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Dirittifondamentaliit ISSN 2240-9823
Viola il diritto al giusto processo condannare un imputato sulla base di sole
dichiarazioni provenienti da un teste resosi latitante
(CEDU sez I sent 12 ottobre 2017 n 2607313)
La Corte di Strasburgo ha ritenuto violato lrsquoart 6 della Convenzione EDU in tema di
diritto a un giusto processo entro un termine ragionevole nel caso di un imputato
condannato sulla base della dichiarazione resa da un testimone che sosteneva di essere
stato da lui aggredito ma la cui deposizione non era stata assunta in giudizio percheacute
nel frattempo resosi latitante in un processo a suo carico Per i giudici di Strasburgo
affincheacute un imputato possa essere dichiarato colpevole tutti gli elementi di prova a
carico debbono essere prodotti in sua presenza e in pubblica udienza ai fini del
contraddittorio Pertanto lrsquoassenza di un testimone deve essere giustificata da un
motivo serio pertanto laddove un provvedimento di condanna si fondi unicamente o
in misura determinante sulla deposizione di un testimone assente i diritti della difesa
hanno subito restrizioni incompatibili con le garanzie prescritte dallrsquoart 6 della
Convenzione
PREMIEgraveRE SECTION
AFFAIRE CAFAGNA c ITALIE
(Requecircte no 2607313)
ARREcircT
STRASBOURG
12 octobre 2017
Cet arrecirct deviendra deacutefinitif dans les conditions deacutefinies agrave lrsquoarticle 44 sect 2 de la Convention Il
peut subir des retouches de forme
Dirittifondamentaliit - ISSN 2240-9823
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En lrsquoaffaire Cafagna c Italie
La Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme (premiegravere section) sieacutegeant en une
Chambre composeacutee de
Kristina Pardalos preacutesidente
Guido Raimondi
Aleš Pejchal
Krzysztof Wojtyczek
Ksenija Turković
Pauliine Koskelo
Tim Eicke juges
et de Abel Campos greffier de section
Apregraves en avoir deacutelibeacutereacute en chambre du conseil le 12 septembre 2017
Rend lrsquoarrecirct que voici adopteacute agrave cette date
PROCEacuteDURE
1 Agrave lrsquoorigine de lrsquoaffaire se trouve une requecircte (no 2607313) dirigeacutee contre la
Reacutepublique italienne et dont un ressortissant de cet Eacutetat M Gaetano Cafagna (laquo le
requeacuterant raquo) a saisi la Cour le 27 mars 2013 en vertu de lrsquoarticle 34 de la Convention de
sauvegarde des droits de lrsquohomme et des liberteacutes fondamentales (laquo la Convention raquo)
2 Le requeacuterant a eacuteteacute repreacutesenteacute par Me GR Cioce avocat agrave Barletta Le
gouvernement italien (laquo le Gouvernement raquo) a eacuteteacute repreacutesenteacute par son agente Mme E
Spatafora et par sa coagente Mme M Aversano
3 Le 16 mars 2016 la requecircte a eacuteteacute communiqueacutee au Gouvernement
EN FAIT
I LES CIRCONSTANCES DE LrsquoESPEgraveCE
4 Le requeacuterant est neacute en 1970 et reacuteside agrave Barletta
5 Le 3 juin 1996 CC un ressortissant italien porta plainte contre le requeacuterant Il
affirma que dans la rue ce dernier srsquoeacutetait approcheacute de lui avec un complice pour lui
demander de lrsquoargent Il preacutecisa qursquoil connaissait le complice Il deacuteclara qursquoil avait
accepteacute qursquoil avait sorti son portefeuille mais que le complice le lui avait arracheacute des
mains avant de srsquoenfuir avec le requeacuterant Il ajouta qursquoil les avait poursuivis et que le
requeacuterant lui avait donneacute un coup de poing au visage
6 Le mecircme jour lors du deacutepocirct de sa plainte qui fut recueillie par le carabinier LR
CC indiqua que lrsquoun des deux agresseurs se nommait LD et il le reconnut agrave partir
drsquoune photo Quant au requeacuterant il expliqua aux carabiniers qursquoil le connaissait de
vue Par la suite le carabinier LR preacutesenta agrave CC plusieurs photos aux fins
drsquoidentification et ce dernier identifia formellement le requeacuterant comme eacutetant son
deuxiegraveme agresseur
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7 Le 13 septembre 1996 le parquet demanda qursquoil fucirct proceacutedeacute agrave une audition de
CC et agrave une parade drsquoidentification (ricognizione personale) dans le cadre drsquoune
audience ad hoc (incidente probatorio) devant le juge des investigations preacuteliminaires de
Trani (laquo le GIP raquo) au motif que en raison du passage du temps le teacutemoignage du
plaignant risquait de ne plus ecirctre fiable lors des deacutebats
8 Une premiegravere citation agrave comparaicirctre ne put ecirctre notifieacutee agrave CC au motif qursquoil ne se
trouvait plus au domicile de ses parents
9 Une deuxiegraveme citation agrave comparaicirctre du 18 deacutecembre 1996 et une troisiegraveme du 3
janvier 1997 furent deacutelivreacutees agrave la megravere de CC Toutefois ce dernier ne se preacutesenta pas agrave
lrsquoaudience ad hoc du 15 janvier 1997 Le juge ordonna alors sa comparution forceacutee en
vue drsquoune audience fixeacutee au 27 janvier 1997 Cependant ni CC ni le requeacuterant ne
comparurent Une nouvelle audience se tint le 28 janvier 1997 lors de laquelle CC et le
requeacuterant eacutetaient preacutesents mais pas le substitut du procureur qui participait aux deacutebats
dans le cadre drsquoune autre proceacutedure peacutenale
10 Le 22 septembre 1997 eut lieu une autre audience ad hoc au cours de laquelle le
juge releva que CC ne vivant plus au domicile de ses parents depuis deux mois
nrsquoavait pas reccedilu notification de la citation agrave comparaicirctre
11 Agrave une audience preacuteliminaire du 16 juin 1998 le requeacuterant fut renvoyeacute en
jugement devant le tribunal de Trani (laquo le tribunal raquo) pour avoir voleacute le portefeuille de
CC et pour avoir frappeacute celui-ci au visage avec le concours de LD
12 Agrave lrsquoaudience du 27 mai 2003 CC ne se preacutesenta pas Il fut mentionneacute lors de
cette audience que CC nrsquoavait pas reccedilu notification de la citation agrave comparaicirctre au
domicile qursquoil avait indiqueacute aux autoriteacutes agrave savoir chez ses parents
13 Le 3 juin 2003 la police reacutedigea un procegraves-verbal de recherches infructueuses au
motif que CC nrsquoavait pas eacuteteacute trouveacute au domicile qursquoil avait indiqueacute aux autoriteacutes
Selon ce procegraves-verbal les parents de CC avaient deacuteclareacute que ce dernier ne vivait plus
avec eux depuis trois ans et qursquoils ne savaient pas ougrave il se trouvait
14 Agrave lrsquoaudience du 6 deacutecembre 2004 le carabinier LR fut entendu Il relata au
tribunal le deacuteroulement de la reconnaissance photographique LD fut eacutegalement
entendu Il deacuteclara qursquoil ne connaissait pas la personne lrsquoayant accuseacute Lrsquoaudience
devait ecirctre consacreacutee entre autres agrave lrsquoaudition de CC Le procureur informa le
tribunal que celui-ci avait quitteacute le domicile familial depuis lrsquoanneacutee 2000 et qursquoil eacutetait
depuis lors introuvable Il indiqua eacutegalement qursquoun mandat drsquoarrecirct avait eacuteteacute deacutecerneacute agrave
lrsquoencontre de CC agrave la suite de sa condamnation dans le cadre drsquoune autre proceacutedure
peacutenale
15 Srsquoappuyant sur lrsquoarticle 512 du code de proceacutedure peacutenale (CPP) le tribunal
ordonna que la deacuteposition faite par CC aux carabiniers le 3 juin 1996 (paragraphe 5 ci-
dessus) fucirct verseacutee au dossier du juge et admise agrave titre de preuve (fascicolo per il
dibattimento) et ce en deacutepit de la demande de la deacutefense de reacutealiser des recherches
suppleacutementaires
16 Par un jugement du 11 avril 2005 le tribunal condamna le requeacuterant et LD agrave un
an et quatre mois drsquoemprisonnement Il consideacutera que la deacuteposition preacutecise et
circonstancieacutee faite par CC aupregraves des carabiniers eacutetait suffisante pour lrsquoeacutetablissement
de la culpabiliteacute du requeacuterant et de LD
17 Il preacutecisa que la circonstance qursquoun teacutemoin eacutetait devenu introuvable srsquoanalysait
en une laquo impossibiliteacute objective raquo de lrsquointerroger lors des deacutebats ce qui selon lrsquoarticle
512 du CPP lu agrave la lumiegravere de lrsquoarticle 111 de la Constitution permettait selon le
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tribunal drsquoutiliser toute deacuteposition faite avant le procegraves pour statuer sur le bien-fondeacute
des accusations Il estima que agrave deacutefaut drsquoeacuteleacutement permettant de penser que CC srsquoeacutetait
volontairement soustrait au procegraves lrsquoabsence de celui-ci nrsquoavait aucun caractegravere
preacutevisible
18 Le tribunal consideacutera enfin que la condamnation du requeacuterant bien que fondeacutee
principalement sur les deacuteclarations de CC qursquoil estimait creacutedibles et concordantes
srsquoappuyait eacutegalement sur drsquoautres eacuteleacutements provenant du teacutemoignage du carabinier
LR qui avait relateacute le deacuteroulement de la reconnaissance photographique
19 Le requeacuterant interjeta appel de ce jugement Il contesta lrsquoeacutevaluation des preuves
agrave charge et lrsquoutilisation de la deacuteposition de CC qui eacutetait selon lui la seule preuve
utiliseacutee par le tribunal En outre il reprocha au tribunal de ne pas avoir eacutevalueacute
attentivement les deacuteclarations faites par CC au moment du deacutepocirct de la plainte
20 Par un arrecirct du 25 mai 2011 la cour drsquoappel de Bari (laquo la cour drsquoappel raquo)
confirma le jugement du tribunal En particulier elle observa que lrsquoabsence de CC lors
des deacutebats nrsquoeacutetait ni preacutevisible ni probable En outre elle consideacutera qursquoil nrsquoy avait
entre le requeacuterant et CC aucune animositeacute permettant de douter de la fiabiliteacute de la
deacuteclaration de ce dernier Par ailleurs elle estima que les deacuteclarations de CC
notamment celles relatives agrave la reconnaissance du requeacuterant eacutetaient preacutecises et
corroboreacutees par les deacuteclarations du teacutemoin LR ayant recueilli la plainte de CC
21 Le requeacuterant se pourvut en cassation Srsquoappuyant sur la jurisprudence de la
Cour il se plaignait en particulier drsquoune violation de lrsquoarticle 6 de la Convention
22 Par un arrecirct du 17 octobre 2012 la Cour de cassation deacutebouta le requeacuterant de son
pourvoi Sans faire reacutefeacuterence agrave lrsquoarticle 6 de la Convention la haute juridiction exposa
que CC condamneacute par contumace dans le cadre drsquoune autre proceacutedure peacutenale eacutetait
introuvable que cela nrsquoeacutetait pas preacutevisible agrave lrsquoeacutepoque de ses deacuteclarations aux
carabiniers et que par conseacutequent le tribunal avait leacutegitimement admis agrave titre de
preuve les deacuteclarations de CC Elle ajouta que le requeacuterant avait pris acte de cette
admission sans srsquoy opposer
II LE DROIT INTERNE PERTINENT
23 Le droit interne pertinent se trouve deacutecrit dans lrsquoarrecirct Ben Moumen c Italie
(no 397713 sectsect28-30 23 juin 2016)
EN DROIT
I SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 6 sectsect 1 ET 3 d) DE LA CONVENTION
24 Le requeacuterant considegravere que la proceacutedure peacutenale meneacutee agrave son encontre nrsquoa pas eacuteteacute
eacutequitable Il invoque lrsquoarticle 6 sectsect 1 et 3 d) de la Convention qui est ainsi libelleacute en ses
parties pertinentes en lrsquoespegravece
laquo 1 Toute personne a droit agrave ce que sa cause soit entendue eacutequitablement () par
un tribunal () qui deacutecidera () du bien-fondeacute de toute accusation en matiegravere
peacutenale dirigeacutee contre elle ()
3 Tout accuseacute a droit notamment agrave
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()
d) interroger ou faire interroger les teacutemoins agrave charge et obtenir la convocation et
lrsquointerrogation des teacutemoins agrave deacutecharge dans les mecircmes conditions que les teacutemoins
agrave charge
() raquo
A Sur la recevabiliteacute
25 Le Gouvernement soutient que le requeacuterant en ayant omis de srsquoopposer pendant
les deacutebats agrave la lecture des deacuteclarations litigieuses ne srsquoest pas preacutevalu drsquoun remegravede
accessible adeacutequat et efficace offert en droit interne pour exclure ce mateacuteriel probatoire
du dossier du juge
26 Le requeacuterant conteste cet argument et soutient que mecircme srsquoil srsquoeacutetait opposeacute agrave la
lecture des deacuteclarations de CC celles-ci auraient de toute maniegravere eacuteteacute verseacutees au
dossier du juge
27 Srsquoagissant de la possibiliteacute pour le requeacuterant de srsquoopposer agrave la lecture des
deacuteclarations litigieuses la Cour rappelle que aux termes de sa jurisprudence ni la
lettre ni lrsquoesprit de lrsquoarticle 6 sectsect 1 et 3 d) de la Convention nrsquoempecircchent une personne
de renoncer de son plein greacute aux garanties drsquoun procegraves eacutequitable de maniegravere expresse
ou tacite mais que pareille renonciation doit ecirctre non eacutequivoque et ne se heurter agrave
aucun inteacuterecirct public important (Haringkansson et Sturesson c Suegravede 21 feacutevrier 1990 sect 66
seacuterie A no 171-A et Kwiatkowska c Italie (deacutec) no 5286899 30 novembre 2000)
28 En lrsquoespegravece la Cour note que les deacuteclarations litigieuses ont eacuteteacute utiliseacutees
conformeacutement agrave la loi interne agrave savoir lrsquoarticle 512 du CPP qui impose au juge
drsquoordonner la lecture et le versement au dossier des deacuteclarations ne pouvant pas ecirctre
reacuteiteacutereacutees en raison drsquoune impossibiliteacute objective ducircment prouveacutee Elle estime donc
qursquoune eacuteventuelle opposition du requeacuterant au versement au dossier des procegraves-
verbaux en question aurait eu peu de chances de succegraves En tout eacutetat de cause le fait de
ne pas avoir souleveacute drsquoexception formelle lors des deacutebats ne saurait ecirctre interpreacuteteacute
comme une renonciation tacite au droit drsquointerroger ou de faire interroger les teacutemoins agrave
charge (Craxi c Italie no 3489697 5 deacutecembre 2002 Bracci c Italie (deacutec) no 3682202 2
deacutecembre 2004 et Majadallah c Italie (deacutec) no 6209400 19 mai 2005)
29 Il srsquoensuit que lrsquoexception preacuteliminaire tireacutee du non-eacutepuisement des voies de
recours internes ou drsquoune renonciation tacite au droit invoqueacute devant la Cour ne peut
ecirctre accueillie favorablement
30 Constatant que cette requecircte nrsquoest pas manifestement mal fondeacutee au sens de
lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoelle ne se heurte par ailleurs agrave aucun autre
motif drsquoirrecevabiliteacute la Cour la deacuteclare recevable
B Sur le fond
1 Thegraveses des parties
31 Le requeacuterant allegravegue avoir eacuteteacute condamneacute sur la base de la deacuteposition faite aux
carabiniers par CC le plaignant en lrsquoabsence drsquoaudition de ce dernier lors des deacutebats
Il soutient qursquoaucune recherche nrsquoa eacuteteacute faite par les autoriteacutes pour retrouver CC
ailleurs qursquoagrave lrsquoadresse du domicile de ses parents Selon le requeacuterant eu eacutegard agrave
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lrsquoabsence de ce dernier agrave la plupart des dates fixeacutees pour la tenue drsquoune audience ad
hoc il eacutetait preacutevisible degraves 1997 qursquoil risquait de se soustraire aux deacutebats
32 Le requeacuterant soutient encore que contrairement aux arguments avanceacutes par le
Gouvernement quant au manque de caractegravere deacuteterminant des deacuteclarations de CC sa
condamnation eacutetait bel et bien fondeacutee exclusivement sur lesdites affirmations Il ajoute
srsquoecirctre preacutevalu pendant les deacutebats de la faculteacute de garder le silence
33 Le Gouvernement considegravere que lrsquoadmission comme preuve des deacuteclarations
faites par CC aux carabiniers eacutetait reconnue en droit interne Il estime que les
dispositions en cause ont eacuteteacute interpreacuteteacutees par les juridictions internes de maniegravere
conforme agrave la Convention Il cite en particulier un arrecirct no 27918 rendu le 14 juillet
2011 par les sections reacuteunies de la Cour de cassation selon lequel les deacuteclarations drsquoun
teacutemoin absent doivent ecirctre eacutevalueacutees avec la prudence neacutecessaire par le biais non
seulement drsquoun examen de la creacutedibiliteacute subjective et objective de celui-ci mais aussi
par celui de la confrontation de sa deacuteposition avec les autres eacuteleacutements preacutesenteacutes aux
deacutebats
34 De lrsquoavis du Gouvernement la preacutesente affaire est similaire agrave lrsquoaffaire Ben
Moumen c Italie (no 397713 23 juin 2016) dans laquelle la Cour a conclu agrave la non-
violation de lrsquoarticle 6 de la Convention
35 Le Gouvernement explique que afin de valider la preuve principale agrave charge ndash agrave
savoir le teacutemoignage de CC ndash le tribunal a pris en consideacuteration drsquoautres preuves
telles que les deacuteclarations du carabinier LR ayant enregistreacute la plainte de CC et ayant
effectueacute la proceacutedure de reconnaissance photographique du requeacuterant et de son
coiumlnculpeacute
36 Il argue que dans les circonstances de la cause on ne peut estimer que la
deacuteposition de CC a constitueacute le fondement unique ou deacuteterminant de la
condamnation du requeacuterant Il preacutecise que ce dernier a par ailleurs eu la possibiliteacute
drsquointerroger son coiumlnculpeacute qursquoil ne lrsquoa pas fait et qursquoil nrsquoa pas non plus produit
drsquoeacuteleacutement utile agrave sa deacutefense Il ajoute que les juridictions internes ont attentivement
eacutevalueacute lrsquoexistence drsquoeacuteventuelles relations entre CC et le requeacuterant Il considegravere donc
que lrsquoadmission de la deacuteposition de CC a eacuteteacute contrebalanceacutee par des garanties
proceacutedurales suffisantes
2 Appreacuteciation de la Cour
a) Principes geacuteneacuteraux
37 La Cour rappelle que les exigences du paragraphe 3 de lrsquoarticle 6 de la
Convention repreacutesentent des aspects particuliers du droit agrave un procegraves eacutequitable garanti
par le paragraphe 1 de cette disposition Lorsqursquoelle examine un grief tireacute de lrsquoarticle 6
elle doit essentiellement deacuteterminer si la proceacutedure peacutenale a revecirctu un caractegravere
eacutequitable (voir parmi beaucoup drsquoautres Taxquet c Belgique [GC] no 92605 sect 84
CEDH 2010) Pour ce faire elle envisage la proceacutedure dans son ensemble et veacuterifie le
respect non seulement des droits de la deacutefense mais aussi de lrsquointeacuterecirct du public et des
victimes agrave ce que les auteurs de lrsquoinfraction soient ducircment poursuivis (Gaumlfgen c
Allemagne [GC] no 2297805 sect 175 CEDH 2010) et si neacutecessaire des droits des teacutemoins
(voir parmi beaucoup drsquoautres Doorson c Pays-Bas 26 mars 1996 sect 70 Recueil des arrecircts
et deacutecisions 1996-II et Al-Khawaja et Tahery c Royaume-Uni [GC] nos 2676605 et
2222806 sect 118 CEDH 2011) Elle rappelle eacutegalement que dans ce contexte la
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recevabiliteacute des preuves relegraveve des regravegles du droit interne et des juridictions nationales
et que sa seule tacircche consiste agrave deacuteterminer si la proceacutedure a eacuteteacute eacutequitable (Gaumlfgen
preacuteciteacute sect 162 et les arrecircts qui y sont citeacutes)
38 Lrsquoarticle 6 sect 3 d) consacre le principe selon lequel avant qursquoun accuseacute puisse ecirctre
deacuteclareacute coupable tous les eacuteleacutements agrave charge doivent en principe ecirctre produits devant
lui en audience publique en vue drsquoun deacutebat contradictoire Ce principe ne va pas sans
exceptions mais on ne peut les accepter que sous reacuteserve des droits de la deacutefense en
regravegle geacuteneacuterale ceux-ci commandent de donner agrave lrsquoaccuseacute une possibiliteacute adeacutequate et
suffisante de contester les teacutemoignages agrave charge et drsquoen interroger les auteurs soit au
moment de leur deacuteposition soit agrave un stade ulteacuterieur (Lucagrave c Italie no 3335496 sect 39
CEDH 2001-II et Solakov c lrsquoex-Reacutepublique yougoslave de Maceacutedoine no 4702399 sect 57
CEDH 2001-X)
39 Eu eacutegard aux principes eacutetablis dans lrsquoarrecirct de Grande Chambre Al-Khawaja et
Tahery (preacuteciteacute) la Cour doit successivement examiner si lrsquoimpossibiliteacute pour la deacutefense
drsquointerroger ou de faire interroger un teacutemoin agrave charge eacutetait justifieacutee par un motif
seacuterieux si les deacutepositions du teacutemoin absent ont constitueacute la preuve unique ou
deacuteterminante de la culpabiliteacute du requeacuterant et enfin srsquoil existait des eacuteleacutements
suffisamment compensateurs des inconveacutenients lieacutes agrave lrsquoadmission drsquoune telle preuve
pour permettre une appreacuteciation correcte et eacutequitable de sa fiabiliteacute (Vronchenko c
Estonie no 5963209 sect 57 18 juillet 2013)
40 Ces principes ont eacuteteacute expliciteacutes dans lrsquoarrecirct Schatschaschwili c
Allemagne (no 915410 sectsect 111-131 CEDH 2015) dans lequel la Grande Chambre a
confirmeacute que lrsquoabsence de motif seacuterieux justifiant la non-comparution drsquoun teacutemoin ne
pouvait en elle-mecircme rendre un procegraves ineacutequitable que cela eacutetant le manque de
motif seacuterieux justifiant lrsquoabsence drsquoun teacutemoin agrave charge constituait un eacuteleacutement de poids
srsquoagissant drsquoappreacutecier lrsquoeacutequiteacute globale drsquoun procegraves et que pareil eacuteleacutement eacutetait
susceptible de faire pencher la balance en faveur drsquoun constat de violation de lrsquoarticle 6
sectsect 1 et 3 d) De plus le souci de la Cour eacutetant de srsquoassurer que la proceacutedure dans son
ensemble a eacuteteacute eacutequitable elle doit veacuterifier srsquoil existait des eacuteleacutements compensateurs
suffisants non seulement dans les affaires ougrave les deacuteclarations drsquoun teacutemoin absent
constituaient le fondement unique ou deacuteterminant de la condamnation de lrsquoaccuseacute
mais aussi dans celles ougrave elle juge difficile de discerner si ces eacuteleacutements constituaient la
preuve unique ou deacuteterminante mais est neacuteanmoins convaincue qursquoils revecirctaient un
poids certain et que leur admission pouvait avoir causeacute des difficulteacutes agrave la deacutefense La
porteacutee des facteurs compensateurs neacutecessaires pour que le procegraves soit consideacutereacute
comme eacutequitable deacutepend de lrsquoimportance que revecirctent les deacuteclarations du teacutemoin
absent Plus cette importance est grande plus les eacuteleacutements compensateurs devront ecirctre
solides afin que la proceacutedure dans son ensemble soit consideacutereacutee comme eacutequitable
b) Application de ces principes en lrsquoespegravece
i Sur le point de savoir si lrsquoabsence de CC au procegraves se justifiait par un motif seacuterieux
41 La Cour observe que en lrsquoespegravece la non-comparution de CC qui a ameneacute le
tribunal agrave admettre ses deacuteclarations agrave titre de preuve srsquoexpliquait par lrsquoimpossibiliteacute
pour les autoriteacutes drsquoentrer en contact avec lui En effet celles-ci avaient agrave plusieurs
reprises et en vain essayeacute de lui notifier la citation agrave comparaicirctre au domicile qursquoil avait
indiqueacute (celui de ses parents) et il ne srsquoeacutetait pas preacutesenteacute ni aux audiences ad
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hoc exception faite pour lrsquoaudience du 28 janvier 1997 qui nrsquoeut pas lieu en raison de
lrsquoabsence du procureur (voir paragraphe 9 ci-dessus) ni agrave lrsquoaudience du 27 mai 2003
qui devait ecirctre consacreacutee agrave son audition (paragraphe 12 ci-dessus)
42 La Cour rappelle que lorsque lrsquoabsence du teacutemoin srsquoexplique par la raison
eacutevoqueacutee en lrsquoespegravece elle exige du tribunal du fond qursquoil ait fait tout ce que lrsquoon pouvait
raisonnablement attendre de lui pour assurer la comparution de lrsquointeacuteresseacute (Gabrielyan
c Armeacutenie no 808805 sect 78 10 avril 2012 Tseber c Reacutepublique tchegraveque no 4620308 sect 48
22 novembre 2012 et Kostecki c Pologne no 1493209 sectsect 65-66 4 juin 2013)
Lrsquoimpossibiliteacute pour les juridictions internes drsquoentrer en contact avec le teacutemoin
concerneacute ou le fait que celui-ci a quitteacute le territoire du pays dans lequel lrsquoinstance est
conduite ont eacuteteacute jugeacutes insuffisants en soi pour satisfaire agrave lrsquoarticle 6 sect 3 d) lequel exige
des Eacutetats contractants qursquoils prennent des mesures positives pour permettre agrave lrsquoaccuseacute
drsquointerroger ou de faire interroger les teacutemoins agrave charge (Gabrielyan preacuteciteacute sect 81 Tseber
preacuteciteacute sect 48 et Lučić c Croatie no 569911 sect 79 27 feacutevrier 2014)
43 Pareilles mesures relegravevent de la diligence que les Eacutetats contractants doivent
deacuteployer pour assurer la jouissance effective des droits garantis par lrsquoarticle 6 de la
Convention (Gabrielyan preacuteciteacute sect 81) faute de quoi lrsquoabsence du teacutemoin est imputable
aux autoriteacutes internes (Tseber preacuteciteacute sect 48 Lučić preacuteciteacute sect 79
etSchatschaschwili preacuteciteacute sect 120)
44 Pour que les autoriteacutes soient consideacutereacutees comme ayant deacuteployeacute tous les efforts
raisonnables pour assurer la comparution drsquoun teacutemoin il faut aussi que les tribunaux
internes aient proceacutedeacute agrave un controcircle minutieux des raisons donneacutees pour justifier
lrsquoincapaciteacute du teacutemoin agrave assister au procegraves en tenant compte de la situation particuliegravere
de lrsquointeacuteresseacute (Nechto c Russie no 2489305 sect 127 24 janvier 2012 Damir Sibgatullin c
Russie no 141305 sect 56 24 avril 2012 Yevgeniy Ivanov c Russie no 2710003 sect 47 25
avril 2013 et Schatschaschwili preacuteciteacute sect 122)
45 Force est de constater que en lrsquoespegravece les tribunaux internes se sont borneacutes agrave
indiquer que lrsquoabsence de CC nrsquoeacutetait pas preacutevisible et que les recherches meneacutees pour
le retrouver avaient eacuteteacute vaines (paragraphes 10 12 et 17 ci-dessus) Le tribunal a exclu
la possibiliteacute drsquoeffectuer des recherches suppleacutementaires En 1997 et en 1998 CC a eacuteteacute
citeacute agrave comparaicirctre en vue de la tenue drsquoune audience ad hoc destineacutee agrave recueillir son
teacutemoignage et agrave effectuer une reconnaissance du requeacuterant Il ne srsquoest preacutesenteacute qursquoagrave
une seule audience ad hoc laquelle a eacuteteacute reporteacutee en raison de lrsquoabsence du substitut du
procureur Ensuite agrave lrsquoaudience du 22 septembre 1997 le juge a indiqueacute que CC ne
vivant plus au domicile de ses parents nrsquoavait pas reccedilu notification de la citation agrave
comparaicirctre Au final lors du procegraves en 2003 soit plus de six ans apregraves les faits les
seules recherches effectueacutees par la police avaient eacuteteacute celles faites au domicile des
parents de CC
46 Dans ces circonstances et compte tenu eacutegalement du long laps de temps eacutecouleacute
entre les faits et le procegraves la Cour estime que le Gouvernement nrsquoa pas deacutemontreacute que
les juridictions italiennes ont deacuteployeacute tous les efforts que lrsquoon pouvait raisonnablement
attendre drsquoelles pour assurer la comparution de CC ( voir paragraphes 9 et 41 ci-
dessus) (voir mutatis mutandis Rudnichenko preacuteciteacute sectsect 105-109 ougrave la Cour a conclu
que la restriction apporteacutee au droit du requeacuterant de faire interroger un teacutemoin absent
ne reposait sur aucun motif valable ou non apregraves avoir notamment observeacute qursquoaucune
mesure nrsquoavait eacuteteacute prise pour faire en sorte que le teacutemoin litigieux pucirct comparaicirctre et
ecirctre interrogeacute)
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47 Cependant comme observeacute plus haut (paragraphe 40 ci-dessus) mecircme si elle
constitue un eacuteleacutement de poids pour appreacutecier lrsquoeacutequiteacute globale du procegraves lrsquoabsence de
motif seacuterieux justifiant la non-comparution de CC nrsquoest pas en soi constitutive drsquoune
violation de lrsquoarticle 6 de la Convention La Cour examinera donc si la deacuteposition de
CC constituait le fondement unique ou deacuteterminant de la condamnation du requeacuterant
et srsquoil existait des eacuteleacutements compensateurs suffisants pour contrebalancer les difficulteacutes
que lrsquoimpossibiliteacute de contre-interroger ce teacutemoin a causeacutees agrave la deacutefense
ii Lrsquoimportance de la deacuteposition de CC pour la condamnation du requeacuterant
48 La Cour constate que les juges nationaux ont fondeacute la condamnation du
requeacuterant exclusivement ou du moins dans une mesure deacuteterminante sur les
deacuteclarations faites par CC lors du deacutepocirct de sa plainte en 1996
49 Srsquoil est vrai comme le reconnait le Gouvernement que le tribunal a pris en
consideacuteration les deacuteclarations du carabinier LR ayant enregistreacute la plainte de CC et
ayant effectueacute la proceacutedure de reconnaissance photographique du requeacuterant et de son
coiumlnculpeacute afin de valider la preuve principale la Cour note toutefois qursquoaucune
confrontation directe nrsquoa pu avoir lieu entre le requeacuterant et son accusateur ni pendant
le procegraves ni au stade de lrsquoenquecircte preacuteliminaire En particulier au cours de celle-ci CC
ne srsquoest pas preacutesenteacute agrave lrsquoaudience ad hoc qui srsquoest tenue devant le GIP en preacutesence des
avocats de la deacutefense La Cour reacuteaffirme que le caractegravere unique de la preuve pegravese
lourd dans la balance et qursquoil appelle des eacuteleacutements suffisamment compensateurs des
difficulteacutes que son admission fait subir agrave la deacutefense (Al-Khawaja et Tahery preacuteciteacute sect
161)
iii Les garanties proceacutedurales pour contrebalancer les difficulteacutes causeacutees agrave la deacutefense
50 La Cour rappelle agrave nouveau que dans chaque affaire ougrave le problegraveme de lrsquoeacutequiteacute
de la proceacutedure se pose en rapport avec la deacuteposition drsquoun teacutemoin absent il srsquoagit de
savoir srsquoil existe des eacuteleacutements suffisamment compensateurs des inconveacutenients que son
admission fait subir agrave la deacutefense notamment des garanties proceacutedurales solides
permettant une appreacuteciation correcte et eacutequitable de la fiabiliteacute drsquoune telle preuve
Lrsquoexamen de cette question permet de veacuterifier si la deacuteposition du teacutemoin absent est
suffisamment fiable compte tenu de son importance dans la cause pour qursquoune
condamnation puisse ecirctre prononceacutee (Al-Khawaja et Tahery preacuteciteacute sect 147)
51 La Cour rappelle aussi que dans ce contexte le droit drsquointerroger ou de faire
interroger les teacutemoins agrave charge constitue une garantie du droit agrave lrsquoeacutequiteacute de la
proceacutedure en ce que non seulement il vise lrsquoeacutegaliteacute des armes entre lrsquoaccusation et la
deacutefense mais encore il fournit agrave la deacutefense et au systegraveme judiciaire un instrument
essentiel de controcircle de la creacutedibiliteacute et de la fiabiliteacute des deacutepositions incriminantes et
par-lagrave du bien-fondeacute des chefs drsquoaccusation (Tseber preacuteciteacute sect 59 etSică c Roumanie
no 1203605 sect 69 9 juillet 2013)
52 Dans la preacutesente affaire la Cour observe que CC plaignant et unique teacutemoin a
eacuteteacute entendu par les carabiniers mais qursquoil nrsquoa jamais comparu devant les juridictions
du fond Ni les juges du fond ni le requeacuterant ou son repreacutesentant nrsquoont donc pu
lrsquoobserver pendant son audition pour appreacutecier sa creacutedibiliteacute et la fiabiliteacute de sa
deacuteposition (Tseber preacuteciteacute sect 60 Sică preacuteciteacute sect 70 Vronchenko c Estonie no 5963209 sect
65 18 juillet 2013 et Rosin c Estonie no 2654008 sect 62 19 deacutecembre 2013)
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53 La Cour relegraveve ensuite que les juridictions internes se sont appuyeacutees en sus des
deacuteclarations litigieuses sur le teacutemoignage du carabinier LR qui avait relateacute au
tribunal lors de lrsquoaudience du 6 deacutecembre 2004 les modaliteacutes du deacuteroulement de la
reconnaissance photographique de lrsquointeacuteresseacute et de son coiumlnculpeacute
54 La Cour relegraveve en outre que la cour drsquoappel a eacutevalueacute avec soin la creacutedibiliteacute de
CC observant qursquoil nrsquoavait aucune raison drsquoaccuser le requeacuterant et que avant les faits
deacutelictueux il ne le connaissait pas Ces eacuteleacutements ont ameneacute la cour drsquoappel agrave
consideacuterer que CC nrsquoavait pas drsquointeacuterecirct agrave deacuteposer ainsi et que ses deacuteclarations eacutetaient
donc suffisamment fiables
55 Cela eacutetant la Cour se doit de rappeler qursquoun tel examen ne saurait agrave lui seul
compenser lrsquoabsence drsquointerrogation du teacutemoin par la deacutefense (Damir Sibgatullin c
Russie no 141305 sect 57 24 avril 2012) En effet aussi rigoureux soit-il lrsquoexamen fait par
le juge du fond constitue un instrument de controcircle imparfait dans la mesure ougrave il ne
permet pas de disposer des eacuteleacutements pouvant ressortir drsquoune confrontation en
audience publique entre lrsquoaccuseacute et son accusateur (Tseber preacuteciteacute sect 65 etRiahi c
Belgique no 6540010 sect 41 14 juin 2016)
56 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour estime que le caractegravere deacuteterminant des
deacutepositions de CC en lrsquoabsence de confrontation avec le requeacuterant en audience
publique emporte la conclusion que les juridictions internes aussi rigoureux qursquoait eacuteteacute
leur examen nrsquoont pas pu appreacutecier correctement et eacutequitablement la fiabiliteacute de cette
preuve
57 Par conseacutequent consideacuterant lrsquoeacutequiteacute de la proceacutedure dans son ensemble la Cour
juge que les droits de la deacutefense du requeacuterant ont ainsi subi une limitation
incompatible avec les exigences drsquoun procegraves eacutequitable Partant il y a eu violation de
lrsquoarticle 6 sectsect 1 et 3 d) de la Convention
II SUR LrsquoAPPLICATION DE LrsquoARTICLE 41 DE LA CONVENTION
58 Aux termes de lrsquoarticle 41 de la Convention
laquo Si la Cour deacuteclare qursquoil y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles
et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet drsquoeffacer
qursquoimparfaitement les conseacutequences de cette violation la Cour accorde agrave la partie
leacuteseacutee srsquoil y a lieu une satisfaction eacutequitable raquo
A Dommage
59 Le requeacuterant reacuteclame agrave titre de dommage mateacuteriel 200 euros (EUR) par mois de
deacutetention soit un total de 3 200 EUR pour la peacuteriode drsquoun an et quatre mois qursquoil a
passeacutee en prison En outre il demande 100 000 EUR pour preacutejudice moral
60 Le Gouvernement est drsquoavis que les demandes du requeacuterant sont exorbitantes et
totalement deacutenueacutees de fondement
61 La Cour nrsquoaperccediloit pas de lien de causaliteacute entre la violation constateacutee et le
dommage mateacuteriel alleacutegueacute et rejette cette demande En revanche elle estime que le
requeacuterant a subi un preacutejudice moral certain auquel le constat de violation figurant
dans le preacutesent arrecirct (paragraphe 57 ci-dessus) ne suffit pas agrave remeacutedier La Cour
rappelle que lorsqursquoelle conclut que la condamnation drsquoun requeacuterant a eacuteteacute prononceacutee
malgreacute lrsquoexistence drsquoune atteinte aux exigences drsquoeacutequiteacute de la proceacutedure un nouveau
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procegraves ou une reacuteouverture de la proceacutedure agrave la demande de lrsquointeacuteresseacute repreacutesente en
principe un moyen approprieacute de redresser la violation constateacutee (voirmutatis
mutandis Somogyi c Italie no 6797201 sect 86 CEDH 2004-IV Krasniki c Reacutepublique
tchegraveque no 5127799 sect 93 28 feacutevrier 2006 et Tseber preacuteciteacute sect 75) Eu eacutegard aux
circonstances de la cause et statuant en eacutequiteacute comme le veut lrsquoarticle 41 de la
Convention elle deacutecide toutefois drsquooctroyer agrave lrsquointeacuteresseacute la somme de 3 000 EUR
B Frais et deacutepens
62 Justificatifs agrave lrsquoappui le requeacuterant demande eacutegalement 10 080 EUR en
remboursement des frais et deacutepens engageacutes devant les juridictions internes et 4 920
EUR en remboursement de ceux engageacutes devant la Cour
63 Le Gouvernement conteste ces demandes arguant que la preuve de
lrsquoengagement reacuteel des frais et deacutepens reacuteclameacutes nrsquoa pas eacuteteacute rapporteacutee
64 Selon la jurisprudence de la Cour un requeacuterant ne peut obtenir le
remboursement de ses frais et deacutepens que dans la mesure ougrave se trouvent eacutetablis leur
reacutealiteacute leur neacutecessiteacute et le caractegravere raisonnable de leur taux En lrsquoespegravece compte tenu
des documents dont elle dispose et de sa jurisprudence la Cour estime raisonnable la
somme de 10 000 EUR tous frais confondus et lrsquoaccorde au requeacuterant
C Inteacuterecircts moratoires
65 La Cour juge approprieacute de calquer le taux des inteacuterecircts moratoires sur le taux
drsquointeacuterecirct de la faciliteacute de precirct marginal de la Banque centrale europeacuteenne majoreacute de
trois points de pourcentage
PAR CES MOTIFS LA COUR
1 Deacuteclare agrave lrsquounanimiteacute la requecircte recevable
2 Dit par six voix contre une qursquoil y a eu violation de lrsquoarticle 6 sectsect 1 et 3 d) de la
Convention
3 Dit par six voix contre une
a) que lrsquoEacutetat deacutefendeur doit verser au requeacuterant dans les trois mois agrave compter du
jour ougrave lrsquoarrecirct sera devenu deacutefinitif conformeacutement agrave lrsquoarticle 44 sect 2 de la
Convention les sommes suivantes
i 3 000 EUR (trois mille euros) plus tout montant pouvant ecirctre ducirc agrave titre
drsquoimpocirct pour dommage moral
ii 10 000 EUR (dix mille euros) plus tout montant pouvant ecirctre ducirc par le
requeacuterant agrave titre drsquoimpocirct pour frais et deacutepens
b) qursquoagrave compter de lrsquoexpiration dudit deacutelai et jusqursquoau versement ces montants
seront agrave majorer drsquoun inteacuterecirct simple agrave un taux eacutegal agrave celui de la faciliteacute de precirct
marginal de la Banque centrale europeacuteenne applicable pendant cette peacuteriode
augmenteacute de trois points de pourcentage
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4 Rejette agrave lrsquounanimiteacute la demande de satisfaction eacutequitable pour le surplus
Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 12 octobre 2017 en application de
lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3 du regraveglement de la Cour
Abel CamposKristina Pardalos
GreffierPreacutesidente
Au preacutesent arrecirct se trouve joint conformeacutement aux articles 45 sect 2 de la Convention
et 74 sect 2 du regraveglement lrsquoexposeacute de lrsquoopinion seacutepareacutee du juge Wojtyczek
KP
AC
OPINION DISSIDENTE DU JUGE WOJTYCZEK
1 Je ne suis pas convaincu par la position de la majoriteacute dans la preacutesente affaire
2 Le requeacuterant fut renvoyeacute en jugement devant le tribunal de Trani le 16 juin 1998
Selon le Gouvernement son procegraves commenccedila le 27 mai 2001 avec la tenue de la
premiegravere audience Je note en passant que la majoriteacute en eacutetablissant les faits omet
complegravetement les deacuteveloppements qui ont eu lieu entre le 16 juin 1998 et 27 mai 2003
date de la premiegravere audience mentionneacutee dans la partie laquo circonstances de lrsquoespegravece raquo de
lrsquoarrecirct
Quoi qursquoil en soit on peut constater dans la preacutesente affaire un retard agrave juger le
requeacuterant ce qui semble en contradiction avec le droit agrave un procegraves dans un deacutelai
raisonnable Toutefois le requeacuterant nrsquoa pas preacutesenteacute de griefs relatifs agrave la dureacutee de la
proceacutedure La Cour nrsquoeacutetait donc pas compeacutetente pour examiner la question de la dureacutee
de la proceacutedure et agrave juste titre a deacutecideacute de ne pas examiner cette question
3 Le requeacuterant se plaint du manque drsquoeacutequiteacute de la proceacutedure meneacutee contre lui car le
teacutemoin clef de lrsquoaffaire nrsquoa pas eacuteteacute entendu pendant les deacutebats La majoriteacute constate agrave
juste titre que laquo CC plaignant et unique teacutemoin a eacuteteacute entendu par les carabiniers
mais qursquoil nrsquoa jamais comparu devant les juridictions du fond raquo (paragraphe 52 gras
ajouteacute)
Le manque alleacutegueacute drsquoeacutequiteacute du procegraves du fait de lrsquoabsence drsquoaudition du teacutemoin
devant le juge de fond doit ecirctre appreacutecieacute avant tout agrave la lumiegravere des eacutevegravenements qui
ont eu lieu apregraves son commencement Or dans la motivation de lrsquoarrecirct la majoriteacute se
penche au paragraphe 45 sur la phase drsquoinstruction qui a dureacute jusqursquoau 16 juin 1998
Le juge des investigations preacuteliminaires nrsquoest pas le juge de fond La motivation de
lrsquoarrecirct nrsquoexplique pas pourquoi les stades anteacuterieurs au procegraves seraient pertinents pour
appreacutecier le grief du requeacuterant alors que le paragraphe 52 met lrsquoaccent sur la
comparution du teacutemoin devant le juge de fond Peut-ecirctre la motivation se fonde-t-elle
implicitement sur lrsquoideacutee que lrsquoaudition du teacutemoin avant le procegraves devant un juge en
preacutesence de lrsquoaccuseacute aurait remeacutedieacute au problegraveme de lrsquoabsence drsquoaudition du teacutemoin
pendant le procegraves devant le juge de fond Si crsquoest le cas cette consideacuteration aurait ducirc
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ecirctre expliqueacutee dans le contexte drsquoune analyse deacutetailleacutee de la proceacutedure peacutenale italienne
et en particulier drsquoune analyse de la logique et de lrsquoenchaicircnement de ses diffeacuterents
stades
4 Agrave lrsquoaudience du 6 deacutecembre 2004 le procureur informa le tribunal que le teacutemoin
CC avait quitteacute le domicile familial depuis lrsquoanneacutee 2000 et qursquoil eacutetait depuis lors
introuvable Il indiqua eacutegalement qursquoun mandat drsquoarrecirct avait eacuteteacute deacutecerneacute agrave lrsquoencontre
de CC agrave la suite de sa condamnation par contumace dans le cadre drsquoune autre
proceacutedure peacutenale Ces alleacutegations nrsquoont pas eacuteteacute contesteacutees par le requeacuterant Il nrsquoest
donc pas exact de dire que laquo [a]u final lors du procegraves en 2003 soit plus de six ans apregraves
les faits les seules recherches effectueacutees par la police avaient eacuteteacute celles faites au
domicile des parents de CC raquo (paragraphe 45 in fine)
Si pendant plusieurs anneacutees les autoriteacutes italiennes ont tenteacute sans succegraves de
localiser et drsquoarrecircter CC pour lrsquoincarceacuterer agrave la suite drsquoune condamnation peacutenale dans
une autre affaire il est difficile de leur reprocher de nrsquoavoir pas pu assurer sa
comparution comme teacutemoin Il est difficile drsquoattendre raisonnablement encore plus de
diligence de la part de la juridiction devant laquelle la personne rechercheacutee doit
teacutemoigner
Dans la preacutesente affaire il y avait un obstacle objectif agrave lrsquoaudition du teacutemoin Le juge
avait lrsquoobligation de statuer sur le fondement des preuves disponibles et notamment
du teacutemoignage de CC recueilli avant le procegraves appreacutecieacutees agrave la lumiegravere du principe de
la libre appreacuteciation des preuves Les juridictions italiennes des diffeacuterents niveaux ont
soigneusement examineacute cette question Je ne vois pas de raison suffisante de me
deacutemarquer de leurs conclusions
5 Au paragraphe 50 la Cour laquo rappelle agrave nouveau que dans chaque affaire ougrave le
problegraveme de lrsquoeacutequiteacute de la proceacutedure se pose en rapport avec la deacuteposition drsquoun teacutemoin
absent il srsquoagit de savoir srsquoil existe des eacuteleacutements suffisamment compensateurs des
inconveacutenients que son admission fait subir agrave la deacutefense notamment des garanties
proceacutedurales solides permettant une appreacuteciation correcte et eacutequitable de la fiabiliteacute
drsquoune telle preuve raquo
En lrsquoespegravece le gouvernement italien dans ses observations eacutecrites a preacutesenteacute un
certain nombre drsquoeacuteleacutements qui selon lui compensaient les inconveacutenients subis par la
deacutefense La Cour eacutetait tenue drsquoappliquer le test eacutenonceacute au paragraphe 50 en appreacuteciant
si les eacuteleacutements mis en exergue par le Gouvernement eacutetaient pertinents et suffisants Or
la majoriteacute a deacutecideacute de ne pas reacutepondre aux arguments du Gouvernement Elle se
limite agrave affirmer au paragraphe 55 que laquo aussi rigoureux soit-il lrsquoexamen fait par le
juge du fond constitue un instrument de controcircle imparfait dans la mesure ougrave il ne
permet pas de disposer des eacuteleacutements pouvant ressortir drsquoune confrontation en
audience publique entre lrsquoaccuseacute et son accusateur raquo Le test eacutenonceacute nrsquoa pas eacuteteacute
appliqueacute par la Cour
Il est eacutevident qursquoen lrsquoabsence drsquoaudition drsquoun teacutemoin en audience publique on ne
peut pas disposer drsquoeacuteleacutements pouvant ressortir drsquoune confrontation entre lrsquoaccuseacute et
son accusateur Toutefois selon la meacutethodologie annonceacutee au paragraphe 50 la
question agrave trancher eacutetait celle de savoir srsquoil existait des eacuteleacutements qui avaient
suffisamment compenseacute les inconveacutenients que son admission avait fait subir agrave la
deacutefense
6 La preacutesente affaire permet de tirer un enseignement plus geacuteneacuteral Lrsquoeacutequiteacute du
procegraves peacutenal ne peut srsquoappreacutecier que dans le contexte de lrsquoensemble des regravegles qui
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reacutegissent la proceacutedure peacutenale et en particulier des principes fondamentaux qui
deacutefinissent le modegravele de proceacutedure peacutenale choisi La majoriteacute se reacutefegravere aux principes
eacutetablis dans lrsquoarrecirct Al-Khawaja et Tahery c Royaume-Uni ([GC] nos 2676605 et 2222806
CEDH 2011 auquel se trouve joint lrsquoexposeacute de lrsquoopinion concordante du juge Bratza et
de lrsquoopinion en partie concordante et en partie dissidente des juges Sajoacute et Karakaş) Je
note agrave cet eacutegard que les principes concernant lrsquoaudition des teacutemoins ont eacuteteacute eacutenonceacutes
dans cette affaire dans le contexte drsquoun procegraves fondeacute sur les principes du contradictoire
et du rocircle limiteacute du juge Les principes du procegraves eacutequitable eacutelaboreacutes pour de telles
proceacutedures peacutenales sont difficilement transposables agrave des proceacutedures peacutenales fondeacutees
sur le rocircle actif du juge avec de forts eacuteleacutements inquisitoires au stade du procegraves Agrave mon
avis la question de lrsquoeacutequiteacute du procegraves peacutenal doit ecirctre revisiteacutee par la Cour agrave la lumiegravere
des principes fondamentaux des diffeacuterentes proceacutedures peacutenales Je remarque dans ce
contexte que le rocircle actif du juge est en soi un eacuteleacutement qui peut compenser certaines
formes drsquoineacutegaliteacute des armes entre les parties ce qui a eacuteteacute mis en exergue agrave tregraves juste
