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Des ressources et des paradoxes inattendus dans le
management et la performance des organisations: Cas des PME marocaines.
Rapport de thésis dans le cadre de la soutenance du diplôme de
l’Executive Doctorate in Business Adminisration de l’Université Paris Dauphine 27 Février 2009
Rachid Alami Executive Doctorate in Business Administration
Paris Dauphine University
TABLE DES MATIERES
Résumé………………………………………………………………………………………. 2 Abstract ……………………………………………………………………………………… 2 Introduction ………………………………………………………………………………… 3
Partie I 1.1 Théories et concepts managériaux impliqués dans cette recherche ……….. 8 1.2 Culture et management des organisations ………………………………………. 9 1.2.1 La sociologie ………………………………………………………………… 12 1.2.2 La sociologie des organisations et les écoles de pensée …………… 15
1.3 L’école classique ………………………………………………………………………. 15
1.4 L’école des ressources humaines ………………………………………………….. 18
1.5 L’école de la contingence ……………………………………………………………. 22
2. Management, culture et organisation ……………………………………………….. 25
2.1 L’importance de la culture ………………………………………………….. 25 2.2 Approche des différences culturelles ……………………………………… 28
3. La culture intégrée aux organisations et au management ……………………….. 31 3.1 Fonction et enjeux de la culture d’entreprise …………………………….. 32 3.2 Le courant de gestion comparée ……………………………………………. 33 3.2.1 Les résultats des travaux d‘Hofstede ……………………………. 35 3.2.2 Cas du Maroc …………………………………………………………. 42 3.2.3 La relation au temps ………………………………………………… 51 3.2.4 L’influence culturelle selon D’Iribarne …………………………… 53 3.5. Avantages et inconvénients des travaux antérieurs ……………………. 55 3.6 Management et environnement islamique …………………………………. 57 3.7 La particularité de chaque modèle de management ……………………… 60 4. Le management au Maroc ……………………………………………………………….. 63 5. Islam et modernité ………………………………………………………………………… 65 6. L’histoire économique de l’aire musulmane …………………………………………. 68
PARTIE II 1. Méthodologie de recherche, pertinence du sujet et hypothèses ………………… 75 2. Les hypothèses ……………………………………………………………………………. 76 3. La faisabilité ……………………………………………………………………………….. 78 4. Les outils de la recherche ………………………………………………………………. 78 5. Les variables étudiées …………………………………………………………………… 79 6. La méthode de collecte des données …………………………………………………. 84 7. Les problématiques rencontrées ……………………………………………………….. 86 8. Les échelles de mesure ………………………………………………………………….. 88 9. Les techniques statistiques utilisées ………………………………………………..... 89
Partie III 1. Résultats de l’étude ……………………………………………………………………… 90
1.1 Les fréquences des résultats principaux ……………………………………………. 90 1.2 Les analyses statistiques ………………………………………………………………. 93 1.3 La construction des facteurs d’analyse ……………………………………………… 95 2. Analyse explicative des phénomènes étudiés ……………………………………….. 96 3. Les variables explicatives de la performance ……………………………………….. 98 4. Conclusion de la partie analyse des données ……………………………………….. 102 5. Apports managériaux de l’étude ……………………………………………………….. 105 Discussion …………………………………………………………………………………….. 107 Conclusion …………………………………………………………………………………….. 108 References …………………………………………………………………………………….. 109
LISTE DES TABLEAUX
Tableau 1 : Principes de l’école classique ……………………………………………… 16 Tableau 2 : Les différents systèmes de rémunération ……………………………….. 20 Tableau 3 : Principes de l’école de la contingence ……………………………………. 23 Tableau 4 : Approche managériale de la culture ………………………………………. 33 Tableau 5 : Caractéristiques des sociétés communautaires et individualistes….. 41 Table 6: Cultural dimensions variability according to Hofstede ……………………. 43 Tableau 7 : Logiques culturelles comparées……………………………………………. 53 Tableau 8 : Forces et faiblesse des modèles d’Hoftsede et de D’Iribarne ………… 56 Tableau 9 : Comparatif des dimensions managériales……………………………….. 61 Tableau 10 : Caractéristiques et contexte de l’objet de recherche…………………. 77 Tableau 11 : La faisabilité de l’étude et le cadre de travail…………………………… 78 Tableau 12 : Indicateurs de mesure des variables……………………………………… 82 Tableau 13: Avantages et inconvénients du Questionnaire auto-administré …….. 85 Tableau 14 : Avantages et inconvénients des questions fermées………………….. 86 Tableau 15 : Définition des variables indépendantes………………………………… 88 Tableau 16 : Définition des facteurs d’analyse…………………………………………. 95
LISTE DES FIGURES
Figure 1 : Rappel l’évolution de l’histoire du management……………………………. 13 Figure 2: Les dimensions de la culture…………………………………………………… 26 Figure 3 : Comparaison des dimensions IDH et ICI……………………………………. 35 Figure 4 : Comparaison des dimensions Masculinité et ICI…………………………. 37 Figure 5 : Comparaison des dimensions Individualisme et IDH…………………….. 40 Figure 6 : Positionnement relatif des pays selon l’indice IDH……………………….. 44 Figure 7 : Positionnement des pays selon l’indice Individualisme/Collectivisme…47 Figure 8 : Positionnement relatif des pays selon l’indice ICI………………………… 49 Figure 9 : Positionnement relatif des pays selon la nature de la communication… 50 Figure 10 : Positionnement relatif des pays selon la relation au temps…………… 52 Figure 11 : Avantages compétitifs liés à l’environnement juridico-économique…. 64 Figure 12 : Evolution de l’effort relationnel du manager……………………………… 102
Figure 13 : Evolution de l’effort d’adaptation du manager…………………………… 106
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Remerciements
Je tiens à remercier en tout premier lieu Mr Jean-François CHANLAT qui a dirigé
cette thèsis. Tout au long de ces deux années de travail, il a su orienter mes
recherches aux bons moments en me faisant découvrir au travers de son regard
d’anthropologue et de sociologue, toute la richesse scientifique et humaine de
l’histoire des organisations. Mr CHANLAT a toujours été disponible pour d’intenses et
rationnelles discussions. Pour tout cela, sa confiance, son engagement et son
soutien moral, je le remercie vivement.
Je remercie Mr Michel KALIKA qui a su mettre sur pied l’Exécutive DBA, un
programme pertinent et de qualité. Cette formation été une expérience hors du
commun, intense et m’a permis d’ouvrir mon horizon de réflexion et de pensée.
Il y a certainement un « avant l’EDBA » et un « après l’EDBA ».
Je remercie également tous les professeurs, et en particulier Monsieur Eric CAMPOY
et Monsieur Pierre ROMELEAR, de leur contribution dans la qualité, la pertinence et
la profondeur de leur enseignement.
Enfin, ce travail de recherche passionnant n’a pu être possible qu’avec l’aide
soutenue de ma famille dont je ne pourrais jamais les remercier suffisamment pour
tous les sacrifices consenties tout au long de ces années de travail.
Un remerciement tout particulier à ma mère et à mon épouse qui ont continué à
croire en moi, même dans les moments les plus difficiles et qui a toujours apporté
leur soutien et leur amour.
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Résumé
Comment certaines entreprises marocaines arrivent-elles à être économiquement et
socialement performantes alors que leur propriétaire laissent le plus souvent imposer
une logique managériale basée sur l’émotionnel, les croyances religieuses et le
paternalisme au lieu du rationnel, la logique et de l’autonomie ? Comment, dans ces
conditions, les managers marocains ou étrangers, formés aux concepts classiques
du management occidental, arrivent-ils à gérer les défis managériaux au quotidien et
assurer la stabilité de leur entreprise? Cet article se propose, à travers l’analyse de
cas d’entreprises marocaines d’identifier les facteurs clés de succès et les leviers
inattendus de performance et de stabilité de ces entreprises et d’expliquer comment
les dimensions culturelles et religieuses sont incorporées aux notions telles que
l’amélioration continue, le travail d’équipe, la gestion des ressources humaines ou la
productivité dans un contexte de culture intense.
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Keywords
Culture et management – Performance et productivité – Gestion des ressources
humaines – Religion et management
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Abstract
How could some Moroccan companies be economically and socially efficient when
their owner leaves most often impose a managerial logic based on emotional,
religious beliefs and paternalism instead of rationality, logic and autonomy?
How, then, Moroccan and foreign managers, trained in the concepts of Western
management, come to manage the daily managerial challenges and ensure the
stability of their business? This article attempts, through case analysis of Moroccan
companies to identify key success factors and unexpected leverage that are used to
enhance performance and to maintain stability of these companies and it tries to
explain how cultural and religious dimensions are, in different cultural context,
incorporated into concepts such as continuous improvement, teamwork, human
resource management or productivity.
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Introduction
"L’Allemand vit en Allemagne, le Parisien vit à Paris, le Turc vit en Turquie, mais
l’Anglais vit chez lui" (Goring, 1909). Cette citation de Goring datant de 1909 nous
rappelle que chacun regarde le monde à travers les fenêtres d’un "chez soi" culturel;
chacun agit comme si ceux qui viennent d’autres pays avaient quelque chose de
spécial (un caractère national), la norme se trouvant chez soi (Bernard, 1994). D’un
autre coté, Fayol (1918) s’exprima ainsi: « si l’on pouvait faire abstraction du facteur
humain, il serait assez facile de constituer un organisme social ».
Serait-il donc impossible de concilier la diversité des cultures avec l’universalité des
valeurs? Le management multiculturel efficace si chère aux organisations serait-il
qu’un mythe auquel les dirigeants d’entreprise veulent nous faire croire pour mieux
nous contrôler et ainsi réduire les risques tout en améliorant la performance ?
Les frontières physiques et institutionnelles ayant tendance à disparaître, il est
normal que les cultures tendent à se rapprocher. On passe donc du domaine de
l’international à celui de la globalité du monde
Cette étude ne prêtant pas apporter des réponses radicales ou définitives aux
difficultés que peuvent rencontrer les entreprises dans un milieu culturel différent.
L’être humain est un ensemble complexe, imprévisible et qui porte en lui un héritage
culturel et social et se construit également à travers ses relations avec son
entourage. Chanlat (2008) nous rappelle à ce titre que « La présence d’autrui joue
également un rôle dans la genèse de l’identité socioculturelle. Tout groupe humain
se différence au contact d’autrui. Ce double rapport (individuel et collectif) à l’altérité
pénètre tous les niveaux de la vie sociale », qui plus est dans la vie des
organisations. Cette recherche veut apporter une lumière sur un phénomène
récurent qui est celui de l’adaptation culturelle des managers qui évoluent dans des
environnements différents de leur origine. La validation des hypothèses est restreinte
à un environnement particulier. Des recherches similaires à plus grande échelle
seront présentées afin de valider ou d’invalider les résultats trouvés.
Dans la littérature sur les organisations, Gouldner (1959) cité dans Maggi (2006)
avait distingué deux modèles principaux d’étude des organisations qui sont le
modèle rationnel et le système naturel (natural-system). Thompson (1967) cité dans
Hafsi (2008) avait ajouté à cette distinction le fait que le modèle rationnel découle
d’une stratégie de système fermé et le modèle de système naturel découle d’une
stratégie de système ouvert.
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Le premier occulte toute relation de l’organisation avec son environnement, alors que
le second en fait l’aspect principal. La première approche est foncièrement
déterministe alors que la seconde et non déterministe par excellence.
L’approche du modèle rationnel se base sur une stratégie de système fermé mettant
l’accent surtout sur la performance et l’efficacité. Dans un tel contexte l’incertitude est
occultée, toute action est opportune et son résultat est prévisible. L’organisation est
en quelque sorte autonome et indépendante de son environnement.
Dans une telle perspective, l’aspect social et culturel des ressources est occulté mais
toute l’attention est centrée sur l’utilisation et l’optimisation de ces ressources. C’est
le cas des premiers auteurs ou ce que l’on appelle les classiques comme Fayol,
Taylor, Ford ou Weber (le modèle bureaucratique). C’est encore le cas des
théoriciens du comportement comme Mayo, Fayol, Maslow, Herzberg ou McGregor
plus centrés sur des théories portant sur la motivation, le leadership et les
communications interpersonnelles.
Toutes portent sur l’utilisation des ressources, le but étant la maximisation de l’output
à partir des ressources qui sont considérées comme données et sur lesquels
l’environnement n’a aucune influence.
Dans le cadre de ce modèle, tous ces théoriciens des organisations ont abordé la
question du fonctionnement organisationnel à partir d’une multitude de points de vue
qui procèdent d’une approche déterministe où l’environnement culturel est occulté.
En définitive, durant la première moitié du siècle les théoriciens des organisations
dans leur recherche de principes universels relatifs aux structures, au contrôle et à la
performance ont ignoré d’une certaine façon l’environnement culturel. Ainsi dans leur
recherche du « one best way », des théoriciens comme Weber soutenaient que les
structures bureaucratiques étaient valables pour toute organisation et Taylor
considérait ses principes du management scientifique comme universels.
Dans les milieux de culture intense où notre étude se situe, le rôle de
l’environnement, des croyances et des traditions est déterminant. Les milieux de
culture intense dans lesquels opèrent les entreprises marocaines qui sont des
milieux caractérisés par la transcendance et l’omniprésence de la religion islamique
avec tout ce que cela comporte comme contraintes, et la conjoncture sociale et
politique dans laquelle ces organisations progressent, ont rendu complexe la
compréhension de leur fonctionnement, principalement pour des individus formés
dans les universités occidentales.
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Nous savons que la théorie de la contingence est venue réfuter l’approche du « one
best way » pour ce qui a trait à la structuration des organisations (Chanlat, 2005).
Elle met l’accent, en particulier, sur le fait que la relation organisation -
environnement privilégie le rôle prédominant de l’environnement tel que l’ont exposé
Chanlat (1999) et Thompson (1967).
L’objectif de cette recherche vise à déceler les facteurs clés de succès des
organisations dans un milieu de culture différente, qui sont des milieux caractérisés
par des contraintes majeures et où prédominent de fortes idéologies, religions,
croyances et cultures locales, parfois en opposition aux règles classiques du
management. En particulier, je vais essayer de démontrer comment les entreprises
marocaines arrivent à performer malgré des méthodes de gestion en porte-à-faux par
rapport aux concepts classiques du management et identifier les leviers de
croissance et de performance qui assurent leur pérennité et leur stabilité. Quels sont
les facteurs clés de succès et les leviers inattendues qui résonnent et ont des effets
positifs sur la performance des individus qui sont dirigés par des managers
occidentaux ou nationaux formé dans les écoles occidentales ?
Cette étude essayera de mettre en évidence le fait que les concepts managériaux et
les théories de gouvernance et d’amélioration de la performance et de la productivité
appris tout au long de mes années universitaires n’ont pas engendré les effets
espérés dans un contexte culturel différent comme celui du Maroc. Pourquoi les
méthodes de gestion traditionnellement acceptées et enseignées dans les écoles de
management occidentales et même locales ne fonctionnent pas quand il s’agit de les
appliquer dans un contexte culturel différent ?
Telle est la question à laquelle nous essayerons de répondre. Pour ce faire, ce travail
se divise en trois parties.
La première partie présente les écoles de pensée du management des
organisations et nous conduit à travers le chemin qui nous mène à comprendre
pourquoi les théoriciens en sont arrivés à considérer la dimension humaine (donc
culturelle) comme variable critique de la gestion des organisations. Chacune des
théories (théorie classique, théorie de la contingence et théorie des ressources
humaines) sera analysée selon ses objectifs, ses mécanismes et ses principaux
élements. Chaque théorie est présentée de façon à comprendre quels en étaient les
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enjeux, les points forts et les points faibles. Pousser par le désir continue d’améliorer
la performance des organisations, chaque théorie prend ses racines dans les
faiblesses de sa précédente pour apporter un nouveau regard sur les relations
travail-performance-individu. Parler de culture d’organisation nous impose de faire
une introduction sur la sociologie des organisations et sur les mécanismes qui
régissent les liens sociaux entre individus et comment les acteurs construisent et
coordonnent des activités organisées. Par la suite, nous essayerons de comprendre
les rapports qui régissent les relations entre gestion et culture et quels sont les
travaux qui ont été menés pour mesurer les écarts culturels entre nations et qui ont
fait naître des mots tels que « différence culturelle » ou « distance physique ». A
chaque étape, un comparatif avec, soit les concepts de l’Islam, soit l’expérience du
terrain, sera présenté afin de comprendre les enjeux de cette étude et la relation qui
peut exister entre religion et management. Différents courants d’analyse des
différences culturels seront présentés pour nous permettre de synthétiser à la fin de
cette première partie les concepts généraux de chaque modèle de management et
de les comparer. Tout au long de cette partie, nous exposerons comme éléments
comparatifs, les méthodes managériales appliquées au Maroc et les contradictions
qui peuvent en être déduites par rapport aux théories occidentales. Nous
présenterons également dans cette partie la question de l’Islam et du management
et de l’émergence d’un nouveau type de managers arabes qui tentent de concilier
valeurs managériales et valeurs éthiques islamiques afin de mieux comprendre le
phénomène nouveau d’incursion de l’Islam dans le management.
La deuxième partie sera consacrée à la présentation du cas de l’entreprise pour
laquelle j’ai travaillé pendant 4 ans laquelle a été le déclencheur du désir de faire ses
recherches sur les différences culturelles et les ressources inattendues à la base de
la performance des PME marocaines. Il sera question dans cette partie de décrire les
faits, les expériences et les anecdotes qui ont jalonnées toutes ces années de
pratique au Maroc. Il s’agit de présenter les difficultés de départ (relation
hiérarchique, difficulté de communication, pouvoir, notions classique de performance,
application des théories et modèles managériaux universels) et de résumer les
expériences locales d’autres managers à partir de questionnaire distribués.
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Nous établirons les hypothèses de recherche à valider ainsi que la perspective
théorique appliquée tout au long de ces travaux. Nous expliquerons comment les
données ont été établies et quelles sont les variables définies et étudiées.
La troisième partie sera consacrée aux résultats de la recherche et à la validation
ou non des hypothèses de départ. Il sera question de mettre en évidence les
ressources et leviers utilisés pour améliorer la performance dans les organisations
mais également dans la gestion des équipes. Par ailleurs, je vais tenter d’expliquer
comment, grâce à ma double culture, occidentale et arabe, à mon expérience
personnelle et aux études de terrain, les managers de type occidental ont su
adapter les concepts généraux occidentaux de management et de gouvernance aux
subtilités locales. En particulier, l’introduction dans le langage managérial standard
de concepts religieux et culturels tels que des notions d’éthique religieuse, de
récompense divine, de rassemblements familiaux autour d’un repas ou encore de
notion de chef de famille.
On verra enfin que la performance de certaines entreprises marocaines n’est pas
uniquement le résultat d’une stratégie de croissance ou de l’amélioration de la
productivité. Derrière cette performance, se cache en fait un conflit permanent ente
éthique universaliste (croyance religieuse, notion du bien et du mal, droits de
l’homme et de la femme) et éthique individualiste (comportement d’affaires,
corruption, fraudes, opportunisme). Pourquoi ce paradoxe existe-t-il entre sphère
privée et sphère publique et quel est son impact sur les méthodes de gestion?
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Partie 1
1.1 Théories et concepts managériaux impliqués dans cette recherche
Etudier l’influence de la culture sur la performance des organisations nécessite
d’aborder un ensemble de théories et de concepts managériaux afin de comprendre
pourquoi les chercheurs en sont arrivés à considérer les divergences cultuelles
comme une variable critique des organisations. En effet, aborder la culture induit de
parler de sociologie. Chanlat (2006) nous rappelle que « l’individu se construit par
rapport à l’autre ». Pour comprendre les relations individuelles et communautaires, il
faut comprendre le lien social et les valeurs qui poussent à agir. De là, on est amené
à présenter certaines contributions de la sociologie des organisations si l’on veut
comprendre comment les acteurs construisent et interagissent au sein des
organisations. N’oublions pas que l’objectif avoué des entreprises privées est d’être
rentable et productive. Les managers cherchent donc à maximiser les ressources
pour améliorer la performance de leur entreprise. Ce qui fût déjà le cas au début de
l’ère industrielle et l’invention de la théorie classique de l’organisation scientifique du
travail. Cette théorie est venue répondre, par la mise en place de méthodes
rationnelles de production de masse, à une forte demande. Les ingénieurs ont donc
répondu à leur façon aux contraintes du marché. Leurs réponses ont engendré de
nouvelles questions auxquelles la théorie de la contingence est venue répondre mais
tout en engendrant elle-même de nouvelles questions auxquelles la théorie des
ressources humaines a essayé d’y répondre. Cette spirale sans fin de questions-
réponse nous a mené de nos jours à apporter une petite pierre à l’édifice en
construction des sciences de gestion. Chaque théorie vient répondre aux défis de
son époque tout en se construisant sur les fondements de celles qui l’ont précédé.
Une sorte de fil conducteur nous guide tout au long de cette recherche pour
comprendre pourquoi en est on arrivé à disséquer les différences culturelles et en
faire une autre variable a prendre en considération si l’on veut « comme à
l’accoutumée » améliorer la performance des organisations.
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1.2 Culture et management des organisations
L’influence de la culture et des traditions sur le management et la performance des
organisations n’a pas été toujours considérée comme un facteur critique. Il a fallu
attendre l’apparition d’auteurs comme Durkheim, Marx, Weber, Mayo ou d’autres
socio-anthropologues pour comprendre les ressorts de l’action humaine, les
motivations qui se cachent derrière toute action individuelle ou encore les luttes de
pouvoir. Les socio-anthropologues ont compris l’importance de l’encastrement
culturel dans les sphères de la vie courante et en particulier dans les organisations et
la manière dont elles sont gérées.
Cependant, le chemin qui a mené à la reconnaissance de la culture comme un
élément clé de la performance des organisations a été long et laborieux. En effet,
plusieurs écoles de pensée ont pris le devant de la scène et ont constitué, chacune à
leur époque, le modèle à suivre comme le modèle du « one best way » très cher à
Ford et Taylor, même si Taylor s’est intéressé aux aspects administratifs et à la
structure organisationnelle comme moyen d’améliorer la performance. . On ne peut
donc pas introduire le management interculturel et l’influence des traditions et de la
culture sans introduire les différents courants de pensée qui se sont succédés depuis
le 18ieme siècle, en commençant par le fameux "Recherche sur la nature et les
causes de la richesse des nations" (Adam Smith, 1776) et qui ont permis
l’émergence de nouvelles idées et théories.
Adam Smith a été le précurseur des théories scientifiques des organisations en
proposant des schémas explicatifs rationnels et en mettant en évidence la possibilité
de réaliser des gains de productivité dans l'industrie grâce à la division du travail. Par
son fameux exemple d'une manufacture d'épingles, Smith montre les avantages de
la division du travail. Il cite entre autre, l’accroissement de l’habilité des ouvriers et
l’économie de temps pour passer d’une tâche à une autre (réduction des temps
morts, meilleure organisation des tâches). Il parle également de l’invention des
machines qui abrègeront le travail et permettront à un seul individu de faire le travail
de plusieurs. Force est de constater que ces principes sont toujours d’actualité.
Productivité, performance, rentabilité, gain de temps ou encore réduction des coûts
sont encore de nos jours les vecteurs de croissance et de gain de part de marché.
Les phénomènes de délocalisation en sont le parfait exemple. En délocalisant leur
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production, les entreprises occidentales ont considérablement réduit leurs coûts,
parfois de moitié. La réduction de ces coûts s’est faite non seulement par l’utilisation
d’une main d’œuvre moins chère (Inde, Chine, Vietnam, Afrique du Nord) mais
également grâce à l’optimisation des coûts de transport et de techniques de
production comme le Juste à Temps ou encore le fameux « Kaizen » inventé par les
japonais. Le travail en flux tendu, la réduction des stocks, l’informatisation des
processus de production par l’utilisation de logiciels comme les ERP (Entreprise
Resources Planning), les CRM (Customers Relationship Management), l’utilisation
des robots dans la production automobile ou encore l’Internet ont considérablement
participé à l’amélioration de la productivité et réduit de façon sensible les délais de
production. C’est ainsi qu’une entreprise de textile comme ZARA arrive à lancer de
nouveaux modèles sur le marché en 6 semaines là où il en faut plus de 12 pour ses
concurrents comme H&M ou GAP. Le gain de temps (déjà cité par Adam Smith) est
crucial pour attirer aujourd’hui des clients toujours plus avides de nouveauté.
La transformation des sociétés agricoles en société industrielle à travers les deux
siècles précédents et par la suite en multinationales durant notre époque a apporté
avec elles d’autres phénomènes inattendus ou tout au moins mal cernés par les
auteurs de la théorie classique des organisations. De nombreuses questions ont en
effet été soulevées suite à l’apparition de phénomènes sociaux comme la souffrance
au travail, les relations hiérarchiques, la motivation des ouvriers, le stress en milieu
professionnel, les relations de pouvoir et les différences culturelles.
Si les défenseurs de la théorie classique des organisations ont pour leur part
répondu à des questions d’efficacité au travail, de remplacement de l’artisanat par
des principes de gestion rigoureux et adaptés à la production de masse, de
remodelage des rapports sociaux entre direction et travailleurs, ils ont certainement
provoqué d’autres questions non moins importantes sans vraiment le vouloir. En effet
dans les années 60, un nouveau courant de pensée émerge en réaction à
l’apparition de critiques et de mouvements sociaux aux Etats-Unis. Issue des travaux
de Mayo, ce courant se veut être une réponse à la montée du mécontentement des
ouvriers (rappelons à cet effet le drame des usines de Rockefeller au Colorado où 16
personnes décédèrent suite à des manifestations sociales). Les industriels
américains de l’époque vont financer des recherches en diligentant ces travaux à des
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psychologues qui vont essayer de trouver des solutions afin de canaliser la colère et
les protestations et essayer de trouver les ressorts pour trouver des solutions au
malaise social. Ce qui conduit à l’émergence d’une nouvelle école de pensée
défendue par des auteurs comme Maslow, Herzberg ou McGregor. De cette école
surgira un aspect jusque là négligé : L’aspect social des organisations. Pour ces
auteurs, toute entreprise est constitué d’un double système : technique et social. De
nouvelles notions apparaissent alors comme l’équilibre individu-organisation, les
besoins des individus et des groupes. Autrement dit, l’homme n’est plus une
machine à produire mais une personne animée par une logique de sentiments et
des désirs d’accomplissement. Selon l’école des ressources humaines, la
productivité ne dépend pas uniquement de la division du travail et de l’efficacité des
machines. D’autres facteurs interviennent, comme la dimension humaine donc
psychologique de l’individu. A son tour, cette école de pensée va faire l’objet de
critiques intenses. Comment expliquer que certaines entreprises s'avèrent
incapables de survivre dans certaines circonstances malgré une GRH efficace. Il y
aurai donc d’autres facteurs influents la performance. C’est ainsi que des auteurs
comme Chandler, Minztberg ou encore Woodward postulent que l’efficacité d’une
organisation dépend de son environnement et de ses caractéristiques propres
(stratégie, taille, culture, technologie,..). Cette théorie est celle de la contingence.
Les auteurs appartenant à l’école de la contingence se sont posés un certain nombre
de questions. Comment expliquer la présence d'organisations performantes ne
répondant pas aux principes de Fayol et Taylor qui pourtant entendaient définir le
"one best way"? Comment expliquer que dans certains cas ces entreprises
répondant au "one best way" s'avèrent contre-productives et inefficientes? A partir
des travaux d’auteurs comme Woodward ou Mintzberg, les auteurs de cette théorie
ont montré que la structure d’une organisation est reliée à des facteurs, dis
contingents, contrairement à l’idée de l’école classique qui considère qu’il existe un
structure idéale indépendamment du contexte. Par exemple, Woodward a montré ni
l'histoire de l'entreprise, ni la branche d'industrie n’expliquaient les différences
constatées. Les différences provenaient plutôt essentiellement de la technologie
développée. Le grand intérêt de l’école de la contingence a été de montrer qu'il n'y
avait pas de structure qui soit la meilleure pour toutes les organisations, puisque
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cette structure dépend de la technologie employée et de l’environnement dans
lequel elle évolue (Woodward, …..)
