−ω2)

(w1

w2

)

= 0.

La matrice de présentation (ω1,−ω2) est de rang générique 1, c’est-à-dire de rang1 sur le corps de fractions R(ω1,ω2). D’après la résolution de la conjecture deSerre [131] par Quillen [108] et Suslin [139], (18) n’est pas R[ω1,ω2]-contrôlablelibre, car ce rang chute si l’on remplace ω1 et ω2 par 0. D’après [145], (18) estR[ω1,ω2]-contrôlable sans torsion car les mineurs sont premiers entre eux. �Remarque 4.2.1. On trouvera d’autres applications du théorème de Quillen–Suslinen [48].

4.3. Systèmes à retards

Un système linéaire à retards est un système R[ ddt

, σ1, . . . , σr ]-linéaire, où σ1 . . . , σr

sont les opérateurs de retards :

(σιf )(t) = f (t − hι), ι = 1, . . . , r, hι > 0.

Il est, toujours, loisible de se ramener à la situation où les hι sont incommensurables,c’est-à-dire où le Q-espace vectoriel qu’ils engendrent est de dimension r . Alors,R[ d

dt, σ1, . . . , σr ] est isomorphe à un anneau de polynômes en r + 1 indéterminées.

Soit � un système R[ ddt

, σ1, . . . , σr ]-linéaire, que nous supposonsR[ d

dt, σ1, . . . , σr ]-contrôlable sans torsion. Soit R(σ1, . . . , σr ) le corps de fractions

de R[σ1, . . . , σr ]. Introduisons par localisation le système R(σ1, . . . , σr)[ ddt

]-linéaire

R(σ1, . . . , σr)

[d

dt

]

⊗R[ d

dt,σ1,...,σr ]�

qui, étant sans torsion, est libre car R(σ1, . . . , σr)[ ddt

] est un anneau principal.D’après le Théorème 2.3.1, � est π -libre, π ∈ R[σ1, . . . , σr ]. Nous avons vu, dansl’introduction, que (6) est σ -libre.

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286 M. Fliess

Figure 11. Bras de robot téléopéré.

4.4. Exemple de bras de robot téléopéré

On considère un robot flexible, téléopéré à distance. Plus précisément, prenons unmodèle simple du premier mode d’un robot flexible à un bras, actionné par unmoteur recevant ses ordres d’une plateforme distante. Notons

– τ le temps de transmission des ordres,– qr(t) le déplacement rigide,– qe(t) le premier mode du déplacement élastique,– C(t) le couple moteur actionnant le bras.

L’équation fondamentale de la dynamique s’écrit :

(Mrr Mre

Mer Mee

)(qr

qe

)

+(

O

Keqe

)

=(C0

)

où Mxy désignent les masses équivalentes et Ke la raideur élastique. Par ailleurs,le moteur étant téléopéré, les ordres u(t) sont transmis depuis un module distant etarrivent avec un retard de transmission τ :

u(t) = C(t − τ).

Les équations du système se réécrivent alors :

Mrr qr (t) + Mreqe(t) = u(t − τ),

Mer qr (t) + Meeqe(t) = −Keqe(t).

Ce système est σ -libre, de sortie σ -plate

ω(t) = Merqr(t) + Meeqe(t)

où σ désigne l’opérateur retard d’amplitude τ . En effet,

qe(t) = − 1

Ke

ω(t), qr (t) = 1

Mer

(ω(t) − Meeqe(t)

)

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Variations sur la notion de contrôlabilité 287

donc,

qr(t) = 1

Mer

ω(t) − Mee

KeMer

ω(t), qe(t) = − 1

Ke

ω(t),

u(t) = Mrr

Mer

ω(t + τ) + 1

Ke

(MrrMee

Mer

− Mre

)

ω(4)(t + τ).

Pour une trajectoire désirée ωd(t) arrêt-arrêt :

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10

0

0.2

0.4

0.6

0.8

1

1.2

1.4

1.6

1.8

2

Figure 12. Trajectoire désirée ωd(t).

on obtient une loi de commande en boucle ouverte réalisant le suivi exact de laforme :

Figure 13. Commande en boucle ouverte ud(t).