titre dans lrsquoarrecirct Regner c Reacutepublique tchegraveque ([GC] no 3528911 sect 152 19 septembre
2017 auquel se trouve joint lrsquoopinion concordante du juge Wojtyczek lrsquoopinion en
partie dissidente commune aux juges Raimondi Sicilianos Spano Ravarani et Pastor
Vilanova lrsquoopinion en partie dissidente commune aux juges Lazarova Trajkovska et
Loacutepez Guerra lrsquoopinion en partie dissidente du juge Serghides et lrsquoopinion dissidente
du juge Sajoacute) Bien que ce dernier arrecirct concerne la proceacutedure administrative
contentieuse les consideacuterations exposeacutees dans sa motivation gardent leur pertinence
pour drsquoautres proceacutedures
Il faut rappeler que lrsquoeacutegaliteacute des armes et le respect des droits des parties ne sont pas
la finaliteacute ultime du droit mais lrsquoinstrument servant drsquoune part la digniteacute et
lrsquoautonomie individuelle et drsquoautre part la veacuteriteacute et la justice substantielle La question
essentielle est celle de savoir si les regravegles proceacutedurales envisageacutees comme un systegraveme
et appliqueacutees en lrsquoespegravece permettent drsquoaboutir dans le respect de la digniteacute de
lrsquohomme agrave une deacutecision fondeacutee sur la veacuteriteacute et drsquoeacuteviter les erreurs judiciaires
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En lrsquoaffaire Cafagna c Italie
La Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme (premiegravere section) sieacutegeant en une
Chambre composeacutee de
Kristina Pardalos preacutesidente
Guido Raimondi
Aleš Pejchal
Krzysztof Wojtyczek
Ksenija Turković
Pauliine Koskelo
Tim Eicke juges
et de Abel Campos greffier de section
Apregraves en avoir deacutelibeacutereacute en chambre du conseil le 12 septembre 2017
Rend lrsquoarrecirct que voici adopteacute agrave cette date
PROCEacuteDURE
1 Agrave lrsquoorigine de lrsquoaffaire se trouve une requecircte (no 2607313) dirigeacutee contre la
Reacutepublique italienne et dont un ressortissant de cet Eacutetat M Gaetano Cafagna (laquo le
requeacuterant raquo) a saisi la Cour le 27 mars 2013 en vertu de lrsquoarticle 34 de la Convention de
sauvegarde des droits de lrsquohomme et des liberteacutes fondamentales (laquo la Convention raquo)
2 Le requeacuterant a eacuteteacute repreacutesenteacute par Me GR Cioce avocat agrave Barletta Le
gouvernement italien (laquo le Gouvernement raquo) a eacuteteacute repreacutesenteacute par son agente Mme E
Spatafora et par sa coagente Mme M Aversano
3 Le 16 mars 2016 la requecircte a eacuteteacute communiqueacutee au Gouvernement
EN FAIT
I LES CIRCONSTANCES DE LrsquoESPEgraveCE
4 Le requeacuterant est neacute en 1970 et reacuteside agrave Barletta
5 Le 3 juin 1996 CC un ressortissant italien porta plainte contre le requeacuterant Il
affirma que dans la rue ce dernier srsquoeacutetait approcheacute de lui avec un complice pour lui
demander de lrsquoargent Il preacutecisa qursquoil connaissait le complice Il deacuteclara qursquoil avait
accepteacute qursquoil avait sorti son portefeuille mais que le complice le lui avait arracheacute des
mains avant de srsquoenfuir avec le requeacuterant Il ajouta qursquoil les avait poursuivis et que le
requeacuterant lui avait donneacute un coup de poing au visage
6 Le mecircme jour lors du deacutepocirct de sa plainte qui fut recueillie par le carabinier LR
CC indiqua que lrsquoun des deux agresseurs se nommait LD et il le reconnut agrave partir
drsquoune photo Quant au requeacuterant il expliqua aux carabiniers qursquoil le connaissait de
vue Par la suite le carabinier LR preacutesenta agrave CC plusieurs photos aux fins
drsquoidentification et ce dernier identifia formellement le requeacuterant comme eacutetant son
deuxiegraveme agresseur
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7 Le 13 septembre 1996 le parquet demanda qursquoil fucirct proceacutedeacute agrave une audition de
CC et agrave une parade drsquoidentification (ricognizione personale) dans le cadre drsquoune
audience ad hoc (incidente probatorio) devant le juge des investigations preacuteliminaires de
Trani (laquo le GIP raquo) au motif que en raison du passage du temps le teacutemoignage du
plaignant risquait de ne plus ecirctre fiable lors des deacutebats
8 Une premiegravere citation agrave comparaicirctre ne put ecirctre notifieacutee agrave CC au motif qursquoil ne se
trouvait plus au domicile de ses parents
9 Une deuxiegraveme citation agrave comparaicirctre du 18 deacutecembre 1996 et une troisiegraveme du 3
janvier 1997 furent deacutelivreacutees agrave la megravere de CC Toutefois ce dernier ne se preacutesenta pas agrave
lrsquoaudience ad hoc du 15 janvier 1997 Le juge ordonna alors sa comparution forceacutee en
vue drsquoune audience fixeacutee au 27 janvier 1997 Cependant ni CC ni le requeacuterant ne
comparurent Une nouvelle audience se tint le 28 janvier 1997 lors de laquelle CC et le
requeacuterant eacutetaient preacutesents mais pas le substitut du procureur qui participait aux deacutebats
dans le cadre drsquoune autre proceacutedure peacutenale
10 Le 22 septembre 1997 eut lieu une autre audience ad hoc au cours de laquelle le
juge releva que CC ne vivant plus au domicile de ses parents depuis deux mois
nrsquoavait pas reccedilu notification de la citation agrave comparaicirctre
11 Agrave une audience preacuteliminaire du 16 juin 1998 le requeacuterant fut renvoyeacute en
jugement devant le tribunal de Trani (laquo le tribunal raquo) pour avoir voleacute le portefeuille de
CC et pour avoir frappeacute celui-ci au visage avec le concours de LD
12 Agrave lrsquoaudience du 27 mai 2003 CC ne se preacutesenta pas Il fut mentionneacute lors de
cette audience que CC nrsquoavait pas reccedilu notification de la citation agrave comparaicirctre au
domicile qursquoil avait indiqueacute aux autoriteacutes agrave savoir chez ses parents
13 Le 3 juin 2003 la police reacutedigea un procegraves-verbal de recherches infructueuses au
motif que CC nrsquoavait pas eacuteteacute trouveacute au domicile qursquoil avait indiqueacute aux autoriteacutes
Selon ce procegraves-verbal les parents de CC avaient deacuteclareacute que ce dernier ne vivait plus
avec eux depuis trois ans et qursquoils ne savaient pas ougrave il se trouvait
14 Agrave lrsquoaudience du 6 deacutecembre 2004 le carabinier LR fut entendu Il relata au
tribunal le deacuteroulement de la reconnaissance photographique LD fut eacutegalement
entendu Il deacuteclara qursquoil ne connaissait pas la personne lrsquoayant accuseacute Lrsquoaudience
devait ecirctre consacreacutee entre autres agrave lrsquoaudition de CC Le procureur informa le
tribunal que celui-ci avait quitteacute le domicile familial depuis lrsquoanneacutee 2000 et qursquoil eacutetait
depuis lors introuvable Il indiqua eacutegalement qursquoun mandat drsquoarrecirct avait eacuteteacute deacutecerneacute agrave
lrsquoencontre de CC agrave la suite de sa condamnation dans le cadre drsquoune autre proceacutedure
peacutenale
15 Srsquoappuyant sur lrsquoarticle 512 du code de proceacutedure peacutenale (CPP) le tribunal
ordonna que la deacuteposition faite par CC aux carabiniers le 3 juin 1996 (paragraphe 5 ci-
dessus) fucirct verseacutee au dossier du juge et admise agrave titre de preuve (fascicolo per il
dibattimento) et ce en deacutepit de la demande de la deacutefense de reacutealiser des recherches
suppleacutementaires
16 Par un jugement du 11 avril 2005 le tribunal condamna le requeacuterant et LD agrave un
an et quatre mois drsquoemprisonnement Il consideacutera que la deacuteposition preacutecise et
circonstancieacutee faite par CC aupregraves des carabiniers eacutetait suffisante pour lrsquoeacutetablissement
de la culpabiliteacute du requeacuterant et de LD
17 Il preacutecisa que la circonstance qursquoun teacutemoin eacutetait devenu introuvable srsquoanalysait
en une laquo impossibiliteacute objective raquo de lrsquointerroger lors des deacutebats ce qui selon lrsquoarticle
512 du CPP lu agrave la lumiegravere de lrsquoarticle 111 de la Constitution permettait selon le
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tribunal drsquoutiliser toute deacuteposition faite avant le procegraves pour statuer sur le bien-fondeacute
des accusations Il estima que agrave deacutefaut drsquoeacuteleacutement permettant de penser que CC srsquoeacutetait
volontairement soustrait au procegraves lrsquoabsence de celui-ci nrsquoavait aucun caractegravere
preacutevisible
18 Le tribunal consideacutera enfin que la condamnation du requeacuterant bien que fondeacutee
principalement sur les deacuteclarations de CC qursquoil estimait creacutedibles et concordantes
srsquoappuyait eacutegalement sur drsquoautres eacuteleacutements provenant du teacutemoignage du carabinier
LR qui avait relateacute le deacuteroulement de la reconnaissance photographique
19 Le requeacuterant interjeta appel de ce jugement Il contesta lrsquoeacutevaluation des preuves
agrave charge et lrsquoutilisation de la deacuteposition de CC qui eacutetait selon lui la seule preuve
utiliseacutee par le tribunal En outre il reprocha au tribunal de ne pas avoir eacutevalueacute
attentivement les deacuteclarations faites par CC au moment du deacutepocirct de la plainte
20 Par un arrecirct du 25 mai 2011 la cour drsquoappel de Bari (laquo la cour drsquoappel raquo)
confirma le jugement du tribunal En particulier elle observa que lrsquoabsence de CC lors
des deacutebats nrsquoeacutetait ni preacutevisible ni probable En outre elle consideacutera qursquoil nrsquoy avait
entre le requeacuterant et CC aucune animositeacute permettant de douter de la fiabiliteacute de la
deacuteclaration de ce dernier Par ailleurs elle estima que les deacuteclarations de CC
notamment celles relatives agrave la reconnaissance du requeacuterant eacutetaient preacutecises et
corroboreacutees par les deacuteclarations du teacutemoin LR ayant recueilli la plainte de CC
21 Le requeacuterant se pourvut en cassation Srsquoappuyant sur la jurisprudence de la
Cour il se plaignait en particulier drsquoune violation de lrsquoarticle 6 de la Convention
22 Par un arrecirct du 17 octobre 2012 la Cour de cassation deacutebouta le requeacuterant de son
pourvoi Sans faire reacutefeacuterence agrave lrsquoarticle 6 de la Convention la haute juridiction exposa
que CC condamneacute par contumace dans le cadre drsquoune autre proceacutedure peacutenale eacutetait
introuvable que cela nrsquoeacutetait pas preacutevisible agrave lrsquoeacutepoque de ses deacuteclarations aux
carabiniers et que par conseacutequent le tribunal avait leacutegitimement admis agrave titre de
preuve les deacuteclarations de CC Elle ajouta que le requeacuterant avait pris acte de cette
admission sans srsquoy opposer
II LE DROIT INTERNE PERTINENT
23 Le droit interne pertinent se trouve deacutecrit dans lrsquoarrecirct Ben Moumen c Italie
(no 397713 sectsect28-30 23 juin 2016)
EN DROIT
I SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 6 sectsect 1 ET 3 d) DE LA CONVENTION
24 Le requeacuterant considegravere que la proceacutedure peacutenale meneacutee agrave son encontre nrsquoa pas eacuteteacute
eacutequitable Il invoque lrsquoarticle 6 sectsect 1 et 3 d) de la Convention qui est ainsi libelleacute en ses
parties pertinentes en lrsquoespegravece
laquo 1 Toute personne a droit agrave ce que sa cause soit entendue eacutequitablement () par
un tribunal () qui deacutecidera () du bien-fondeacute de toute accusation en matiegravere
peacutenale dirigeacutee contre elle ()
3 Tout accuseacute a droit notamment agrave
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()
d) interroger ou faire interroger les teacutemoins agrave charge et obtenir la convocation et
lrsquointerrogation des teacutemoins agrave deacutecharge dans les mecircmes conditions que les teacutemoins
agrave charge
() raquo
A Sur la recevabiliteacute
25 Le Gouvernement soutient que le requeacuterant en ayant omis de srsquoopposer pendant
les deacutebats agrave la lecture des deacuteclarations litigieuses ne srsquoest pas preacutevalu drsquoun remegravede
accessible adeacutequat et efficace offert en droit interne pour exclure ce mateacuteriel probatoire
du dossier du juge
26 Le requeacuterant conteste cet argument et soutient que mecircme srsquoil srsquoeacutetait opposeacute agrave la
lecture des deacuteclarations de CC celles-ci auraient de toute maniegravere eacuteteacute verseacutees au
dossier du juge
27 Srsquoagissant de la possibiliteacute pour le requeacuterant de srsquoopposer agrave la lecture des
deacuteclarations litigieuses la Cour rappelle que aux termes de sa jurisprudence ni la
lettre ni lrsquoesprit de lrsquoarticle 6 sectsect 1 et 3 d) de la Convention nrsquoempecircchent une personne
de renoncer de son plein greacute aux garanties drsquoun procegraves eacutequitable de maniegravere expresse
ou tacite mais que pareille renonciation doit ecirctre non eacutequivoque et ne se heurter agrave
aucun inteacuterecirct public important (Haringkansson et Sturesson c Suegravede 21 feacutevrier 1990 sect 66
seacuterie A no 171-A et Kwiatkowska c Italie (deacutec) no 5286899 30 novembre 2000)
28 En lrsquoespegravece la Cour note que les deacuteclarations litigieuses ont eacuteteacute utiliseacutees
conformeacutement agrave la loi interne agrave savoir lrsquoarticle 512 du CPP qui impose au juge
drsquoordonner la lecture et le versement au dossier des deacuteclarations ne pouvant pas ecirctre
reacuteiteacutereacutees en raison drsquoune impossibiliteacute objective ducircment prouveacutee Elle estime donc
qursquoune eacuteventuelle opposition du requeacuterant au versement au dossier des procegraves-
verbaux en question aurait eu peu de chances de succegraves En tout eacutetat de cause le fait de
ne pas avoir souleveacute drsquoexception formelle lors des deacutebats ne saurait ecirctre interpreacuteteacute
comme une renonciation tacite au droit drsquointerroger ou de faire interroger les teacutemoins agrave
charge (Craxi c Italie no 3489697 5 deacutecembre 2002 Bracci c Italie (deacutec) no 3682202 2
deacutecembre 2004 et Majadallah c Italie (deacutec) no 6209400 19 mai 2005)
29 Il srsquoensuit que lrsquoexception preacuteliminaire tireacutee du non-eacutepuisement des voies de
recours internes ou drsquoune renonciation tacite au droit invoqueacute devant la Cour ne peut
ecirctre accueillie favorablement
30 Constatant que cette requecircte nrsquoest pas manifestement mal fondeacutee au sens de
lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoelle ne se heurte par ailleurs agrave aucun autre
motif drsquoirrecevabiliteacute la Cour la deacuteclare recevable
B Sur le fond
1 Thegraveses des parties
31 Le requeacuterant allegravegue avoir eacuteteacute condamneacute sur la base de la deacuteposition faite aux
carabiniers par CC le plaignant en lrsquoabsence drsquoaudition de ce dernier lors des deacutebats
Il soutient qursquoaucune recherche nrsquoa eacuteteacute faite par les autoriteacutes pour retrouver CC
ailleurs qursquoagrave lrsquoadresse du domicile de ses parents Selon le requeacuterant eu eacutegard agrave
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lrsquoabsence de ce dernier agrave la plupart des dates fixeacutees pour la tenue drsquoune audience ad
hoc il eacutetait preacutevisible degraves 1997 qursquoil risquait de se soustraire aux deacutebats
32 Le requeacuterant soutient encore que contrairement aux arguments avanceacutes par le
Gouvernement quant au manque de caractegravere deacuteterminant des deacuteclarations de CC sa
condamnation eacutetait bel et bien fondeacutee exclusivement sur lesdites affirmations Il ajoute
srsquoecirctre preacutevalu pendant les deacutebats de la faculteacute de garder le silence
33 Le Gouvernement considegravere que lrsquoadmission comme preuve des deacuteclarations
faites par CC aux carabiniers eacutetait reconnue en droit interne Il estime que les
dispositions en cause ont eacuteteacute interpreacuteteacutees par les juridictions internes de maniegravere
conforme agrave la Convention Il cite en particulier un arrecirct no 27918 rendu le 14 juillet
2011 par les sections reacuteunies de la Cour de cassation selon lequel les deacuteclarations drsquoun
teacutemoin absent doivent ecirctre eacutevalueacutees avec la prudence neacutecessaire par le biais non
seulement drsquoun examen de la creacutedibiliteacute subjective et objective de celui-ci mais aussi
par celui de la confrontation de sa deacuteposition avec les autres eacuteleacutements preacutesenteacutes aux
deacutebats
34 De lrsquoavis du Gouvernement la preacutesente affaire est similaire agrave lrsquoaffaire Ben
Moumen c Italie (no 397713 23 juin 2016) dans laquelle la Cour a conclu agrave la non-
violation de lrsquoarticle 6 de la Convention
35 Le Gouvernement explique que afin de valider la preuve principale agrave charge ndash agrave
savoir le teacutemoignage de CC ndash le tribunal a pris en consideacuteration drsquoautres preuves
telles que les deacuteclarations du carabinier LR ayant enregistreacute la plainte de CC et ayant
effectueacute la proceacutedure de reconnaissance photographique du requeacuterant et de son
coiumlnculpeacute
36 Il argue que dans les circonstances de la cause on ne peut estimer que la
deacuteposition de CC a constitueacute le fondement unique ou deacuteterminant de la
condamnation du requeacuterant Il preacutecise que ce dernier a par ailleurs eu la possibiliteacute
drsquointerroger son coiumlnculpeacute qursquoil ne lrsquoa pas fait et qursquoil nrsquoa pas non plus produit
drsquoeacuteleacutement utile agrave sa deacutefense Il ajoute que les juridictions internes ont attentivement
eacutevalueacute lrsquoexistence drsquoeacuteventuelles relations entre CC et le requeacuterant Il considegravere donc
que lrsquoadmission de la deacuteposition de CC a eacuteteacute contrebalanceacutee par des garanties
proceacutedurales suffisantes
2 Appreacuteciation de la Cour
a) Principes geacuteneacuteraux
37 La Cour rappelle que les exigences du paragraphe 3 de lrsquoarticle 6 de la
Convention repreacutesentent des aspects particuliers du droit agrave un procegraves eacutequitable garanti
par le paragraphe 1 de cette disposition Lorsqursquoelle examine un grief tireacute de lrsquoarticle 6
elle doit essentiellement deacuteterminer si la proceacutedure peacutenale a revecirctu un caractegravere
eacutequitable (voir parmi beaucoup drsquoautres Taxquet c Belgique [GC] no 92605 sect 84
CEDH 2010) Pour ce faire elle envisage la proceacutedure dans son ensemble et veacuterifie le
respect non seulement des droits de la deacutefense mais aussi de lrsquointeacuterecirct du public et des
victimes agrave ce que les auteurs de lrsquoinfraction soient ducircment poursuivis (Gaumlfgen c
Allemagne [GC] no 2297805 sect 175 CEDH 2010) et si neacutecessaire des droits des teacutemoins
(voir parmi beaucoup drsquoautres Doorson c Pays-Bas 26 mars 1996 sect 70 Recueil des arrecircts
et deacutecisions 1996-II et Al-Khawaja et Tahery c Royaume-Uni [GC] nos 2676605 et
2222806 sect 118 CEDH 2011) Elle rappelle eacutegalement que dans ce contexte la
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recevabiliteacute des preuves relegraveve des regravegles du droit interne et des juridictions nationales
et que sa seule tacircche consiste agrave deacuteterminer si la proceacutedure a eacuteteacute eacutequitable (Gaumlfgen
preacuteciteacute sect 162 et les arrecircts qui y sont citeacutes)
38 Lrsquoarticle 6 sect 3 d) consacre le principe selon lequel avant qursquoun accuseacute puisse ecirctre
deacuteclareacute coupable tous les eacuteleacutements agrave charge doivent en principe ecirctre produits devant
lui en audience publique en vue drsquoun deacutebat contradictoire Ce principe ne va pas sans
exceptions mais on ne peut les accepter que sous reacuteserve des droits de la deacutefense en
regravegle geacuteneacuterale ceux-ci commandent de donner agrave lrsquoaccuseacute une possibiliteacute adeacutequate et
suffisante de contester les teacutemoignages agrave charge et drsquoen interroger les auteurs soit au
moment de leur deacuteposition soit agrave un stade ulteacuterieur (Lucagrave c Italie no 3335496 sect 39
CEDH 2001-II et Solakov c lrsquoex-Reacutepublique yougoslave de Maceacutedoine no 4702399 sect 57
CEDH 2001-X)
39 Eu eacutegard aux principes eacutetablis dans lrsquoarrecirct de Grande Chambre Al-Khawaja et
Tahery (preacuteciteacute) la Cour doit successivement examiner si lrsquoimpossibiliteacute pour la deacutefense
drsquointerroger ou de faire interroger un teacutemoin agrave charge eacutetait justifieacutee par un motif
seacuterieux si les deacutepositions du teacutemoin absent ont constitueacute la preuve unique ou
deacuteterminante de la culpabiliteacute du requeacuterant et enfin srsquoil existait des eacuteleacutements
suffisamment compensateurs des inconveacutenients lieacutes agrave lrsquoadmission drsquoune telle preuve
pour permettre une appreacuteciation correcte et eacutequitable de sa fiabiliteacute (Vronchenko c
Estonie no 5963209 sect 57 18 juillet 2013)
40 Ces principes ont eacuteteacute expliciteacutes dans lrsquoarrecirct Schatschaschwili c
Allemagne (no 915410 sectsect 111-131 CEDH 2015) dans lequel la Grande Chambre a
confirmeacute que lrsquoabsence de motif seacuterieux justifiant la non-comparution drsquoun teacutemoin ne
pouvait en elle-mecircme rendre un procegraves ineacutequitable que cela eacutetant le manque de
motif seacuterieux justifiant lrsquoabsence drsquoun teacutemoin agrave charge constituait un eacuteleacutement de poids
srsquoagissant drsquoappreacutecier lrsquoeacutequiteacute globale drsquoun procegraves et que pareil eacuteleacutement eacutetait
susceptible de faire pencher la balance en faveur drsquoun constat de violation de lrsquoarticle 6
sectsect 1 et 3 d) De plus le souci de la Cour eacutetant de srsquoassurer que la proceacutedure dans son
ensemble a eacuteteacute eacutequitable elle doit veacuterifier srsquoil existait des eacuteleacutements compensateurs
suffisants non seulement dans les affaires ougrave les deacuteclarations drsquoun teacutemoin absent
constituaient le fondement unique ou deacuteterminant de la condamnation de lrsquoaccuseacute
mais aussi dans celles ougrave elle juge difficile de discerner si ces eacuteleacutements constituaient la
preuve unique ou deacuteterminante mais est neacuteanmoins convaincue qursquoils revecirctaient un
poids certain et que leur admission pouvait avoir causeacute des difficulteacutes agrave la deacutefense La
porteacutee des facteurs compensateurs neacutecessaires pour que le procegraves soit consideacutereacute
comme eacutequitable deacutepend de lrsquoimportance que revecirctent les deacuteclarations du teacutemoin
absent Plus cette importance est grande plus les eacuteleacutements compensateurs devront ecirctre
solides afin que la proceacutedure dans son ensemble soit consideacutereacutee comme eacutequitable
b) Application de ces principes en lrsquoespegravece
i Sur le point de savoir si lrsquoabsence de CC au procegraves se justifiait par un motif seacuterieux
41 La Cour observe que en lrsquoespegravece la non-comparution de CC qui a ameneacute le
tribunal agrave admettre ses deacuteclarations agrave titre de preuve srsquoexpliquait par lrsquoimpossibiliteacute
pour les autoriteacutes drsquoentrer en contact avec lui En effet celles-ci avaient agrave plusieurs
reprises et en vain essayeacute de lui notifier la citation agrave comparaicirctre au domicile qursquoil avait
indiqueacute (celui de ses parents) et il ne srsquoeacutetait pas preacutesenteacute ni aux audiences ad
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hoc exception faite pour lrsquoaudience du 28 janvier 1997 qui nrsquoeut pas lieu en raison de
lrsquoabsence du procureur (voir paragraphe 9 ci-dessus) ni agrave lrsquoaudience du 27 mai 2003
qui devait ecirctre consacreacutee agrave son audition (paragraphe 12 ci-dessus)
42 La Cour rappelle que lorsque lrsquoabsence du teacutemoin srsquoexplique par la raison
eacutevoqueacutee en lrsquoespegravece elle exige du tribunal du fond qursquoil ait fait tout ce que lrsquoon pouvait
raisonnablement attendre de lui pour assurer la comparution de lrsquointeacuteresseacute (Gabrielyan
c Armeacutenie no 808805 sect 78 10 avril 2012 Tseber c Reacutepublique tchegraveque no 4620308 sect 48
22 novembre 2012 et Kostecki c Pologne no 1493209 sectsect 65-66 4 juin 2013)
Lrsquoimpossibiliteacute pour les juridictions internes drsquoentrer en contact avec le teacutemoin
concerneacute ou le fait que celui-ci a quitteacute le territoire du pays dans lequel lrsquoinstance est
conduite ont eacuteteacute jugeacutes insuffisants en soi pour satisfaire agrave lrsquoarticle 6 sect 3 d) lequel exige
des Eacutetats contractants qursquoils prennent des mesures positives pour permettre agrave lrsquoaccuseacute
drsquointerroger ou de faire interroger les teacutemoins agrave charge (Gabrielyan preacuteciteacute sect 81 Tseber
preacuteciteacute sect 48 et Lučić c Croatie no 569911 sect 79 27 feacutevrier 2014)
43 Pareilles mesures relegravevent de la diligence que les Eacutetats contractants doivent
deacuteployer pour assurer la jouissance effective des droits garantis par lrsquoarticle 6 de la
Convention (Gabrielyan preacuteciteacute sect 81) faute de quoi lrsquoabsence du teacutemoin est imputable
aux autoriteacutes internes (Tseber preacuteciteacute sect 48 Lučić preacuteciteacute sect 79
etSchatschaschwili preacuteciteacute sect 120)
44 Pour que les autoriteacutes soient consideacutereacutees comme ayant deacuteployeacute tous les efforts
raisonnables pour assurer la comparution drsquoun teacutemoin il faut aussi que les tribunaux
internes aient proceacutedeacute agrave un controcircle minutieux des raisons donneacutees pour justifier
lrsquoincapaciteacute du teacutemoin agrave assister au procegraves en tenant compte de la situation particuliegravere
de lrsquointeacuteresseacute (Nechto c Russie no 2489305 sect 127 24 janvier 2012 Damir Sibgatullin c
Russie no 141305 sect 56 24 avril 2012 Yevgeniy Ivanov c Russie no 2710003 sect 47 25
avril 2013 et Schatschaschwili preacuteciteacute sect 122)
45 Force est de constater que en lrsquoespegravece les tribunaux internes se sont borneacutes agrave
indiquer que lrsquoabsence de CC nrsquoeacutetait pas preacutevisible et que les recherches meneacutees pour
le retrouver avaient eacuteteacute vaines (paragraphes 10 12 et 17 ci-dessus) Le tribunal a exclu
la possibiliteacute drsquoeffectuer des recherches suppleacutementaires En 1997 et en 1998 CC a eacuteteacute
citeacute agrave comparaicirctre en vue de la tenue drsquoune audience ad hoc destineacutee agrave recueillir son
teacutemoignage et agrave effectuer une reconnaissance du requeacuterant Il ne srsquoest preacutesenteacute qursquoagrave
une seule audience ad hoc laquelle a eacuteteacute reporteacutee en raison de lrsquoabsence du substitut du
procureur Ensuite agrave lrsquoaudience du 22 septembre 1997 le juge a indiqueacute que CC ne
vivant plus au domicile de ses parents nrsquoavait pas reccedilu notification de la citation agrave
comparaicirctre Au final lors du procegraves en 2003 soit plus de six ans apregraves les faits les
seules recherches effectueacutees par la police avaient eacuteteacute celles faites au domicile des
parents de CC
46 Dans ces circonstances et compte tenu eacutegalement du long laps de temps eacutecouleacute
entre les faits et le procegraves la Cour estime que le Gouvernement nrsquoa pas deacutemontreacute que
les juridictions italiennes ont deacuteployeacute tous les efforts que lrsquoon pouvait raisonnablement
attendre drsquoelles pour assurer la comparution de CC ( voir paragraphes 9 et 41 ci-
dessus) (voir mutatis mutandis Rudnichenko preacuteciteacute sectsect 105-109 ougrave la Cour a conclu
que la restriction apporteacutee au droit du requeacuterant de faire interroger un teacutemoin absent
ne reposait sur aucun motif valable ou non apregraves avoir notamment observeacute qursquoaucune
mesure nrsquoavait eacuteteacute prise pour faire en sorte que le teacutemoin litigieux pucirct comparaicirctre et
ecirctre interrogeacute)
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47 Cependant comme observeacute plus haut (paragraphe 40 ci-dessus) mecircme si elle
constitue un eacuteleacutement de poids pour appreacutecier lrsquoeacutequiteacute globale du procegraves lrsquoabsence de
motif seacuterieux justifiant la non-comparution de CC nrsquoest pas en soi constitutive drsquoune
violation de lrsquoarticle 6 de la Convention La Cour examinera donc si la deacuteposition de
CC constituait le fondement unique ou deacuteterminant de la condamnation du requeacuterant
et srsquoil existait des eacuteleacutements compensateurs suffisants pour contrebalancer les difficulteacutes
que lrsquoimpossibiliteacute de contre-interroger ce teacutemoin a causeacutees agrave la deacutefense
ii Lrsquoimportance de la deacuteposition de CC pour la condamnation du requeacuterant
48 La Cour constate que les juges nationaux ont fondeacute la condamnation du
requeacuterant exclusivement ou du moins dans une mesure deacuteterminante sur les
deacuteclarations faites par CC lors du deacutepocirct de sa plainte en 1996
49 Srsquoil est vrai comme le reconnait le Gouvernement que le tribunal a pris en
consideacuteration les deacuteclarations du carabinier LR ayant enregistreacute la plainte de CC et
ayant effectueacute la proceacutedure de reconnaissance photographique du requeacuterant et de son
coiumlnculpeacute afin de valider la preuve principale la Cour note toutefois qursquoaucune
confrontation directe nrsquoa pu avoir lieu entre le requeacuterant et son accusateur ni pendant
le procegraves ni au stade de lrsquoenquecircte preacuteliminaire En particulier au cours de celle-ci CC
ne srsquoest pas preacutesenteacute agrave lrsquoaudience ad hoc qui srsquoest tenue devant le GIP en preacutesence des
avocats de la deacutefense La Cour reacuteaffirme que le caractegravere unique de la preuve pegravese
lourd dans la balance et qursquoil appelle des eacuteleacutements suffisamment compensateurs des
difficulteacutes que son admission fait subir agrave la deacutefense (Al-Khawaja et Tahery preacuteciteacute sect
161)
iii Les garanties proceacutedurales pour contrebalancer les difficulteacutes causeacutees agrave la deacutefense
50 La Cour rappelle agrave nouveau que dans chaque affaire ougrave le problegraveme de lrsquoeacutequiteacute
de la proceacutedure se pose en rapport avec la deacuteposition drsquoun teacutemoin absent il srsquoagit de
savoir srsquoil existe des eacuteleacutements suffisamment compensateurs des inconveacutenients que son
admission fait subir agrave la deacutefense notamment des garanties proceacutedurales solides
permettant une appreacuteciation correcte et eacutequitable de la fiabiliteacute drsquoune telle preuve
Lrsquoexamen de cette question permet de veacuterifier si la deacuteposition du teacutemoin absent est
suffisamment fiable compte tenu de son importance dans la cause pour qursquoune
condamnation puisse ecirctre prononceacutee (Al-Khawaja et Tahery preacuteciteacute sect 147)
51 La Cour rappelle aussi que dans ce contexte le droit drsquointerroger ou de faire
interroger les teacutemoins agrave charge constitue une garantie du droit agrave lrsquoeacutequiteacute de la
proceacutedure en ce que non seulement il vise lrsquoeacutegaliteacute des armes entre lrsquoaccusation et la
deacutefense mais encore il fournit agrave la deacutefense et au systegraveme judiciaire un instrument
essentiel de controcircle de la creacutedibiliteacute et de la fiabiliteacute des deacutepositions incriminantes et
par-lagrave du bien-fondeacute des chefs drsquoaccusation (Tseber preacuteciteacute sect 59 etSică c Roumanie
no 1203605 sect 69 9 juillet 2013)
52 Dans la preacutesente affaire la Cour observe que CC plaignant et unique teacutemoin a
eacuteteacute entendu par les carabiniers mais qursquoil nrsquoa jamais comparu devant les juridictions
du fond Ni les juges du fond ni le requeacuterant ou son repreacutesentant nrsquoont donc pu
lrsquoobserver pendant son audition pour appreacutecier sa creacutedibiliteacute et la fiabiliteacute de sa
deacuteposition (Tseber preacuteciteacute sect 60 Sică preacuteciteacute sect 70 Vronchenko c Estonie no 5963209 sect
65 18 juillet 2013 et Rosin c Estonie no 2654008 sect 62 19 deacutecembre 2013)
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53 La Cour relegraveve ensuite que les juridictions internes se sont appuyeacutees en sus des
deacuteclarations litigieuses sur le teacutemoignage du carabinier LR qui avait relateacute au
tribunal lors de lrsquoaudience du 6 deacutecembre 2004 les modaliteacutes du deacuteroulement de la
reconnaissance photographique de lrsquointeacuteresseacute et de son coiumlnculpeacute
54 La Cour relegraveve en outre que la cour drsquoappel a eacutevalueacute avec soin la creacutedibiliteacute de
CC observant qursquoil nrsquoavait aucune raison drsquoaccuser le requeacuterant et que avant les faits
deacutelictueux il ne le connaissait pas Ces eacuteleacutements ont ameneacute la cour drsquoappel agrave
consideacuterer que CC nrsquoavait pas drsquointeacuterecirct agrave deacuteposer ainsi et que ses deacuteclarations eacutetaient
donc suffisamment fiables
55 Cela eacutetant la Cour se doit de rappeler qursquoun tel examen ne saurait agrave lui seul
compenser lrsquoabsence drsquointerrogation du teacutemoin par la deacutefense (Damir Sibgatullin c
Russie no 141305 sect 57 24 avril 2012) En effet aussi rigoureux soit-il lrsquoexamen fait par
le juge du fond constitue un instrument de controcircle imparfait dans la mesure ougrave il ne
permet pas de disposer des eacuteleacutements pouvant ressortir drsquoune confrontation en
audience publique entre lrsquoaccuseacute et son accusateur (Tseber preacuteciteacute sect 65 etRiahi c
Belgique no 6540010 sect 41 14 juin 2016)
56 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour estime que le caractegravere deacuteterminant des
deacutepositions de CC en lrsquoabsence de confrontation avec le requeacuterant en audience
publique emporte la conclusion que les juridictions internes aussi rigoureux qursquoait eacuteteacute
leur examen nrsquoont pas pu appreacutecier correctement et eacutequitablement la fiabiliteacute de cette
preuve
57 Par conseacutequent consideacuterant lrsquoeacutequiteacute de la proceacutedure dans son ensemble la Cour
juge que les droits de la deacutefense du requeacuterant ont ainsi subi une limitation
incompatible avec les exigences drsquoun procegraves eacutequitable Partant il y a eu violation de
lrsquoarticle 6 sectsect 1 et 3 d) de la Convention
II SUR LrsquoAPPLICATION DE LrsquoARTICLE 41 DE LA CONVENTION
58 Aux termes de lrsquoarticle 41 de la Convention
laquo Si la Cour deacuteclare qursquoil y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles
et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet drsquoeffacer
qursquoimparfaitement les conseacutequences de cette violation la Cour accorde agrave la partie
leacuteseacutee srsquoil y a lieu une satisfaction eacutequitable raquo
A Dommage
59 Le requeacuterant reacuteclame agrave titre de dommage mateacuteriel 200 euros (EUR) par mois de
deacutetention soit un total de 3 200 EUR pour la peacuteriode drsquoun an et quatre mois qursquoil a
passeacutee en prison En outre il demande 100 000 EUR pour preacutejudice moral
60 Le Gouvernement est drsquoavis que les demandes du requeacuterant sont exorbitantes et
totalement deacutenueacutees de fondement
61 La Cour nrsquoaperccediloit pas de lien de causaliteacute entre la violation constateacutee et le
dommage mateacuteriel alleacutegueacute et rejette cette demande En revanche elle estime que le
requeacuterant a subi un preacutejudice moral certain auquel le constat de violation figurant
dans le preacutesent arrecirct (paragraphe 57 ci-dessus) ne suffit pas agrave remeacutedier La Cour
rappelle que lorsqursquoelle conclut que la condamnation drsquoun requeacuterant a eacuteteacute prononceacutee
malgreacute lrsquoexistence drsquoune atteinte aux exigences drsquoeacutequiteacute de la proceacutedure un nouveau
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procegraves ou une reacuteouverture de la proceacutedure agrave la demande de lrsquointeacuteresseacute repreacutesente en
principe un moyen approprieacute de redresser la violation constateacutee (voirmutatis
mutandis Somogyi c Italie no 6797201 sect 86 CEDH 2004-IV Krasniki c Reacutepublique
tchegraveque no 5127799 sect 93 28 feacutevrier 2006 et Tseber preacuteciteacute sect 75) Eu eacutegard aux
circonstances de la cause et statuant en eacutequiteacute comme le veut lrsquoarticle 41 de la
Convention elle deacutecide toutefois drsquooctroyer agrave lrsquointeacuteresseacute la somme de 3 000 EUR
B Frais et deacutepens
62 Justificatifs agrave lrsquoappui le requeacuterant demande eacutegalement 10 080 EUR en
remboursement des frais et deacutepens engageacutes devant les juridictions internes et 4 920
EUR en remboursement de ceux engageacutes devant la Cour
63 Le Gouvernement conteste ces demandes arguant que la preuve de
lrsquoengagement reacuteel des frais et deacutepens reacuteclameacutes nrsquoa pas eacuteteacute rapporteacutee
64 Selon la jurisprudence de la Cour un requeacuterant ne peut obtenir le
remboursement de ses frais et deacutepens que dans la mesure ougrave se trouvent eacutetablis leur
reacutealiteacute leur neacutecessiteacute et le caractegravere raisonnable de leur taux En lrsquoespegravece compte tenu
des documents dont elle dispose et de sa jurisprudence la Cour estime raisonnable la
somme de 10 000 EUR tous frais confondus et lrsquoaccorde au requeacuterant
C Inteacuterecircts moratoires
65 La Cour juge approprieacute de calquer le taux des inteacuterecircts moratoires sur le taux
drsquointeacuterecirct de la faciliteacute de precirct marginal de la Banque centrale europeacuteenne majoreacute de
trois points de pourcentage
PAR CES MOTIFS LA COUR
1 Deacuteclare agrave lrsquounanimiteacute la requecircte recevable
2 Dit par six voix contre une qursquoil y a eu violation de lrsquoarticle 6 sectsect 1 et 3 d) de la
Convention
3 Dit par six voix contre une
a) que lrsquoEacutetat deacutefendeur doit verser au requeacuterant dans les trois mois agrave compter du
jour ougrave lrsquoarrecirct sera devenu deacutefinitif conformeacutement agrave lrsquoarticle 44 sect 2 de la
Convention les sommes suivantes
i 3 000 EUR (trois mille euros) plus tout montant pouvant ecirctre ducirc agrave titre
drsquoimpocirct pour dommage moral
ii 10 000 EUR (dix mille euros) plus tout montant pouvant ecirctre ducirc par le
requeacuterant agrave titre drsquoimpocirct pour frais et deacutepens
b) qursquoagrave compter de lrsquoexpiration dudit deacutelai et jusqursquoau versement ces montants
seront agrave majorer drsquoun inteacuterecirct simple agrave un taux eacutegal agrave celui de la faciliteacute de precirct
marginal de la Banque centrale europeacuteenne applicable pendant cette peacuteriode
augmenteacute de trois points de pourcentage
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4 Rejette agrave lrsquounanimiteacute la demande de satisfaction eacutequitable pour le surplus
Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 12 octobre 2017 en application de
lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3 du regraveglement de la Cour
Abel CamposKristina Pardalos
GreffierPreacutesidente
Au preacutesent arrecirct se trouve joint conformeacutement aux articles 45 sect 2 de la Convention
et 74 sect 2 du regraveglement lrsquoexposeacute de lrsquoopinion seacutepareacutee du juge Wojtyczek
KP
AC
OPINION DISSIDENTE DU JUGE WOJTYCZEK
1 Je ne suis pas convaincu par la position de la majoriteacute dans la preacutesente affaire
2 Le requeacuterant fut renvoyeacute en jugement devant le tribunal de Trani le 16 juin 1998
Selon le Gouvernement son procegraves commenccedila le 27 mai 2001 avec la tenue de la
premiegravere audience Je note en passant que la majoriteacute en eacutetablissant les faits omet
complegravetement les deacuteveloppements qui ont eu lieu entre le 16 juin 1998 et 27 mai 2003
date de la premiegravere audience mentionneacutee dans la partie laquo circonstances de lrsquoespegravece raquo de
lrsquoarrecirct
Quoi qursquoil en soit on peut constater dans la preacutesente affaire un retard agrave juger le
requeacuterant ce qui semble en contradiction avec le droit agrave un procegraves dans un deacutelai
raisonnable Toutefois le requeacuterant nrsquoa pas preacutesenteacute de griefs relatifs agrave la dureacutee de la
proceacutedure La Cour nrsquoeacutetait donc pas compeacutetente pour examiner la question de la dureacutee
de la proceacutedure et agrave juste titre a deacutecideacute de ne pas examiner cette question
3 Le requeacuterant se plaint du manque drsquoeacutequiteacute de la proceacutedure meneacutee contre lui car le
teacutemoin clef de lrsquoaffaire nrsquoa pas eacuteteacute entendu pendant les deacutebats La majoriteacute constate agrave
juste titre que laquo CC plaignant et unique teacutemoin a eacuteteacute entendu par les carabiniers
mais qursquoil nrsquoa jamais comparu devant les juridictions du fond raquo (paragraphe 52 gras
ajouteacute)
Le manque alleacutegueacute drsquoeacutequiteacute du procegraves du fait de lrsquoabsence drsquoaudition du teacutemoin
devant le juge de fond doit ecirctre appreacutecieacute avant tout agrave la lumiegravere des eacutevegravenements qui
ont eu lieu apregraves son commencement Or dans la motivation de lrsquoarrecirct la majoriteacute se
penche au paragraphe 45 sur la phase drsquoinstruction qui a dureacute jusqursquoau 16 juin 1998
Le juge des investigations preacuteliminaires nrsquoest pas le juge de fond La motivation de
lrsquoarrecirct nrsquoexplique pas pourquoi les stades anteacuterieurs au procegraves seraient pertinents pour
appreacutecier le grief du requeacuterant alors que le paragraphe 52 met lrsquoaccent sur la
comparution du teacutemoin devant le juge de fond Peut-ecirctre la motivation se fonde-t-elle
implicitement sur lrsquoideacutee que lrsquoaudition du teacutemoin avant le procegraves devant un juge en
preacutesence de lrsquoaccuseacute aurait remeacutedieacute au problegraveme de lrsquoabsence drsquoaudition du teacutemoin
pendant le procegraves devant le juge de fond Si crsquoest le cas cette consideacuteration aurait ducirc
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ecirctre expliqueacutee dans le contexte drsquoune analyse deacutetailleacutee de la proceacutedure peacutenale italienne
et en particulier drsquoune analyse de la logique et de lrsquoenchaicircnement de ses diffeacuterents
stades
4 Agrave lrsquoaudience du 6 deacutecembre 2004 le procureur informa le tribunal que le teacutemoin
CC avait quitteacute le domicile familial depuis lrsquoanneacutee 2000 et qursquoil eacutetait depuis lors
introuvable Il indiqua eacutegalement qursquoun mandat drsquoarrecirct avait eacuteteacute deacutecerneacute agrave lrsquoencontre
de CC agrave la suite de sa condamnation par contumace dans le cadre drsquoune autre
proceacutedure peacutenale Ces alleacutegations nrsquoont pas eacuteteacute contesteacutees par le requeacuterant Il nrsquoest
donc pas exact de dire que laquo [a]u final lors du procegraves en 2003 soit plus de six ans apregraves
les faits les seules recherches effectueacutees par la police avaient eacuteteacute celles faites au
domicile des parents de CC raquo (paragraphe 45 in fine)
Si pendant plusieurs anneacutees les autoriteacutes italiennes ont tenteacute sans succegraves de
localiser et drsquoarrecircter CC pour lrsquoincarceacuterer agrave la suite drsquoune condamnation peacutenale dans
une autre affaire il est difficile de leur reprocher de nrsquoavoir pas pu assurer sa
comparution comme teacutemoin Il est difficile drsquoattendre raisonnablement encore plus de
diligence de la part de la juridiction devant laquelle la personne rechercheacutee doit
teacutemoigner
Dans la preacutesente affaire il y avait un obstacle objectif agrave lrsquoaudition du teacutemoin Le juge
avait lrsquoobligation de statuer sur le fondement des preuves disponibles et notamment
du teacutemoignage de CC recueilli avant le procegraves appreacutecieacutees agrave la lumiegravere du principe de
la libre appreacuteciation des preuves Les juridictions italiennes des diffeacuterents niveaux ont
soigneusement examineacute cette question Je ne vois pas de raison suffisante de me
deacutemarquer de leurs conclusions
5 Au paragraphe 50 la Cour laquo rappelle agrave nouveau que dans chaque affaire ougrave le
problegraveme de lrsquoeacutequiteacute de la proceacutedure se pose en rapport avec la deacuteposition drsquoun teacutemoin
absent il srsquoagit de savoir srsquoil existe des eacuteleacutements suffisamment compensateurs des
inconveacutenients que son admission fait subir agrave la deacutefense notamment des garanties
proceacutedurales solides permettant une appreacuteciation correcte et eacutequitable de la fiabiliteacute
drsquoune telle preuve raquo
En lrsquoespegravece le gouvernement italien dans ses observations eacutecrites a preacutesenteacute un
certain nombre drsquoeacuteleacutements qui selon lui compensaient les inconveacutenients subis par la
deacutefense La Cour eacutetait tenue drsquoappliquer le test eacutenonceacute au paragraphe 50 en appreacuteciant
si les eacuteleacutements mis en exergue par le Gouvernement eacutetaient pertinents et suffisants Or
la majoriteacute a deacutecideacute de ne pas reacutepondre aux arguments du Gouvernement Elle se
limite agrave affirmer au paragraphe 55 que laquo aussi rigoureux soit-il lrsquoexamen fait par le
juge du fond constitue un instrument de controcircle imparfait dans la mesure ougrave il ne
permet pas de disposer des eacuteleacutements pouvant ressortir drsquoune confrontation en
audience publique entre lrsquoaccuseacute et son accusateur raquo Le test eacutenonceacute nrsquoa pas eacuteteacute
appliqueacute par la Cour
Il est eacutevident qursquoen lrsquoabsence drsquoaudition drsquoun teacutemoin en audience publique on ne
peut pas disposer drsquoeacuteleacutements pouvant ressortir drsquoune confrontation entre lrsquoaccuseacute et
son accusateur Toutefois selon la meacutethodologie annonceacutee au paragraphe 50 la
question agrave trancher eacutetait celle de savoir srsquoil existait des eacuteleacutements qui avaient
suffisamment compenseacute les inconveacutenients que son admission avait fait subir agrave la
deacutefense
6 La preacutesente affaire permet de tirer un enseignement plus geacuteneacuteral Lrsquoeacutequiteacute du
procegraves peacutenal ne peut srsquoappreacutecier que dans le contexte de lrsquoensemble des regravegles qui
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reacutegissent la proceacutedure peacutenale et en particulier des principes fondamentaux qui
deacutefinissent le modegravele de proceacutedure peacutenale choisi La majoriteacute se reacutefegravere aux principes
eacutetablis dans lrsquoarrecirct Al-Khawaja et Tahery c Royaume-Uni ([GC] nos 2676605 et 2222806
CEDH 2011 auquel se trouve joint lrsquoexposeacute de lrsquoopinion concordante du juge Bratza et
de lrsquoopinion en partie concordante et en partie dissidente des juges Sajoacute et Karakaş) Je
note agrave cet eacutegard que les principes concernant lrsquoaudition des teacutemoins ont eacuteteacute eacutenonceacutes
dans cette affaire dans le contexte drsquoun procegraves fondeacute sur les principes du contradictoire
et du rocircle limiteacute du juge Les principes du procegraves eacutequitable eacutelaboreacutes pour de telles
proceacutedures peacutenales sont difficilement transposables agrave des proceacutedures peacutenales fondeacutees
sur le rocircle actif du juge avec de forts eacuteleacutements inquisitoires au stade du procegraves Agrave mon
avis la question de lrsquoeacutequiteacute du procegraves peacutenal doit ecirctre revisiteacutee par la Cour agrave la lumiegravere
des principes fondamentaux des diffeacuterentes proceacutedures peacutenales Je remarque dans ce
contexte que le rocircle actif du juge est en soi un eacuteleacutement qui peut compenser certaines
formes drsquoineacutegaliteacute des armes entre les parties ce qui a eacuteteacute mis en exergue agrave tregraves juste
titre dans lrsquoarrecirct Regner c Reacutepublique tchegraveque ([GC] no 3528911 sect 152 19 septembre
2017 auquel se trouve joint lrsquoopinion concordante du juge Wojtyczek lrsquoopinion en