La théorie de l’école de la contingence à son tour induit un certain nombre de
questions. En effet, jusqu'à présent, les écoles de pensée se sont surtout intéressées
aux aspects techniques et environnementaux des organisations. L’école des
relations humaines défendu par des
Afin de mieux comprendre les différents courants de pensée qui ont jalonné l’étude
des organisations, il serait intéressant de présenter plus en détails les différents
concepts sous-jacent à chaque école de pensée et de faire une analyse comparée
qui met en évidence les points forts et les questions soulevées par chaque théorie.
Cependant, une brève introduction sur la sociologie des organisations peut nous
aider à mieux comprendre ce qui fait le lien social dans une organisation et comment
celui-ci évolue et se transforme.
1.2.1 La sociologie
La sociologie est la science du social qui essaie de comprendre ce qui fait le lien
social. Elle essaie de comprendre les ressorts de l’action humaine et les valeurs qui
motivent l’action. D’une manière générale, la sociologie tente d’apporter des
réponses aux transformations sociales liées à l’apparition de phénomènes
particuliers tels que la souffrance, les relations interpersonnelles, les religions ou
encore l’organisation des individus rassemblés autour d’un objectif commun comme
pourrait l’être les organisations.
La sociologie prend ses racines dans le début de la modernité (Renaissance 15e –
16e siècle). A cette époque, l’homme cherche à se libérer des valeurs féodales du
Moyen-âge et de la pensée dominante de l’Eglise. La remise en question des valeurs
religieuses a permis l’affranchissement des individus. Les croyances séculaires ont
perdu de leur légitimité et l’Eglise a perdu de son pouvoir au profit d’organisations
politiques décentralisées. De ce point de vue, au cours des derniers siècles, l’Islam
comme religion dominante des pays du Maghreb et en particulier le Maroc, est venu
confirmé cette perte de légitimité des pouvoirs des lieux de prière a profit de la
science. En effet, l’Islam insiste sur le rôle des sciences comme moyen de
reconnaissance de Dieu. En découvrant les lois scientifiques qui régissent l’univers,
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le croyant devrait être amené à la conclusion de l’unicité de Dieu. C’est donc à partir
d’une recherche empirique, individuelle et entièrement basée sur des démonstrations
rationnelles que le croyant dans le monde musulman se libère de toute emprise des
dogmes religieux infondés. Dieu dit dans le Coran : « Seuls les savants me craignent
vraiment ». Newton n’a t’il pas bouleverser son siècle en découvrant la gravitation
universelle ? Si l'humanité était en mesure de révéler les lois de l'Univers, elle
pouvait espérer découvrir les lois propres à la nature et à la société humaine. La
liberté et la démocratie naissent donc avec la science et l’affranchissement de
l’homme du joug de la religion comme elle a été appliquée jusqu’alors. La séparation
de l’Eglise et de l’Etat a véritablement permis à la sociologie de voir le jour. La
naissance de la sociologie au XIXe siècle s'explique par l'ampleur des mutations
sociales et politiques et par la réflexion des fondateurs de la sociologie sur le devenir
de la société industrielle. Les principaux auteurs ayant donné forme à cette nouvelle
discipline sont principalement Auguste Conte, Alexis de Tocqueville et Karl Marx
mais ses véritables fondateurs furent Emile Durkheim et Max Weber ainsi que Marcel
Mauss. Il s'agit donc d'une discipline récente. Durkheim a formulé une célèbre
phrase pour résumer la sociologie : « la sociologie ne vaut pas une heure de peine si
elle ne sert à améliorer le sort des hommes » (Mauss, p.233.)
Figure 1 : Rappel l’évolution de l’histoire du management
Moyen-âge en Occident Autocratie, féodalisme, poids de l’église, souffrance, privilèges, centralisationdomination des seigneurs, la vie est régie par ordre, liberté limitéePaysan en tant qu’outil de production
Modernité XVII, XVIII- Remise en question des valeurs religieuses - Liberté et démocratie- Progrès- Révolution scientifique
Révolution industrielle XIX, XX- Capital- Organisation du travail - Application de la science àl’industrie- Fordisme
Nouvel ordre social, XX, XXI- Puissance des organisations- Mondialisation - Chocs culturels
SOCIOLOGIE DES ORGANISATIONS
SOCIOLOGIE
Auguste Conte, Marx, Durkheim, Weber, Pareto
Etzioni, Crozier, Sainsaulieu, Hofstede, D’Iribarne, Chanlat
14
Ci-dessus, un schéma qui montre l’apparition de la sociologie vers la fin du 19eme et
le début du 20ieme principalement lorsque des auteurs comme Auguste Conte, Max
Weber et Karl Marx étudient les changements profonds que subit la société suite au
effets de la révolution industrielle. Il s’ensuit le courant de la sociologie des
organisations, initié par Crozier qui après une mission d’étude de la productivité aux
Etats-Unis, revient en France pour comprendre les changements que subissent les
organisations après la deuxième guerre mondiale. Crozier s’intéresse à la fonction du
management comme outil de modernité et aux phénomènes d’ajustement des
organisations. Il analyse le fonctionnement des grandes organisations
bureaucratiques en France. Il souhaite montrer que le système bureaucratique
français ne correspond pas au modèle d'organisation rationnelle que Max Weber
avait décrit dans « Economie et société ». D’autres auteurs, comme Ezioni, étudient
les transformations des organisations et de l’influence du management des écoles
américaines. Sortie grand vainqueur de la guerre, les Etats-Unis sont la plus grand
puissance. Des investissements massifs sont réalisés en Europe pour la
reconstruire. C’est le plan Marshall.
Dans les années 70 va apparaître la courant de la diversité culturelle à travers des
auteurs comme Hofstede, D’Iribarne ou Chanlat. Ces auteurs s’intéressent aux
problèmes éthiques et à l'influence des cultures nationales sur le fonctionnement des
organisations. La mondialisation des échanges et les phénomènes d’immigration
vont engendrer des chocs de culture. L’univers de sens est différent selon la culture
des individus.
Des trois niveaux de la sociologie - macrosociologie, méso-sociologie
microsociologie – c’est ce dernier qui nous intéresse pour cette étude. A travers les
comportements, les pratiques, les traditions et les habitudes des individus avec
lesquels ils tissent ou cherchent des liens sociaux, nous allons essayer de
démontrer le rôle important de la culture dans la performance des managers formés
aux écoles occidentales et qui exercent dans un milieu culturel et religieux intense et
différent.
15
1.2.2 La sociologie des organisations et les écoles de pensée
La sociologie des organisations est une branche de la sociologie qui étudie comment
les acteurs différents d’une organisation construisent et coordonnent leurs activités
organisées. Le champ d’application est principalement le lien social qui se divise en
trois catégories :
• La coordination : comment les organisations structurent la cohésion
d’ensemble de leur fonctionnement malgré la complexité des
activités à mener et les contraintes externes qu'elles subissent
• La coopération : comment les acteurs de l’organisation parviennent
à tisser des relations de travail satisfaisantes malgré leurs intérêts
différents voir contradictoires
• L’adhésion : quelles sont les valeurs présentes dans l’organisation
et comment les acteurs s’y adhérent.
L’objectif d’une entreprise est l’optimisation des investissements, qu’ils soient
humains ou matériels afin de maximiser sa rentabilité. Pour arriver à l’optimum de
production, les trois aspects cités plus haut (coordination, coopération, adhésion) ont
tour à tour été exploités, parfois de façon individuelle, parfois en étant combiné,
comme de nos jours, grâce notamment à la sophistication des outils de travail et aux
techniques d’amélioration de la productivité humaine (Techniques de motivation, TIC,
cercle de qualité etc…). Voyons maintenant comment chaque école de pensée a
structuré sa démarche et quels ont été les principaux moteurs de leur
développement.
1.3 L’école classique
L’école classique a de toute évidence basée sa théorie sur une conception la
coordination et la spécialisation. Elle a vu l’organisation comme une machine
transformant les éléments reçus (inputs) en produits finis (outputs) de façon à
améliorer la performance. Toute aspect social ou biologique est secondaire. Le
système fonctionne indépendamment de son environnement. L’apparition de cette
école vient en réalité répondre à des besoins précis. Le contexte industriel du XIXe
siècle est marqué par des innovations technologies majeures comme l’électricité, le
16
chemin de fer ou encore la chimie moderne. Cette révolution industrielle appelle les
organisations à s’adapter et à améliorer leur productivité. Apparais alors des
ingénieurs qui vont essayer de répondre à la question suivante : Comment appliquer
aux organisations la même rigueur scientifique que celle qui gouverne les
machines ?
Les réponses apportées par ces ingénieurs (Fayol, Taylor, Gilbreth) ont été presque
similaires des deux cotés de l’atlantique. Ces deux ingénieurs ont vu l’organisation
comme une totalité, une sorte de boite noire dans laquelle un certain nombre de
principes devront être respectés afin d’assurer une coordination parfaite et continue
des outils de production. Ces principes sont cités dans le tableau suivant :
Tableau 1 : Principes de l’école classique
Ecole classique Principes
Organisation Universalité : Communauté d’intérêts entre direction et travailleur
Souveraineté : Négation des besoins de l’homme
Science La science au service des besoins de l’organisation
La science nouvelle base de légitimité de la direction
La science non contestable, non réfutable
Démarche Observer
Décomposer/Classer
Formaliser et établir des principes scientifiques
La science est érigée comme valeur universelle et comme seule référence
légitime. Ce qui est scientifique est par définition irréfutable. On passe donc de la
science personnelle à la science organisationnelle.
17
Fayol, du coté français, et Taylor, du coté américain, ont tous deux constitués les
piliers de l’école classique au même moment de l’histoire des organisations. Pour sa
part, Fayol militait pour remplacer un fonctionnement intuitif et arbitraire par une
mécanique organisationnelle dont chacun des rouages sont spécifiés et coordonnés.
Grâce à un repérage des fonctions clefs de l’organisation (production, recherche,
vente, finance..), Fayol estimait être capable de relier les différentes parties par des
règles de procédure et décomposer les missions en fonctions spécifiques, le tout
gérer par une hiérarchie très bien établie.
Taylor pour sa part a développé l’organisation scientifique du travail (OST). Le
principe de l’OST est de remplacer le savoir-faire et la connaissance personnelle du
travailleur par des principes scientifiques définissant le temps et les mouvements
mécaniques à accomplir le travail. La démarche consistait à observer ce que fait
l’ouvrier (détenteur du savoir-faire), à décomposer le travail en tâche élémentaire et
enfin à attribuer à chaque tâche un temps et un mouvement optimal. La mise en
œuvre d’une telle organisation nécessitait selon Taylor une division verticale du
travail en 3 niveaux qui sont : La conception qui était de la responsabilité des
bureaux des méthodes, le contrôle qui incombait aux contremaîtres et l’exécution qui
revenait à l’ouvrier spécialisé. Toute cette standardisation du travail allait permettre
de produire plus efficacement et de stimuler la consommation en stimulant le pouvoir
d’achat. Ford ira plus loin en mettant en place la chaîne de montage de ses
véhicules pour produire en grande série.
Les principes du management scientifique peuvent être résumés par :
- Utiliser la Science, pas les méthodes empiriques
- Chercher l'harmonie et non la discorde
- Chercher la coopération plutôt que l'individualisme
- Chercher le maximum de productivité
- Promouvoir le développement de chaque employé pour sa plus grande efficacité et prospérité
- Le prix de revient de fabrication diminuant grâce à une production améliorée,
l'industriel peut réaliser de meilleurs bénéfices.
18
Les principales critiques à mettre sur le compte de la théorie classique des
organisations sont l’annihilation de l’homme en tant qu’être social, doté de
sentiments et interagissant avec d’autres membres de la communauté et la non prise
en compte de facteurs externes à l’entreprise (Chanlat, Séguin, 1983,1987).
L’environnement et l’homme social y sont absents. Fayol (1918) n’a-t-il pas dit : « si
l’on pouvait faire abstraction du facteur humain, il serait assez facile de constituer un
organisme social ». La critique de l’homme en tant qu’être social est venue des
travaux de l’école des ressources humaines. Celle de l’environnement est issue des
travaux de l’école de la contingence.
1.4 L’école des ressources humaines
La remise en cause du paradigme mécanique et du « one best way » est venue
d’auteurs comme Mayo et McGregor. Deux principaux courants ont constitué les
foncements de cette théorie : L’école des relations humaines proprement dit qui
prône de modifier le système social pour l’adapter au système technique (Mayo,
Herzberg) et l’école de la motivation qui insiste plutôt sur la nécessite de modifier le
système technique pour motiver le système social (Maslow). Dans les deux cas,
l’entreprise est vue comme une dualité technique et sociale. Autrement dit, la
ressource humaine doit être gérée au même titre que la ressource technique. Il en
résultera toute une panoplie d’outils de management pour améliorer la performance.
Ces outils toucheront la motivation des travailleurs, la formation des cadres, la GRH
(gestion des ressources humaines) etc… L’homme a donc des motivations
complexes et ne réagit pas uniquement à l’appât du gain et certaines motivations
peuvent conduire aux performances qualitatives et quantitatives supérieures à celles
qu’on obtient par la carotte et le bâton
Le mouvement des Relations Humaines est né des travaux qu'Elton Mayo a entrepris
à l'usine Western Electric de Hawthorne, près de Chicago. Sans rejeter le
Taylorisme, il cherche en effet a améliorer l’efficacité des équipes. Mayo va
complèter l'hypothèse taylorienne selon laquelle les conditions matérielles et
techniques, du travail influencent la productivité en y associant d’autres éléments.
Ceux-ci sont des salaires acceptables, un environnement agréable, des horaires bien
étudiés, une sécurité au poste et une sécurité de l'emploi. De ses expérimentations, il
déduit l'importance du climat psychologique sur le comportement des travailleurs.
19
MAYO et le courant des RH dans son ensemble ont eu la conviction que les "bonnes
relations" horizontales et verticales avaient une influence capitale sur la satisfaction
globale apportée par le travail et sur la productivité personnelle.
Trois idées phares caractérisent la pensée du mouvement :
. Les individus ont naturellement besoin d'appartenir à un groupe. Ils recherchent
l'estime et l'amitié de ceux avec qui ils sont associés dans l'accomplissement de leur
tâche. Ils souhaitent en plus, pouvoir se montrer utiles et apporter une contribution
manifeste. Dans la mesure où ce besoin d'appartenance est satisfait, les individus
arrivent à travailler en coopération et à adhérer aux objectifs de l'entreprise. Il revient
alors à la hiérarchie de montrer au personnel qu'il est utile et joue un rôle non
négligeable dans la bonne marche de l'entreprise. Elle doit encourager ses
subordonnés à prendre des initiatives dans tout ce qui concerne la gestion courante,
en accord avec les objectifs connus et reconnus de tous.
. Un bon environnement et des avantages matériels permettent à un individu de
s'épanouir et de mieux s'intégrer à l'entreprise, d'y avoir une activité plus intense.
On retrouve avec quelques variantes près les besoins de l'homme au travail
identifiés par Maslow : besoins physiologiques, besoin de sécurité, besoin
d'appartenance, besoin d'estime et besoin d'accomplissement personnel. Mayo en
vient à la conclusion que les changements eux-mêmes n’expliquent pas tout. Il met
en évidence l’importance des phénomènes affectifs et surtout des phénomènes de
groupe et des interrelations humaines.
De nos jours, les principes de l’école des relations humaines sont largement connus
et appliqués. A la vue des investissements consentis par les organisations afin
d’améliorer le climat au travail, de gérer efficacement les équipes, de motiver les
troupes, de la gestion efficace des conflits et du stress ou encore de mettre à la
disposition des travailleurs des espaces fumeurs spécialement aménagés, on peut
aisément conclure que certaines idées de l’école des relations humaines ont été
retenues. Il en a même résulté des systèmes de rémunération complexes et adaptés
aux contraintes organisationnelles tant internes qu’externes. Le tableau ci-dessous
résume les différents systèmes existants :
20
Tableau 2 : Les différents systèmes de rémunération
KERR 1995 GOMEZ – MEIJA 1992 SCHUSTER et ZINGHEIM 1992
LAWLER 2000
Basé sur la hiérarchie
Basé sur la performance
- Rémunération variable basée sur la performance collective et la position hiérarchique - Augmentation sur l’ancienneté - Avantage associé au statut hiérarchique - Promotion lié aux objectifs internes
- Performance individuelle, ancienneté et position hiérarchique - Augmentation, primes attribués objectivement - Avantages ne reflètent pas le statut - Promotion lié aux besoins de l’organisation
Adapté à une culture de clan
Adapté à une culture de marché
Système mécaniste
Système organique
- Salaire fixe + avantages sociaux - Salaire supérieur au marché - Basé sur poste et ancienneté - Politique salariale secrète et centralisée - Echange de court terme
- Salaire variable - Inférieur au marché - Basé sur le marché du travail et compétence - Politique communiqué et décentralisée - Echange long terme
Adapté à une stratégie de diversification reliée
Adapté à une stratégie non reliée
NEW PAY - Basé sur le marché du travail - Augmentation sur performance individuelle - Rémunération variable sur performance individuelle - Rémunération globale basée sur primes - Salaire de base inférieur au marché - Echange de court terme
HIGH INVOLVMENT
- Salaire total supérieur au marché - Rémunération variable sur performance collective - Rémunération de la performance individuelle - Basé sur les compétences - Echange long terme
Deux courants principaux résument les systèmes de rémunération:
1- Le courant universaliste qui veut que la rémunération se fasse sur le mérite
individuel, la performance individuelle et collective (Lawler, 2000)
2- Le courant stratégique qui prône une rémunération basée sur la stratégie de
l’entreprise, son mode de management et les attentes des salariés : Efficace
si les salariés sont incités à adopter des comportements qui favorisent la
stratégie de l’entreprise
L’approche "améliorez les relations humaines (et la rémunération) et la productivité
augmente" est un raccourci parfois trop rapide. L'amélioration des relations humaines
est une condition nécessaire mais pas suffisante à l’amélioration de productivité.
Morin (1994) écrit que la variable "relations de pouvoir" a été oubliée. Si l'approche
"Ecole des Relations Humaines" est présentée par la hiérarchie comme un modèle
idéal, la maîtrise peu ne plus oser intervenir de peur de faire chuter la productivité en
dégradant ses relations avec les subordonnés. La maîtrise a besoin de disposer d'un
pouvoir réel, faute de quoi on risque fort d'avoir de bonnes relations et une faible
productivité.
21
L’école des relations humaines, comme toutes les autres écoles, a elle-même
entraîné d’autres questions suite à l’apparition de phénomènes jusque là inattendus
ou complètement nouveau. L’internationalisation des organisations, la migration des
cadres vers des pays de culture et de traditions différentes, le développement des
franchises et des joint-ventures ou les fusions-acquisitions ont amené de nouvelles
difficultés et érigé de nouveau obstacles à l’amélioration de la performance et à
l’atteinte des objectifs stratégiques. Il ne suffit plus de motiver les troupes ou de
mettre en place des systèmes de rémunération attrayants pour améliorer la
productivité et l’adhésion des équipes de travail. D’autres dimensions sont donc
apparues comme étant des variables déterminantes dans le management des
organisations. L’une de ces variables est la différence culturelle. La compréhension
des comportements humains à travers les traditions et la culture prend une
dimension historique. Pour la première fois, les auteurs vont s’intéresser à
comprendre les effets de la culture et donc de l’héritage culturel sur la performance
des organisations. Cette dimension prend une importance soudaine lorsque les
multinationales (principalement américaines) se rendent compte que le modèle de
management américain est difficilement exportable même en Europe. Il en résultera
des recherches approfondies comme celles de Trompenars, D’Iribarne ou d’Hofstede
qui, par leurs travaux, démontreront l’impact de la culture sur la performance et le
management des organisations. Sans remettre en question les écoles précédentes,
dont les principes sont toujours d’actualité, comme nous l’avons vu, ces auteurs vont
définir un nouveau paradigme et remettre au goût du jour l’influence de la culture
dans les organisations. Cette même culture qui a été « chassée » des organisations
et des institutions deux siècles auparavant revient à grands pas aujourd’hui nous
rappeler que l’homme reste fondamentalement un être vivant doué de capacités
sensorielles, sentimentales et émotionnelles et que l‘individu ne peut être en aucun
cas réduit à une simple fonction de production ou un levier d’amélioration de la
performance.
22
1.5 L’école de la contingence
L’efficacité d’une organisation ne dépend pas uniquement de ses ressources
humaines ou de sa division du travail. Henry Mintzberg, Chandler ou encore
Woodward ont montré qu’il existe d'autres formes organisationnelles que celles
définies par Taylor et Fayol. Ces autres formes peuvent se révéler comme des
"better ways" dans certaines circonstances. Les adeptes de ce courant ont au départ,
et comme pour les autres écoles, posé un certain nombre de questions relatives à la
performance des organisations. Comment expliquer que certaines entreprises
répondant aux principes du "one best way" s'avèrent incapables de survivre dans
certaines circonstances? Quels sont les facteurs tant internes qu'externes aux
organisations influençant la forme et le fonctionnement des organisations?
Chandler a pour sa part réalisée une étude sur 4 grands groupes nord-américains
(Du Pont, General Motors, Standard Oil et Sears&Roebuck) et qui montre que les
paramètres de la "prospérité maximale" et de la productivité du travail sont loin d'être
les seules à guider la structuration et le fonctionnement des organisations. Les
paramètres de l’histoire, de "survie", de domination et d'adaptation du marché
apparaissent tout aussi, sinon plus déterminants du comportement organisationnel
des entreprises. La démonstration empirique de Chandler montre l’existence de
nouvelles formes d’organisation d’entreprise, notamment dans des domaines de
pointe. La métaphore la plus utilisée pour décrire l’école de la contingence est
l’évolution d’un organisme vivant dans son milieu naturel. L’interaction entre
l’organisme et son environnement, son adaptation aux conditions de survie,
l’influence de son environnement sur son développement définissent les lois relatives
à la bonne adéquation entre l’organisation et son milieu. De l'organisation comme
système fermé (étude de la mécanique interne et de son arrangement efficient), elle
passe à un système ouvert (étude de l'adaptation de l'organisation à son
environnement)
Il devient donc indispensable de prendre en compte l’environnement pour
comprendre la structure et le fonctionnement d’une organisation. Inversement, une
organisation doit tenir compte de son environnement pour optimiser son rendement.
Il en découle donc de cette théorie de la contingence que l'existence
d'environnements différents conduit à la présence d'espèces d'organisation
23
différentes. Il n'existe plus un "one best way" organisationnel mais des "one best
ways" eu égard au type d'environnement auquel est confrontée l'organisation. La
remise en question du déterminisme mécanique par l’école de la contingence comme
seul moyen d’atteindre les objectifs stratégiques des organisations est certainement
un apport substantiel à la compréhension de l’interaction qu’ont les organisations
avec leur environnement. Voici résumé dans le tableau ci-dessous, les principes
majeurs de cette école énoncés par des auteurs comme Minztberg et Morgan.
Tableau 3 : Principes de l’école de la contingence
Ecole de la contingence Principes
Organisation Influencé par son environnement
Il n'existe pas un « one best way » mais des « one best ways » fonction du process et du produit de l'entreprise
Approche Déterministe : L’environnement est une réalité objective qui contraint l’organisation
Trouver par la raison et la comparaison (entre entreprises performantes/non performantes) des lois universelles d’adaptation du comportement de l’organisation -> Etudes normative
Raisonnement Constructiviste : l’environnement n’existe pas en dehors de la manière dont les décideurs le perçoivent
Les apports positifs de la théorie de la contingence peuvent se résumer ainsi :
• Ouverture de l’organisation à son contexte environnemental
• Identification des facteurs d’environnement pesant ou
contraignant les organisations et des routines dans l’étude de
ces influences
• Relativisme au niveau de la structuration et du fonctionnement
des organisations : plusieurs marches possibles en selon les
environnements
24
L’innovation apportée par la théorie de la contingence vu par ailleurs entraîne
d’autres réflexions concernant la dynamique organisationnelle. En effet, cette école
présente l’environnement comme un tout où il impossible d’isoler une variable parmi
d’autres (culture, religion, traditions, concurrence,…). Ce qui nous mène à dire que
l’environnement n’est pas une donnée qui échappe à l’action de l’homme et donc
que l’environnement est aussi construit par l’homme. Il en découle donc que la
responsabilité des hommes est largement négligée au profit d’un discours qui met
l’accent sur la contrainte de l’environnement.
25
2. Management, culture et organisation
La littérature sur le management des différences culturelles s’est intéressée depuis
une trentaine d’années à cerner et à comprendre les rapports qui régissent les
relations entre gestion et culture (Hofstede, 2001 ; D’Iribarne, 1989, 1998, Dupuis et
Chanlat, 2008). A travers certains travaux de gestion, on constate que le facteur
culturel semble être le plus souvent comme un problème plutôt que comme un
avantage dans l’entreprise. Il peut être à l’origine de difficultés, de
dysfonctionnements dans les organisations, y compris de conflits, ou encore de non
compréhension et de faible performance (Chanlat 2002).
2.1 L’importance de la culture
Le concept de culture est un concept important pour comprendre le comportement
humain. Les anthropologistes utilisent le mot « culture » dans deux sens différents.
D’un coté, la culture est en général l’ensemble de l‘héritage social d’un groupe
d’individus (héritage national). Ceci peut comprendre le système politique, la religion
ou les croyances. D’un autre coté, la culture est perçue comme un ensemble de
traditions, coutumes, de liens sociaux ou de style de vie partagés entre individus.
L’essence même de ce concept est que la plupart des comportements humains sont
des acquis ou des construits issus de la relation avec les autres individus du groupe.
Le comportement social est considéré comme l’héritage des anciens et non comme
un héritage génétique ou inné (Malefijt, 1968).
La culture est un construit à facettes multiples qui est relié à la religion et à l’éthique
(Hofstede, 2001). Il a été également souligné que la culture est un élément qui
affecte les comportements des individus quand ils doivent, par exemple, établir des
liens sociaux ou gérer des situations de conflit (David, 1991). La culture est vue alors
comme un outil puissant qui aide a former la perception des individus à travers le
prisme des croyances, des traditions et des coutumes (D’Iribarne, 1998).
Les travaux menés pour mesurer les écarts culturels entre nations ont fait naître des
mots tels que « différence culturelle » ou « distance psychique » (Evans, 2000). La
différence culturelle est la distance socioculturelle perçue entre la culture locale et
celle d’un autre pays ou région en terme de langage, de pratiques d’affaires, de
système politique et légale et d’éthique entre autres dimensions (Lee, 1998). Lane
(1996) a suggéré dans ses travaux que plus la distance entre deux nations est
grande, plus les adaptations nécessaires pour conduire les affaires seront également
26
importantes. Ainsi, une compréhension solide de la culture est un pré-requis
indispensable pour comprendre les différences et les similarités qui peuvent amener
à des incompréhensions et des malentendus entre individus de culture différente.
Geoffrey (2002) a donné l’exemple de la signification de certains mots comme
« must » que les personnes de langue française utilisent pour traduire le mot
« devrait » au lieu de « »have to » alors qu’un anglophone comprend plutôt qu’il
s’agit plus d’un ordre que d’une suggestion. Comprendre la culture c’est aussi
connaître ses différentes dimensions. Plusieurs définitions ont été formulées pour
décrire la notion de culture. Ce concept semble peu clair et incertain à cerner. En
effet, il existe d’après Kroeber et Luchon cité dans Usunier (2005) plus de 160
définitions différentes de la culture. La culture est plus un processus que des
habitudes. Elle est composée, selon Usunier (2005), d’un ensemble de dimensions.
