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BIBEBOOK PAUL VERLAINE ÉLÉGIES

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  • BIBEBOOK

    PAUL VERLAINE

    LGIES

  • PAUL VERLAINE

    LGIES1893

    Un texte du domaine public.Une dition libre.

    ISBN978-2-8247-1162-1

    BIBEBOOKwww.bibebook.com

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    Sources : B.N.F. fl

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    Lecture

    Fontes : Philipp H. Poll Christian Spremberg Manfred Klein

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  • lgies

    1A mon ge, je sais, il faut rester tranquille,Dteler, cultiver lart, peut-tre imbcile,Dtre un bourgeois, pote honnte et chaste poux,A moins que de plonger, sevr de tout dgot,Dans la crapule des clibats innomables.Je sais bien, et pourtant je trouve plus aimablesLes femmes et leurs yeux et tout delles, depuisLes pieds ns jusquaux noirs cheveux, nuit de mes nuits,Car les femmes cest toi dsormais pour la vie,Pour moi, pour mon esprit et pour ma chair ravie,Ma chair, elle se tend vers toi, pleine dmoiSacr, dun bel moi, le feu, la eur de moi;Mon me, elle fond sur ton me et sy fond toute,Et mon esprit veut ton esprit.

    Chrie, couteMOI bien: Or je suis vieux ou presque, et Dieu voulutTe faire de dix ans plus jeune, dans le butvident dtre, toi, plausible compagneDe ma misre emmi mes chteaux en Espagne. Ne me regarde pas de tes petits yeux bruns,Nagure, moi compris, les bourreaux de daucuns. Chtelaine de qui je ne suis, las! le page,Mais le vieil cuyer dle et pas trop sageGrces ta bont qui pleut dans le dsertParfois, mais le chanteur familier et disertRentrant et ressortant par une porte basse,Le berger de tes gras pturages qui passePour sorcier, qui sur toi dresse ses yeux matoisEt tvoque et tenvote en son rauque patois,Le moine confesseur, saint homme par sa robeAustre, blanche et noire et qui, dit-on, drobe

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    Des masses de malice et plus dun joli tour,Larcher, enn, qui veille au crneau de la tour,Chtelaine de mes domaines de Bohme,coute bien, chrie, coute bien: je taime! Et dis tes cheveux de me luire moins noir,Tes cheveux, pourpre en deuil sur le rouge du soir.Les gens crieront ce quils voudront: Cest ridicule,Idiot! Un barbon! O la chair nous acculePourtant! Passe encore de btir et ctera!Va, toi! le monde en vain de moi caquettera,Je taime, moi, barbon, toi, plus une ingnue,Dune amour, comme de printemps, tard survenueEt dun lan, aussi, mdit, concern,Mariant mon dclin ta maturit.O ta maturit plus belle et plus jolieQue telle adolescence la taille qui plieEt que tels vingt-cinq ans certes trs savoureuxMais trop fringants pour faire assez mes sens heureux!TOI, simple et, par la loi des choses, reposeMoyennant toutefois parfois une fuseDe franche passion et de got aux bats,Tu sais porter le poids divin de tes appasComme un soldat instruit porte laise ses armes,Et manier avec autorit tes charmes.Et puis, ton bon sens, et puis, ta gat,Ta raisonnable et ne et sans rien dapprtGat! Sages conseils souvent pics direPlaisamment simule et nissant en rire.Le Bottin ne saurait nombrer tes agrments.Ta conversation clate en mots charmantsPlus nafs que rous, bien que rous quand mme,

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    Et pour tout dire enn, excitants lextrmeGrce ton visage enfantin et grce laLvre suprieure en avant que voil,Qui boude drlement sous quel nez qui se moque,Nez en lair, nez lger, petit nez quun rien choqueEt fronce amusamment, sottise ou male odeur,Ou parfum excessif, ou propos emnuyeur.Quelque mchancet, dame! il faut quon lavoue,Te hrisse son tour et certes je ten loue,Mais jen soure et sur moi, non pas tourdiment,Mais de propos dlibr, va promenantSa herse, tel un laboureur brisant des mottes. O que tes longues mains, ntant plus des menottes,Bercent, ne grient plus mon amour agit. Mais au fond, bien au fond, cette mchancetMme mest salutaire et bonne, tant je taime!Elle fouette mon sang qui coule plutt blmeA cause de la maladie et des ennuis,Elle avertit le casse-cou fou que je suis,Et, par leet de la pure logique, amneMon regret, ou plutt mon remords, lamneFaon que jai, des jours de penser et dagirEt jentends ma mchancet propre rugirEt rendre malheureux tel ou tel ou telle autreEn dpit de mes airs tout ronds de bon aptre.Aussi, malgr les pleurs dont tu rougis mes yeux,Je proclame jamais les torts dlicieux.Puis, ces dfauts, car tu nen manques point peut-treAssez, quelque charmants quils daignent me paratre, Ne sont rien. Tu me plais. Que dis-je, tu mes Dieu.Non pas Desse, tant me brles dun feu

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    Jovial, et tu mes matre et non plus matresse,Tant ta volont tonne travers toute ivresse.Tes dfauts ne sont rien que le miroir des miens.Capricieuse avec des retours, si tiens!Colre, point jalouse (est-ce taquinerie?)Trs maussade entre temps, car il faut bien quon rie,Gaie lexcs, car il faut bien quon pleure aussi,Et le reste Mais quoi, tu mes tout, et merci!