partie dissidente commune aux juges Raimondi Sicilianos Spano Ravarani et Pastor
Vilanova lrsquoopinion en partie dissidente commune aux juges Lazarova Trajkovska et
Loacutepez Guerra lrsquoopinion en partie dissidente du juge Serghides et lrsquoopinion dissidente
du juge Sajoacute) Bien que ce dernier arrecirct concerne la proceacutedure administrative
contentieuse les consideacuterations exposeacutees dans sa motivation gardent leur pertinence
pour drsquoautres proceacutedures
Il faut rappeler que lrsquoeacutegaliteacute des armes et le respect des droits des parties ne sont pas
la finaliteacute ultime du droit mais lrsquoinstrument servant drsquoune part la digniteacute et
lrsquoautonomie individuelle et drsquoautre part la veacuteriteacute et la justice substantielle La question
essentielle est celle de savoir si les regravegles proceacutedurales envisageacutees comme un systegraveme
et appliqueacutees en lrsquoespegravece permettent drsquoaboutir dans le respect de la digniteacute de
lrsquohomme agrave une deacutecision fondeacutee sur la veacuteriteacute et drsquoeacuteviter les erreurs judiciaires
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7 Le 13 septembre 1996 le parquet demanda qursquoil fucirct proceacutedeacute agrave une audition de
CC et agrave une parade drsquoidentification (ricognizione personale) dans le cadre drsquoune
audience ad hoc (incidente probatorio) devant le juge des investigations preacuteliminaires de
Trani (laquo le GIP raquo) au motif que en raison du passage du temps le teacutemoignage du
plaignant risquait de ne plus ecirctre fiable lors des deacutebats
8 Une premiegravere citation agrave comparaicirctre ne put ecirctre notifieacutee agrave CC au motif qursquoil ne se
trouvait plus au domicile de ses parents
9 Une deuxiegraveme citation agrave comparaicirctre du 18 deacutecembre 1996 et une troisiegraveme du 3
janvier 1997 furent deacutelivreacutees agrave la megravere de CC Toutefois ce dernier ne se preacutesenta pas agrave
lrsquoaudience ad hoc du 15 janvier 1997 Le juge ordonna alors sa comparution forceacutee en
vue drsquoune audience fixeacutee au 27 janvier 1997 Cependant ni CC ni le requeacuterant ne
comparurent Une nouvelle audience se tint le 28 janvier 1997 lors de laquelle CC et le
requeacuterant eacutetaient preacutesents mais pas le substitut du procureur qui participait aux deacutebats
dans le cadre drsquoune autre proceacutedure peacutenale
10 Le 22 septembre 1997 eut lieu une autre audience ad hoc au cours de laquelle le
juge releva que CC ne vivant plus au domicile de ses parents depuis deux mois
nrsquoavait pas reccedilu notification de la citation agrave comparaicirctre
11 Agrave une audience preacuteliminaire du 16 juin 1998 le requeacuterant fut renvoyeacute en
jugement devant le tribunal de Trani (laquo le tribunal raquo) pour avoir voleacute le portefeuille de
CC et pour avoir frappeacute celui-ci au visage avec le concours de LD
12 Agrave lrsquoaudience du 27 mai 2003 CC ne se preacutesenta pas Il fut mentionneacute lors de
cette audience que CC nrsquoavait pas reccedilu notification de la citation agrave comparaicirctre au
domicile qursquoil avait indiqueacute aux autoriteacutes agrave savoir chez ses parents
13 Le 3 juin 2003 la police reacutedigea un procegraves-verbal de recherches infructueuses au
motif que CC nrsquoavait pas eacuteteacute trouveacute au domicile qursquoil avait indiqueacute aux autoriteacutes
Selon ce procegraves-verbal les parents de CC avaient deacuteclareacute que ce dernier ne vivait plus
avec eux depuis trois ans et qursquoils ne savaient pas ougrave il se trouvait
14 Agrave lrsquoaudience du 6 deacutecembre 2004 le carabinier LR fut entendu Il relata au
tribunal le deacuteroulement de la reconnaissance photographique LD fut eacutegalement
entendu Il deacuteclara qursquoil ne connaissait pas la personne lrsquoayant accuseacute Lrsquoaudience
devait ecirctre consacreacutee entre autres agrave lrsquoaudition de CC Le procureur informa le
tribunal que celui-ci avait quitteacute le domicile familial depuis lrsquoanneacutee 2000 et qursquoil eacutetait
depuis lors introuvable Il indiqua eacutegalement qursquoun mandat drsquoarrecirct avait eacuteteacute deacutecerneacute agrave
lrsquoencontre de CC agrave la suite de sa condamnation dans le cadre drsquoune autre proceacutedure
peacutenale
15 Srsquoappuyant sur lrsquoarticle 512 du code de proceacutedure peacutenale (CPP) le tribunal
ordonna que la deacuteposition faite par CC aux carabiniers le 3 juin 1996 (paragraphe 5 ci-
dessus) fucirct verseacutee au dossier du juge et admise agrave titre de preuve (fascicolo per il
dibattimento) et ce en deacutepit de la demande de la deacutefense de reacutealiser des recherches
suppleacutementaires
16 Par un jugement du 11 avril 2005 le tribunal condamna le requeacuterant et LD agrave un
an et quatre mois drsquoemprisonnement Il consideacutera que la deacuteposition preacutecise et
circonstancieacutee faite par CC aupregraves des carabiniers eacutetait suffisante pour lrsquoeacutetablissement
de la culpabiliteacute du requeacuterant et de LD
17 Il preacutecisa que la circonstance qursquoun teacutemoin eacutetait devenu introuvable srsquoanalysait
en une laquo impossibiliteacute objective raquo de lrsquointerroger lors des deacutebats ce qui selon lrsquoarticle
512 du CPP lu agrave la lumiegravere de lrsquoarticle 111 de la Constitution permettait selon le
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tribunal drsquoutiliser toute deacuteposition faite avant le procegraves pour statuer sur le bien-fondeacute
des accusations Il estima que agrave deacutefaut drsquoeacuteleacutement permettant de penser que CC srsquoeacutetait
volontairement soustrait au procegraves lrsquoabsence de celui-ci nrsquoavait aucun caractegravere
preacutevisible
18 Le tribunal consideacutera enfin que la condamnation du requeacuterant bien que fondeacutee
principalement sur les deacuteclarations de CC qursquoil estimait creacutedibles et concordantes
srsquoappuyait eacutegalement sur drsquoautres eacuteleacutements provenant du teacutemoignage du carabinier
LR qui avait relateacute le deacuteroulement de la reconnaissance photographique
19 Le requeacuterant interjeta appel de ce jugement Il contesta lrsquoeacutevaluation des preuves
agrave charge et lrsquoutilisation de la deacuteposition de CC qui eacutetait selon lui la seule preuve
utiliseacutee par le tribunal En outre il reprocha au tribunal de ne pas avoir eacutevalueacute
attentivement les deacuteclarations faites par CC au moment du deacutepocirct de la plainte
20 Par un arrecirct du 25 mai 2011 la cour drsquoappel de Bari (laquo la cour drsquoappel raquo)
confirma le jugement du tribunal En particulier elle observa que lrsquoabsence de CC lors
des deacutebats nrsquoeacutetait ni preacutevisible ni probable En outre elle consideacutera qursquoil nrsquoy avait
entre le requeacuterant et CC aucune animositeacute permettant de douter de la fiabiliteacute de la
deacuteclaration de ce dernier Par ailleurs elle estima que les deacuteclarations de CC
notamment celles relatives agrave la reconnaissance du requeacuterant eacutetaient preacutecises et
corroboreacutees par les deacuteclarations du teacutemoin LR ayant recueilli la plainte de CC
21 Le requeacuterant se pourvut en cassation Srsquoappuyant sur la jurisprudence de la
Cour il se plaignait en particulier drsquoune violation de lrsquoarticle 6 de la Convention
22 Par un arrecirct du 17 octobre 2012 la Cour de cassation deacutebouta le requeacuterant de son
pourvoi Sans faire reacutefeacuterence agrave lrsquoarticle 6 de la Convention la haute juridiction exposa
que CC condamneacute par contumace dans le cadre drsquoune autre proceacutedure peacutenale eacutetait
introuvable que cela nrsquoeacutetait pas preacutevisible agrave lrsquoeacutepoque de ses deacuteclarations aux
carabiniers et que par conseacutequent le tribunal avait leacutegitimement admis agrave titre de
preuve les deacuteclarations de CC Elle ajouta que le requeacuterant avait pris acte de cette
admission sans srsquoy opposer
II LE DROIT INTERNE PERTINENT
23 Le droit interne pertinent se trouve deacutecrit dans lrsquoarrecirct Ben Moumen c Italie
(no 397713 sectsect28-30 23 juin 2016)
EN DROIT
I SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 6 sectsect 1 ET 3 d) DE LA CONVENTION
24 Le requeacuterant considegravere que la proceacutedure peacutenale meneacutee agrave son encontre nrsquoa pas eacuteteacute
eacutequitable Il invoque lrsquoarticle 6 sectsect 1 et 3 d) de la Convention qui est ainsi libelleacute en ses
parties pertinentes en lrsquoespegravece
laquo 1 Toute personne a droit agrave ce que sa cause soit entendue eacutequitablement () par
un tribunal () qui deacutecidera () du bien-fondeacute de toute accusation en matiegravere
peacutenale dirigeacutee contre elle ()
3 Tout accuseacute a droit notamment agrave
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()
d) interroger ou faire interroger les teacutemoins agrave charge et obtenir la convocation et
lrsquointerrogation des teacutemoins agrave deacutecharge dans les mecircmes conditions que les teacutemoins
agrave charge
() raquo
A Sur la recevabiliteacute
25 Le Gouvernement soutient que le requeacuterant en ayant omis de srsquoopposer pendant
les deacutebats agrave la lecture des deacuteclarations litigieuses ne srsquoest pas preacutevalu drsquoun remegravede
accessible adeacutequat et efficace offert en droit interne pour exclure ce mateacuteriel probatoire
du dossier du juge
26 Le requeacuterant conteste cet argument et soutient que mecircme srsquoil srsquoeacutetait opposeacute agrave la
lecture des deacuteclarations de CC celles-ci auraient de toute maniegravere eacuteteacute verseacutees au
dossier du juge
27 Srsquoagissant de la possibiliteacute pour le requeacuterant de srsquoopposer agrave la lecture des
deacuteclarations litigieuses la Cour rappelle que aux termes de sa jurisprudence ni la
lettre ni lrsquoesprit de lrsquoarticle 6 sectsect 1 et 3 d) de la Convention nrsquoempecircchent une personne
de renoncer de son plein greacute aux garanties drsquoun procegraves eacutequitable de maniegravere expresse
ou tacite mais que pareille renonciation doit ecirctre non eacutequivoque et ne se heurter agrave
aucun inteacuterecirct public important (Haringkansson et Sturesson c Suegravede 21 feacutevrier 1990 sect 66
seacuterie A no 171-A et Kwiatkowska c Italie (deacutec) no 5286899 30 novembre 2000)
28 En lrsquoespegravece la Cour note que les deacuteclarations litigieuses ont eacuteteacute utiliseacutees
conformeacutement agrave la loi interne agrave savoir lrsquoarticle 512 du CPP qui impose au juge
drsquoordonner la lecture et le versement au dossier des deacuteclarations ne pouvant pas ecirctre
reacuteiteacutereacutees en raison drsquoune impossibiliteacute objective ducircment prouveacutee Elle estime donc
qursquoune eacuteventuelle opposition du requeacuterant au versement au dossier des procegraves-
verbaux en question aurait eu peu de chances de succegraves En tout eacutetat de cause le fait de
ne pas avoir souleveacute drsquoexception formelle lors des deacutebats ne saurait ecirctre interpreacuteteacute
comme une renonciation tacite au droit drsquointerroger ou de faire interroger les teacutemoins agrave
charge (Craxi c Italie no 3489697 5 deacutecembre 2002 Bracci c Italie (deacutec) no 3682202 2
deacutecembre 2004 et Majadallah c Italie (deacutec) no 6209400 19 mai 2005)
29 Il srsquoensuit que lrsquoexception preacuteliminaire tireacutee du non-eacutepuisement des voies de
recours internes ou drsquoune renonciation tacite au droit invoqueacute devant la Cour ne peut
ecirctre accueillie favorablement
30 Constatant que cette requecircte nrsquoest pas manifestement mal fondeacutee au sens de
lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoelle ne se heurte par ailleurs agrave aucun autre
motif drsquoirrecevabiliteacute la Cour la deacuteclare recevable
B Sur le fond
1 Thegraveses des parties
31 Le requeacuterant allegravegue avoir eacuteteacute condamneacute sur la base de la deacuteposition faite aux
carabiniers par CC le plaignant en lrsquoabsence drsquoaudition de ce dernier lors des deacutebats
Il soutient qursquoaucune recherche nrsquoa eacuteteacute faite par les autoriteacutes pour retrouver CC
ailleurs qursquoagrave lrsquoadresse du domicile de ses parents Selon le requeacuterant eu eacutegard agrave
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lrsquoabsence de ce dernier agrave la plupart des dates fixeacutees pour la tenue drsquoune audience ad
hoc il eacutetait preacutevisible degraves 1997 qursquoil risquait de se soustraire aux deacutebats
32 Le requeacuterant soutient encore que contrairement aux arguments avanceacutes par le
Gouvernement quant au manque de caractegravere deacuteterminant des deacuteclarations de CC sa
condamnation eacutetait bel et bien fondeacutee exclusivement sur lesdites affirmations Il ajoute
srsquoecirctre preacutevalu pendant les deacutebats de la faculteacute de garder le silence
33 Le Gouvernement considegravere que lrsquoadmission comme preuve des deacuteclarations
faites par CC aux carabiniers eacutetait reconnue en droit interne Il estime que les
dispositions en cause ont eacuteteacute interpreacuteteacutees par les juridictions internes de maniegravere
conforme agrave la Convention Il cite en particulier un arrecirct no 27918 rendu le 14 juillet
2011 par les sections reacuteunies de la Cour de cassation selon lequel les deacuteclarations drsquoun
teacutemoin absent doivent ecirctre eacutevalueacutees avec la prudence neacutecessaire par le biais non
seulement drsquoun examen de la creacutedibiliteacute subjective et objective de celui-ci mais aussi
par celui de la confrontation de sa deacuteposition avec les autres eacuteleacutements preacutesenteacutes aux
deacutebats
34 De lrsquoavis du Gouvernement la preacutesente affaire est similaire agrave lrsquoaffaire Ben
Moumen c Italie (no 397713 23 juin 2016) dans laquelle la Cour a conclu agrave la non-
violation de lrsquoarticle 6 de la Convention
35 Le Gouvernement explique que afin de valider la preuve principale agrave charge ndash agrave
savoir le teacutemoignage de CC ndash le tribunal a pris en consideacuteration drsquoautres preuves
telles que les deacuteclarations du carabinier LR ayant enregistreacute la plainte de CC et ayant
effectueacute la proceacutedure de reconnaissance photographique du requeacuterant et de son
coiumlnculpeacute
36 Il argue que dans les circonstances de la cause on ne peut estimer que la
deacuteposition de CC a constitueacute le fondement unique ou deacuteterminant de la
condamnation du requeacuterant Il preacutecise que ce dernier a par ailleurs eu la possibiliteacute
drsquointerroger son coiumlnculpeacute qursquoil ne lrsquoa pas fait et qursquoil nrsquoa pas non plus produit
drsquoeacuteleacutement utile agrave sa deacutefense Il ajoute que les juridictions internes ont attentivement
eacutevalueacute lrsquoexistence drsquoeacuteventuelles relations entre CC et le requeacuterant Il considegravere donc
que lrsquoadmission de la deacuteposition de CC a eacuteteacute contrebalanceacutee par des garanties
proceacutedurales suffisantes
2 Appreacuteciation de la Cour
a) Principes geacuteneacuteraux
37 La Cour rappelle que les exigences du paragraphe 3 de lrsquoarticle 6 de la
Convention repreacutesentent des aspects particuliers du droit agrave un procegraves eacutequitable garanti
par le paragraphe 1 de cette disposition Lorsqursquoelle examine un grief tireacute de lrsquoarticle 6
elle doit essentiellement deacuteterminer si la proceacutedure peacutenale a revecirctu un caractegravere
eacutequitable (voir parmi beaucoup drsquoautres Taxquet c Belgique [GC] no 92605 sect 84
CEDH 2010) Pour ce faire elle envisage la proceacutedure dans son ensemble et veacuterifie le
respect non seulement des droits de la deacutefense mais aussi de lrsquointeacuterecirct du public et des
victimes agrave ce que les auteurs de lrsquoinfraction soient ducircment poursuivis (Gaumlfgen c
Allemagne [GC] no 2297805 sect 175 CEDH 2010) et si neacutecessaire des droits des teacutemoins
(voir parmi beaucoup drsquoautres Doorson c Pays-Bas 26 mars 1996 sect 70 Recueil des arrecircts
et deacutecisions 1996-II et Al-Khawaja et Tahery c Royaume-Uni [GC] nos 2676605 et
2222806 sect 118 CEDH 2011) Elle rappelle eacutegalement que dans ce contexte la
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recevabiliteacute des preuves relegraveve des regravegles du droit interne et des juridictions nationales
et que sa seule tacircche consiste agrave deacuteterminer si la proceacutedure a eacuteteacute eacutequitable (Gaumlfgen
preacuteciteacute sect 162 et les arrecircts qui y sont citeacutes)
38 Lrsquoarticle 6 sect 3 d) consacre le principe selon lequel avant qursquoun accuseacute puisse ecirctre
deacuteclareacute coupable tous les eacuteleacutements agrave charge doivent en principe ecirctre produits devant
lui en audience publique en vue drsquoun deacutebat contradictoire Ce principe ne va pas sans
exceptions mais on ne peut les accepter que sous reacuteserve des droits de la deacutefense en
regravegle geacuteneacuterale ceux-ci commandent de donner agrave lrsquoaccuseacute une possibiliteacute adeacutequate et
suffisante de contester les teacutemoignages agrave charge et drsquoen interroger les auteurs soit au
moment de leur deacuteposition soit agrave un stade ulteacuterieur (Lucagrave c Italie no 3335496 sect 39
CEDH 2001-II et Solakov c lrsquoex-Reacutepublique yougoslave de Maceacutedoine no 4702399 sect 57
CEDH 2001-X)
39 Eu eacutegard aux principes eacutetablis dans lrsquoarrecirct de Grande Chambre Al-Khawaja et
Tahery (preacuteciteacute) la Cour doit successivement examiner si lrsquoimpossibiliteacute pour la deacutefense
drsquointerroger ou de faire interroger un teacutemoin agrave charge eacutetait justifieacutee par un motif
seacuterieux si les deacutepositions du teacutemoin absent ont constitueacute la preuve unique ou
deacuteterminante de la culpabiliteacute du requeacuterant et enfin srsquoil existait des eacuteleacutements
suffisamment compensateurs des inconveacutenients lieacutes agrave lrsquoadmission drsquoune telle preuve
pour permettre une appreacuteciation correcte et eacutequitable de sa fiabiliteacute (Vronchenko c
Estonie no 5963209 sect 57 18 juillet 2013)
40 Ces principes ont eacuteteacute expliciteacutes dans lrsquoarrecirct Schatschaschwili c
Allemagne (no 915410 sectsect 111-131 CEDH 2015) dans lequel la Grande Chambre a
confirmeacute que lrsquoabsence de motif seacuterieux justifiant la non-comparution drsquoun teacutemoin ne
pouvait en elle-mecircme rendre un procegraves ineacutequitable que cela eacutetant le manque de
motif seacuterieux justifiant lrsquoabsence drsquoun teacutemoin agrave charge constituait un eacuteleacutement de poids
srsquoagissant drsquoappreacutecier lrsquoeacutequiteacute globale drsquoun procegraves et que pareil eacuteleacutement eacutetait
susceptible de faire pencher la balance en faveur drsquoun constat de violation de lrsquoarticle 6
sectsect 1 et 3 d) De plus le souci de la Cour eacutetant de srsquoassurer que la proceacutedure dans son
ensemble a eacuteteacute eacutequitable elle doit veacuterifier srsquoil existait des eacuteleacutements compensateurs
suffisants non seulement dans les affaires ougrave les deacuteclarations drsquoun teacutemoin absent
constituaient le fondement unique ou deacuteterminant de la condamnation de lrsquoaccuseacute
mais aussi dans celles ougrave elle juge difficile de discerner si ces eacuteleacutements constituaient la
preuve unique ou deacuteterminante mais est neacuteanmoins convaincue qursquoils revecirctaient un
poids certain et que leur admission pouvait avoir causeacute des difficulteacutes agrave la deacutefense La
porteacutee des facteurs compensateurs neacutecessaires pour que le procegraves soit consideacutereacute
comme eacutequitable deacutepend de lrsquoimportance que revecirctent les deacuteclarations du teacutemoin
absent Plus cette importance est grande plus les eacuteleacutements compensateurs devront ecirctre
solides afin que la proceacutedure dans son ensemble soit consideacutereacutee comme eacutequitable
b) Application de ces principes en lrsquoespegravece
i Sur le point de savoir si lrsquoabsence de CC au procegraves se justifiait par un motif seacuterieux
41 La Cour observe que en lrsquoespegravece la non-comparution de CC qui a ameneacute le
tribunal agrave admettre ses deacuteclarations agrave titre de preuve srsquoexpliquait par lrsquoimpossibiliteacute
pour les autoriteacutes drsquoentrer en contact avec lui En effet celles-ci avaient agrave plusieurs
reprises et en vain essayeacute de lui notifier la citation agrave comparaicirctre au domicile qursquoil avait
indiqueacute (celui de ses parents) et il ne srsquoeacutetait pas preacutesenteacute ni aux audiences ad
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hoc exception faite pour lrsquoaudience du 28 janvier 1997 qui nrsquoeut pas lieu en raison de
lrsquoabsence du procureur (voir paragraphe 9 ci-dessus) ni agrave lrsquoaudience du 27 mai 2003
qui devait ecirctre consacreacutee agrave son audition (paragraphe 12 ci-dessus)
42 La Cour rappelle que lorsque lrsquoabsence du teacutemoin srsquoexplique par la raison
eacutevoqueacutee en lrsquoespegravece elle exige du tribunal du fond qursquoil ait fait tout ce que lrsquoon pouvait
raisonnablement attendre de lui pour assurer la comparution de lrsquointeacuteresseacute (Gabrielyan
c Armeacutenie no 808805 sect 78 10 avril 2012 Tseber c Reacutepublique tchegraveque no 4620308 sect 48
22 novembre 2012 et Kostecki c Pologne no 1493209 sectsect 65-66 4 juin 2013)
Lrsquoimpossibiliteacute pour les juridictions internes drsquoentrer en contact avec le teacutemoin
concerneacute ou le fait que celui-ci a quitteacute le territoire du pays dans lequel lrsquoinstance est
conduite ont eacuteteacute jugeacutes insuffisants en soi pour satisfaire agrave lrsquoarticle 6 sect 3 d) lequel exige
des Eacutetats contractants qursquoils prennent des mesures positives pour permettre agrave lrsquoaccuseacute
drsquointerroger ou de faire interroger les teacutemoins agrave charge (Gabrielyan preacuteciteacute sect 81 Tseber
preacuteciteacute sect 48 et Lučić c Croatie no 569911 sect 79 27 feacutevrier 2014)
43 Pareilles mesures relegravevent de la diligence que les Eacutetats contractants doivent
deacuteployer pour assurer la jouissance effective des droits garantis par lrsquoarticle 6 de la
Convention (Gabrielyan preacuteciteacute sect 81) faute de quoi lrsquoabsence du teacutemoin est imputable
aux autoriteacutes internes (Tseber preacuteciteacute sect 48 Lučić preacuteciteacute sect 79
etSchatschaschwili preacuteciteacute sect 120)
44 Pour que les autoriteacutes soient consideacutereacutees comme ayant deacuteployeacute tous les efforts
raisonnables pour assurer la comparution drsquoun teacutemoin il faut aussi que les tribunaux
internes aient proceacutedeacute agrave un controcircle minutieux des raisons donneacutees pour justifier
lrsquoincapaciteacute du teacutemoin agrave assister au procegraves en tenant compte de la situation particuliegravere
de lrsquointeacuteresseacute (Nechto c Russie no 2489305 sect 127 24 janvier 2012 Damir Sibgatullin c
Russie no 141305 sect 56 24 avril 2012 Yevgeniy Ivanov c Russie no 2710003 sect 47 25
avril 2013 et Schatschaschwili preacuteciteacute sect 122)
45 Force est de constater que en lrsquoespegravece les tribunaux internes se sont borneacutes agrave
indiquer que lrsquoabsence de CC nrsquoeacutetait pas preacutevisible et que les recherches meneacutees pour
le retrouver avaient eacuteteacute vaines (paragraphes 10 12 et 17 ci-dessus) Le tribunal a exclu
la possibiliteacute drsquoeffectuer des recherches suppleacutementaires En 1997 et en 1998 CC a eacuteteacute
citeacute agrave comparaicirctre en vue de la tenue drsquoune audience ad hoc destineacutee agrave recueillir son
teacutemoignage et agrave effectuer une reconnaissance du requeacuterant Il ne srsquoest preacutesenteacute qursquoagrave
une seule audience ad hoc laquelle a eacuteteacute reporteacutee en raison de lrsquoabsence du substitut du
procureur Ensuite agrave lrsquoaudience du 22 septembre 1997 le juge a indiqueacute que CC ne
vivant plus au domicile de ses parents nrsquoavait pas reccedilu notification de la citation agrave
comparaicirctre Au final lors du procegraves en 2003 soit plus de six ans apregraves les faits les
seules recherches effectueacutees par la police avaient eacuteteacute celles faites au domicile des
parents de CC
46 Dans ces circonstances et compte tenu eacutegalement du long laps de temps eacutecouleacute
entre les faits et le procegraves la Cour estime que le Gouvernement nrsquoa pas deacutemontreacute que
les juridictions italiennes ont deacuteployeacute tous les efforts que lrsquoon pouvait raisonnablement
attendre drsquoelles pour assurer la comparution de CC ( voir paragraphes 9 et 41 ci-
dessus) (voir mutatis mutandis Rudnichenko preacuteciteacute sectsect 105-109 ougrave la Cour a conclu
que la restriction apporteacutee au droit du requeacuterant de faire interroger un teacutemoin absent
ne reposait sur aucun motif valable ou non apregraves avoir notamment observeacute qursquoaucune
mesure nrsquoavait eacuteteacute prise pour faire en sorte que le teacutemoin litigieux pucirct comparaicirctre et
ecirctre interrogeacute)
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47 Cependant comme observeacute plus haut (paragraphe 40 ci-dessus) mecircme si elle
constitue un eacuteleacutement de poids pour appreacutecier lrsquoeacutequiteacute globale du procegraves lrsquoabsence de
motif seacuterieux justifiant la non-comparution de CC nrsquoest pas en soi constitutive drsquoune
violation de lrsquoarticle 6 de la Convention La Cour examinera donc si la deacuteposition de
CC constituait le fondement unique ou deacuteterminant de la condamnation du requeacuterant
et srsquoil existait des eacuteleacutements compensateurs suffisants pour contrebalancer les difficulteacutes
que lrsquoimpossibiliteacute de contre-interroger ce teacutemoin a causeacutees agrave la deacutefense
ii Lrsquoimportance de la deacuteposition de CC pour la condamnation du requeacuterant
48 La Cour constate que les juges nationaux ont fondeacute la condamnation du
requeacuterant exclusivement ou du moins dans une mesure deacuteterminante sur les
deacuteclarations faites par CC lors du deacutepocirct de sa plainte en 1996
49 Srsquoil est vrai comme le reconnait le Gouvernement que le tribunal a pris en
consideacuteration les deacuteclarations du carabinier LR ayant enregistreacute la plainte de CC et
ayant effectueacute la proceacutedure de reconnaissance photographique du requeacuterant et de son
coiumlnculpeacute afin de valider la preuve principale la Cour note toutefois qursquoaucune
confrontation directe nrsquoa pu avoir lieu entre le requeacuterant et son accusateur ni pendant
le procegraves ni au stade de lrsquoenquecircte preacuteliminaire En particulier au cours de celle-ci CC
ne srsquoest pas preacutesenteacute agrave lrsquoaudience ad hoc qui srsquoest tenue devant le GIP en preacutesence des
avocats de la deacutefense La Cour reacuteaffirme que le caractegravere unique de la preuve pegravese
lourd dans la balance et qursquoil appelle des eacuteleacutements suffisamment compensateurs des
difficulteacutes que son admission fait subir agrave la deacutefense (Al-Khawaja et Tahery preacuteciteacute sect
161)
iii Les garanties proceacutedurales pour contrebalancer les difficulteacutes causeacutees agrave la deacutefense
50 La Cour rappelle agrave nouveau que dans chaque affaire ougrave le problegraveme de lrsquoeacutequiteacute
de la proceacutedure se pose en rapport avec la deacuteposition drsquoun teacutemoin absent il srsquoagit de
savoir srsquoil existe des eacuteleacutements suffisamment compensateurs des inconveacutenients que son
admission fait subir agrave la deacutefense notamment des garanties proceacutedurales solides
permettant une appreacuteciation correcte et eacutequitable de la fiabiliteacute drsquoune telle preuve
Lrsquoexamen de cette question permet de veacuterifier si la deacuteposition du teacutemoin absent est
suffisamment fiable compte tenu de son importance dans la cause pour qursquoune
condamnation puisse ecirctre prononceacutee (Al-Khawaja et Tahery preacuteciteacute sect 147)
51 La Cour rappelle aussi que dans ce contexte le droit drsquointerroger ou de faire
interroger les teacutemoins agrave charge constitue une garantie du droit agrave lrsquoeacutequiteacute de la
proceacutedure en ce que non seulement il vise lrsquoeacutegaliteacute des armes entre lrsquoaccusation et la
deacutefense mais encore il fournit agrave la deacutefense et au systegraveme judiciaire un instrument
essentiel de controcircle de la creacutedibiliteacute et de la fiabiliteacute des deacutepositions incriminantes et
par-lagrave du bien-fondeacute des chefs drsquoaccusation (Tseber preacuteciteacute sect 59 etSică c Roumanie
no 1203605 sect 69 9 juillet 2013)
52 Dans la preacutesente affaire la Cour observe que CC plaignant et unique teacutemoin a
eacuteteacute entendu par les carabiniers mais qursquoil nrsquoa jamais comparu devant les juridictions
du fond Ni les juges du fond ni le requeacuterant ou son repreacutesentant nrsquoont donc pu
lrsquoobserver pendant son audition pour appreacutecier sa creacutedibiliteacute et la fiabiliteacute de sa
deacuteposition (Tseber preacuteciteacute sect 60 Sică preacuteciteacute sect 70 Vronchenko c Estonie no 5963209 sect
65 18 juillet 2013 et Rosin c Estonie no 2654008 sect 62 19 deacutecembre 2013)
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53 La Cour relegraveve ensuite que les juridictions internes se sont appuyeacutees en sus des
deacuteclarations litigieuses sur le teacutemoignage du carabinier LR qui avait relateacute au
tribunal lors de lrsquoaudience du 6 deacutecembre 2004 les modaliteacutes du deacuteroulement de la
reconnaissance photographique de lrsquointeacuteresseacute et de son coiumlnculpeacute
54 La Cour relegraveve en outre que la cour drsquoappel a eacutevalueacute avec soin la creacutedibiliteacute de
CC observant qursquoil nrsquoavait aucune raison drsquoaccuser le requeacuterant et que avant les faits
deacutelictueux il ne le connaissait pas Ces eacuteleacutements ont ameneacute la cour drsquoappel agrave
consideacuterer que CC nrsquoavait pas drsquointeacuterecirct agrave deacuteposer ainsi et que ses deacuteclarations eacutetaient
donc suffisamment fiables
55 Cela eacutetant la Cour se doit de rappeler qursquoun tel examen ne saurait agrave lui seul
compenser lrsquoabsence drsquointerrogation du teacutemoin par la deacutefense (Damir Sibgatullin c
Russie no 141305 sect 57 24 avril 2012) En effet aussi rigoureux soit-il lrsquoexamen fait par
le juge du fond constitue un instrument de controcircle imparfait dans la mesure ougrave il ne
permet pas de disposer des eacuteleacutements pouvant ressortir drsquoune confrontation en
audience publique entre lrsquoaccuseacute et son accusateur (Tseber preacuteciteacute sect 65 etRiahi c
Belgique no 6540010 sect 41 14 juin 2016)
56 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour estime que le caractegravere deacuteterminant des
deacutepositions de CC en lrsquoabsence de confrontation avec le requeacuterant en audience
publique emporte la conclusion que les juridictions internes aussi rigoureux qursquoait eacuteteacute
leur examen nrsquoont pas pu appreacutecier correctement et eacutequitablement la fiabiliteacute de cette
preuve
57 Par conseacutequent consideacuterant lrsquoeacutequiteacute de la proceacutedure dans son ensemble la Cour
juge que les droits de la deacutefense du requeacuterant ont ainsi subi une limitation
incompatible avec les exigences drsquoun procegraves eacutequitable Partant il y a eu violation de
lrsquoarticle 6 sectsect 1 et 3 d) de la Convention
II SUR LrsquoAPPLICATION DE LrsquoARTICLE 41 DE LA CONVENTION
58 Aux termes de lrsquoarticle 41 de la Convention
laquo Si la Cour deacuteclare qursquoil y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles
et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet drsquoeffacer
qursquoimparfaitement les conseacutequences de cette violation la Cour accorde agrave la partie
leacuteseacutee srsquoil y a lieu une satisfaction eacutequitable raquo
A Dommage
59 Le requeacuterant reacuteclame agrave titre de dommage mateacuteriel 200 euros (EUR) par mois de
deacutetention soit un total de 3 200 EUR pour la peacuteriode drsquoun an et quatre mois qursquoil a
passeacutee en prison En outre il demande 100 000 EUR pour preacutejudice moral
60 Le Gouvernement est drsquoavis que les demandes du requeacuterant sont exorbitantes et
totalement deacutenueacutees de fondement
61 La Cour nrsquoaperccediloit pas de lien de causaliteacute entre la violation constateacutee et le
dommage mateacuteriel alleacutegueacute et rejette cette demande En revanche elle estime que le
requeacuterant a subi un preacutejudice moral certain auquel le constat de violation figurant
dans le preacutesent arrecirct (paragraphe 57 ci-dessus) ne suffit pas agrave remeacutedier La Cour
rappelle que lorsqursquoelle conclut que la condamnation drsquoun requeacuterant a eacuteteacute prononceacutee
malgreacute lrsquoexistence drsquoune atteinte aux exigences drsquoeacutequiteacute de la proceacutedure un nouveau
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procegraves ou une reacuteouverture de la proceacutedure agrave la demande de lrsquointeacuteresseacute repreacutesente en
principe un moyen approprieacute de redresser la violation constateacutee (voirmutatis
mutandis Somogyi c Italie no 6797201 sect 86 CEDH 2004-IV Krasniki c Reacutepublique
tchegraveque no 5127799 sect 93 28 feacutevrier 2006 et Tseber preacuteciteacute sect 75) Eu eacutegard aux
circonstances de la cause et statuant en eacutequiteacute comme le veut lrsquoarticle 41 de la
Convention elle deacutecide toutefois drsquooctroyer agrave lrsquointeacuteresseacute la somme de 3 000 EUR
B Frais et deacutepens
62 Justificatifs agrave lrsquoappui le requeacuterant demande eacutegalement 10 080 EUR en
remboursement des frais et deacutepens engageacutes devant les juridictions internes et 4 920
EUR en remboursement de ceux engageacutes devant la Cour
63 Le Gouvernement conteste ces demandes arguant que la preuve de
lrsquoengagement reacuteel des frais et deacutepens reacuteclameacutes nrsquoa pas eacuteteacute rapporteacutee
64 Selon la jurisprudence de la Cour un requeacuterant ne peut obtenir le
remboursement de ses frais et deacutepens que dans la mesure ougrave se trouvent eacutetablis leur
reacutealiteacute leur neacutecessiteacute et le caractegravere raisonnable de leur taux En lrsquoespegravece compte tenu
des documents dont elle dispose et de sa jurisprudence la Cour estime raisonnable la
somme de 10 000 EUR tous frais confondus et lrsquoaccorde au requeacuterant
C Inteacuterecircts moratoires
65 La Cour juge approprieacute de calquer le taux des inteacuterecircts moratoires sur le taux
drsquointeacuterecirct de la faciliteacute de precirct marginal de la Banque centrale europeacuteenne majoreacute de
trois points de pourcentage
PAR CES MOTIFS LA COUR
1 Deacuteclare agrave lrsquounanimiteacute la requecircte recevable
2 Dit par six voix contre une qursquoil y a eu violation de lrsquoarticle 6 sectsect 1 et 3 d) de la
Convention
3 Dit par six voix contre une
a) que lrsquoEacutetat deacutefendeur doit verser au requeacuterant dans les trois mois agrave compter du
jour ougrave lrsquoarrecirct sera devenu deacutefinitif conformeacutement agrave lrsquoarticle 44 sect 2 de la
Convention les sommes suivantes
i 3 000 EUR (trois mille euros) plus tout montant pouvant ecirctre ducirc agrave titre
drsquoimpocirct pour dommage moral
ii 10 000 EUR (dix mille euros) plus tout montant pouvant ecirctre ducirc par le
requeacuterant agrave titre drsquoimpocirct pour frais et deacutepens
b) qursquoagrave compter de lrsquoexpiration dudit deacutelai et jusqursquoau versement ces montants
seront agrave majorer drsquoun inteacuterecirct simple agrave un taux eacutegal agrave celui de la faciliteacute de precirct
marginal de la Banque centrale europeacuteenne applicable pendant cette peacuteriode
augmenteacute de trois points de pourcentage
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4 Rejette agrave lrsquounanimiteacute la demande de satisfaction eacutequitable pour le surplus
Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 12 octobre 2017 en application de
lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3 du regraveglement de la Cour
Abel CamposKristina Pardalos
GreffierPreacutesidente
Au preacutesent arrecirct se trouve joint conformeacutement aux articles 45 sect 2 de la Convention
et 74 sect 2 du regraveglement lrsquoexposeacute de lrsquoopinion seacutepareacutee du juge Wojtyczek
KP
AC
OPINION DISSIDENTE DU JUGE WOJTYCZEK
1 Je ne suis pas convaincu par la position de la majoriteacute dans la preacutesente affaire
2 Le requeacuterant fut renvoyeacute en jugement devant le tribunal de Trani le 16 juin 1998
Selon le Gouvernement son procegraves commenccedila le 27 mai 2001 avec la tenue de la
premiegravere audience Je note en passant que la majoriteacute en eacutetablissant les faits omet
complegravetement les deacuteveloppements qui ont eu lieu entre le 16 juin 1998 et 27 mai 2003
date de la premiegravere audience mentionneacutee dans la partie laquo circonstances de lrsquoespegravece raquo de
lrsquoarrecirct
Quoi qursquoil en soit on peut constater dans la preacutesente affaire un retard agrave juger le
requeacuterant ce qui semble en contradiction avec le droit agrave un procegraves dans un deacutelai
raisonnable Toutefois le requeacuterant nrsquoa pas preacutesenteacute de griefs relatifs agrave la dureacutee de la
proceacutedure La Cour nrsquoeacutetait donc pas compeacutetente pour examiner la question de la dureacutee
de la proceacutedure et agrave juste titre a deacutecideacute de ne pas examiner cette question
3 Le requeacuterant se plaint du manque drsquoeacutequiteacute de la proceacutedure meneacutee contre lui car le
teacutemoin clef de lrsquoaffaire nrsquoa pas eacuteteacute entendu pendant les deacutebats La majoriteacute constate agrave
juste titre que laquo CC plaignant et unique teacutemoin a eacuteteacute entendu par les carabiniers
mais qursquoil nrsquoa jamais comparu devant les juridictions du fond raquo (paragraphe 52 gras
ajouteacute)
Le manque alleacutegueacute drsquoeacutequiteacute du procegraves du fait de lrsquoabsence drsquoaudition du teacutemoin
devant le juge de fond doit ecirctre appreacutecieacute avant tout agrave la lumiegravere des eacutevegravenements qui
ont eu lieu apregraves son commencement Or dans la motivation de lrsquoarrecirct la majoriteacute se
penche au paragraphe 45 sur la phase drsquoinstruction qui a dureacute jusqursquoau 16 juin 1998
Le juge des investigations preacuteliminaires nrsquoest pas le juge de fond La motivation de
lrsquoarrecirct nrsquoexplique pas pourquoi les stades anteacuterieurs au procegraves seraient pertinents pour
appreacutecier le grief du requeacuterant alors que le paragraphe 52 met lrsquoaccent sur la
comparution du teacutemoin devant le juge de fond Peut-ecirctre la motivation se fonde-t-elle
implicitement sur lrsquoideacutee que lrsquoaudition du teacutemoin avant le procegraves devant un juge en
preacutesence de lrsquoaccuseacute aurait remeacutedieacute au problegraveme de lrsquoabsence drsquoaudition du teacutemoin
pendant le procegraves devant le juge de fond Si crsquoest le cas cette consideacuteration aurait ducirc
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ecirctre expliqueacutee dans le contexte drsquoune analyse deacutetailleacutee de la proceacutedure peacutenale italienne
et en particulier drsquoune analyse de la logique et de lrsquoenchaicircnement de ses diffeacuterents
stades
4 Agrave lrsquoaudience du 6 deacutecembre 2004 le procureur informa le tribunal que le teacutemoin
CC avait quitteacute le domicile familial depuis lrsquoanneacutee 2000 et qursquoil eacutetait depuis lors
introuvable Il indiqua eacutegalement qursquoun mandat drsquoarrecirct avait eacuteteacute deacutecerneacute agrave lrsquoencontre
de CC agrave la suite de sa condamnation par contumace dans le cadre drsquoune autre
proceacutedure peacutenale Ces alleacutegations nrsquoont pas eacuteteacute contesteacutees par le requeacuterant Il nrsquoest
donc pas exact de dire que laquo [a]u final lors du procegraves en 2003 soit plus de six ans apregraves
les faits les seules recherches effectueacutees par la police avaient eacuteteacute celles faites au
domicile des parents de CC raquo (paragraphe 45 in fine)
Si pendant plusieurs anneacutees les autoriteacutes italiennes ont tenteacute sans succegraves de
localiser et drsquoarrecircter CC pour lrsquoincarceacuterer agrave la suite drsquoune condamnation peacutenale dans
une autre affaire il est difficile de leur reprocher de nrsquoavoir pas pu assurer sa
comparution comme teacutemoin Il est difficile drsquoattendre raisonnablement encore plus de
diligence de la part de la juridiction devant laquelle la personne rechercheacutee doit
teacutemoigner
Dans la preacutesente affaire il y avait un obstacle objectif agrave lrsquoaudition du teacutemoin Le juge
avait lrsquoobligation de statuer sur le fondement des preuves disponibles et notamment
du teacutemoignage de CC recueilli avant le procegraves appreacutecieacutees agrave la lumiegravere du principe de
la libre appreacuteciation des preuves Les juridictions italiennes des diffeacuterents niveaux ont
soigneusement examineacute cette question Je ne vois pas de raison suffisante de me
deacutemarquer de leurs conclusions
5 Au paragraphe 50 la Cour laquo rappelle agrave nouveau que dans chaque affaire ougrave le
problegraveme de lrsquoeacutequiteacute de la proceacutedure se pose en rapport avec la deacuteposition drsquoun teacutemoin
absent il srsquoagit de savoir srsquoil existe des eacuteleacutements suffisamment compensateurs des
inconveacutenients que son admission fait subir agrave la deacutefense notamment des garanties
proceacutedurales solides permettant une appreacuteciation correcte et eacutequitable de la fiabiliteacute
drsquoune telle preuve raquo
En lrsquoespegravece le gouvernement italien dans ses observations eacutecrites a preacutesenteacute un
certain nombre drsquoeacuteleacutements qui selon lui compensaient les inconveacutenients subis par la
deacutefense La Cour eacutetait tenue drsquoappliquer le test eacutenonceacute au paragraphe 50 en appreacuteciant
si les eacuteleacutements mis en exergue par le Gouvernement eacutetaient pertinents et suffisants Or
la majoriteacute a deacutecideacute de ne pas reacutepondre aux arguments du Gouvernement Elle se
limite agrave affirmer au paragraphe 55 que laquo aussi rigoureux soit-il lrsquoexamen fait par le
juge du fond constitue un instrument de controcircle imparfait dans la mesure ougrave il ne
permet pas de disposer des eacuteleacutements pouvant ressortir drsquoune confrontation en
audience publique entre lrsquoaccuseacute et son accusateur raquo Le test eacutenonceacute nrsquoa pas eacuteteacute
appliqueacute par la Cour
Il est eacutevident qursquoen lrsquoabsence drsquoaudition drsquoun teacutemoin en audience publique on ne
peut pas disposer drsquoeacuteleacutements pouvant ressortir drsquoune confrontation entre lrsquoaccuseacute et
son accusateur Toutefois selon la meacutethodologie annonceacutee au paragraphe 50 la
question agrave trancher eacutetait celle de savoir srsquoil existait des eacuteleacutements qui avaient
suffisamment compenseacute les inconveacutenients que son admission avait fait subir agrave la
deacutefense
6 La preacutesente affaire permet de tirer un enseignement plus geacuteneacuteral Lrsquoeacutequiteacute du
procegraves peacutenal ne peut srsquoappreacutecier que dans le contexte de lrsquoensemble des regravegles qui
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reacutegissent la proceacutedure peacutenale et en particulier des principes fondamentaux qui
deacutefinissent le modegravele de proceacutedure peacutenale choisi La majoriteacute se reacutefegravere aux principes
eacutetablis dans lrsquoarrecirct Al-Khawaja et Tahery c Royaume-Uni ([GC] nos 2676605 et 2222806
CEDH 2011 auquel se trouve joint lrsquoexposeacute de lrsquoopinion concordante du juge Bratza et
de lrsquoopinion en partie concordante et en partie dissidente des juges Sajoacute et Karakaş) Je
note agrave cet eacutegard que les principes concernant lrsquoaudition des teacutemoins ont eacuteteacute eacutenonceacutes
dans cette affaire dans le contexte drsquoun procegraves fondeacute sur les principes du contradictoire
et du rocircle limiteacute du juge Les principes du procegraves eacutequitable eacutelaboreacutes pour de telles
proceacutedures peacutenales sont difficilement transposables agrave des proceacutedures peacutenales fondeacutees
sur le rocircle actif du juge avec de forts eacuteleacutements inquisitoires au stade du procegraves Agrave mon
avis la question de lrsquoeacutequiteacute du procegraves peacutenal doit ecirctre revisiteacutee par la Cour agrave la lumiegravere
des principes fondamentaux des diffeacuterentes proceacutedures peacutenales Je remarque dans ce
contexte que le rocircle actif du juge est en soi un eacuteleacutement qui peut compenser certaines
formes drsquoineacutegaliteacute des armes entre les parties ce qui a eacuteteacute mis en exergue agrave tregraves juste
titre dans lrsquoarrecirct Regner c Reacutepublique tchegraveque ([GC] no 3528911 sect 152 19 septembre
2017 auquel se trouve joint lrsquoopinion concordante du juge Wojtyczek lrsquoopinion en
partie dissidente commune aux juges Raimondi Sicilianos Spano Ravarani et Pastor
Vilanova lrsquoopinion en partie dissidente commune aux juges Lazarova Trajkovska et
Loacutepez Guerra lrsquoopinion en partie dissidente du juge Serghides et lrsquoopinion dissidente
du juge Sajoacute) Bien que ce dernier arrecirct concerne la proceacutedure administrative
contentieuse les consideacuterations exposeacutees dans sa motivation gardent leur pertinence
pour drsquoautres proceacutedures
Il faut rappeler que lrsquoeacutegaliteacute des armes et le respect des droits des parties ne sont pas
la finaliteacute ultime du droit mais lrsquoinstrument servant drsquoune part la digniteacute et
lrsquoautonomie individuelle et drsquoautre part la veacuteriteacute et la justice substantielle La question
essentielle est celle de savoir si les regravegles proceacutedurales envisageacutees comme un systegraveme
et appliqueacutees en lrsquoespegravece permettent drsquoaboutir dans le respect de la digniteacute de
lrsquohomme agrave une deacutecision fondeacutee sur la veacuteriteacute et drsquoeacuteviter les erreurs judiciaires
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tribunal drsquoutiliser toute deacuteposition faite avant le procegraves pour statuer sur le bien-fondeacute
des accusations Il estima que agrave deacutefaut drsquoeacuteleacutement permettant de penser que CC srsquoeacutetait
volontairement soustrait au procegraves lrsquoabsence de celui-ci nrsquoavait aucun caractegravere
preacutevisible
18 Le tribunal consideacutera enfin que la condamnation du requeacuterant bien que fondeacutee
principalement sur les deacuteclarations de CC qursquoil estimait creacutedibles et concordantes
srsquoappuyait eacutegalement sur drsquoautres eacuteleacutements provenant du teacutemoignage du carabinier
LR qui avait relateacute le deacuteroulement de la reconnaissance photographique
19 Le requeacuterant interjeta appel de ce jugement Il contesta lrsquoeacutevaluation des preuves
agrave charge et lrsquoutilisation de la deacuteposition de CC qui eacutetait selon lui la seule preuve
utiliseacutee par le tribunal En outre il reprocha au tribunal de ne pas avoir eacutevalueacute
attentivement les deacuteclarations faites par CC au moment du deacutepocirct de la plainte
20 Par un arrecirct du 25 mai 2011 la cour drsquoappel de Bari (laquo la cour drsquoappel raquo)
confirma le jugement du tribunal En particulier elle observa que lrsquoabsence de CC lors
des deacutebats nrsquoeacutetait ni preacutevisible ni probable En outre elle consideacutera qursquoil nrsquoy avait