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288 M. Fliess

4.5. Systèmes à paramètres répartis

Par manque de place, concentrons-nous sur l’équation de la chaleur (8). Dans la ver-sion due à Mikusinski [84,85] du calcul opérationnel (voir aussi [144]), Q = ch

√s

appartient au corps des opérateurs et P = ch z√

s est une fonction opérationnelle.On peut démontrer que P et Q sont C-algébriquement indépendantes. Il s’ensuitque (10), qui est de même nature que (18), est C[P,Q]-contrôlable sans torsion,mais n’est pas C[P,Q]-contrôlable libre. D’après (11), il est clair que (10) estPQ-libre.30

D’après [85], on a

ch z√

s =∑

n�0

z2n

(2n)! sn

où la série du second membre converge opérationnellement. Pour que (12) soitvalide, il suffit que la fonction ζ : R → R vérifie les conditions suivantes :

1. ζ est C∞, à support contenu dans [0,+∞[ ; en particulier, ζ est plate en t = 0,donc ζ (n)(0) = 0, pour tout n � 0.

2. ζ est Gevrey d’ordre31 < 2.

La fonction C∞

φ(t) ={

0 si t � 0,

e−1td si t > 0

où d > 0, est plate en t = 0, à support dans [0,+∞[. Elle est Gevrey de classe 1+ 1d

(cf. [112]). Prendre pour ζ une telle fonction n’est pas satisfaisant, car cela revientà obtenir un comportement désiré asymptotiquement, c’est-à-dire pour t → +∞.On y remédie, en introduisant avec Ramis [109], la fonction Gevrey de classe 1 + 1

d

ηd(t) =

0 si t < 0,

C

t∫

0

exp

( −1

τd(1 − τ)d

)

dτ si 0 < t < 1,

1 si t � 1

30 Il est évident que (10) est, aussi, P -libre, ou Q-libre. L’élément π du Théorème 2.3.1 n’est pas unique.31 Rappelons que la fonction ζ est dite Gevrey, de classe ou d’ordre µ � 1 si, et seulement si,

– elle est C∞,– pour tout compact C ⊂ R et tout entier n � 0, on a

|ζ (n)(t)| � cn+1(n!)µ

où c > 0 est une constante dépendant de ζ et C.

Page 23: Variations sur la notion de contrôlabilité · Variations sur la notion de contrôlabilité 269 Figure 2. Non-oscillation de la charge. 0 5 10 15-1.5-1-0.5 0 0.5 1 1.5 temps (s)

Variations sur la notion de contrôlabilité 289

0 0.1 0.2 0.3 0.4 0.5 0.6 0.7 0.8 0.9 10

0.1

0.2

0.3

0.4

0.5

0.6

0.7

0.8

0.9

1

Figure 14. La fonction de Gevrey utilisée pour d = 1.

C =1∫

0

exp

( −1

τd(1 − τ)d

)

est une constante de normalisation, représentée dans la Fig. 14 pour d = 1.On trouvera la mise-en-œuvre [50] de cette méthode à propos de l’équation

d’Euler–Bernoulli des poutres flexibles, qui a été testée avec succès en [2,56].

4.6. Généralisations en dimension infinie

Au-delà du linéaire de dimension finie, les définitions de la contrôlabilité ont éténombreuses et variées. Pour les systèmes à retards, une comparaison entre la plupartdes notions existantes a été menée à bien grâce aux modules [48,86]. Il seraitinstructif de la poursuivre pour les équations aux dérivées partielles.

Le contrôle d’équations aux dérivées partielles à plusieurs variables d’espace est,bien entendu, à étudier. Pour des géométries simples, les transformations intégralesclassiques (cf. [134]) semblent être la continuation naturelle de ce qui précède.

On trouvera quelques exemples concrets d’équations aux dérivées partielles nonlinéaires en [72,119], traités avec le même esprit.

5. SYSTÈMES NON LINÉAIRES

Nous traiterons les deux formalismes évoqués en introduction, l’algèbre diffé-rentielle, introduite en 1985 en contrôle par l’auteur (voir [26]), et la géométriedifférentielle des jets infinis.

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290 M. Fliess

5.1. Algèbre différentielle

Un anneau différentiel (ordinaire) est un anneau commutatif A, muni d’une seule32

dérivation, notée ddt

= ·, telle que, pour tout a ∈ A, a ∈ A, de sorte que, pour touta, b ∈ A,

– ddt

(a + b) = a + b,

– ddt

(ab) = ab + ab.

Une constante est un élément c ∈ A, tel que c = 0. L’ensemble des constantes deA forme le sous-anneau des constantes. Un idéal différentiel de A est un idéal,clos pour la dérivation. Un morphisme φ :A → B d’anneaux différentiels est unmorphisme d’anneaux, qui commute avec la dérivation : d

dtφ = φ d

dt.