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    2Je me demande encor cette tte que jai!O, comme dbuta, bien sr quelque soir gai Cette liaison qui ma fait ton esclave ivre.Tu ne ten souviens plus non plus. Rayons du livreDe Mmoire ce jour des jours, ou plutt non,Il ne sera pas dit, ou jy perdrai mon nom,Que je naurai pas fait au moins le ncessairePour retrouver un peu de cet anniversaire.Oui, ctait par un soir joyeux de cabaret,Un de ces soirs plutt trop chauds o lon diraitQue le gaz du plafond conspire notre perteAvec le vin du zinc, saveur nave et verte.On samusait beaucoup dans la boutique et onEntendait des soupirs voisins daccordonQue ponctuaient des pieds frappants presque en cadence.Quand la porte souvrit de la salle de danseVomissant tout un ot dont toi, vers o jtais,Et de ta voix qui fait que soudain je me tais,Sil te plat de me donner un ordre premptoire.Tu tcrias Dieu quil fait chaud. Patron, boire!Je regardai de ton ct. Tu mapparusToute rose, enamme, et je comme accourusA toi, tant ton visage et toute ta personne,Gat, sant, beaut du corps que lon souponneSous le jersey bien plein et la jupe aux courts plisBien pleins, et les contours des manches mieux remplisEncore, plaisir! car vivent des bras de femme!Mavaient pris dun seul coup, tel un fauve rclameEt mord sa proie, et comme javais discernDans tes quelques mots dit dun ton, croyais-je, inn,Avec laccent quon a dans le Nord de la FranceEt que je connais bien ayant, par occurrence,

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    Vcu par l, je liai conversation,Torant, selon ton vu, la consommationQue tu voudrais, au nom du pays. Et nous bmesEt nous causmes, lors, remplir cent volumes,De ceci, de cela, le tout fort arrosDe ce vin-l, naf et vert et trs rus.Ce qui sensuivit par exemple, je loublieTout en men doutant peu ou prou. Mais toi, plieLe lendemain et lasse assez (moi las, trs las),Peux-tu te rappeler pourquoi, sans trop dhlas!Connaissances dhier peine, tendres mesAu chocolat matinal nous nous tutoymes?Pour des commencements banals certes, cen sontA ces amours, vrai! mes dernires, qui fontComme un signe de croix sur mon vieux cur en peineEntre le bien, le mal, la tendresse et la haineEnn au port, un port orageux, mais un portPour ce qui me reste de vie et pour la mort!Avons-nous voyag, dis, ma puissante reine,toile de la mer, toi toujours sereineA travers ce pullulement dareux dangers.cueils, naufrages, calmes plats tant partags?Avons-nous travers des rages, des misres,Heurts de curs violents et chocs de caractres,Disputes, pis encore, trahisons, pis encor,Finalement la paix, nest-ce pas? paix en or,Paix pour de bon, paix dnitive et sans trve?Ah! ce serait le but et ce serait le rveMieux encore que conjugal, presque chrtienO lhumble bouchon do maua tout ce bien

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    3Daprs ce que jai vu, daprs ce que je sais,Daprs ce que je crois, nuls nont plus de succs,Ou nen eurent, ou nen auront, si cest ma veine.Auprs de toi, sinon ceux simples et sans gne:Tel un moi qui serait plus jeune, au moins de corps,Quoique je ne me mette pas au rang des mortsEncore ou bien dj, nen dplaise aux quaranteEt trop dans qui sont, las! ma seule sre rente.Oui, jai cru remarquer, tu mas insinu,Je fus le tmoin, mal, mal habitu,Quen eet ton regard qui compte ce mriteEntre tant, dtre franc au point que sen irriteLespce de jaloux que parfois je seraisSi je ne me faisais aveugle et sourd exprs,Que ton regard, disais-je, allait de prfrenceAux hommes de carre et de ronde apparence,Plutt quaux freluquets lair godiche ou sec,Nayant pour eux que gros cigares, chers, au bec,Et quinsipides eurs, hors de prix, en faadeAu revers de leur bel habit terne et maussade;Gent laide et dont, si jtais femme, laspect purEt simple dresserait entre elle et moi quel mur!Ton choix sbat ou sbattrait si toi libre,Sbat ou sbattrait, sans beaucoup dquilibre,Du soldat bon enfant au joyeux ouvrier,Sinon, et comme au lieu de grives, sans trier,On prend des merles, dun pote bien candide,Amusamment vtu sans faux-col qui le bride,Et rieur, lartiste bouri qui va,Baguenaudant gament sous lazur quil creva.Certes tu men s part et je le croirais presque,Dans ta prime jeunesse il tet paru grotesque