entre le requeacuterant et CC aucune animositeacute permettant de douter de la fiabiliteacute de la
deacuteclaration de ce dernier Par ailleurs elle estima que les deacuteclarations de CC
notamment celles relatives agrave la reconnaissance du requeacuterant eacutetaient preacutecises et
corroboreacutees par les deacuteclarations du teacutemoin LR ayant recueilli la plainte de CC
21 Le requeacuterant se pourvut en cassation Srsquoappuyant sur la jurisprudence de la
Cour il se plaignait en particulier drsquoune violation de lrsquoarticle 6 de la Convention
22 Par un arrecirct du 17 octobre 2012 la Cour de cassation deacutebouta le requeacuterant de son
pourvoi Sans faire reacutefeacuterence agrave lrsquoarticle 6 de la Convention la haute juridiction exposa
que CC condamneacute par contumace dans le cadre drsquoune autre proceacutedure peacutenale eacutetait
introuvable que cela nrsquoeacutetait pas preacutevisible agrave lrsquoeacutepoque de ses deacuteclarations aux
carabiniers et que par conseacutequent le tribunal avait leacutegitimement admis agrave titre de
preuve les deacuteclarations de CC Elle ajouta que le requeacuterant avait pris acte de cette
admission sans srsquoy opposer
II LE DROIT INTERNE PERTINENT
23 Le droit interne pertinent se trouve deacutecrit dans lrsquoarrecirct Ben Moumen c Italie
(no 397713 sectsect28-30 23 juin 2016)
EN DROIT
I SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 6 sectsect 1 ET 3 d) DE LA CONVENTION
24 Le requeacuterant considegravere que la proceacutedure peacutenale meneacutee agrave son encontre nrsquoa pas eacuteteacute
eacutequitable Il invoque lrsquoarticle 6 sectsect 1 et 3 d) de la Convention qui est ainsi libelleacute en ses
parties pertinentes en lrsquoespegravece
laquo 1 Toute personne a droit agrave ce que sa cause soit entendue eacutequitablement () par
un tribunal () qui deacutecidera () du bien-fondeacute de toute accusation en matiegravere
peacutenale dirigeacutee contre elle ()
3 Tout accuseacute a droit notamment agrave
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()
d) interroger ou faire interroger les teacutemoins agrave charge et obtenir la convocation et
lrsquointerrogation des teacutemoins agrave deacutecharge dans les mecircmes conditions que les teacutemoins
agrave charge
() raquo
A Sur la recevabiliteacute
25 Le Gouvernement soutient que le requeacuterant en ayant omis de srsquoopposer pendant
les deacutebats agrave la lecture des deacuteclarations litigieuses ne srsquoest pas preacutevalu drsquoun remegravede
accessible adeacutequat et efficace offert en droit interne pour exclure ce mateacuteriel probatoire
du dossier du juge
26 Le requeacuterant conteste cet argument et soutient que mecircme srsquoil srsquoeacutetait opposeacute agrave la
lecture des deacuteclarations de CC celles-ci auraient de toute maniegravere eacuteteacute verseacutees au
dossier du juge
27 Srsquoagissant de la possibiliteacute pour le requeacuterant de srsquoopposer agrave la lecture des
deacuteclarations litigieuses la Cour rappelle que aux termes de sa jurisprudence ni la
lettre ni lrsquoesprit de lrsquoarticle 6 sectsect 1 et 3 d) de la Convention nrsquoempecircchent une personne
de renoncer de son plein greacute aux garanties drsquoun procegraves eacutequitable de maniegravere expresse
ou tacite mais que pareille renonciation doit ecirctre non eacutequivoque et ne se heurter agrave
aucun inteacuterecirct public important (Haringkansson et Sturesson c Suegravede 21 feacutevrier 1990 sect 66
seacuterie A no 171-A et Kwiatkowska c Italie (deacutec) no 5286899 30 novembre 2000)
28 En lrsquoespegravece la Cour note que les deacuteclarations litigieuses ont eacuteteacute utiliseacutees
conformeacutement agrave la loi interne agrave savoir lrsquoarticle 512 du CPP qui impose au juge
drsquoordonner la lecture et le versement au dossier des deacuteclarations ne pouvant pas ecirctre
reacuteiteacutereacutees en raison drsquoune impossibiliteacute objective ducircment prouveacutee Elle estime donc
qursquoune eacuteventuelle opposition du requeacuterant au versement au dossier des procegraves-
verbaux en question aurait eu peu de chances de succegraves En tout eacutetat de cause le fait de
ne pas avoir souleveacute drsquoexception formelle lors des deacutebats ne saurait ecirctre interpreacuteteacute
comme une renonciation tacite au droit drsquointerroger ou de faire interroger les teacutemoins agrave
charge (Craxi c Italie no 3489697 5 deacutecembre 2002 Bracci c Italie (deacutec) no 3682202 2
deacutecembre 2004 et Majadallah c Italie (deacutec) no 6209400 19 mai 2005)
29 Il srsquoensuit que lrsquoexception preacuteliminaire tireacutee du non-eacutepuisement des voies de
recours internes ou drsquoune renonciation tacite au droit invoqueacute devant la Cour ne peut
ecirctre accueillie favorablement
30 Constatant que cette requecircte nrsquoest pas manifestement mal fondeacutee au sens de
lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoelle ne se heurte par ailleurs agrave aucun autre
motif drsquoirrecevabiliteacute la Cour la deacuteclare recevable
B Sur le fond
1 Thegraveses des parties
31 Le requeacuterant allegravegue avoir eacuteteacute condamneacute sur la base de la deacuteposition faite aux
carabiniers par CC le plaignant en lrsquoabsence drsquoaudition de ce dernier lors des deacutebats
Il soutient qursquoaucune recherche nrsquoa eacuteteacute faite par les autoriteacutes pour retrouver CC
ailleurs qursquoagrave lrsquoadresse du domicile de ses parents Selon le requeacuterant eu eacutegard agrave
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lrsquoabsence de ce dernier agrave la plupart des dates fixeacutees pour la tenue drsquoune audience ad
hoc il eacutetait preacutevisible degraves 1997 qursquoil risquait de se soustraire aux deacutebats
32 Le requeacuterant soutient encore que contrairement aux arguments avanceacutes par le
Gouvernement quant au manque de caractegravere deacuteterminant des deacuteclarations de CC sa
condamnation eacutetait bel et bien fondeacutee exclusivement sur lesdites affirmations Il ajoute
srsquoecirctre preacutevalu pendant les deacutebats de la faculteacute de garder le silence
33 Le Gouvernement considegravere que lrsquoadmission comme preuve des deacuteclarations
faites par CC aux carabiniers eacutetait reconnue en droit interne Il estime que les
dispositions en cause ont eacuteteacute interpreacuteteacutees par les juridictions internes de maniegravere
conforme agrave la Convention Il cite en particulier un arrecirct no 27918 rendu le 14 juillet
2011 par les sections reacuteunies de la Cour de cassation selon lequel les deacuteclarations drsquoun
teacutemoin absent doivent ecirctre eacutevalueacutees avec la prudence neacutecessaire par le biais non
seulement drsquoun examen de la creacutedibiliteacute subjective et objective de celui-ci mais aussi
par celui de la confrontation de sa deacuteposition avec les autres eacuteleacutements preacutesenteacutes aux
deacutebats
34 De lrsquoavis du Gouvernement la preacutesente affaire est similaire agrave lrsquoaffaire Ben
Moumen c Italie (no 397713 23 juin 2016) dans laquelle la Cour a conclu agrave la non-
violation de lrsquoarticle 6 de la Convention
35 Le Gouvernement explique que afin de valider la preuve principale agrave charge ndash agrave
savoir le teacutemoignage de CC ndash le tribunal a pris en consideacuteration drsquoautres preuves
telles que les deacuteclarations du carabinier LR ayant enregistreacute la plainte de CC et ayant
effectueacute la proceacutedure de reconnaissance photographique du requeacuterant et de son
coiumlnculpeacute
36 Il argue que dans les circonstances de la cause on ne peut estimer que la
deacuteposition de CC a constitueacute le fondement unique ou deacuteterminant de la
condamnation du requeacuterant Il preacutecise que ce dernier a par ailleurs eu la possibiliteacute
drsquointerroger son coiumlnculpeacute qursquoil ne lrsquoa pas fait et qursquoil nrsquoa pas non plus produit
drsquoeacuteleacutement utile agrave sa deacutefense Il ajoute que les juridictions internes ont attentivement
eacutevalueacute lrsquoexistence drsquoeacuteventuelles relations entre CC et le requeacuterant Il considegravere donc
que lrsquoadmission de la deacuteposition de CC a eacuteteacute contrebalanceacutee par des garanties
proceacutedurales suffisantes
2 Appreacuteciation de la Cour
a) Principes geacuteneacuteraux
37 La Cour rappelle que les exigences du paragraphe 3 de lrsquoarticle 6 de la
Convention repreacutesentent des aspects particuliers du droit agrave un procegraves eacutequitable garanti
par le paragraphe 1 de cette disposition Lorsqursquoelle examine un grief tireacute de lrsquoarticle 6
elle doit essentiellement deacuteterminer si la proceacutedure peacutenale a revecirctu un caractegravere
eacutequitable (voir parmi beaucoup drsquoautres Taxquet c Belgique [GC] no 92605 sect 84
CEDH 2010) Pour ce faire elle envisage la proceacutedure dans son ensemble et veacuterifie le
respect non seulement des droits de la deacutefense mais aussi de lrsquointeacuterecirct du public et des
victimes agrave ce que les auteurs de lrsquoinfraction soient ducircment poursuivis (Gaumlfgen c
Allemagne [GC] no 2297805 sect 175 CEDH 2010) et si neacutecessaire des droits des teacutemoins
(voir parmi beaucoup drsquoautres Doorson c Pays-Bas 26 mars 1996 sect 70 Recueil des arrecircts
et deacutecisions 1996-II et Al-Khawaja et Tahery c Royaume-Uni [GC] nos 2676605 et
2222806 sect 118 CEDH 2011) Elle rappelle eacutegalement que dans ce contexte la
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recevabiliteacute des preuves relegraveve des regravegles du droit interne et des juridictions nationales
et que sa seule tacircche consiste agrave deacuteterminer si la proceacutedure a eacuteteacute eacutequitable (Gaumlfgen
preacuteciteacute sect 162 et les arrecircts qui y sont citeacutes)
38 Lrsquoarticle 6 sect 3 d) consacre le principe selon lequel avant qursquoun accuseacute puisse ecirctre
deacuteclareacute coupable tous les eacuteleacutements agrave charge doivent en principe ecirctre produits devant
lui en audience publique en vue drsquoun deacutebat contradictoire Ce principe ne va pas sans
exceptions mais on ne peut les accepter que sous reacuteserve des droits de la deacutefense en
regravegle geacuteneacuterale ceux-ci commandent de donner agrave lrsquoaccuseacute une possibiliteacute adeacutequate et
suffisante de contester les teacutemoignages agrave charge et drsquoen interroger les auteurs soit au
moment de leur deacuteposition soit agrave un stade ulteacuterieur (Lucagrave c Italie no 3335496 sect 39
CEDH 2001-II et Solakov c lrsquoex-Reacutepublique yougoslave de Maceacutedoine no 4702399 sect 57
CEDH 2001-X)
39 Eu eacutegard aux principes eacutetablis dans lrsquoarrecirct de Grande Chambre Al-Khawaja et
Tahery (preacuteciteacute) la Cour doit successivement examiner si lrsquoimpossibiliteacute pour la deacutefense
drsquointerroger ou de faire interroger un teacutemoin agrave charge eacutetait justifieacutee par un motif
seacuterieux si les deacutepositions du teacutemoin absent ont constitueacute la preuve unique ou
deacuteterminante de la culpabiliteacute du requeacuterant et enfin srsquoil existait des eacuteleacutements
suffisamment compensateurs des inconveacutenients lieacutes agrave lrsquoadmission drsquoune telle preuve
pour permettre une appreacuteciation correcte et eacutequitable de sa fiabiliteacute (Vronchenko c
Estonie no 5963209 sect 57 18 juillet 2013)
40 Ces principes ont eacuteteacute expliciteacutes dans lrsquoarrecirct Schatschaschwili c
Allemagne (no 915410 sectsect 111-131 CEDH 2015) dans lequel la Grande Chambre a
confirmeacute que lrsquoabsence de motif seacuterieux justifiant la non-comparution drsquoun teacutemoin ne
pouvait en elle-mecircme rendre un procegraves ineacutequitable que cela eacutetant le manque de
motif seacuterieux justifiant lrsquoabsence drsquoun teacutemoin agrave charge constituait un eacuteleacutement de poids
srsquoagissant drsquoappreacutecier lrsquoeacutequiteacute globale drsquoun procegraves et que pareil eacuteleacutement eacutetait
susceptible de faire pencher la balance en faveur drsquoun constat de violation de lrsquoarticle 6
sectsect 1 et 3 d) De plus le souci de la Cour eacutetant de srsquoassurer que la proceacutedure dans son
ensemble a eacuteteacute eacutequitable elle doit veacuterifier srsquoil existait des eacuteleacutements compensateurs
suffisants non seulement dans les affaires ougrave les deacuteclarations drsquoun teacutemoin absent
constituaient le fondement unique ou deacuteterminant de la condamnation de lrsquoaccuseacute
mais aussi dans celles ougrave elle juge difficile de discerner si ces eacuteleacutements constituaient la
preuve unique ou deacuteterminante mais est neacuteanmoins convaincue qursquoils revecirctaient un
poids certain et que leur admission pouvait avoir causeacute des difficulteacutes agrave la deacutefense La
porteacutee des facteurs compensateurs neacutecessaires pour que le procegraves soit consideacutereacute
comme eacutequitable deacutepend de lrsquoimportance que revecirctent les deacuteclarations du teacutemoin
absent Plus cette importance est grande plus les eacuteleacutements compensateurs devront ecirctre
solides afin que la proceacutedure dans son ensemble soit consideacutereacutee comme eacutequitable
b) Application de ces principes en lrsquoespegravece
i Sur le point de savoir si lrsquoabsence de CC au procegraves se justifiait par un motif seacuterieux
41 La Cour observe que en lrsquoespegravece la non-comparution de CC qui a ameneacute le
tribunal agrave admettre ses deacuteclarations agrave titre de preuve srsquoexpliquait par lrsquoimpossibiliteacute
pour les autoriteacutes drsquoentrer en contact avec lui En effet celles-ci avaient agrave plusieurs
reprises et en vain essayeacute de lui notifier la citation agrave comparaicirctre au domicile qursquoil avait
indiqueacute (celui de ses parents) et il ne srsquoeacutetait pas preacutesenteacute ni aux audiences ad
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hoc exception faite pour lrsquoaudience du 28 janvier 1997 qui nrsquoeut pas lieu en raison de
lrsquoabsence du procureur (voir paragraphe 9 ci-dessus) ni agrave lrsquoaudience du 27 mai 2003
qui devait ecirctre consacreacutee agrave son audition (paragraphe 12 ci-dessus)
42 La Cour rappelle que lorsque lrsquoabsence du teacutemoin srsquoexplique par la raison
eacutevoqueacutee en lrsquoespegravece elle exige du tribunal du fond qursquoil ait fait tout ce que lrsquoon pouvait
raisonnablement attendre de lui pour assurer la comparution de lrsquointeacuteresseacute (Gabrielyan
c Armeacutenie no 808805 sect 78 10 avril 2012 Tseber c Reacutepublique tchegraveque no 4620308 sect 48
22 novembre 2012 et Kostecki c Pologne no 1493209 sectsect 65-66 4 juin 2013)
Lrsquoimpossibiliteacute pour les juridictions internes drsquoentrer en contact avec le teacutemoin
concerneacute ou le fait que celui-ci a quitteacute le territoire du pays dans lequel lrsquoinstance est
conduite ont eacuteteacute jugeacutes insuffisants en soi pour satisfaire agrave lrsquoarticle 6 sect 3 d) lequel exige
des Eacutetats contractants qursquoils prennent des mesures positives pour permettre agrave lrsquoaccuseacute
drsquointerroger ou de faire interroger les teacutemoins agrave charge (Gabrielyan preacuteciteacute sect 81 Tseber
preacuteciteacute sect 48 et Lučić c Croatie no 569911 sect 79 27 feacutevrier 2014)
43 Pareilles mesures relegravevent de la diligence que les Eacutetats contractants doivent
deacuteployer pour assurer la jouissance effective des droits garantis par lrsquoarticle 6 de la
Convention (Gabrielyan preacuteciteacute sect 81) faute de quoi lrsquoabsence du teacutemoin est imputable
aux autoriteacutes internes (Tseber preacuteciteacute sect 48 Lučić preacuteciteacute sect 79
etSchatschaschwili preacuteciteacute sect 120)
44 Pour que les autoriteacutes soient consideacutereacutees comme ayant deacuteployeacute tous les efforts
raisonnables pour assurer la comparution drsquoun teacutemoin il faut aussi que les tribunaux
internes aient proceacutedeacute agrave un controcircle minutieux des raisons donneacutees pour justifier
lrsquoincapaciteacute du teacutemoin agrave assister au procegraves en tenant compte de la situation particuliegravere
de lrsquointeacuteresseacute (Nechto c Russie no 2489305 sect 127 24 janvier 2012 Damir Sibgatullin c
Russie no 141305 sect 56 24 avril 2012 Yevgeniy Ivanov c Russie no 2710003 sect 47 25
avril 2013 et Schatschaschwili preacuteciteacute sect 122)
45 Force est de constater que en lrsquoespegravece les tribunaux internes se sont borneacutes agrave
indiquer que lrsquoabsence de CC nrsquoeacutetait pas preacutevisible et que les recherches meneacutees pour
le retrouver avaient eacuteteacute vaines (paragraphes 10 12 et 17 ci-dessus) Le tribunal a exclu
la possibiliteacute drsquoeffectuer des recherches suppleacutementaires En 1997 et en 1998 CC a eacuteteacute
citeacute agrave comparaicirctre en vue de la tenue drsquoune audience ad hoc destineacutee agrave recueillir son
teacutemoignage et agrave effectuer une reconnaissance du requeacuterant Il ne srsquoest preacutesenteacute qursquoagrave
une seule audience ad hoc laquelle a eacuteteacute reporteacutee en raison de lrsquoabsence du substitut du
procureur Ensuite agrave lrsquoaudience du 22 septembre 1997 le juge a indiqueacute que CC ne
vivant plus au domicile de ses parents nrsquoavait pas reccedilu notification de la citation agrave
comparaicirctre Au final lors du procegraves en 2003 soit plus de six ans apregraves les faits les
seules recherches effectueacutees par la police avaient eacuteteacute celles faites au domicile des
parents de CC
46 Dans ces circonstances et compte tenu eacutegalement du long laps de temps eacutecouleacute
entre les faits et le procegraves la Cour estime que le Gouvernement nrsquoa pas deacutemontreacute que
les juridictions italiennes ont deacuteployeacute tous les efforts que lrsquoon pouvait raisonnablement
attendre drsquoelles pour assurer la comparution de CC ( voir paragraphes 9 et 41 ci-
dessus) (voir mutatis mutandis Rudnichenko preacuteciteacute sectsect 105-109 ougrave la Cour a conclu
que la restriction apporteacutee au droit du requeacuterant de faire interroger un teacutemoin absent
ne reposait sur aucun motif valable ou non apregraves avoir notamment observeacute qursquoaucune
mesure nrsquoavait eacuteteacute prise pour faire en sorte que le teacutemoin litigieux pucirct comparaicirctre et
ecirctre interrogeacute)
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47 Cependant comme observeacute plus haut (paragraphe 40 ci-dessus) mecircme si elle
constitue un eacuteleacutement de poids pour appreacutecier lrsquoeacutequiteacute globale du procegraves lrsquoabsence de
motif seacuterieux justifiant la non-comparution de CC nrsquoest pas en soi constitutive drsquoune
violation de lrsquoarticle 6 de la Convention La Cour examinera donc si la deacuteposition de
CC constituait le fondement unique ou deacuteterminant de la condamnation du requeacuterant
et srsquoil existait des eacuteleacutements compensateurs suffisants pour contrebalancer les difficulteacutes
que lrsquoimpossibiliteacute de contre-interroger ce teacutemoin a causeacutees agrave la deacutefense
ii Lrsquoimportance de la deacuteposition de CC pour la condamnation du requeacuterant
48 La Cour constate que les juges nationaux ont fondeacute la condamnation du
requeacuterant exclusivement ou du moins dans une mesure deacuteterminante sur les
deacuteclarations faites par CC lors du deacutepocirct de sa plainte en 1996
49 Srsquoil est vrai comme le reconnait le Gouvernement que le tribunal a pris en
consideacuteration les deacuteclarations du carabinier LR ayant enregistreacute la plainte de CC et
ayant effectueacute la proceacutedure de reconnaissance photographique du requeacuterant et de son
coiumlnculpeacute afin de valider la preuve principale la Cour note toutefois qursquoaucune
confrontation directe nrsquoa pu avoir lieu entre le requeacuterant et son accusateur ni pendant
le procegraves ni au stade de lrsquoenquecircte preacuteliminaire En particulier au cours de celle-ci CC
ne srsquoest pas preacutesenteacute agrave lrsquoaudience ad hoc qui srsquoest tenue devant le GIP en preacutesence des
avocats de la deacutefense La Cour reacuteaffirme que le caractegravere unique de la preuve pegravese
lourd dans la balance et qursquoil appelle des eacuteleacutements suffisamment compensateurs des
difficulteacutes que son admission fait subir agrave la deacutefense (Al-Khawaja et Tahery preacuteciteacute sect
161)
iii Les garanties proceacutedurales pour contrebalancer les difficulteacutes causeacutees agrave la deacutefense
50 La Cour rappelle agrave nouveau que dans chaque affaire ougrave le problegraveme de lrsquoeacutequiteacute
de la proceacutedure se pose en rapport avec la deacuteposition drsquoun teacutemoin absent il srsquoagit de
savoir srsquoil existe des eacuteleacutements suffisamment compensateurs des inconveacutenients que son
admission fait subir agrave la deacutefense notamment des garanties proceacutedurales solides
permettant une appreacuteciation correcte et eacutequitable de la fiabiliteacute drsquoune telle preuve
Lrsquoexamen de cette question permet de veacuterifier si la deacuteposition du teacutemoin absent est
suffisamment fiable compte tenu de son importance dans la cause pour qursquoune
condamnation puisse ecirctre prononceacutee (Al-Khawaja et Tahery preacuteciteacute sect 147)
51 La Cour rappelle aussi que dans ce contexte le droit drsquointerroger ou de faire
interroger les teacutemoins agrave charge constitue une garantie du droit agrave lrsquoeacutequiteacute de la
proceacutedure en ce que non seulement il vise lrsquoeacutegaliteacute des armes entre lrsquoaccusation et la
deacutefense mais encore il fournit agrave la deacutefense et au systegraveme judiciaire un instrument
essentiel de controcircle de la creacutedibiliteacute et de la fiabiliteacute des deacutepositions incriminantes et
par-lagrave du bien-fondeacute des chefs drsquoaccusation (Tseber preacuteciteacute sect 59 etSică c Roumanie
no 1203605 sect 69 9 juillet 2013)
52 Dans la preacutesente affaire la Cour observe que CC plaignant et unique teacutemoin a
eacuteteacute entendu par les carabiniers mais qursquoil nrsquoa jamais comparu devant les juridictions
du fond Ni les juges du fond ni le requeacuterant ou son repreacutesentant nrsquoont donc pu
lrsquoobserver pendant son audition pour appreacutecier sa creacutedibiliteacute et la fiabiliteacute de sa
deacuteposition (Tseber preacuteciteacute sect 60 Sică preacuteciteacute sect 70 Vronchenko c Estonie no 5963209 sect
65 18 juillet 2013 et Rosin c Estonie no 2654008 sect 62 19 deacutecembre 2013)
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53 La Cour relegraveve ensuite que les juridictions internes se sont appuyeacutees en sus des
deacuteclarations litigieuses sur le teacutemoignage du carabinier LR qui avait relateacute au
tribunal lors de lrsquoaudience du 6 deacutecembre 2004 les modaliteacutes du deacuteroulement de la
reconnaissance photographique de lrsquointeacuteresseacute et de son coiumlnculpeacute
54 La Cour relegraveve en outre que la cour drsquoappel a eacutevalueacute avec soin la creacutedibiliteacute de
CC observant qursquoil nrsquoavait aucune raison drsquoaccuser le requeacuterant et que avant les faits
deacutelictueux il ne le connaissait pas Ces eacuteleacutements ont ameneacute la cour drsquoappel agrave
consideacuterer que CC nrsquoavait pas drsquointeacuterecirct agrave deacuteposer ainsi et que ses deacuteclarations eacutetaient
donc suffisamment fiables
55 Cela eacutetant la Cour se doit de rappeler qursquoun tel examen ne saurait agrave lui seul
compenser lrsquoabsence drsquointerrogation du teacutemoin par la deacutefense (Damir Sibgatullin c
Russie no 141305 sect 57 24 avril 2012) En effet aussi rigoureux soit-il lrsquoexamen fait par
le juge du fond constitue un instrument de controcircle imparfait dans la mesure ougrave il ne
permet pas de disposer des eacuteleacutements pouvant ressortir drsquoune confrontation en
audience publique entre lrsquoaccuseacute et son accusateur (Tseber preacuteciteacute sect 65 etRiahi c
Belgique no 6540010 sect 41 14 juin 2016)
56 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour estime que le caractegravere deacuteterminant des
deacutepositions de CC en lrsquoabsence de confrontation avec le requeacuterant en audience
publique emporte la conclusion que les juridictions internes aussi rigoureux qursquoait eacuteteacute
leur examen nrsquoont pas pu appreacutecier correctement et eacutequitablement la fiabiliteacute de cette
preuve
57 Par conseacutequent consideacuterant lrsquoeacutequiteacute de la proceacutedure dans son ensemble la Cour
juge que les droits de la deacutefense du requeacuterant ont ainsi subi une limitation
incompatible avec les exigences drsquoun procegraves eacutequitable Partant il y a eu violation de
lrsquoarticle 6 sectsect 1 et 3 d) de la Convention
II SUR LrsquoAPPLICATION DE LrsquoARTICLE 41 DE LA CONVENTION
58 Aux termes de lrsquoarticle 41 de la Convention
laquo Si la Cour deacuteclare qursquoil y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles
et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet drsquoeffacer
qursquoimparfaitement les conseacutequences de cette violation la Cour accorde agrave la partie
leacuteseacutee srsquoil y a lieu une satisfaction eacutequitable raquo
A Dommage
59 Le requeacuterant reacuteclame agrave titre de dommage mateacuteriel 200 euros (EUR) par mois de
deacutetention soit un total de 3 200 EUR pour la peacuteriode drsquoun an et quatre mois qursquoil a
passeacutee en prison En outre il demande 100 000 EUR pour preacutejudice moral
60 Le Gouvernement est drsquoavis que les demandes du requeacuterant sont exorbitantes et
totalement deacutenueacutees de fondement
61 La Cour nrsquoaperccediloit pas de lien de causaliteacute entre la violation constateacutee et le
dommage mateacuteriel alleacutegueacute et rejette cette demande En revanche elle estime que le
requeacuterant a subi un preacutejudice moral certain auquel le constat de violation figurant
dans le preacutesent arrecirct (paragraphe 57 ci-dessus) ne suffit pas agrave remeacutedier La Cour
rappelle que lorsqursquoelle conclut que la condamnation drsquoun requeacuterant a eacuteteacute prononceacutee
malgreacute lrsquoexistence drsquoune atteinte aux exigences drsquoeacutequiteacute de la proceacutedure un nouveau
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procegraves ou une reacuteouverture de la proceacutedure agrave la demande de lrsquointeacuteresseacute repreacutesente en
principe un moyen approprieacute de redresser la violation constateacutee (voirmutatis
mutandis Somogyi c Italie no 6797201 sect 86 CEDH 2004-IV Krasniki c Reacutepublique
tchegraveque no 5127799 sect 93 28 feacutevrier 2006 et Tseber preacuteciteacute sect 75) Eu eacutegard aux
circonstances de la cause et statuant en eacutequiteacute comme le veut lrsquoarticle 41 de la
Convention elle deacutecide toutefois drsquooctroyer agrave lrsquointeacuteresseacute la somme de 3 000 EUR
B Frais et deacutepens
62 Justificatifs agrave lrsquoappui le requeacuterant demande eacutegalement 10 080 EUR en
remboursement des frais et deacutepens engageacutes devant les juridictions internes et 4 920
EUR en remboursement de ceux engageacutes devant la Cour
63 Le Gouvernement conteste ces demandes arguant que la preuve de
lrsquoengagement reacuteel des frais et deacutepens reacuteclameacutes nrsquoa pas eacuteteacute rapporteacutee
64 Selon la jurisprudence de la Cour un requeacuterant ne peut obtenir le
remboursement de ses frais et deacutepens que dans la mesure ougrave se trouvent eacutetablis leur
reacutealiteacute leur neacutecessiteacute et le caractegravere raisonnable de leur taux En lrsquoespegravece compte tenu
des documents dont elle dispose et de sa jurisprudence la Cour estime raisonnable la
somme de 10 000 EUR tous frais confondus et lrsquoaccorde au requeacuterant
C Inteacuterecircts moratoires
65 La Cour juge approprieacute de calquer le taux des inteacuterecircts moratoires sur le taux
drsquointeacuterecirct de la faciliteacute de precirct marginal de la Banque centrale europeacuteenne majoreacute de
trois points de pourcentage
PAR CES MOTIFS LA COUR
1 Deacuteclare agrave lrsquounanimiteacute la requecircte recevable
2 Dit par six voix contre une qursquoil y a eu violation de lrsquoarticle 6 sectsect 1 et 3 d) de la
Convention
3 Dit par six voix contre une
a) que lrsquoEacutetat deacutefendeur doit verser au requeacuterant dans les trois mois agrave compter du
jour ougrave lrsquoarrecirct sera devenu deacutefinitif conformeacutement agrave lrsquoarticle 44 sect 2 de la
Convention les sommes suivantes
i 3 000 EUR (trois mille euros) plus tout montant pouvant ecirctre ducirc agrave titre
drsquoimpocirct pour dommage moral
ii 10 000 EUR (dix mille euros) plus tout montant pouvant ecirctre ducirc par le
requeacuterant agrave titre drsquoimpocirct pour frais et deacutepens
b) qursquoagrave compter de lrsquoexpiration dudit deacutelai et jusqursquoau versement ces montants
seront agrave majorer drsquoun inteacuterecirct simple agrave un taux eacutegal agrave celui de la faciliteacute de precirct
marginal de la Banque centrale europeacuteenne applicable pendant cette peacuteriode
augmenteacute de trois points de pourcentage
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4 Rejette agrave lrsquounanimiteacute la demande de satisfaction eacutequitable pour le surplus
Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 12 octobre 2017 en application de
lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3 du regraveglement de la Cour
Abel CamposKristina Pardalos
GreffierPreacutesidente
Au preacutesent arrecirct se trouve joint conformeacutement aux articles 45 sect 2 de la Convention
et 74 sect 2 du regraveglement lrsquoexposeacute de lrsquoopinion seacutepareacutee du juge Wojtyczek
KP
AC
OPINION DISSIDENTE DU JUGE WOJTYCZEK
1 Je ne suis pas convaincu par la position de la majoriteacute dans la preacutesente affaire
2 Le requeacuterant fut renvoyeacute en jugement devant le tribunal de Trani le 16 juin 1998
Selon le Gouvernement son procegraves commenccedila le 27 mai 2001 avec la tenue de la
premiegravere audience Je note en passant que la majoriteacute en eacutetablissant les faits omet
complegravetement les deacuteveloppements qui ont eu lieu entre le 16 juin 1998 et 27 mai 2003
date de la premiegravere audience mentionneacutee dans la partie laquo circonstances de lrsquoespegravece raquo de
lrsquoarrecirct
Quoi qursquoil en soit on peut constater dans la preacutesente affaire un retard agrave juger le
requeacuterant ce qui semble en contradiction avec le droit agrave un procegraves dans un deacutelai
raisonnable Toutefois le requeacuterant nrsquoa pas preacutesenteacute de griefs relatifs agrave la dureacutee de la
proceacutedure La Cour nrsquoeacutetait donc pas compeacutetente pour examiner la question de la dureacutee
de la proceacutedure et agrave juste titre a deacutecideacute de ne pas examiner cette question
3 Le requeacuterant se plaint du manque drsquoeacutequiteacute de la proceacutedure meneacutee contre lui car le
teacutemoin clef de lrsquoaffaire nrsquoa pas eacuteteacute entendu pendant les deacutebats La majoriteacute constate agrave
juste titre que laquo CC plaignant et unique teacutemoin a eacuteteacute entendu par les carabiniers
mais qursquoil nrsquoa jamais comparu devant les juridictions du fond raquo (paragraphe 52 gras
ajouteacute)
Le manque alleacutegueacute drsquoeacutequiteacute du procegraves du fait de lrsquoabsence drsquoaudition du teacutemoin
devant le juge de fond doit ecirctre appreacutecieacute avant tout agrave la lumiegravere des eacutevegravenements qui
ont eu lieu apregraves son commencement Or dans la motivation de lrsquoarrecirct la majoriteacute se
penche au paragraphe 45 sur la phase drsquoinstruction qui a dureacute jusqursquoau 16 juin 1998
Le juge des investigations preacuteliminaires nrsquoest pas le juge de fond La motivation de
lrsquoarrecirct nrsquoexplique pas pourquoi les stades anteacuterieurs au procegraves seraient pertinents pour
appreacutecier le grief du requeacuterant alors que le paragraphe 52 met lrsquoaccent sur la
comparution du teacutemoin devant le juge de fond Peut-ecirctre la motivation se fonde-t-elle
implicitement sur lrsquoideacutee que lrsquoaudition du teacutemoin avant le procegraves devant un juge en
preacutesence de lrsquoaccuseacute aurait remeacutedieacute au problegraveme de lrsquoabsence drsquoaudition du teacutemoin
pendant le procegraves devant le juge de fond Si crsquoest le cas cette consideacuteration aurait ducirc
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ecirctre expliqueacutee dans le contexte drsquoune analyse deacutetailleacutee de la proceacutedure peacutenale italienne
et en particulier drsquoune analyse de la logique et de lrsquoenchaicircnement de ses diffeacuterents
stades
4 Agrave lrsquoaudience du 6 deacutecembre 2004 le procureur informa le tribunal que le teacutemoin
CC avait quitteacute le domicile familial depuis lrsquoanneacutee 2000 et qursquoil eacutetait depuis lors
introuvable Il indiqua eacutegalement qursquoun mandat drsquoarrecirct avait eacuteteacute deacutecerneacute agrave lrsquoencontre
de CC agrave la suite de sa condamnation par contumace dans le cadre drsquoune autre
proceacutedure peacutenale Ces alleacutegations nrsquoont pas eacuteteacute contesteacutees par le requeacuterant Il nrsquoest
donc pas exact de dire que laquo [a]u final lors du procegraves en 2003 soit plus de six ans apregraves
les faits les seules recherches effectueacutees par la police avaient eacuteteacute celles faites au
domicile des parents de CC raquo (paragraphe 45 in fine)
Si pendant plusieurs anneacutees les autoriteacutes italiennes ont tenteacute sans succegraves de
localiser et drsquoarrecircter CC pour lrsquoincarceacuterer agrave la suite drsquoune condamnation peacutenale dans
une autre affaire il est difficile de leur reprocher de nrsquoavoir pas pu assurer sa
comparution comme teacutemoin Il est difficile drsquoattendre raisonnablement encore plus de
diligence de la part de la juridiction devant laquelle la personne rechercheacutee doit
teacutemoigner
Dans la preacutesente affaire il y avait un obstacle objectif agrave lrsquoaudition du teacutemoin Le juge
avait lrsquoobligation de statuer sur le fondement des preuves disponibles et notamment
du teacutemoignage de CC recueilli avant le procegraves appreacutecieacutees agrave la lumiegravere du principe de
la libre appreacuteciation des preuves Les juridictions italiennes des diffeacuterents niveaux ont
soigneusement examineacute cette question Je ne vois pas de raison suffisante de me
deacutemarquer de leurs conclusions
5 Au paragraphe 50 la Cour laquo rappelle agrave nouveau que dans chaque affaire ougrave le
problegraveme de lrsquoeacutequiteacute de la proceacutedure se pose en rapport avec la deacuteposition drsquoun teacutemoin
absent il srsquoagit de savoir srsquoil existe des eacuteleacutements suffisamment compensateurs des
inconveacutenients que son admission fait subir agrave la deacutefense notamment des garanties
proceacutedurales solides permettant une appreacuteciation correcte et eacutequitable de la fiabiliteacute
drsquoune telle preuve raquo
En lrsquoespegravece le gouvernement italien dans ses observations eacutecrites a preacutesenteacute un
certain nombre drsquoeacuteleacutements qui selon lui compensaient les inconveacutenients subis par la
deacutefense La Cour eacutetait tenue drsquoappliquer le test eacutenonceacute au paragraphe 50 en appreacuteciant
si les eacuteleacutements mis en exergue par le Gouvernement eacutetaient pertinents et suffisants Or
la majoriteacute a deacutecideacute de ne pas reacutepondre aux arguments du Gouvernement Elle se
limite agrave affirmer au paragraphe 55 que laquo aussi rigoureux soit-il lrsquoexamen fait par le
juge du fond constitue un instrument de controcircle imparfait dans la mesure ougrave il ne
permet pas de disposer des eacuteleacutements pouvant ressortir drsquoune confrontation en
audience publique entre lrsquoaccuseacute et son accusateur raquo Le test eacutenonceacute nrsquoa pas eacuteteacute
appliqueacute par la Cour
Il est eacutevident qursquoen lrsquoabsence drsquoaudition drsquoun teacutemoin en audience publique on ne
peut pas disposer drsquoeacuteleacutements pouvant ressortir drsquoune confrontation entre lrsquoaccuseacute et
son accusateur Toutefois selon la meacutethodologie annonceacutee au paragraphe 50 la
question agrave trancher eacutetait celle de savoir srsquoil existait des eacuteleacutements qui avaient
suffisamment compenseacute les inconveacutenients que son admission avait fait subir agrave la
deacutefense
6 La preacutesente affaire permet de tirer un enseignement plus geacuteneacuteral Lrsquoeacutequiteacute du
procegraves peacutenal ne peut srsquoappreacutecier que dans le contexte de lrsquoensemble des regravegles qui
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reacutegissent la proceacutedure peacutenale et en particulier des principes fondamentaux qui
deacutefinissent le modegravele de proceacutedure peacutenale choisi La majoriteacute se reacutefegravere aux principes
eacutetablis dans lrsquoarrecirct Al-Khawaja et Tahery c Royaume-Uni ([GC] nos 2676605 et 2222806
CEDH 2011 auquel se trouve joint lrsquoexposeacute de lrsquoopinion concordante du juge Bratza et
de lrsquoopinion en partie concordante et en partie dissidente des juges Sajoacute et Karakaş) Je
note agrave cet eacutegard que les principes concernant lrsquoaudition des teacutemoins ont eacuteteacute eacutenonceacutes
dans cette affaire dans le contexte drsquoun procegraves fondeacute sur les principes du contradictoire
et du rocircle limiteacute du juge Les principes du procegraves eacutequitable eacutelaboreacutes pour de telles
proceacutedures peacutenales sont difficilement transposables agrave des proceacutedures peacutenales fondeacutees
sur le rocircle actif du juge avec de forts eacuteleacutements inquisitoires au stade du procegraves Agrave mon
avis la question de lrsquoeacutequiteacute du procegraves peacutenal doit ecirctre revisiteacutee par la Cour agrave la lumiegravere
des principes fondamentaux des diffeacuterentes proceacutedures peacutenales Je remarque dans ce
contexte que le rocircle actif du juge est en soi un eacuteleacutement qui peut compenser certaines
formes drsquoineacutegaliteacute des armes entre les parties ce qui a eacuteteacute mis en exergue agrave tregraves juste
titre dans lrsquoarrecirct Regner c Reacutepublique tchegraveque ([GC] no 3528911 sect 152 19 septembre
2017 auquel se trouve joint lrsquoopinion concordante du juge Wojtyczek lrsquoopinion en
partie dissidente commune aux juges Raimondi Sicilianos Spano Ravarani et Pastor
Vilanova lrsquoopinion en partie dissidente commune aux juges Lazarova Trajkovska et
Loacutepez Guerra lrsquoopinion en partie dissidente du juge Serghides et lrsquoopinion dissidente
du juge Sajoacute) Bien que ce dernier arrecirct concerne la proceacutedure administrative
contentieuse les consideacuterations exposeacutees dans sa motivation gardent leur pertinence
pour drsquoautres proceacutedures
Il faut rappeler que lrsquoeacutegaliteacute des armes et le respect des droits des parties ne sont pas
la finaliteacute ultime du droit mais lrsquoinstrument servant drsquoune part la digniteacute et
lrsquoautonomie individuelle et drsquoautre part la veacuteriteacute et la justice substantielle La question
essentielle est celle de savoir si les regravegles proceacutedurales envisageacutees comme un systegraveme
et appliqueacutees en lrsquoespegravece permettent drsquoaboutir dans le respect de la digniteacute de
lrsquohomme agrave une deacutecision fondeacutee sur la veacuteriteacute et drsquoeacuteviter les erreurs judiciaires
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()
d) interroger ou faire interroger les teacutemoins agrave charge et obtenir la convocation et
lrsquointerrogation des teacutemoins agrave deacutecharge dans les mecircmes conditions que les teacutemoins
agrave charge
() raquo
A Sur la recevabiliteacute
25 Le Gouvernement soutient que le requeacuterant en ayant omis de srsquoopposer pendant
les deacutebats agrave la lecture des deacuteclarations litigieuses ne srsquoest pas preacutevalu drsquoun remegravede
accessible adeacutequat et efficace offert en droit interne pour exclure ce mateacuteriel probatoire
du dossier du juge
26 Le requeacuterant conteste cet argument et soutient que mecircme srsquoil srsquoeacutetait opposeacute agrave la
lecture des deacuteclarations de CC celles-ci auraient de toute maniegravere eacuteteacute verseacutees au
dossier du juge
27 Srsquoagissant de la possibiliteacute pour le requeacuterant de srsquoopposer agrave la lecture des
deacuteclarations litigieuses la Cour rappelle que aux termes de sa jurisprudence ni la
lettre ni lrsquoesprit de lrsquoarticle 6 sectsect 1 et 3 d) de la Convention nrsquoempecircchent une personne
de renoncer de son plein greacute aux garanties drsquoun procegraves eacutequitable de maniegravere expresse
ou tacite mais que pareille renonciation doit ecirctre non eacutequivoque et ne se heurter agrave
aucun inteacuterecirct public important (Haringkansson et Sturesson c Suegravede 21 feacutevrier 1990 sect 66
seacuterie A no 171-A et Kwiatkowska c Italie (deacutec) no 5286899 30 novembre 2000)
28 En lrsquoespegravece la Cour note que les deacuteclarations litigieuses ont eacuteteacute utiliseacutees
conformeacutement agrave la loi interne agrave savoir lrsquoarticle 512 du CPP qui impose au juge
drsquoordonner la lecture et le versement au dossier des deacuteclarations ne pouvant pas ecirctre
reacuteiteacutereacutees en raison drsquoune impossibiliteacute objective ducircment prouveacutee Elle estime donc
qursquoune eacuteventuelle opposition du requeacuterant au versement au dossier des procegraves-
verbaux en question aurait eu peu de chances de succegraves En tout eacutetat de cause le fait de
ne pas avoir souleveacute drsquoexception formelle lors des deacutebats ne saurait ecirctre interpreacuteteacute
comme une renonciation tacite au droit drsquointerroger ou de faire interroger les teacutemoins agrave
charge (Craxi c Italie no 3489697 5 deacutecembre 2002 Bracci c Italie (deacutec) no 3682202 2
deacutecembre 2004 et Majadallah c Italie (deacutec) no 6209400 19 mai 2005)
29 Il srsquoensuit que lrsquoexception preacuteliminaire tireacutee du non-eacutepuisement des voies de
recours internes ou drsquoune renonciation tacite au droit invoqueacute devant la Cour ne peut
ecirctre accueillie favorablement
30 Constatant que cette requecircte nrsquoest pas manifestement mal fondeacutee au sens de
lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoelle ne se heurte par ailleurs agrave aucun autre
motif drsquoirrecevabiliteacute la Cour la deacuteclare recevable
B Sur le fond
1 Thegraveses des parties
31 Le requeacuterant allegravegue avoir eacuteteacute condamneacute sur la base de la deacuteposition faite aux
carabiniers par CC le plaignant en lrsquoabsence drsquoaudition de ce dernier lors des deacutebats
Il soutient qursquoaucune recherche nrsquoa eacuteteacute faite par les autoriteacutes pour retrouver CC
ailleurs qursquoagrave lrsquoadresse du domicile de ses parents Selon le requeacuterant eu eacutegard agrave
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lrsquoabsence de ce dernier agrave la plupart des dates fixeacutees pour la tenue drsquoune audience ad
hoc il eacutetait preacutevisible degraves 1997 qursquoil risquait de se soustraire aux deacutebats
32 Le requeacuterant soutient encore que contrairement aux arguments avanceacutes par le
Gouvernement quant au manque de caractegravere deacuteterminant des deacuteclarations de CC sa
condamnation eacutetait bel et bien fondeacutee exclusivement sur lesdites affirmations Il ajoute
srsquoecirctre preacutevalu pendant les deacutebats de la faculteacute de garder le silence
33 Le Gouvernement considegravere que lrsquoadmission comme preuve des deacuteclarations
faites par CC aux carabiniers eacutetait reconnue en droit interne Il estime que les
dispositions en cause ont eacuteteacute interpreacuteteacutees par les juridictions internes de maniegravere
conforme agrave la Convention Il cite en particulier un arrecirct no 27918 rendu le 14 juillet
2011 par les sections reacuteunies de la Cour de cassation selon lequel les deacuteclarations drsquoun
teacutemoin absent doivent ecirctre eacutevalueacutees avec la prudence neacutecessaire par le biais non
seulement drsquoun examen de la creacutedibiliteacute subjective et objective de celui-ci mais aussi
par celui de la confrontation de sa deacuteposition avec les autres eacuteleacutements preacutesenteacutes aux
deacutebats
34 De lrsquoavis du Gouvernement la preacutesente affaire est similaire agrave lrsquoaffaire Ben
Moumen c Italie (no 397713 23 juin 2016) dans laquelle la Cour a conclu agrave la non-
violation de lrsquoarticle 6 de la Convention
35 Le Gouvernement explique que afin de valider la preuve principale agrave charge ndash agrave
savoir le teacutemoignage de CC ndash le tribunal a pris en consideacuteration drsquoautres preuves
telles que les deacuteclarations du carabinier LR ayant enregistreacute la plainte de CC et ayant
effectueacute la proceacutedure de reconnaissance photographique du requeacuterant et de son
coiumlnculpeacute
36 Il argue que dans les circonstances de la cause on ne peut estimer que la
deacuteposition de CC a constitueacute le fondement unique ou deacuteterminant de la
condamnation du requeacuterant Il preacutecise que ce dernier a par ailleurs eu la possibiliteacute
drsquointerroger son coiumlnculpeacute qursquoil ne lrsquoa pas fait et qursquoil nrsquoa pas non plus produit
drsquoeacuteleacutement utile agrave sa deacutefense Il ajoute que les juridictions internes ont attentivement
eacutevalueacute lrsquoexistence drsquoeacuteventuelles relations entre CC et le requeacuterant Il considegravere donc
que lrsquoadmission de la deacuteposition de CC a eacuteteacute contrebalanceacutee par des garanties
proceacutedurales suffisantes
2 Appreacuteciation de la Cour
a) Principes geacuteneacuteraux
37 La Cour rappelle que les exigences du paragraphe 3 de lrsquoarticle 6 de la
Convention repreacutesentent des aspects particuliers du droit agrave un procegraves eacutequitable garanti
par le paragraphe 1 de cette disposition Lorsqursquoelle examine un grief tireacute de lrsquoarticle 6
elle doit essentiellement deacuteterminer si la proceacutedure peacutenale a revecirctu un caractegravere
eacutequitable (voir parmi beaucoup drsquoautres Taxquet c Belgique [GC] no 92605 sect 84
CEDH 2010) Pour ce faire elle envisage la proceacutedure dans son ensemble et veacuterifie le
respect non seulement des droits de la deacutefense mais aussi de lrsquointeacuterecirct du public et des
victimes agrave ce que les auteurs de lrsquoinfraction soient ducircment poursuivis (Gaumlfgen c
Allemagne [GC] no 2297805 sect 175 CEDH 2010) et si neacutecessaire des droits des teacutemoins
(voir parmi beaucoup drsquoautres Doorson c Pays-Bas 26 mars 1996 sect 70 Recueil des arrecircts
et deacutecisions 1996-II et Al-Khawaja et Tahery c Royaume-Uni [GC] nos 2676605 et
2222806 sect 118 CEDH 2011) Elle rappelle eacutegalement que dans ce contexte la
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recevabiliteacute des preuves relegraveve des regravegles du droit interne et des juridictions nationales
et que sa seule tacircche consiste agrave deacuteterminer si la proceacutedure a eacuteteacute eacutequitable (Gaumlfgen
preacuteciteacute sect 162 et les arrecircts qui y sont citeacutes)
38 Lrsquoarticle 6 sect 3 d) consacre le principe selon lequel avant qursquoun accuseacute puisse ecirctre
deacuteclareacute coupable tous les eacuteleacutements agrave charge doivent en principe ecirctre produits devant
lui en audience publique en vue drsquoun deacutebat contradictoire Ce principe ne va pas sans
exceptions mais on ne peut les accepter que sous reacuteserve des droits de la deacutefense en
regravegle geacuteneacuterale ceux-ci commandent de donner agrave lrsquoaccuseacute une possibiliteacute adeacutequate et