Exemple 5.1.1. Dans l’anneau différentiel k{X1, . . . ,Xn} des polynômes sur k enles indéterminées différentiels X1, . . . ,Xn, tout élément est un polynôme en lesindéterminées {X(νι)

ι | ι = 1, . . . , n, νι � 0}.

Un corps différentiel (ordinaire) est un anneau différentiel qui est un corps. Nousnous restreindrons aux corps de caractéristique nulle par souci de simplicité : on neconnait pas encore de phénomènes concrets régis par des équations différentiellesà coefficients dans un corps de caractéristique non nulle.33

Ce qui suit est une transcription des propriétés élémentaires d’extensions de corpsnon différentiels. Une extension différentielle K/k consiste en la donnée de deuxcorps différentiels k,K, k ⊆ K , tels que la dérivation de k soit la restriction à k dela dérivation de K .

Notation. On note k〈�〉 le sous-corps différentiel de K engendré par k et unepartie � ⊆ K .

Un élément ξ ∈ K est différentiellement k-algébrique si, et seulement si, lafamille des dérivées {ξ (ν) | ν � 0} est k-algébriquement dépendante ; ξ satis-fait donc une équation différentielle algébrique P(ξ, . . . , ξ (n)) = 0, où P estun polynôme sur k en n + 1 indéterminées. Sinon, ξ est dit différentiellementk-transcendant. L’extension K/k est différentiellement algébrique si, et seulementsi, tout élément de K est différentiellement k-algébrique ; sinon, elle est ditedifférentiellement transcendante. Un ensemble {ξi | i ∈ I } d’éléments de K estdit différentiellement k-algébriquement indépendant si, et seulement si, l’ensemble

{ξ (νi )

i | i ∈ I, νi � 0} est algébriquement k-indépendant. Un tel ensemble est appelébase de transcendance différentielle de K/k si, et seulement si, il est maximalpar rapport à l’inclusion. Deux telles bases ont même cardinalité qui est le

32 Un anneau différentiel muni de plusieurs dérivations est dit partiel. Nous limitant aux équationsdifférentielles ordinaires, nous n’en aurons pas besoin.33 Ce n’est pas vrai pour les équations aux différences !

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Variations sur la notion de contrôlabilité 291

degré de transcendance différentiel de K/k, noté deg tr diff(K/k). Rappelons quedeg tr diff(K/k) = 0 si, et seulement si, K/k est différentiellement algébrique.

Soit K/k une extension différentielle de type fini. Alors, les deux conditionssuivantes sont équivalentes [64] :

– K/k est différentiellement algébrique ;– deg tr(K/k) < ∞, c’est-à-dire le degré de transcendance (non différentiel) de

K/k est fini.

Soient k un corps différentiel et K/k une extension algébrique au sens usuel,c’est-à-dire non différentielle. Alors, K possède une structure canonique de corpsdifférentiel, telle que K/k soit une extension différentielle.

5.2. Systèmes

Un k-système est une extension différentielle K/k de type fini.

Remarque 5.2.1. En pratique, un système est donné par des équations diffé-rentielles algébriques, c’est-à-dire par un idéal différentiel � de k{X1, . . . ,Xn}.Supposons � premier34 ; alors K est le corps de fractions de k{X1, . . . ,Xn}/�. Si �n’est pas premier, on s’y ramène grâce à la généralisation différentielle du théorèmede décomposition de Lasker–Noether, due à Raudenbush et Ritt (cf. [111,64]).

Une k-dynamique est un k-système K/k, muni d’une entrée u = (u1, . . . , um)

telle que l’extension K/k〈u〉 soit différentiellement algébrique. L’entrée est diteindépendante si, et seulement si, u est une base de transcendance différentiellede K/k.

Un k-système entrée-sortie est une k-dynamique munie d’une sortie, c’est-à-direune partie finie y = (y1, . . . , yp) de K .

5.2.1. Représentations d’étatSoit n le degré de transcendance de K/k〈u〉 et x = (x1, . . . , xn) une base de

transcendance. Il vient [26,28]

Fi

(xi ,x, u1, u1, . . . , u

(α1i )

1 , . . . , um, um, . . . , u(αmi)m

) = 0, i = 1, . . . ,m,(19)

où les Fi sont des polynômes sur k. Deux antinomies notables sont à noter parrapport à (4), c’est-à-dire par rapport à la représentation d’état non linéaire usuelle :

1. La présence en (19) de dérivées de l’entrée35 est confirmée par la grue del’introduction [44].

34 Les idéaux différentiels rencontrés en pratique sont le plus souvent premiers. C’est, notamment, vrailorsqu’on a une représentation de type (4) à second membre polynômial (voir [25]).35 L’exemple élémentaire x = (u)2 démontre qu’en non-linéaire il est en général impossible de chasserles dérivées de l’entrée par un changement d’état dépendant de l’entrée et de ses dérivées. Renvoyonsà [21] pour un résultat général.