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    De navoir pas damants trs bien (et tu les eus!),Ce quils ont d sourir avec toi, doux Jsus!Aussi ce ntait pas ta botte, ces fantoches,Et dabord, comme tu me le fais sans reproches,A moi qui ne suis gure, aprs tout, quun pur gueux.Tu trompais ces bons gentlemen coups fougueux,Faisant bien en ce cas, mais que non pas dans lautre,En ce pauvre petit mnage quest le ntre!Bref, pour y revenir, tes gots sont pour le sain,Ft-il mal habill, pour lhomme au large seinO le cur bat laise, encor que sous la bure.Eh bien! jai tes dadas et croirais faire injureA ton charme, si jy rvais des oripeaux;Tu sais dailleurs si jaime te voir des chapeaux,Des robes, des atours, comme mes autres femmesDans le temps, parce que a plaisait ces damesEt que cela te plat, le nombre des chions.Mais je taime bien mieux telle que nous tavons,Mes sens et moi, sans trop dapprt qui te dguiseComme un Dieu disparat dans le trop dune glise,En matine, en jupe, en peignoir prts choir,A lheure ralentie o sachve le soir,Forte et saine, parisienne et paysanne.Plus encor paysanne et mieux ainsi, SuzanneQuasiment linstant dtre dispose au bain.La femme, et juste assez, cest le vin et le pain.

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    4Notre union plutt vhmente et brutaleRecle une douceur que nulle autre ntale,Nos caractres dtestables lenviSont un champ de bataille o tout choc est suiviDune trve dautant meilleure que plus brve.Le lourd songe oppressif sy dissout en un rvelastique et rafrachissant linni.Je croirais pour ma part quun ange ma bniQue des Cieux indulgents chargeraient de ma joie,En ces moments de calme o ses ailes de soieAbritent la caresse enn que je te dois.Et toi, nest-ce pas, tu sens de mme; ta voixMe le dit, et ton il me le montre, ou si jerrePlaisamment? Et la vie alors mest si lgreQue jen oublie, avec les choses de tantt,Tout lancien pass, son naufrage et son otBattant la grve encore et la couvrant dpaves.Et toi, nest-ce pas, tu sens de mme ces gravesMoments de nonchaloirs voluptueux, o cestQuun mensonge plus vrai que du vrai me berait?Comme un air de pardon otte comme un armeSur le cur aranchi du poids de tel fantme,Et lincube et le succube du prsent,Cest toi, cest moi dans le bon spasme renaissantAprs les froids contacts de deux mes froisses.Vite, vite, accourez, nos plus tendres penses,Nos maux les plus nafs, nos mieux luisants regards.Plus de manires ni de tics, plus dairs hagards.Que darmistice en armistice, une paix francheternise ce nid doiseaux bleus sur la branche.

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    5Incorrigible, toi. Mais cest la destine.Voil pourquoi mon cur triste ta pardonne,Mon cur tendre, indolent et fol, et plus cruelIncorrigible, toi, selon lordre du Ciel,Pour te punir toi-mme et chtier mes fautes.(Et tu tacquittes bien de ces fonctions hautes.)Incorrigible, toi, toi, cest la faute au pass,A ton pass brutal, misrable, insens,Comme le mien dhier, car jadis je fus brave,Je croyais fermement que tout mtait esclaveEt jallais, insolent, turbulent, hasardeux,Avec lair, comme dit lautre, den avoir deux.Jen avais deux, je ten rponds, tu peux toi-mmeTmoigner que jen ai deux encor: lun suprme,Trop gnreux, visant au mieux plutt quau bien;Lautre bas, quasiment dun ptre ou dun vaurien.Puis le malheur ma fait pareil aux autres hommes,Sinon moindre, et voici quayant croqu les pommes,Il ne me reste que les ppins et la peau.Bah! puisque je tai l, mon sort est le plus beau,Ma part est la meilleure en ce monde dune heureO lamour seul nous ternise et seul demeure.Mais toi, ma pauvre enfant, daprs tes francs aveuxOu ta noble confession, comme tu veux,Tu jouissais encore plus que moi de la vie:Les hommes genoux comblaient ta moindre envie,Tu nageais dans largent et tu roulais sur lor,Et, pour te faire heureuse et belle mieux encor,Une passion vraie et forte tavait prise,Qui texalta longtemps comme un bon vin qui grise,Tu fus sublime tous ces ans. Tout ton eortTe bandait vers cet homme, et lorsquun dsaccordInvitable vint sur vous, Sapho nave,

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    Tu s le saut de Seine et, depuis morte-vive,Tu gardes le vertige et le got du nant.Je le vois bien ton regard souvent bant,Qui nanmoins sallume et se xe, moins sombreSur pauvre moi transi, palpitant dans ton ombreEt que cet claircie a soudain rjoui.Et nous voici, moi donc, lamour panoui,Tendre, orageux, soumis, et toi la sympathie,Nest-ce pas? laisse-moi le croire, ressentiePour tant daection oerte de ma part,Mal peut-tre, travers des nerfs, dun cur hagard,Mais tant! Et nous voici, victimes reposes,Tous deux seuls, mais tous deux, aux rancunes brises,Las daventures, fous daimer et den sourir,Mais indulgents nos ingrats, prts mourirMains dans la main, ainsi que tels vaincus, bons frres,Opposant cordialement aux sorts contrairesLa rsignation de lultime amiti.Tu vois, pour te complaire, meilleure moitiDe mon tre, je bride et romps llan faroucheVers tes sens de mes sens, et jimpose ma boucheLe silence des mots brlants et des baisers,Et je voudrais, pour voir tes lourds deuils apaiss,Ttre un des frres dont je parlais tout lheureEt que tu fusses une sur pour qui je meureOu je vive plutt, faisant tout pour la paixDe la tristesse inexpugnable o tu te plais,Quoi quen dise et quen fasse en son pieux mange,La gat que tu feins, sachant quelle mallgeLe fardeau lourd aussi de ma tristesse aussi,O femme! sur! tout mon prcieux souci!Incorrigibles, nous! dtre mlancoliques.Seulement, toi, grand cur dle sans obliques