suffisante de contester les teacutemoignages agrave charge et drsquoen interroger les auteurs soit au
moment de leur deacuteposition soit agrave un stade ulteacuterieur (Lucagrave c Italie no 3335496 sect 39
CEDH 2001-II et Solakov c lrsquoex-Reacutepublique yougoslave de Maceacutedoine no 4702399 sect 57
CEDH 2001-X)
39 Eu eacutegard aux principes eacutetablis dans lrsquoarrecirct de Grande Chambre Al-Khawaja et
Tahery (preacuteciteacute) la Cour doit successivement examiner si lrsquoimpossibiliteacute pour la deacutefense
drsquointerroger ou de faire interroger un teacutemoin agrave charge eacutetait justifieacutee par un motif
seacuterieux si les deacutepositions du teacutemoin absent ont constitueacute la preuve unique ou
deacuteterminante de la culpabiliteacute du requeacuterant et enfin srsquoil existait des eacuteleacutements
suffisamment compensateurs des inconveacutenients lieacutes agrave lrsquoadmission drsquoune telle preuve
pour permettre une appreacuteciation correcte et eacutequitable de sa fiabiliteacute (Vronchenko c
Estonie no 5963209 sect 57 18 juillet 2013)
40 Ces principes ont eacuteteacute expliciteacutes dans lrsquoarrecirct Schatschaschwili c
Allemagne (no 915410 sectsect 111-131 CEDH 2015) dans lequel la Grande Chambre a
confirmeacute que lrsquoabsence de motif seacuterieux justifiant la non-comparution drsquoun teacutemoin ne
pouvait en elle-mecircme rendre un procegraves ineacutequitable que cela eacutetant le manque de
motif seacuterieux justifiant lrsquoabsence drsquoun teacutemoin agrave charge constituait un eacuteleacutement de poids
srsquoagissant drsquoappreacutecier lrsquoeacutequiteacute globale drsquoun procegraves et que pareil eacuteleacutement eacutetait
susceptible de faire pencher la balance en faveur drsquoun constat de violation de lrsquoarticle 6
sectsect 1 et 3 d) De plus le souci de la Cour eacutetant de srsquoassurer que la proceacutedure dans son
ensemble a eacuteteacute eacutequitable elle doit veacuterifier srsquoil existait des eacuteleacutements compensateurs
suffisants non seulement dans les affaires ougrave les deacuteclarations drsquoun teacutemoin absent
constituaient le fondement unique ou deacuteterminant de la condamnation de lrsquoaccuseacute
mais aussi dans celles ougrave elle juge difficile de discerner si ces eacuteleacutements constituaient la
preuve unique ou deacuteterminante mais est neacuteanmoins convaincue qursquoils revecirctaient un
poids certain et que leur admission pouvait avoir causeacute des difficulteacutes agrave la deacutefense La
porteacutee des facteurs compensateurs neacutecessaires pour que le procegraves soit consideacutereacute
comme eacutequitable deacutepend de lrsquoimportance que revecirctent les deacuteclarations du teacutemoin
absent Plus cette importance est grande plus les eacuteleacutements compensateurs devront ecirctre
solides afin que la proceacutedure dans son ensemble soit consideacutereacutee comme eacutequitable
b) Application de ces principes en lrsquoespegravece
i Sur le point de savoir si lrsquoabsence de CC au procegraves se justifiait par un motif seacuterieux
41 La Cour observe que en lrsquoespegravece la non-comparution de CC qui a ameneacute le
tribunal agrave admettre ses deacuteclarations agrave titre de preuve srsquoexpliquait par lrsquoimpossibiliteacute
pour les autoriteacutes drsquoentrer en contact avec lui En effet celles-ci avaient agrave plusieurs
reprises et en vain essayeacute de lui notifier la citation agrave comparaicirctre au domicile qursquoil avait
indiqueacute (celui de ses parents) et il ne srsquoeacutetait pas preacutesenteacute ni aux audiences ad
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hoc exception faite pour lrsquoaudience du 28 janvier 1997 qui nrsquoeut pas lieu en raison de
lrsquoabsence du procureur (voir paragraphe 9 ci-dessus) ni agrave lrsquoaudience du 27 mai 2003
qui devait ecirctre consacreacutee agrave son audition (paragraphe 12 ci-dessus)
42 La Cour rappelle que lorsque lrsquoabsence du teacutemoin srsquoexplique par la raison
eacutevoqueacutee en lrsquoespegravece elle exige du tribunal du fond qursquoil ait fait tout ce que lrsquoon pouvait
raisonnablement attendre de lui pour assurer la comparution de lrsquointeacuteresseacute (Gabrielyan
c Armeacutenie no 808805 sect 78 10 avril 2012 Tseber c Reacutepublique tchegraveque no 4620308 sect 48
22 novembre 2012 et Kostecki c Pologne no 1493209 sectsect 65-66 4 juin 2013)
Lrsquoimpossibiliteacute pour les juridictions internes drsquoentrer en contact avec le teacutemoin
concerneacute ou le fait que celui-ci a quitteacute le territoire du pays dans lequel lrsquoinstance est
conduite ont eacuteteacute jugeacutes insuffisants en soi pour satisfaire agrave lrsquoarticle 6 sect 3 d) lequel exige
des Eacutetats contractants qursquoils prennent des mesures positives pour permettre agrave lrsquoaccuseacute
drsquointerroger ou de faire interroger les teacutemoins agrave charge (Gabrielyan preacuteciteacute sect 81 Tseber
preacuteciteacute sect 48 et Lučić c Croatie no 569911 sect 79 27 feacutevrier 2014)
43 Pareilles mesures relegravevent de la diligence que les Eacutetats contractants doivent
deacuteployer pour assurer la jouissance effective des droits garantis par lrsquoarticle 6 de la
Convention (Gabrielyan preacuteciteacute sect 81) faute de quoi lrsquoabsence du teacutemoin est imputable
aux autoriteacutes internes (Tseber preacuteciteacute sect 48 Lučić preacuteciteacute sect 79
etSchatschaschwili preacuteciteacute sect 120)
44 Pour que les autoriteacutes soient consideacutereacutees comme ayant deacuteployeacute tous les efforts
raisonnables pour assurer la comparution drsquoun teacutemoin il faut aussi que les tribunaux
internes aient proceacutedeacute agrave un controcircle minutieux des raisons donneacutees pour justifier
lrsquoincapaciteacute du teacutemoin agrave assister au procegraves en tenant compte de la situation particuliegravere
de lrsquointeacuteresseacute (Nechto c Russie no 2489305 sect 127 24 janvier 2012 Damir Sibgatullin c
Russie no 141305 sect 56 24 avril 2012 Yevgeniy Ivanov c Russie no 2710003 sect 47 25
avril 2013 et Schatschaschwili preacuteciteacute sect 122)
45 Force est de constater que en lrsquoespegravece les tribunaux internes se sont borneacutes agrave
indiquer que lrsquoabsence de CC nrsquoeacutetait pas preacutevisible et que les recherches meneacutees pour
le retrouver avaient eacuteteacute vaines (paragraphes 10 12 et 17 ci-dessus) Le tribunal a exclu
la possibiliteacute drsquoeffectuer des recherches suppleacutementaires En 1997 et en 1998 CC a eacuteteacute
citeacute agrave comparaicirctre en vue de la tenue drsquoune audience ad hoc destineacutee agrave recueillir son
teacutemoignage et agrave effectuer une reconnaissance du requeacuterant Il ne srsquoest preacutesenteacute qursquoagrave
une seule audience ad hoc laquelle a eacuteteacute reporteacutee en raison de lrsquoabsence du substitut du
procureur Ensuite agrave lrsquoaudience du 22 septembre 1997 le juge a indiqueacute que CC ne
vivant plus au domicile de ses parents nrsquoavait pas reccedilu notification de la citation agrave
comparaicirctre Au final lors du procegraves en 2003 soit plus de six ans apregraves les faits les
seules recherches effectueacutees par la police avaient eacuteteacute celles faites au domicile des
parents de CC
46 Dans ces circonstances et compte tenu eacutegalement du long laps de temps eacutecouleacute
entre les faits et le procegraves la Cour estime que le Gouvernement nrsquoa pas deacutemontreacute que
les juridictions italiennes ont deacuteployeacute tous les efforts que lrsquoon pouvait raisonnablement
attendre drsquoelles pour assurer la comparution de CC ( voir paragraphes 9 et 41 ci-
dessus) (voir mutatis mutandis Rudnichenko preacuteciteacute sectsect 105-109 ougrave la Cour a conclu
que la restriction apporteacutee au droit du requeacuterant de faire interroger un teacutemoin absent
ne reposait sur aucun motif valable ou non apregraves avoir notamment observeacute qursquoaucune
mesure nrsquoavait eacuteteacute prise pour faire en sorte que le teacutemoin litigieux pucirct comparaicirctre et
ecirctre interrogeacute)
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47 Cependant comme observeacute plus haut (paragraphe 40 ci-dessus) mecircme si elle
constitue un eacuteleacutement de poids pour appreacutecier lrsquoeacutequiteacute globale du procegraves lrsquoabsence de
motif seacuterieux justifiant la non-comparution de CC nrsquoest pas en soi constitutive drsquoune
violation de lrsquoarticle 6 de la Convention La Cour examinera donc si la deacuteposition de
CC constituait le fondement unique ou deacuteterminant de la condamnation du requeacuterant
et srsquoil existait des eacuteleacutements compensateurs suffisants pour contrebalancer les difficulteacutes
que lrsquoimpossibiliteacute de contre-interroger ce teacutemoin a causeacutees agrave la deacutefense
ii Lrsquoimportance de la deacuteposition de CC pour la condamnation du requeacuterant
48 La Cour constate que les juges nationaux ont fondeacute la condamnation du
requeacuterant exclusivement ou du moins dans une mesure deacuteterminante sur les
deacuteclarations faites par CC lors du deacutepocirct de sa plainte en 1996
49 Srsquoil est vrai comme le reconnait le Gouvernement que le tribunal a pris en
consideacuteration les deacuteclarations du carabinier LR ayant enregistreacute la plainte de CC et
ayant effectueacute la proceacutedure de reconnaissance photographique du requeacuterant et de son
coiumlnculpeacute afin de valider la preuve principale la Cour note toutefois qursquoaucune
confrontation directe nrsquoa pu avoir lieu entre le requeacuterant et son accusateur ni pendant
le procegraves ni au stade de lrsquoenquecircte preacuteliminaire En particulier au cours de celle-ci CC
ne srsquoest pas preacutesenteacute agrave lrsquoaudience ad hoc qui srsquoest tenue devant le GIP en preacutesence des
avocats de la deacutefense La Cour reacuteaffirme que le caractegravere unique de la preuve pegravese
lourd dans la balance et qursquoil appelle des eacuteleacutements suffisamment compensateurs des
difficulteacutes que son admission fait subir agrave la deacutefense (Al-Khawaja et Tahery preacuteciteacute sect
161)
iii Les garanties proceacutedurales pour contrebalancer les difficulteacutes causeacutees agrave la deacutefense
50 La Cour rappelle agrave nouveau que dans chaque affaire ougrave le problegraveme de lrsquoeacutequiteacute
de la proceacutedure se pose en rapport avec la deacuteposition drsquoun teacutemoin absent il srsquoagit de
savoir srsquoil existe des eacuteleacutements suffisamment compensateurs des inconveacutenients que son
admission fait subir agrave la deacutefense notamment des garanties proceacutedurales solides
permettant une appreacuteciation correcte et eacutequitable de la fiabiliteacute drsquoune telle preuve
Lrsquoexamen de cette question permet de veacuterifier si la deacuteposition du teacutemoin absent est
suffisamment fiable compte tenu de son importance dans la cause pour qursquoune
condamnation puisse ecirctre prononceacutee (Al-Khawaja et Tahery preacuteciteacute sect 147)
51 La Cour rappelle aussi que dans ce contexte le droit drsquointerroger ou de faire
interroger les teacutemoins agrave charge constitue une garantie du droit agrave lrsquoeacutequiteacute de la
proceacutedure en ce que non seulement il vise lrsquoeacutegaliteacute des armes entre lrsquoaccusation et la
deacutefense mais encore il fournit agrave la deacutefense et au systegraveme judiciaire un instrument
essentiel de controcircle de la creacutedibiliteacute et de la fiabiliteacute des deacutepositions incriminantes et
par-lagrave du bien-fondeacute des chefs drsquoaccusation (Tseber preacuteciteacute sect 59 etSică c Roumanie
no 1203605 sect 69 9 juillet 2013)
52 Dans la preacutesente affaire la Cour observe que CC plaignant et unique teacutemoin a
eacuteteacute entendu par les carabiniers mais qursquoil nrsquoa jamais comparu devant les juridictions
du fond Ni les juges du fond ni le requeacuterant ou son repreacutesentant nrsquoont donc pu
lrsquoobserver pendant son audition pour appreacutecier sa creacutedibiliteacute et la fiabiliteacute de sa
deacuteposition (Tseber preacuteciteacute sect 60 Sică preacuteciteacute sect 70 Vronchenko c Estonie no 5963209 sect
65 18 juillet 2013 et Rosin c Estonie no 2654008 sect 62 19 deacutecembre 2013)
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53 La Cour relegraveve ensuite que les juridictions internes se sont appuyeacutees en sus des
deacuteclarations litigieuses sur le teacutemoignage du carabinier LR qui avait relateacute au
tribunal lors de lrsquoaudience du 6 deacutecembre 2004 les modaliteacutes du deacuteroulement de la
reconnaissance photographique de lrsquointeacuteresseacute et de son coiumlnculpeacute
54 La Cour relegraveve en outre que la cour drsquoappel a eacutevalueacute avec soin la creacutedibiliteacute de
CC observant qursquoil nrsquoavait aucune raison drsquoaccuser le requeacuterant et que avant les faits
deacutelictueux il ne le connaissait pas Ces eacuteleacutements ont ameneacute la cour drsquoappel agrave
consideacuterer que CC nrsquoavait pas drsquointeacuterecirct agrave deacuteposer ainsi et que ses deacuteclarations eacutetaient
donc suffisamment fiables
55 Cela eacutetant la Cour se doit de rappeler qursquoun tel examen ne saurait agrave lui seul
compenser lrsquoabsence drsquointerrogation du teacutemoin par la deacutefense (Damir Sibgatullin c
Russie no 141305 sect 57 24 avril 2012) En effet aussi rigoureux soit-il lrsquoexamen fait par
le juge du fond constitue un instrument de controcircle imparfait dans la mesure ougrave il ne
permet pas de disposer des eacuteleacutements pouvant ressortir drsquoune confrontation en
audience publique entre lrsquoaccuseacute et son accusateur (Tseber preacuteciteacute sect 65 etRiahi c
Belgique no 6540010 sect 41 14 juin 2016)
56 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour estime que le caractegravere deacuteterminant des
deacutepositions de CC en lrsquoabsence de confrontation avec le requeacuterant en audience
publique emporte la conclusion que les juridictions internes aussi rigoureux qursquoait eacuteteacute
leur examen nrsquoont pas pu appreacutecier correctement et eacutequitablement la fiabiliteacute de cette
preuve
57 Par conseacutequent consideacuterant lrsquoeacutequiteacute de la proceacutedure dans son ensemble la Cour
juge que les droits de la deacutefense du requeacuterant ont ainsi subi une limitation
incompatible avec les exigences drsquoun procegraves eacutequitable Partant il y a eu violation de
lrsquoarticle 6 sectsect 1 et 3 d) de la Convention
II SUR LrsquoAPPLICATION DE LrsquoARTICLE 41 DE LA CONVENTION
58 Aux termes de lrsquoarticle 41 de la Convention
laquo Si la Cour deacuteclare qursquoil y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles
et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet drsquoeffacer
qursquoimparfaitement les conseacutequences de cette violation la Cour accorde agrave la partie
leacuteseacutee srsquoil y a lieu une satisfaction eacutequitable raquo
A Dommage
59 Le requeacuterant reacuteclame agrave titre de dommage mateacuteriel 200 euros (EUR) par mois de
deacutetention soit un total de 3 200 EUR pour la peacuteriode drsquoun an et quatre mois qursquoil a
passeacutee en prison En outre il demande 100 000 EUR pour preacutejudice moral
60 Le Gouvernement est drsquoavis que les demandes du requeacuterant sont exorbitantes et
totalement deacutenueacutees de fondement
61 La Cour nrsquoaperccediloit pas de lien de causaliteacute entre la violation constateacutee et le
dommage mateacuteriel alleacutegueacute et rejette cette demande En revanche elle estime que le
requeacuterant a subi un preacutejudice moral certain auquel le constat de violation figurant
dans le preacutesent arrecirct (paragraphe 57 ci-dessus) ne suffit pas agrave remeacutedier La Cour
rappelle que lorsqursquoelle conclut que la condamnation drsquoun requeacuterant a eacuteteacute prononceacutee
malgreacute lrsquoexistence drsquoune atteinte aux exigences drsquoeacutequiteacute de la proceacutedure un nouveau
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procegraves ou une reacuteouverture de la proceacutedure agrave la demande de lrsquointeacuteresseacute repreacutesente en
principe un moyen approprieacute de redresser la violation constateacutee (voirmutatis
mutandis Somogyi c Italie no 6797201 sect 86 CEDH 2004-IV Krasniki c Reacutepublique
tchegraveque no 5127799 sect 93 28 feacutevrier 2006 et Tseber preacuteciteacute sect 75) Eu eacutegard aux
circonstances de la cause et statuant en eacutequiteacute comme le veut lrsquoarticle 41 de la
Convention elle deacutecide toutefois drsquooctroyer agrave lrsquointeacuteresseacute la somme de 3 000 EUR
B Frais et deacutepens
62 Justificatifs agrave lrsquoappui le requeacuterant demande eacutegalement 10 080 EUR en
remboursement des frais et deacutepens engageacutes devant les juridictions internes et 4 920
EUR en remboursement de ceux engageacutes devant la Cour
63 Le Gouvernement conteste ces demandes arguant que la preuve de
lrsquoengagement reacuteel des frais et deacutepens reacuteclameacutes nrsquoa pas eacuteteacute rapporteacutee
64 Selon la jurisprudence de la Cour un requeacuterant ne peut obtenir le
remboursement de ses frais et deacutepens que dans la mesure ougrave se trouvent eacutetablis leur
reacutealiteacute leur neacutecessiteacute et le caractegravere raisonnable de leur taux En lrsquoespegravece compte tenu
des documents dont elle dispose et de sa jurisprudence la Cour estime raisonnable la
somme de 10 000 EUR tous frais confondus et lrsquoaccorde au requeacuterant
C Inteacuterecircts moratoires
65 La Cour juge approprieacute de calquer le taux des inteacuterecircts moratoires sur le taux
drsquointeacuterecirct de la faciliteacute de precirct marginal de la Banque centrale europeacuteenne majoreacute de
trois points de pourcentage
PAR CES MOTIFS LA COUR
1 Deacuteclare agrave lrsquounanimiteacute la requecircte recevable
2 Dit par six voix contre une qursquoil y a eu violation de lrsquoarticle 6 sectsect 1 et 3 d) de la
Convention
3 Dit par six voix contre une
a) que lrsquoEacutetat deacutefendeur doit verser au requeacuterant dans les trois mois agrave compter du
jour ougrave lrsquoarrecirct sera devenu deacutefinitif conformeacutement agrave lrsquoarticle 44 sect 2 de la
Convention les sommes suivantes
i 3 000 EUR (trois mille euros) plus tout montant pouvant ecirctre ducirc agrave titre
drsquoimpocirct pour dommage moral
ii 10 000 EUR (dix mille euros) plus tout montant pouvant ecirctre ducirc par le
requeacuterant agrave titre drsquoimpocirct pour frais et deacutepens
b) qursquoagrave compter de lrsquoexpiration dudit deacutelai et jusqursquoau versement ces montants
seront agrave majorer drsquoun inteacuterecirct simple agrave un taux eacutegal agrave celui de la faciliteacute de precirct
marginal de la Banque centrale europeacuteenne applicable pendant cette peacuteriode
augmenteacute de trois points de pourcentage
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4 Rejette agrave lrsquounanimiteacute la demande de satisfaction eacutequitable pour le surplus
Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 12 octobre 2017 en application de
lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3 du regraveglement de la Cour
Abel CamposKristina Pardalos
GreffierPreacutesidente
Au preacutesent arrecirct se trouve joint conformeacutement aux articles 45 sect 2 de la Convention
et 74 sect 2 du regraveglement lrsquoexposeacute de lrsquoopinion seacutepareacutee du juge Wojtyczek
KP
AC
OPINION DISSIDENTE DU JUGE WOJTYCZEK
1 Je ne suis pas convaincu par la position de la majoriteacute dans la preacutesente affaire
2 Le requeacuterant fut renvoyeacute en jugement devant le tribunal de Trani le 16 juin 1998
Selon le Gouvernement son procegraves commenccedila le 27 mai 2001 avec la tenue de la
premiegravere audience Je note en passant que la majoriteacute en eacutetablissant les faits omet
complegravetement les deacuteveloppements qui ont eu lieu entre le 16 juin 1998 et 27 mai 2003
date de la premiegravere audience mentionneacutee dans la partie laquo circonstances de lrsquoespegravece raquo de
lrsquoarrecirct
Quoi qursquoil en soit on peut constater dans la preacutesente affaire un retard agrave juger le
requeacuterant ce qui semble en contradiction avec le droit agrave un procegraves dans un deacutelai
raisonnable Toutefois le requeacuterant nrsquoa pas preacutesenteacute de griefs relatifs agrave la dureacutee de la
proceacutedure La Cour nrsquoeacutetait donc pas compeacutetente pour examiner la question de la dureacutee
de la proceacutedure et agrave juste titre a deacutecideacute de ne pas examiner cette question
3 Le requeacuterant se plaint du manque drsquoeacutequiteacute de la proceacutedure meneacutee contre lui car le
teacutemoin clef de lrsquoaffaire nrsquoa pas eacuteteacute entendu pendant les deacutebats La majoriteacute constate agrave
juste titre que laquo CC plaignant et unique teacutemoin a eacuteteacute entendu par les carabiniers
mais qursquoil nrsquoa jamais comparu devant les juridictions du fond raquo (paragraphe 52 gras
ajouteacute)
Le manque alleacutegueacute drsquoeacutequiteacute du procegraves du fait de lrsquoabsence drsquoaudition du teacutemoin
devant le juge de fond doit ecirctre appreacutecieacute avant tout agrave la lumiegravere des eacutevegravenements qui
ont eu lieu apregraves son commencement Or dans la motivation de lrsquoarrecirct la majoriteacute se
penche au paragraphe 45 sur la phase drsquoinstruction qui a dureacute jusqursquoau 16 juin 1998
Le juge des investigations preacuteliminaires nrsquoest pas le juge de fond La motivation de
lrsquoarrecirct nrsquoexplique pas pourquoi les stades anteacuterieurs au procegraves seraient pertinents pour
appreacutecier le grief du requeacuterant alors que le paragraphe 52 met lrsquoaccent sur la
comparution du teacutemoin devant le juge de fond Peut-ecirctre la motivation se fonde-t-elle
implicitement sur lrsquoideacutee que lrsquoaudition du teacutemoin avant le procegraves devant un juge en
preacutesence de lrsquoaccuseacute aurait remeacutedieacute au problegraveme de lrsquoabsence drsquoaudition du teacutemoin
pendant le procegraves devant le juge de fond Si crsquoest le cas cette consideacuteration aurait ducirc
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ecirctre expliqueacutee dans le contexte drsquoune analyse deacutetailleacutee de la proceacutedure peacutenale italienne
et en particulier drsquoune analyse de la logique et de lrsquoenchaicircnement de ses diffeacuterents
stades
4 Agrave lrsquoaudience du 6 deacutecembre 2004 le procureur informa le tribunal que le teacutemoin
CC avait quitteacute le domicile familial depuis lrsquoanneacutee 2000 et qursquoil eacutetait depuis lors
introuvable Il indiqua eacutegalement qursquoun mandat drsquoarrecirct avait eacuteteacute deacutecerneacute agrave lrsquoencontre
de CC agrave la suite de sa condamnation par contumace dans le cadre drsquoune autre
proceacutedure peacutenale Ces alleacutegations nrsquoont pas eacuteteacute contesteacutees par le requeacuterant Il nrsquoest
donc pas exact de dire que laquo [a]u final lors du procegraves en 2003 soit plus de six ans apregraves
les faits les seules recherches effectueacutees par la police avaient eacuteteacute celles faites au
domicile des parents de CC raquo (paragraphe 45 in fine)
Si pendant plusieurs anneacutees les autoriteacutes italiennes ont tenteacute sans succegraves de
localiser et drsquoarrecircter CC pour lrsquoincarceacuterer agrave la suite drsquoune condamnation peacutenale dans
une autre affaire il est difficile de leur reprocher de nrsquoavoir pas pu assurer sa
comparution comme teacutemoin Il est difficile drsquoattendre raisonnablement encore plus de
diligence de la part de la juridiction devant laquelle la personne rechercheacutee doit
teacutemoigner
Dans la preacutesente affaire il y avait un obstacle objectif agrave lrsquoaudition du teacutemoin Le juge
avait lrsquoobligation de statuer sur le fondement des preuves disponibles et notamment
du teacutemoignage de CC recueilli avant le procegraves appreacutecieacutees agrave la lumiegravere du principe de
la libre appreacuteciation des preuves Les juridictions italiennes des diffeacuterents niveaux ont
soigneusement examineacute cette question Je ne vois pas de raison suffisante de me
deacutemarquer de leurs conclusions
5 Au paragraphe 50 la Cour laquo rappelle agrave nouveau que dans chaque affaire ougrave le
problegraveme de lrsquoeacutequiteacute de la proceacutedure se pose en rapport avec la deacuteposition drsquoun teacutemoin
absent il srsquoagit de savoir srsquoil existe des eacuteleacutements suffisamment compensateurs des
inconveacutenients que son admission fait subir agrave la deacutefense notamment des garanties
proceacutedurales solides permettant une appreacuteciation correcte et eacutequitable de la fiabiliteacute
drsquoune telle preuve raquo
En lrsquoespegravece le gouvernement italien dans ses observations eacutecrites a preacutesenteacute un
certain nombre drsquoeacuteleacutements qui selon lui compensaient les inconveacutenients subis par la
deacutefense La Cour eacutetait tenue drsquoappliquer le test eacutenonceacute au paragraphe 50 en appreacuteciant
si les eacuteleacutements mis en exergue par le Gouvernement eacutetaient pertinents et suffisants Or
la majoriteacute a deacutecideacute de ne pas reacutepondre aux arguments du Gouvernement Elle se
limite agrave affirmer au paragraphe 55 que laquo aussi rigoureux soit-il lrsquoexamen fait par le
juge du fond constitue un instrument de controcircle imparfait dans la mesure ougrave il ne
permet pas de disposer des eacuteleacutements pouvant ressortir drsquoune confrontation en
audience publique entre lrsquoaccuseacute et son accusateur raquo Le test eacutenonceacute nrsquoa pas eacuteteacute
appliqueacute par la Cour
Il est eacutevident qursquoen lrsquoabsence drsquoaudition drsquoun teacutemoin en audience publique on ne
peut pas disposer drsquoeacuteleacutements pouvant ressortir drsquoune confrontation entre lrsquoaccuseacute et
son accusateur Toutefois selon la meacutethodologie annonceacutee au paragraphe 50 la
question agrave trancher eacutetait celle de savoir srsquoil existait des eacuteleacutements qui avaient
suffisamment compenseacute les inconveacutenients que son admission avait fait subir agrave la
deacutefense
6 La preacutesente affaire permet de tirer un enseignement plus geacuteneacuteral Lrsquoeacutequiteacute du
procegraves peacutenal ne peut srsquoappreacutecier que dans le contexte de lrsquoensemble des regravegles qui
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reacutegissent la proceacutedure peacutenale et en particulier des principes fondamentaux qui
deacutefinissent le modegravele de proceacutedure peacutenale choisi La majoriteacute se reacutefegravere aux principes
eacutetablis dans lrsquoarrecirct Al-Khawaja et Tahery c Royaume-Uni ([GC] nos 2676605 et 2222806
CEDH 2011 auquel se trouve joint lrsquoexposeacute de lrsquoopinion concordante du juge Bratza et
de lrsquoopinion en partie concordante et en partie dissidente des juges Sajoacute et Karakaş) Je
note agrave cet eacutegard que les principes concernant lrsquoaudition des teacutemoins ont eacuteteacute eacutenonceacutes
dans cette affaire dans le contexte drsquoun procegraves fondeacute sur les principes du contradictoire
et du rocircle limiteacute du juge Les principes du procegraves eacutequitable eacutelaboreacutes pour de telles
proceacutedures peacutenales sont difficilement transposables agrave des proceacutedures peacutenales fondeacutees
sur le rocircle actif du juge avec de forts eacuteleacutements inquisitoires au stade du procegraves Agrave mon
avis la question de lrsquoeacutequiteacute du procegraves peacutenal doit ecirctre revisiteacutee par la Cour agrave la lumiegravere
des principes fondamentaux des diffeacuterentes proceacutedures peacutenales Je remarque dans ce
contexte que le rocircle actif du juge est en soi un eacuteleacutement qui peut compenser certaines
formes drsquoineacutegaliteacute des armes entre les parties ce qui a eacuteteacute mis en exergue agrave tregraves juste
titre dans lrsquoarrecirct Regner c Reacutepublique tchegraveque ([GC] no 3528911 sect 152 19 septembre
2017 auquel se trouve joint lrsquoopinion concordante du juge Wojtyczek lrsquoopinion en
partie dissidente commune aux juges Raimondi Sicilianos Spano Ravarani et Pastor
Vilanova lrsquoopinion en partie dissidente commune aux juges Lazarova Trajkovska et
Loacutepez Guerra lrsquoopinion en partie dissidente du juge Serghides et lrsquoopinion dissidente
du juge Sajoacute) Bien que ce dernier arrecirct concerne la proceacutedure administrative
contentieuse les consideacuterations exposeacutees dans sa motivation gardent leur pertinence
pour drsquoautres proceacutedures
Il faut rappeler que lrsquoeacutegaliteacute des armes et le respect des droits des parties ne sont pas
la finaliteacute ultime du droit mais lrsquoinstrument servant drsquoune part la digniteacute et
lrsquoautonomie individuelle et drsquoautre part la veacuteriteacute et la justice substantielle La question
essentielle est celle de savoir si les regravegles proceacutedurales envisageacutees comme un systegraveme
et appliqueacutees en lrsquoespegravece permettent drsquoaboutir dans le respect de la digniteacute de
lrsquohomme agrave une deacutecision fondeacutee sur la veacuteriteacute et drsquoeacuteviter les erreurs judiciaires
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lrsquoabsence de ce dernier agrave la plupart des dates fixeacutees pour la tenue drsquoune audience ad
hoc il eacutetait preacutevisible degraves 1997 qursquoil risquait de se soustraire aux deacutebats
32 Le requeacuterant soutient encore que contrairement aux arguments avanceacutes par le
Gouvernement quant au manque de caractegravere deacuteterminant des deacuteclarations de CC sa
condamnation eacutetait bel et bien fondeacutee exclusivement sur lesdites affirmations Il ajoute
srsquoecirctre preacutevalu pendant les deacutebats de la faculteacute de garder le silence
33 Le Gouvernement considegravere que lrsquoadmission comme preuve des deacuteclarations
faites par CC aux carabiniers eacutetait reconnue en droit interne Il estime que les
dispositions en cause ont eacuteteacute interpreacuteteacutees par les juridictions internes de maniegravere
conforme agrave la Convention Il cite en particulier un arrecirct no 27918 rendu le 14 juillet
2011 par les sections reacuteunies de la Cour de cassation selon lequel les deacuteclarations drsquoun
teacutemoin absent doivent ecirctre eacutevalueacutees avec la prudence neacutecessaire par le biais non
seulement drsquoun examen de la creacutedibiliteacute subjective et objective de celui-ci mais aussi
par celui de la confrontation de sa deacuteposition avec les autres eacuteleacutements preacutesenteacutes aux
deacutebats
34 De lrsquoavis du Gouvernement la preacutesente affaire est similaire agrave lrsquoaffaire Ben
Moumen c Italie (no 397713 23 juin 2016) dans laquelle la Cour a conclu agrave la non-
violation de lrsquoarticle 6 de la Convention
35 Le Gouvernement explique que afin de valider la preuve principale agrave charge ndash agrave
savoir le teacutemoignage de CC ndash le tribunal a pris en consideacuteration drsquoautres preuves
telles que les deacuteclarations du carabinier LR ayant enregistreacute la plainte de CC et ayant
effectueacute la proceacutedure de reconnaissance photographique du requeacuterant et de son
coiumlnculpeacute
36 Il argue que dans les circonstances de la cause on ne peut estimer que la
deacuteposition de CC a constitueacute le fondement unique ou deacuteterminant de la
condamnation du requeacuterant Il preacutecise que ce dernier a par ailleurs eu la possibiliteacute
drsquointerroger son coiumlnculpeacute qursquoil ne lrsquoa pas fait et qursquoil nrsquoa pas non plus produit
drsquoeacuteleacutement utile agrave sa deacutefense Il ajoute que les juridictions internes ont attentivement
eacutevalueacute lrsquoexistence drsquoeacuteventuelles relations entre CC et le requeacuterant Il considegravere donc
que lrsquoadmission de la deacuteposition de CC a eacuteteacute contrebalanceacutee par des garanties
proceacutedurales suffisantes
2 Appreacuteciation de la Cour
a) Principes geacuteneacuteraux
37 La Cour rappelle que les exigences du paragraphe 3 de lrsquoarticle 6 de la
Convention repreacutesentent des aspects particuliers du droit agrave un procegraves eacutequitable garanti
par le paragraphe 1 de cette disposition Lorsqursquoelle examine un grief tireacute de lrsquoarticle 6
elle doit essentiellement deacuteterminer si la proceacutedure peacutenale a revecirctu un caractegravere
eacutequitable (voir parmi beaucoup drsquoautres Taxquet c Belgique [GC] no 92605 sect 84
CEDH 2010) Pour ce faire elle envisage la proceacutedure dans son ensemble et veacuterifie le
respect non seulement des droits de la deacutefense mais aussi de lrsquointeacuterecirct du public et des
victimes agrave ce que les auteurs de lrsquoinfraction soient ducircment poursuivis (Gaumlfgen c
Allemagne [GC] no 2297805 sect 175 CEDH 2010) et si neacutecessaire des droits des teacutemoins
(voir parmi beaucoup drsquoautres Doorson c Pays-Bas 26 mars 1996 sect 70 Recueil des arrecircts
et deacutecisions 1996-II et Al-Khawaja et Tahery c Royaume-Uni [GC] nos 2676605 et
2222806 sect 118 CEDH 2011) Elle rappelle eacutegalement que dans ce contexte la
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recevabiliteacute des preuves relegraveve des regravegles du droit interne et des juridictions nationales
et que sa seule tacircche consiste agrave deacuteterminer si la proceacutedure a eacuteteacute eacutequitable (Gaumlfgen
preacuteciteacute sect 162 et les arrecircts qui y sont citeacutes)
38 Lrsquoarticle 6 sect 3 d) consacre le principe selon lequel avant qursquoun accuseacute puisse ecirctre
deacuteclareacute coupable tous les eacuteleacutements agrave charge doivent en principe ecirctre produits devant
lui en audience publique en vue drsquoun deacutebat contradictoire Ce principe ne va pas sans
exceptions mais on ne peut les accepter que sous reacuteserve des droits de la deacutefense en
regravegle geacuteneacuterale ceux-ci commandent de donner agrave lrsquoaccuseacute une possibiliteacute adeacutequate et
suffisante de contester les teacutemoignages agrave charge et drsquoen interroger les auteurs soit au
moment de leur deacuteposition soit agrave un stade ulteacuterieur (Lucagrave c Italie no 3335496 sect 39
CEDH 2001-II et Solakov c lrsquoex-Reacutepublique yougoslave de Maceacutedoine no 4702399 sect 57
CEDH 2001-X)
39 Eu eacutegard aux principes eacutetablis dans lrsquoarrecirct de Grande Chambre Al-Khawaja et
Tahery (preacuteciteacute) la Cour doit successivement examiner si lrsquoimpossibiliteacute pour la deacutefense
drsquointerroger ou de faire interroger un teacutemoin agrave charge eacutetait justifieacutee par un motif
seacuterieux si les deacutepositions du teacutemoin absent ont constitueacute la preuve unique ou
deacuteterminante de la culpabiliteacute du requeacuterant et enfin srsquoil existait des eacuteleacutements
suffisamment compensateurs des inconveacutenients lieacutes agrave lrsquoadmission drsquoune telle preuve
pour permettre une appreacuteciation correcte et eacutequitable de sa fiabiliteacute (Vronchenko c
Estonie no 5963209 sect 57 18 juillet 2013)
40 Ces principes ont eacuteteacute expliciteacutes dans lrsquoarrecirct Schatschaschwili c
Allemagne (no 915410 sectsect 111-131 CEDH 2015) dans lequel la Grande Chambre a
confirmeacute que lrsquoabsence de motif seacuterieux justifiant la non-comparution drsquoun teacutemoin ne
pouvait en elle-mecircme rendre un procegraves ineacutequitable que cela eacutetant le manque de
motif seacuterieux justifiant lrsquoabsence drsquoun teacutemoin agrave charge constituait un eacuteleacutement de poids
srsquoagissant drsquoappreacutecier lrsquoeacutequiteacute globale drsquoun procegraves et que pareil eacuteleacutement eacutetait
susceptible de faire pencher la balance en faveur drsquoun constat de violation de lrsquoarticle 6
sectsect 1 et 3 d) De plus le souci de la Cour eacutetant de srsquoassurer que la proceacutedure dans son
ensemble a eacuteteacute eacutequitable elle doit veacuterifier srsquoil existait des eacuteleacutements compensateurs
suffisants non seulement dans les affaires ougrave les deacuteclarations drsquoun teacutemoin absent
constituaient le fondement unique ou deacuteterminant de la condamnation de lrsquoaccuseacute
mais aussi dans celles ougrave elle juge difficile de discerner si ces eacuteleacutements constituaient la
preuve unique ou deacuteterminante mais est neacuteanmoins convaincue qursquoils revecirctaient un
poids certain et que leur admission pouvait avoir causeacute des difficulteacutes agrave la deacutefense La
porteacutee des facteurs compensateurs neacutecessaires pour que le procegraves soit consideacutereacute
comme eacutequitable deacutepend de lrsquoimportance que revecirctent les deacuteclarations du teacutemoin
absent Plus cette importance est grande plus les eacuteleacutements compensateurs devront ecirctre
solides afin que la proceacutedure dans son ensemble soit consideacutereacutee comme eacutequitable
b) Application de ces principes en lrsquoespegravece
i Sur le point de savoir si lrsquoabsence de CC au procegraves se justifiait par un motif seacuterieux
41 La Cour observe que en lrsquoespegravece la non-comparution de CC qui a ameneacute le
tribunal agrave admettre ses deacuteclarations agrave titre de preuve srsquoexpliquait par lrsquoimpossibiliteacute
pour les autoriteacutes drsquoentrer en contact avec lui En effet celles-ci avaient agrave plusieurs
reprises et en vain essayeacute de lui notifier la citation agrave comparaicirctre au domicile qursquoil avait
indiqueacute (celui de ses parents) et il ne srsquoeacutetait pas preacutesenteacute ni aux audiences ad
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hoc exception faite pour lrsquoaudience du 28 janvier 1997 qui nrsquoeut pas lieu en raison de
lrsquoabsence du procureur (voir paragraphe 9 ci-dessus) ni agrave lrsquoaudience du 27 mai 2003
qui devait ecirctre consacreacutee agrave son audition (paragraphe 12 ci-dessus)
42 La Cour rappelle que lorsque lrsquoabsence du teacutemoin srsquoexplique par la raison
eacutevoqueacutee en lrsquoespegravece elle exige du tribunal du fond qursquoil ait fait tout ce que lrsquoon pouvait
raisonnablement attendre de lui pour assurer la comparution de lrsquointeacuteresseacute (Gabrielyan
c Armeacutenie no 808805 sect 78 10 avril 2012 Tseber c Reacutepublique tchegraveque no 4620308 sect 48
22 novembre 2012 et Kostecki c Pologne no 1493209 sectsect 65-66 4 juin 2013)
Lrsquoimpossibiliteacute pour les juridictions internes drsquoentrer en contact avec le teacutemoin
concerneacute ou le fait que celui-ci a quitteacute le territoire du pays dans lequel lrsquoinstance est
conduite ont eacuteteacute jugeacutes insuffisants en soi pour satisfaire agrave lrsquoarticle 6 sect 3 d) lequel exige
des Eacutetats contractants qursquoils prennent des mesures positives pour permettre agrave lrsquoaccuseacute
drsquointerroger ou de faire interroger les teacutemoins agrave charge (Gabrielyan preacuteciteacute sect 81 Tseber
preacuteciteacute sect 48 et Lučić c Croatie no 569911 sect 79 27 feacutevrier 2014)
43 Pareilles mesures relegravevent de la diligence que les Eacutetats contractants doivent
deacuteployer pour assurer la jouissance effective des droits garantis par lrsquoarticle 6 de la
Convention (Gabrielyan preacuteciteacute sect 81) faute de quoi lrsquoabsence du teacutemoin est imputable
aux autoriteacutes internes (Tseber preacuteciteacute sect 48 Lučić preacuteciteacute sect 79
etSchatschaschwili preacuteciteacute sect 120)
44 Pour que les autoriteacutes soient consideacutereacutees comme ayant deacuteployeacute tous les efforts
raisonnables pour assurer la comparution drsquoun teacutemoin il faut aussi que les tribunaux
internes aient proceacutedeacute agrave un controcircle minutieux des raisons donneacutees pour justifier
lrsquoincapaciteacute du teacutemoin agrave assister au procegraves en tenant compte de la situation particuliegravere
de lrsquointeacuteresseacute (Nechto c Russie no 2489305 sect 127 24 janvier 2012 Damir Sibgatullin c
Russie no 141305 sect 56 24 avril 2012 Yevgeniy Ivanov c Russie no 2710003 sect 47 25
avril 2013 et Schatschaschwili preacuteciteacute sect 122)
45 Force est de constater que en lrsquoespegravece les tribunaux internes se sont borneacutes agrave
indiquer que lrsquoabsence de CC nrsquoeacutetait pas preacutevisible et que les recherches meneacutees pour
le retrouver avaient eacuteteacute vaines (paragraphes 10 12 et 17 ci-dessus) Le tribunal a exclu
la possibiliteacute drsquoeffectuer des recherches suppleacutementaires En 1997 et en 1998 CC a eacuteteacute
citeacute agrave comparaicirctre en vue de la tenue drsquoune audience ad hoc destineacutee agrave recueillir son
teacutemoignage et agrave effectuer une reconnaissance du requeacuterant Il ne srsquoest preacutesenteacute qursquoagrave
une seule audience ad hoc laquelle a eacuteteacute reporteacutee en raison de lrsquoabsence du substitut du
procureur Ensuite agrave lrsquoaudience du 22 septembre 1997 le juge a indiqueacute que CC ne
vivant plus au domicile de ses parents nrsquoavait pas reccedilu notification de la citation agrave
comparaicirctre Au final lors du procegraves en 2003 soit plus de six ans apregraves les faits les
seules recherches effectueacutees par la police avaient eacuteteacute celles faites au domicile des
parents de CC
46 Dans ces circonstances et compte tenu eacutegalement du long laps de temps eacutecouleacute
entre les faits et le procegraves la Cour estime que le Gouvernement nrsquoa pas deacutemontreacute que
les juridictions italiennes ont deacuteployeacute tous les efforts que lrsquoon pouvait raisonnablement
attendre drsquoelles pour assurer la comparution de CC ( voir paragraphes 9 et 41 ci-
dessus) (voir mutatis mutandis Rudnichenko preacuteciteacute sectsect 105-109 ougrave la Cour a conclu
que la restriction apporteacutee au droit du requeacuterant de faire interroger un teacutemoin absent
ne reposait sur aucun motif valable ou non apregraves avoir notamment observeacute qursquoaucune
mesure nrsquoavait eacuteteacute prise pour faire en sorte que le teacutemoin litigieux pucirct comparaicirctre et
ecirctre interrogeacute)
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47 Cependant comme observeacute plus haut (paragraphe 40 ci-dessus) mecircme si elle
constitue un eacuteleacutement de poids pour appreacutecier lrsquoeacutequiteacute globale du procegraves lrsquoabsence de
motif seacuterieux justifiant la non-comparution de CC nrsquoest pas en soi constitutive drsquoune
violation de lrsquoarticle 6 de la Convention La Cour examinera donc si la deacuteposition de
CC constituait le fondement unique ou deacuteterminant de la condamnation du requeacuterant
et srsquoil existait des eacuteleacutements compensateurs suffisants pour contrebalancer les difficulteacutes
que lrsquoimpossibiliteacute de contre-interroger ce teacutemoin a causeacutees agrave la deacutefense
ii Lrsquoimportance de la deacuteposition de CC pour la condamnation du requeacuterant
48 La Cour constate que les juges nationaux ont fondeacute la condamnation du
requeacuterant exclusivement ou du moins dans une mesure deacuteterminante sur les
deacuteclarations faites par CC lors du deacutepocirct de sa plainte en 1996
49 Srsquoil est vrai comme le reconnait le Gouvernement que le tribunal a pris en
consideacuteration les deacuteclarations du carabinier LR ayant enregistreacute la plainte de CC et
ayant effectueacute la proceacutedure de reconnaissance photographique du requeacuterant et de son
coiumlnculpeacute afin de valider la preuve principale la Cour note toutefois qursquoaucune
confrontation directe nrsquoa pu avoir lieu entre le requeacuterant et son accusateur ni pendant
le procegraves ni au stade de lrsquoenquecircte preacuteliminaire En particulier au cours de celle-ci CC
ne srsquoest pas preacutesenteacute agrave lrsquoaudience ad hoc qui srsquoest tenue devant le GIP en preacutesence des
avocats de la deacutefense La Cour reacuteaffirme que le caractegravere unique de la preuve pegravese
lourd dans la balance et qursquoil appelle des eacuteleacutements suffisamment compensateurs des
difficulteacutes que son admission fait subir agrave la deacutefense (Al-Khawaja et Tahery preacuteciteacute sect
161)
iii Les garanties proceacutedurales pour contrebalancer les difficulteacutes causeacutees agrave la deacutefense
50 La Cour rappelle agrave nouveau que dans chaque affaire ougrave le problegraveme de lrsquoeacutequiteacute
de la proceacutedure se pose en rapport avec la deacuteposition drsquoun teacutemoin absent il srsquoagit de
savoir srsquoil existe des eacuteleacutements suffisamment compensateurs des inconveacutenients que son
admission fait subir agrave la deacutefense notamment des garanties proceacutedurales solides
permettant une appreacuteciation correcte et eacutequitable de la fiabiliteacute drsquoune telle preuve
Lrsquoexamen de cette question permet de veacuterifier si la deacuteposition du teacutemoin absent est
suffisamment fiable compte tenu de son importance dans la cause pour qursquoune
condamnation puisse ecirctre prononceacutee (Al-Khawaja et Tahery preacuteciteacute sect 147)
51 La Cour rappelle aussi que dans ce contexte le droit drsquointerroger ou de faire
interroger les teacutemoins agrave charge constitue une garantie du droit agrave lrsquoeacutequiteacute de la
proceacutedure en ce que non seulement il vise lrsquoeacutegaliteacute des armes entre lrsquoaccusation et la
deacutefense mais encore il fournit agrave la deacutefense et au systegraveme judiciaire un instrument
essentiel de controcircle de la creacutedibiliteacute et de la fiabiliteacute des deacutepositions incriminantes et
par-lagrave du bien-fondeacute des chefs drsquoaccusation (Tseber preacuteciteacute sect 59 etSică c Roumanie
no 1203605 sect 69 9 juillet 2013)
52 Dans la preacutesente affaire la Cour observe que CC plaignant et unique teacutemoin a
eacuteteacute entendu par les carabiniers mais qursquoil nrsquoa jamais comparu devant les juridictions
du fond Ni les juges du fond ni le requeacuterant ou son repreacutesentant nrsquoont donc pu
lrsquoobserver pendant son audition pour appreacutecier sa creacutedibiliteacute et la fiabiliteacute de sa
deacuteposition (Tseber preacuteciteacute sect 60 Sică preacuteciteacute sect 70 Vronchenko c Estonie no 5963209 sect
65 18 juillet 2013 et Rosin c Estonie no 2654008 sect 62 19 deacutecembre 2013)
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53 La Cour relegraveve ensuite que les juridictions internes se sont appuyeacutees en sus des
deacuteclarations litigieuses sur le teacutemoignage du carabinier LR qui avait relateacute au
tribunal lors de lrsquoaudience du 6 deacutecembre 2004 les modaliteacutes du deacuteroulement de la
reconnaissance photographique de lrsquointeacuteresseacute et de son coiumlnculpeacute
54 La Cour relegraveve en outre que la cour drsquoappel a eacutevalueacute avec soin la creacutedibiliteacute de
CC observant qursquoil nrsquoavait aucune raison drsquoaccuser le requeacuterant et que avant les faits
deacutelictueux il ne le connaissait pas Ces eacuteleacutements ont ameneacute la cour drsquoappel agrave
consideacuterer que CC nrsquoavait pas drsquointeacuterecirct agrave deacuteposer ainsi et que ses deacuteclarations eacutetaient
donc suffisamment fiables
55 Cela eacutetant la Cour se doit de rappeler qursquoun tel examen ne saurait agrave lui seul
compenser lrsquoabsence drsquointerrogation du teacutemoin par la deacutefense (Damir Sibgatullin c
Russie no 141305 sect 57 24 avril 2012) En effet aussi rigoureux soit-il lrsquoexamen fait par
le juge du fond constitue un instrument de controcircle imparfait dans la mesure ougrave il ne
permet pas de disposer des eacuteleacutements pouvant ressortir drsquoune confrontation en
audience publique entre lrsquoaccuseacute et son accusateur (Tseber preacuteciteacute sect 65 etRiahi c
Belgique no 6540010 sect 41 14 juin 2016)