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292 M. Fliess

2. La forme implicite de (19) par rapport à xi , confirmée par un circuit électriquenon linéaire [35], est reliée aux points d’impasse des équations différentiellesordinaires.

5.2.2. Equivalence et platitudeDeux systèmes K1/k et K2/k sont dits équivalents si, et seulement si, les

les clôtures algébriques K1 et K2 de K1 et K2 sont telles que les extensionsdifférentielles K1/k et K2/k soient différentiellement isomorphes. Par manque deplace, nous ne donnerons pas la traduction en terme de bouclage endogène, qui estun bouclage dynamique particulier.36

Par analogie avec la situation non différentielle, l’extension K/k est dite différen-tiellement transcendante pure si, et seulement si, il existe une base de transcendancedifférentielle b = (b1, . . . , bm) de K/k, telle que K = k〈b〉. Un système est dit(différentiellement) plat si, et seulement si, il est équivalent à une extensiondifférentiellement transcendante pure k〈b〉/k. Alors, b est appelée sortie (differen-tiellement) plate, ou linéarisante, du système plat.

5.2.3. Platitude et systèmes linéaires contrôlablesSoit � un R[ d

dt]-système linéaire, c’est-à-dire un R[ d

dt]-module de type fini.

La R-algèbre symétrique Sym(�) possède une structure canonique d’anneaudifférentiel. Soit L le corps différentiel de fractions de Sym(�), qui n’a pas dediviseurs de zéro. Il est facile de vérifier que l’extension L/R est différentiellementtranscendante pure si, et seulement si, � est libre. Nous avons esquissé la démon-tration37 du

Théorème 5.2.1. Un système non linéaire est plat si, et seulement si, il estéquivalent à un système linéaire contrôlable.

On en déduit le

Corollaire 5.2.1. Un système R[ ddt

]-linéaire est plat si, et seulement si, il estcontrôlable.

5.2.4. Digression : systèmes non linéaires à retardsUn formalisme pour les systèmes non linéaires à retards (cf. [27]) est donné par

les corps différentiels aux différences [18], qui généralisent les corps différentiels etles corps aux différences [17]. Un tel corps K , supposé de caractéristique nulle, seraici muni d’une seule dérivation d

dtet d’un ensemble fini {σ1, . . . , σr} d’injections

K → K , qui représentent les retards. Un système non linéaire à retards est, alors,une extension K/k de type fini. Le concept de platitude s’étend à ce cadre (voir [90,91,129], où des exemples concrets sont présentés).

36 Un type important de bouclages endogènes et, donc, dynamiques, est fourni par les bouclages quasi-statiques [20], également utiles en platitude [22,124,128].37 D’après une démonstration analogue, deux systèmes R[ d

dt ]-linéaires sont équivalents si, et seulementsi, les modules correspondants sont isomorphes.

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Variations sur la notion de contrôlabilité 293

5.3. Géométrie différentielle

Soit I un ensemble dénombrable, fini ou non, de cardinalité �. Notons R� l’en-

semble des applications I → R, où R� est muni de la topologie produit, qui

est de Fréchet. Pour tout ouvert V ⊂ R�, soit C∞(V) l’ensemble des fonctions

V → R, dépendant d’un nombre fini de variables et C∞. Une R�-variété C∞ est

définie comme en dimension finie par un R�-atlas. Les notions de fonctions, de

champs de vecteurs, de formes différentielles C∞ sur un ouvert sont claires. Si{xi | i ∈ I } sont des coordonnées locales, remarquons qu’un champ de vecteurs peutcorrespondre à l’expression infinie

∑i∈I ζi

∂∂xi

, tandis qu’une forme différentielle∑

finie ωi1...ipdxi1 ∧ · · · ∧ dxip est toujours finie. La notion de morphisme (local)

C∞ entre deux R� et R

�′-variétés C∞, où � et �′ ne sont pas nécessairement

égaux, est claire de même que la notion d’isomorphisme (local). Par contre, lanon-validité du théorème des fonctions implicites dans ces espaces de Fréchet dedimension infinie interdit l’équivalence des diverses caractérisations usuelles dessubmersions et immersions (locales) entre variétés de dimension finie. Choisissonsavec [146] la définition suivante : une submersion (resp. immersion) (locale) C∞est un morphisme (local) C∞ tel qu’il existe des coordonnées locales où c’est uneprojection (resp. injection).