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    Dtours, mais aux soudains et foudroyants retours.Tu saignes en ton dam dantan saignant toujours.Tu fais bien puisque ta vocation est telle.Pourtant mon propre ennui, ma blessure immortelle,Je les mets sous tes pieds Fais-je bien, mon tour?Mais, tout en le domptant, je garde mon amourPour, du moins, tre lescabeau riche et funbreDe ton amour toi ottant dans la tnbreEt le rve dun abandon dnitif.Crois-men. Tout autre plan dagir serait fautif.Donc sans plus oublier lingrat, que je noublieLingrate, aime-moi, va, tout mon cur ten supplie;Aime mon sacrice en moi, fais-moi ce don,Et si tu ne le peux sans peine, toi, pardon!

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    6Jai dit ailleurs lorgueil de la possessionEt le joyeux moi doccuper la SionPas cleste, mais presque, force dtre bonneA garder aprs sige fait, de ta personnePhysique, et le butin inpuisable. Mais,Tout en continuant de piller dru, je vaisExalter maintenant ta gloire intrieure,Tes vertus, en un mot, qui ne sont point un leurre(Ni tes vices non plus) tes eorts surhumains,Tes prjugs vaincus? O que non pas!

    Tes mainsLongues et blanches et ngligeant dtre belles,Leurs poignets saccommoderaient bien de dentellesPoint trop ns quils sont. (Mais les bras! que models,Que) Pourtant, avouons, les doigts vont, fusels,Agiles, et non sans une grce perverseSerait trop dire, ils vont, les doigts, quun rythme berce,Sur le mol clavier de mes contemplations,Tant et si bien que je craindrais que nous ssionsDes btises, puisquon nomme a des btisesEn ce jourdhui que je veux tout en teintes grises,Bond de convenance et sol de chastet.Or ces simples mains-l qui nont jamais gantQue fourrures lhiver et que mitaines vaguesLt, sabstiennent de lclat bourgeois des bagues,De mme que ton cou ddaigne les colliersEt que ton pied faisant des jolis souliersQuune catin maigre use en courses libertines,Brave, se cambre au cuir martial des bottines,Et que le jersey pur et souple rampe au corpsQue jadore, et non plus tels falbalas discords.Mais quoi! jai dit: ngligeant dtre belles delles.

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    Jai menti. Je parlais, je crois, de citadellesConquises tout lheure et de combats livrs.Jallusionnai lors, et cela de trs prs,A la dfense par ces mains de tel corsage,De telle jupe ayant trop voulu rester sageEt je leur en voulais et jai menti. Du moinsJe me suis dessein mal exprim: TmoinsSont tes yeux que tes mains sont belles et trs belles,Et les miens donc! Et je les baise comme tellesCent et cent fois le jour et presque autant la nuit,Mais trop belles, non pas, car en tout lexcs nuit.Je voulais simplement dire quelles sont bellesJuste au point et que je les baise comme tellesEt non pas comme des chsses ou des bons dieuxEn bois ou de mtal plus ou moins prcieux,Mais bien comme les mains chres dune matresseTant aime et donnant la suprme caresseSur mon front essuy, sur mes mains quelles fontLittralement leurs, dun uide profondEt calmant, dune vre ainsi communiqueQuelle va jusqu lme on dirait fatigue,Et lendormant dans un rve daise et dbat.Quant aux poignets, que jinsultai dun propos plat,Toujours cause des susdites rsistances,Il convient, mon amour, quprement tu me tancesDune erreur volontaire, et je confesse iciQuils sont parfaits, mignons et gras, roses ainsiQuune rose-th rose plus que de coutume,A preuve que tantt encor dans lamertumeDun remords pour des mots trop vifs que javais ditsEt les ayant baiss, pour voir le paradis,Le pardon, reeurir sur ta bouche si bonne,Parmi le bleu lacis des veines o, gai, sonneTon pouls tumultueux dun courroux passager,

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    (Esprais-je!) jen ai gard, pour y songerLongtemps, le souvenir de satin et de soie.O tes mains, les dispensatrices de ma joie!