56 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour estime que le caractegravere deacuteterminant des
deacutepositions de CC en lrsquoabsence de confrontation avec le requeacuterant en audience
publique emporte la conclusion que les juridictions internes aussi rigoureux qursquoait eacuteteacute
leur examen nrsquoont pas pu appreacutecier correctement et eacutequitablement la fiabiliteacute de cette
preuve
57 Par conseacutequent consideacuterant lrsquoeacutequiteacute de la proceacutedure dans son ensemble la Cour
juge que les droits de la deacutefense du requeacuterant ont ainsi subi une limitation
incompatible avec les exigences drsquoun procegraves eacutequitable Partant il y a eu violation de
lrsquoarticle 6 sectsect 1 et 3 d) de la Convention
II SUR LrsquoAPPLICATION DE LrsquoARTICLE 41 DE LA CONVENTION
58 Aux termes de lrsquoarticle 41 de la Convention
laquo Si la Cour deacuteclare qursquoil y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles
et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet drsquoeffacer
qursquoimparfaitement les conseacutequences de cette violation la Cour accorde agrave la partie
leacuteseacutee srsquoil y a lieu une satisfaction eacutequitable raquo
A Dommage
59 Le requeacuterant reacuteclame agrave titre de dommage mateacuteriel 200 euros (EUR) par mois de
deacutetention soit un total de 3 200 EUR pour la peacuteriode drsquoun an et quatre mois qursquoil a
passeacutee en prison En outre il demande 100 000 EUR pour preacutejudice moral
60 Le Gouvernement est drsquoavis que les demandes du requeacuterant sont exorbitantes et
totalement deacutenueacutees de fondement
61 La Cour nrsquoaperccediloit pas de lien de causaliteacute entre la violation constateacutee et le
dommage mateacuteriel alleacutegueacute et rejette cette demande En revanche elle estime que le
requeacuterant a subi un preacutejudice moral certain auquel le constat de violation figurant
dans le preacutesent arrecirct (paragraphe 57 ci-dessus) ne suffit pas agrave remeacutedier La Cour
rappelle que lorsqursquoelle conclut que la condamnation drsquoun requeacuterant a eacuteteacute prononceacutee
malgreacute lrsquoexistence drsquoune atteinte aux exigences drsquoeacutequiteacute de la proceacutedure un nouveau
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procegraves ou une reacuteouverture de la proceacutedure agrave la demande de lrsquointeacuteresseacute repreacutesente en
principe un moyen approprieacute de redresser la violation constateacutee (voirmutatis
mutandis Somogyi c Italie no 6797201 sect 86 CEDH 2004-IV Krasniki c Reacutepublique
tchegraveque no 5127799 sect 93 28 feacutevrier 2006 et Tseber preacuteciteacute sect 75) Eu eacutegard aux
circonstances de la cause et statuant en eacutequiteacute comme le veut lrsquoarticle 41 de la
Convention elle deacutecide toutefois drsquooctroyer agrave lrsquointeacuteresseacute la somme de 3 000 EUR
B Frais et deacutepens
62 Justificatifs agrave lrsquoappui le requeacuterant demande eacutegalement 10 080 EUR en
remboursement des frais et deacutepens engageacutes devant les juridictions internes et 4 920
EUR en remboursement de ceux engageacutes devant la Cour
63 Le Gouvernement conteste ces demandes arguant que la preuve de
lrsquoengagement reacuteel des frais et deacutepens reacuteclameacutes nrsquoa pas eacuteteacute rapporteacutee
64 Selon la jurisprudence de la Cour un requeacuterant ne peut obtenir le
remboursement de ses frais et deacutepens que dans la mesure ougrave se trouvent eacutetablis leur
reacutealiteacute leur neacutecessiteacute et le caractegravere raisonnable de leur taux En lrsquoespegravece compte tenu
des documents dont elle dispose et de sa jurisprudence la Cour estime raisonnable la
somme de 10 000 EUR tous frais confondus et lrsquoaccorde au requeacuterant
C Inteacuterecircts moratoires
65 La Cour juge approprieacute de calquer le taux des inteacuterecircts moratoires sur le taux
drsquointeacuterecirct de la faciliteacute de precirct marginal de la Banque centrale europeacuteenne majoreacute de
trois points de pourcentage
PAR CES MOTIFS LA COUR
1 Deacuteclare agrave lrsquounanimiteacute la requecircte recevable
2 Dit par six voix contre une qursquoil y a eu violation de lrsquoarticle 6 sectsect 1 et 3 d) de la
Convention
3 Dit par six voix contre une
a) que lrsquoEacutetat deacutefendeur doit verser au requeacuterant dans les trois mois agrave compter du
jour ougrave lrsquoarrecirct sera devenu deacutefinitif conformeacutement agrave lrsquoarticle 44 sect 2 de la
Convention les sommes suivantes
i 3 000 EUR (trois mille euros) plus tout montant pouvant ecirctre ducirc agrave titre
drsquoimpocirct pour dommage moral
ii 10 000 EUR (dix mille euros) plus tout montant pouvant ecirctre ducirc par le
requeacuterant agrave titre drsquoimpocirct pour frais et deacutepens
b) qursquoagrave compter de lrsquoexpiration dudit deacutelai et jusqursquoau versement ces montants
seront agrave majorer drsquoun inteacuterecirct simple agrave un taux eacutegal agrave celui de la faciliteacute de precirct
marginal de la Banque centrale europeacuteenne applicable pendant cette peacuteriode
augmenteacute de trois points de pourcentage
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4 Rejette agrave lrsquounanimiteacute la demande de satisfaction eacutequitable pour le surplus
Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 12 octobre 2017 en application de
lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3 du regraveglement de la Cour
Abel CamposKristina Pardalos
GreffierPreacutesidente
Au preacutesent arrecirct se trouve joint conformeacutement aux articles 45 sect 2 de la Convention
et 74 sect 2 du regraveglement lrsquoexposeacute de lrsquoopinion seacutepareacutee du juge Wojtyczek
KP
AC
OPINION DISSIDENTE DU JUGE WOJTYCZEK
1 Je ne suis pas convaincu par la position de la majoriteacute dans la preacutesente affaire
2 Le requeacuterant fut renvoyeacute en jugement devant le tribunal de Trani le 16 juin 1998
Selon le Gouvernement son procegraves commenccedila le 27 mai 2001 avec la tenue de la
premiegravere audience Je note en passant que la majoriteacute en eacutetablissant les faits omet
complegravetement les deacuteveloppements qui ont eu lieu entre le 16 juin 1998 et 27 mai 2003
date de la premiegravere audience mentionneacutee dans la partie laquo circonstances de lrsquoespegravece raquo de
lrsquoarrecirct
Quoi qursquoil en soit on peut constater dans la preacutesente affaire un retard agrave juger le
requeacuterant ce qui semble en contradiction avec le droit agrave un procegraves dans un deacutelai
raisonnable Toutefois le requeacuterant nrsquoa pas preacutesenteacute de griefs relatifs agrave la dureacutee de la
proceacutedure La Cour nrsquoeacutetait donc pas compeacutetente pour examiner la question de la dureacutee
de la proceacutedure et agrave juste titre a deacutecideacute de ne pas examiner cette question
3 Le requeacuterant se plaint du manque drsquoeacutequiteacute de la proceacutedure meneacutee contre lui car le
teacutemoin clef de lrsquoaffaire nrsquoa pas eacuteteacute entendu pendant les deacutebats La majoriteacute constate agrave
juste titre que laquo CC plaignant et unique teacutemoin a eacuteteacute entendu par les carabiniers
mais qursquoil nrsquoa jamais comparu devant les juridictions du fond raquo (paragraphe 52 gras
ajouteacute)
Le manque alleacutegueacute drsquoeacutequiteacute du procegraves du fait de lrsquoabsence drsquoaudition du teacutemoin
devant le juge de fond doit ecirctre appreacutecieacute avant tout agrave la lumiegravere des eacutevegravenements qui
ont eu lieu apregraves son commencement Or dans la motivation de lrsquoarrecirct la majoriteacute se
penche au paragraphe 45 sur la phase drsquoinstruction qui a dureacute jusqursquoau 16 juin 1998
Le juge des investigations preacuteliminaires nrsquoest pas le juge de fond La motivation de
lrsquoarrecirct nrsquoexplique pas pourquoi les stades anteacuterieurs au procegraves seraient pertinents pour
appreacutecier le grief du requeacuterant alors que le paragraphe 52 met lrsquoaccent sur la
comparution du teacutemoin devant le juge de fond Peut-ecirctre la motivation se fonde-t-elle
implicitement sur lrsquoideacutee que lrsquoaudition du teacutemoin avant le procegraves devant un juge en
preacutesence de lrsquoaccuseacute aurait remeacutedieacute au problegraveme de lrsquoabsence drsquoaudition du teacutemoin
pendant le procegraves devant le juge de fond Si crsquoest le cas cette consideacuteration aurait ducirc
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ecirctre expliqueacutee dans le contexte drsquoune analyse deacutetailleacutee de la proceacutedure peacutenale italienne
et en particulier drsquoune analyse de la logique et de lrsquoenchaicircnement de ses diffeacuterents
stades
4 Agrave lrsquoaudience du 6 deacutecembre 2004 le procureur informa le tribunal que le teacutemoin
CC avait quitteacute le domicile familial depuis lrsquoanneacutee 2000 et qursquoil eacutetait depuis lors
introuvable Il indiqua eacutegalement qursquoun mandat drsquoarrecirct avait eacuteteacute deacutecerneacute agrave lrsquoencontre
de CC agrave la suite de sa condamnation par contumace dans le cadre drsquoune autre
proceacutedure peacutenale Ces alleacutegations nrsquoont pas eacuteteacute contesteacutees par le requeacuterant Il nrsquoest
donc pas exact de dire que laquo [a]u final lors du procegraves en 2003 soit plus de six ans apregraves
les faits les seules recherches effectueacutees par la police avaient eacuteteacute celles faites au
domicile des parents de CC raquo (paragraphe 45 in fine)
Si pendant plusieurs anneacutees les autoriteacutes italiennes ont tenteacute sans succegraves de
localiser et drsquoarrecircter CC pour lrsquoincarceacuterer agrave la suite drsquoune condamnation peacutenale dans
une autre affaire il est difficile de leur reprocher de nrsquoavoir pas pu assurer sa
comparution comme teacutemoin Il est difficile drsquoattendre raisonnablement encore plus de
diligence de la part de la juridiction devant laquelle la personne rechercheacutee doit
teacutemoigner
Dans la preacutesente affaire il y avait un obstacle objectif agrave lrsquoaudition du teacutemoin Le juge
avait lrsquoobligation de statuer sur le fondement des preuves disponibles et notamment
du teacutemoignage de CC recueilli avant le procegraves appreacutecieacutees agrave la lumiegravere du principe de
la libre appreacuteciation des preuves Les juridictions italiennes des diffeacuterents niveaux ont
soigneusement examineacute cette question Je ne vois pas de raison suffisante de me
deacutemarquer de leurs conclusions
5 Au paragraphe 50 la Cour laquo rappelle agrave nouveau que dans chaque affaire ougrave le
problegraveme de lrsquoeacutequiteacute de la proceacutedure se pose en rapport avec la deacuteposition drsquoun teacutemoin
absent il srsquoagit de savoir srsquoil existe des eacuteleacutements suffisamment compensateurs des
inconveacutenients que son admission fait subir agrave la deacutefense notamment des garanties
proceacutedurales solides permettant une appreacuteciation correcte et eacutequitable de la fiabiliteacute
drsquoune telle preuve raquo
En lrsquoespegravece le gouvernement italien dans ses observations eacutecrites a preacutesenteacute un
certain nombre drsquoeacuteleacutements qui selon lui compensaient les inconveacutenients subis par la
deacutefense La Cour eacutetait tenue drsquoappliquer le test eacutenonceacute au paragraphe 50 en appreacuteciant
si les eacuteleacutements mis en exergue par le Gouvernement eacutetaient pertinents et suffisants Or
la majoriteacute a deacutecideacute de ne pas reacutepondre aux arguments du Gouvernement Elle se
limite agrave affirmer au paragraphe 55 que laquo aussi rigoureux soit-il lrsquoexamen fait par le
juge du fond constitue un instrument de controcircle imparfait dans la mesure ougrave il ne
permet pas de disposer des eacuteleacutements pouvant ressortir drsquoune confrontation en
audience publique entre lrsquoaccuseacute et son accusateur raquo Le test eacutenonceacute nrsquoa pas eacuteteacute
appliqueacute par la Cour
Il est eacutevident qursquoen lrsquoabsence drsquoaudition drsquoun teacutemoin en audience publique on ne
peut pas disposer drsquoeacuteleacutements pouvant ressortir drsquoune confrontation entre lrsquoaccuseacute et
son accusateur Toutefois selon la meacutethodologie annonceacutee au paragraphe 50 la
question agrave trancher eacutetait celle de savoir srsquoil existait des eacuteleacutements qui avaient
suffisamment compenseacute les inconveacutenients que son admission avait fait subir agrave la
deacutefense
6 La preacutesente affaire permet de tirer un enseignement plus geacuteneacuteral Lrsquoeacutequiteacute du
procegraves peacutenal ne peut srsquoappreacutecier que dans le contexte de lrsquoensemble des regravegles qui
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reacutegissent la proceacutedure peacutenale et en particulier des principes fondamentaux qui
deacutefinissent le modegravele de proceacutedure peacutenale choisi La majoriteacute se reacutefegravere aux principes
eacutetablis dans lrsquoarrecirct Al-Khawaja et Tahery c Royaume-Uni ([GC] nos 2676605 et 2222806
CEDH 2011 auquel se trouve joint lrsquoexposeacute de lrsquoopinion concordante du juge Bratza et
de lrsquoopinion en partie concordante et en partie dissidente des juges Sajoacute et Karakaş) Je
note agrave cet eacutegard que les principes concernant lrsquoaudition des teacutemoins ont eacuteteacute eacutenonceacutes
dans cette affaire dans le contexte drsquoun procegraves fondeacute sur les principes du contradictoire
et du rocircle limiteacute du juge Les principes du procegraves eacutequitable eacutelaboreacutes pour de telles
proceacutedures peacutenales sont difficilement transposables agrave des proceacutedures peacutenales fondeacutees
sur le rocircle actif du juge avec de forts eacuteleacutements inquisitoires au stade du procegraves Agrave mon
avis la question de lrsquoeacutequiteacute du procegraves peacutenal doit ecirctre revisiteacutee par la Cour agrave la lumiegravere
des principes fondamentaux des diffeacuterentes proceacutedures peacutenales Je remarque dans ce
contexte que le rocircle actif du juge est en soi un eacuteleacutement qui peut compenser certaines
formes drsquoineacutegaliteacute des armes entre les parties ce qui a eacuteteacute mis en exergue agrave tregraves juste
titre dans lrsquoarrecirct Regner c Reacutepublique tchegraveque ([GC] no 3528911 sect 152 19 septembre
2017 auquel se trouve joint lrsquoopinion concordante du juge Wojtyczek lrsquoopinion en
partie dissidente commune aux juges Raimondi Sicilianos Spano Ravarani et Pastor
Vilanova lrsquoopinion en partie dissidente commune aux juges Lazarova Trajkovska et
Loacutepez Guerra lrsquoopinion en partie dissidente du juge Serghides et lrsquoopinion dissidente
du juge Sajoacute) Bien que ce dernier arrecirct concerne la proceacutedure administrative
contentieuse les consideacuterations exposeacutees dans sa motivation gardent leur pertinence
pour drsquoautres proceacutedures
Il faut rappeler que lrsquoeacutegaliteacute des armes et le respect des droits des parties ne sont pas
la finaliteacute ultime du droit mais lrsquoinstrument servant drsquoune part la digniteacute et
lrsquoautonomie individuelle et drsquoautre part la veacuteriteacute et la justice substantielle La question
essentielle est celle de savoir si les regravegles proceacutedurales envisageacutees comme un systegraveme
et appliqueacutees en lrsquoespegravece permettent drsquoaboutir dans le respect de la digniteacute de
lrsquohomme agrave une deacutecision fondeacutee sur la veacuteriteacute et drsquoeacuteviter les erreurs judiciaires
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recevabiliteacute des preuves relegraveve des regravegles du droit interne et des juridictions nationales
et que sa seule tacircche consiste agrave deacuteterminer si la proceacutedure a eacuteteacute eacutequitable (Gaumlfgen
preacuteciteacute sect 162 et les arrecircts qui y sont citeacutes)
38 Lrsquoarticle 6 sect 3 d) consacre le principe selon lequel avant qursquoun accuseacute puisse ecirctre
deacuteclareacute coupable tous les eacuteleacutements agrave charge doivent en principe ecirctre produits devant
lui en audience publique en vue drsquoun deacutebat contradictoire Ce principe ne va pas sans
exceptions mais on ne peut les accepter que sous reacuteserve des droits de la deacutefense en
regravegle geacuteneacuterale ceux-ci commandent de donner agrave lrsquoaccuseacute une possibiliteacute adeacutequate et
suffisante de contester les teacutemoignages agrave charge et drsquoen interroger les auteurs soit au
moment de leur deacuteposition soit agrave un stade ulteacuterieur (Lucagrave c Italie no 3335496 sect 39
CEDH 2001-II et Solakov c lrsquoex-Reacutepublique yougoslave de Maceacutedoine no 4702399 sect 57
CEDH 2001-X)
39 Eu eacutegard aux principes eacutetablis dans lrsquoarrecirct de Grande Chambre Al-Khawaja et
Tahery (preacuteciteacute) la Cour doit successivement examiner si lrsquoimpossibiliteacute pour la deacutefense
drsquointerroger ou de faire interroger un teacutemoin agrave charge eacutetait justifieacutee par un motif
seacuterieux si les deacutepositions du teacutemoin absent ont constitueacute la preuve unique ou
deacuteterminante de la culpabiliteacute du requeacuterant et enfin srsquoil existait des eacuteleacutements
suffisamment compensateurs des inconveacutenients lieacutes agrave lrsquoadmission drsquoune telle preuve
pour permettre une appreacuteciation correcte et eacutequitable de sa fiabiliteacute (Vronchenko c
Estonie no 5963209 sect 57 18 juillet 2013)
40 Ces principes ont eacuteteacute expliciteacutes dans lrsquoarrecirct Schatschaschwili c
Allemagne (no 915410 sectsect 111-131 CEDH 2015) dans lequel la Grande Chambre a
confirmeacute que lrsquoabsence de motif seacuterieux justifiant la non-comparution drsquoun teacutemoin ne
pouvait en elle-mecircme rendre un procegraves ineacutequitable que cela eacutetant le manque de
motif seacuterieux justifiant lrsquoabsence drsquoun teacutemoin agrave charge constituait un eacuteleacutement de poids
srsquoagissant drsquoappreacutecier lrsquoeacutequiteacute globale drsquoun procegraves et que pareil eacuteleacutement eacutetait
susceptible de faire pencher la balance en faveur drsquoun constat de violation de lrsquoarticle 6
sectsect 1 et 3 d) De plus le souci de la Cour eacutetant de srsquoassurer que la proceacutedure dans son
ensemble a eacuteteacute eacutequitable elle doit veacuterifier srsquoil existait des eacuteleacutements compensateurs
suffisants non seulement dans les affaires ougrave les deacuteclarations drsquoun teacutemoin absent
constituaient le fondement unique ou deacuteterminant de la condamnation de lrsquoaccuseacute
mais aussi dans celles ougrave elle juge difficile de discerner si ces eacuteleacutements constituaient la
preuve unique ou deacuteterminante mais est neacuteanmoins convaincue qursquoils revecirctaient un
poids certain et que leur admission pouvait avoir causeacute des difficulteacutes agrave la deacutefense La
porteacutee des facteurs compensateurs neacutecessaires pour que le procegraves soit consideacutereacute
comme eacutequitable deacutepend de lrsquoimportance que revecirctent les deacuteclarations du teacutemoin
absent Plus cette importance est grande plus les eacuteleacutements compensateurs devront ecirctre
solides afin que la proceacutedure dans son ensemble soit consideacutereacutee comme eacutequitable
b) Application de ces principes en lrsquoespegravece
i Sur le point de savoir si lrsquoabsence de CC au procegraves se justifiait par un motif seacuterieux
41 La Cour observe que en lrsquoespegravece la non-comparution de CC qui a ameneacute le
tribunal agrave admettre ses deacuteclarations agrave titre de preuve srsquoexpliquait par lrsquoimpossibiliteacute
pour les autoriteacutes drsquoentrer en contact avec lui En effet celles-ci avaient agrave plusieurs
reprises et en vain essayeacute de lui notifier la citation agrave comparaicirctre au domicile qursquoil avait
indiqueacute (celui de ses parents) et il ne srsquoeacutetait pas preacutesenteacute ni aux audiences ad
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hoc exception faite pour lrsquoaudience du 28 janvier 1997 qui nrsquoeut pas lieu en raison de
lrsquoabsence du procureur (voir paragraphe 9 ci-dessus) ni agrave lrsquoaudience du 27 mai 2003
qui devait ecirctre consacreacutee agrave son audition (paragraphe 12 ci-dessus)
42 La Cour rappelle que lorsque lrsquoabsence du teacutemoin srsquoexplique par la raison
eacutevoqueacutee en lrsquoespegravece elle exige du tribunal du fond qursquoil ait fait tout ce que lrsquoon pouvait
raisonnablement attendre de lui pour assurer la comparution de lrsquointeacuteresseacute (Gabrielyan
c Armeacutenie no 808805 sect 78 10 avril 2012 Tseber c Reacutepublique tchegraveque no 4620308 sect 48
22 novembre 2012 et Kostecki c Pologne no 1493209 sectsect 65-66 4 juin 2013)
Lrsquoimpossibiliteacute pour les juridictions internes drsquoentrer en contact avec le teacutemoin
concerneacute ou le fait que celui-ci a quitteacute le territoire du pays dans lequel lrsquoinstance est
conduite ont eacuteteacute jugeacutes insuffisants en soi pour satisfaire agrave lrsquoarticle 6 sect 3 d) lequel exige
des Eacutetats contractants qursquoils prennent des mesures positives pour permettre agrave lrsquoaccuseacute
drsquointerroger ou de faire interroger les teacutemoins agrave charge (Gabrielyan preacuteciteacute sect 81 Tseber
preacuteciteacute sect 48 et Lučić c Croatie no 569911 sect 79 27 feacutevrier 2014)
43 Pareilles mesures relegravevent de la diligence que les Eacutetats contractants doivent
deacuteployer pour assurer la jouissance effective des droits garantis par lrsquoarticle 6 de la
Convention (Gabrielyan preacuteciteacute sect 81) faute de quoi lrsquoabsence du teacutemoin est imputable
aux autoriteacutes internes (Tseber preacuteciteacute sect 48 Lučić preacuteciteacute sect 79
etSchatschaschwili preacuteciteacute sect 120)
44 Pour que les autoriteacutes soient consideacutereacutees comme ayant deacuteployeacute tous les efforts
raisonnables pour assurer la comparution drsquoun teacutemoin il faut aussi que les tribunaux
internes aient proceacutedeacute agrave un controcircle minutieux des raisons donneacutees pour justifier
lrsquoincapaciteacute du teacutemoin agrave assister au procegraves en tenant compte de la situation particuliegravere
de lrsquointeacuteresseacute (Nechto c Russie no 2489305 sect 127 24 janvier 2012 Damir Sibgatullin c
Russie no 141305 sect 56 24 avril 2012 Yevgeniy Ivanov c Russie no 2710003 sect 47 25
avril 2013 et Schatschaschwili preacuteciteacute sect 122)
45 Force est de constater que en lrsquoespegravece les tribunaux internes se sont borneacutes agrave
indiquer que lrsquoabsence de CC nrsquoeacutetait pas preacutevisible et que les recherches meneacutees pour
le retrouver avaient eacuteteacute vaines (paragraphes 10 12 et 17 ci-dessus) Le tribunal a exclu
la possibiliteacute drsquoeffectuer des recherches suppleacutementaires En 1997 et en 1998 CC a eacuteteacute
citeacute agrave comparaicirctre en vue de la tenue drsquoune audience ad hoc destineacutee agrave recueillir son
teacutemoignage et agrave effectuer une reconnaissance du requeacuterant Il ne srsquoest preacutesenteacute qursquoagrave
une seule audience ad hoc laquelle a eacuteteacute reporteacutee en raison de lrsquoabsence du substitut du
procureur Ensuite agrave lrsquoaudience du 22 septembre 1997 le juge a indiqueacute que CC ne
vivant plus au domicile de ses parents nrsquoavait pas reccedilu notification de la citation agrave
comparaicirctre Au final lors du procegraves en 2003 soit plus de six ans apregraves les faits les
seules recherches effectueacutees par la police avaient eacuteteacute celles faites au domicile des
parents de CC
46 Dans ces circonstances et compte tenu eacutegalement du long laps de temps eacutecouleacute
entre les faits et le procegraves la Cour estime que le Gouvernement nrsquoa pas deacutemontreacute que
les juridictions italiennes ont deacuteployeacute tous les efforts que lrsquoon pouvait raisonnablement
attendre drsquoelles pour assurer la comparution de CC ( voir paragraphes 9 et 41 ci-
dessus) (voir mutatis mutandis Rudnichenko preacuteciteacute sectsect 105-109 ougrave la Cour a conclu
que la restriction apporteacutee au droit du requeacuterant de faire interroger un teacutemoin absent
ne reposait sur aucun motif valable ou non apregraves avoir notamment observeacute qursquoaucune
mesure nrsquoavait eacuteteacute prise pour faire en sorte que le teacutemoin litigieux pucirct comparaicirctre et
ecirctre interrogeacute)
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47 Cependant comme observeacute plus haut (paragraphe 40 ci-dessus) mecircme si elle
constitue un eacuteleacutement de poids pour appreacutecier lrsquoeacutequiteacute globale du procegraves lrsquoabsence de
motif seacuterieux justifiant la non-comparution de CC nrsquoest pas en soi constitutive drsquoune
violation de lrsquoarticle 6 de la Convention La Cour examinera donc si la deacuteposition de
CC constituait le fondement unique ou deacuteterminant de la condamnation du requeacuterant
et srsquoil existait des eacuteleacutements compensateurs suffisants pour contrebalancer les difficulteacutes
que lrsquoimpossibiliteacute de contre-interroger ce teacutemoin a causeacutees agrave la deacutefense
ii Lrsquoimportance de la deacuteposition de CC pour la condamnation du requeacuterant
48 La Cour constate que les juges nationaux ont fondeacute la condamnation du
requeacuterant exclusivement ou du moins dans une mesure deacuteterminante sur les
deacuteclarations faites par CC lors du deacutepocirct de sa plainte en 1996
49 Srsquoil est vrai comme le reconnait le Gouvernement que le tribunal a pris en
consideacuteration les deacuteclarations du carabinier LR ayant enregistreacute la plainte de CC et
ayant effectueacute la proceacutedure de reconnaissance photographique du requeacuterant et de son
coiumlnculpeacute afin de valider la preuve principale la Cour note toutefois qursquoaucune
confrontation directe nrsquoa pu avoir lieu entre le requeacuterant et son accusateur ni pendant
le procegraves ni au stade de lrsquoenquecircte preacuteliminaire En particulier au cours de celle-ci CC
ne srsquoest pas preacutesenteacute agrave lrsquoaudience ad hoc qui srsquoest tenue devant le GIP en preacutesence des
avocats de la deacutefense La Cour reacuteaffirme que le caractegravere unique de la preuve pegravese
lourd dans la balance et qursquoil appelle des eacuteleacutements suffisamment compensateurs des
difficulteacutes que son admission fait subir agrave la deacutefense (Al-Khawaja et Tahery preacuteciteacute sect
161)
iii Les garanties proceacutedurales pour contrebalancer les difficulteacutes causeacutees agrave la deacutefense
50 La Cour rappelle agrave nouveau que dans chaque affaire ougrave le problegraveme de lrsquoeacutequiteacute
de la proceacutedure se pose en rapport avec la deacuteposition drsquoun teacutemoin absent il srsquoagit de
savoir srsquoil existe des eacuteleacutements suffisamment compensateurs des inconveacutenients que son
admission fait subir agrave la deacutefense notamment des garanties proceacutedurales solides
permettant une appreacuteciation correcte et eacutequitable de la fiabiliteacute drsquoune telle preuve
Lrsquoexamen de cette question permet de veacuterifier si la deacuteposition du teacutemoin absent est
suffisamment fiable compte tenu de son importance dans la cause pour qursquoune
condamnation puisse ecirctre prononceacutee (Al-Khawaja et Tahery preacuteciteacute sect 147)
51 La Cour rappelle aussi que dans ce contexte le droit drsquointerroger ou de faire
interroger les teacutemoins agrave charge constitue une garantie du droit agrave lrsquoeacutequiteacute de la
proceacutedure en ce que non seulement il vise lrsquoeacutegaliteacute des armes entre lrsquoaccusation et la
deacutefense mais encore il fournit agrave la deacutefense et au systegraveme judiciaire un instrument
essentiel de controcircle de la creacutedibiliteacute et de la fiabiliteacute des deacutepositions incriminantes et
par-lagrave du bien-fondeacute des chefs drsquoaccusation (Tseber preacuteciteacute sect 59 etSică c Roumanie
no 1203605 sect 69 9 juillet 2013)
52 Dans la preacutesente affaire la Cour observe que CC plaignant et unique teacutemoin a
eacuteteacute entendu par les carabiniers mais qursquoil nrsquoa jamais comparu devant les juridictions
du fond Ni les juges du fond ni le requeacuterant ou son repreacutesentant nrsquoont donc pu
lrsquoobserver pendant son audition pour appreacutecier sa creacutedibiliteacute et la fiabiliteacute de sa
deacuteposition (Tseber preacuteciteacute sect 60 Sică preacuteciteacute sect 70 Vronchenko c Estonie no 5963209 sect
65 18 juillet 2013 et Rosin c Estonie no 2654008 sect 62 19 deacutecembre 2013)
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53 La Cour relegraveve ensuite que les juridictions internes se sont appuyeacutees en sus des
deacuteclarations litigieuses sur le teacutemoignage du carabinier LR qui avait relateacute au
tribunal lors de lrsquoaudience du 6 deacutecembre 2004 les modaliteacutes du deacuteroulement de la
reconnaissance photographique de lrsquointeacuteresseacute et de son coiumlnculpeacute
54 La Cour relegraveve en outre que la cour drsquoappel a eacutevalueacute avec soin la creacutedibiliteacute de
CC observant qursquoil nrsquoavait aucune raison drsquoaccuser le requeacuterant et que avant les faits
deacutelictueux il ne le connaissait pas Ces eacuteleacutements ont ameneacute la cour drsquoappel agrave
consideacuterer que CC nrsquoavait pas drsquointeacuterecirct agrave deacuteposer ainsi et que ses deacuteclarations eacutetaient
donc suffisamment fiables
55 Cela eacutetant la Cour se doit de rappeler qursquoun tel examen ne saurait agrave lui seul
compenser lrsquoabsence drsquointerrogation du teacutemoin par la deacutefense (Damir Sibgatullin c
Russie no 141305 sect 57 24 avril 2012) En effet aussi rigoureux soit-il lrsquoexamen fait par
le juge du fond constitue un instrument de controcircle imparfait dans la mesure ougrave il ne
permet pas de disposer des eacuteleacutements pouvant ressortir drsquoune confrontation en
audience publique entre lrsquoaccuseacute et son accusateur (Tseber preacuteciteacute sect 65 etRiahi c
Belgique no 6540010 sect 41 14 juin 2016)
56 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour estime que le caractegravere deacuteterminant des
deacutepositions de CC en lrsquoabsence de confrontation avec le requeacuterant en audience
publique emporte la conclusion que les juridictions internes aussi rigoureux qursquoait eacuteteacute
leur examen nrsquoont pas pu appreacutecier correctement et eacutequitablement la fiabiliteacute de cette
preuve
57 Par conseacutequent consideacuterant lrsquoeacutequiteacute de la proceacutedure dans son ensemble la Cour
juge que les droits de la deacutefense du requeacuterant ont ainsi subi une limitation
incompatible avec les exigences drsquoun procegraves eacutequitable Partant il y a eu violation de
lrsquoarticle 6 sectsect 1 et 3 d) de la Convention
II SUR LrsquoAPPLICATION DE LrsquoARTICLE 41 DE LA CONVENTION
58 Aux termes de lrsquoarticle 41 de la Convention
laquo Si la Cour deacuteclare qursquoil y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles
et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet drsquoeffacer
qursquoimparfaitement les conseacutequences de cette violation la Cour accorde agrave la partie
leacuteseacutee srsquoil y a lieu une satisfaction eacutequitable raquo
A Dommage
59 Le requeacuterant reacuteclame agrave titre de dommage mateacuteriel 200 euros (EUR) par mois de
deacutetention soit un total de 3 200 EUR pour la peacuteriode drsquoun an et quatre mois qursquoil a
passeacutee en prison En outre il demande 100 000 EUR pour preacutejudice moral
60 Le Gouvernement est drsquoavis que les demandes du requeacuterant sont exorbitantes et
totalement deacutenueacutees de fondement
61 La Cour nrsquoaperccediloit pas de lien de causaliteacute entre la violation constateacutee et le
dommage mateacuteriel alleacutegueacute et rejette cette demande En revanche elle estime que le
requeacuterant a subi un preacutejudice moral certain auquel le constat de violation figurant
dans le preacutesent arrecirct (paragraphe 57 ci-dessus) ne suffit pas agrave remeacutedier La Cour
rappelle que lorsqursquoelle conclut que la condamnation drsquoun requeacuterant a eacuteteacute prononceacutee
malgreacute lrsquoexistence drsquoune atteinte aux exigences drsquoeacutequiteacute de la proceacutedure un nouveau
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procegraves ou une reacuteouverture de la proceacutedure agrave la demande de lrsquointeacuteresseacute repreacutesente en
principe un moyen approprieacute de redresser la violation constateacutee (voirmutatis
mutandis Somogyi c Italie no 6797201 sect 86 CEDH 2004-IV Krasniki c Reacutepublique
tchegraveque no 5127799 sect 93 28 feacutevrier 2006 et Tseber preacuteciteacute sect 75) Eu eacutegard aux
circonstances de la cause et statuant en eacutequiteacute comme le veut lrsquoarticle 41 de la
Convention elle deacutecide toutefois drsquooctroyer agrave lrsquointeacuteresseacute la somme de 3 000 EUR
B Frais et deacutepens
62 Justificatifs agrave lrsquoappui le requeacuterant demande eacutegalement 10 080 EUR en
remboursement des frais et deacutepens engageacutes devant les juridictions internes et 4 920
EUR en remboursement de ceux engageacutes devant la Cour
63 Le Gouvernement conteste ces demandes arguant que la preuve de
lrsquoengagement reacuteel des frais et deacutepens reacuteclameacutes nrsquoa pas eacuteteacute rapporteacutee
64 Selon la jurisprudence de la Cour un requeacuterant ne peut obtenir le
remboursement de ses frais et deacutepens que dans la mesure ougrave se trouvent eacutetablis leur
reacutealiteacute leur neacutecessiteacute et le caractegravere raisonnable de leur taux En lrsquoespegravece compte tenu
des documents dont elle dispose et de sa jurisprudence la Cour estime raisonnable la
somme de 10 000 EUR tous frais confondus et lrsquoaccorde au requeacuterant
C Inteacuterecircts moratoires
65 La Cour juge approprieacute de calquer le taux des inteacuterecircts moratoires sur le taux
drsquointeacuterecirct de la faciliteacute de precirct marginal de la Banque centrale europeacuteenne majoreacute de
trois points de pourcentage
PAR CES MOTIFS LA COUR
1 Deacuteclare agrave lrsquounanimiteacute la requecircte recevable
2 Dit par six voix contre une qursquoil y a eu violation de lrsquoarticle 6 sectsect 1 et 3 d) de la
Convention
3 Dit par six voix contre une
a) que lrsquoEacutetat deacutefendeur doit verser au requeacuterant dans les trois mois agrave compter du
jour ougrave lrsquoarrecirct sera devenu deacutefinitif conformeacutement agrave lrsquoarticle 44 sect 2 de la
Convention les sommes suivantes
i 3 000 EUR (trois mille euros) plus tout montant pouvant ecirctre ducirc agrave titre
drsquoimpocirct pour dommage moral
ii 10 000 EUR (dix mille euros) plus tout montant pouvant ecirctre ducirc par le
requeacuterant agrave titre drsquoimpocirct pour frais et deacutepens
b) qursquoagrave compter de lrsquoexpiration dudit deacutelai et jusqursquoau versement ces montants
seront agrave majorer drsquoun inteacuterecirct simple agrave un taux eacutegal agrave celui de la faciliteacute de precirct
marginal de la Banque centrale europeacuteenne applicable pendant cette peacuteriode
augmenteacute de trois points de pourcentage
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4 Rejette agrave lrsquounanimiteacute la demande de satisfaction eacutequitable pour le surplus
Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 12 octobre 2017 en application de
lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3 du regraveglement de la Cour
Abel CamposKristina Pardalos
GreffierPreacutesidente
Au preacutesent arrecirct se trouve joint conformeacutement aux articles 45 sect 2 de la Convention
et 74 sect 2 du regraveglement lrsquoexposeacute de lrsquoopinion seacutepareacutee du juge Wojtyczek
KP
AC
OPINION DISSIDENTE DU JUGE WOJTYCZEK
1 Je ne suis pas convaincu par la position de la majoriteacute dans la preacutesente affaire
2 Le requeacuterant fut renvoyeacute en jugement devant le tribunal de Trani le 16 juin 1998
Selon le Gouvernement son procegraves commenccedila le 27 mai 2001 avec la tenue de la
premiegravere audience Je note en passant que la majoriteacute en eacutetablissant les faits omet
complegravetement les deacuteveloppements qui ont eu lieu entre le 16 juin 1998 et 27 mai 2003
date de la premiegravere audience mentionneacutee dans la partie laquo circonstances de lrsquoespegravece raquo de
lrsquoarrecirct
Quoi qursquoil en soit on peut constater dans la preacutesente affaire un retard agrave juger le
requeacuterant ce qui semble en contradiction avec le droit agrave un procegraves dans un deacutelai
raisonnable Toutefois le requeacuterant nrsquoa pas preacutesenteacute de griefs relatifs agrave la dureacutee de la
proceacutedure La Cour nrsquoeacutetait donc pas compeacutetente pour examiner la question de la dureacutee
de la proceacutedure et agrave juste titre a deacutecideacute de ne pas examiner cette question
3 Le requeacuterant se plaint du manque drsquoeacutequiteacute de la proceacutedure meneacutee contre lui car le
teacutemoin clef de lrsquoaffaire nrsquoa pas eacuteteacute entendu pendant les deacutebats La majoriteacute constate agrave
juste titre que laquo CC plaignant et unique teacutemoin a eacuteteacute entendu par les carabiniers
mais qursquoil nrsquoa jamais comparu devant les juridictions du fond raquo (paragraphe 52 gras
ajouteacute)
Le manque alleacutegueacute drsquoeacutequiteacute du procegraves du fait de lrsquoabsence drsquoaudition du teacutemoin
devant le juge de fond doit ecirctre appreacutecieacute avant tout agrave la lumiegravere des eacutevegravenements qui
ont eu lieu apregraves son commencement Or dans la motivation de lrsquoarrecirct la majoriteacute se
penche au paragraphe 45 sur la phase drsquoinstruction qui a dureacute jusqursquoau 16 juin 1998
Le juge des investigations preacuteliminaires nrsquoest pas le juge de fond La motivation de
lrsquoarrecirct nrsquoexplique pas pourquoi les stades anteacuterieurs au procegraves seraient pertinents pour
appreacutecier le grief du requeacuterant alors que le paragraphe 52 met lrsquoaccent sur la
comparution du teacutemoin devant le juge de fond Peut-ecirctre la motivation se fonde-t-elle
implicitement sur lrsquoideacutee que lrsquoaudition du teacutemoin avant le procegraves devant un juge en
preacutesence de lrsquoaccuseacute aurait remeacutedieacute au problegraveme de lrsquoabsence drsquoaudition du teacutemoin
pendant le procegraves devant le juge de fond Si crsquoest le cas cette consideacuteration aurait ducirc
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ecirctre expliqueacutee dans le contexte drsquoune analyse deacutetailleacutee de la proceacutedure peacutenale italienne
et en particulier drsquoune analyse de la logique et de lrsquoenchaicircnement de ses diffeacuterents
stades
4 Agrave lrsquoaudience du 6 deacutecembre 2004 le procureur informa le tribunal que le teacutemoin
CC avait quitteacute le domicile familial depuis lrsquoanneacutee 2000 et qursquoil eacutetait depuis lors
introuvable Il indiqua eacutegalement qursquoun mandat drsquoarrecirct avait eacuteteacute deacutecerneacute agrave lrsquoencontre
de CC agrave la suite de sa condamnation par contumace dans le cadre drsquoune autre
proceacutedure peacutenale Ces alleacutegations nrsquoont pas eacuteteacute contesteacutees par le requeacuterant Il nrsquoest
donc pas exact de dire que laquo [a]u final lors du procegraves en 2003 soit plus de six ans apregraves
les faits les seules recherches effectueacutees par la police avaient eacuteteacute celles faites au
domicile des parents de CC raquo (paragraphe 45 in fine)
Si pendant plusieurs anneacutees les autoriteacutes italiennes ont tenteacute sans succegraves de
localiser et drsquoarrecircter CC pour lrsquoincarceacuterer agrave la suite drsquoune condamnation peacutenale dans
une autre affaire il est difficile de leur reprocher de nrsquoavoir pas pu assurer sa
comparution comme teacutemoin Il est difficile drsquoattendre raisonnablement encore plus de
diligence de la part de la juridiction devant laquelle la personne rechercheacutee doit
teacutemoigner
Dans la preacutesente affaire il y avait un obstacle objectif agrave lrsquoaudition du teacutemoin Le juge
avait lrsquoobligation de statuer sur le fondement des preuves disponibles et notamment
du teacutemoignage de CC recueilli avant le procegraves appreacutecieacutees agrave la lumiegravere du principe de
la libre appreacuteciation des preuves Les juridictions italiennes des diffeacuterents niveaux ont
soigneusement examineacute cette question Je ne vois pas de raison suffisante de me
deacutemarquer de leurs conclusions
5 Au paragraphe 50 la Cour laquo rappelle agrave nouveau que dans chaque affaire ougrave le
problegraveme de lrsquoeacutequiteacute de la proceacutedure se pose en rapport avec la deacuteposition drsquoun teacutemoin
absent il srsquoagit de savoir srsquoil existe des eacuteleacutements suffisamment compensateurs des
inconveacutenients que son admission fait subir agrave la deacutefense notamment des garanties
proceacutedurales solides permettant une appreacuteciation correcte et eacutequitable de la fiabiliteacute
drsquoune telle preuve raquo
En lrsquoespegravece le gouvernement italien dans ses observations eacutecrites a preacutesenteacute un
certain nombre drsquoeacuteleacutements qui selon lui compensaient les inconveacutenients subis par la
deacutefense La Cour eacutetait tenue drsquoappliquer le test eacutenonceacute au paragraphe 50 en appreacuteciant
si les eacuteleacutements mis en exergue par le Gouvernement eacutetaient pertinents et suffisants Or
la majoriteacute a deacutecideacute de ne pas reacutepondre aux arguments du Gouvernement Elle se
limite agrave affirmer au paragraphe 55 que laquo aussi rigoureux soit-il lrsquoexamen fait par le
juge du fond constitue un instrument de controcircle imparfait dans la mesure ougrave il ne
permet pas de disposer des eacuteleacutements pouvant ressortir drsquoune confrontation en
audience publique entre lrsquoaccuseacute et son accusateur raquo Le test eacutenonceacute nrsquoa pas eacuteteacute
appliqueacute par la Cour
Il est eacutevident qursquoen lrsquoabsence drsquoaudition drsquoun teacutemoin en audience publique on ne
peut pas disposer drsquoeacuteleacutements pouvant ressortir drsquoune confrontation entre lrsquoaccuseacute et
son accusateur Toutefois selon la meacutethodologie annonceacutee au paragraphe 50 la
question agrave trancher eacutetait celle de savoir srsquoil existait des eacuteleacutements qui avaient
suffisamment compenseacute les inconveacutenients que son admission avait fait subir agrave la
deacutefense
6 La preacutesente affaire permet de tirer un enseignement plus geacuteneacuteral Lrsquoeacutequiteacute du
procegraves peacutenal ne peut srsquoappreacutecier que dans le contexte de lrsquoensemble des regravegles qui
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reacutegissent la proceacutedure peacutenale et en particulier des principes fondamentaux qui
deacutefinissent le modegravele de proceacutedure peacutenale choisi La majoriteacute se reacutefegravere aux principes
eacutetablis dans lrsquoarrecirct Al-Khawaja et Tahery c Royaume-Uni ([GC] nos 2676605 et 2222806
CEDH 2011 auquel se trouve joint lrsquoexposeacute de lrsquoopinion concordante du juge Bratza et
de lrsquoopinion en partie concordante et en partie dissidente des juges Sajoacute et Karakaş) Je
note agrave cet eacutegard que les principes concernant lrsquoaudition des teacutemoins ont eacuteteacute eacutenonceacutes
dans cette affaire dans le contexte drsquoun procegraves fondeacute sur les principes du contradictoire
et du rocircle limiteacute du juge Les principes du procegraves eacutequitable eacutelaboreacutes pour de telles
proceacutedures peacutenales sont difficilement transposables agrave des proceacutedures peacutenales fondeacutees
sur le rocircle actif du juge avec de forts eacuteleacutements inquisitoires au stade du procegraves Agrave mon
avis la question de lrsquoeacutequiteacute du procegraves peacutenal doit ecirctre revisiteacutee par la Cour agrave la lumiegravere
des principes fondamentaux des diffeacuterentes proceacutedures peacutenales Je remarque dans ce
contexte que le rocircle actif du juge est en soi un eacuteleacutement qui peut compenser certaines
formes drsquoineacutegaliteacute des armes entre les parties ce qui a eacuteteacute mis en exergue agrave tregraves juste
titre dans lrsquoarrecirct Regner c Reacutepublique tchegraveque ([GC] no 3528911 sect 152 19 septembre
2017 auquel se trouve joint lrsquoopinion concordante du juge Wojtyczek lrsquoopinion en
partie dissidente commune aux juges Raimondi Sicilianos Spano Ravarani et Pastor
Vilanova lrsquoopinion en partie dissidente commune aux juges Lazarova Trajkovska et
Loacutepez Guerra lrsquoopinion en partie dissidente du juge Serghides et lrsquoopinion dissidente
du juge Sajoacute) Bien que ce dernier arrecirct concerne la proceacutedure administrative
contentieuse les consideacuterations exposeacutees dans sa motivation gardent leur pertinence
pour drsquoautres proceacutedures
Il faut rappeler que lrsquoeacutegaliteacute des armes et le respect des droits des parties ne sont pas
la finaliteacute ultime du droit mais lrsquoinstrument servant drsquoune part la digniteacute et
lrsquoautonomie individuelle et drsquoautre part la veacuteriteacute et la justice substantielle La question
essentielle est celle de savoir si les regravegles proceacutedurales envisageacutees comme un systegraveme
et appliqueacutees en lrsquoespegravece permettent drsquoaboutir dans le respect de la digniteacute de
lrsquohomme agrave une deacutecision fondeacutee sur la veacuteriteacute et drsquoeacuteviter les erreurs judiciaires
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hoc exception faite pour lrsquoaudience du 28 janvier 1997 qui nrsquoeut pas lieu en raison de
lrsquoabsence du procureur (voir paragraphe 9 ci-dessus) ni agrave lrsquoaudience du 27 mai 2003
qui devait ecirctre consacreacutee agrave son audition (paragraphe 12 ci-dessus)
42 La Cour rappelle que lorsque lrsquoabsence du teacutemoin srsquoexplique par la raison
eacutevoqueacutee en lrsquoespegravece elle exige du tribunal du fond qursquoil ait fait tout ce que lrsquoon pouvait
raisonnablement attendre de lui pour assurer la comparution de lrsquointeacuteresseacute (Gabrielyan
c Armeacutenie no 808805 sect 78 10 avril 2012 Tseber c Reacutepublique tchegraveque no 4620308 sect 48
22 novembre 2012 et Kostecki c Pologne no 1493209 sectsect 65-66 4 juin 2013)
Lrsquoimpossibiliteacute pour les juridictions internes drsquoentrer en contact avec le teacutemoin
concerneacute ou le fait que celui-ci a quitteacute le territoire du pays dans lequel lrsquoinstance est
conduite ont eacuteteacute jugeacutes insuffisants en soi pour satisfaire agrave lrsquoarticle 6 sect 3 d) lequel exige
des Eacutetats contractants qursquoils prennent des mesures positives pour permettre agrave lrsquoaccuseacute
drsquointerroger ou de faire interroger les teacutemoins agrave charge (Gabrielyan preacuteciteacute sect 81 Tseber
preacuteciteacute sect 48 et Lučić c Croatie no 569911 sect 79 27 feacutevrier 2014)
43 Pareilles mesures relegravevent de la diligence que les Eacutetats contractants doivent
deacuteployer pour assurer la jouissance effective des droits garantis par lrsquoarticle 6 de la
Convention (Gabrielyan preacuteciteacute sect 81) faute de quoi lrsquoabsence du teacutemoin est imputable
aux autoriteacutes internes (Tseber preacuteciteacute sect 48 Lučić preacuteciteacute sect 79
etSchatschaschwili preacuteciteacute sect 120)
44 Pour que les autoriteacutes soient consideacutereacutees comme ayant deacuteployeacute tous les efforts
raisonnables pour assurer la comparution drsquoun teacutemoin il faut aussi que les tribunaux
internes aient proceacutedeacute agrave un controcircle minutieux des raisons donneacutees pour justifier