L’auteur affirme que la culture est complexe et les éléments qui la constitue sont
inter-reliés tels que la connaissance, la croyance, les valeurs, les arts, la morale ou
encore la religion. Ci-dessous un schéma des dimensions de la culture telles que
définis par Usunier.
Figure 2: Les dimensions de la culture
Source: Marketing across culture Usunier (2005)
27
D’une manière globale, la culture est un outil qui permet de décrire et comprendre le
comportement passé, présent et à venir des populations étudiées (Aktouf, 1990). Elle
constitue la marque distinctive d’un groupe (identité collective). Elle s’acquière et se
transmet par le biais de la socialisation à travers un réseau d’institutions telles que
les écoles, la famille, les associations, la religion (Adler, 1994). Mais la culture peut
également se transformer en subissant soit des contraintes et des confrontations (les
périodes de colonisation en sont une des illustrations soit par l’apport de nouvelles
idées issues de la globalisation et l’intensification des échanges de biens, de
services et de capitaux. Le contact avec des immigrants la plupart expatriés a
également favorisé le brassage culturel. La chute des frontières économiques et
physiques ont permis le brassage de cultures parfois très différentes. Au Maroc par
exemple, les anciennes familles ont conservé des traditions séculaires. Les enfants
vivaient avec leur parents jusqu’au jour de leur mariage et parfois au-delà si la
situation financière ne permettait pas l’indépendance. Vivre en famille était la norme
et une fierté. De nos jours, principalement dans les villes, les jeunes, en contact avec
les influences culturelles occidentales, l’entrée au pays de nouvelles formes
d’organisation issue la plupart du modèle colonial, considèrent que vivre avec les
parents après un certain âge est une preuve d’échec. Gagner un salaire, avoir son
propre toit, être indépendant financièrement sont les signes extérieurs de la réussite,
devenus en quelques décennies plus important que la solidarité familiale. La venue
au Maroc de restaurants comme McDonald’s, Quick, Paul ou encore Pizza Hut, a
profondément bouleversé les habitudes alimentaires des Marocains habitant les
villes. De même que l’ouverture depuis le début des années 2000 de magasins de
mode a permis à une large frange de la classe moyenne de s’habiller selon les
tendances occidentales.
La culture structure la perception du monde et des relations entre individus non sans
excès parfois. Les attentats du 11 septembre ont engendré un malaise durable chez
les musulmans pacifistes. Les stéréotypes comme cadres mentaux utilisés pour juger
les autres, interpréter leurs comportements et programmer nos réactions, sont
parfois la source de conflits et de mauvaise interprétation. Cependant, culture ne
signifie pas automatiquement homogénéité et unité. D’autres facteurs importants
entre en jeu comme les sectes, les castes ou les croyances politiques qui peuvent
différer dans un même milieu culturel (D’Iribarne, 1998).
28
2.2 Approche des différences culturelles
Pour les organisations, la diversité culturelle présente des avantages et des
inconvénients. Parmi les risques encourus par une organisation dans un milieu
culturel différent, on trouve l’ambiguïté et la complexité des échanges verbaux qui
peuvent porter à confusion. Cela rend difficile la convergence des orientations
stratégiques (Duchastel, Kirouac, 2007). Il devient difficile de faire l’unanimité autour
d’un objectif commun (améliorer la productivité par une réduction des temps morts –
le temps étant vu différemment selon la culture). La recherche systématique du juste
milieu peut devenir abusive et conduire à des résultats non espérés (consensus au
détriment du résultat).
D’un autre coté, évoluer dans un contexte culturel différent permet aux entreprises
d’élargir leur orientations et d’être ouverte à la diversification des idées, des
interprétations et des résolutions de problèmes (Duchastel, Kirouac, 2007). Cela
engendre selon les auteurs une meilleure créativité qui peut conduire à l’amélioration
de la productivité et à faciliter les échanges extérieurs ou l’implantation dans des
pays étrangers.
L’analyse des différences culturelles s’est faite selon des approches distinctes et des
niveaux différents. Il existe principalement trois niveaux d’analyse (Aktouf, 1990).
L’approche dite « ethnocentrique » ou esprit de clocher qui consiste à se référer aux
normes du système social auquel on appartient pour comprendre ou expliquer un
système social différent. Cette approche est basée sur l’esprit de supériorité où
l’autre est vu comme différent de ce qu’on est donc forcément inférieur. Les Indiens
de l’Amérique du Nord en sont l’exemple parfait. La Guerre de Sécession aux Etats
Unis et les années de ségrégation en Afrique du Sud témoignent douloureusement
de la forte présence de cette approche ethnocentrique de concevoir les différences
culturelles.
La logique ethnocentrique se retrouve également au niveau des organisations. Dans
cette logique, les différences sont souvent ignorées et l’organisation reste rigide au
niveau de ses processus de gestion et de production, sans effort d’adaptation.
McDonald’s ou encore Disney constituent deux exemples de management
ethnocentrique (Les Echos, 2007). La standardisation de l’offre de ces deux
compagnies présentent dans plusieurs pays constitue certes un capital perception
important vis-à-vis du consommateur mais offre peu de produits adaptés aux
29
coutumes locales. D’autres comme Subway refuse toute adaptation de leur produit
Cette stratégie a conduit Subway à fermer le seul magasin ouvert au Maroc après
seulement 4 années d’activité (La Tribune, 2007)..
La deuxième logique d’approche des différences culturelles est dite
« polycentrique ». Elle consiste à la juxtaposition des différentes cultures sans réel
échange (cloisonnement). Les dernières recherches effectuées sur cette approche
émanent de Gérard Ayache dans son livre « Métaphores du politique » (2008 -
http://www.infometrie.net/fr/polycentrisme.html). Le polycentrisme désigne d’après
l’auteur « les sociétés dans lesquelles différentes sphères fonctionnelles coexistent
de façon autonome comme la politique, le droit, l'économie, l'art, la religion. Toutes
ces sphères sont autant de domaines qui possèdent une logique autonome et qui
préservent jalousement leur intégrité ». Rapporté au niveau des organisations, le
polycentrisme serait une approche plurielle pour s’adapter et tirer parti des
différences sans pour autant mettre en commun les ressources, les systèmes et les
capitaux (Lécrivain, 2008). Au Maroc, Procter&Gamble a parfaitement adopté cette
posture. Présent depuis plus de 30 ans, P&G a su adopter ses produits aux
consommateurs locaux mais l’entreprise reste cloisonnée. Si les middle managers
sont en majorité marocains, les échanges avec d’autres sphères économiques ou
sociales sont rares. Une fois entré dans la boite, les managers marocains doivent
s’adapter à la culture de P&G, aux méthodes de travail et aux processus
décisionnels. Peu de place est laissée aux différences culturelles locales. La seule
adaptation permise a été l’aménagement d’une salle de prière pour les ouvriers. Les
manuels sont en anglais et les distributeurs n’ont que très peu de contact avec
l’entreprise. Les échanges sont donc réduits et la synergie qui pourrait en découler
est faible. La culture P&G modèle les attitudes, renforce les convictions communes
et oriente les comportements. Elle minimise l’apport culturel extérieur et renforce le
sentiment d’appartenance. Mon frère a travaillé pour Procter et on lui a souvent
répété la phrase : « C’est comme ça qu’on fait ici ! ».
La troisième approche des différences culturelles est l’approche multiculturaliste ou
interculturaliste. Celle-ci consiste, dans les organisations, à reconnaître les
divergences culturelles en tant que variable à gérer et d’intégrer ces variables dans
le système de management pour en tirer le maximum de profit (Lécrivain, 2008). Un
30
des multiples effets de la mondialisation tient à l’accroissement des relations entre
personnes ayant des référents culturels différents, dans des organisations, des
entreprises et des administrations. Souvent, des conflits ou des rivalités entre
individus sont interprétés uniquement sous l’angle ethnocentrique alors qu’il s’agit en
faite d’interprétation différente du vécu et du réel. L’approche multiculturaliste vise
justement à penser l’intégration des différences culturelles au sein des organisations
comme une réponse aux sensibilités culturelles. Le multiculturalisme se concrétise
par la reconnaissance des différences et la cohabitation et l’interaction régulière
entre individus de culture distincte.
Après avoir présenté les notions de différences culturelles en générale et les
approches que peuvent adopter les organisations pour les rejeter ou mieux les
appréhender, nous allons à présent présenter les différents composants de la culture
d’entreprise. Cette dernière évolue dans un contexte culturel précis. Elle devient
donc un corps social à part entière (Thévenet, 1991) disposant d’un patrimoine
culturel propre façonné par ses valeurs et ses méthodes de management. Le
chapitre suivant va introduire également la culture en tant que variable d’action et
d’ajustement des stratégies de management. Nous verrons également les limites de
la culture d’entreprise qui peut parfois se transformer et devenir un frein au
changement et à l’adaptation (cas de Subway cité auparavant). Nous présenterons
certains résultats de recherches réalisés sur les différences culturelles et leurs
impacts sur les organisations par des auteurs fondamentaux comme Hofstede et
D’Iribarne.
31
3. La culture intégrée aux organisations et au management
Comme nous l’avons mentionné dans la section précédente, la notion de culture va
évoluer et se définir en intégrant différentes approches. D’un point de vue
anthropologique «La culture est une configuration générale des comportements
appris et de leurs résultats dont les éléments sont adoptés et transmis par les
membres d'une société donnée » (Linton, cité dans Lécrivain, 2008, page 2). D’un
point de vue sociologique, la culture apparaît comme l’ensemble des représentations,
des valeurs et des normes qui sont propres aux groupes sociaux, « tout ce qui n'est
pas la nature, tout ce qui est appris, le savoir, le savoir-faire, les mythes, etc., tout ce
qui est transmis de génération en génération» (Edgar Morin, cité dans Lécrivain,
2008 page 2).
La culture appliquée aux organisations et au management est définie comme «
l’ensemble des valeurs partagées, rites, mythes, symboles et histoire de
l’organisation» (Thévenet cité dans Lécrivain, 2008 page 13). Thévenet divise la
culture organisationnelle en différentes dimensions que nous présentons ci-dessous :
La dimension symbolique : ce sont des signes (logo, style, tenue vestimentaire,…)
chargés d’informations culturelles qui sont liés aux valeurs essentielles. Ils servent
aussi d’éléments de communication tant en interne qu’en externe- ex :
La dimension des valeurs : ce sont les codes comportementaux (valeurs opérantes)
qui ont forgé l’histoire de l’entreprise et ses pratiques de management et les valeurs
déclarées (celles qui transparaissent dans le discours de l’entreprise)- ex : le style
Décathlon avec ses valeurs sportives de jeunesse, de santé – Les valeurs de Toyota
qui sont la qualité, la robustesse et la fiabilité – L’encastrement des croyances
religieuses ou sociales dans les valeurs de l’entreprise (rapport au temps, pouvoir et
hiérarchie,…)
La dimension des mythes : histoires, anecdotes, récits imaginaires ou symboliques
qui circulent dans l’entreprise (ex : le mythe de l’ascension sociale)
Le mythe des héros : il s’agit le plus souvent des fondateurs, de dirigeants
charismatiques qui font partie des mythes de l’entreprise et qui servent de référence
aux salariés
La dimension des rites : comportements spécifiques issus des coutumes et des
pratiques développées dans l’entreprise
32
La dimension des tabous : ce sont les interdits dans une organisation (évènements,
situations qu’il ne faut pas aborder,…).
Bien entendu, cette étude ne prétend pas aborder tous les aspects de la culture
d’entreprise. Un aspect dominant fera l’objet d’analyses approfondis et directement
relié à notre cas : celui des rites et des traditions. Ces deux dimensions regroupent
en elles-mêmes des sous-groupes tels que les croyances, les codes, la religion, le
rapport au temps, le rapport à la hiérarchie, la gestion des zones d’incertitudes ou
encore la relation homme-femme.
Afin de mieux comprendre les enjeux de la culture d’entreprise, nous allons présenter
un aperçu des travaux déjà réalisés résumant ce que les principaux auteurs ont
conclu sur la relation qui peut exister entre culture et management.
3.1 Fonction et enjeux de la culture d’entreprise
La culture d’entreprise présente deux fonctions principales : Les fonctions internes et
les fonctions externes. Cette étude s’intéressera spécifiquement aux fonctions
internes qui regroupent des facteurs sociologiques en rapport avec les individus et
leur socialisation dans les organisations. On trouve parmi ces facteurs (Dupuis,
2007) :
• Le facteur de socialisation : Intégration du personnel
• Le facteur de motivation : Implication individuelle et amélioration de
l’efficience des ressources
A titre d’exemple, il m’est apparu intéressant de parler ici des approches
managériales de la culture entre la vision américaine et française pour aborder la
problématique culturelle.
Aux Etats-Unis, la culture est introduite comme une variable interne à l'entreprise
et a pris les caractéristiques inhérentes du management américain avec tout ce que
cela implique (Nowotny, 1964).
33
Tableau 4 : Approche managériale de la culture
Approche managériale américaine
Approche managériale Européenne
le futur la mobilité, la vitalité
l'organisation.
L'histoire L'identité
Conventions
Comportement = effet Comportement = cause = Culture construite = Culture effective et réelle
Source : Nowotny, American vs. European Management Philosophy, 1964
Aux Etats-Unis, le comportement répond à l'impératif d'avenir, tandis qu'en France, il
résulte de ce qui a été. Le comportement aux USA se fabrique au quotidien, selon
une orientation implicite. Un dysfonctionnement organisationnel sera expliqué par un
problème de coopération entre des acteurs au regard de leurs intérêts , de leurs
valeurs. C’est une vision constructiviste (Weber,…..). En France, la culture est
abordée sous l’angle causal. On construit le quotidien en se basant sur l’héritage
culturel, l’appartenance à un groupe (aristocratie, classe populaire,....).
3.2 Le courant de gestion comparée
Issu du relativisme culturel et orienté vers une sociologie statistique de la culture
(Pesqueux, 2004, p.52), le courant de gestion comparée (Hofstede, 1980) vise à
décrire les pratiques de gestion et les comportements au travail propres à chaque
pays. Hofstede (1980) a conduit un sondage auprès de plus de 116.000 employés
d’IBM répartis sur 72 pays. De par son ampleur, cette étude constitue une référence
en terme de mesure standard de validation des différences culturelles. Elle est
largement utilisée dans les recherches empiriques. Cette recherche a identifié 4
dimensions majeurs de la culture : L’individualisme, la masculinité, la distance au
pouvoir et le contrôle de l’incertitude. Une cinquième dimension qui est la relation au
temps a complété le modèle.
Le concept d’individualisme/Collectivisme renvoie au degré d’individualisme ou de
collectivisme qui caractérise chaque culture. Dans les cultures collectivistes, le
34
groupe est plus important que l’individu. Les sociétés collectivistes mettent l’accent
sur la conformité et l’harmonie pour promouvoir le bien être du groupe. Les liens
familiaux sont plus forts et les obligations envers les plus âgés sont considérées
comme fondamentaux pour préserver l’harmonie. Dans les sociétés asiatiques, par
exemple, l’individualisme est simplement inacceptable en raison des effets néfastes
qu’il pourrait avoir sur l’harmonie du groupe (Hofstede, 1980). Dans des pays comme
les Etats-Unis, les droits individuels sont prééminents. Les liens sociaux entre
groupes sont plus fragiles et les individus tendent à faire passer en premier leurs
intérêts, leurs désirs et leurs motivations. Les enfants sont encouragés dès leur jeune
âge de penser par eux-mêmes. Il en résulte que les individus, issus de culture
individualiste, ont tendance à ne pas appliquer les normes sociales mais plutôt à
prendre des décisions indépendamment des autres membres du groupe
(Steenkamp, 1999).
La masculinité est basée sur les attributs du genre masculin ou féminin (Hofstede,
1980). Au niveau culturel, la masculinité est associée à toute société qui considère
l’ambition, la compétition et le succès matériel. Dans les cultures masculines, la
perception de la réussite sont basés sur le succès financier et matériel alors que les
individus de sexe féminin sont relégués à des tâches dites « secondaires » ou non
matériels comme l’éducation des enfants, la responsabilité du ménage et les tâches
dites « faibles ».
Les sociétés a tendance féminine sont caractérisées par le chevauchement des
tâches et la possibilité qu’un homme ou une femme puissent occuper les mêmes
fonctions. Dans ces sociétés, les individus sont moins intéressés par le succès
matériels et la reconnaissance que celles dites masculines. Hofstede considère que
la culture féminine est plus intéressée par les relations humaines proches que par le
succès matériel.
La distance hiérarchique ou « power distance » est définie comme « le niveau
auquel les individus membres d’institutions ou d’organisations d’un pays sont prêt à
accepter la distribution inégalitaire du pouvoir » (Hofstede, 2001). La distance
hiérarchique peut donc être définie comme le degré d’inégalité attendu et accepté
par les individus. La distance hiérarchique est donc mesurée à partir des systèmes
de valeur de ceux qui ont le moins de pouvoir. La répartition du pouvoir est
35
également expliquée à partir du comportement de ceux qui ont le plus de pouvoir,
des leaders plutôt que des suiveurs. L'autorité ne se maintient que si elle rencontre la
soumission; la fonction d'encadrement n'existe que comme complément à une
situation de subordination (Bernard, 1994).
L’indice de contrôle d’incertitude ou « Uncertainty Avoidance » d’un pays est
l’expression du niveau d’anxiété qui existe dans une société donnée face à un avenir
incertain (Hofstede, 1980). Ce niveau d’anxiété fait partie de la programmation
mentale des membres de cette société appris dans leur famille, à l’école, puis dans
leur vie d’adulte. Le degré de contrôle d’incertitude d’un pays mesure donc le degré
d’inquiétude de ses habitants face aux situations inconnues ou incertaines (Bernard,
1994). Ce sentiment s’exprime, entre autres, par le stress et le besoin de prévisibilité.
3.2.1 Les résultats des travaux d‘Hofstede
Les résultats les plus pertinents de cette étude concernent la position qu’occupent
les pays arabes selon les cinq dimensions par rapport à d’autres pays européens,
américains ou asiatiques. Les graphiques ci-dessous présentent la position des
certains pays comparativement à deux dimensions à chaque fois. La plupart des
managers interrogés ont soit fait leurs études soit en France ou aux Etats-Unis, soit
ont vécu et travaillé dans ces pays. Il serait donc intéressant de comparer les
résultats de ces trois pays par rapport aux dimensions culturelles définis par
Hofstede.
Dans le premier graphique, les dimensions « contrôle de l’incertitude » et « distance
hiérarchique » sont opposés. Figure 3 : Comparaison des dimensions IDH et ICI
Source : Management interculturel – Dupuis (2005)
Contrôle de lContrôle de l’’incertitudeincertitude
Distance hiDistance hiéérarchiquerarchique Distance hiDistance hiéérarchiquerarchique++Pays ArabesPays Arabes
FranceFrance
EspagneEspagneItalieItalie
Pays scandinavesPays scandinaves
USAUSA
GrandeGrande--BretagneBretagne
AllemagneAllemagne
JaponJapon
Contrôle de l’incertitude +
36
On note dans ce premier graphique que les pays arabes acceptent volontiers une
grande distance hiérarchique et donc intègrent facilement l’existence de niveaux
sociaux différents. L'inégalité dans une société est visible à travers l'existence de
classes sociales : supérieure, moyenne, ouvrière, qui n'ont pas les mêmes facilités
d'accès à certains avantages de la société dont l'éducation (Bernard, 1994). Les
chercheurs constatent que, dans la plupart des sociétés, classe sociale, niveau
d'étude et profession sont étroitement liés (Hofstede, 1980). Ces trois facteurs, cités
comme sources de programmation mentale, sont interdépendants. Hofstede
démontre que dans les pays à fort IDH, cela s'applique à toutes les catégories
d'emplois, quelque soit leur statut.
Dans le cadre de pays à forte distance hiérarchique, les supérieurs et les
subordonnés se considèrent comme inégaux par nature dans un système fondé sur
une inégalité existentielle (Bernard, 1994). Les relations entre subordonnés et
supérieurs sont souvent chargées d'affectivité. Philippe d'Iribarne dans "La logique
de l'honneur" écrit à ce sujet : "Le caractère souvent fortement émotionnel des
relations hiérarchiques en France est étonnant. La diversité des sentiments envers
les supérieurs est extrême : on peut les adorer ou les détester avec la même
intensité". De ce point de vue, France et pays arabes sont proches. Par contre, les
Etats-Unis ont un faible indice de distance hiérarchique, ce qui peut expliquer
pourquoi aux Etats-Unis les hommes politiques et les représentant du peuple sont
plus accessible et beaucoup moins distant. Dans les pays arabes, les
gouvernements entretiennent des relations très distancées avec leur peuple même
dans les pays riches comme les Emirats, l’Arabie Saoudite ou encore le Qatar. Dans
des pays plus pauvres, la distance hiérarchique est forte comme chez les Algériens,
Tunisiens et Marocains. Ce qui tend à contredire une des conclusions des
recherches sur les différences culturelles qui veut que plus un pays est riche plus son
IDH est faible (Bernard, 1994). Les cultures à fort IDH assoient l'autorité d'un patron
tandis que patrons et subordonnés se considèrent comme égaux par nature dans un
contexte à faible IDH où les rôles peuvent être modifiés : un subordonné peut
devenir demain un patron.
Notons par ailleurs que d’un point de vue religieux, l‘Islam reconnaît les classes
sociales et les différences selon la richesse, la connaissance et l’autorité. L’Islam
prône une hiérarchisation de la société et ses les membres sont invités à obéir à
37
leurs supérieurs. Les enfants doivent obéissance quasi-absolue à leurs parents et à
leur professeur. Le châtiment corporel est conseillé, ce qui est une marque de
soumission. Cependant, l’Islam rejette tout intermédiaire pour s’adresser à Dieu et
tout croyant doit se soumettre uniquement à Dieu. Ce qui semble être un paradoxe
est en fait une complémentarité. Le musulman doit certes se soumettre à Dieu (Islam
en arabe veut dire soumission) par la prière, la reconnaissance et la pratique de sa
religion (soumission verticale) mais doit aussi s’astreindre à des règles qui régissent
la vie quotidienne comme la modestie, le respect des autres et de ses parents en
particulier (soumission horizontale). Il doit accepter sa situation comme étant une
décision divine pour autant qu’il ait fait les efforts nécessaires pour progresser
socialement et financièrement.
Dans le deuxième graphique ci-dessous, nous remarquons que la différence dans
l’indice de masculinité est moins marquée que pour celui de la distance hiérarchique
pour les pays étudiés (France, Etats-Unis et pays arabes). Figure 4 : Comparaison des dimensions Masculinité et ICI
Source : Management interculturel – Dupuis (2005)
Dans les cultures féminines, comme aux Pays Bas, on préfère venir à bout des
conflits par le compromis et la négociation; chaque pays a pour cela des outils
institutionnels différents (Chanlat, 2005). Dans une culture masculine, la famille
apprend aux enfants l’assurance, l’ambition, la compétition et les organisations
mettent l’accent sur les résultats. Dans une société féminine, la famille enseigne aux
enfants la modestie et la solidarité; les organisations préfèrent récompenser sur une
base égalitaire (Bernard, 1994).
Contrôle de lContrôle de l’’incertitudeincertitude
Contrôle de lContrôle de l’’incertitudeincertitude++
MasculinitMasculinitéé MasculinitMasculinitéé++
Pays ArabesPays Arabes
FranceFrance
EspagneEspagne
ItalieItalie
Pays scandinavesPays scandinaves
USAUSA
GrandeGrande--BretagneBretagne
AllemagneAllemagne
JaponJapon
38
Les pays arabes ont une valeur médiane de l’indice de masculinité. Ce qui pourrait
s’expliquer par le fait que pour ces pays, l’Islam prône la loi du talion (dent pour dent)
mais suggère fortement dans la mesure du possible et si le croyant en est capable,
de pardonner en cas de conflit, d’agression ou de faute grave. Les procès pour
diffamation, pour non respect des règles de commerce ou pour récupérer son droit
sont rares. Dans ces pays, on fait souvent appel à un intermédiaire où une
connaissance qui pourrait gérer et régler les conflits.
La différence dans l’indice de contrôle de l’incertitude est beaucoup plus marquée
que pour celui de la masculinité. Si aux Etats-Unis, les règles de travail sont moins
rigides qu’en France, c’est que les travailleurs américains sont moins à l’aise avec le
contrôle (Bernard, 1994). Les scandales financiers récents (Worldcom ,Enron) et la
crise des subprimes sont certainement l’expression la plus radicale de cette
propension qu’on les cadres américains à traiter les affaires dans le strict esprit de
liberté. Dans les pays à fort contrôle de l’incertitude, comme les pays latins, c’est
l’absence de règles qui est déstabilisante. En France, les règles de travail font l’objet
de textes de lois nettement plus rigides et plus contraignantes qu’aux Etats-Unis. De
nombreuses lois, formelles et informelles, contrôlent les droits et devoirs des
employeurs et des salariés (Bernard, 1994). De nombreux règlements internes
contrôlent le processus de travail. Les membres de ces sociétés ont été
programmés, depuis leur petite enfance, à se sentir à l’aise dans des
environnements structurés : ce qui se passe réellement est moins important que la
satisfaction de ce besoin. Philippe d’Iribarne remarque, que dans l’usine française il
existe "une règle rigide, une pratique molle". Par contre selon D’Iribarne, les pays à
faible ICI (indice de contrôle de l’incertitude) ont une aversion émotionnelle pour les
règles formelles. Les règlements ne sont établis qu’en cas d’absolue nécessité,
comme par exemple déterminer si on circule à droite ou à gauche de la chaussée. Le
comportement est fondé sur une habitude collective renforcée par le contrôle social.
Dans le monde du travail, le degré d’anxiété conduit à des différences notoires de
comportement. Dans les pays à fort ICI, les gens aiment travailler dur : on se presse
car le temps c’est de l’argent. Dans les pays à faible ICI, les gens sont capables de
travailler dur s’il le faut, mais ils aiment se détendre et le temps est le cadre qui
permet de s’orienter (Bernard, 1994).
39
Dans les pays arabes, la notion de perte ou de gain de temps est toute relative. Pour
ces pays, on ne perd pas de temps mais on le partage. Un proverbe arabe dit que
« celui que veut aller vite prend du retard ». Autrement dit, les gens ne sont pas
pressés. Certes on travaille pour gagner sa vie mais surtout pour plaire à Dieu et à
ses proches. L’anxiété est plutôt faible dans les pays arabes car les musulmans
croient à la destinée. « Si mon avenir est déjà écrit, a quoi bon s’en inquiéter » disent
les Arabes. Ce qui explique la position médiane des pays arabes sur la courbe du
ICI.
Jacques Horovitz cité par Marie-Claude Bernard (1994) dans les fiches de lecture de
la Chaire D.S.O. du CNAM a réalisé une étude sur le contrôle exercé par la direction
générale dans les entreprises françaises, allemandes et britanniques. Les patrons
anglais se préoccupent plus de la stratégie que du fonctionnement quotidien, mais
c’est l’inverse en France et en Allemagne (Horovitz, 1980). Les problèmes
stratégiques, non structurés par définition, demandent une plus grande tolérance de
l’ambiguïté que les problèmes opérationnels. Dans la mesure où ils tolèrent plus
facilement les comportements déviants, les pays à faible ICI (indice de contrôle de
l’incertitude) sont un terrain plus propice aux innovations. Mais, ils semblent perdre
leur avantage lorsqu’il s’agit de développer ces innovations jusqu’à leur complète
réalisation (Bernard, 1994). La Grande-Bretagne a remporté plus de prix Nobel que
le Japon, mais ce dernier a mis plus de nouveaux produits sur le marché (Horovitz,
1980).