Une diffiété M est une R�-variété C∞, munie d’une distribution de Cartan

CTM, c’est-à-dire une distribution de dimension finie et involutive. La dimensionn de CTM est la dimension de Cartan de M. Une section (locale) de CTM estun champ de Cartan (local) de M. La diffiété est dite ordinaire (resp. partielle) si,et seulement si, n = 1 (resp. n > 1). Un morphisme C∞ (local) entre diffiétés estdit de Lie–Bäcklund38 si, et seulement si, il est compatible avec les distributionsde Cartan. Les notions de submersions et d’immersions de Lie–Bäcklund (locales)sont claires. Alors, la catégorie des équations différentielles est celle des diffiétésmunies des morphismes de Lie–Bäcklund.

Restreignons-nous, dorénavant, aux diffiétés ordinaires, c’est-à-dire aux équa-tions différentielles ordinaires.

Exemple 5.3.1. Soit la diffiété de coordonnées globales {t, y(νi )

i | i = 1, . . . ,m;νi �0} et de champ de Cartan

d

dt= ∂

∂t+

m∑

i=1

νi�0

y(νi+1)

i

∂y(νi )

i

.

Notée R × Rm∞ et appelée diffiété triviale, car elle correspond à l’équation triviale

0 = 0, elle joue un rôle fondamental.

38 Cette terminologie est due à Ibragimov (voir [1] et, aussi, [146]). Elle a été critiquée par plusieursauteurs (voir, par exemple, [98]). Vinogradov et son école parlent de C-morphisme (voir [65,66]), car cesmorphismes généralisent les transformations de contact classiques. Il convient d’ajouter que la théoriedes diffiétés n’en étant qu’à ses débuts, la terminologie est fluctuante selon les auteurs.

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294 M. Fliess

Une diffiété M est dite (localement) de type fini39 si, et seulement si, il existeune submersion de Lie–Bäcklund (locale) M → R × R

∞m dont les fibres sont de

dimension finie ; m est la dimension différentielle (locale) de M.

Exemple 5.3.2. Soit la dynamique non linéaire

x = F(x,u)(20)

où l’état x = (x1, . . . , xn) et le contrôle u = (u1, . . . , um) appartiennent à des ouvertsde R

n et Rm ; F = (F1, . . . ,Fn) est un m-tuple de fonctions C∞ de leurs arguments.

Associons à (20) la diffiété D de coordonnées {t, x1, . . . , xn, u(νi )

i | i = 1, . . . , n;νi �0}. La distribution de Cartan est engendrée par le champ de Cartan

d

dt= ∂

∂t+

n∑

k=1

Fk

∂xk

+m∑

i=1

νi�0

u(νi+1)

i

∂u(νi )

i

.

Une fibration de Lie–Bäcklund (local) est un triplet σ = (X ,B,π), où π :X → Best une submersion de Lie–Bäcklund (locale) entre deux diffiétés. Pour tout b ∈B,π−1(b) est une fibre. Soit une autre fibration de Lie–Bäcklund σ ′ = (X ′,B,π ′)de même base B. Un morphisme de Lie–Bäcklund α :σ → σ ′ est un morphismede Lie–Bäcklund σ :X → X ′ tel que π = π ′α. La notion d’isomorphisme de Lie–Bäcklund est claire.

5.3.1. SystèmesUn système [40] est une fibration de Lie–Bäcklund (locale) σ = (S,R, τ ), où

– S est une diffiété de type fini à champ de Cartan ∂S donné,– R est muni d’une structure canonique de diffiété, de coordonnée globale t , et

de champ de Cartan ∂∂t

,– les champs de Cartan ∂S et ∂

∂tsont τ -associés.

Un morphisme de Lie–Bäcklund (resp. une immersion, une submersion, un isomor-phisme de Lie–Bäcklund) (local) ϕ : (S,R, τ ) → (S′,R, τ ′) entre deux systèmesest un morphisme (resp. immersion, submersion, isomorphisme) de Lie–Bäcklund(local) entre S et S′ tel que

– τ = τ ′ϕ,– ∂S et ∂S′ sont ϕ-associés.