lrsquoincapaciteacute du teacutemoin agrave assister au procegraves en tenant compte de la situation particuliegravere
de lrsquointeacuteresseacute (Nechto c Russie no 2489305 sect 127 24 janvier 2012 Damir Sibgatullin c
Russie no 141305 sect 56 24 avril 2012 Yevgeniy Ivanov c Russie no 2710003 sect 47 25
avril 2013 et Schatschaschwili preacuteciteacute sect 122)
45 Force est de constater que en lrsquoespegravece les tribunaux internes se sont borneacutes agrave
indiquer que lrsquoabsence de CC nrsquoeacutetait pas preacutevisible et que les recherches meneacutees pour
le retrouver avaient eacuteteacute vaines (paragraphes 10 12 et 17 ci-dessus) Le tribunal a exclu
la possibiliteacute drsquoeffectuer des recherches suppleacutementaires En 1997 et en 1998 CC a eacuteteacute
citeacute agrave comparaicirctre en vue de la tenue drsquoune audience ad hoc destineacutee agrave recueillir son
teacutemoignage et agrave effectuer une reconnaissance du requeacuterant Il ne srsquoest preacutesenteacute qursquoagrave
une seule audience ad hoc laquelle a eacuteteacute reporteacutee en raison de lrsquoabsence du substitut du
procureur Ensuite agrave lrsquoaudience du 22 septembre 1997 le juge a indiqueacute que CC ne
vivant plus au domicile de ses parents nrsquoavait pas reccedilu notification de la citation agrave
comparaicirctre Au final lors du procegraves en 2003 soit plus de six ans apregraves les faits les
seules recherches effectueacutees par la police avaient eacuteteacute celles faites au domicile des
parents de CC
46 Dans ces circonstances et compte tenu eacutegalement du long laps de temps eacutecouleacute
entre les faits et le procegraves la Cour estime que le Gouvernement nrsquoa pas deacutemontreacute que
les juridictions italiennes ont deacuteployeacute tous les efforts que lrsquoon pouvait raisonnablement
attendre drsquoelles pour assurer la comparution de CC ( voir paragraphes 9 et 41 ci-
dessus) (voir mutatis mutandis Rudnichenko preacuteciteacute sectsect 105-109 ougrave la Cour a conclu
que la restriction apporteacutee au droit du requeacuterant de faire interroger un teacutemoin absent
ne reposait sur aucun motif valable ou non apregraves avoir notamment observeacute qursquoaucune
mesure nrsquoavait eacuteteacute prise pour faire en sorte que le teacutemoin litigieux pucirct comparaicirctre et
ecirctre interrogeacute)
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47 Cependant comme observeacute plus haut (paragraphe 40 ci-dessus) mecircme si elle
constitue un eacuteleacutement de poids pour appreacutecier lrsquoeacutequiteacute globale du procegraves lrsquoabsence de
motif seacuterieux justifiant la non-comparution de CC nrsquoest pas en soi constitutive drsquoune
violation de lrsquoarticle 6 de la Convention La Cour examinera donc si la deacuteposition de
CC constituait le fondement unique ou deacuteterminant de la condamnation du requeacuterant
et srsquoil existait des eacuteleacutements compensateurs suffisants pour contrebalancer les difficulteacutes
que lrsquoimpossibiliteacute de contre-interroger ce teacutemoin a causeacutees agrave la deacutefense
ii Lrsquoimportance de la deacuteposition de CC pour la condamnation du requeacuterant
48 La Cour constate que les juges nationaux ont fondeacute la condamnation du
requeacuterant exclusivement ou du moins dans une mesure deacuteterminante sur les
deacuteclarations faites par CC lors du deacutepocirct de sa plainte en 1996
49 Srsquoil est vrai comme le reconnait le Gouvernement que le tribunal a pris en
consideacuteration les deacuteclarations du carabinier LR ayant enregistreacute la plainte de CC et
ayant effectueacute la proceacutedure de reconnaissance photographique du requeacuterant et de son
coiumlnculpeacute afin de valider la preuve principale la Cour note toutefois qursquoaucune
confrontation directe nrsquoa pu avoir lieu entre le requeacuterant et son accusateur ni pendant
le procegraves ni au stade de lrsquoenquecircte preacuteliminaire En particulier au cours de celle-ci CC
ne srsquoest pas preacutesenteacute agrave lrsquoaudience ad hoc qui srsquoest tenue devant le GIP en preacutesence des
avocats de la deacutefense La Cour reacuteaffirme que le caractegravere unique de la preuve pegravese
lourd dans la balance et qursquoil appelle des eacuteleacutements suffisamment compensateurs des
difficulteacutes que son admission fait subir agrave la deacutefense (Al-Khawaja et Tahery preacuteciteacute sect
161)
iii Les garanties proceacutedurales pour contrebalancer les difficulteacutes causeacutees agrave la deacutefense
50 La Cour rappelle agrave nouveau que dans chaque affaire ougrave le problegraveme de lrsquoeacutequiteacute
de la proceacutedure se pose en rapport avec la deacuteposition drsquoun teacutemoin absent il srsquoagit de
savoir srsquoil existe des eacuteleacutements suffisamment compensateurs des inconveacutenients que son
admission fait subir agrave la deacutefense notamment des garanties proceacutedurales solides
permettant une appreacuteciation correcte et eacutequitable de la fiabiliteacute drsquoune telle preuve
Lrsquoexamen de cette question permet de veacuterifier si la deacuteposition du teacutemoin absent est
suffisamment fiable compte tenu de son importance dans la cause pour qursquoune
condamnation puisse ecirctre prononceacutee (Al-Khawaja et Tahery preacuteciteacute sect 147)
51 La Cour rappelle aussi que dans ce contexte le droit drsquointerroger ou de faire
interroger les teacutemoins agrave charge constitue une garantie du droit agrave lrsquoeacutequiteacute de la
proceacutedure en ce que non seulement il vise lrsquoeacutegaliteacute des armes entre lrsquoaccusation et la
deacutefense mais encore il fournit agrave la deacutefense et au systegraveme judiciaire un instrument
essentiel de controcircle de la creacutedibiliteacute et de la fiabiliteacute des deacutepositions incriminantes et
par-lagrave du bien-fondeacute des chefs drsquoaccusation (Tseber preacuteciteacute sect 59 etSică c Roumanie
no 1203605 sect 69 9 juillet 2013)
52 Dans la preacutesente affaire la Cour observe que CC plaignant et unique teacutemoin a
eacuteteacute entendu par les carabiniers mais qursquoil nrsquoa jamais comparu devant les juridictions
du fond Ni les juges du fond ni le requeacuterant ou son repreacutesentant nrsquoont donc pu
lrsquoobserver pendant son audition pour appreacutecier sa creacutedibiliteacute et la fiabiliteacute de sa
deacuteposition (Tseber preacuteciteacute sect 60 Sică preacuteciteacute sect 70 Vronchenko c Estonie no 5963209 sect
65 18 juillet 2013 et Rosin c Estonie no 2654008 sect 62 19 deacutecembre 2013)
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53 La Cour relegraveve ensuite que les juridictions internes se sont appuyeacutees en sus des
deacuteclarations litigieuses sur le teacutemoignage du carabinier LR qui avait relateacute au
tribunal lors de lrsquoaudience du 6 deacutecembre 2004 les modaliteacutes du deacuteroulement de la
reconnaissance photographique de lrsquointeacuteresseacute et de son coiumlnculpeacute
54 La Cour relegraveve en outre que la cour drsquoappel a eacutevalueacute avec soin la creacutedibiliteacute de
CC observant qursquoil nrsquoavait aucune raison drsquoaccuser le requeacuterant et que avant les faits
deacutelictueux il ne le connaissait pas Ces eacuteleacutements ont ameneacute la cour drsquoappel agrave
consideacuterer que CC nrsquoavait pas drsquointeacuterecirct agrave deacuteposer ainsi et que ses deacuteclarations eacutetaient
donc suffisamment fiables
55 Cela eacutetant la Cour se doit de rappeler qursquoun tel examen ne saurait agrave lui seul
compenser lrsquoabsence drsquointerrogation du teacutemoin par la deacutefense (Damir Sibgatullin c
Russie no 141305 sect 57 24 avril 2012) En effet aussi rigoureux soit-il lrsquoexamen fait par
le juge du fond constitue un instrument de controcircle imparfait dans la mesure ougrave il ne
permet pas de disposer des eacuteleacutements pouvant ressortir drsquoune confrontation en
audience publique entre lrsquoaccuseacute et son accusateur (Tseber preacuteciteacute sect 65 etRiahi c
Belgique no 6540010 sect 41 14 juin 2016)
56 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour estime que le caractegravere deacuteterminant des
deacutepositions de CC en lrsquoabsence de confrontation avec le requeacuterant en audience
publique emporte la conclusion que les juridictions internes aussi rigoureux qursquoait eacuteteacute
leur examen nrsquoont pas pu appreacutecier correctement et eacutequitablement la fiabiliteacute de cette
preuve
57 Par conseacutequent consideacuterant lrsquoeacutequiteacute de la proceacutedure dans son ensemble la Cour
juge que les droits de la deacutefense du requeacuterant ont ainsi subi une limitation
incompatible avec les exigences drsquoun procegraves eacutequitable Partant il y a eu violation de
lrsquoarticle 6 sectsect 1 et 3 d) de la Convention
II SUR LrsquoAPPLICATION DE LrsquoARTICLE 41 DE LA CONVENTION
58 Aux termes de lrsquoarticle 41 de la Convention
laquo Si la Cour deacuteclare qursquoil y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles
et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet drsquoeffacer
qursquoimparfaitement les conseacutequences de cette violation la Cour accorde agrave la partie
leacuteseacutee srsquoil y a lieu une satisfaction eacutequitable raquo
A Dommage
59 Le requeacuterant reacuteclame agrave titre de dommage mateacuteriel 200 euros (EUR) par mois de
deacutetention soit un total de 3 200 EUR pour la peacuteriode drsquoun an et quatre mois qursquoil a
passeacutee en prison En outre il demande 100 000 EUR pour preacutejudice moral
60 Le Gouvernement est drsquoavis que les demandes du requeacuterant sont exorbitantes et
totalement deacutenueacutees de fondement
61 La Cour nrsquoaperccediloit pas de lien de causaliteacute entre la violation constateacutee et le
dommage mateacuteriel alleacutegueacute et rejette cette demande En revanche elle estime que le
requeacuterant a subi un preacutejudice moral certain auquel le constat de violation figurant
dans le preacutesent arrecirct (paragraphe 57 ci-dessus) ne suffit pas agrave remeacutedier La Cour
rappelle que lorsqursquoelle conclut que la condamnation drsquoun requeacuterant a eacuteteacute prononceacutee
malgreacute lrsquoexistence drsquoune atteinte aux exigences drsquoeacutequiteacute de la proceacutedure un nouveau
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procegraves ou une reacuteouverture de la proceacutedure agrave la demande de lrsquointeacuteresseacute repreacutesente en
principe un moyen approprieacute de redresser la violation constateacutee (voirmutatis
mutandis Somogyi c Italie no 6797201 sect 86 CEDH 2004-IV Krasniki c Reacutepublique
tchegraveque no 5127799 sect 93 28 feacutevrier 2006 et Tseber preacuteciteacute sect 75) Eu eacutegard aux
circonstances de la cause et statuant en eacutequiteacute comme le veut lrsquoarticle 41 de la
Convention elle deacutecide toutefois drsquooctroyer agrave lrsquointeacuteresseacute la somme de 3 000 EUR
B Frais et deacutepens
62 Justificatifs agrave lrsquoappui le requeacuterant demande eacutegalement 10 080 EUR en
remboursement des frais et deacutepens engageacutes devant les juridictions internes et 4 920
EUR en remboursement de ceux engageacutes devant la Cour
63 Le Gouvernement conteste ces demandes arguant que la preuve de
lrsquoengagement reacuteel des frais et deacutepens reacuteclameacutes nrsquoa pas eacuteteacute rapporteacutee
64 Selon la jurisprudence de la Cour un requeacuterant ne peut obtenir le
remboursement de ses frais et deacutepens que dans la mesure ougrave se trouvent eacutetablis leur
reacutealiteacute leur neacutecessiteacute et le caractegravere raisonnable de leur taux En lrsquoespegravece compte tenu
des documents dont elle dispose et de sa jurisprudence la Cour estime raisonnable la
somme de 10 000 EUR tous frais confondus et lrsquoaccorde au requeacuterant
C Inteacuterecircts moratoires
65 La Cour juge approprieacute de calquer le taux des inteacuterecircts moratoires sur le taux
drsquointeacuterecirct de la faciliteacute de precirct marginal de la Banque centrale europeacuteenne majoreacute de
trois points de pourcentage
PAR CES MOTIFS LA COUR
1 Deacuteclare agrave lrsquounanimiteacute la requecircte recevable
2 Dit par six voix contre une qursquoil y a eu violation de lrsquoarticle 6 sectsect 1 et 3 d) de la
Convention
3 Dit par six voix contre une
a) que lrsquoEacutetat deacutefendeur doit verser au requeacuterant dans les trois mois agrave compter du
jour ougrave lrsquoarrecirct sera devenu deacutefinitif conformeacutement agrave lrsquoarticle 44 sect 2 de la
Convention les sommes suivantes
i 3 000 EUR (trois mille euros) plus tout montant pouvant ecirctre ducirc agrave titre
drsquoimpocirct pour dommage moral
ii 10 000 EUR (dix mille euros) plus tout montant pouvant ecirctre ducirc par le
requeacuterant agrave titre drsquoimpocirct pour frais et deacutepens
b) qursquoagrave compter de lrsquoexpiration dudit deacutelai et jusqursquoau versement ces montants
seront agrave majorer drsquoun inteacuterecirct simple agrave un taux eacutegal agrave celui de la faciliteacute de precirct
marginal de la Banque centrale europeacuteenne applicable pendant cette peacuteriode
augmenteacute de trois points de pourcentage
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4 Rejette agrave lrsquounanimiteacute la demande de satisfaction eacutequitable pour le surplus
Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 12 octobre 2017 en application de
lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3 du regraveglement de la Cour
Abel CamposKristina Pardalos
GreffierPreacutesidente
Au preacutesent arrecirct se trouve joint conformeacutement aux articles 45 sect 2 de la Convention
et 74 sect 2 du regraveglement lrsquoexposeacute de lrsquoopinion seacutepareacutee du juge Wojtyczek
KP
AC
OPINION DISSIDENTE DU JUGE WOJTYCZEK
1 Je ne suis pas convaincu par la position de la majoriteacute dans la preacutesente affaire
2 Le requeacuterant fut renvoyeacute en jugement devant le tribunal de Trani le 16 juin 1998
Selon le Gouvernement son procegraves commenccedila le 27 mai 2001 avec la tenue de la
premiegravere audience Je note en passant que la majoriteacute en eacutetablissant les faits omet
complegravetement les deacuteveloppements qui ont eu lieu entre le 16 juin 1998 et 27 mai 2003
date de la premiegravere audience mentionneacutee dans la partie laquo circonstances de lrsquoespegravece raquo de
lrsquoarrecirct
Quoi qursquoil en soit on peut constater dans la preacutesente affaire un retard agrave juger le
requeacuterant ce qui semble en contradiction avec le droit agrave un procegraves dans un deacutelai
raisonnable Toutefois le requeacuterant nrsquoa pas preacutesenteacute de griefs relatifs agrave la dureacutee de la
proceacutedure La Cour nrsquoeacutetait donc pas compeacutetente pour examiner la question de la dureacutee
de la proceacutedure et agrave juste titre a deacutecideacute de ne pas examiner cette question
3 Le requeacuterant se plaint du manque drsquoeacutequiteacute de la proceacutedure meneacutee contre lui car le
teacutemoin clef de lrsquoaffaire nrsquoa pas eacuteteacute entendu pendant les deacutebats La majoriteacute constate agrave
juste titre que laquo CC plaignant et unique teacutemoin a eacuteteacute entendu par les carabiniers
mais qursquoil nrsquoa jamais comparu devant les juridictions du fond raquo (paragraphe 52 gras
ajouteacute)
Le manque alleacutegueacute drsquoeacutequiteacute du procegraves du fait de lrsquoabsence drsquoaudition du teacutemoin
devant le juge de fond doit ecirctre appreacutecieacute avant tout agrave la lumiegravere des eacutevegravenements qui
ont eu lieu apregraves son commencement Or dans la motivation de lrsquoarrecirct la majoriteacute se
penche au paragraphe 45 sur la phase drsquoinstruction qui a dureacute jusqursquoau 16 juin 1998
Le juge des investigations preacuteliminaires nrsquoest pas le juge de fond La motivation de
lrsquoarrecirct nrsquoexplique pas pourquoi les stades anteacuterieurs au procegraves seraient pertinents pour
appreacutecier le grief du requeacuterant alors que le paragraphe 52 met lrsquoaccent sur la
comparution du teacutemoin devant le juge de fond Peut-ecirctre la motivation se fonde-t-elle
implicitement sur lrsquoideacutee que lrsquoaudition du teacutemoin avant le procegraves devant un juge en
preacutesence de lrsquoaccuseacute aurait remeacutedieacute au problegraveme de lrsquoabsence drsquoaudition du teacutemoin
pendant le procegraves devant le juge de fond Si crsquoest le cas cette consideacuteration aurait ducirc
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ecirctre expliqueacutee dans le contexte drsquoune analyse deacutetailleacutee de la proceacutedure peacutenale italienne
et en particulier drsquoune analyse de la logique et de lrsquoenchaicircnement de ses diffeacuterents
stades
4 Agrave lrsquoaudience du 6 deacutecembre 2004 le procureur informa le tribunal que le teacutemoin
CC avait quitteacute le domicile familial depuis lrsquoanneacutee 2000 et qursquoil eacutetait depuis lors
introuvable Il indiqua eacutegalement qursquoun mandat drsquoarrecirct avait eacuteteacute deacutecerneacute agrave lrsquoencontre
de CC agrave la suite de sa condamnation par contumace dans le cadre drsquoune autre
proceacutedure peacutenale Ces alleacutegations nrsquoont pas eacuteteacute contesteacutees par le requeacuterant Il nrsquoest
donc pas exact de dire que laquo [a]u final lors du procegraves en 2003 soit plus de six ans apregraves
les faits les seules recherches effectueacutees par la police avaient eacuteteacute celles faites au
domicile des parents de CC raquo (paragraphe 45 in fine)
Si pendant plusieurs anneacutees les autoriteacutes italiennes ont tenteacute sans succegraves de
localiser et drsquoarrecircter CC pour lrsquoincarceacuterer agrave la suite drsquoune condamnation peacutenale dans
une autre affaire il est difficile de leur reprocher de nrsquoavoir pas pu assurer sa
comparution comme teacutemoin Il est difficile drsquoattendre raisonnablement encore plus de
diligence de la part de la juridiction devant laquelle la personne rechercheacutee doit
teacutemoigner
Dans la preacutesente affaire il y avait un obstacle objectif agrave lrsquoaudition du teacutemoin Le juge
avait lrsquoobligation de statuer sur le fondement des preuves disponibles et notamment
du teacutemoignage de CC recueilli avant le procegraves appreacutecieacutees agrave la lumiegravere du principe de
la libre appreacuteciation des preuves Les juridictions italiennes des diffeacuterents niveaux ont
soigneusement examineacute cette question Je ne vois pas de raison suffisante de me
deacutemarquer de leurs conclusions
5 Au paragraphe 50 la Cour laquo rappelle agrave nouveau que dans chaque affaire ougrave le
problegraveme de lrsquoeacutequiteacute de la proceacutedure se pose en rapport avec la deacuteposition drsquoun teacutemoin
absent il srsquoagit de savoir srsquoil existe des eacuteleacutements suffisamment compensateurs des
inconveacutenients que son admission fait subir agrave la deacutefense notamment des garanties
proceacutedurales solides permettant une appreacuteciation correcte et eacutequitable de la fiabiliteacute
drsquoune telle preuve raquo
En lrsquoespegravece le gouvernement italien dans ses observations eacutecrites a preacutesenteacute un
certain nombre drsquoeacuteleacutements qui selon lui compensaient les inconveacutenients subis par la
deacutefense La Cour eacutetait tenue drsquoappliquer le test eacutenonceacute au paragraphe 50 en appreacuteciant
si les eacuteleacutements mis en exergue par le Gouvernement eacutetaient pertinents et suffisants Or
la majoriteacute a deacutecideacute de ne pas reacutepondre aux arguments du Gouvernement Elle se
limite agrave affirmer au paragraphe 55 que laquo aussi rigoureux soit-il lrsquoexamen fait par le
juge du fond constitue un instrument de controcircle imparfait dans la mesure ougrave il ne
permet pas de disposer des eacuteleacutements pouvant ressortir drsquoune confrontation en
audience publique entre lrsquoaccuseacute et son accusateur raquo Le test eacutenonceacute nrsquoa pas eacuteteacute
appliqueacute par la Cour
Il est eacutevident qursquoen lrsquoabsence drsquoaudition drsquoun teacutemoin en audience publique on ne
peut pas disposer drsquoeacuteleacutements pouvant ressortir drsquoune confrontation entre lrsquoaccuseacute et
son accusateur Toutefois selon la meacutethodologie annonceacutee au paragraphe 50 la
question agrave trancher eacutetait celle de savoir srsquoil existait des eacuteleacutements qui avaient
suffisamment compenseacute les inconveacutenients que son admission avait fait subir agrave la
deacutefense
6 La preacutesente affaire permet de tirer un enseignement plus geacuteneacuteral Lrsquoeacutequiteacute du
procegraves peacutenal ne peut srsquoappreacutecier que dans le contexte de lrsquoensemble des regravegles qui
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reacutegissent la proceacutedure peacutenale et en particulier des principes fondamentaux qui
deacutefinissent le modegravele de proceacutedure peacutenale choisi La majoriteacute se reacutefegravere aux principes
eacutetablis dans lrsquoarrecirct Al-Khawaja et Tahery c Royaume-Uni ([GC] nos 2676605 et 2222806
CEDH 2011 auquel se trouve joint lrsquoexposeacute de lrsquoopinion concordante du juge Bratza et
de lrsquoopinion en partie concordante et en partie dissidente des juges Sajoacute et Karakaş) Je
note agrave cet eacutegard que les principes concernant lrsquoaudition des teacutemoins ont eacuteteacute eacutenonceacutes
dans cette affaire dans le contexte drsquoun procegraves fondeacute sur les principes du contradictoire
et du rocircle limiteacute du juge Les principes du procegraves eacutequitable eacutelaboreacutes pour de telles
proceacutedures peacutenales sont difficilement transposables agrave des proceacutedures peacutenales fondeacutees
sur le rocircle actif du juge avec de forts eacuteleacutements inquisitoires au stade du procegraves Agrave mon
avis la question de lrsquoeacutequiteacute du procegraves peacutenal doit ecirctre revisiteacutee par la Cour agrave la lumiegravere
des principes fondamentaux des diffeacuterentes proceacutedures peacutenales Je remarque dans ce
contexte que le rocircle actif du juge est en soi un eacuteleacutement qui peut compenser certaines
formes drsquoineacutegaliteacute des armes entre les parties ce qui a eacuteteacute mis en exergue agrave tregraves juste
titre dans lrsquoarrecirct Regner c Reacutepublique tchegraveque ([GC] no 3528911 sect 152 19 septembre
2017 auquel se trouve joint lrsquoopinion concordante du juge Wojtyczek lrsquoopinion en
partie dissidente commune aux juges Raimondi Sicilianos Spano Ravarani et Pastor
Vilanova lrsquoopinion en partie dissidente commune aux juges Lazarova Trajkovska et
Loacutepez Guerra lrsquoopinion en partie dissidente du juge Serghides et lrsquoopinion dissidente
du juge Sajoacute) Bien que ce dernier arrecirct concerne la proceacutedure administrative
contentieuse les consideacuterations exposeacutees dans sa motivation gardent leur pertinence
pour drsquoautres proceacutedures
Il faut rappeler que lrsquoeacutegaliteacute des armes et le respect des droits des parties ne sont pas
la finaliteacute ultime du droit mais lrsquoinstrument servant drsquoune part la digniteacute et
lrsquoautonomie individuelle et drsquoautre part la veacuteriteacute et la justice substantielle La question
essentielle est celle de savoir si les regravegles proceacutedurales envisageacutees comme un systegraveme
et appliqueacutees en lrsquoespegravece permettent drsquoaboutir dans le respect de la digniteacute de
lrsquohomme agrave une deacutecision fondeacutee sur la veacuteriteacute et drsquoeacuteviter les erreurs judiciaires
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47 Cependant comme observeacute plus haut (paragraphe 40 ci-dessus) mecircme si elle
constitue un eacuteleacutement de poids pour appreacutecier lrsquoeacutequiteacute globale du procegraves lrsquoabsence de
motif seacuterieux justifiant la non-comparution de CC nrsquoest pas en soi constitutive drsquoune
violation de lrsquoarticle 6 de la Convention La Cour examinera donc si la deacuteposition de
CC constituait le fondement unique ou deacuteterminant de la condamnation du requeacuterant
et srsquoil existait des eacuteleacutements compensateurs suffisants pour contrebalancer les difficulteacutes
que lrsquoimpossibiliteacute de contre-interroger ce teacutemoin a causeacutees agrave la deacutefense
ii Lrsquoimportance de la deacuteposition de CC pour la condamnation du requeacuterant
48 La Cour constate que les juges nationaux ont fondeacute la condamnation du
requeacuterant exclusivement ou du moins dans une mesure deacuteterminante sur les
deacuteclarations faites par CC lors du deacutepocirct de sa plainte en 1996
49 Srsquoil est vrai comme le reconnait le Gouvernement que le tribunal a pris en
consideacuteration les deacuteclarations du carabinier LR ayant enregistreacute la plainte de CC et
ayant effectueacute la proceacutedure de reconnaissance photographique du requeacuterant et de son
coiumlnculpeacute afin de valider la preuve principale la Cour note toutefois qursquoaucune
confrontation directe nrsquoa pu avoir lieu entre le requeacuterant et son accusateur ni pendant
le procegraves ni au stade de lrsquoenquecircte preacuteliminaire En particulier au cours de celle-ci CC
ne srsquoest pas preacutesenteacute agrave lrsquoaudience ad hoc qui srsquoest tenue devant le GIP en preacutesence des
avocats de la deacutefense La Cour reacuteaffirme que le caractegravere unique de la preuve pegravese
lourd dans la balance et qursquoil appelle des eacuteleacutements suffisamment compensateurs des
difficulteacutes que son admission fait subir agrave la deacutefense (Al-Khawaja et Tahery preacuteciteacute sect
161)
iii Les garanties proceacutedurales pour contrebalancer les difficulteacutes causeacutees agrave la deacutefense
50 La Cour rappelle agrave nouveau que dans chaque affaire ougrave le problegraveme de lrsquoeacutequiteacute
de la proceacutedure se pose en rapport avec la deacuteposition drsquoun teacutemoin absent il srsquoagit de
savoir srsquoil existe des eacuteleacutements suffisamment compensateurs des inconveacutenients que son
admission fait subir agrave la deacutefense notamment des garanties proceacutedurales solides
permettant une appreacuteciation correcte et eacutequitable de la fiabiliteacute drsquoune telle preuve
Lrsquoexamen de cette question permet de veacuterifier si la deacuteposition du teacutemoin absent est
suffisamment fiable compte tenu de son importance dans la cause pour qursquoune
condamnation puisse ecirctre prononceacutee (Al-Khawaja et Tahery preacuteciteacute sect 147)
51 La Cour rappelle aussi que dans ce contexte le droit drsquointerroger ou de faire
interroger les teacutemoins agrave charge constitue une garantie du droit agrave lrsquoeacutequiteacute de la
proceacutedure en ce que non seulement il vise lrsquoeacutegaliteacute des armes entre lrsquoaccusation et la
deacutefense mais encore il fournit agrave la deacutefense et au systegraveme judiciaire un instrument
essentiel de controcircle de la creacutedibiliteacute et de la fiabiliteacute des deacutepositions incriminantes et
par-lagrave du bien-fondeacute des chefs drsquoaccusation (Tseber preacuteciteacute sect 59 etSică c Roumanie
no 1203605 sect 69 9 juillet 2013)
52 Dans la preacutesente affaire la Cour observe que CC plaignant et unique teacutemoin a
eacuteteacute entendu par les carabiniers mais qursquoil nrsquoa jamais comparu devant les juridictions
du fond Ni les juges du fond ni le requeacuterant ou son repreacutesentant nrsquoont donc pu
lrsquoobserver pendant son audition pour appreacutecier sa creacutedibiliteacute et la fiabiliteacute de sa
deacuteposition (Tseber preacuteciteacute sect 60 Sică preacuteciteacute sect 70 Vronchenko c Estonie no 5963209 sect
65 18 juillet 2013 et Rosin c Estonie no 2654008 sect 62 19 deacutecembre 2013)
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53 La Cour relegraveve ensuite que les juridictions internes se sont appuyeacutees en sus des
deacuteclarations litigieuses sur le teacutemoignage du carabinier LR qui avait relateacute au
tribunal lors de lrsquoaudience du 6 deacutecembre 2004 les modaliteacutes du deacuteroulement de la
reconnaissance photographique de lrsquointeacuteresseacute et de son coiumlnculpeacute
54 La Cour relegraveve en outre que la cour drsquoappel a eacutevalueacute avec soin la creacutedibiliteacute de
CC observant qursquoil nrsquoavait aucune raison drsquoaccuser le requeacuterant et que avant les faits
deacutelictueux il ne le connaissait pas Ces eacuteleacutements ont ameneacute la cour drsquoappel agrave
consideacuterer que CC nrsquoavait pas drsquointeacuterecirct agrave deacuteposer ainsi et que ses deacuteclarations eacutetaient
donc suffisamment fiables
55 Cela eacutetant la Cour se doit de rappeler qursquoun tel examen ne saurait agrave lui seul
compenser lrsquoabsence drsquointerrogation du teacutemoin par la deacutefense (Damir Sibgatullin c
Russie no 141305 sect 57 24 avril 2012) En effet aussi rigoureux soit-il lrsquoexamen fait par
le juge du fond constitue un instrument de controcircle imparfait dans la mesure ougrave il ne
permet pas de disposer des eacuteleacutements pouvant ressortir drsquoune confrontation en
audience publique entre lrsquoaccuseacute et son accusateur (Tseber preacuteciteacute sect 65 etRiahi c
Belgique no 6540010 sect 41 14 juin 2016)
56 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour estime que le caractegravere deacuteterminant des
deacutepositions de CC en lrsquoabsence de confrontation avec le requeacuterant en audience
publique emporte la conclusion que les juridictions internes aussi rigoureux qursquoait eacuteteacute
leur examen nrsquoont pas pu appreacutecier correctement et eacutequitablement la fiabiliteacute de cette
preuve
57 Par conseacutequent consideacuterant lrsquoeacutequiteacute de la proceacutedure dans son ensemble la Cour
juge que les droits de la deacutefense du requeacuterant ont ainsi subi une limitation
incompatible avec les exigences drsquoun procegraves eacutequitable Partant il y a eu violation de
lrsquoarticle 6 sectsect 1 et 3 d) de la Convention
II SUR LrsquoAPPLICATION DE LrsquoARTICLE 41 DE LA CONVENTION
58 Aux termes de lrsquoarticle 41 de la Convention
laquo Si la Cour deacuteclare qursquoil y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles
et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet drsquoeffacer
qursquoimparfaitement les conseacutequences de cette violation la Cour accorde agrave la partie
leacuteseacutee srsquoil y a lieu une satisfaction eacutequitable raquo
A Dommage
59 Le requeacuterant reacuteclame agrave titre de dommage mateacuteriel 200 euros (EUR) par mois de
deacutetention soit un total de 3 200 EUR pour la peacuteriode drsquoun an et quatre mois qursquoil a
passeacutee en prison En outre il demande 100 000 EUR pour preacutejudice moral
60 Le Gouvernement est drsquoavis que les demandes du requeacuterant sont exorbitantes et
totalement deacutenueacutees de fondement
61 La Cour nrsquoaperccediloit pas de lien de causaliteacute entre la violation constateacutee et le
dommage mateacuteriel alleacutegueacute et rejette cette demande En revanche elle estime que le
requeacuterant a subi un preacutejudice moral certain auquel le constat de violation figurant
dans le preacutesent arrecirct (paragraphe 57 ci-dessus) ne suffit pas agrave remeacutedier La Cour
rappelle que lorsqursquoelle conclut que la condamnation drsquoun requeacuterant a eacuteteacute prononceacutee
malgreacute lrsquoexistence drsquoune atteinte aux exigences drsquoeacutequiteacute de la proceacutedure un nouveau
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procegraves ou une reacuteouverture de la proceacutedure agrave la demande de lrsquointeacuteresseacute repreacutesente en
principe un moyen approprieacute de redresser la violation constateacutee (voirmutatis
mutandis Somogyi c Italie no 6797201 sect 86 CEDH 2004-IV Krasniki c Reacutepublique
tchegraveque no 5127799 sect 93 28 feacutevrier 2006 et Tseber preacuteciteacute sect 75) Eu eacutegard aux
circonstances de la cause et statuant en eacutequiteacute comme le veut lrsquoarticle 41 de la
Convention elle deacutecide toutefois drsquooctroyer agrave lrsquointeacuteresseacute la somme de 3 000 EUR
B Frais et deacutepens
62 Justificatifs agrave lrsquoappui le requeacuterant demande eacutegalement 10 080 EUR en
remboursement des frais et deacutepens engageacutes devant les juridictions internes et 4 920
EUR en remboursement de ceux engageacutes devant la Cour
63 Le Gouvernement conteste ces demandes arguant que la preuve de
lrsquoengagement reacuteel des frais et deacutepens reacuteclameacutes nrsquoa pas eacuteteacute rapporteacutee
64 Selon la jurisprudence de la Cour un requeacuterant ne peut obtenir le
remboursement de ses frais et deacutepens que dans la mesure ougrave se trouvent eacutetablis leur
reacutealiteacute leur neacutecessiteacute et le caractegravere raisonnable de leur taux En lrsquoespegravece compte tenu
des documents dont elle dispose et de sa jurisprudence la Cour estime raisonnable la
somme de 10 000 EUR tous frais confondus et lrsquoaccorde au requeacuterant
C Inteacuterecircts moratoires
65 La Cour juge approprieacute de calquer le taux des inteacuterecircts moratoires sur le taux
drsquointeacuterecirct de la faciliteacute de precirct marginal de la Banque centrale europeacuteenne majoreacute de
trois points de pourcentage
PAR CES MOTIFS LA COUR
1 Deacuteclare agrave lrsquounanimiteacute la requecircte recevable
2 Dit par six voix contre une qursquoil y a eu violation de lrsquoarticle 6 sectsect 1 et 3 d) de la
Convention
3 Dit par six voix contre une
a) que lrsquoEacutetat deacutefendeur doit verser au requeacuterant dans les trois mois agrave compter du
jour ougrave lrsquoarrecirct sera devenu deacutefinitif conformeacutement agrave lrsquoarticle 44 sect 2 de la
Convention les sommes suivantes
i 3 000 EUR (trois mille euros) plus tout montant pouvant ecirctre ducirc agrave titre
drsquoimpocirct pour dommage moral
ii 10 000 EUR (dix mille euros) plus tout montant pouvant ecirctre ducirc par le
requeacuterant agrave titre drsquoimpocirct pour frais et deacutepens
b) qursquoagrave compter de lrsquoexpiration dudit deacutelai et jusqursquoau versement ces montants
seront agrave majorer drsquoun inteacuterecirct simple agrave un taux eacutegal agrave celui de la faciliteacute de precirct
marginal de la Banque centrale europeacuteenne applicable pendant cette peacuteriode
augmenteacute de trois points de pourcentage
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4 Rejette agrave lrsquounanimiteacute la demande de satisfaction eacutequitable pour le surplus
Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 12 octobre 2017 en application de
lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3 du regraveglement de la Cour
Abel CamposKristina Pardalos
GreffierPreacutesidente
Au preacutesent arrecirct se trouve joint conformeacutement aux articles 45 sect 2 de la Convention
et 74 sect 2 du regraveglement lrsquoexposeacute de lrsquoopinion seacutepareacutee du juge Wojtyczek
KP
AC
OPINION DISSIDENTE DU JUGE WOJTYCZEK
1 Je ne suis pas convaincu par la position de la majoriteacute dans la preacutesente affaire
2 Le requeacuterant fut renvoyeacute en jugement devant le tribunal de Trani le 16 juin 1998
Selon le Gouvernement son procegraves commenccedila le 27 mai 2001 avec la tenue de la
premiegravere audience Je note en passant que la majoriteacute en eacutetablissant les faits omet
complegravetement les deacuteveloppements qui ont eu lieu entre le 16 juin 1998 et 27 mai 2003
date de la premiegravere audience mentionneacutee dans la partie laquo circonstances de lrsquoespegravece raquo de
lrsquoarrecirct
Quoi qursquoil en soit on peut constater dans la preacutesente affaire un retard agrave juger le
requeacuterant ce qui semble en contradiction avec le droit agrave un procegraves dans un deacutelai
raisonnable Toutefois le requeacuterant nrsquoa pas preacutesenteacute de griefs relatifs agrave la dureacutee de la
proceacutedure La Cour nrsquoeacutetait donc pas compeacutetente pour examiner la question de la dureacutee
de la proceacutedure et agrave juste titre a deacutecideacute de ne pas examiner cette question
3 Le requeacuterant se plaint du manque drsquoeacutequiteacute de la proceacutedure meneacutee contre lui car le
teacutemoin clef de lrsquoaffaire nrsquoa pas eacuteteacute entendu pendant les deacutebats La majoriteacute constate agrave
juste titre que laquo CC plaignant et unique teacutemoin a eacuteteacute entendu par les carabiniers
mais qursquoil nrsquoa jamais comparu devant les juridictions du fond raquo (paragraphe 52 gras
ajouteacute)
Le manque alleacutegueacute drsquoeacutequiteacute du procegraves du fait de lrsquoabsence drsquoaudition du teacutemoin
devant le juge de fond doit ecirctre appreacutecieacute avant tout agrave la lumiegravere des eacutevegravenements qui
ont eu lieu apregraves son commencement Or dans la motivation de lrsquoarrecirct la majoriteacute se
penche au paragraphe 45 sur la phase drsquoinstruction qui a dureacute jusqursquoau 16 juin 1998
Le juge des investigations preacuteliminaires nrsquoest pas le juge de fond La motivation de
lrsquoarrecirct nrsquoexplique pas pourquoi les stades anteacuterieurs au procegraves seraient pertinents pour
appreacutecier le grief du requeacuterant alors que le paragraphe 52 met lrsquoaccent sur la
comparution du teacutemoin devant le juge de fond Peut-ecirctre la motivation se fonde-t-elle
implicitement sur lrsquoideacutee que lrsquoaudition du teacutemoin avant le procegraves devant un juge en
preacutesence de lrsquoaccuseacute aurait remeacutedieacute au problegraveme de lrsquoabsence drsquoaudition du teacutemoin
pendant le procegraves devant le juge de fond Si crsquoest le cas cette consideacuteration aurait ducirc
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ecirctre expliqueacutee dans le contexte drsquoune analyse deacutetailleacutee de la proceacutedure peacutenale italienne
et en particulier drsquoune analyse de la logique et de lrsquoenchaicircnement de ses diffeacuterents
stades
4 Agrave lrsquoaudience du 6 deacutecembre 2004 le procureur informa le tribunal que le teacutemoin
CC avait quitteacute le domicile familial depuis lrsquoanneacutee 2000 et qursquoil eacutetait depuis lors
introuvable Il indiqua eacutegalement qursquoun mandat drsquoarrecirct avait eacuteteacute deacutecerneacute agrave lrsquoencontre
de CC agrave la suite de sa condamnation par contumace dans le cadre drsquoune autre
proceacutedure peacutenale Ces alleacutegations nrsquoont pas eacuteteacute contesteacutees par le requeacuterant Il nrsquoest
donc pas exact de dire que laquo [a]u final lors du procegraves en 2003 soit plus de six ans apregraves
les faits les seules recherches effectueacutees par la police avaient eacuteteacute celles faites au
domicile des parents de CC raquo (paragraphe 45 in fine)
Si pendant plusieurs anneacutees les autoriteacutes italiennes ont tenteacute sans succegraves de
localiser et drsquoarrecircter CC pour lrsquoincarceacuterer agrave la suite drsquoune condamnation peacutenale dans
une autre affaire il est difficile de leur reprocher de nrsquoavoir pas pu assurer sa
comparution comme teacutemoin Il est difficile drsquoattendre raisonnablement encore plus de
diligence de la part de la juridiction devant laquelle la personne rechercheacutee doit
teacutemoigner
Dans la preacutesente affaire il y avait un obstacle objectif agrave lrsquoaudition du teacutemoin Le juge
avait lrsquoobligation de statuer sur le fondement des preuves disponibles et notamment
du teacutemoignage de CC recueilli avant le procegraves appreacutecieacutees agrave la lumiegravere du principe de
la libre appreacuteciation des preuves Les juridictions italiennes des diffeacuterents niveaux ont
soigneusement examineacute cette question Je ne vois pas de raison suffisante de me
deacutemarquer de leurs conclusions
5 Au paragraphe 50 la Cour laquo rappelle agrave nouveau que dans chaque affaire ougrave le
problegraveme de lrsquoeacutequiteacute de la proceacutedure se pose en rapport avec la deacuteposition drsquoun teacutemoin
absent il srsquoagit de savoir srsquoil existe des eacuteleacutements suffisamment compensateurs des
inconveacutenients que son admission fait subir agrave la deacutefense notamment des garanties
proceacutedurales solides permettant une appreacuteciation correcte et eacutequitable de la fiabiliteacute
drsquoune telle preuve raquo
En lrsquoespegravece le gouvernement italien dans ses observations eacutecrites a preacutesenteacute un
certain nombre drsquoeacuteleacutements qui selon lui compensaient les inconveacutenients subis par la
deacutefense La Cour eacutetait tenue drsquoappliquer le test eacutenonceacute au paragraphe 50 en appreacuteciant
si les eacuteleacutements mis en exergue par le Gouvernement eacutetaient pertinents et suffisants Or
la majoriteacute a deacutecideacute de ne pas reacutepondre aux arguments du Gouvernement Elle se
limite agrave affirmer au paragraphe 55 que laquo aussi rigoureux soit-il lrsquoexamen fait par le
juge du fond constitue un instrument de controcircle imparfait dans la mesure ougrave il ne
permet pas de disposer des eacuteleacutements pouvant ressortir drsquoune confrontation en
audience publique entre lrsquoaccuseacute et son accusateur raquo Le test eacutenonceacute nrsquoa pas eacuteteacute
appliqueacute par la Cour
Il est eacutevident qursquoen lrsquoabsence drsquoaudition drsquoun teacutemoin en audience publique on ne
peut pas disposer drsquoeacuteleacutements pouvant ressortir drsquoune confrontation entre lrsquoaccuseacute et
son accusateur Toutefois selon la meacutethodologie annonceacutee au paragraphe 50 la
question agrave trancher eacutetait celle de savoir srsquoil existait des eacuteleacutements qui avaient
suffisamment compenseacute les inconveacutenients que son admission avait fait subir agrave la
deacutefense
6 La preacutesente affaire permet de tirer un enseignement plus geacuteneacuteral Lrsquoeacutequiteacute du
procegraves peacutenal ne peut srsquoappreacutecier que dans le contexte de lrsquoensemble des regravegles qui
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reacutegissent la proceacutedure peacutenale et en particulier des principes fondamentaux qui
deacutefinissent le modegravele de proceacutedure peacutenale choisi La majoriteacute se reacutefegravere aux principes
eacutetablis dans lrsquoarrecirct Al-Khawaja et Tahery c Royaume-Uni ([GC] nos 2676605 et 2222806
CEDH 2011 auquel se trouve joint lrsquoexposeacute de lrsquoopinion concordante du juge Bratza et
de lrsquoopinion en partie concordante et en partie dissidente des juges Sajoacute et Karakaş) Je
note agrave cet eacutegard que les principes concernant lrsquoaudition des teacutemoins ont eacuteteacute eacutenonceacutes
dans cette affaire dans le contexte drsquoun procegraves fondeacute sur les principes du contradictoire
et du rocircle limiteacute du juge Les principes du procegraves eacutequitable eacutelaboreacutes pour de telles
proceacutedures peacutenales sont difficilement transposables agrave des proceacutedures peacutenales fondeacutees
sur le rocircle actif du juge avec de forts eacuteleacutements inquisitoires au stade du procegraves Agrave mon
avis la question de lrsquoeacutequiteacute du procegraves peacutenal doit ecirctre revisiteacutee par la Cour agrave la lumiegravere
des principes fondamentaux des diffeacuterentes proceacutedures peacutenales Je remarque dans ce
contexte que le rocircle actif du juge est en soi un eacuteleacutement qui peut compenser certaines
formes drsquoineacutegaliteacute des armes entre les parties ce qui a eacuteteacute mis en exergue agrave tregraves juste
titre dans lrsquoarrecirct Regner c Reacutepublique tchegraveque ([GC] no 3528911 sect 152 19 septembre
2017 auquel se trouve joint lrsquoopinion concordante du juge Wojtyczek lrsquoopinion en
partie dissidente commune aux juges Raimondi Sicilianos Spano Ravarani et Pastor
Vilanova lrsquoopinion en partie dissidente commune aux juges Lazarova Trajkovska et
Loacutepez Guerra lrsquoopinion en partie dissidente du juge Serghides et lrsquoopinion dissidente
du juge Sajoacute) Bien que ce dernier arrecirct concerne la proceacutedure administrative
contentieuse les consideacuterations exposeacutees dans sa motivation gardent leur pertinence
pour drsquoautres proceacutedures
Il faut rappeler que lrsquoeacutegaliteacute des armes et le respect des droits des parties ne sont pas
la finaliteacute ultime du droit mais lrsquoinstrument servant drsquoune part la digniteacute et
lrsquoautonomie individuelle et drsquoautre part la veacuteriteacute et la justice substantielle La question
essentielle est celle de savoir si les regravegles proceacutedurales envisageacutees comme un systegraveme
et appliqueacutees en lrsquoespegravece permettent drsquoaboutir dans le respect de la digniteacute de
lrsquohomme agrave une deacutecision fondeacutee sur la veacuteriteacute et drsquoeacuteviter les erreurs judiciaires
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53 La Cour relegraveve ensuite que les juridictions internes se sont appuyeacutees en sus des
deacuteclarations litigieuses sur le teacutemoignage du carabinier LR qui avait relateacute au
tribunal lors de lrsquoaudience du 6 deacutecembre 2004 les modaliteacutes du deacuteroulement de la
reconnaissance photographique de lrsquointeacuteresseacute et de son coiumlnculpeacute
54 La Cour relegraveve en outre que la cour drsquoappel a eacutevalueacute avec soin la creacutedibiliteacute de
CC observant qursquoil nrsquoavait aucune raison drsquoaccuser le requeacuterant et que avant les faits
deacutelictueux il ne le connaissait pas Ces eacuteleacutements ont ameneacute la cour drsquoappel agrave
consideacuterer que CC nrsquoavait pas drsquointeacuterecirct agrave deacuteposer ainsi et que ses deacuteclarations eacutetaient
donc suffisamment fiables
55 Cela eacutetant la Cour se doit de rappeler qursquoun tel examen ne saurait agrave lui seul
compenser lrsquoabsence drsquointerrogation du teacutemoin par la deacutefense (Damir Sibgatullin c
Russie no 141305 sect 57 24 avril 2012) En effet aussi rigoureux soit-il lrsquoexamen fait par
le juge du fond constitue un instrument de controcircle imparfait dans la mesure ougrave il ne
permet pas de disposer des eacuteleacutements pouvant ressortir drsquoune confrontation en
audience publique entre lrsquoaccuseacute et son accusateur (Tseber preacuteciteacute sect 65 etRiahi c
Belgique no 6540010 sect 41 14 juin 2016)
56 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour estime que le caractegravere deacuteterminant des
deacutepositions de CC en lrsquoabsence de confrontation avec le requeacuterant en audience
publique emporte la conclusion que les juridictions internes aussi rigoureux qursquoait eacuteteacute
leur examen nrsquoont pas pu appreacutecier correctement et eacutequitablement la fiabiliteacute de cette
preuve
57 Par conseacutequent consideacuterant lrsquoeacutequiteacute de la proceacutedure dans son ensemble la Cour
juge que les droits de la deacutefense du requeacuterant ont ainsi subi une limitation
incompatible avec les exigences drsquoun procegraves eacutequitable Partant il y a eu violation de
lrsquoarticle 6 sectsect 1 et 3 d) de la Convention
II SUR LrsquoAPPLICATION DE LrsquoARTICLE 41 DE LA CONVENTION
58 Aux termes de lrsquoarticle 41 de la Convention
laquo Si la Cour deacuteclare qursquoil y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles
et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet drsquoeffacer
qursquoimparfaitement les conseacutequences de cette violation la Cour accorde agrave la partie
leacuteseacutee srsquoil y a lieu une satisfaction eacutequitable raquo
A Dommage
59 Le requeacuterant reacuteclame agrave titre de dommage mateacuteriel 200 euros (EUR) par mois de
deacutetention soit un total de 3 200 EUR pour la peacuteriode drsquoun an et quatre mois qursquoil a
passeacutee en prison En outre il demande 100 000 EUR pour preacutejudice moral
60 Le Gouvernement est drsquoavis que les demandes du requeacuterant sont exorbitantes et
totalement deacutenueacutees de fondement