L’indice Individualise/Collectivisme est certainement celui où les différences sont le
plus marquées entre pays arabes et l’Occident. Le graphique ci-dessous, issu des
recherches d’Hofstede (1980) illustre bien l’écart entre les pays arabes où l'intérêt du
groupe prime l'intérêt individuel. La solidarité familiale bien connue des pays arabes
en est l’aspect le plus marquant, sachant que le premier groupe auquel nous
appartenons est la famille, ou famille élargie en anthropologie culturelle. Les enfants
restent dépendant de leurs parents jusqu'à un âge avancé et vivre en famille sous le
même toit est une marque de solidarité. Les filles en particulier ne quittent pas la
maison du père avant leur mariage et peuvent dans certains cas rester au-delà. Les
recherches d’Hofstede ont également montré que plus un pays est riche, plus ses
habitants ont tendance à se comporter de façon individualiste. Les cas particulier des
pays du Golf, riche en pétrole, montre bien l’incidence des racines culturelles arabes
40
(Bernard, 1994). Cependant, des nuances doivent être apportés à ses conclusions.
Dans les pays colonisés comme le Maghreb, le brassage des cultures occidentales
et orientales, l’ouverture des frontières et l’augmentation exponentielle des échanges
commerciaux, ainsi que les flux migratoires ont fait, dans certaines couches de
population aisée des pays arabes pauvres, basculé la balance vers un individualisme
plus marquée. Figure 5 : Comparaison des dimensions Individualisme et IDH
Source : Management interculturel – Dupuis (2005)
Dans une culture collectiviste comme celles des pays arabes, embaucher une
personne de la famille ou qui appartient à un groupe ethnique plus ouvert est
courant, indépendamment des compétences (Bernard, 1994). Le lien familial
subordonne les aptitudes intellectuelles. L’embauche est considérée comme une
relation « familiale ». Souvent, les mauvaises performances d'un salarié ne sont pas
une raison suffisante pour licencier. Il devient alors très difficile dans ces conditions
pour un manager formé aux concepts occidentaux de gestion d’équipes (fixer des
objectifs quantifiables, contrôler l’exécution, évaluer les performances, décider des
sanctions ou des primes) d’établir sa crédibilité et son autorité. Les managers des
pays arabes forment alors un sous-groupe minoritaire emprunt d’une culture
managériale individualiste dans un milieu collectiviste. Dans les pays du Maghreb,
les élites du pays et les managers sont en grande majorité formés dans les pays
européens, aux Etats-Unis et au Canada. Les conflits culturels, les échecs de projet
ainsi que le stress et la souffrance au travail sont alors à craindre. Les techniques de
IndividualismeIndividualisme
IndividualismeIndividualisme++
Distance hiDistance hiéérarchiquerarchique Distance hiDistance hiéérarchiquerarchique++
JaponJapon
FranceFrance
EspagneEspagne
ItalieItalie
Pays scandinavesPays scandinaves
USAUSAGrandeGrande--BretagneBretagne
Pays ArabesPays Arabes
AllemagneAllemagne
41
management et les programmes de formation professionnelle sont presque
exclusivement élaborés dans des pays individualistes et les hypothèses risquent de
ne pas s'appliquer à des sociétés collectivistes (Bernard, 1994). Dans la culture
individualiste, on n'embauche que rarement dans la famille, cela peut engendrer du
népotisme. L'embauche est considérée comme une relation commerciale sur le
"marché du travail". Le management est individualisé, incitation et prime sont liées
aux performances. Ci-dessous un tableau résumant les relations qui existent dans
les différents types de société :
Tableau 5 : Caractéristiques des sociétés communautaires et individualistes
Société communautaire Société individualiste
relations sur base morale relations sur base économique
4 Employé est « protégé »
4 Employé loyal
4 Employeur doit former
l’employé
4 Relations personnalisées
4 Employés remplaçables,
interchangeables
4 Employé est moins
« loyal »
4 Employé doit être déjà
formé
4 Relations managériales
froides
Source : Management interculturel – Dupuis (2005)
Il est noté également que même entre pays arabes, les différences culturelles dans
la gestion des affaires entre des pays comme les Emirats, le Koweit d’un coté et le
Maroc de l’autre, engendrent des malentendus parfois désastreux. L’un des projets
les plus grands d’Afrique, actuellement en cours d’exécution au Maroc (le Projet
d’aménagement de la vallée de Bouregreg, (10 milliards de dirhams soit 1.4 Md$ US)
connaît des retards important en raison de désaccords sur la conduite du projet,
désaccords issus de la volonté des Emiratis de s’approprier rapidement les terrains
nécessaires et de construire des tours de plus de 50 étages. Or, au Maroc, construire
des édifices plus hauts que ceux du Palais Royal est strictement prohibé sauf pour
des cas exceptionnels. Par ailleurs, les Emiratis ont l’habitude de disposer de terres
sans difficultés dans leur pays d’origine où le désert ne demande qu’à être aménagé.
Au Maroc, le processus est long, très long et répond à des procédures strictes.
42
Même le Roi ne peut s’approprier un terrain simplement à l’aide d’un simple coup de
fil. L’autre exemple frappant est celui des autres pays de l’Afrique du Nord. La
création de zones de libre échange (UE, NAFTA, ASEAN) ou d’organisations
internationales (ONU, Banque mondiale, FMI, etc…) ont atténué les différences
culturelles (Tobelem, 2007). Force est de constater encore une fois que même si
plusieurs pays partage la même langue, la même religion et parfois les mêmes
traditions (Maroc, Algérie, Tunisie, Libye), la raison politique l’emporte sur la
similarité culturelle. Le projet du Grand Maghreb appelé aussi UMA (Union du
Maghreb Arabe) réunissant les pays musulmans de l’Afrique du Nord en est à sa
vingtième année d’existence sans qu’aucune avancée économique ou politique n’ait
vue le jour. Les Marocains et Algériens ont besoin de visa pour visiter leur pays
voisin. Les échanges entre les pays de l’UMA représentent moins de 0,5% de leur
PIB et les échanges culturels sont totalement absents (Kettani, 2008). 3.2.2 Cas du Maroc
A l’aide des travaux d’Hofstede, nous allons présenter la carte culturelle du Maroc
vue à travers les indicateurs définis dans le chapitre précèdent. Hofstede a classifié
les pays arabes comme collectivites (Tableau 6) possédant un système hiérarchique
qui maintient une inégalité des pouvoirs. La distribution du pouvoir telle qu’elle est
appliquée par ces pays est admise et comprise par ses citoyens. Les Marocains
tendent à maintenir un niveau moyen du contrôle de l’incertitude (UAI=68)
comparativement aux Etats-Unis (UAI=46). Les marocains cherchent la stabilité dans
leur travail et se sentent plus à l’aise avec des procédures plus ou moins formalisées.
Ils considèrent les compagnies pour lesquelles ils travaillent comme une continuation
du lien familial et regarde le « patron » comme un « père de famille » attentionné et
attentif. Le Maroc est défini comme une société « féminine » où l’important n’est pas
l’acquisition de biens matériels mais de maintenir des relations interpersonnelles
étroites et durables au sein de la famille et dans les lieux de travail. Cependant, le
profil du marocain type a changé durant les 10 dernières années. Sachant que plus
de 50% de la population à moins de 25 ans (Ministère Marocain de l’économie,
2007), que l’ouverture au monde s’est faite de façon assez brutale au cours des
années 90, que le Maroc accueille chaque année plus de franchises (120 au total,
43
Fédération Française de la Franchise, 2007), la culture de la classe moyenne
marocaine s’est transformé en sous-groupe culturel en déphasage avec le reste du
pays. Le nombre de Marocains morts par noyade dans le détroit de Gibraltar en 2007
(10 morts par jour en moyenne et uniquement des jeunes de moins de 25 ans)
montre à quel point le clivage entre modernité et tradition s’élargit. Les jeunes ne se
reconnaissent plus dans cette société écartelée entre un système hyper-
bureaucratique hérité du Makhzen (système ancestral de gestion des magasins du
Palais Royal) et une modernité qui s’affiche dans les télévisions et dans les grands
boulevards. McDonald’s a ouvert son 20ieme magasin au Maroc. Pizza Hut,
Domino’s Pizza, Paul, le Nôtre ou encore Tex Mex ont ouverts des franchises dans
les principales villes du Royaume. Pour un pays où 50% de la population vit à la
campagne (Ministère de l’Habitat, 2006) et où l’alimentation de base reste le tagine
et le couscous, il est indéniable que l’influence des courants culturels occidentaux à
fortement modifier la carte culturelle du pays.
Table 6: Cultural dimensions variability according to Hofstede
Country PDI IDV MAS UAI
Arab World 80 38 52 68
China 80 20 66 40
Iran 58 41 43 59
Pakistan 55 14 50 70
Japan 54 46 95 92
United States 40 91 62 46
Source : http://www.geert-hofstede.com/hofstede_dimensions.php
Au Maroc, l’inégalité des individus est perçue comme naturelle. Le pouvoir est un
pouvoir moral issue soit de l’appartenance à une famille (le nom de famille reste une
marque d’appartenance très forte), soit d’une région. Les natifs de la ville de Fès ou
de Rabat occupent les postes les plus importants dans les sphères politiques et
économiques. Le premier ministre actuel du Maroc s’appelle Abbas El Fassi
(d’origine de Fès). Voici la composition des principaux portefeuilles du gouvernement
marocain actuel (Source : Wikipédia): Voici un positionnement plus précis du Maroc
par rapport à l’indice de distance hiérarchique.
44
- M. Abbas El Fassi : Premier ministre originaire de la ville de Fès
- M. Mohamed El Yazghi : ministre d’Etat, originaire de la ville de Fès
- M. Chakib Benmoussa : ministre de l’Intérieur, originaire de la ville de Fès
- M. Abdelwahed Radi, ministre de la Justice, originaire de la ville de Rabat
- M. Taieb Fassi Fihri : ministre des Affaires étrangères, originaire de Casablanca
- M. Ahmed Toufiq : ministre des affaires islamiques, a fait ses études à Rabat
- M. Mohamed Saad Alami : ministre chargé des relations avec le Parlement, issue
d’une famille marocaine de Fès Figure 6 : Positionnement relatif des pays selon l’indice IDH
Source : Cours Management interculturel – Dupuis (2005)
L'entreprise marocaine ne peut se gérer sans comprendre la hiérarchie au sens
marocain du terme. Autant dans les petites structures que dans les sociétés
d’affaires, respecter l’âge et le rang est un aspect important de la « performance » et
de « l’efficacité » individuelle. Ce signe de soumission et de bonne conduite
contribue à garder l’harmonie au sein du groupe. Paradoxalement, le droit de
participation et de consultation dans la société islamique n’est pas lié directement au
droit de propriété ou à la position hiérarchique, mais plutôt au droit inaliénable
d’appartenance à un groupe social organique. On comprendra donc, qu’en Islam,
l’autorité, par exemple, n’est pas légitimée ou justifiée par l’idée de propriété ou
4L’INÉGALITÉ entre les individus est-elle perçue comme naturelle ?
Forte distance hiérarchiqueFaible distance hiérarchique
NON OUI
Scandinavie
États-Unis
FranceEspagne
SénégalMaroc Pérou
ThaïlandeRussie
Allemagne Mexique
Japon
ChineCanadaQuébec
1. Autorité statutaire2. Autorité morale
Maroc
45
encore par la position hiérarchique, mais plutôt par un consensus continuel, que l’on
appelle la « Choura ».
De par la tradition orale qui caractérise la société islamique et la prédominance des
communications et des rapports directs, il émerge alors d’un système de
communication et de décision très informel court-circuitant les canaux officiels de
décision et définissant de nouveaux rapports de force entre les individus dans une
même organisation. C’est une relation non transitive (Crozier, 1977). Là encore, les
modèle classiques de pouvoir et de légitimité, enseignés dans les cours de
management que nous présentons rapidement ci-après s’avèrent inadaptés aux
contraintes locales. Le pouvoir est souvent dilué ou se bute à une barrière culturelle
forte et rend l’application des décisions managériales difficile à mettre en place.
Selon Crozier et Friedberg (1977), le pouvoir est la capacité d’influencer le
comportement d’autrui. Il est un phénomène social et caractérise des interactions
entre personnes ou entre groupes de personnes et entre organisations (Crozier,
Friedberg, 1977). C’est un rapport dynamique qui se modifie lorsque les situations et
les individus changent. Les sources du pouvoir selon Crozier et Friedberg (1977)
sont :
• Le pouvoir découlant de la maîtrise d’une compétence particulière
• Pouvoir de « l’expert » -
• Le pouvoir qui découle de l’existence de règles organisationnelles
• Pouvoir « hiérarchique »
• Le pouvoir qui découle de la maîtrise de la communication et des informations
• Pouvoir de « l’aiguilleur »
• Le pouvoir qui découle des relations entre l’organisation et son environnement
• Pouvoir du « marginal-sécant »
Selon Crozier, le pouvoir maximum va à ceux qui contrôlent les incertitudes les plus
cruciales pour l’organisation. L’expert est celui qui détient le savoir et donc de façon
induite possède les capacités à contrôler une certaine zone d’incertitude reliée à ses
compétences. Le pouvoir accordé par une organisation à un manager selon sa
position hiérarchique lui confère une légitimité pour gérer ses équipes et asseoir son
autorité. Il en va tout autrement dans les organisations marocaines. La légitimité du
46
pouvoir prend ses racines soit dans un paternalisme issu de la structure même de
l’entreprise dont le capital est entièrement détenu par les membres de la famille
propriétaire où le chef de famille joue aussi le rôle de père et à qui les employés
doivent obéissance, soumission et dévouement, soit dans l’affiliation ou
l’appartenance du dirigeant. Tel patron ou manager sera respecté parce qu’il
appartient à une famille proche du palais royal ou d’une famille dite « grande
famille » marocaine comme c’est le cas pour les nominations gouvernementales (voir
page 42).
Pour Max Weber, l'organisation de la société correspond au modèle des machines
mécaniques de son siècle. Selon lui, dans un monde marqué par l'industrialisation,
dans lequel l'autorité repose essentiellement sur la compétence et la recherche de
l'efficacité, la division pyramidale du travail est le moyen idéal pour résoudre la
complexité sociale. Les grandes fonctions d'une société sont donc décomposées en
tâches partielles qui trouvent chacune leur place dans un échafaudage
hiérarchiquement structuré dont l'organisation bureaucratique est l’expression finale.
La bureaucratie représente pour Weber le modèle type de l'autorité à caractère
rationnel et légal. Cette forme d'organisation repose sur des règles abstraites,
formelles car écrites et impersonnelles. Les détenteurs de l'autorité sont choisis en
fonction de compétences rationnellement évaluées. Ils agissent dans le cadre d'une
hiérarchie fonctionnelle dans laquelle les contrôles et les voies de recours sont
précisément définis.
Ce modèle d'organisation fonctionne dans un certain type d'organisation sociale mais
s'applique mal à des systèmes dont les éléments sont à la fois entrelacés et disjoints.
Il s'applique encore moins quand l'efficacité de l'action menée sur certains problèmes
globaux exige la coopération harmonieuse de systèmes fonctionnels différents. Ce
qui est le cas pour les pays arabes. Paradoxalement, le poids de la bureaucratie (pas
au sens weberien du terme) au Maroc est telle qu’on pourrait penser que, selon la
théorie de Weber, le système public fonctionnerait de façon presque parfaite.
Seulement, cette bureaucratie s’applique en fait, comme nous l’avons vu
précédemment, sur des individus évoluant culturellement dans un espace peu
organisé et où ses membres ne sont pas choisis selon leur compétence, mais selon
leur appartenance. Au lieu d’avoir une structure formelle certes rigide mais
fonctionnelle comme le prévoit le modèle de Weber, le Maroc se retrouve avec une
47
structure extrêmement rigide, informelle et inefficiente. Les détenteurs de la
légitimité et du pouvoir ne sont pas ceux qui détiennent le savoir ou les
compétences.
L’indice Individualisme/Collectivisme est celui où l’écart avec les cultures
américaines et françaises est le plus marqué. Le Maroc est profondément
communautariste. Les individus se conçoivent par rapport au groupe. Les relations
personnelles l’emportent sur les relations d’affaires. On fait des affaires si on a de
bonnes relations interpersonnelles et particulièrement s’il s’agit de personnes
proches. Les structures familiales d’entreprises représentent plus de 80% du tissu
industriel marocain (Ministère des affaires économiques, 2007). Dans ces petites
structures familiales, les syndicats ne sont que minoritairement représentés du fait
que les employés préfèrent régler les conflits directement avec les propriétaires,
signe d’une confiance et d’un devoir de loyauté. Parallèlement, les propriétaires se
sentent « liés » par une obligation de traiter leurs employés comme leurs « enfants ».
Le mot le plus souvent utilisé par lequel un patron appelle son employé est « Ouldi »
dont la traduction est « mon fils ». A plusieurs reprises, le roi Hassan II du Maroc
s’est adressé à ses sujets en utilisant le mot « Oulidati » qui veut dire « mes chères
enfants ». Dans le langage courant, lorsqu’un employé veut s’exprimer sur un sujet le
concernant directement, il utilise le plus souvent la troisième personne du pluriel,
faisant inconsciemment référence au groupe auquel il appartient. Figure 7 : Positionnement des pays selon l’indice Individualisme/Collectivisme
Source : Cours Management interculturel – Dupuis (2005)
4L’individu a-t-il DES OBLIGATIONS envers son groupe d’appartenance?
CommunautarismeIndividualisme
OUINON
ScandinavieÉtats-Unis
France
Espagne
Sénégal
MarocPérouThaïlandeRussie
Allemagne Mexique
Japon
Chine
CanadaQuébec
X1. Organisation
2. Famille3. Amis
4. Nation
Maroc
48
Adam Smith était persuadé que la recherche par chacun de son intérêt personnel
conduirait à la richesse des nations. Mais, du fait des hypothèses individualistes sur
lesquelles elles sont fondées, les théories économiques occidentales ne s'appliquent
probablement pas dans les sociétés où l'intérêt collectif l'emporte sur l'intérêt
individuel (Bernard, 1994). La réalisation de soi-même figure en haut de la pyramide
de Maslow, ce qui reste la motivation suprême d'une société individualiste. C'est un
concept de personnalité familier à la pensée occidentale mais pas universelle. Dans
une société collectiviste comme le Maroc, on réalisera ce qui est dans l'intérêt du
clan ou du groupe, ce qui demandera un effacement de la part de nombreux
membres du clan
Du point de vue de l’indice de contrôle de l’incertitude, la différence entre le Maroc et
la France est faible mais plutôt forte avec les Etats-Unis. Le droit des affaires
marocain est très largement inspiré du droit français, dont il a retenu de nombreuses
solutions en matière de droit contractuel et de droit des sociétés. Les grands
principes de la formation et de l’exécution des contrats sont identiques mais les
investisseurs étrangers sont parfois confrontés à des difficultés d’application des
dispositions contractuelles (Chambre de commerce internationale - http://www.actu-
cci.com) liées principalement aux non-dits où l’interprétation que chaque partie peut
faire des clauses du contrat. La loi sur la constitution des sociétés, le code du travail
ou celui relatif aux assurances sont d’inspiration française. Des grands cabinets de
droit français tels que Lefèvre ou Gide sont installés au Maroc et ces derniers sont de
formation purement française et utilisent cette langue pour établir leurs consultations
juridiques et fiscale malgré que la justice marocaine légifère en arabe et que tous les
jugements sont établis dans cette langue. (http://www.marocentrepreneurs.com).
Les règles de travail sont donc nombreuses et précises. Paradoxalement, les
comportements déviants sont plutôt mal tolérés mais en réalité, l’investisseur
marocain adoptera une posture qui servira ses intérêts individuels en premier en
« oubliant » parfois d’appliquer certaines clauses du contrat. L’engagement écrit
n’est pas considéré comme définitif, il peut être sujet à révision. La gestion des sous-
traitants marocains du textile est certainement un des exemples les plus frappant.
Mon expérience dans la filiale marocaine m’a montré que la signature d’un contrat
avec le sous-traitant qui fixe les délais de livraison, les quantités, les conditions de
49
règlements ainsi que la marge statistique des produits défaillants n’était en fait que le
début de dures négociations pour honorer les engagements pris. De son coté, le
sous-traitant trouvait « normal » que le paiement soit retardé de quelques jours. Figure 8 : Positionnement relatif des pays selon l’indice ICI
Source : cours Management interculturel – Dupuis (2005)
Un des exemples les plus frappants, pour moi, est “l’intention”. En Islam, ce qui
compte le plus, c’est l’intention. Selon le Hadith, Le prophète Mohamed (que la paix
soit sur lui) a dit : « Les intentions sont l’essence des actions ». Une mauvaise
intention ruinera travail et bonne action, une bonne intention sauvera son
propriétaire. En pratique, cela veut dire que si quelqu’un fait une faute, avec
l’intention de bien faire, il est moins coupable que s’il n’a simplement pas fait
attention. La principale difficulté ici est de rester objectif quand vient le temps
d’évaluer les performances des collaborateurs impliqués dans un projet. Le feed-
back est subjectif et dépend des premières intentions. L’employé marocain peut se
sentir lésé s’il considère que son intention de départ était bonne mais si les résultats
ne pas atteints. D’Iribarne (2001) souligne à ce sujet que « en Afrique, la critique et la
sanction sont « naturellement » interprétées comme un signe de « méchanceté » et
non comme une expression de l’objectivité des choses ». Dans ce cas, la réponse
habituelle à laquelle j’ai souvent du faire face est : « Dieu en a voulu ainsi, mes
intentions étaient bonnes, je suis sauf ». Le subjectif est donc fortement valorisé. La
4La société tolère-t-elle l’INCERTITUDE et les COMPORTEMENTS DÉVIANTS ?
OUI NON
Scandinavie
États-Unis
France
Espagne SénégalMaroc
PérouThaïlande
Russie
AllemagneMexique
Japon
ChineCanada Québec
Principes généraux
Diversité, faible contrôle
Règles précises et nombreuses
Homogénéitéfort contrôle
Maroc
50
promesse orale reste une déclaration de bonne intention. La communication est
souvent ambiguë comme le montre le schéma ci-dessous. Au Maroc, on ne dit pas
« non ». Les Marocain utilisent très souvent le mot “Inch’Allah” qui peut signifier deux
choses bien distinctes et parfois opposées. Il peut s’agir d’un « oui » conditionnel.
Auquel cas, l’interlocuteur marocain attend des précisions ou tente de gagner du
temps pour renégocier plus tard. Il peut s’agir d’un « non » signe de refus de l’offre
ou du désir de clôturer les négociations. Dans le milieu professionnel ou j’ai évolué,
« Inch’Allah » pouvait signifié que mon collaborateur ne souhaitait pas réaliser une
tâche particulière ou qu’il pouvait éventuellement la faire mais dans un délai non fixé. Figure 9 : Positionnement relatif des pays selon la nature de la communication
Source : Cours Management interculturel – Dupuis (2005)
On ne dit pas non donc de la même façon qu’en France ou aux Etats-Unis. On ne
critique pas non plus. Le patron marocain peut se convulser dans tous les sens pour
faire parvenir un message critique afin de préserver la sensibilité et l’harmonie du
groupe. Critiquer ouvertement m’a souvent apporter des réactions inattendues
comme l’utilisation du mot « Inch’Allah » tous les trois mots comme signe de
mécontentement. Par contre, on trouvera toujours un compliment à faire, même sur
la plus insignifiante des choses. Le Marocain est très sensible aux compliments. Cela
lui donne confiance et préserve l’esprit de solidarité.
NON OUI
Scandinavie
États-Unis
France
Sénégal
MarocPérou
Thaïlande
RussieAllemagne
Mexique JaponChine
Canada Québec
Factuelle, froide Contextuelle, chaude
Espagne
4La communication est-elle RICHE et AMBIGUË ?
ABC
0010101
Maroc
51
3.2.3 La relation au temps
Le management du temps (time management) est l’un des principaux champs
de la gestion où les dysfonctionnements et les interprétations sont le plus divergents
entre culture occidentale et africaine.
Pour un manager formé aux règles du management occidental, le temps est
gagné ou perdu alors que pour des managers africains, le temps de vit et se partage.
Alors que le temps est essentiellement investi dans les économies de production et à
l’amélioration de la productivité, il est consacré au développement des relatons
sociales, sans lesquelles, les entreprises et les managers africains ne peuvent
construire des relations durables et efficientes. En d’autre termes, le temps
appartient à chaque individu et il n’est jamais perdu pour un africain, surtout s’il est
investi dans la construction de relation d’amitié.
Les chercheurs Dass et Parker (1999) constatent d’ailleurs qu’il n’existe pas de
modèle unique de gestion ou de solution exceptionnelle pour le management de la
diversité.
La notion du temps est, pour les Marocains, sensiblement différente de celle
des européens : en effet, comme nous l’avons dit, les Marocains sont liés à la
religion islamique et par là même, se soucient plus du présent que de l’avenir.
L’avenir relève du domaine sacré et donc de l’intervention de Dieu, ce qui conduit à
une certaine apathie en ce qui concerne la prise de décisions. Il en découle des
problèmes de planification évidents. Le temps est élastique et n’est absolument pas
relié à l’argent comme il pourrait l’être dans les sociétés occidentales comme le
montre le graphique ci-dessous. Un rendez-vous d’affaires est d’abord un rendez-
vous d’amis et les négociations ne commencent jamais avec le début de la rencontre
mais sont laissées pour la fin. Un Occidental devrait donc gérer avec la plus grande
prudence son emploi du temps et ne pas prévoir de rendez-vous suivis dans la
même journée.
52
Figure 10 : Positionnement relatif des pays selon la relation au temps
Source : Cour Management interculturel – Dupuis (2005)
En conclusion de cette présentation du Maroc selon les critères culturels classiques,
il semble que le Maroc, comme la plupart des pays arabes, présente un profil de
société collectiviste où les intérêts du groupe passent avant l’intérêt individuel (tout
au moins en apparence). L’inégalité et la concentration du pouvoir y sont largement
acceptés impliquant le maintien du respect et de la position hiérarchique même si
cette dernière n’est pas corrélée aux compétences et au savoir. Les comportements
déviant ne sont que peu tolérés mais l’ambiguïté dans les communications, la valeur
de la promesse orale et les différences culturelles des sous-groupes qui composent
la société marocaine commencent à remettre en questions le critère du contrôle de
l’incertitude. Le temps n’est pas gagné ou perdu, il est partagé et ne rentre pas en
compte dans les critères de performance.
De plus, la société marocaine est composée de souches culturelles différentes. Les
Marocains du sud appartiennent au groupe des nomades africains. Les marocains
du centre sont les descendants des Arabes venus du Moyen-orient. Ceux du nord
sont le résultat d’un métissage entre les Berbères du Rif et les Espagnols de
l’Andalousie. Il existe plus de 6 dialectes et le Maroc a été influencé par plusieurs
années de protectorat français et espagnol. Toutes ces agitations de l’histoire ont
laissé des marques indélébiles. Le Maroc est une mosaïque de peuples rassemblées
autour de la monarchie mais qui en réalité ne partagent que peu de traditions
culturelles.
4Le temps est-il PRÉCIEUX, tourné vers le FUTUR ?
Scandinavie
États-Unis
France
Sénégal
MarocPérou
Thaïlande
Russie
Allemagne Mexique
Japon
ChineCanada Québec
OUI NON
Le temps c’est de l’argent, planification, échéance, une
chose à la foisTemps élastique, un jour à la
fois, destin, tradition garante du futur
$$ $ $ ?
Espagne
53
3.2.4. L’influence culturelle selon D’Iribarne
Le sociologue Philippe D’Iribarne a consacré de nombreuses recherches à
l'exploration des traditions nationales des relations professionnelles et des styles de
direction. D’après l’auteur, chaque pays possède son propre système de relations
sociales, sa manière de définir les droits et devoirs de chacun, sa façon de
commander, d'obéir, de coopérer et de s'affronter. Dès lors, il importe de prendre en
compte les spécificités culturelles pour définir un style de management. On ne peut
gérer les hommes au Japon comme en Suède ou en France (D’Iribarne, 1990). Ci-
dessous un tableau résumant les travaux de recherche sur la logique culturelle que
D’Iribarne a réalisé sur les modèles français et américains.