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    7Enn cest toi! Laisse-moi rester dans tes bras;Puis tu mobjurgueras tant que tu le voudras;Mais laisse-moi pleurer dans ton giron, que sais-je?Sur tes pieds, vers tes yeux ou mon remords sallge;Mon remords vritable, ou ma honte plutt,Ma honte vridique nen point perdre un mot,Et voici, non pas mon excuse superue!Voici les faits, et juge:

    Or, un jour de berlue,Javais, toi l, lorgn quelque minois passant.Tu men s lobservation en te gaussant,Cest vrai, mais non sans quelque amertume latente,Du moins pensais-je ainsi, moi toujours dans lattenteDe tous tes sentiments quils soient bons ou mauvais,Pour men dsesprer ou men rjouir, maisPassons. Et me piquant au jeu, je jouai double,Dabord plein de scrupule, conscience trouble!Puis dlibrment, sans pudeur, ton nez(Adorable pourtant), et mes vux tonnsQui, ds longtemps navaient que toi pour but au mondeSgaillrent bientt de la brune la blonde.Enn vint le dpart, la fuite, labandonDe toi par moi, mes rencontres dune GotonPar nuit, vingt nuits avec des femmes direntes,Et je mhabituais a comme des rentesSans mme me douter si ctait odieux,Tant mes sens mtaient devenus comme des dieux,De ta saine prsence exils volontairesEt je les enivrai de ces vingt adultresAinsi quun vil paen prodiguant son encensA des idoles, et son cur avec ou sans.Le cur, quelle catin alors quil se drange!

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    Dans ces femmes dailleurs je nai pas trouv langeQuil et fallu pour remplacer ce diable, toi!Lune, lle du Nord, native dun Crotoy,tait rousse, mal grasse et de prestance molle:Elle ne madressa gure quune paroleEt ctait dun petit cadeau quil sagissait.Lautre, pruneau dAgen, sans cesse croassait,En revanche, dans son accent dail et de poivre,Une troisime, rcemment chanteuse au Havre,Aectait le dandinement des matelotsEt mengueulait comme un gabier tanant les ots,Mais portait beau vraiment, sacrdi, quel dommageLa quatrime tait sage comme une image,Chtain clair, peu de gorge et priait Dieu parfois:Le diantre soit de ses sacrs signes de croix!Les seize autres, autant du moins que ma mmoireSurnage en ce vortex, contaient toutes lhistoireConnue, un amant chic, puis des vieux, puis llotTantt bien, tantt moins, le clair caf falotLes terrasses lt, lhiver les brasseriesEt par degrs lhumble trottoir en thoriesEn attendant les bons messieurs compatissantsCapables dun louis et pas trop repoussantsorum ego parva pars erim, me disais-je.Mais toutes, comme la premire du cortge,Ds avant la bougie teinte et le rideauTir, noubliaient pas le mon petit cadeau.Et voil mon bilan de folles andalouses.a vexe-t-il par trop, dis, tes fureurs jalousesOu si je suis plutt plaindre qu blmer?Mais voici que jy pense misre daimer!MOI qui parle tout franc et qui plaide coupable.Ne serais-tu pas, toi, de ton ct capableNon pas de ne pas pardonner (cest si joli,

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    Si gentil le pardon, quand cest euri doubli),Mais, te voyant ainsi mchamment esseule,Hein, de ttre faite une veuve console?Bonne guerre, aprs tout, et men taire sirait.O tout de mme, si quon se pardonnerait?

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    8MOIVrai, l, mais quel bourreau dargent tu fais, petite!TOITiens, tiens!MOITiens, tiens!Il nest banquier solide, il nest ppite,Srieuse qui pt te rsisterTOISrieuse qui pt te rsisterVraiment!MOIJe suis pauvre, tu sais, tu sais aussi comment,De quelle ardeur je trime et fais, vaille que vaille,Puisquon nest pas rentier et quil sied quon travaille,Des besognes pour tel journal Ali-BabaDont la Ssame par instants me fault.TOIDont la Ssame par instants me fault.Ah bah?MOIEnn, modre-toi, chre, dans tes dpenses.La galette nest pas ce que, vaine, tu penses:Elle a des hauts et des bas et surtout des bas;Que de braves reculs, que de lches combatsVis--vis de maints diteurs, gent redoutable,Juste pour la couchette et juste pour la table.Parbleu, jaime le luxe aussi. Je nen dors pasDaimer le luxe des habits et des repasEt des lampas et des lambris et tout le diable!Et mme cette dche implacable, eroyableO se dbattent mes courages presque en vain,

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    Courage de la soif, courage de la faimEt du froid et du chaud, la faute qui? Peut-tre, Autant quon peut juger de son propre Bictre, Un tantinet moi, sans compter les amisDe lun et de lautre sexe, et quelques ennemis.Mais surtout, mais surtout mon amour du faste.Jaimais quun bon dner remplit ma panse vaste,Quun bon lit, trop troit, me dit dtre galant,Serrer la main aux pauvres hommes de talent,Enn acheter des dessins et des gravuresEt, lavouerai-je? me payer des graveluresJaponaises ou dix-huitime sicle, et, ceMa ncessairement conduitTOIMa ncessairement conduitArrtez-le?MOIMa ncessairement conduit la ruine.Je nai plus rienTOIJe nai plus rienAssez, bon sang! quelle platine!MOITu railles ma garrulit peut-tre tort,Chri. Jadmets que jai tendu fort le ressort,Je sais que jexagre et sans doute plaisante.Certes ton luxe et ton amour de lui prsenteDe modestes aspects, jadmets un peu forcs.(Dame, on ne peut avoir trop avec pas assez)Mais enn tu nes pas trs femme de mnage,Je puis le dire sans ridicule mon geCalm, lent, rchiTOI