Une dynamique est une submersion de Lie–Bäcklund (locale) δ : (S,R, τ ) →(U,R,µ), telle que les champs de Cartan ∂S et ∂U sont δ-associés. En général, U

est un ouvert de la diffiété triviale R × Rm : il joue le rôle de contrôle. Remplaçons,

par léger abus de notation, ∂S et ∂U , qui sont des dérivations totales par rapport à t ,par d

dt.

39 Voir [40] pour une définition intrinsèque.

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Variations sur la notion de contrôlabilité 295

5.3.2. Équivalence et platitudeDeux systèmes (S,R, τ ) et (S′,R, τ ′) sont dits (localement) différentiellement

équivalents si, et seulement si, ils sont (localement) Lie–Bäcklund isomorphes.Ils sont dits (localement) orbitalement équivalents si, et seulement si, S et S′sont (localement) Lie–Bäcklund isomorphes. La première définition préserve letemps.40 mais non la seconde : elle introduit un changement de temps.41

Le triplet (R × Rm∞,R,pr), où R × R

m∞ = {t, y(νi )

i } est le système trivial et

pr la projection {t, y(νi )

i } �→ t , est un système trivial. Le système (S,R, τ ) est(localement) différentiellement plat si, et seulement si, il est (localement) diffé-rentiellement équivalent à un système trivial ; il est (localement) orbitalement platsi, et seulement si, il est (localement) orbitalement équivalent à la diffiété triviale.L’ensemble y = (y1, . . . , ym) est une sortie sortie plate, ou linéarisante. On vérifie,comme en 5.2.3, qu’un système est (orbitalement) plat si, et seulement si, il est(orbitalement) équivalent à un système linéaire commandable.

5.3.3. Digression : accessibilité forteEn théorie géométrique habituelle (voir [57,58,93,138]), une dynamique affine

en contrôle est un objet privilégié d’étude :

x = f0(x) +m∑

i=1

uifi(x).(21)

L’état x appartient à une variété différentiable C∞ de dimension n. Soit L la dis-tribution d’accessibilité faible, c’est-à-dire la distribution sous-tendue par l’algèbrede Lie L engendrée par les champs de vecteurs f0, f1, . . . , fm. L’algèbre de Lied’accessibilité forte L0 est la distribution sous-tendue par l’idéal de Lie L0 de Lengendré par f1, . . . , fm. La dynamique (21) satisfait localement la condition deLie d’accessibilité forte [140] (voir, aussi, [57,58,93,138]), si, et seulement si, L0

est localement de dimension n.Une intégrale première locale, ou une constante de mouvement, I sur la diffiété

M est une fonction C∞ locale I de D à valeurs réelles, telle que dIdt

= 0. Elle estdite triviale si, et seulement si, c’est une constante.

Proposition 5.3.1. Pour (21), les deux propriétés suivantes sont équivalentes :

– (21) satisfait localement la condition de Lie d’accessibilité forte,– toute intégrale première locale de la diffiété associée M est triviale.

Démonstration. Supposons que (21) ne satisfasse pas localement la condition deLie d’accessibilité forte. Alors, (21) se décompose localement de façon suivante(voir [57,93]) :

40 Comme celle donnée avec les corps différentiels.41 Ce changement de temps est très utile en pratique (planification de trajectoires [38], bouclagestabilisant [39]) car il permet de « s’affranchir » de certaines singularités.

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296 M. Fliess

˙x = f0(x)(22)

˙x = f0(x, x) =m∑

i=1

uifi(x, x)

où x = (x1, . . . , xκ ) et x = (xκ+1, . . . , xn). L’application du théorème de redresse-ment des champs de vecteurs à ˙x = f0(x) fournit localement κ intégrales premièreslocales non triviales. Supposons maintenant l’existence d’une intégrale premièreI (t, x,u, u, . . . , u(α)) telle qu’il existe i ∈ {1, . . . ,m} vérifiant ∂I

∂u(α)i

�= 0. Alors,

dIdt

, qui contient le terme u(α+1)i

∂I

∂u(α)i

, est identiquement nulle si ∂I

∂u(α)i

l’est. Par

récurrence il en découle que I ne dépend que de t, x1, . . . , xn. L’existence d’unetelle intégrale première contredit la condition de Lie d’accessibilité forte. �

II ne semble pas exister de définition de l’accessibilité forte valable pour unsystème non linéaire arbitraire. Une diffiété est dit localement fortement accessiblesi, et seulement si, toute intégrale première locale y est triviale.

Exemple 5.3.3. Il est aisé de démontrer que tout système trivial est localementfortement accessible [42]. Il en découle que tout système localement orbitalementplat l’est aussi.