Tableau 7 : Logiques culturelles comparées
Usine Américaine Française
Culture Logique du contrat Logique de l’honneur
Opposition fondamentale Fort – Faible Noble – Vil
Fonctionnement de l’entreprise
Respect des règles du
contrat
Libre et fier de faire
Ensemble de devoirs à
accomplir
Honneur de le faire
Source : La logique d’honneur (D’Iribarne, 1989)
L’auteur s’est intéressé de façon générale à l’Influence du monde de fonctionnement
des sociétés (institutions et structures) principalement en faisant des études
comparatives de différentes structures, quelles soient occidentales (allemande,
française, américaine) ou orientales (marocaine, tunisienne et jordanienne) en regard
de l’influence de leurs institutions.
Pour D’Iribarne, une culture universaliste a été et est toujours une croyance ancrée
dans beaucoup d'esprits. Penser différemment, concevoir différemment ou réagir
différemment n’est pas concevable dans l’esprit de plusieurs managers (Chanlat,
1999). L’histoire est marquée d’événements plus ou moins tragiques qui mettent en
évidence la « peur de l’autre ». Depuis que les Grecs ont définis les barbares comme
54
des individus qui ne parlent pas leur langue, en passant par la remise en question de
l’aspect humain des Indiens ou encore la traite des Noirs (Chanlat, 2008), et tout
récemment, le plombier polonais ou encore le maçon arabe, les hommes n’ont cesse
de voir dans la différence de l’autre une menace à leur propre identité.
Cette méfiance envers son voisin a développé au fil du temps une incompréhension
récurrente lorsque deux cultures doivent interragir. Dans le même temps, les
entreprises ne sont pas épargnées par ce dysfonctionnement sociétal. Bien au
contraire, elles sont l’expression et l’aboutissement d’un phénomène social qui prend
ses racines dans la genèse de l’individu et dont les branches poussent jusque dans
les processus de décisions managériales les plus stratégiques, comme l’embauche,
la gestion des équipes multiculturelles ou encore le leadership.
D’Iribarne a mis en évidence le lien qui existe entre performance et adaptation
culturelle des méthodes de gestion. L’auteur rappelle dans une entrevue que « la
recherche au Cameroun et a montré que le système de gestion ne convenait pas
bien à la culture du pays, à la manière dont on y concevait la coopération, les
relations hiérarchiques » (D’Iribarne, 1991 http://www.cybertribes.com/iribarne.html)
L’auteur ajoute que « pour comprendre comment l’économie fonctionne et comment
elle concerne les hommes, il fallait aller beaucoup plus loin et s’intéresser à des
phénomènes dont s’occupent classiquement la sociologie, l’anthropologie ou la
philosophie politique » (D’Iribarne, 1989). Les recherches de l’auteur l’ont mèné à
étudier dans ses derniers travaux quatre pays qui sont le Mexique, le Maroc, le
Cameroun, et l’Argentine qui tous illustrent la même problématique de « la rencontre
de l’universel et du local » (D’Iribarne, 2004). Toujours selon l’auteur, une première
attitude est de chercher à imposer les pratiques de management qui prévalent en
certains pays économiquement dominants ou émergents. Une seconde voie serait de
répertorier des "best practices", « en prêtant une grande attention à la délimitation
des aires culturelles au sein desquelles elles s’appliquent et aux conditions précises
de leur succès quand elles sont mises en oeuvre dans ces aires » (D’Iribarne, 2004).
Il ne suffit pas de connaître les points forts ou les points faibles afin de bâtir une
équipe multiculturelle efficace (D’Iribarne, 1989).
55
L’exemple de SGS-Thomson au Maroc
Dans son livre culture et mondialisation, D’Iribarne (1998) présente le cas particulier
de la société SGS-Thomson qui a implanté une de ses usines au Maroc à
Casablanca. Surprise des excellentes performances de l'usine, l'entreprise met en
place une étude afin d'élucider les conditions de ce succès au de regard son
rendement exceptionnel. L'élément principal qui ressort de cette étude est
l'instauration de la démarche TQM (Total Quality Management) affectée à toutes les
composantes de l'usine. Jugée par les experts comme antinomique avec la mentalité
marocaine, le TQM s'avère être au contraire un succès florissant. Le TQM est avant
tout une nouvelle philosophie de travail. Elle repose sur la mise en place de valeurs
communes à l'entreprise regroupée sous le terme "culture d'entreprise". Les individus
s'investissent dans le travail car ils se sentent concernés par l'entreprise. On est
passé d'un système de commissariat et de "surveillance policière" à un monde
d'apprentissage, d'école où se mêlent communication, pédagogie, partage, respect,
confiance, égalité, responsabilité. Toutefois souligne l’auteur, le TQM ne fonctionne
pas que par son aspect formel. Les conditions du succès résident dans le
rapprochement entre les valeurs issues du TQM et les préceptes de l'Islam
(D’Iribarne, 1998). C'est cette identification au sacré qui pousse les Marocains à vivre
le TQM comme quelque chose de normal, de culturel et de religieux.
Nous allons démontrer dans cette étude qu’il existe d’autres ressorts capables
d’aider les entreprises et les managers de culture différentes à dépasser les clivages
culturels et les distorsions provoquée souvent par l’idée que le management est une
recette universelle qu’il suffit d’appliquer de façon standardiser.
3.5. Avantages et inconvénients des travaux antérieurs
Afin de conclure cette partie sur les travaux d’Hofstede et d’Iribarne, je présente un
tableau résumant les avantages et les inconvénients des deux méthodologies
d’approches des différences culturelles.
56
Tableau 8 : Forces et faiblesse des modèles d’Hoftsede et de D’Iribarne
Hoftsede D’Iribarne
Avantages Inconvénients Avantages Inconvénients
Dimensions simples et
facilement comparables
Prétention universaliste
et Modèle éprouvé et
souvent reproduit
Quantitatif sur des
grands nombres
Approche micro qui
explique les
comportements
Prédictif, et guide
l’action
Logique binaire et
généralisante
Rapports de causes à
effets à déterminer
Ne dit pas le « pourquoi »
Mesures datées
Plusieurs pays non
mesurés
Effets parfois
contradictoires
La culture n’est pas la seule
cause de différence
Approche statique de la
culture
Riche et nuancé
Qualitatif
Explique le « pourquoi »
et induit les logiques de
structures
Intellectuellement
séduisant
Adaptatif
Approche macro
Étude de cas
Subjectif et anecdotique
Centrée sur le travail d’un
seul individu
Rapports de causes à
effets discutables
Effets de la culture à
nuancer
Source : Management interculturel – Dupuis (2005)
L’une des principales critiques des travaux de D’Iribarne est qu’ils apportent au
manager peu d’actions concrètes et d’outils directement applicables sur le terrain. En
d’autres termes, D’Iribarne explique le « pourquoi » mais pas le « comment ».
C’est ce que cette étude tentera de combler en partie en présentant des outils
simples mais efficaces d’amélioration de la performance.
En conclusion de cette présentation des fondements de la culture en tant que
dimension des organisations, on peut dire que la culture a oscillé entre l’importance
accordée à l’histoire (Weber, Hofstede, D’Iribarne) ,à la fonction (Malinowski) et à la
structure de la personnalité (Maslow, Durkheim). Pour certains anthropologues
(Chanlat, Weber), la culture implique la connaissance de son passée. D’autres ont
affirmé que la compréhension d’une culture passait par l’observation et le
déchiffrement minutieux des relations entre les différents individus qui la compose à
un moment donné et qu’il n’était pas nécessaire de connaître l’histoire pour saisir
comment une culture est construite et comment elle fonctionne (Malinowski).
57
3.6 Management et environnement islamique
Le monde Occidental à l’aube de la révolution industrielle, invente le concept
d’individu qu’il a cultivé jusqu’à son paroxysme, grâce à l’interaction d’un certain
nombre de facteurs scientifiques (Galilée, Newton), politiques et économiques (Adam
Smith) sociaux et religieux (l’éthique protestante) et historiques (philosophie
grecque). Il a constitué la toile de fond sur laquelle allaient être tissés les fondements
de la société occidentale moderne, son économie, sa sociologie, sa politique, ses
institutions et son management. La doctrine islamique, où le temporel et le religieux
sont indissociables, met plutôt nettement l’accent sur la coopération, « l’esprit
communautaire », sur l’ensemble (le groupe) plutôt que les parties (les individus).
L’individualisme en Islam est un individualisme qui dans la vie quotidienne se
retrouve en coexistence avec une forte mentalité collective et une non moins forte
prédominance des relations sociales.
Selon la croyance religieuse musulmane, Il y a une exigence d’exploiter le talent, les
capacités reçues de Dieu à la naissance, ce qui induit une notion de responsabilité
individuelle. Paradoxalement, ce sens de la responsabilité individuelle est bien
souvent absent de la gestion quotidienne des entreprises marocaines. Lorsqu’un
problème d’organisation surgit ou lorsque apparaît une faille quelconque dans les
processus de travail, il est très difficile de cerner les responsabilités. Chaque acteur
du processus rejette la faute sur les autres, ou sur une supposée « main invisible »
(pas celle d’Adam Smith) qui n’aurait pas fait son travail au moment voulu. J’ai été
personnellement confronté à ce genre de situation stressante et déroutante à
plusieurs reprises. Les missions et les tâches sont mal définies au départ et donc la
responsabilité est diluée entre les différents acteurs du système de travail. La
solidarité jour ici son rôle à l’envers. Personne n’est vraiment responsable, tous les
acteurs sont « solidaires » de cette non responsabilité. Alors que paradoxalement, le
sens de la responsabilité individuelle est complété, selon les principes de l’Islam, par
l’appartenance à une communauté, impliquant des réflexes de solidarité sociale et
politique entre musulmans pour le bien d’autrui. La société musulmane repose dans
ses fondements même sur la coopération. Cette coopération, qu’Ibn Khaldoun
appelle solidarité, se retrouve à la base de la tribu et du clan en tant qu’organisations
58
sociales. Dans la culture islamique l’homme a besoin d’appartenir à un groupe.
L’individu n’existe que par et pour le groupe à qui il appartient.
Les incitatifs en Islam sont de deux ordres : les incitatifs monétaires et/ ou matériels
et les incitatifs spirituels dont le plus recherché par le croyant est celui de plaire à
Dieu. Il peut s’avérer une source de motivation et une incitation à l’action aussi
puissante, sinon plus que les incitatifs matériels. Plaire à Dieu en Islam ne se limite
pas seulement aux actes religieux, mais aussi travailler fort, produire et utiliser
rationnellement les ressources que Dieu a mis à la disposition de l’homme, accroître
ses connaissances, contribuer à la science et au développement matériel et à la vie
morale sur terre. Cependant, nous verrons comment ses notions et ses croyances
apparemment très fortes sont diluées dans les contraintes économiques et
managériales au quotidien, faisant passer au second plan les motivations religieuses
et spirituelles.
L’organisation qui évolue dans un environnement intangible islamique fait face à des
contraintes beaucoup plus fortes encore. En effet, les stipulations, principes et
normes découlant du Coran et de la Sunna (ensemble de règles et de hadiths
énoncés par le prophète Mohammed) vont constituer de formidables contraintes pour
les organisations, car elles fixent les limites dans lesquelles l’organisation va opérer.
L’intégration des valeurs morales va se retrouver dans toute action économique et
managériale. Les valeurs morales sont le fondement et la composante principale
dans tous les aspects de l’économie.
L’Islam rejette toute forme de comportement économique, de contrat commercial ou
de production qui faussent les règles du marché et qui aboutissent à des situations
de collusions de producteurs, de monopole, de tarification imposée, de prix fixés
d’autorité etc. Toutes les activités spéculatives sont aussi interdites. L’Islam ne remet
pas en cause le système de marché, en tant que moyen d’allocation de ressources, il
émet, cependant, de sérieuses réserves, quant à ses carences en tant que moyen
de distribution des revenus et des richesses au sein de la société. Par ailleurs, la
coopération est un aspect essentiel de la doctrine islamique. La liberté économique
s’exerce plutôt dans le cadre de la coopération que de la concurrence. Nous verrons
que la réalité du terrain est sensiblement différente. Les applications de ces principes
islamiques cités plus haut ne sont pas toujours respectées. Les entreprises
59
marocaines utilisent allègrement ces principes fondamentaux lorsque la situation s’y
prête mais n’hésitent pas à transgresser ces croyances lorsque les enjeux financiers
sont importants ou lorsqu’il s’agit de préserver ses intérêts individuels au détriment
des intérêts collectifs comme l’enseigne l’Islam. Nous allons démontrer que ces
transgressions ont une influence directe sur les méthodes de management et
déstabilisent les managers formés dans les écoles de management occidentales. Il
en découle souvent des échecs important dans les missions de ces cadres
supérieurs qui travaillent dans un environnement où se mélange à la fois des
principes comme la transparence, le marché de libre-concurrence, le bien-être
collectif et des comportements opportunistes, des actions de corruption et des
méthodes de gestion obscures. Malgré ses contradictions, les entreprises étudiées,
pour la plupart des PME, présentent des résultats et des bénéfices importants et
constants. Il existe donc des ressources inattendues qui expliqueraient la
performance paradoxale de ces entreprises. En résumé, l’approche islamique
reconnaît une réalité dans laquelle :
- la solidarité et le sentiment de groupe, comme valeur de base, dans laquelle
l’interdépendance est valorisée et préférée à l’indépendance comme meilleur moyen
pour résoudre les problèmes dans les organisations ;
- les intérêts et le bien de l’ensemble prennent le pas sur les intérêts et les
avantages individuels;
- l’accomplissement et le respect de soi proviennent de la participation et la
contribution à un processus social plutôt que d’un individualisme compétitif ou d’une
lutte personnelle agressive;
- la compétition fait place à la coopération et à l’harmonie pour le bien de tous
et de chacun;
- la notion de contrat fait place à l’idée de consensus comme base première
de la société ou de l’organisation
- l’égalité des opportunités fait place à des notions authentiques d’égalité et de
justice communautaire
D’ailleurs, si tous ces principes que nous venons d’expliquer peuvent constituer dans
le contexte actuel de formidables contraintes, Rodinson (2002) qui a étudié
l’influence de l’idéologie islamique sur le développement économique, technologique
et scientifique du monde musulman médiéval, a conclu que d’après les faits
60
historiques, cette idéologie fut un puissant moteur de développement qui hissa le
monde musulman au faîte de la civilisation mondiale pendant plus de cinq siècles :
« Un niveau a été atteint là qui ne se trouve ni ailleurs, ni auparavant. La densité des
relations commerciales au sein du monde musulman formait une espèce de marché
mondial de dimensions encore jamais vues. Entendons que le développement des
échanges avait permis des spécialisations régionales dans l’industrie comme dans
l’agriculture. Un marché mondial du même type s’était constitué au sein de l’Empire
Romain. Mais le « marché commun » musulman était bien plus vaste.
3.7 La particularité de chaque modèle de management
Plusieurs auteurs, parmi lesquels Bouilloud (1995) pensent qu’il est impossible
d’établir des lois en matière de gestion. En revanche, ce que l’on peut chercher à
faire, c’est établir la compréhension d’une situation donnée, à en trouver la logique et
le mode de fonctionnement. Ainsi, par exemple, pour Adler (1987), il faut considérer
chaque situation particulière séparément dans son contexte culturel : depuis la
description de la situation de départ (situation description), lui donner une explication
liée à son contexte culturel (cultural interpretation) et seulement avec l’appui de ces
éléments, il est possible de créer de la coopération culturelle (cultural creativity).
Certes, mes études universitaires m’ont permis d’appréhender les changements et
les adaptations nécessaires qui doivent être mise en place dans un système de
valeur différent de celui auquel on est habitué à travailler. J’ai été amené à étudier et
analyser les différences culturelles et à évaluer les défis auxquels doivent s’attendre
les managers en milieu multiculturel. Mais rien de ce que j’ai pu entendre, analyser,
écouter ou appris ne m’avait préparé à ce que j’ai vécu à mon arrivée dans le milieu
professionnel marocain.
61
Tableau 9 : Comparatif des dimensions managériales Dimensions
managériales Approche managériale
classique Valeurs islamiques
Le travail - Egalité des opportunités
- La réussite par le mérite
- Individualisme
- Exploiter les capacités et les talents reçus
(Don de Dieu) [1]
- Esprit communautaire, solidarité [2]
- Très fortes relations sociales
- La réussite par l’entraide sociale et la
bianfaisance [3]
Incitatifs à la performance - Rémunération
- Satisfaction au travail
- Avancement professionnel
- Réussite matériel
- Plaire à Dieu en travaillant fort [4]
- Plaire à ses parents [5]
- Utiliser rationnellement les ressources
- Recherche de la connaissance [6]
- Rémunération et épargne [7]
Pouvoir et prise de
décision
- Droit de propriété
- Pouvoir légitime
Expertise, Savoir
- Droit d’appartenance à un groupe
- Position familiale ou clanique
- la « Sunna »
- la « Choura »
Relations individuelles Egalité
Forte hiérarchie – Loi des sages – Respect de
son entourage
Relations de travail Contrat Consensus – Harmonie - Obéissance
Système économique Marché libre Marché libre
Responsabilité Individuelle Individuelle et collective
Relation au temps Gagné/Perdu Partager/Vécu
Valeurs sociales Travail en équipe
Performance individuelle
Responsabilité individuelle
Séparation du religieux et
des organisations
Appartenance à un groupe – Très forte
solidarité mais liberté dans la manière de
l’exprimer – L’interdépendance est valorisée
Communication Ecrite è Règles écrites et
donc applicables et
réfutables
Orale è Système de communication informel.
Règles non écrites, donc difficilement
réfutables
Compétences Qualités professionnelles Qualités professionnelles
[1] "Il y a sur terre des preuves pour ceux qui croient avec certitude, ainsi qu’en vous-mêmes. N’observez-vous donc pas ?" (Sourate 31, Luqmân, verset 20) [2] "Et donne au proche parent ce qui lui est dû ainsi qu'au pauvre et au voyageur (en détresse). Et ne gaspille pas indûment." (Sourate 17, "al-Isrâ'", Le voyage nocturne, v. 26)
62
[3] "Certes, Dieu commande l'équité, la bienfaisance et l'assistance aux proches. Et Il interdit la turpitude, l'acte répréhensible et la rébellion. Il vous exhorte afin que vous vous souveniez." (Sourate 19, "an-Nahl", Les abeilles, v. 90) [4] « Le travail est aussi une forme d’adoration de Dieu » Hadith du prophète Muhammad [5] « … ne les brusque pas, mais adresse-leur des paroles respectueuses, et par miséricorde abaisse pour eux l'aile de l'humilité; et dis : "Ô mon Seigneur, fais-leur; à tous deux; miséricorde comme ils m'ont élevé tout petit" (Versets 23/ 24- Sourate 17) [6] « Si n'importe qui voyage sur une route à la recherche de la connaissance, Allah le fera voyager sur une des routes du paradis… La supériorité de l'homme instruit au-dessus du dévot est comme celle de la lune, la nuit quand elle est pleine, au-dessus du reste des étoiles ». [7] « Dieu accorde sa grâce à l’homme qui a gagné son pain avec honnêteté, dépensé avec sagesse et épargné en prévision de jours moins fastes » Hadith du prophète Muhammad
63
4. Le management au Maroc Le management au Maroc n’est pas encore une discipline scientifique. En effet, si les
concepts et les méthodologies sont connus, ce n’est pas le cas de la philosophie du
management. Par conséquent, l’alchimie entre l’acte d’entreprendre et le concept
d’entreprise se heurte souvent à plusieurs obstacles, ce qui retarde leur progrès.
L’organisation de type « marocain » est diamétralement opposée à l’occidentale. En
effet, la notion de destin est importante au Maroc en raison de la religion musulmane,
dans laquelle cette notion prédomine. De ce fait, les Marocains font davantage
confiance à leur intuition, leurs pressentiments, et fondent leurs plans là-dessus. Ils
n’hésitent pas de ce fait à changer une stratégie si personne n’y adhère. Dans le
mécanisme de prise de décision, l’improvisation est appréciée : les décisions sont
davantage fondées sur des jugements personnels que sur des faits bien précis. L’art
de la rhétorique est de mise dans les négociations. Le rapport à la hiérarchie est lui
aussi différent ; à savoir que l’autorité est davantage fondée sur la confiance, l’origine
et le charisme des dirigeants qu’à leurs capacités réelles à diriger une entreprise. Le
processus de recrutement est basé sur les relations (D’Iribarne rapporte dans
« Culture et mondialisation » que les opératrices de Thomson sortent toutes avec le
responsable). En ce qui concerne le contrôle, les Marocains auront tendance à
imputer les erreurs au système et à partir de là en tirer des améliorations (« C’est
toujours la faute des autres ! » disent les Marocains quand il s’agit de délimiter les
responsabilités). Ils n’aiment pas particulièrement être surveillés par leurs supérieurs,
et les postes qu’ils occupent sont rarement précisément définis. La communication
emprunte plus souvent des voies informelles (le fameux téléphone arabe) que des
voies officielles et la vérité est à distinguer au milieu des autres faits. Bien que
l’évolution professionnelle soit souvent due à la compétence, on trouve encore au
Maroc beaucoup d’exemples de promotions liées aux relations. De même, le salaire
est souvent lié au statut et à l’ancienneté dans l’entreprise. Pour les managers,
motiver une équipe relève d’une bonne connaissance des données marocaines.
Par ailleurs, l’honneur demeure un moteur de motivation plus sûr que la notion
de devoir. La finalité du travail ne renvoie pas tant à une forme de réussite, mais plus
à une forme d’estime, les personnes ressentent de la fierté à l’égard de leur propre
statut Enfin, en négociant, chacune des parties doit ressortir des discussions avec le
sentiment d’avoir gagné. Dans ce type de transaction, le flair et la créativité sont de
64
mise. En ce qui concerne le leadership, et en se basant en partie sur les grilles
d’analyse, en partie sur Culture et Mondialisation et le cas de Thomson avant la mise
en place du TQM, on peut brosser un portrait comme suit du leader marocain.
Les preneurs de décision gardent leurs distances avec le reste du personnel, il
donne l’impression d’appartenir à une caste, une entité à part ; ils sont craints et
imposent ainsi la volonté du groupe…Ils doivent, en toute circonstance, se montrer
intransigeants et forts. Tous les ordres viennent « d’en haut », l’information circule de
haut en bas mais pas de bas en haut : il n’y a pas de feed-back, car de toute manière
le point de vue d’un employé restera toujours inférieur à celui d’un manager. Les
exécutants fournissent cependant des informations, si on le leur demande. La
direction contrôle la mise en place des directives et leur application.
Force est de constater que les techniques de management au Maroc ne s’alignent
pas avec les préceptes de l’Islam qui prône une égalité des chances
Les managers marocains profitent d’un système de taxes avantageux et peu
regardant sur les droits des employés, d’une main d’œuvre abondante, très bon
marché et maniable à volonté. Ces avantages compétitifs attirent chaque année des
dizaines d’entreprises multinationales qui embauchent à tour de bras.
Comparativement, un salaire moyen au Maroc se situe aux environ de 400 euros
mensuel. Tous ces aspects techniques sont des avantages compétitifs (Porter, 1979)
suffisamment importants pour couvrir les distorsions culturelles.
Figure 11 : Avantages compétitifs liés à l’environnement juridico-économique
Main d’œuvre abondante et
peu chère
Système fiscal avantageux pour multinationales
Droit du travail faiblement appliqué
Coûts d’exploitation
réduits
Gain en productivité et rentabilité Problèmes culturels voilés par des
bénéfices substantiels
65
Cependant, les modèles importés de l’Occident et implanter en Afrique ont engendré
des échecs retentissant. Certaines compagnies, n’ayant pas anticipé les effets des
cultures managériales différentes, ont payé un lourd tribut. Au Maroc, on trouve
l’exemple de Dairy Queen, de Subway ou encore de Benetton et de Naf Naf. Ces
entreprises n’ont pas anticipé les différences culturelles, jouant uniquement sur la
marque et le prestige acquis dans d’autres pays. Les managers de ces entreprises
n’ont pas réussi à s’adapter aux différences culturelles locales. L’une d’elle, Colas,
qui gèrent des équipes de plusieurs centaines d’employés, souvent analphabètes ou
très peu formés, ont eu beaucoup de difficultés à gérer leurs équipes (Directeur GTR
filiale de Colas au Maroc, 2007).
5. Islam et modernité
La relation qu’entretient l’Islam, comme religion, et le développement économique est
une question difficile qui divise de nombreux auteurs de sciences sociales (Facchini
2005). L’Islam a été tantôt présenté comme une religion favorisant le libre marché et
comme moteur de croissance et de développement économique, tantôt comme une
religion inadapté à la modernisation et freinant l’application de méthodes
contemporaines d’amélioration de la productivité et de la richesse (Pras, 2007).
D’autres auteurs comme Facchini (2005, p.7) ont soutenu des arguments pour
affirmer que il est possible que l’islam comme religion ait été moins favorable au
développement économique parce qu’elle a été plus hostile à la reconnaissance des
libertés et des droits individuels. ». Le sous-développement de l’aire musulmane
actuelle a été aussi source de thèses divergentes. Il s’explique, selon Timor Kuran
(1997) par une défaillance institutionnelle qui trouve ses origines dans le
développement historique de la civilisation islamique. Facchini (2005) affirme pour sa
part que « le sous-développement actuel de l’aire musulmane s’explique par
l’existence de régimes politiques qui sont favorables à l’activité des ‘entrepreneurs
politiques’ ». Une autre thèse serait qu’une culture fataliste nuit au développement
économique. Adelman et Morris (1973, p.38) ont aussi montré que les religions qui
conduisent les hommes à croire qu’ils contrôlent leur destin et sont responsables des
résultats de leurs actions produisent des attitudes plus favorables aux
développements que les religions où l’homme ne peut pas influer sur son destin.
66
Etudiant les musulmans de Java, Tamney ( ) a trouvé que l’engagement religieux
y était positivement corrélé avec l’éducation et des situations de prestige. C’est-à-dire
qu’il y avait plus de chances pour que des gens qui ont été au collège ou occupé des
positions de haut standing prient cinq a fois par jour, donne des aumônes, jeûnent en
accord avec la pratique islamique orthodoxe que des musulmans de peu d’éducation
ou occupant des emplois de peu de prestige. Tamney a aussi trouvé que la pratique
musulmane augmentait avec la modernisation. Noland (2007) montre qu’à niveau de
développement économique donné, l’islam favoriserait la croissance au lieu de la
réduire. Les Etats-Unis, comme pays marqué par une forte pratique religieuse est
l’exemple même de la corrélation entre engagement religieux et développement
économique.
Tous ces avis contradictoires ne cachent pas cependant le rôle moteur que peut
jouer l’islam en tant que catalyseur de performance. Les recherches dans différents
pays musulmans ont montré que des valeurs islamiques pouvaient résonné avec des
valeurs de productivité et de performance. Nous avons vu l’exemple de l’entreprise
SGS-Thomson au Maroc. Le groupe Lafarge en Jordanie en est un autre exemple.
En effet, Héla Yousfi montre comment des valeurs islamiques associées et adaptées
à des traditions locales claniques ont permis de motiver le personnel de l’entreprise
étudiée et d’améliorer la performance des employés (Yousfi, 2007, p.157).
Analyser les relations entre Islam et management sans prendre en considération le
contexte et les cultures locales seraient une erreur (Arslan, 2001). D’Iribarne (2007)
le souligne bien dans son analyse du cas de l’usine SGS-Thomson de Casablanca.
Selon l’auteur, le succès de l’implantation d’un système TQM (Total Quality
Management) n’est pas uniquement le fruit de la résonance des valeurs islamiques
avec les concepts et les valeurs d’un programme TQM. L’adhésion des managers et
des employés s’expliquerai également par « l’existence dans la société marocaine de
formes morales hautement révérées » (D’Iribarne, 2007).