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    Calm, lent, rchiRchi, cest le mot.MOIJabuse du vocable en eet, mais pas tropDe la chose, conviens. Je disais donc, chrie,Que je tadjure de tout mon cur et te prieD ton tour rchir sur les ncessitsQui nous tiennent, hlas, de pas mal de cts.Voyons, modrons-nous dans la petite vieAgrable, aprs tout, que plus dun nous envie.Soyons, sil te plat, toi, coquette, moi, bien mis,Mangeons comme de droit, buvons comme permis,Mais, sacrebleu! surtout, nallons pas perdre haleineA tant courirTOIA tant courirNen jetez plus, la cour est pleine.MOIA tant courir, disais-je, en somme, aprs la nDe tout crdit jusque chez le marchand de vin!Aprs, en un mot, comme en mille, la misre!Voyons, de la raison un peu, cest ncessaire,Imprieux: pas drle, non pas! la raison,Mais, dans lespce, indispensable la maison!Je veuxTOIJe veuxTu veux!MOIJe veuxTu veux!Nous voulons.TOIJe veuxTu veux!Nous voulons.Qui donc est le matreIci?

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    MOIIci?Toi.TOIIci?Toi.Qui donc est raisonnable ici?MOIIci?Toi.Qui donc est raisonnable ici?Peut-tre?TOIPas de peut-tre! Moi. Quil en soit autrement.Je men moque. Je suis le matre absolumentEt je nai plus besoin de mamours, ni dastuces,Jespre, pour tre obie, et que tu dussesEn maugrer, fais-le, mais, encor, pas trop haut.Or je veux de largent. Beaucoup! Puis il men fautTout de suite; donne linstant et puis turbine!Cest ton petit devoir desclave et de machine:Encore bien heureux de le faire pour moi.MOIDaccord. Combien veux-tu?TOIDaccord. Combien veux-tu?Tout ce que tu as sur toi,Chez toi, chez moi plutt.MOIChez toi, chez moi plutt.Prends.TOIChez toi, chez moi plutt.Prends.Donne.MOIChez toi, chez moi plutt.Prends.Donne.Voil, chre.TOIEt maintenant faisez le beau, baisez mmre.

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    9Tu fais tant partie intgrante de moi-mme,Ou plutt je le fais tant de ce toi que jaimeSi! que jen suis venu jusqu te conerOu, mieux, que tu perois sans, moi ty convier,Les secrets les plus noirs de mon intelligenceEt de ma conscience, et quelle diligenceNe mets-tu pas dans lenqute et dans lexamen!Parfois, ma foi, tu minterpelles haut la mainAvec raison souvent et toujours avec amme.Sur quelque point obscur qui me perplexe lme.Cest ainsi quaujourdhui comme nous nous levionsAprs une nuit belle et que nous nous devionsDepuis trois fois que nous tions forcment sages,Tu tavisas, dans le plus prude des langagesMitig dailleurs par tout air naf et franc,De me blmer de faire noir ayant dit blancEt ddier ma chair dhomme la chair des femmesEn des rapprochements nombreux et polygames,Cependant que mon me, encore quen tatDe pch trs grief et dextrme attentat,Aspire au Ciel conquis par quels soins ncessaires!Et sexhale en accents quon veut croire sincresEt qui valurent mme cet inme moiLes surages sans pair des gens de bonne foiUn baiser prolong (Quarriva-t-il ensuite?Dame!) mit ta logique et la morale en fuite,Mais quoi? lobjection restait, et maintenantQue je suis de sang-froid, et frais et raisonnant,Causons

    Cest vrai qu la suite de douleurs grandes,De malheurs mrits, dennuis, toutes orandesA ce monde mauvais o sincarne Satan,Ayant enn courb le front du vieil Adam

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    Devant la vrit patente de lglise,Jadorai Jsus qui lincarne et ralise,Et jentendis ce culte au culte extrieur.Nul ne pratiqua plus que moi, nul au rieurImbcile quhlas! est le Franais en masse,Ne cracha le respect humain mieux sur la face.Communiant peu prs tous les jours, desprit,Sinon de fait toujours, et chaste (bien men prit),Sobre (il ntait que temps), plus perde ni brute,Je tournais saint, je crois. Le malheur cest quen butteDs lors aux vrais dvots comme aux prtres sans foi,A quelque exception prs je menquis pourquoiCet cart entre la Doctrine et ceux du Temple,Sans penser quun jour je devais suivre lexempleMais non plus en prcher, et jappris quil taitDicile, sinon impossible, de fait,Dtre un chrtien digne du nom, dans ces scandales,A moins de qualits par trop pyramidalesEt puis, et puis la chair est forte et lesprit lent.Pas plus que lintellect le sang nest somnolent.Deux beaux yeux, des contours, ces sons, une dmarcheEurent trop bientt fait chavirer ma pauvre arche,Et le naufrage fut total et dure encor,Et toi-mme tu mes un des ots du dcorTerriant (tout juste) o vint sombrer le drameDe ma vie et qui peut sappeler: PAR LA FEMME!Mais non, tu mes un ot de clart, non de nuit.Tu me sauves du dsespoir, requin qui fuit.Ta conversation est un clairon qui sonneMa diane, et me fait navoir peur de personneQue de toi quand tu dois ne me sourire pas.Ton conseil est le seul, tu gagnes mes combats,Et la gaiet de ton corps blanc et brun et rose

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    Mabsout de tout dans telle ntre apothose.