61 La Cour nrsquoaperccediloit pas de lien de causaliteacute entre la violation constateacutee et le
dommage mateacuteriel alleacutegueacute et rejette cette demande En revanche elle estime que le
requeacuterant a subi un preacutejudice moral certain auquel le constat de violation figurant
dans le preacutesent arrecirct (paragraphe 57 ci-dessus) ne suffit pas agrave remeacutedier La Cour
rappelle que lorsqursquoelle conclut que la condamnation drsquoun requeacuterant a eacuteteacute prononceacutee
malgreacute lrsquoexistence drsquoune atteinte aux exigences drsquoeacutequiteacute de la proceacutedure un nouveau
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procegraves ou une reacuteouverture de la proceacutedure agrave la demande de lrsquointeacuteresseacute repreacutesente en
principe un moyen approprieacute de redresser la violation constateacutee (voirmutatis
mutandis Somogyi c Italie no 6797201 sect 86 CEDH 2004-IV Krasniki c Reacutepublique
tchegraveque no 5127799 sect 93 28 feacutevrier 2006 et Tseber preacuteciteacute sect 75) Eu eacutegard aux
circonstances de la cause et statuant en eacutequiteacute comme le veut lrsquoarticle 41 de la
Convention elle deacutecide toutefois drsquooctroyer agrave lrsquointeacuteresseacute la somme de 3 000 EUR
B Frais et deacutepens
62 Justificatifs agrave lrsquoappui le requeacuterant demande eacutegalement 10 080 EUR en
remboursement des frais et deacutepens engageacutes devant les juridictions internes et 4 920
EUR en remboursement de ceux engageacutes devant la Cour
63 Le Gouvernement conteste ces demandes arguant que la preuve de
lrsquoengagement reacuteel des frais et deacutepens reacuteclameacutes nrsquoa pas eacuteteacute rapporteacutee
64 Selon la jurisprudence de la Cour un requeacuterant ne peut obtenir le
remboursement de ses frais et deacutepens que dans la mesure ougrave se trouvent eacutetablis leur
reacutealiteacute leur neacutecessiteacute et le caractegravere raisonnable de leur taux En lrsquoespegravece compte tenu
des documents dont elle dispose et de sa jurisprudence la Cour estime raisonnable la
somme de 10 000 EUR tous frais confondus et lrsquoaccorde au requeacuterant
C Inteacuterecircts moratoires
65 La Cour juge approprieacute de calquer le taux des inteacuterecircts moratoires sur le taux
drsquointeacuterecirct de la faciliteacute de precirct marginal de la Banque centrale europeacuteenne majoreacute de
trois points de pourcentage
PAR CES MOTIFS LA COUR
1 Deacuteclare agrave lrsquounanimiteacute la requecircte recevable
2 Dit par six voix contre une qursquoil y a eu violation de lrsquoarticle 6 sectsect 1 et 3 d) de la
Convention
3 Dit par six voix contre une
a) que lrsquoEacutetat deacutefendeur doit verser au requeacuterant dans les trois mois agrave compter du
jour ougrave lrsquoarrecirct sera devenu deacutefinitif conformeacutement agrave lrsquoarticle 44 sect 2 de la
Convention les sommes suivantes
i 3 000 EUR (trois mille euros) plus tout montant pouvant ecirctre ducirc agrave titre
drsquoimpocirct pour dommage moral
ii 10 000 EUR (dix mille euros) plus tout montant pouvant ecirctre ducirc par le
requeacuterant agrave titre drsquoimpocirct pour frais et deacutepens
b) qursquoagrave compter de lrsquoexpiration dudit deacutelai et jusqursquoau versement ces montants
seront agrave majorer drsquoun inteacuterecirct simple agrave un taux eacutegal agrave celui de la faciliteacute de precirct
marginal de la Banque centrale europeacuteenne applicable pendant cette peacuteriode
augmenteacute de trois points de pourcentage
Dirittifondamentaliit - ISSN 2240-9823
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4 Rejette agrave lrsquounanimiteacute la demande de satisfaction eacutequitable pour le surplus
Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 12 octobre 2017 en application de
lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3 du regraveglement de la Cour
Abel CamposKristina Pardalos
GreffierPreacutesidente
Au preacutesent arrecirct se trouve joint conformeacutement aux articles 45 sect 2 de la Convention
et 74 sect 2 du regraveglement lrsquoexposeacute de lrsquoopinion seacutepareacutee du juge Wojtyczek
KP
AC
OPINION DISSIDENTE DU JUGE WOJTYCZEK
1 Je ne suis pas convaincu par la position de la majoriteacute dans la preacutesente affaire
2 Le requeacuterant fut renvoyeacute en jugement devant le tribunal de Trani le 16 juin 1998
Selon le Gouvernement son procegraves commenccedila le 27 mai 2001 avec la tenue de la
premiegravere audience Je note en passant que la majoriteacute en eacutetablissant les faits omet
complegravetement les deacuteveloppements qui ont eu lieu entre le 16 juin 1998 et 27 mai 2003
date de la premiegravere audience mentionneacutee dans la partie laquo circonstances de lrsquoespegravece raquo de
lrsquoarrecirct
Quoi qursquoil en soit on peut constater dans la preacutesente affaire un retard agrave juger le
requeacuterant ce qui semble en contradiction avec le droit agrave un procegraves dans un deacutelai
raisonnable Toutefois le requeacuterant nrsquoa pas preacutesenteacute de griefs relatifs agrave la dureacutee de la
proceacutedure La Cour nrsquoeacutetait donc pas compeacutetente pour examiner la question de la dureacutee
de la proceacutedure et agrave juste titre a deacutecideacute de ne pas examiner cette question
3 Le requeacuterant se plaint du manque drsquoeacutequiteacute de la proceacutedure meneacutee contre lui car le
teacutemoin clef de lrsquoaffaire nrsquoa pas eacuteteacute entendu pendant les deacutebats La majoriteacute constate agrave
juste titre que laquo CC plaignant et unique teacutemoin a eacuteteacute entendu par les carabiniers
mais qursquoil nrsquoa jamais comparu devant les juridictions du fond raquo (paragraphe 52 gras
ajouteacute)
Le manque alleacutegueacute drsquoeacutequiteacute du procegraves du fait de lrsquoabsence drsquoaudition du teacutemoin
devant le juge de fond doit ecirctre appreacutecieacute avant tout agrave la lumiegravere des eacutevegravenements qui
ont eu lieu apregraves son commencement Or dans la motivation de lrsquoarrecirct la majoriteacute se
penche au paragraphe 45 sur la phase drsquoinstruction qui a dureacute jusqursquoau 16 juin 1998
Le juge des investigations preacuteliminaires nrsquoest pas le juge de fond La motivation de
lrsquoarrecirct nrsquoexplique pas pourquoi les stades anteacuterieurs au procegraves seraient pertinents pour
appreacutecier le grief du requeacuterant alors que le paragraphe 52 met lrsquoaccent sur la
comparution du teacutemoin devant le juge de fond Peut-ecirctre la motivation se fonde-t-elle
implicitement sur lrsquoideacutee que lrsquoaudition du teacutemoin avant le procegraves devant un juge en
preacutesence de lrsquoaccuseacute aurait remeacutedieacute au problegraveme de lrsquoabsence drsquoaudition du teacutemoin
pendant le procegraves devant le juge de fond Si crsquoest le cas cette consideacuteration aurait ducirc
Dirittifondamentaliit - ISSN 2240-9823
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ecirctre expliqueacutee dans le contexte drsquoune analyse deacutetailleacutee de la proceacutedure peacutenale italienne
et en particulier drsquoune analyse de la logique et de lrsquoenchaicircnement de ses diffeacuterents
stades
4 Agrave lrsquoaudience du 6 deacutecembre 2004 le procureur informa le tribunal que le teacutemoin
CC avait quitteacute le domicile familial depuis lrsquoanneacutee 2000 et qursquoil eacutetait depuis lors
introuvable Il indiqua eacutegalement qursquoun mandat drsquoarrecirct avait eacuteteacute deacutecerneacute agrave lrsquoencontre
de CC agrave la suite de sa condamnation par contumace dans le cadre drsquoune autre
proceacutedure peacutenale Ces alleacutegations nrsquoont pas eacuteteacute contesteacutees par le requeacuterant Il nrsquoest
donc pas exact de dire que laquo [a]u final lors du procegraves en 2003 soit plus de six ans apregraves
les faits les seules recherches effectueacutees par la police avaient eacuteteacute celles faites au
domicile des parents de CC raquo (paragraphe 45 in fine)
Si pendant plusieurs anneacutees les autoriteacutes italiennes ont tenteacute sans succegraves de
localiser et drsquoarrecircter CC pour lrsquoincarceacuterer agrave la suite drsquoune condamnation peacutenale dans
une autre affaire il est difficile de leur reprocher de nrsquoavoir pas pu assurer sa
comparution comme teacutemoin Il est difficile drsquoattendre raisonnablement encore plus de
diligence de la part de la juridiction devant laquelle la personne rechercheacutee doit
teacutemoigner
Dans la preacutesente affaire il y avait un obstacle objectif agrave lrsquoaudition du teacutemoin Le juge
avait lrsquoobligation de statuer sur le fondement des preuves disponibles et notamment
du teacutemoignage de CC recueilli avant le procegraves appreacutecieacutees agrave la lumiegravere du principe de
la libre appreacuteciation des preuves Les juridictions italiennes des diffeacuterents niveaux ont
soigneusement examineacute cette question Je ne vois pas de raison suffisante de me
deacutemarquer de leurs conclusions
5 Au paragraphe 50 la Cour laquo rappelle agrave nouveau que dans chaque affaire ougrave le
problegraveme de lrsquoeacutequiteacute de la proceacutedure se pose en rapport avec la deacuteposition drsquoun teacutemoin
absent il srsquoagit de savoir srsquoil existe des eacuteleacutements suffisamment compensateurs des
inconveacutenients que son admission fait subir agrave la deacutefense notamment des garanties
proceacutedurales solides permettant une appreacuteciation correcte et eacutequitable de la fiabiliteacute
drsquoune telle preuve raquo
En lrsquoespegravece le gouvernement italien dans ses observations eacutecrites a preacutesenteacute un
certain nombre drsquoeacuteleacutements qui selon lui compensaient les inconveacutenients subis par la
deacutefense La Cour eacutetait tenue drsquoappliquer le test eacutenonceacute au paragraphe 50 en appreacuteciant
si les eacuteleacutements mis en exergue par le Gouvernement eacutetaient pertinents et suffisants Or
la majoriteacute a deacutecideacute de ne pas reacutepondre aux arguments du Gouvernement Elle se
limite agrave affirmer au paragraphe 55 que laquo aussi rigoureux soit-il lrsquoexamen fait par le
juge du fond constitue un instrument de controcircle imparfait dans la mesure ougrave il ne
permet pas de disposer des eacuteleacutements pouvant ressortir drsquoune confrontation en
audience publique entre lrsquoaccuseacute et son accusateur raquo Le test eacutenonceacute nrsquoa pas eacuteteacute
appliqueacute par la Cour
Il est eacutevident qursquoen lrsquoabsence drsquoaudition drsquoun teacutemoin en audience publique on ne
peut pas disposer drsquoeacuteleacutements pouvant ressortir drsquoune confrontation entre lrsquoaccuseacute et
son accusateur Toutefois selon la meacutethodologie annonceacutee au paragraphe 50 la
question agrave trancher eacutetait celle de savoir srsquoil existait des eacuteleacutements qui avaient
suffisamment compenseacute les inconveacutenients que son admission avait fait subir agrave la
deacutefense
6 La preacutesente affaire permet de tirer un enseignement plus geacuteneacuteral Lrsquoeacutequiteacute du
procegraves peacutenal ne peut srsquoappreacutecier que dans le contexte de lrsquoensemble des regravegles qui
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reacutegissent la proceacutedure peacutenale et en particulier des principes fondamentaux qui
deacutefinissent le modegravele de proceacutedure peacutenale choisi La majoriteacute se reacutefegravere aux principes
eacutetablis dans lrsquoarrecirct Al-Khawaja et Tahery c Royaume-Uni ([GC] nos 2676605 et 2222806
CEDH 2011 auquel se trouve joint lrsquoexposeacute de lrsquoopinion concordante du juge Bratza et
de lrsquoopinion en partie concordante et en partie dissidente des juges Sajoacute et Karakaş) Je
note agrave cet eacutegard que les principes concernant lrsquoaudition des teacutemoins ont eacuteteacute eacutenonceacutes
dans cette affaire dans le contexte drsquoun procegraves fondeacute sur les principes du contradictoire
et du rocircle limiteacute du juge Les principes du procegraves eacutequitable eacutelaboreacutes pour de telles
proceacutedures peacutenales sont difficilement transposables agrave des proceacutedures peacutenales fondeacutees
sur le rocircle actif du juge avec de forts eacuteleacutements inquisitoires au stade du procegraves Agrave mon
avis la question de lrsquoeacutequiteacute du procegraves peacutenal doit ecirctre revisiteacutee par la Cour agrave la lumiegravere
des principes fondamentaux des diffeacuterentes proceacutedures peacutenales Je remarque dans ce
contexte que le rocircle actif du juge est en soi un eacuteleacutement qui peut compenser certaines
formes drsquoineacutegaliteacute des armes entre les parties ce qui a eacuteteacute mis en exergue agrave tregraves juste
titre dans lrsquoarrecirct Regner c Reacutepublique tchegraveque ([GC] no 3528911 sect 152 19 septembre
2017 auquel se trouve joint lrsquoopinion concordante du juge Wojtyczek lrsquoopinion en
partie dissidente commune aux juges Raimondi Sicilianos Spano Ravarani et Pastor
Vilanova lrsquoopinion en partie dissidente commune aux juges Lazarova Trajkovska et
Loacutepez Guerra lrsquoopinion en partie dissidente du juge Serghides et lrsquoopinion dissidente
du juge Sajoacute) Bien que ce dernier arrecirct concerne la proceacutedure administrative
contentieuse les consideacuterations exposeacutees dans sa motivation gardent leur pertinence
pour drsquoautres proceacutedures
Il faut rappeler que lrsquoeacutegaliteacute des armes et le respect des droits des parties ne sont pas
la finaliteacute ultime du droit mais lrsquoinstrument servant drsquoune part la digniteacute et
lrsquoautonomie individuelle et drsquoautre part la veacuteriteacute et la justice substantielle La question
essentielle est celle de savoir si les regravegles proceacutedurales envisageacutees comme un systegraveme
et appliqueacutees en lrsquoespegravece permettent drsquoaboutir dans le respect de la digniteacute de
lrsquohomme agrave une deacutecision fondeacutee sur la veacuteriteacute et drsquoeacuteviter les erreurs judiciaires
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procegraves ou une reacuteouverture de la proceacutedure agrave la demande de lrsquointeacuteresseacute repreacutesente en
principe un moyen approprieacute de redresser la violation constateacutee (voirmutatis
mutandis Somogyi c Italie no 6797201 sect 86 CEDH 2004-IV Krasniki c Reacutepublique
tchegraveque no 5127799 sect 93 28 feacutevrier 2006 et Tseber preacuteciteacute sect 75) Eu eacutegard aux
circonstances de la cause et statuant en eacutequiteacute comme le veut lrsquoarticle 41 de la
Convention elle deacutecide toutefois drsquooctroyer agrave lrsquointeacuteresseacute la somme de 3 000 EUR
B Frais et deacutepens
62 Justificatifs agrave lrsquoappui le requeacuterant demande eacutegalement 10 080 EUR en
remboursement des frais et deacutepens engageacutes devant les juridictions internes et 4 920
EUR en remboursement de ceux engageacutes devant la Cour
63 Le Gouvernement conteste ces demandes arguant que la preuve de
lrsquoengagement reacuteel des frais et deacutepens reacuteclameacutes nrsquoa pas eacuteteacute rapporteacutee
64 Selon la jurisprudence de la Cour un requeacuterant ne peut obtenir le
remboursement de ses frais et deacutepens que dans la mesure ougrave se trouvent eacutetablis leur
reacutealiteacute leur neacutecessiteacute et le caractegravere raisonnable de leur taux En lrsquoespegravece compte tenu
des documents dont elle dispose et de sa jurisprudence la Cour estime raisonnable la
somme de 10 000 EUR tous frais confondus et lrsquoaccorde au requeacuterant
C Inteacuterecircts moratoires
65 La Cour juge approprieacute de calquer le taux des inteacuterecircts moratoires sur le taux
drsquointeacuterecirct de la faciliteacute de precirct marginal de la Banque centrale europeacuteenne majoreacute de
trois points de pourcentage
PAR CES MOTIFS LA COUR
1 Deacuteclare agrave lrsquounanimiteacute la requecircte recevable
2 Dit par six voix contre une qursquoil y a eu violation de lrsquoarticle 6 sectsect 1 et 3 d) de la
Convention
3 Dit par six voix contre une
a) que lrsquoEacutetat deacutefendeur doit verser au requeacuterant dans les trois mois agrave compter du
jour ougrave lrsquoarrecirct sera devenu deacutefinitif conformeacutement agrave lrsquoarticle 44 sect 2 de la
Convention les sommes suivantes
i 3 000 EUR (trois mille euros) plus tout montant pouvant ecirctre ducirc agrave titre
drsquoimpocirct pour dommage moral
ii 10 000 EUR (dix mille euros) plus tout montant pouvant ecirctre ducirc par le
requeacuterant agrave titre drsquoimpocirct pour frais et deacutepens
b) qursquoagrave compter de lrsquoexpiration dudit deacutelai et jusqursquoau versement ces montants
seront agrave majorer drsquoun inteacuterecirct simple agrave un taux eacutegal agrave celui de la faciliteacute de precirct
marginal de la Banque centrale europeacuteenne applicable pendant cette peacuteriode
augmenteacute de trois points de pourcentage
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4 Rejette agrave lrsquounanimiteacute la demande de satisfaction eacutequitable pour le surplus
Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 12 octobre 2017 en application de
lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3 du regraveglement de la Cour
Abel CamposKristina Pardalos
GreffierPreacutesidente
Au preacutesent arrecirct se trouve joint conformeacutement aux articles 45 sect 2 de la Convention
et 74 sect 2 du regraveglement lrsquoexposeacute de lrsquoopinion seacutepareacutee du juge Wojtyczek
KP
AC
OPINION DISSIDENTE DU JUGE WOJTYCZEK
1 Je ne suis pas convaincu par la position de la majoriteacute dans la preacutesente affaire
2 Le requeacuterant fut renvoyeacute en jugement devant le tribunal de Trani le 16 juin 1998
Selon le Gouvernement son procegraves commenccedila le 27 mai 2001 avec la tenue de la
premiegravere audience Je note en passant que la majoriteacute en eacutetablissant les faits omet
complegravetement les deacuteveloppements qui ont eu lieu entre le 16 juin 1998 et 27 mai 2003
date de la premiegravere audience mentionneacutee dans la partie laquo circonstances de lrsquoespegravece raquo de
lrsquoarrecirct
Quoi qursquoil en soit on peut constater dans la preacutesente affaire un retard agrave juger le
requeacuterant ce qui semble en contradiction avec le droit agrave un procegraves dans un deacutelai
raisonnable Toutefois le requeacuterant nrsquoa pas preacutesenteacute de griefs relatifs agrave la dureacutee de la
proceacutedure La Cour nrsquoeacutetait donc pas compeacutetente pour examiner la question de la dureacutee
de la proceacutedure et agrave juste titre a deacutecideacute de ne pas examiner cette question
3 Le requeacuterant se plaint du manque drsquoeacutequiteacute de la proceacutedure meneacutee contre lui car le
teacutemoin clef de lrsquoaffaire nrsquoa pas eacuteteacute entendu pendant les deacutebats La majoriteacute constate agrave
juste titre que laquo CC plaignant et unique teacutemoin a eacuteteacute entendu par les carabiniers
mais qursquoil nrsquoa jamais comparu devant les juridictions du fond raquo (paragraphe 52 gras
ajouteacute)
Le manque alleacutegueacute drsquoeacutequiteacute du procegraves du fait de lrsquoabsence drsquoaudition du teacutemoin
devant le juge de fond doit ecirctre appreacutecieacute avant tout agrave la lumiegravere des eacutevegravenements qui
ont eu lieu apregraves son commencement Or dans la motivation de lrsquoarrecirct la majoriteacute se
penche au paragraphe 45 sur la phase drsquoinstruction qui a dureacute jusqursquoau 16 juin 1998
Le juge des investigations preacuteliminaires nrsquoest pas le juge de fond La motivation de
lrsquoarrecirct nrsquoexplique pas pourquoi les stades anteacuterieurs au procegraves seraient pertinents pour
appreacutecier le grief du requeacuterant alors que le paragraphe 52 met lrsquoaccent sur la
comparution du teacutemoin devant le juge de fond Peut-ecirctre la motivation se fonde-t-elle
implicitement sur lrsquoideacutee que lrsquoaudition du teacutemoin avant le procegraves devant un juge en
preacutesence de lrsquoaccuseacute aurait remeacutedieacute au problegraveme de lrsquoabsence drsquoaudition du teacutemoin
pendant le procegraves devant le juge de fond Si crsquoest le cas cette consideacuteration aurait ducirc
Dirittifondamentaliit - ISSN 2240-9823
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ecirctre expliqueacutee dans le contexte drsquoune analyse deacutetailleacutee de la proceacutedure peacutenale italienne
et en particulier drsquoune analyse de la logique et de lrsquoenchaicircnement de ses diffeacuterents
stades
4 Agrave lrsquoaudience du 6 deacutecembre 2004 le procureur informa le tribunal que le teacutemoin
CC avait quitteacute le domicile familial depuis lrsquoanneacutee 2000 et qursquoil eacutetait depuis lors
introuvable Il indiqua eacutegalement qursquoun mandat drsquoarrecirct avait eacuteteacute deacutecerneacute agrave lrsquoencontre
de CC agrave la suite de sa condamnation par contumace dans le cadre drsquoune autre
proceacutedure peacutenale Ces alleacutegations nrsquoont pas eacuteteacute contesteacutees par le requeacuterant Il nrsquoest
donc pas exact de dire que laquo [a]u final lors du procegraves en 2003 soit plus de six ans apregraves
les faits les seules recherches effectueacutees par la police avaient eacuteteacute celles faites au
domicile des parents de CC raquo (paragraphe 45 in fine)
Si pendant plusieurs anneacutees les autoriteacutes italiennes ont tenteacute sans succegraves de
localiser et drsquoarrecircter CC pour lrsquoincarceacuterer agrave la suite drsquoune condamnation peacutenale dans
une autre affaire il est difficile de leur reprocher de nrsquoavoir pas pu assurer sa
comparution comme teacutemoin Il est difficile drsquoattendre raisonnablement encore plus de
diligence de la part de la juridiction devant laquelle la personne rechercheacutee doit
teacutemoigner
Dans la preacutesente affaire il y avait un obstacle objectif agrave lrsquoaudition du teacutemoin Le juge
avait lrsquoobligation de statuer sur le fondement des preuves disponibles et notamment
du teacutemoignage de CC recueilli avant le procegraves appreacutecieacutees agrave la lumiegravere du principe de
la libre appreacuteciation des preuves Les juridictions italiennes des diffeacuterents niveaux ont
soigneusement examineacute cette question Je ne vois pas de raison suffisante de me
deacutemarquer de leurs conclusions
5 Au paragraphe 50 la Cour laquo rappelle agrave nouveau que dans chaque affaire ougrave le
problegraveme de lrsquoeacutequiteacute de la proceacutedure se pose en rapport avec la deacuteposition drsquoun teacutemoin
absent il srsquoagit de savoir srsquoil existe des eacuteleacutements suffisamment compensateurs des
inconveacutenients que son admission fait subir agrave la deacutefense notamment des garanties
proceacutedurales solides permettant une appreacuteciation correcte et eacutequitable de la fiabiliteacute
drsquoune telle preuve raquo
En lrsquoespegravece le gouvernement italien dans ses observations eacutecrites a preacutesenteacute un
certain nombre drsquoeacuteleacutements qui selon lui compensaient les inconveacutenients subis par la
deacutefense La Cour eacutetait tenue drsquoappliquer le test eacutenonceacute au paragraphe 50 en appreacuteciant
si les eacuteleacutements mis en exergue par le Gouvernement eacutetaient pertinents et suffisants Or
la majoriteacute a deacutecideacute de ne pas reacutepondre aux arguments du Gouvernement Elle se
limite agrave affirmer au paragraphe 55 que laquo aussi rigoureux soit-il lrsquoexamen fait par le
juge du fond constitue un instrument de controcircle imparfait dans la mesure ougrave il ne
permet pas de disposer des eacuteleacutements pouvant ressortir drsquoune confrontation en
audience publique entre lrsquoaccuseacute et son accusateur raquo Le test eacutenonceacute nrsquoa pas eacuteteacute
appliqueacute par la Cour
Il est eacutevident qursquoen lrsquoabsence drsquoaudition drsquoun teacutemoin en audience publique on ne
peut pas disposer drsquoeacuteleacutements pouvant ressortir drsquoune confrontation entre lrsquoaccuseacute et
son accusateur Toutefois selon la meacutethodologie annonceacutee au paragraphe 50 la
question agrave trancher eacutetait celle de savoir srsquoil existait des eacuteleacutements qui avaient
suffisamment compenseacute les inconveacutenients que son admission avait fait subir agrave la
deacutefense
6 La preacutesente affaire permet de tirer un enseignement plus geacuteneacuteral Lrsquoeacutequiteacute du
procegraves peacutenal ne peut srsquoappreacutecier que dans le contexte de lrsquoensemble des regravegles qui
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reacutegissent la proceacutedure peacutenale et en particulier des principes fondamentaux qui
deacutefinissent le modegravele de proceacutedure peacutenale choisi La majoriteacute se reacutefegravere aux principes
eacutetablis dans lrsquoarrecirct Al-Khawaja et Tahery c Royaume-Uni ([GC] nos 2676605 et 2222806
CEDH 2011 auquel se trouve joint lrsquoexposeacute de lrsquoopinion concordante du juge Bratza et
de lrsquoopinion en partie concordante et en partie dissidente des juges Sajoacute et Karakaş) Je
note agrave cet eacutegard que les principes concernant lrsquoaudition des teacutemoins ont eacuteteacute eacutenonceacutes
dans cette affaire dans le contexte drsquoun procegraves fondeacute sur les principes du contradictoire
et du rocircle limiteacute du juge Les principes du procegraves eacutequitable eacutelaboreacutes pour de telles
proceacutedures peacutenales sont difficilement transposables agrave des proceacutedures peacutenales fondeacutees
sur le rocircle actif du juge avec de forts eacuteleacutements inquisitoires au stade du procegraves Agrave mon
avis la question de lrsquoeacutequiteacute du procegraves peacutenal doit ecirctre revisiteacutee par la Cour agrave la lumiegravere
des principes fondamentaux des diffeacuterentes proceacutedures peacutenales Je remarque dans ce
contexte que le rocircle actif du juge est en soi un eacuteleacutement qui peut compenser certaines
formes drsquoineacutegaliteacute des armes entre les parties ce qui a eacuteteacute mis en exergue agrave tregraves juste
titre dans lrsquoarrecirct Regner c Reacutepublique tchegraveque ([GC] no 3528911 sect 152 19 septembre
2017 auquel se trouve joint lrsquoopinion concordante du juge Wojtyczek lrsquoopinion en
partie dissidente commune aux juges Raimondi Sicilianos Spano Ravarani et Pastor
Vilanova lrsquoopinion en partie dissidente commune aux juges Lazarova Trajkovska et
Loacutepez Guerra lrsquoopinion en partie dissidente du juge Serghides et lrsquoopinion dissidente
du juge Sajoacute) Bien que ce dernier arrecirct concerne la proceacutedure administrative
contentieuse les consideacuterations exposeacutees dans sa motivation gardent leur pertinence
pour drsquoautres proceacutedures
Il faut rappeler que lrsquoeacutegaliteacute des armes et le respect des droits des parties ne sont pas
la finaliteacute ultime du droit mais lrsquoinstrument servant drsquoune part la digniteacute et
lrsquoautonomie individuelle et drsquoautre part la veacuteriteacute et la justice substantielle La question
essentielle est celle de savoir si les regravegles proceacutedurales envisageacutees comme un systegraveme
et appliqueacutees en lrsquoespegravece permettent drsquoaboutir dans le respect de la digniteacute de
lrsquohomme agrave une deacutecision fondeacutee sur la veacuteriteacute et drsquoeacuteviter les erreurs judiciaires
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4 Rejette agrave lrsquounanimiteacute la demande de satisfaction eacutequitable pour le surplus
Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 12 octobre 2017 en application de
lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3 du regraveglement de la Cour
Abel CamposKristina Pardalos
GreffierPreacutesidente
Au preacutesent arrecirct se trouve joint conformeacutement aux articles 45 sect 2 de la Convention
et 74 sect 2 du regraveglement lrsquoexposeacute de lrsquoopinion seacutepareacutee du juge Wojtyczek
KP
AC
OPINION DISSIDENTE DU JUGE WOJTYCZEK
1 Je ne suis pas convaincu par la position de la majoriteacute dans la preacutesente affaire
2 Le requeacuterant fut renvoyeacute en jugement devant le tribunal de Trani le 16 juin 1998
Selon le Gouvernement son procegraves commenccedila le 27 mai 2001 avec la tenue de la
premiegravere audience Je note en passant que la majoriteacute en eacutetablissant les faits omet
complegravetement les deacuteveloppements qui ont eu lieu entre le 16 juin 1998 et 27 mai 2003
date de la premiegravere audience mentionneacutee dans la partie laquo circonstances de lrsquoespegravece raquo de
lrsquoarrecirct
Quoi qursquoil en soit on peut constater dans la preacutesente affaire un retard agrave juger le
requeacuterant ce qui semble en contradiction avec le droit agrave un procegraves dans un deacutelai
raisonnable Toutefois le requeacuterant nrsquoa pas preacutesenteacute de griefs relatifs agrave la dureacutee de la
proceacutedure La Cour nrsquoeacutetait donc pas compeacutetente pour examiner la question de la dureacutee
de la proceacutedure et agrave juste titre a deacutecideacute de ne pas examiner cette question
3 Le requeacuterant se plaint du manque drsquoeacutequiteacute de la proceacutedure meneacutee contre lui car le
teacutemoin clef de lrsquoaffaire nrsquoa pas eacuteteacute entendu pendant les deacutebats La majoriteacute constate agrave
juste titre que laquo CC plaignant et unique teacutemoin a eacuteteacute entendu par les carabiniers
mais qursquoil nrsquoa jamais comparu devant les juridictions du fond raquo (paragraphe 52 gras
ajouteacute)
Le manque alleacutegueacute drsquoeacutequiteacute du procegraves du fait de lrsquoabsence drsquoaudition du teacutemoin
devant le juge de fond doit ecirctre appreacutecieacute avant tout agrave la lumiegravere des eacutevegravenements qui
ont eu lieu apregraves son commencement Or dans la motivation de lrsquoarrecirct la majoriteacute se
penche au paragraphe 45 sur la phase drsquoinstruction qui a dureacute jusqursquoau 16 juin 1998
Le juge des investigations preacuteliminaires nrsquoest pas le juge de fond La motivation de
lrsquoarrecirct nrsquoexplique pas pourquoi les stades anteacuterieurs au procegraves seraient pertinents pour
appreacutecier le grief du requeacuterant alors que le paragraphe 52 met lrsquoaccent sur la
comparution du teacutemoin devant le juge de fond Peut-ecirctre la motivation se fonde-t-elle
implicitement sur lrsquoideacutee que lrsquoaudition du teacutemoin avant le procegraves devant un juge en
preacutesence de lrsquoaccuseacute aurait remeacutedieacute au problegraveme de lrsquoabsence drsquoaudition du teacutemoin
pendant le procegraves devant le juge de fond Si crsquoest le cas cette consideacuteration aurait ducirc
Dirittifondamentaliit - ISSN 2240-9823
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ecirctre expliqueacutee dans le contexte drsquoune analyse deacutetailleacutee de la proceacutedure peacutenale italienne
et en particulier drsquoune analyse de la logique et de lrsquoenchaicircnement de ses diffeacuterents
stades
4 Agrave lrsquoaudience du 6 deacutecembre 2004 le procureur informa le tribunal que le teacutemoin
CC avait quitteacute le domicile familial depuis lrsquoanneacutee 2000 et qursquoil eacutetait depuis lors
introuvable Il indiqua eacutegalement qursquoun mandat drsquoarrecirct avait eacuteteacute deacutecerneacute agrave lrsquoencontre
de CC agrave la suite de sa condamnation par contumace dans le cadre drsquoune autre
proceacutedure peacutenale Ces alleacutegations nrsquoont pas eacuteteacute contesteacutees par le requeacuterant Il nrsquoest
donc pas exact de dire que laquo [a]u final lors du procegraves en 2003 soit plus de six ans apregraves
les faits les seules recherches effectueacutees par la police avaient eacuteteacute celles faites au
domicile des parents de CC raquo (paragraphe 45 in fine)
Si pendant plusieurs anneacutees les autoriteacutes italiennes ont tenteacute sans succegraves de
localiser et drsquoarrecircter CC pour lrsquoincarceacuterer agrave la suite drsquoune condamnation peacutenale dans
une autre affaire il est difficile de leur reprocher de nrsquoavoir pas pu assurer sa
comparution comme teacutemoin Il est difficile drsquoattendre raisonnablement encore plus de
diligence de la part de la juridiction devant laquelle la personne rechercheacutee doit
teacutemoigner
Dans la preacutesente affaire il y avait un obstacle objectif agrave lrsquoaudition du teacutemoin Le juge
avait lrsquoobligation de statuer sur le fondement des preuves disponibles et notamment
du teacutemoignage de CC recueilli avant le procegraves appreacutecieacutees agrave la lumiegravere du principe de
la libre appreacuteciation des preuves Les juridictions italiennes des diffeacuterents niveaux ont
soigneusement examineacute cette question Je ne vois pas de raison suffisante de me
deacutemarquer de leurs conclusions
5 Au paragraphe 50 la Cour laquo rappelle agrave nouveau que dans chaque affaire ougrave le
problegraveme de lrsquoeacutequiteacute de la proceacutedure se pose en rapport avec la deacuteposition drsquoun teacutemoin
absent il srsquoagit de savoir srsquoil existe des eacuteleacutements suffisamment compensateurs des
inconveacutenients que son admission fait subir agrave la deacutefense notamment des garanties
proceacutedurales solides permettant une appreacuteciation correcte et eacutequitable de la fiabiliteacute
drsquoune telle preuve raquo
En lrsquoespegravece le gouvernement italien dans ses observations eacutecrites a preacutesenteacute un
certain nombre drsquoeacuteleacutements qui selon lui compensaient les inconveacutenients subis par la
deacutefense La Cour eacutetait tenue drsquoappliquer le test eacutenonceacute au paragraphe 50 en appreacuteciant
si les eacuteleacutements mis en exergue par le Gouvernement eacutetaient pertinents et suffisants Or
la majoriteacute a deacutecideacute de ne pas reacutepondre aux arguments du Gouvernement Elle se
limite agrave affirmer au paragraphe 55 que laquo aussi rigoureux soit-il lrsquoexamen fait par le
juge du fond constitue un instrument de controcircle imparfait dans la mesure ougrave il ne
permet pas de disposer des eacuteleacutements pouvant ressortir drsquoune confrontation en
audience publique entre lrsquoaccuseacute et son accusateur raquo Le test eacutenonceacute nrsquoa pas eacuteteacute
appliqueacute par la Cour
Il est eacutevident qursquoen lrsquoabsence drsquoaudition drsquoun teacutemoin en audience publique on ne
peut pas disposer drsquoeacuteleacutements pouvant ressortir drsquoune confrontation entre lrsquoaccuseacute et
son accusateur Toutefois selon la meacutethodologie annonceacutee au paragraphe 50 la
question agrave trancher eacutetait celle de savoir srsquoil existait des eacuteleacutements qui avaient
suffisamment compenseacute les inconveacutenients que son admission avait fait subir agrave la
deacutefense
6 La preacutesente affaire permet de tirer un enseignement plus geacuteneacuteral Lrsquoeacutequiteacute du
procegraves peacutenal ne peut srsquoappreacutecier que dans le contexte de lrsquoensemble des regravegles qui
Dirittifondamentaliit - ISSN 2240-9823
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reacutegissent la proceacutedure peacutenale et en particulier des principes fondamentaux qui
deacutefinissent le modegravele de proceacutedure peacutenale choisi La majoriteacute se reacutefegravere aux principes
eacutetablis dans lrsquoarrecirct Al-Khawaja et Tahery c Royaume-Uni ([GC] nos 2676605 et 2222806
CEDH 2011 auquel se trouve joint lrsquoexposeacute de lrsquoopinion concordante du juge Bratza et
de lrsquoopinion en partie concordante et en partie dissidente des juges Sajoacute et Karakaş) Je
note agrave cet eacutegard que les principes concernant lrsquoaudition des teacutemoins ont eacuteteacute eacutenonceacutes
dans cette affaire dans le contexte drsquoun procegraves fondeacute sur les principes du contradictoire
et du rocircle limiteacute du juge Les principes du procegraves eacutequitable eacutelaboreacutes pour de telles
proceacutedures peacutenales sont difficilement transposables agrave des proceacutedures peacutenales fondeacutees
sur le rocircle actif du juge avec de forts eacuteleacutements inquisitoires au stade du procegraves Agrave mon
avis la question de lrsquoeacutequiteacute du procegraves peacutenal doit ecirctre revisiteacutee par la Cour agrave la lumiegravere
des principes fondamentaux des diffeacuterentes proceacutedures peacutenales Je remarque dans ce
contexte que le rocircle actif du juge est en soi un eacuteleacutement qui peut compenser certaines
formes drsquoineacutegaliteacute des armes entre les parties ce qui a eacuteteacute mis en exergue agrave tregraves juste
titre dans lrsquoarrecirct Regner c Reacutepublique tchegraveque ([GC] no 3528911 sect 152 19 septembre
2017 auquel se trouve joint lrsquoopinion concordante du juge Wojtyczek lrsquoopinion en
partie dissidente commune aux juges Raimondi Sicilianos Spano Ravarani et Pastor
Vilanova lrsquoopinion en partie dissidente commune aux juges Lazarova Trajkovska et
Loacutepez Guerra lrsquoopinion en partie dissidente du juge Serghides et lrsquoopinion dissidente
du juge Sajoacute) Bien que ce dernier arrecirct concerne la proceacutedure administrative
contentieuse les consideacuterations exposeacutees dans sa motivation gardent leur pertinence
pour drsquoautres proceacutedures
Il faut rappeler que lrsquoeacutegaliteacute des armes et le respect des droits des parties ne sont pas
la finaliteacute ultime du droit mais lrsquoinstrument servant drsquoune part la digniteacute et
lrsquoautonomie individuelle et drsquoautre part la veacuteriteacute et la justice substantielle La question
essentielle est celle de savoir si les regravegles proceacutedurales envisageacutees comme un systegraveme
et appliqueacutees en lrsquoespegravece permettent drsquoaboutir dans le respect de la digniteacute de
lrsquohomme agrave une deacutecision fondeacutee sur la veacuteriteacute et drsquoeacuteviter les erreurs judiciaires
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ecirctre expliqueacutee dans le contexte drsquoune analyse deacutetailleacutee de la proceacutedure peacutenale italienne
et en particulier drsquoune analyse de la logique et de lrsquoenchaicircnement de ses diffeacuterents
stades
4 Agrave lrsquoaudience du 6 deacutecembre 2004 le procureur informa le tribunal que le teacutemoin
CC avait quitteacute le domicile familial depuis lrsquoanneacutee 2000 et qursquoil eacutetait depuis lors
introuvable Il indiqua eacutegalement qursquoun mandat drsquoarrecirct avait eacuteteacute deacutecerneacute agrave lrsquoencontre
de CC agrave la suite de sa condamnation par contumace dans le cadre drsquoune autre
proceacutedure peacutenale Ces alleacutegations nrsquoont pas eacuteteacute contesteacutees par le requeacuterant Il nrsquoest
donc pas exact de dire que laquo [a]u final lors du procegraves en 2003 soit plus de six ans apregraves
les faits les seules recherches effectueacutees par la police avaient eacuteteacute celles faites au
domicile des parents de CC raquo (paragraphe 45 in fine)
Si pendant plusieurs anneacutees les autoriteacutes italiennes ont tenteacute sans succegraves de
localiser et drsquoarrecircter CC pour lrsquoincarceacuterer agrave la suite drsquoune condamnation peacutenale dans
une autre affaire il est difficile de leur reprocher de nrsquoavoir pas pu assurer sa
comparution comme teacutemoin Il est difficile drsquoattendre raisonnablement encore plus de
diligence de la part de la juridiction devant laquelle la personne rechercheacutee doit
teacutemoigner
Dans la preacutesente affaire il y avait un obstacle objectif agrave lrsquoaudition du teacutemoin Le juge
avait lrsquoobligation de statuer sur le fondement des preuves disponibles et notamment
du teacutemoignage de CC recueilli avant le procegraves appreacutecieacutees agrave la lumiegravere du principe de
la libre appreacuteciation des preuves Les juridictions italiennes des diffeacuterents niveaux ont
soigneusement examineacute cette question Je ne vois pas de raison suffisante de me
deacutemarquer de leurs conclusions
5 Au paragraphe 50 la Cour laquo rappelle agrave nouveau que dans chaque affaire ougrave le
problegraveme de lrsquoeacutequiteacute de la proceacutedure se pose en rapport avec la deacuteposition drsquoun teacutemoin
absent il srsquoagit de savoir srsquoil existe des eacuteleacutements suffisamment compensateurs des
inconveacutenients que son admission fait subir agrave la deacutefense notamment des garanties
proceacutedurales solides permettant une appreacuteciation correcte et eacutequitable de la fiabiliteacute
drsquoune telle preuve raquo
En lrsquoespegravece le gouvernement italien dans ses observations eacutecrites a preacutesenteacute un
certain nombre drsquoeacuteleacutements qui selon lui compensaient les inconveacutenients subis par la
deacutefense La Cour eacutetait tenue drsquoappliquer le test eacutenonceacute au paragraphe 50 en appreacuteciant
si les eacuteleacutements mis en exergue par le Gouvernement eacutetaient pertinents et suffisants Or
la majoriteacute a deacutecideacute de ne pas reacutepondre aux arguments du Gouvernement Elle se
limite agrave affirmer au paragraphe 55 que laquo aussi rigoureux soit-il lrsquoexamen fait par le
juge du fond constitue un instrument de controcircle imparfait dans la mesure ougrave il ne
permet pas de disposer des eacuteleacutements pouvant ressortir drsquoune confrontation en
audience publique entre lrsquoaccuseacute et son accusateur raquo Le test eacutenonceacute nrsquoa pas eacuteteacute
appliqueacute par la Cour
Il est eacutevident qursquoen lrsquoabsence drsquoaudition drsquoun teacutemoin en audience publique on ne
peut pas disposer drsquoeacuteleacutements pouvant ressortir drsquoune confrontation entre lrsquoaccuseacute et
son accusateur Toutefois selon la meacutethodologie annonceacutee au paragraphe 50 la
question agrave trancher eacutetait celle de savoir srsquoil existait des eacuteleacutements qui avaient
suffisamment compenseacute les inconveacutenients que son admission avait fait subir agrave la
deacutefense
6 La preacutesente affaire permet de tirer un enseignement plus geacuteneacuteral Lrsquoeacutequiteacute du
procegraves peacutenal ne peut srsquoappreacutecier que dans le contexte de lrsquoensemble des regravegles qui
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reacutegissent la proceacutedure peacutenale et en particulier des principes fondamentaux qui
deacutefinissent le modegravele de proceacutedure peacutenale choisi La majoriteacute se reacutefegravere aux principes
eacutetablis dans lrsquoarrecirct Al-Khawaja et Tahery c Royaume-Uni ([GC] nos 2676605 et 2222806
CEDH 2011 auquel se trouve joint lrsquoexposeacute de lrsquoopinion concordante du juge Bratza et
de lrsquoopinion en partie concordante et en partie dissidente des juges Sajoacute et Karakaş) Je
note agrave cet eacutegard que les principes concernant lrsquoaudition des teacutemoins ont eacuteteacute eacutenonceacutes
dans cette affaire dans le contexte drsquoun procegraves fondeacute sur les principes du contradictoire
et du rocircle limiteacute du juge Les principes du procegraves eacutequitable eacutelaboreacutes pour de telles
proceacutedures peacutenales sont difficilement transposables agrave des proceacutedures peacutenales fondeacutees
sur le rocircle actif du juge avec de forts eacuteleacutements inquisitoires au stade du procegraves Agrave mon
avis la question de lrsquoeacutequiteacute du procegraves peacutenal doit ecirctre revisiteacutee par la Cour agrave la lumiegravere
des principes fondamentaux des diffeacuterentes proceacutedures peacutenales Je remarque dans ce
contexte que le rocircle actif du juge est en soi un eacuteleacutement qui peut compenser certaines
formes drsquoineacutegaliteacute des armes entre les parties ce qui a eacuteteacute mis en exergue agrave tregraves juste
titre dans lrsquoarrecirct Regner c Reacutepublique tchegraveque ([GC] no 3528911 sect 152 19 septembre
2017 auquel se trouve joint lrsquoopinion concordante du juge Wojtyczek lrsquoopinion en
partie dissidente commune aux juges Raimondi Sicilianos Spano Ravarani et Pastor
Vilanova lrsquoopinion en partie dissidente commune aux juges Lazarova Trajkovska et
Loacutepez Guerra lrsquoopinion en partie dissidente du juge Serghides et lrsquoopinion dissidente
du juge Sajoacute) Bien que ce dernier arrecirct concerne la proceacutedure administrative
contentieuse les consideacuterations exposeacutees dans sa motivation gardent leur pertinence
pour drsquoautres proceacutedures
Il faut rappeler que lrsquoeacutegaliteacute des armes et le respect des droits des parties ne sont pas
la finaliteacute ultime du droit mais lrsquoinstrument servant drsquoune part la digniteacute et
lrsquoautonomie individuelle et drsquoautre part la veacuteriteacute et la justice substantielle La question
essentielle est celle de savoir si les regravegles proceacutedurales envisageacutees comme un systegraveme
et appliqueacutees en lrsquoespegravece permettent drsquoaboutir dans le respect de la digniteacute de
lrsquohomme agrave une deacutecision fondeacutee sur la veacuteriteacute et drsquoeacuteviter les erreurs judiciaires
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reacutegissent la proceacutedure peacutenale et en particulier des principes fondamentaux qui
deacutefinissent le modegravele de proceacutedure peacutenale choisi La majoriteacute se reacutefegravere aux principes
eacutetablis dans lrsquoarrecirct Al-Khawaja et Tahery c Royaume-Uni ([GC] nos 2676605 et 2222806
CEDH 2011 auquel se trouve joint lrsquoexposeacute de lrsquoopinion concordante du juge Bratza et
de lrsquoopinion en partie concordante et en partie dissidente des juges Sajoacute et Karakaş) Je
note agrave cet eacutegard que les principes concernant lrsquoaudition des teacutemoins ont eacuteteacute eacutenonceacutes
dans cette affaire dans le contexte drsquoun procegraves fondeacute sur les principes du contradictoire
et du rocircle limiteacute du juge Les principes du procegraves eacutequitable eacutelaboreacutes pour de telles
proceacutedures peacutenales sont difficilement transposables agrave des proceacutedures peacutenales fondeacutees
sur le rocircle actif du juge avec de forts eacuteleacutements inquisitoires au stade du procegraves Agrave mon
avis la question de lrsquoeacutequiteacute du procegraves peacutenal doit ecirctre revisiteacutee par la Cour agrave la lumiegravere
des principes fondamentaux des diffeacuterentes proceacutedures peacutenales Je remarque dans ce
contexte que le rocircle actif du juge est en soi un eacuteleacutement qui peut compenser certaines
formes drsquoineacutegaliteacute des armes entre les parties ce qui a eacuteteacute mis en exergue agrave tregraves juste
titre dans lrsquoarrecirct Regner c Reacutepublique tchegraveque ([GC] no 3528911 sect 152 19 septembre
2017 auquel se trouve joint lrsquoopinion concordante du juge Wojtyczek lrsquoopinion en
partie dissidente commune aux juges Raimondi Sicilianos Spano Ravarani et Pastor
Vilanova lrsquoopinion en partie dissidente commune aux juges Lazarova Trajkovska et
Loacutepez Guerra lrsquoopinion en partie dissidente du juge Serghides et lrsquoopinion dissidente
du juge Sajoacute) Bien que ce dernier arrecirct concerne la proceacutedure administrative
contentieuse les consideacuterations exposeacutees dans sa motivation gardent leur pertinence
pour drsquoautres proceacutedures
Il faut rappeler que lrsquoeacutegaliteacute des armes et le respect des droits des parties ne sont pas
la finaliteacute ultime du droit mais lrsquoinstrument servant drsquoune part la digniteacute et
lrsquoautonomie individuelle et drsquoautre part la veacuteriteacute et la justice substantielle La question
essentielle est celle de savoir si les regravegles proceacutedurales envisageacutees comme un systegraveme
et appliqueacutees en lrsquoespegravece permettent drsquoaboutir dans le respect de la digniteacute de
lrsquohomme agrave une deacutecision fondeacutee sur la veacuteriteacute et drsquoeacuteviter les erreurs judiciaires
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