Religion et institutions ne peuvent être pris séparément dans un système séculaire.
Dans les pays à culture religieuse intense, la religion a un effet sur le développement
parce qu’elle prédispose les décideurs politiques à certains choix institutionnels.
67
Facchini (2005) affirme que « la religion trace la route éthique des institutions de
chaque pays et les institutions sont le principal préalable à l’action entrepreneuriale
et au développement économique ». L’auteur soutient par ailleurs que la religion et la
culture peuvent être dans certains cas des obstacles au développement si elles
retardent le processus d’identification des bonnes institutions par les dirigeants
politiques. Lewis (1993) cité dans Facchini (2005), défend l’idée que le rejet des
institutions du marché et les échecs des démocraties dans les pays musulmans
s’expliquent à la fois par l’intérêt des classes dirigeantes qui souhaitent ne pas
perdre le contrôle de l’Etat et la rente fiscale et par le rejet de l’Occident. La montée
récente de l’islamisme pourrait s’expliquer ainsi. Le rejet des valeurs occidentales,
supposées antinomiques avec les valeurs de l’islam, est le terrain fertile pour bloquer
le développement et la modernisation auxquels l’islam en réalité encourage selon les
auteurs cités auparavant.
Il n’y a donc pas d’avis tranché sur le rôle que peut jouer la religion sur le
développement économique d’un pays ou sur la capacité des musulmans à s’adapter
aux changements et à la modernité même si le cas des banques islamiques nous
montre qu’appliquer la « chariaa » peut s’avérer en réalité une source de motivation
pour s’adapter à la concurrence. En effet, ces banques évoluent dans des pays où il
existe un système banquier et financier dual. Le premier est basé sur les principes
stricts de l’islam (pas d’intérêt, pas de vente ou d’achat à découvert, pas d’assurance
vie, pas de crédit sans fond propre, partage des profits et des pertes …). L’autre
système est le système classique appliqué par la majorité des banques mondiales.
L’expérience a montré qu’en Indonésie ou aux Emirats par exemple, les banques
islamiques ont rivalisé d’ingéniosité pour faire face à une concurrence établie et
internationale afin de créer des produits dits « Hallal ». Le succès que connaît par
exemple aujourd'hui la banque islamique en Indonésie est dû au fait que, ayant
constaté la performance positive des banques islamiques dans le pays, le
gouvernement indonésien a commencé à l'envisager en tant que solution de
rechange pour améliorer la situation économique de toutes les victimes de la crise de
1998 (Facchini, 2005). Certaines banques occidentales proposent désormais des
produits dit alternatifs (France) ou islamiques pour attirer une clientèle nouvelle,
pieuse et souhaitant faire fructifier son argent selon les lois du Coran.
68
L’expérience marocaine s’est avérée être quand à elle un échec. En effet, il n’existe
pas de banque islamique à proprement dit. Les banques locales ont été autorisées à
vendre des produits « hallal » en parallèle avec les produits classiques. Craignant
certainement une cannibalisation des produits alternatifs, les banquiers ont décidé
que ces produits coûteraient en fin de compte plus chers que les produits classiques.
Très peu de communication ou de publicité ont été mené et les agents de comptoir
ne sont absolument pas formés pour vendre ces produits. Autant dire que les
produits islamiques ont été voués à l’échec dès le départ, les banques marocaines
préférant s’assurer des revenus substantiels avec un minimum de risques. «Cela
revient vraiment trop cher par rapport au crédit classique. Les gens n’ont tout
simplement pas les moyens» reconnaît un directeur d’une banque souhaitant garder
l’anonymat. En réalité, il en été voulu ainsi par les banques elles-mêmes. Le
paradoxe est frappant pour un pays dont il est écrit dans la constitution que la
religion officielle est l’Islam. Cet opportunisme d’affaire se retrouve à tous les
échelons des affaires au Maroc (pratiques d’affaires douteuses, classement du
Maroc parmi les pays les plus corrompus selon Transparency International). On
pourrait en conclure que la religion est plus souvent utilisée comme vitrine que
comme doctrine et que les rares expériences réussies de combinaison de valeurs
religieuses et managériales sont plutôt le fruit d’expériences très localisées et
ponctuelles. Les résultats de cette recherche pourraient confirmer ou infirmer cette
hypothèse.
6. L’histoire économique de l’aire musulmane
La civilisation musulmane commence réellement avec le départ, en l’an 622, du
prophète Mahomet vers Médine après qu’il eut quitté la Mecque où il était persécuté.
De là, il fonde un Etat islamique et après plusieurs conquêtes, retourne à la Mecque
en l’an 629, soit 7 après son départ, cette fois triomphant. L’Islam va connaître une
période faste d’expansion vers toutes les directions. A l’Ouest l’Egypte, Carthage,
l’Afrique du nord et l’Espagne (en l’an 712) sont conquis. A l’Est, l’Iran se convertit en
l’an 651. L’expansion continue en Asie du sud, en Indonésie et en Chine. L’empire
ottoman prend le relais à partir de l’an 1477, principalement dans les Balkans et
Constantinople en 1453. Au bout de huit siècles de conquêtes, le monde arabo-
musulman constituait une zone unifiée autour d’une religion et d’une langue (à
69
quelques exceptions prés), avec des institutions de droit, des universités, des
bibliothèques, des institutions et des sociétés constitutionnellement avancées
Au Moyen âge, la civilisation islamique était à son apogée alors que l’Europe vivait
une des périodes les plus noirs de son histoire. Le déclin du monde arabo-musulman
correspond à l’essor de l’Europe et à,la chute du Califat de Grenade (Faccini, 2005,
p. 2)
Généralement, les travaux menés pour expliquer le déclin du monde arabo-muslman
ont orienté leurs résultats vers deux explications. La première, défendue par le
déterministe géographique affirme que les sociétés du Croissant fertile et de
Méditerranée orientale ont ainsi eu le malheur de voir le jour dans un environnement
écologiquement fragile. En détruisant leur base de ressources, elles ont accompli un
suicide écologique » (Diamond, 2000 cité dans Facchini). L’auteur affirme que « si le
développement s’est déplacé vers l’ouest ce n’est donc pas parce que ses habitants
étaient plus sages, mais parce qu’ils ont eu la chance de vivre dans un milieu plus
robustes, doté de pluies plus abondantes ». Il en conclu que le déclin du monde
musulman est identique à toutes les civilisations de la région.
L’autre thèse défendue par Hayek (1994), Buchanan (1980) et Zywicki (2000) et que
le monde arabo-musulman, basé sur le système de prédation et de conquêtes au
lieu de la production et de l’entreprenariat a permis à l’Europe de se constituer
progressivement en force d’opposition. Facchini (2006) va dans le même sens et
affirme « qu’en inventant le capitalisme, l’Europe a découvert un mode de contrôle
des prédateurs plus performant et s’est donné les moyens de financer une armée
puissante ». Il ajout que «l’histoire du déclin économique musulman est l’histoire
d’un modèle de gouvernement qui étouffe l’initiative entrepreneuriale, flatte l’égoïsme
des prédateurs, s’épuise dans l’extension militaire et limite ainsi ses conditions de
survie dés qu’une autre aire découvre un système institutionnel plus performant ».
Le même schéma a-t-il été répété depuis la décolonisation des pays arabes ? Il
semble que les faits vont dans ce sens.
Droz-Vincent (2004) cité dans Facchini postule que l’autoritarisme, la propriété
d’Etat, et la fiscalité de prédation sont les causes du sous-développement de l’aire
musulmane d’aujourd’hui. Le résultat du nationalisme musulman post-colonial a donc
été l’instauration de pays plutôt corrompus et peu libres économiquement, autrement
70
dit d’Etats bureaucratiques à l’origine d’un secteur public hégémonique (appelé aussi
Makhzen au Maroc) et au service d’un système de redistribution caractérisé par le
clientélisme et la corruption. Les révolutions nationalistes plus ou moins socialistes
dans le monde arabe ont mis en place des modèles d’Etats mercantiles inadaptés à
un monde où règne la concurrence internationale et le libre échange (Facchini,
2006). Elles ont reconstitué des Etats contrôlés par de petits groupes : des familles
(famille Saoud en Arabie Saoudite, Chaykh Sa’ad au Koweit, famille Alaoui au
Maroc), des partis politiques uniques (Irak, Syrie et Algérie), des groupes de
militaires putschistes (nassériens en Egypte et en Libye) ou des systèmes politiques
instables (Mauritanie). La prédation a pris un nouveau visage. Au lieu de conquêtes
et de butins de guerre, les pays arabes ont instauré un système interne de prédation
et de redistribution des richesses aux privilégiés, comme c’était le cas du temps des
califes. L’ouverture récente de certains pays à la concurrence internationale a certes
permis une création de richesse supplémentaire mais uniquement par l’apport de
capitaux étrangers et beaucoup moins par une amélioration des conditions de
production internes et une meilleure redistribution des richesses. La dépendance
d’un pays comme le Maroc aux conditions climatiques (le PIB peut être divisé par
deux en cas d’année de sécheresse !) montre que le pays est encore profondément
sous industrialisé et dépendant de facteurs totalement incontrôlables.
Facchini conclue son étude par affirmer qu’ « une grande religiosité détourne les
hommes des biens de ce monde, leur fait douter des valeurs matérialistes
d’accumulation et les prédispose à prier plutôt qu’à produire. L’Etat le moins efficace
sur le plan économique est celui qui est là non pas pour protéger les droits
individuels, mais pour réaliser l’ordre de Dieu sur terre ». L’Islam serait fataliste pour
cet auteur et prédisposerait à la régression économique. A cela, le Coran répond :
« Ceux qui pratiquent l'intérêt usuraire ne se tiennent au Jour du jugement que
comme se tient celui que le toucher de Satan a bouleversé. Cela, parce qu'ils disent:
'Le commerce est tout à fait comme l'intérêt.' Alors qu'Allah a rendu licite le
commerce et illicite l'intérêt » (Sourate 2, "al-Baqara", La vache, v. 75). On en déduit
donc que théoriquement selon le Coran, les peuples croyants sont plutôt encouragés
à commercer donc à produire et à voyager afin de nouer des relations commerciales.
Ici la signification de l’usure prend plusieurs dimensions. Il ne s’agit pas simplement
de l’acte financier mais également tout ce qu’il implique chez l’individu qui serait tenté
71
de se reposer sur ses revenus d’intérêts. L'argent accumulé dans les comptes en
banque sans être investi tire vers le bas les taux d'investissements et vers le haut
celui de l'inflation. Dieu interdit l'intérêt afin de préserver l'homme de la souffrance du
poids des dettes. N’est-ce pas le surendettement (subprime) qui a créé l’une des plus
grave crise financière, économique et sociale de tous les temps ? Le système de
prédation décrié dans plusieurs recherches n’est pas lié à la religion mais au désir de
possession de l’homme.
Les échecs des différentes tentatives de moderniser les pays musulmans (Iran avec
son système Chariaa, Egypte et le socialisme nassérien, certains pays arabes
comme le Jordanie, l’Algérie, le Maroc avec leur lutte contre le colonialisme
considéré comme la source du sous-développement) ont permis l’émergence d’un
fondamentaliste religieux supposé apporter la solution aux problèmes économiques
et sociaux. On a bien vu que cette dernière tentative n’a conduit en réalité qu’à plus
de régression et a permis aux gouvernements actuels des pays arabes de justifier
leur mode de gouvernance en se posant comme garant de la sécurité au mépris du
développement et de la création de richesse. Renforcés dans leurs prérogatives et
revigorés par l’extrémisme religieux, les gouvernements arabes ont vite fait de surfer
sur la vague sécuritaire pour s’auto-justifier.
Une quatrième voie se dessine peu à peu. Celle de l’Islam de marché (Haenni,
2005). L’islam de marché se veut une alternative à la crise des Etats Providence
autoritaires qui ont accaparé toutes les dimensions de la vie individuelle sans être
capables de répondre aux préoccupations concrètes de leur population. Pour les
tenants de l’islam de marché, la religion pourrait reprendre sa place en se chargeant
de la santé, de l’éducation et plus généralement de la solidarité. La solidarité au nom
de Dieu évincerait la solidarité contrainte des Etats. Cette solution permettrait de
limiter la prédation d’Etat. Elle empêcherait les hommes politiques et les
bureaucrates de justifier leur rente par le respect de la parole du prophète. L’islam de
marché se présente ainsi comme un modèle de développement qui respecte les
valeurs des institutions du marché sans nier les valeurs morales de l’islam.
L’Islam se cherche une voie pour s’encastrer dans la modernité. Le management
n’échappe pas à ce désir des musulmans à trouver une nouvelle voie de ressortir et
72
d’appliquer les valeurs religieuses. Haenni et Tammâm (2007) souligne que depuis
que le management « vise l’intériorité, les croyances et les valeurs, le management
post-moderne multiplie, volontairement ou non, les incursions dans les espaces
religieux» (Revue française de gestion, n°33, page 175). L’incursion du management
dans le religieux a été tentée par Weber la première fois dans son livre « Capitalisme
et éthique protestante ». De nos jours, le management est devenu « évangélique ».
L’abondance de la littérature de comptoir prêchant la « voie à suivre » pour se
réaliser dans son travail en est probablement la meilleure preuve. Certains islamistes
et hommes de religion ont trouvé là une nouvelle voie d’expression de leur foi après
avoir pris leur distance avec les institutions politiques, principalement les frères
musulmans. Ces nouveaux évangélistes musulmans, dont l’un des premiers
représentants est Tariq al-Suwaydân, prêche un Islam ouvert, orienté vers
l’accomplissement (achievement) personnel et la réalisation de soi. De formation
ingénieur dans le pétrole, Tariq al-Suwaydan est vite déçu des messages creux et
sans avenir des frères musulmans. Après des études de management aux Etats-
Unis, il revient s’installer au Koweit, persuadé qu’il a trouvé dans les cours de
management américain, le moyen de « moderniser » l’application de la foi
musulmane. D’autres initiateurs ont suivi le même chemin après avoir été conquis
par les pensées managériales enseignées dans les business schools américaines
ou anglaises. On retrouve notamment Ahmed al-Râshid, Hishâm al-Tâlib, Mohamed
al-Takrîti, Najib al-Rifâî et Ameur Khalid (Haenni et Tammâm, 2007). Cet
engouement d’hommes de religion pour le management anglo-saxon prend
véritablement racine après la traduction en arabe, par Disuqî Amar en 1990, d’un
livre devenu best-seller (Haenni et Tammâm, 2007) et écrit par Steven Covey, «The
Seven Habits of Highly Effective People » (Covey, 1989). A partir des années 90,
l’islamiste barbu prêchant une religion rigide, le sacrifice suprême ou le rejet des
valeurs occidentales a été remplacé par le « winner pieux » (Haenni et Tammâm,
2007) qui cultive plutôt les valeurs de réussite professionnelle et de richesse. La libre
pensée gagne petit à petit du terrain. L’ambition, le succès, l’efficacité et le souci de
soi (Haenni, 2002) trouvent une résonance auprès de la jeunesse musulmane et des
élites. Ameur Khalid, dans ses discours religieux explique que la « richesse est un
cadeau du ciel et que le musulman fortuné est le favori de Dieu, car il va dépenser sa
fortune pour la cause de Dieu et dans les oeuvres de bienfaisance » (Sunâ-a al-
Hayat, 2007).
73
Tous ces nouveaux managers-prêcheurs des pays du Golf ont trouvé dans cette
nouvelle voie une résonance forte des concepts managériaux avec les valeurs de
l’Islam. Ahmed Mohamed cité dans Haenni et Tammâm (2007) rappelle que son
émission s’intitule « Bien sûr nous le pouvons » mais qu’on fond de lui il se dit « Bien
sûr, nous le pouvons, si Dieu le veut ».Des mots comme « itquân » voulant dire
‘l’excellence’, « al Gawda » traduit comme ‘la qualité’, « al-Tanmiyâ » qui veut dire
‘développement’ ou encore « al-Taraquî » traduit par ‘l’ascension sociale’ sont des
incitations à l’action, à l’entrepreunariat et à la réalisation de soi. Toutes ces valeurs
résonnent avec une grande amplitude.
Certaines critiques n’ont pas manquées d’être soulevées sur cette nouvelle tendance
à associer le management à l’Islam. L’une d’entre elle, soulevée par Mohamed Adel-
Gawad cité dans Haenni et Tammâm (2007), est que le management américain
contiendrai des valeurs locales qu’il est nécessaire de reformuler, même si Akram
Reda, cité dans Haenni et Tammâm (2007) considère que les valeurs du
management occidental sont des « valeurs-cadre faiblement prescriptives et donc
facilement ‘formatable’ ». Abdel-Gawad cite l’exemple du rapport au temps. Le temps
est certes important dans le management mais il doit être adapté aux réalités locales.
Il fait tenir compte du « tarhîb », soit du devoir d’hospitalité qui est encore plus
important que le rendement financier. L’auteur reproche à certains nouveaux
prédicateurs convertis aux vertus du management américain de prendre les valeurs
jugées compatibles avec l’Islam sans réel effort d’adaptation. L’Islam devrait plutôt
avoir un rôle structurant en s’appuyant sur les recherches et la Science existante
pour créer un nouveau savoir. L’Islam passerait d’un rôle de contenu, enfermé dans
un carcan rigide et non évolutif, vers un rôle de contenant, capable de recevoir les
savoirs, de les intégrés et les faire évoluer.
Probablement que plusieurs années seront nécessaires pour dresser un bilan de
cette nouvelle tendance mais la remise en questions des privilèges de rentes, des
passe-droits et du clientélisme ne s’avouera pas vaincu. Par ailleurs, ces nouveaux
managers musulmans utilisent encore beaucoup de références religieuses à leur
discours, trahissant par là même leur souci constant de ne pas se mettre à dos les
frères musulmans. Il faudra également s’attendre à des réactions violentes de la
part des rentiers. L’Islam doit se libérer du joug des prédateurs et de ceux qui l’ont
74
tourné en leur faveur pour des objectifs contradictoires de ceux enseignés par le
prophète. Rappelons tout de même que Mahomet était un excellent négociateur et
homme d’affaire avant d’être un chef de guerre et qu’il était riche avant de devenir
pauvre une fois converti à l’Islam non pas que la religion lui ait ordonné la pauvreté
mais par les embargos successifs appliqués par les habitants de la Mecque sur les
premiers musulmans convertis pour les punir ou les chasser. Rappelons enfin que
dans un de ses Hadith, le prophète Mahomet avait une fois remarqué qu’un croyant
passé son temps à prier, pensant bien faire. Le prophète Mahomet (que paix soit sur
Lui) ordonna au croyant d’aller plutôt travailler pour créer de la richesse au lieu d’être
inactif et improductif. Rappelons enfin que le premier message révélé par Dieu à
Mahomet n’était pas celui d’être un prédateur, un rentier ou encore un privilégié. Son
premier message fût : « Lis, par le nom de ton Seigneur qui a créé, qui a créé
l'homme d'un caillot de sang. Lis! Car ton Seigneur, le Très Noble, c'est Lui qui a
enseigné par la plume. Il a enseigné à l'homme ce qu'il ne savait pas ». Le Coran,
dans plusieurs versets, traite de certains aspects de la science, en tant que sujets
généraux. Ces versets, dans une ère où les individus et les sociétés ont foi en la
science devraient inciter les musulmans à entreprendre et innover. L’Islam et le
Coran considère que la force et la puissance des nations est évaluée par la science,
la technologie, la culture, la connaissance, l'innovation et les découvertes. La plume,
c'est-à-dire le premier instrument d'écriture, est la première chose sur laquelle Dieu
s’est adressé à son prophète. Je pense donc que l’Islam a été instrumentalisé à des
fins politiques, économiques et d’hégémonisme pour préserver certains intérêts
individuels ou détriment du vrai message révélé. Ce qui expliquerai pourquoi au
Maroc par exemple, les concepts religieux ne sont que faiblement appliqués
(corruption, usure, etc.) et que la recherche est atrophiée. A ce titre, le succès de
certaines chaînes de télévisons des pays du golf prêchant un Islam ouvert et
tolérant, prônant l’accomplissement de soi et le travail.
75
PARTIE II
1. Méthodologie de recherche, pertinence du sujet et hypothèses
Le cadre théorique de mon travail de recherche (Legendre, 1993 ; Huberman et
Miles, 1991) prend racine à partir d’un constat et d’observations empiriques. Après
une expérience de 4 années au sein d’une PME marocaine et d’une année dans une
entreprise de textile, il m’est apparu au bout de 6 mois d’exercice que les résultats
escomptés en terme d’amélioration de la productivité, de la mise en place de
méthodes de planification et de gestion, les projets ne donnaient pas les résultats
attendus. L’intérêt de comprendre pourquoi les méthodes qui ont fait leur preuve
dans d’autres environnements de travail dans lesquels j’ai exercé comme au Canada
ou en Suisse par exemple ne fonctionnent pas dans un milieu professionnel de
culture différente, m’a conduit à rechercher les causes profondes du problème et
d’identifier les « écarts ressenti ou observés entre une situation actuelle et une
situation souhaitée (Lefrançois, 1991). L’objectif de la recherche selon l’approche de
Demers (1993) consiste à valider des réponses que j’avais trouvés avant même de
démarrer mes travaux de recherche. Il s’agit donc dans cette thèse de rendre
conscient les réponses aux questions que je me suis posé et de les présenter sous
une forme « scientifique ».
Il est question de décrire les faits, les expériences et les anecdotes qui ont jalonnée
toutes ces années de pratique au Maroc. Il s’agit de présenter les difficultés de
départ (relation hiérarchique, difficulté de communication, pouvoir, notions classique
de performance, application des théories et modèles managériaux universels) et de
résumer les expériences locales d’autres managers (questionnaires).
L’élaboration du cadre théorique consiste à identifier les variables principales
susceptibles d’exercer une influence sur le phénomène étudié. Pour ce faire, nous
établissons les hypothèses de recherche à valider ainsi que la perspective théorique
appliquée tout au long de ces travaux. Nous expliquons comment les données ont
été établies, quelle est la population cible, quelles sont les variables indépendantes,
dépendantes et modératrices que nous décomposons en indicateurs susceptibles de
mesurer de façon concrète la variabilité les concepts définis. Le choix des indicateurs
76
est important car il conditionne les résultats obtenus. Des indicateurs différents pour
un même sujet d’étude peuvent donner des résultats contradictoires.
Par ailleurs, DeBruyne et Herman (1974) ont souligné que le chercheur peut occuper
une position très différente selon qu’il est, d’un coté, un observateur distant et
détaché du réel qu’il étudie ou, à l’autre extrême, qu’il y est impliqué personnellement
et l’aborde en quelque sorte de l’intérieur. Mon expérience sur le terrain pendant une
durée de 5 ans et ma participation de façon active, non pas à la recherche en tant
que tel mais à l’application des hypothèses énoncées ci-dessous, me positionne
tantôt comme un acteur actif dans la vie des sujets étudiés tantôt comme un élément
neutre utilisant des procédés de collectes de données auprès de l’échantillon
sélectionné. Mais la méthodologie de la recherche étant hypothético-déductive, la
position de « neutre » est celle qui représente le mieux mon mode d’investigation.
2. Les hypothèses
Ce travail consiste à confirmer ou infirmer deux affirmations provisoires (Mace,1989 ;
Lefrançois, 1991) sous forme de deux hypothèses principales qui sont de démontrer:
HYPOTHESE PRINCIPALE 1 : qu’un nombre important de managers marocains et
étrangers formés dans les écoles de management occidentales font face aux mêmes
difficultés d’adaptation culturelle
HYPOTHESE PRINCIPALE 2 : qu’il existe des ressources inattendues dans la
performance des PME marocaines en dehors des schémas classiques d’amélioration
de la performance appris dans les écoles de managements françaises et
américaines.
Le schéma ci-dessous résume le chemin qui m’a mené à entreprendre cette
recherche dans le but de répondre à la question suivante : Quels peuvent être les
ressorts à utiliser comme levier pour rendre intelligible les concepts classiques du
management et améliorer la performance de l’entreprise et de faire adhérer les
équipes autour de cet objectif ?
77
Afin de mieux cerner l’objet de recherche, je tente de répondre aux questions
suivantes de façon la plus précise possible (Tableau ci-dessous) :
Tableau 10 : Caractéristiques et contexte de l’objet de recherche Quelle est l’ampleur de l’objet ? - PME marocaines représentent plus de 80%
des entreprises
- Très peu d’accès aux connaissances
universels de management
- Nombre de managers étrangers et
marocains formés à l’étranger exercent au
Maroc
- Politiques de modernisation toutes azimutes
lancées par le gouvernement marocain pour
améliorer les pratiques de gestion
- Ampleurs des prêts européens (programme
MEDA, Agence française de développement
…) d’aide aux entreprises marocaines pour
améliorer qualité, productivité et niveau de
formation professionnel
Quelle est la situation dans le champ des
connaissances ?
- Largement étudié depuis l’école des
ressources humaines jusqu’aux études les
plus récentes sur le management interculturel
- N’apportent que des réponses au « pourquoi »
mais peu de réponses au « comment »
Quelle est la signification sociale de l’objet ? Expliquer le phénomène de distorsion culturelle
dans une optique non moralisatrice ou
philosophique. Réduire la souffrance au travail
des travailleurs immigrés et améliorer leur
leadership
Quels sont les protagonistes et la population
étudiée ?
Managers marocains ou étrangers formés dans
les écoles de mangement occidentales et
exerçant dans des PME marocaines
Source : Basé sur les travaux de Jeannin (2003)
78
3. La faisabilité
Par ailleurs, je tente à travers un certain nombre de questions de m’assurer de la
faisabilité de cette étude en terme de précisions, de pertinence et de clarté. Le
tableau ci-dessous présente les questions et les réponses les différentes dimensions
du problème ainsi que sa pertinence, son cadre et les théories qui s’y rattachent.
Tableau 11 : La faisabilité de l’étude et le cadre de travail Le sujet est-il pertinent ? Touche directement la performance des
managers et celles des PME marocaines
mais également les multinationales
implantées au Maroc
L’analyse du sujet permet-elle de
comprendre (valeur explicative) ?
La source des difficultés est bien identifiée.
Les conséquences sont vérifiables
Le sujet étudié donne la possibilité d’y
apporter une réponse ?
Les réponses aux questionnaires montrent
clairement que des solutions concrètes ont
été adoptées
Quelles sont les dimensions du problème
étudié ?
Sociologique, culturelle, économique et
organisationnelle
Quelles sont les théories managériales
associées au sujet étudié ?
OST – Théorie de la contingence – Théorie
des ressources humaines – Sociologie des
organisations – Culture et management
comparé
Source : Basé sur les travaux de Jeannin (2003)
4. Les outils de la recherche
La méthode de validation (Lefrançois, 1991) des hypothèses fait appel une récolte de
données au moyen de questionnaires composé de questions fermés et préformés
avec quelques questions ouvertes (Lefrançois, 1991). Les informations récoltées
sont de types quantitatives et qualitatives et le positionnement épistémologique est
un positionnement constructiviste. Compte tenu des informations nécessaires pour
l’étude, la population cible (Potvin, 1990) est constituée d’un échantillon représentatif
(Lefrançois, 1991) de managers exerçant au Maroc et ayant fait des études à
l’étranger. La zone géographie étudiée est limitée aux villes de Casablanca et Rabat.
79
L’hypothèse est le fruit d'observations, d'expériences et de connaissances étendues.