5.4. Quelques problèmes ouverts en non-linéaire

On trouvera en [41] des précisions supplémentaires sur certains des problèmesabordés.

5.4.1. Caractérisation de la platitudeAucun critère général de platitude n’est connu. C’est avant tout, semble-t-il,

un problème d’intégrabilité42 pour lequel la géométrie différentielle est mieuxadaptée.43

Exemple 5.4.1. La dynamique

x(α1)

1 = u1,

x(α2)

2 = u2,

x3 = u1u2,

42 On s’en persuadera en considérant le système linéaire tangent, ou variationel, attaché au système(voir [38] pour une approche algébrique par différentielles de Kähler, et [42] pour l’analogue engéométrie différentielle des jets infinis). Si l’on fait l’hypothèse, naturelle d’après ce qui précède, de laforte accessibilité du système, le linéaire tangent, qui est à coefficients variables, est contrôlable (cf. [19,136,137]). Le module correspondant, défini sur un anneau principal non commutatif, est libre [29].La platitude équivaut à l’existence d’une base intégrable, c’est-à-dire dont les composantes sont lesdifférentielles de fonctions.43 Des résultats partiels existent déjà (voir [79,80,143,100,106]).

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Variations sur la notion de contrôlabilité 297

α1, α2 > 0, est plate. Une sortie plate est

y1 = x3 +

α1∑

ι=1

x(α1−ι)

1 u(ι−1)2 ,

y2 = x2.

Il faut donc utiliser des dérivations d’ordre min(α1, α2) du contrôle et l’on ne saits’il en existe avec des ordres de dérivation moindre.

La difficulté tient au fait que l’on ne sait pas borner a priori pour un systèmedonné l’ordre de dérivation nécessaire pour vérifier son éventuel platitude. Si c’étaitle cas, un critère d’intégrabilité (cf. [13]) serait une réponse satisfaisante. Que l’onpermette à l’auteur de suggérer l’écriture d’une cohomologie de Spencer d’ordreinfini, c’est-à-dire indépendante de l’ordre de dérivation.

5.4.2. Une variante du théorème de LürothUne conjecture essentielle, que nous expliciterons dans nos deux langages, est la

suivante :

– Soit K/k un système plat. Pour tout corps différentiel L,k ⊂ L ⊂ K,L/k estaussi un système plat.44 C’est une variante du théorème de Lüroth, généraliséaux corps différentiels par Ritt [111].45

– L’image par une submersion de Lie–Bäcklund d’un système trivial (resp. unediffiété triviale) est un système trivial (une diffiété triviale).

Dans le jargon du contrôle, sa véracité impliquerait que tout système linéarisablepar bouclage dynamique (voir [38,43]) est (différentiellement) plat, c’est-à-direlinéarisable par bouclage endogène. Une autre conséquence serait une meilleureprise en compte des symétries naturelles du système pour examiner la platitude etdéterminer les sorties plates.46

5.4.3. ClassificationIl faudrait une classification (locale) des systèmes à une équivalence près,

équivalence décrite en en 5.2.2 et 5.3.2, où la classe la plus simple serait celle dessystèmes plats. En voici la signification dans les deux langages employés :

1. Il s’agit de décrire les extensions de type fini K/k de corps différentielsordinaires à une extension algébrique47 de K près.48

44 Une extension algébrique L/k est considérée comme un système plat trivial.45 Dans cet ordre, mentionnons qu’Ollivier [96] a utilisé la platitude pour répondre par la négative à unequestion posée par Ritt [111] sur la généralisation du théorème de Lüroth différentiel. Citons aussi [97]pour une réponse négative à un problème de Ritt sur une généralisation différentielle d’un problème deM. Noether.46 Voir [121] pour un cas particulier.47 Il s’agit d’une extension algébrique usuelle, c’est-à-dire non différentielle.48 Le défaut [38] en est une première ébauche. En voici la définition. Parmi toutes les bases detranscendance différentielle de l’extension différentielle K/k, il en existe une, b, telle que le degré de

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298 M. Fliess

2. Contrairement à la géométrie locale des variétés différentiables de dimensionfinie, celle des diffiétés n’est pas triviale49 (voir [40] pour quelques précisions).Classifier localement les systèmes non linéaires50 revient à décrire cette géo-métrie locale à un changement de coordonnées près.51

Beaucoup des propriétés de synthèse y trouveraient une interprétation simple etnaturelle.52

5.4.4. ContrôlabilitésDéterminer, éventuellement comme conséquence de la classification précédente,

une hiérarchie de contrôlabilités où

– la plus faible serait l’accessibilité forte ;– la plus forte serait la platitude, différentielle ou orbitale.