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    10Dans le peu de dfauts dont je suis incapable,Compte celui dune jalousie implacableEnvers toi, mon Mensonge aim qui ma dompt,Jusqu mtre un tel parangon de vritQue quand tu sors, belle, habille, et pour des heures,Prtexte, fourberie, astuces, feintes, leurres,Tu me dis: Je fais une course, et je te crois.La foi du charbonnier, mme plus quen la Croix,tant la mienne en toi, certes tu peux sans crainteAh! tu le sais! jouer de moi qui te crois sainte,Et quand tu fais semblant dissir en nglig,Me narguant dun: Je vais voir des amants que jai;Lors je ne te crois pas, sr, certain que tu railles.Jaimerais moins suivre mes propres funrailles,Dans un cas de malheur (cest si je te perdais)Que celles qui me traiterait de dadais,De dupe et mettrait bien nu tes flonies,Et je le tranerais, cet tre, aux gmonies!Pourtant, prends garde! il nest pire que leau qui dort.Jai des menaces, hein? et des gestes de mortPar des fois, qui ne sont pas plus rares en somme,Que de droit pour tout homme assumant dtre un hommeLa canne dun cocu va douce manier,Le revolver na rien que puisse renierUn monsieur mal lun quon nattendait que gure,Et le couteau semble daucuns de bonne guerre,Sil sagit de quelque surprise prise mal.Je suis nerveux, mon pouls ne bat pas trs normal,TOI-mme tu pourrais passer pour peu commodeEt la prescription sabsente de ton code:Dame! un malentendu bien vite clateraitNon pour la trahison qui se dvoilerait,Du moins le crois-je ainsi, vu mon humeur gale

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    Quant aux murs, mais bien pour lespce de fringaleQuerelleuse prcisment propre tous deux.Donc sans tre jaloux, tort mesquin et hideux,Je deviens ombrageux comme un cheval de racePour peu que lon prte mon vice ou quon lagace.Le coup serait alors, non pas de mviter,TOI surtout, que non pas! mais bien de me guetterPour me gter lheure choisie opportune,Mtourdir de baisers jusqu mtre importune,Jusqu mtre opportune encor, sans sourcillerJusqu men chatouiller, men faire bafouiller,Rire hystriquement comme un enfant qui joue,Me distraire en un mot de lennui qui me roue,Me tirer hors de moi, du bonhomme nouveauQue ds lors me voici peindre lide en beau,En rose, et me lcher, mu tel dans la vie,Ainsi le plan. Je me connais. Fais et jy eDailleurs tu me connais aussi, trop plus que bienMme et tout secret mien devient vite le tien.Cest terrible et logique et je ny peux qui vaille,Mais il dpend de toi, sans eort ni trouvaille,Absolument, tant donn moi rien qu toi,MOI te croyant et tadorant en toute foi,MOI ta chose et ton bien quon pille et quon gaspille;Il dpend de toi, dis-je, tourdiment gentilleEt si drle comme tu les lorsque tu veux,Ou sombre en harmonie avec tes noirs cheveux,Et srieuse avec laide de tes yeux dombre,Tes yeux o des pensers sans n passent sans nombreSi lumineux et si mutins quand il te plat;Or il dpend de toi, je le rpte, il estDans ta main, ta main preste et leste et, sil faut, lourde,Dassoupir, de magntiser, de rendre sourde,Aveugle et plus crdule encore que jamais,Grce au vrai bon vouloir indolent que jy mets,

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    Toute vellit mienne de jalousieVa donc, surpasse-toi, sers-nous la mieux choisieDe tes ruses dans lart joli de me duper.Le mieux serait pourtant de ne pas me tromper.

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    11Bah! (Ce nest pas vous que lon parle, madame),Aprs tout, laissons-nous promener par la lame.Elle est douce, elle est forte, elle sent bon la mer,Son haleine est sale avec un got amer,Elle est ronde et nerveuse, elle chante, elle gronde,Et cest un vhicule aimable sur le monde,Sa transparence aussi forme un miroir vivant,Rchissant le ciel et son aspect mouvant.La brise la caresse et la bise la fouette.Espoir, regret ou vu, laile de la mouetteVole autour et, la nuit, grise, est rose le jour,Comme la certitude ou le doute en amourLaissons-nous promener par elle (rien, ma chre,Qui vous concerne) tant quelle est encor lgreEt claire et mesure en un juste reux.Nattendons pas, grands dieux! quil ne soit bientt plusTemps, que, sous louragan subit, elle nclateFurieuse et mchante et trouble sous HcateFatidique et moqueuse en les nuages tors:Telle une femme ayant franchement tous les torts,Qui se rvolte et devient pire que nature,Orage de colre et tourbillon dinjure!Ah! malheur celui pris dans cet areux potAu noir

    (Tiens, chre! Que charmante ce tantt!)