Le chercheur est censé connaître tout ce qui a déjà été fait ou dit sur le sujet qui
l'intéresse. Et s'il est vrai que les moyens informatiques permettent aujourd'hui de
trouver plus facilement les ouvrages et les articles nécessaires à sa réflexion, la
prolifération de ces derniers, due à une pression aggravée sur les chercheurs pour
qu'ils publient beaucoup, fait contrepoids. Se documenter sur un sujet peut prendre
des mois. Et comme les publications paraissent sans cesse, ce travail de
documentation, où « veille scientifique », n'est jamais véritablement terminé (Le
Monde du 02 février 2009). Il est donc nécessaire de prendre en compte le fait qu’il
doit certainement y avoir des études comparables réalisées dans d’autres institutions
de recherche à travers le monde et qu’il est très difficile de cerner toutes les
connaissances qui jaillissent simultanément dans un domaine spécifique.
5. Les variables étudiées
Dans un premier temps, j’établie le type d’environnement dans lequel le manager
évolue à travers les variables indépendantes définis ci-dessous mais qui ont tout de
même une influence sur la performance des entreprises indépendamment du facteur
culturel étudié dans cette thèse.
Les variables indépendantes (Van der Maren, 1991) mais qui ont un effet sur la
performance :
• Organisation administrative défaillante
• Nature des entreprises étudiées
L’objectif ici est de montrer que les managers interrogés évoluent pour la plupart
dans des entreprises peu ou pas structurées, à forte concentration de main d’œuvre
peu ou pas qualifié et que cela ne facilite pas leur intégration.
La validation de l’hypothèse 1, celle qui veut que les managers rencontrent les
mêmes difficultés se fera par l’analyse des 4 variables suivantes :
• La compréhension : Elle est mesurée selon que le manager rencontre des
problèmes de langage, de traduction ou de niveau scolaire des membres
de son équipe. L’hypothèse retenue est que la compréhension des
concepts managériaux est faible
• La communication : Cette variable est mesurée selon que le manager
arrive à être proche des membres de son équipe, qu’il se rapproche des
80
plus anciens. L’hypothèse est que la communication entre le manager est
les membres de son équipe est problématique, surtout avec les plus
anciens
• L’autorité du manager sur son équipe : Cette variable est mesurée selon
que l’entreprise permet au manager de sélectionner de nouveaux
candidats sans que la hiérarchie intervienne où qu’il puisse refuser un
recrutement dans son équipe. L’hypothèse est que la hiérarchie interfère
de façon directe dans le processus de recrutement mais également dans la
gestion quotidienne des équipes.
• L’autonomie et la marge de manœuvre du manager dans la gestion de son
équipe. Il est question ici de savoir si le manager dispose de l’autorité
suffisante pour diriger son équipe comme il le souhaite sans l’interférence
de la hiérarchie. L’hypothèse est que le manager ne dispose pas de
l’autonomie suffisante pour diriger son équipe comme il l’entend.
Chaque variable est mesurée par une série de questions présentée dans le tableau
des indicateurs de mesures.
Dans un deuxième temps, je définis les ressorts que les managers auraient utilisé
comme variable modératrice afin d’améliorer la performance de leur équipe.
Ci-dessous, les variables modératrices mesurées (Van der Maren, 1991) :
• Connecter les méthodes de management avec les concepts religieux : Cette
variable nous renseigne si les managers utilisent des références religieuses
pour faire comprendre les concepts de management. L’hypothèse est que les
notions religieuses ne sont que peu utilisées et qu’elles n’ont pas d’effets sur
la compréhension des notions de management.
• Ajuster le comportement (les échanges, communication, langage, la langue,
les méthodes de gestion, les références religieuses, l’embauche des jeunes) :
Cette variable devrait mettre en évidence le fait que le manager adapte ses
méthodes dans l’application des concepts classiques de management. Elle est
mesurée par des questions sur le changement de comportement du manager
comme par exemple de savoir si le manager a faciliter la communication ou
s’il s’est rapproché des membres de son équipe.
81
Enfin, la variable dépendante (performance des équipes) représente les résultats
attendus par les managers une fois qu’ils auront agi sur les variables modératrices.
La variable dépendante (Lefrançois, 1991) mesurée est défini comme suit :
• Performance des équipes sous la responsabilité du manager.
Cette variable permet de vérifier si cette adaptation a eu un résultat positif sur la
performance des équipes et également de savoir comment les managers mesurent
la performance de leur équipe (production, Chiffre d’affaire, indicateurs de
performance) car l’outil de mesure n’est pas toujours mis en place.
Dans un troisième temps, il serait intéressant de chercher des corrélations entre les
différentes variables étudiées afin de répondre aux questions suivantes :
• Est-ce que l’âge ou l’ancienneté pourrait influencer sur les problèmes de
communication (le fait qu’un manager soit jeune, il peut être moins pris au
sérieux) ?
• Est-ce que les entreprises à forte concentration de main d’œuvre sont celles
où les managers font le plus face aux problèmes d’adaptation (textile,
industrie, travaux publics)
• Est-ce que les problèmes organisationnels sont corrélés avec la secteur
d’activité (ici les secteurs sont été regroupés en deux catégories que
présentera juste après) ?
• Quel est le facteur le plus déterminant du comportement des managers qui a
influencé la performance (est-ce l’adaptation de son comportement, le
rapprochement vers ses équipes, les références religieuses ou l’embauche
des jeune ?)
• Parmi les difficultés vécues par le manager, quelle est celle qui est la plus
importante ? (communication, autonomie, autorité, compréhension)
• Est-ce que l’expérience à un effet sur les difficultés rencontrées par les
managers ?
• Qu’elle est parmi les adaptations qu’a fait le manager, celle qui explique le
mieux l’amélioration de la performance ?
82
Certainement que d’autres liens entre variables apparaîtront une fois l’analyse
des données réalisées sous le logiciel de statistiques utilisée pour cette étude qui
est SPSS.
Chaque variable est mesurée à l’aide d’un certain nombre d’indicateurs (Tableau
des indicateurs de mesure) que l‘on retrouvent sous forme de questions (voir
questionnaire en annexe). Afin d’éviter un effet de biais de la part du répondant, j’ai
volontairement éparpillé les questions associées à chacune des variables. Ainsi le
répondant ne pourra que difficilement associé une question à un thème particulier et
serait tenté de répondre da façon à orienter ses réponses selon un choix qu’il aurait
fait avant même de finir les questions liées à une variable particulière.
Tableau 12 : Indicateurs de mesure des variables
Variable Indicateurs Autorité du manager sur ses équipes è 4 questions
28. Vous avez eu de la difficulté à faire exécuter des tâches A inverser
24. Certains membres de votre équipe considèrent qu’ils n’ont pas de compte
à vous rendre
10. L’entreprise a tendance à imposer les décisions de la hiérarchie
supérieure
Organisation administrative è 6 questions
2. L’entreprise possède des départements et services clairement définis
6. L’entreprise possède des définitions de poste claires et précises
11. L’entreprise a un processus clair et précis pour le recrutement
14. L’entreprise fait respecter les procédures mises en place
17. L’entreprise organise de façon régulière des réunions de travail
20. L’entreprise considère la qualité comme une priorité Autonomie du manager è 3 questions
8. L’entreprise vous permet de sélectionner les membres de votre équipe
31. Vous avez toute la latitude pour refuser un recrutement dans votre équipe
29. Vous dirigez votre équipe sans l’intervention de vos supérieurs
hiérarchiques Communication
è 6 questions
23. Vous avez trouvé des difficultés à communiquer avec vos équipes
7. Vous arrivez à partager avec vos équipes les plans d’affaire et les objectifs
de vos projets
15. Vous utilisez le dialecte local pour expliquer vos méthodes de gestion
18. Vous arrivez à traduire de façon claire les concepts de management
19. Vous pensez que les membres de votre équipe communiquent avec
vous pour tout problème professionnel ?
Compréhension des Techniques managériales par les membres de
32. Vous arrivez à appliquer les méthodes de management apprises au cours
de votre formation
33. Votre équipe comprend facilement les méthodes de management que vous
83
l’équipe è 3 questions
voulez utiliser
40. Vous pensez que vos équipes comprennent clairement des notions de
performance (productivité, optimisation, ..)
Adaptation è 9 questions
è Changement général de comportement
34. Vous cherchez à adapter vos méthodes de gestion aux contraintes de vos
équipes
43. Vous avez du changer de comportement envers vos équipes pour en
améliorer la performance
è Changement Communication
37. Vous facilitez la communication avec vos équipes
42. Pensez-vous que cette adaptation s’est faite sur le plan du langage que
vous utilisez ?
è Rapprochement
38. Vous essayez de vous rapprocher des membres de vos équipes les moins
favorables à vos méthodes de gestion
44. Vous essayer de partager plus de temps avec vos équipes
è Utilisation de références religieuses
35. Vous utilisez des références religieuses pour faire comprendre à vos
équipes des notions de management
47. Les membres de votre équipe sont plus attentifs lorsque vous présentez
un concept managérial et que vous y associez un devoir religieux ?
è Embauche des jeunes
46. Les jeunes membres de votre équipe appliquent plus facilement sur le
terrain les méthodes que vous voulez appliquer ?
45. Y a t’il d’autres aspects dans la manière dont vous gérez vos équipes qui
ont pu à un moment ou un autre améliorer la performance dans la réalisation
de vos projets ?
Si oui, laquelle ?
Performance des équipes sous la direction du manager è 6 questions
41. Jugeriez-vous que vous avez amélioré la performance de vos équipes en
adaptant vos méthodes de gestion
36. Jugeriez-vous que vos équipes appliquent vos méthodes de management
plus facilement ?
49. La performance de votre service s’est améliorée depuis que vous en avez
la responsabilité ? Si oui, comment l’avez-vous mesurez ?
52. Utilisez-vous un outil de mesure qui vous permet de mesurer le
rendement de vos équipes ? Si Oui, lequel ?
50. Les membres de votre équipe utilisent des outils de pilotage (tableaux de
bord, reporting, mémoire de projet, ..)?
53. Les membres de votre équipe se conforment aux exigences de productivité
84
Notons par ailleurs que la validité de cette étude, basée sur l’homogénéité de la
population dont sont tirées les sujets, accroît la précision et le contrôle (DeBruyne et
Herman 1974) mais les résultats sont moins généralisables. Cependant, March (et
all., 1991) ou Mintzberg (1979) postulent le principe de l’unité de nature entre les
différentes organisations : « Tout phénomène observé dans une organisation à
vocation à se reproduire dans d’autres organisations, et chaque recherche sur
chaque organisation a potentiellement une portée générale » (Romelaer, 1994).
6. La méthode de collecte des données
La méthode de recueil de données choisie est celle du questionnaire auto-administré
(Lefrançois, 1992) avec des entretiens simultanément pour expliquer aux managers
des questions ou des points qu’ils n’auraient pas compris. Facile d’utilisation,
pratique par son coté neutre (le chercheur n’intervient pas de façon active sauf sur
demande pour éclaircissement de certaines questions), le questionnaire permet une
diffusion large, rapide et peu coûteuse. Le questionnaire permet d’atteindre des
managers dans d’autres villes qui seraient autrement inaccessibles. De plus, le
risque d’obtenir des « réponses de façade » (Fenneteau, 2002) est plus faible.
L’anonymat des questionnaires permet d’obtenir des informations parfois
confidentielles et peut être administré sous plusieurs formats (papier, électronique).
L’un des inconvénients majeur du questionnaire auto-administré est le risque
d’obtenir un taux de réponse faible (Fenneteau, 2002). Par ailleurs, les réponses
obtenues peuvent être partielles, ce qui invalide le questionnaire en totalité. Enfin, il
est impossible de savoir si la personne qui a répondu au questionnaire est celle que
l’on souhaiter réellement interroger (Fenneteau, 2002).
Les types de questions utilisées dans le questionnaire sont des questions fermées et
des questions ouvertes. Chacun catégorie de question est utilisée selon l’objectif
attendu de la question. Avec le type de question fermée, la collecte d’information est
simple et fiable (Fenneteau, 2002). Les informations ainsi obtenues sont
standardisées, facilement codifiables et statistiquement comparables. En fournissant
la liste des réponses possibles, les personnes ont plus de facilité à répondre sans
effort supplémentaire de mémorisation. De plus, les personnes qui craignent d’être
réprouvées en affichant leur opinion fournissent des réponses sincères quand la
85
question est fermée (Fenneteau, 2002). La majorité des questions posées dans cette
étude sont des questions fermées qui utilisent l’échelle de Likert (5 échelons de
réponse) qui permet d’exprimer un certain degré d’accord ou de désaccord avec la
proposition énoncée.
L’utilisation des questions fermées s’accompagne de simplifications réductrices. En
effet, Feneeteau (2002) souligne que « cela ouvre la voie à différentes
déformations ». D’après l’auteur, la nature des mots utilisés et l’ordre de
présentations des modalités peuvent exercer une influence sur les réponses. Les
réponses aux questions fermées ne fournissent pas d’indication sur la façon dont la
question a été comprise. La répétition des questions fermées peut amener chez le
participant une certaine lassitude et le conduire à répondre de façon distraite aux
réponses suivantes. Par ailleurs, DeBruyne et Herman (1974) affirment que les
questions fermées sont sujettes à exclure des aspects souvent importants que le
chercheur ignore ou qu’il a négligé d’intégrer dans son choix de réponses.
Dans le cas présent, les questions fermées sont préférées car je souhaite déterminer
si les indicateurs que j’ai utilisés au cours de mon expérience d’amélioration de la
performance de mes équipes restent valables et applicables dans d’autres
entreprises similaires. Ci-dessous deux tableaux qui résume les avantages et les
inconvénients du questionnaire et des questions fermées.
Tableau 13: Avantages et inconvénients du Questionnaire auto-administré
Avantages Inconvénients
è Facile d’utilisation
è Pratique par son coté neutre (le
chercheur n’intervient pas de façon
active sauf sur demande pour
éclaircissement de certaines
questions)
è Permet une diffusion large, rapide et
peu coûteuse
è Cible plus large
è Taux de réponse faible (50%)
è Réponse partielle (60%)
è On ne sait pas qui répond au
questionnaire
è Réponses de convenance
Source : Feneeteau (2002)
86
Tableau 14 : Avantages et inconvénients des questions fermées
Avantages Inconvénients
è La collecte d’information est simple et fiable
è Les informations ainsi obtenues sont
standardisées, facilement codifiables et
statistiquement comparables
è Plus de facilité à répondre sans effort
supplémentaire de mémorisation
è Intimité et sincérité
è Simplifications réductrices
è La nature des mots utilisés et l’ordre de
présentations des modalités peuvent exercer
une influence sur les réponses
è Pas d’indication sur la façon dont la
question a été comprise
è Peut exclure des aspects souvent
importants que le chercheur ignore ou qu’il a
négligé d’intégrer dans son choix de réponses.
Source : Feneeteau (2002)
7. Les problématiques rencontrées
La problématique comme le rappelle Legendre (1993) constitue « l’étape initiale
d’une démarche de recherche, où, à partir d’une prise de conscience générale de
lacunes, il s’agit de décrire les symptômes, les incidences déplorables et la genèse
d’une situation perfectible en vue d’en venir progressivement à identifier les causes».
Le désir de réaliser ses travaux de recherche prend ses racines dans mon
expérience professionnelle au Maroc après avoir travailler plusieurs années en
Amérique du Nord et en Europe. Je constate rapidement que les méthodes de
management apprises durant ma formation de manager et appliquées dans les
entreprises ne permettent pas d’obtenir les résultats escomptés en terme de
performance et de productivité. L’application des théories managériales classiques
en vue d’améliorer la performance globale des organisations (gestion scientifique et
rationnelle des processus, mise en place des indicateurs de performance,
planification, contrôle, reporting, programmation, performance des ressources
humaines, productivité, motivation) semblait se heurter à des obstacles culturels et
communicationnels importants. Ce décalage entre d’une part une approche
scientifique, rationnelle et orientée vers l’optimisation des ressources internes de
l’entreprise et la maximisation du retour sur investissement et d’autre part un milieu
professionnel insensible aux notions de productivité a engendré des frustrations et
87
un stress professionnel intense qui ne s’est réellement résorbé qu’avec l’adaptation
des méthodes classiques de management aux sensibilités locales.
La première difficulté rencontrée était celle de la compréhension des concepts
managériaux modernes par les membres de mon équipe. La problématique du
linguocentrisme (Dupuis, 2007) (maîtrise de la langue condition nécessaire mais pas
suffisante) se posait de façon critique car des concepts comme rendement,
productivité, planification ou « just in time » n’avaient pas le même sens ou n’étaient
tout simplement pas compris. Il semblait également qu’il y est eu des problèmes de
traduction. Chaque mot spécifique utilisé renvoie vers une signification contextuelle
différente selon que je l’utilisais comme concept managérial ou comme outil de
travail. La plupart des membres de mon équipe ne voulaient pas reconnaître leur
ignorance. Ce n’est qu’une fois que l’individu est confronté aux difficultés que je
réalise le défaut de compréhension. A l’évidence, les objectifs pour lesquelles j’ai été
embauché n’allaient pas être atteins. Il a fallut donc « traduire » les notions
managériales en terme intelligible et assimilables. Parmi les méthodes que j’ai
utilisée est l’approche religieuse puisque j’évolue dans un contexte religieux intense.
La question était donc : « Comment les éléments mis en place peuvent résonné avec
l’univers religieux, et comment ces éléments peuvent constituer un facteur de
mobilisation, de performance et de satisfaction ? ». Il s’agissait de coordonner
compétence linguistique et managériale et compétence socioculturelle (Geoffroy,
2001). L‘adaptation du langage a été un élément important du succès de la nouvelle
stratégie de communication que j’ai mis en place. En utilisant des mots simples, des
exemples concrets de la vie quotidienne des employés, j’arrive à faire comprendre
des notions comme la qualité ou le contrôle de gestion.
Une autre difficulté majeure rencontrée dans la gestion d’équipe est l’interférence de
la hiérarchie dans les décisions de recrutement. Souvent, la direction générale
impose de recruter tel ou tel individu pour des raisons souvent plus politique
qu’économique. D’autres fois, la direction réembauche des individus que j’ai licenciés
quelques semaines auparavant pour des raisons d’incompétence. La seule
explication fournie par la hiérarchie est que la ressource est « indispensable » car la
compétence recherchée n’a pas été trouvée sur le marché du travail. Seulement, le
88
plus souvent il s’agit de compétences basiques comme technicien de contrôle ou
même coursier.
En résumé, il est question dans ce travail de recherche d’identifier dans un premier
temps, les problèmes rencontrés par les managers marocains et étrangers formés
dans les écoles de management occidentales (principalement en Europe et EN
Amérique) et de vérifier que ces problèmes sont plutôt présents dans les entreprises
dont la main d’œuvre est peu qualifiée.
Dans un deuxième temps, l’étude se propose d’identifier quelles ont été les solutions
adoptées par les managers ayant rencontré ces difficultés. Il sera question de trouver
quelles sont les solutions qui ont eu effet sur la performance des équipes.
8. Les échelles de mesure
Afin de mieux comprendre quel rôle peuvent jouer des variables comme la taille de
l’entreprise, le nombre d’années d’expérience du manager, l’organisation des
entreprises interrogées, il sera procéder d’une part, à l’analyse de corrélation entre
ces différentes variables et la performance, et d’autre part l’influence que peuvent
avoir ces variables sur les difficultés rencontrées par les managers. Voici comment
sont définis ces variables :
Tableau 15 : Définition des variables indépendantes Variabes Intervalle Echelle
Taille Entreprise mois de 100 4entre 100 et 500 3entre 500 et 1000 2
taille forte plus de 1000 1
Taille Equipe mois de 10 4entre 10 et 50 3entre 50 et 100 2
taille forte plus de 100 1
Secteur Services (Fortement qualifiée) 1main d'œuvre faiblement qualifiée TP+Textiles+Industries 2
Experience au Maroc mois de 1 an 4entre 1 et 5 ans 3entre 5 et 10 ans 2
experience forte Plus de 10 ans 1
Les solutionsConnexion des concepts managériaux avec des valeurs religieuses
L�image de jeunes
Rapprochement des équipes
Adaptation de la communication
Adaptation comportementale
Les solutionsConnexion des concepts managériaux avec des valeurs religieuses
L�image de jeunes
Rapprochement des équipes
Adaptation de la communication
Adaptation comportementale
PERFORMANCE DES EQUIPES
IMPACT
89
Afin de garder une cohérence dans la comparaison des variables, toutes les échelles
de mesure utilisées dans cette étude vont dans le sens que plus un score est élevé,
plus la variable est faible. Par exemple, un manager qui répond que son entreprise
évolue dans le secteur du textile, le score sera de 2 puisque c’est dans ce secteur
que l’on trouve la main d’œuvre la moins qualifiée. Il est en est de même pour les
difficultés du manager et l’organisation des entreprises étudiées. Si un manager
répond que son autorité est faible, alors le score associé est de 5 (sur une échelle de
1 à 5, 1 étant le score fort). Si une entreprise est mal organisée, le score pour cette
variable sera compris entre 1 et 5 (5 étant l’entreprise la moins organisée). L’objectif
de cette concordance des échelles et de pouvoir comparer facilement les variables
lorsqu’il sera question de les comparer et d’identifier dans quel sens chaque variable
influe sur une autre. Par exemple, il se peut que plus une entreprise est mal
structurée, plus le manager trouve des difficultés pour gérer ses équipes.
9. Les techniques statistiques utilisées
Les principales techniques d’analyse statistiques utilisées dans cette étude sont
l’analyse factorielle, la corrélation bivariée et la régression linéaire. L’analyse
factorielle va nous permettre d’identifier des facteurs regroupant plusieurs variables
et nous pourrons ainsi plus facilement comparer l’évolution simultanée de ces
facteurs et leur influence sur la principale variable dépendante (la performance des
équipes). Cette technique a pour but de condenser un grand nombre de variables ou
d’items d’un questionnaire quelques dimensions unificatrices. Ceci est possible en
analysant les corrélations entre toutes les variables et en faisant ressortir les «
paquets » d’items qui sont fortement corrélés entre eux. Afin d’analyser la cohérence
des variables regroupées, on utilisera l’alpha de Cronbach. Cette technique est
utilisée dans le but de vérifier l’homogénéité d’une échelle de mesure. Cette
consistance interne est une mesure de fidélité en psychométrie et est basée
directement sur la corrélation des items entre eux. Les résultats sont présentés dans
la partie 3.
90
Partie 3 1. Résultats de l’étude
1.1 Les fréquences des résultats principaux
Dans un premier temps, il m’est apparu intéressant de regarder les résultats obtenus
à un niveau brut sans procéder aux transformations statistiques classiques. Cette
analyse plate nous renseigne sur la répartition des réponses obtenues et nous donne
un premier aperçu sur les résultats. Je rappelle que les réponses sont divisées selon
que le manager est « Tout à fait d’accord » (choix « 1 » dans l’échelle de Likert) ou
« Pas du tout d’accord » (choix « 5 »).
A la question de savoir si les répondants trouvent des difficultés à faire exécuter des
tâches au sein de leur équipe, voici la répartition des résultats :
Vous avez rencontré des difficultés à faire exécuter des tâches
% % cumulé Tout à fait d’accord 16,7 16,7
D’accord 50,0 66,7 Ni d’accord ni pas d’accord 16,7 83,3
Pas d’accord 15,0 98,3 Pas du tout
d’accord 1,7 100,0
Total 100,0
On constate que 66,7% des répondants ont trouvé des difficultés à faire exécuter des
tâches par les membres de leur équipe.
La question suivante mesure le degré d’accord du manager selon qu’il arrive à
appliquer les méthodes de management appris au cours de sa formation. Vous arrivez à appliquer les méthodes de management apprises au cours de votre formation
% % cumulé Tout à fait
d’accord 6,7 6,7
D’accord 16,7 23,3 Ni d’accord ni
pas d’accord 26,7 50,0
Pas d’accord 36,7 86,7 Pas du tout
d’accord 13,3 100,0
Total 100,0
91
On constate aisément que les répondants ne sont que 23% à pouvoir appliquer ce
qu’ils ont appris au cours de leur formation de management.
Le tableau suivant nous renseigne sur la perception qu’a le manager de la
compréhension par son équipe des concepts managériaux classiques. On constate
que 56,7% ont le sentiment que leur équipe comprennent ces concepts mais que
seuls 23% des managers arrivent à les faire appliquer (tableau précédent).
Votre équipe comprend facilement les méthodes de management que vous voulez utiliser
% % Cumulé Tout à fait
d’accord 10,0 10,0
D’accord 46,7 56,7 Ni d’accord ni
pas d’accord 30,0 86,7
Pas d’accord 6,7 93,3 Pas du tout
d’accord 6,7 100,0
Total 100,0 Un premier sentiment se dégage de ces trois premiers résultats bruts. Il semble que
les managers trouvent des difficultés à faire appliquer les méthodes de gestion qu’ils
souhaitent et que même si les membres de son équipe arrivent à comprendre ces
méthodes, ils ne les appliquent pas. Il doit y avoir donc d’autres variables qui
expliquent ce phénomène.
Ces résultats bruts montrent qu’un nombre important de managers ont trouvé des
difficultés à communiquer avec leurs équipes. Le tableau ci-dessous met en
évidence que 70% des répondants affirment être tout à fait d’accord ou d’accord
avec le fait d’avoir des difficultés à communiquer avec leur équipe :
Vous avez trouvé des difficultés à communiquer avec vos équipes
Percent % cumulé Tout à fait
d’accord 18,3 18,3
D’accord 51,7 70,0 Ni d’accord ni
pas d’accord 16,7 86,7
Pas d’accord 10,0 96,7 Pas du tout
d’accord 3,3 100,0
Total 100,0
92
Il est bien clair que des difficultés de communication existent et que ces problèmes
pourraient avoir un effet sur la performance. Cependant, afin d’isoler les variables qui
affectent la performance des équipes, des analyses statistiques plus approfondies
sont nécessaires.
Rappelons que les résultats statistiques obtenus dans cette étude vont montrer
qu’effectivement, il existe des liens de corrélation ou de régression entre les
différentes variables étudiées, avec des risques d’erreurs faibles s’il l’on prend
comme intervalle de confiance 5% (un intervalle de confiance de 10% serait
acceptable étant donné que l’échantillon étudié ne dépasse pas 60 managers).
Deux autres variables ont été mesurées pour bien comprendre le contexte dans
lequel les managers évoluent. La première est de savoir si les difficultés vécues par
les managers ont pour origine le manque de confiance ou de respect de la part de
leur équipe. Voici les résultats de fréquences obtenues pour ces deux variables :
Vous pensez que les membres de votre équipe ont confiance en vous
% % cumulé Tout à fait d’accord 53,3 53,3
D’accord 30,0 83,3 Ni d’accord, ni pas d’accord 16,7 100,0
Total 100,0
Votre équipe vous montre le respect auquel vous pensez avoir droit
% % cumulé Tout à fait d’accord 60,0 60,0
D’accord 40,0 100,0 Total 100,0
Il est clair que les managers n’ont pas l’impression que leur équipe leur manque de
respect ou ne lui fait pas confiance.
Le tableau ci-dessous nous montre que les managers ont fait face à des problèmes
d’autonomie dans la gestion de leurs équipes.
93
Vous dirigez votre équipe sans l’intervention de la hiérarchie supérieure
% % Cumulé Tout à fait d’accord 20,0 20,0
D’accord 30,0 50,0 Ni d’accord ni pas d’accord 30,0 80,0
Pas d’accord 13,3 93,3
Pas du tout d’accord 6,7 100,0
Total 100,0
En conclusion, nous constatons que les managers questionnés trouvent des
difficultés auprès de leur équipe pour faire appliquer leurs méthodes de gestion. De
leur coté, les membres de l’équipe comprennent les concepts, respectent leur patron
et lui font confiance mais n’appliquent pas ses recommandations. Autrement dit « je
comprends, je te fais confiance, je te respecte, mais je n’applique pas ». Voila le
dilemme auquel j’ai été confronté et auquel il semble que les managers formés dans
les écoles occidentales font face également. On a ici une première validation de la
hypothèse H1.