5.4.5. Caractérisation trajectorienne de la contrôlabilitéRappelons très brièvement la caractérisation trajectorienne de la contrôlabilité

linéaire, due à Willems (cf. [104]), qui ne distingue pas, elle aussi, les variables dusystème :

Un système linéaire de dimension finie, à coefficients constants, est contrôlable si,et seulement si, il est possible de joindre toute trajectoire passée à toute trajectoirefuture.

Le lien avec la liberté du R[ ddt

]-module correspondant53 est donné en [30]. On seconvainc aisément

– que les systèmes vérifiant les divers critères habituels de contrôlabilité nonlinéaire ne satisfont pas une telle propriété,

– qu’un système (orbitalement) plat possède une propriété analogue en dehors detoute singularité.

Caractériser les systèmes non linéaires jouissant localement d’une telle propriété.

transcendance (non différentielle) de K/k〈b〉 soit minimum. Ce degré de transcendance est le défaut. Ilest nul si, et seulement si, le système est plat. Rappelons la commande à haute fréquence utilisée en [38]pour certains systèmes de défaut non nul.49 Une diffiété n’est pas, en général, localement Lie–Bäcklund isomorphe à une diffiété triviale !50 D’après le théorème de redressement des champs de vecteurs, la classification locale des systèmesdynamiques, c’est-à-dire non contrôlés, de dimension finie, est triviale en dehors des singularités !51 Ce point de vue se transpose, évidemment, à la géométrie algébrique différentielle, c’est-à-dire à lavariété algébrique différentielle (cf. [14]) correspondant au système non linéaire.52 Dans le formalisme des corps différentiels, c’est déjà le cas pour le découplage et le rejet deperturbations par bouclage quasi-statique (cf. [20]).53 Une trajectoire [30] d’un système R[ d

dt ]-linéaire � est, alors, un morphisme de R[ ddt ]-modules � →

C∞(t0, t1), −∞ � t0 < t1 � +∞.

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Variations sur la notion de contrôlabilité 299

5.4.6. Algèbre différentielle réelleIl faudrait développer une algèbre différentielle réelle pour mieux tenir compte

des besoins du contrôle.

Exemple 5.4.2. Le système54

x21 + x2

2 = x3(23)

n’est pas plat sur R, d’après le critère de la variété réglée [38,118]. Il l’est sur C.Réécrivons, en effet, (23) sous la forme x3 = z1z2, où55 z1 = x1 + x2

√−1, z2 =x1 − x2

√−1. Une sortie plate est donnée par

y1 = x3 − z1z2,

y2 = z1

car z2 = − y1y2

.

Un calcul analogue démontrerait que x21 − x2

2 = x3 est plat sur R.

5.4.7. Calcul formelLa mise au point d’algorithmes, relevant, par exemple, du calcul formel, serait

d’un grand secours. Les méthodes constructives de l’algèbre différentielle ont déjàeu un impact certain en contrôle non linéaire (voir, par exemple, [24,25,34,71,95]). Les travaux récents de Boulier et coll. [9,10] devraient y être d’une grandeimportance.

5.4.8. GénéricitéLa platitude, qui n’est pas une propriété générique (cf. [118]), est très souvent

rencontrée en pratique. N’y a-t-il point là, et c’est une question de nature épis-témologique, une contradiction avec le rôle prépondérant parfois accordée à lagénéricité ?

6. EN GUISE DE CONCLUSION

Diverses parties ont été enseignées en théorie du contrôle. Cela permet, tout eninsistant sur les applications, d’éclairer certains chapitres d’algèbre, d’analyse ou degéométrie, rarement abordés dans les cours de mathématiques appliquées. Plusieursexpériences, en France et à l’étranger, ont amplement démontré la possibilité defaire passer le message à un public non mathématicien, comme, parfois, celui desingénieurs, grâce, notamment, à des travaux pratiques sur ordinateurs.

REMERCIEMENTS

L’auteur tient à exprimer sa reconnaissance à Jean Lévine, Richard Marquez,Hugues Mounier et Pierre Rouchon pour leur aide lors de la rédaction. Ce

54 Exemple dû à P. Rouchon (communication personnelle).55 Selon une certaine tradition en électricité, on écrit

√−1 au lieu de i.

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300 M. Fliess

travail a été effectué sous l’auspice de la commission européenne TMR, contratERBFMRXT-CT970137.

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Variations sur la notion de contrôlabilité 305

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