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    12Certes il fut travers traverseras-tu,Ce mien, dernier amour, mon arrire-vertu,Mon ultime raison, mon excuse suprmeDe vivre et dtre un homme et de rester moi-mme,Travers traverseras-tu dans que de sens,Combien de fois! depuis les soirs presque innocentsA force de candeur dans lentier badinageO se forma cette union, notre mnageBizarre, intermittent, plein de lutte et de jeux,Jusqu cet aujourdhui nuageux, orageux,Courageux aprs tout, vcu comme en campagneAvec tel quel air de malheur qui laccompagne,Pour le saler et le poivrer conformmentAux besoins du moment en fait de condiment.Malentendus ds les premires fois, querellesSouvent, disputes trs souvent, graves, car ellesAvaient pour sanction, las! des brutalitsPas toujours tiennes, nos pnates dsertsA tour de rle ou dune fuite mutuelle,Pauvres pnates tt rejoints ! Apre, cruelle,Abominable vie, adore, entre nous!Mais enn il est temps pour nous comme pour tousDasseoir et dassurer sur quelque base forte,Pur dvouement ou simple habitude, nimporte! Lhabitude souvent conne au dvouementEt le dvouement nest jamais quun dnouement. Cette ntre existence, en somme indispensableA nos tempraments, comme aux gents le sable,Ce statu quo peut-tre un peu trop militantMais qui nous plat et qui nous sied, mme, pourtant.Sauvage, oui, notre vie? H! rendons-la moins rude,MOI par le dvouement et toi par lhabitude.

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    Soyons de vieux amants tant de vieux amis.Je me ferai de plus en plus souple et soumisEt le sujet plutt que lamant de la reine.Mais toi, tout en restant terrible, sois sereine!Ironique un petit, et, sre de ton Paul,Sil faute, punis-le comme on fustige un folDe cour quil est coutume aprs tout de peu battre.MOI je vais me forcer, muser, me mettre en quatrePour obtenir, de mon ct, ce rsultatDau moins thumaniser et te mettre en tatDe me montrer, du tien, quelque peu dindulgenceCompatible avec mon degr dintelligenceSauf en un cas de trahison mienne peru(Et ne prends ta revanche un peu qu mon insu),Car, somme toute, tout pch misricorde.Bref des concessions rciproques: jaccordeDe vivre ton fal corvable et chtif;Accorde de rgner sans zle intempestif.Tiens, quand tu nes pas l, pour telle ou telle cause,Absence bien force et qui me fait moroseA pleurer, au dbut, ainsi quun orphelinVoulant sa mre, et quel cur gros, et quel il plein!Par degrs, cependant presque insensibles,Jarrive mengourdir en chagrins plus paisibles,Plus plausibles aussi puisquy faire ne puis,Et peu peu lagitation de mes nuits,Dabord toute ton corps quun rve ralise,Se transgure enn, se comme subtilise,De comme virilise en ardente amiti,Mais en pure amiti, tendre encore moitiTout au plus, et lamant devient le camarade,Nuance exquise quand la couleur se dgradeDu rouge de fournaise au blanc rose du jour.Eh bien! sans abdiquer pour cela notre amour,

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  • lgies

    Les dieux nous gardent dune telle ingratitude!Si nous nous imposions rsolument ltudeDappliquer la leon dont je te parlais l,La leon que lalme nature me souaAu moyen si persuasif, encor quaustre,Dune faon de divorce sans adultreEt que console un sr dsir dun prompt retour?Si nous tchions dviter bien ces chocs, et pourCela, si nous tentions dtre un peu moins en ligneDe bataille, et daccord tacite sur linsigneQuestion, quon rserve en tout tact bien discret,Dessayer de la franche amiti quon plierait,Parfois, quand il faudrait, au caprice de lheure,Ou souvent et, tapis dans lheur et la demeureQuun loisir diligent nous aura prpars,Parlons-y gaiement des jours considrsPar les yeux aussi bien btes du voisinage,Mais dont lassentiment garantit et mnageLa tranquillit due en somme aux gens de bien.Quen dis-tu? Nest-ce pas? nous, ce double vaurien,Ce vagabond des deux sexes, cette bohmeQue nous sommes et cette espce de pomeQue nous vivons, non sans peut-tre du talent,Nous, transforms en un couple chaste au vu lent(Chaste et lent relativement, le vu, le couple),Hein, a tagre? Et te sens-tu vaillante et soupleAssez pour conspirer avec moi ce bonheur,Assez pour conqurir avec moi cet honneur!Hum! Tu ne rponds pas, sinon dune grimaceDdaigneuse plutt, et que faut-il quon fasse?Baste! quil en retoune ainsi quil te plaira.Je tobis en tout, advienne que pourra.La mort est l dailleurs, conseillre mriteQui nous dit de jouir, vite et beaucoup de suite,Et quun tratre jupon prime un loyal linceul

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  • lgies

    Son avis est le tien, pas, chrie? Cest le seul!

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  • Table des matires

    1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 74 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 95 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 106 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 137 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 168 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 199 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2310 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2611 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2912 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30

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  • Une dition

    BIBEBOOKwww.bibebook.com

    Achev dimprimer en France le 11 juin 2015.

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