1.2 Les analyses statistiques
La deuxième hypothèse, à savoir d’identifier certaines ressources pour améliorer la
performance, sera analysée à travers l’analyse factorielle. La démarche suivie pour
l’analyse factorielle (analyse de composants principales ou ACP) est présentée ci-
dessous pour une variable particulière comme exemple de la démarche suivie. La
même analyse est menée pour toutes les autres variables. La première étape est la
création d’une matrice de corrélation, vient ensuite l’extraction des facteurs et la
sélection des facteurs et éventuellement l’application d’une rotation autour des axes
factoriels si un seul facteur n’arrive pas à expliquer la majeur partie de la variance.
Dans un premier temps, je lance une analyse factorielle sur la première variable
étudiée : La compréhension des concepts managériaux par les membres de
l’équipe. Il s’agit de voir si les questions choisies (32, 33, 40) peuvent être
regroupées en un seul facteur et de vérifier par la suite l’homogénéité du facteur
choisi par l’alpha de Cronbach. Le but est d’expliquer le plus de variance possible
94
dans un facteur avec un nombre de dimensions le plus restreint possible. Voici les
résultats obtenus en utilisant le logiciel SPSS pour la première variable étudiée :
Extraction des variables et distribution (méthode ACP)
Initial Extraction
Q32 1,000 ,765 Q33 1,000 ,645 Q40 1,000 ,840
On constate que la distribution du pourcentage de la variance de chaque question
est très convenable et donc qu’il est pertinent de faire une analyse factorielle autour
d’un facteur en perdant le minimum de variance. Le tableau ci-dessous donne les
résultats suivants :
Total de la variance expliquée
Valeur propre Facteur Total % de Variance % Cumulatif Total % de Variance Cumulative % 1 2,249 74,972 74,972 2,249 74,972 74,972 2 ,514 17,138 92,111 3 ,237 7,889 100,000
On constate qu’un seul facteur arrive à expliquer plus de 74% de la variance totale.
C’est un résultat très satisfaisant. Pour valider ce choix, l’alpha de Cronbach est
nécessaire. Les tableaux suivant montre que c’est bien le cas :
Alpha de Cronbach
Alpha de Cronbach Nbd d’items
,828 3
L’alpha obtenu est de 0,828 (très largement supérieur à 0,7). On considère donc
que le regroupement des questions 32, 33 et 44, qui mesurent la compréhension des
concepts de managements par les équipes étudiées est largement satisfaisant. Le
tableau suivant nous donne un aperçu sur la valeur de l’alpha dans le cas ou un des
items est supprimé :
95
Alpha de Cronbach si un item est supprimé
Scale Mean if Item Deleted
Scale Variance if
Item Deleted
Corrected Item-Total Correlation
Cronbach's Alpha if Item
Deleted Question 32 5,4000 4,651 ,719 ,733 Question 33 6,2000 5,519 ,604 ,844 Question 40 5,8667 3,372 ,787 ,670
L’utilité de supprimer un item parmi ceux sélectionnés pour mesurer la
compréhension n’est pas nécessaire. On en déduite donc que cette variable est
correctement représentée par un seul facteur.
1.3 La construction des facteurs d’analyse
La même technique d’analyse factorielle est utilisée pour toutes les variables
étudiées. Les résultats obtenus sont les suivants :
Tableau 16 : Définition des facteurs d’analyse Facteurs Items Alpha de Cronbach
Pbrl_Autonomie Q8,Q29,Q31 0,793Prbl_Organisation Q2,Q11,Q14,Q20 0,929Prbl_Com Q23, Q19Prbl_Compreh Q32,Q33,Q40 0,828Prbl__Diffusion Q7,Q18,Q15 0,649Prbl__Autorité Q28,Q24 0,767Prbl_Manager Prbl_Compreh+Pbrl_Autonomie+Prbl__Diffusion 0,921Prbl_Manager82 Prbl__Autorité+Prbl_Com
Adapt_Comprt Q34,Q43 Adap_Com Q37,Q42 Adapt_Rapproch Q38,Q44 Adapt_Relig Q35, Q47Adapt_Jeune Q46
Perf_Global Q41Perf_Application Q36Perf_Outil_Mgt Q50,Q53
Certaines variables ont été divisées en deux facteurs. En effet, deux dimensions sont
apparues lors de l’analyse factorielle. Il s’agit en l’occurrence de la variable
« Communication ». Cette variable a été splittée en deux facteurs. La première garde
le même nom « Compréhension », représentée par la question 23 et 19, la
deuxième est intitulée « diffusion » et représente le degré de diffusion et de partage
de l’information par le manager avec ses équipes. La dimension « diffusion » reprend
96
les difficultés de langage et d’utilisation du dialecte par le manager ainsi que du
partage de l’information.
Une fois les différents facteurs initiés et validés par les différents tests statistiques, il
est intéressant de regrouper les facteurs obtenus en un ou deux facteurs globaux qui
pourraient expliquer la variance totale de toutes les difficultés rencontrées par le
manager. Rappelons que l’objectif est de mesurer les difficultés du manager d’un
coté, d’identifier quelles solutions ont été adopté d’un autre et de voir quelles
solutions ont réellement ont eu un effet sur la performance. Afin de comparer ces
trois tendances, il serait intéressant de pouvoir regrouper chacune d’entre en elle en
un ou deux facteurs représentatifs. Nous appliquerons donc la même technique
d’analyse factorielle pour dans un premier temps essayer de regrouper toutes les
variables qui mesurent les difficultés du manager (Autonomie, Autorité,
Communication, Diffusion, compréhension). Le résultat de l’analyse factorielle
(tableau ci-dessous) montre qu’il est correct de regrouper les dimensions
« Compréhension », « Autonomie » et « Diffusion ». En effet, le pourcentage de
variance de chaque question expliqué par le facteur 1 est compris entre 89,2% et
94,7%. Ces trois dimensions sont regroupées sous le facteur « Prbl_Manager » que
l’on retrouve dans le tableau 16. Les deux autres dimensions « Communication » et
« Autorité » sont regroupées dans le facteur 2 appelé « Prbl_Manager2 » qui
explique au moins 80% de la variance pour chaque variable. Analyse factorielle des facteurs de difficultés du manager
Facteur
1 2 Prbl_Com ,802
Prbl_Compreh ,947 Prbl_Autonomie ,943 Prbl_Diffusion ,892 Pbrl_Autorite ,825
2. Analyse explicative des phénomènes étudiés
Après l’étape de consolidation et de regroupement des variables en un nombre plus
restreint de facteurs, nous allons établir les corrélations qui existent entre les
facteurs. La première information judicieuse est de savoir si les problèmes
rencontrés par les managers sont reliés au secteur dans lequel il évolue. Voici le
97
tableau de corrélation entre le facteur « Prbl_Manager » et « Secteur » (variable
définie dans le tableau 16).
Correlations
1 ,314*,015
60 60,314* 1,015
60 60
Pearson CorrelationSig. (2-tailed)NPearson CorrelationSig. (2-tailed)N
Prbl_Manager
Secteur d'acticité
Prbl_ManagerSecteurd'acticité
Correlation is significant at the 0.05 level (2-tailed).*.
On conclue, d’après les résultats du tableau ci-dessus que les difficultés du manager
sont liés au secteur d’activité de l’entreprise. Mais ce tableau ne nous dit pas de quel
secteur il s’agit. Il faut donc procéder à une analyse « ANOVA one way » qui va nous
permettre d’identifier pour quel secteur le manager trouve plus de problèmes. C’est
ce que le tableau suivant nous montre :
On constate clairement que le secteur d’activité dans lequel le manager trouve le
plus de difficultés est celui où la main d’œuvre est la moins qualifiée (le résultat est
significatif puisque le Sig=0,015). En effet, la moyenne du secteur « Textiles -
Travaux publics - Industrie » est supérieure à celle des services. Toutes les variables
mesurées ont été orientées à ce qu’un résultat fort signifie que les difficultés sont
fortes également.
Par ailleurs, nous avons remarqué que les difficultés du manager sont fortement
corrélées avec les entreprises mal organisées. Voici les résultats de l’analyse de
corrélation :
N Moyenne Déviation standard
Service+Informatique+R&D+Conseil (main d’œuvre qualifiée)
41 2,3767 ,82323
Textile+Travaux Publics+Industrie (main d’oeuvre peu qualifiée)
19 2,9942 1,00443
Total 60 2,5722 ,92258
ANOVA One way descriptive
98
Correlations
1 ,862**,000
60 60,862** 1,000
60 60
Pearson CorrelationSig. (2-tailed)NPearson CorrelationSig. (2-tailed)N
Prbl_Manager
Prbl_Organisation
Prbl_ManagerPrbl_
Organisation
Correlation is significant at the 0.01 level (2-tailed).**.
Notons que la relation est très significative. Voyons comment ces deux variables
évoluent et s’il est possible d’expliquer les difficultés du manager par l’organisation
de l’entreprise où il travaille :
Coefficientsa
1,364 ,351 3,881 ,000,598 ,045 ,868 13,400 ,000,072 ,083 ,057 ,863 ,392
-,130 ,078 -,115 -1,675 ,100-,143 ,071 -,140 -2,018 ,048
(Constant)Prbl_OrganisationTaille de l'équipeTaille de l'entrepriseNbr années d'experience
Model1
B Std. Error
UnstandardizedCoefficients
Beta
StandardizedCoefficients
t Sig.
Dependent Variable: Prbl_Managera.
Nous avons testé différentes facteurs pour essayer d’expliquer lequel influence le
plus les difficultés du manager. On constate facilement que les problèmes
d’organisations et les difficultés du manager évoluent dans le même sens. Autrement
dit, plus l’entreprise souffre de dysfonctionnement, plus le manager trouve des
difficultés avec son équipe (coefficient B= 0,598, Sig=0). Notons que les autres
variables, telles que la taille de l’entreprise (Sig=0,392 – Non significatif) ou la taille
de l’équipe (Sig=0,10, non significatif) n’ont pas réellement d’influence sur les
difficultés. Par contre, il est intéressant de noter que le nombre d’années
d’expérience tendrait à réduire les difficultés du manager. Autrement dit, plus le
manager a de l’expérience et moins il fera face aux difficultés dans la gestion de son
équipe (B=-0,143, Sig=0,048, significatif).
3. Les variables explicatives de la performance
Dans cette partie de l’analyse des résultats, nous allons essayer d’isoler les facteurs
parmi ceux qui identifient l’adaptation du manager (voir tableau 16), influencent le
plus la performance des équipes. Rappelons que la performance a été mesurée
Régression linéaire
99
selon deux facteurs principaux : La « Perf_Globale » (ce que ressent le manager de
manière générale) et la « Perf_Outils_Mgt » (mesure le degré d’utilisation des outils
comme les tableaux de bord, le reporting, le pilotage, la productivité, …).
Dans un premier temps, nous essayerons de voir quel facteur explique le mieux la
performance et comment cette relation évolue. Les résultats sont donnés dans le
tableau ci-dessous :
Coefficientsa
1,332 ,723 1,843 ,072-,116 ,186 -,092 -,625 ,535,551 ,245 ,386 2,245 ,030,251 ,126 ,292 1,985 ,053
-,785 ,413 -,278 -1,900 ,064-,347 ,355 -,151 -,978 ,334
(Constant)Adapt_ComportAdapt_ComAdapt_RapprochAdapt_ReligAdapt_Jeunes
Model1
B Std. Error
UnstandardizedCoefficients
Beta
StandardizedCoefficients
t Sig.
Dependent Variable: Perf_Globala.
On tire de ce tableau que deux facteurs expliquent clairement la performance. Il
s’agit de de la communication l’adaptation (adaptation du langage et amélioration de
la communication - B=0,551 et Sig=0,030) et du rapprochement (le manager se
rapproche des membres de son équipe et partage plus de temps avec eux –
B=0,251, Sig=0,053). Le Béta standardisé du facteur « Adapt_Rapproch » nous
renseigne sur le fait que si le manager adapte son comportement et se rapproche de
ses équipes d’une unité supplémentaire • , la performance s’améliorera de • x29,2%
Par ailleurs, notons que l’adaptation religieuse évolue de façon à l’opposé de la
performance globale (B=-0,347 mais Sg=0,334 non significatif). Autrement dit,
l’utilisation de références religieuses n’explique pas l’amélioration de la performance.
En fait, l’analyse suggère même l’effet inverse. On en conclut donc que l’utilisation de
références religieuses pour expliquer des concepts managériaux ne semble pas une
solution adaptée par les managers pour améliorer la perception de la performance
globale.
Nous allons comparer le deuxième facteur mesurant la performance des équipes.
Rappelons que ce facteur mesure l’utilisation des outils classiques du management
par les membres de l’équipe du manager interrogé. Voici les résultats obtenus :
Régression linéaire
100
Coefficientsa
,018 ,381 ,047 ,963,101 ,098 ,171 1,033 ,307
-,075 ,129 -,112 -,578 ,566,029 ,067 ,073 ,442 ,661,434 ,218 ,329 1,992 ,053,104 ,187 ,098 ,558 ,580
(Constant)Adapt_ComportAdapt_ComAdapt_RapprochAdapt_ReligAdapt_Jeunes
Model1
B Std. Error
UnstandardizedCoefficients
Beta
StandardizedCoefficients
t Sig.
Dependent Variable: Perf_Outil_Mgta.
Un seul facteur semble expliqué la performance dans l’utilisation des outils de
contrôle de gestion : le facteur religieux (B=0,434 Sig=0,053). Nous venons de
constater dans le tableau précédent que ce facteur n’expliquait pas la performance
globale. Notons par ailleurs que les jeunes ne semblent pas être un facteur dominant
dans l’amélioration de la performance (Perf_Outil_Mgt). Il semblerait donc qu’il y ait
une contradiction ave le tableau précédent. En réalité, ce paradoxe peut s’expliquer
de la manière suivante. En analysant la corrélation entre les deux facteurs qui
mesurent la performance, on constate qu’elle est négative.
Correlations
1 -,288*,026
60 60-,288* 1,026
60 60
Pearson CorrelationSig. (2-tailed)NPearson CorrelationSig. (2-tailed)N
Perf_Outil_Mgt
Perf_Global
Perf_Outil_Mgt Perf_Global
Correlation is significant at the 0.05 level (2-tailed).*.
Les résultats semblent être contradictoires. En réalité, cela vient confirmer une
attitude assez répandue dans les entreprises marocaines. Les employés peuvent
effectivement être plus enclin à utiliser les outils que les managers leur mettent à leur
disposition mais cela ne garantie en rien l’utilisation efficiente et correcte de ces
outils. Autrement dit, un employé peut utiliser un outil de gestion (tableau de pilotage,
un plan de projet, un outil informatique) mais ne pas s’en servir de façon pratique et
recourir plutôt aux anciennes méthodes. Un exemple concret est celui que j’ai mené
pour l’implantation de l’ISO. Une fois l’ISO 9001-2000 mis en place, les manuels de
qualité bien compris et les procédures respectées, les employés ont effectivement
utilisé les outils comme l’exige les manuels. Une des raisons pour lesquelles j’ai
souhaité implanter l’ISO est de structurer le service des achats pour comptabiliser et
Régression linéaire
101
suivre tous les opérations avec les fournisseurs. Auparavant, les achats se faisaient
par téléphone et il n’y avait pas de contrôle de qualité à la réception. La mise en
place de la nouvelle procédure des achats avec tous les formulaires de contrôle de la
qualité, des délais de livraison et de la réception des documents associés à la
commande devait réduire les erreurs de comptabilité et de facturation. En réalité, les
personnes concernées ont continué à appliquer l’ancienne méthode et remplissaient
les documents à posteriori. Le taux d’erreur ne s’était donc pas amélioré.
De même, l’implémentation d’un système informatique de management de la chaîne
logistique qui devait contribuer à l’accroissement de la productivité par un meilleur
contrôle des transports et des livraisons n’a été que très peu adapté par les chefs de
projets. L’affichage fournis par ce système informatique permet une réaction rapide
et en temps réel à tout retard de livraison, à toute panne d’un camion de transport ou
à tout dépassement dans les quantités de marchandises initialement prévues.
Encore fallait-il faire établir un plan prévisionnel des livraisons pour pouvoir contrôle
les dépassements dans les livraisons. Ce qui devait conduire à une compétitivité
accrue de l’entreprise s’est simplement transformé à un simple outil de contrôle à
posteriori.
Un autre résultat semble émergé des données recueillies. On a constaté dans
l’analyse factorielle que les problèmes du manager forment deux groupes bien
distincts. En effet, les problèmes de communication et d’autorité restent
indépendants des autres difficultés. En retournant aux questions associées à chaque
variable (la communication et l’autorité), il n’y a apparemment pas de justification
logique à ce que les problèmes de communication et d’autorité n’intègrent pas les
autres problèmes dans le même facteur. En procédant à une analyse statistique
utilisant la méthode « ANOVA one way » afin de voir s’il y a un lien quelconque avec
une autre variable, voici les résultats obtenues pour la variable secteur d’activité
102
N Moyenne Déviation standard
Pbrl_Autorite Service+Informatique+R&D+Conseil 41 3,7805 ,93574
Textile+Travaux Publics+Industrie 19 3,2632 ,83945
Total 60 3,6167 ,93140 Prbl_Com Service+Informatique+R&D
+Conseil 41 3,8780 ,55656
Textile+Travaux Publics+Industrie 19 3,3158 1,05686
Total 60 3,7000 ,78762
Le tableau ci-dessus met en évidence que les problèmes d’autorité et de
communication sont plus présents dans les secteurs des services (avec Sig=0,04
pour l’autorité et Sig=0,09 pour la communication donc très significatif) alors que
nous avons trouvé auparavant que les difficultés vécues par les managers sont plus
rencontrés dans les entreprises où la main d’œuvre est faiblement qualifiée. Ce
résultat paradoxal pourrait s’expliquer par le fait que dans les entreprises à main
d’œuvre plus qualifiée, les employés sont plus enclin à remettre en cause l’autorité
de leur patron du fait justement de leur niveau d’éducation. Ce qui pourrait être vu
par le manager comme des difficultés de communication également. Autrement dit,
lorsque le manager évolue dans une entreprise où la main d’œuvre est faiblement
qualifiée, les employés remettent moins en cause l’autorité du manager. Ceci est
peut-être du au fait que ce genre d’employés peu ou pas formés (l’analphabétisme
représente parfois 50% de la main d’œuvre dans les entreprises de travaux publics
et dans l’industrie) ne remettent pas en cause la « parole du chef ». L’affrontement
direct et la critique du chef ne sont pas culturellement acceptable dans un pays à fort
indice hiérarchique selon Hofstede.
4. Conclusion de la partie analyse des données
D’une manière générale, les managers interrogés ont le sentiment d’avoir surmonter
les difficultés de communication, de crédibilité et de performance en adaptant leur
méthode de gestion aux contraintes locales. On constate clairement que cette
adaptation s’est faite sur le plan relationnel et culturel plus que sur le plan technique
ou opérationnel. Autrement dit, le manager formé dans les écoles occidentales à
adapté son comportement en se rapprochant de son équipe, en partageant avec eux
plus de temps et d’informations et en ajustant son langage. Il est remarquable de
103
noter ici que ce sont là les caractéristiques d’une faible distance hiérarchique alors
que le modèle développé par Hofstede (1980) suggère plutôt que le Maroc fait partie
des pays à forte distance hiérarchique. Cette forme d’adaptation est tout à fait
inattendue pour un manager comme moi à qui on a enseigné que le management
doit se pratiquer de façon impersonnelle et que l’amélioration de la productivité
dépendait presque exclusivement de l’ingénierie des processus de travail et de la
mise en place de procédures standardisées. Le management enseigné en Occident
nous apprend que le temps est l’ennemi à combattre et que pour optimiser toute la
chaîne de production et satisfaire le client qui exige toujours plus, il fallait réduire les
temps morts, investir dans les technologies, utiliser des matrices de responsabilités,
dessiner des Blue-Print, automatiser les tâches et gérer de façon efficace les
ressources humaines en les formant, en les motivant et en les contrôlant. Autrement
dit, les leviers de la performance sont a rechercher dans le gain de temps et la
réduction des coûts (« cost-killer »). Or, il semblerait que toutes ces voies
d’amélioration et d’optimisation des ressources et du rendement sont dépendantes
de l’adaptation culturelle des managers et de leurs capacités à composer avec un
environnement où le temps n’est pas gagné ou perdu mais vécu et partagé, où le
management n’est pas une science mais une relation entre des individus et où les
paradoxes peuvent parfois en dérouter plusieurs. La réussite d’un projet, d’un
programme, d’une entreprise ou simplement d’une mission dépend moins des
méthodes et des outils de gestion utilisés que de la façon dont le manager met en
place ces outils avec ses équipes. L’hypothèse 2 selon laquelle il existerait des
ressources inattendues pour des managers rationnels et orientés « processus » et
qui expliqueraient la performance, trouve là un premier élément de validation.
Le même phénomène de rapprochement est mentionné par D’Iribarne (1998) dans le
cas SGS-Thomson. Même si D’Iribarne met l’accent sur la résonance du facteur
religieux avec les valeurs du TQM, je pense que c’est plutôt le replacement des
individus au centre de l’organisation du projet, l’estime qui leur a été rendu et le
sentiment de ne pas être « inférieur » qui a fait du TQM un succès retissant. Certes
le facteur religieux a été un catalyseur mais en lisant le cas, on voit bien que le
remplacement du directeur du site de SGS-Thomson a fait toute la différence.
Notons par ailleurs que plus l’entreprise est constituée de main d’oeuvre faiblement
qualifiée, plus le manager trouve des difficultés d’adaptation et donc plus iI doit faire
104
d’efforts pour améliorer la performance. Il en est de même pour l’organisation de
l’entreprise. Plus une entreprise est mal structurée, plus le manager fera face à des
difficultés d’adaptation. Notons également que le facteur religieux ne constitue pas
un levier de performance comme l’avait suggéré D’Iribarne (1998).
La question qui se pose à présent est de savoir comment se définit un bon chef
marocain à la lumière des résultats obtenus. Il semblerait qu’un bon chef est celui qui
montre à ses employés de l’estime, qui les place au centre de l’organisation et non
pas aux périphéries. Il semble que les employés attendent de leur chef qu’il soit
proche et qu’il partage des moments avec eux. On voit bien que le temps se partage,
se vit mais ne s’économise pas. Le style de management et implicitement la manière
de la prise des décisions, le niveau de formalisme, la structure d’organisation,
l’équilibre entre des relations professionnelles amicales et des relations amicales
dans un milieu professionnel (entre le manager et son équipe) peuvent influencer les
comportements des employés en vue de l’accomplissement des objectives.
Le tableau ci-dessous résume les principaux résultats trouvés dans cette étude.
è Catégorisation de Hofstede et les données du terrain (IDH)è Culture religieuse intense mais ne constitue pas un levier de motivation ni un ressort d�actionè Problèmes d�autorité dépendent de la nature de l�entrepriseè Utilisation des outils de contrôle de gestion ne garantie pas l�efficacité des processusè Confiance et respect ne garantissent nullement l�application des règles de travail
è Embauche des jeunesè Une gestion « rapprochée » des ressources humainesè Le succès ne s�explique pas uniquement par les méthodes de gestion ou la compétitivité de l�entreprise
ParadoxesRessources inattendues
è Catégorisation de Hofstede et les données du terrain (IDH)è Culture religieuse intense mais ne constitue pas un levier de motivation ni un ressort d�actionè Problèmes d�autorité dépendent de la nature de l�entrepriseè Utilisation des outils de contrôle de gestion ne garantie pas l�efficacité des processusè Confiance et respect ne garantissent nullement l�application des règles de travail
è Embauche des jeunesè Une gestion « rapprochée » des ressources humainesè Le succès ne s�explique pas uniquement par les méthodes de gestion ou la compétitivité de l�entreprise
ParadoxesRessources inattendues
105
5. Apports managériaux de l’étude
Les recherches menées durant cette étude ont confirmés le rôle déterminant des
différences culturelles dans la gestion performante des organisations comme l’avait
souligné des auteurs comme Hofstede et D’Iribarne. L’étude montre que le
relationnel, l’éthique et l’estime sont essentiels dans la recherche de la performance
et de l‘implication des ressources humaines. La traduction des concepts selon
l’univers linguistique local (langage intelligible) semble également jouer un rôle
important. Il ne suffit pas de former les individus, il faut leur « parler » mais il faut
également qu’ils vous « parlent ». Paradoxalement, le référencement à des concepts
religieux dans un pays à culture religieuse intense n’est pas garant de la
compréhension ou de l’amélioration de la performance. L’élément essentiel qui
semble le plus contribuer à améliorer la performance est « redonner l’estime aux
individus ». Les difficultés culturelles ont tendance à se démultipliées dans les
organisation mal structurées.
La nature de l’entreprise semble être, à un certain degré, un facteur explicatif des
difficultés des managers à gérer leur équipe. Un manager qui travaille dans une
entreprise de textile ou de travaux publics et dont la main d’œuvre est faiblement
qualifiée, devra s’attacher plus à gérer son relationnel avec son équipe. Le graphe ci-
dessous résume ce phénomène :
Figure 12 : Evolution de l’effort relationnel du manager
Effort relationnel du manager
Faible Fort
Qualification de la main d’oeuvre
Fort
Faible
106
Une relation similaire existe entre les efforts d’adaptation que le manager doit
concéder et l’organisation des entreprises comme nous l’avons vu.
Le graphe ci-dessous reprend ce résultat :
Figure 13 : Evolution de l’effort d’adaptation du manager
L’utilisation d’instruments prévisionnels dans la gestion de projets pose un problème
important pour les managers. En effet, « prévoir » est une notion qui à priori ne
semble pas bien être intégrée par les employés marocaines. Faire des prévisions
semble être confondu avec « Prédire l’avenir ». Ce qui est totalement impensable
pour un musulman. En effet, pour un musulman, l’avenir n’appartient qu’a Dieu et Lui
Seul peut dire de quoi l’avenir sera fait.
Dans le moment où les managers mettent en place un programme d’amélioration de
la productivité, ils doivent accordent la plus grande importance à la manière de
stimulation des employés pour atteindre les standards de performance. L’incitation
financière est certes importante mais l’«effort émotionnel » ou « l’effort relationnel »
est également déterminant dans le succès des projets comme nous le montre les
deux graphiques précédents.
Effort d’adaptation du manager
Faible Fort
Organisation de l’entreprise
Fort
Faible
107
Discussion
Une recherche ne peut a elle seule faire le tour d’un domaine d’investigation. Un
certain nombre de question se posent dans cette recherche : Comment éviter la
paralysie induite par un regard trop analytique ? Comment éviter les biais possibles
du à la méthodologie utilisé pour la collecte des données ? Comment être sûr de la
sincérité des réponses ?
Toutes ces questions fixent des limites aux conclusions de cette recherche. Il est
certain que l’échantillon étudié devra être plus large pour asseoir la légitimité de ces
travaux de façon plus tranchante. De plus, ce travail est un regard de l’intérieur fait
un Marocain travaillant au Maroc. Il est possible que la même étude menée par une
personne étrangère du pays pourrait conduire à des résultats différents même si
l’étude D’Iribarne se rapproche quelque peu de mes conclusions.
Enfin, ce travail est une thèse professionnelle ayant pour objectif de comprendre les
mécanismes sous-jacents aux théories managériales et confronter les méthodes
classiques aux réalités du terrain en vue d’améliorer les pratiques des managers, ce
n’est pas un travail de recherche fondamentale. De plus, mes charges
professionnelles à plein temps ne me laissent en moyenne que 20% de mon temps
pour mes travaux de recherche et c’est probablement l’une des limites les plus
importantes de cette étude.
108
Conclusion Les pratiques organisationnelles, les actions managériales, les outils et les indicateurs de
mesure de la productivité et de la performance ne sont transférables dans une autre culture
que si certaines variables, qui sont présentes dans la culture d’origine, résonnent dans la
culture réceptrice. Certains éléments de littérature et de recherches antérieures ont
clairement identifiés la diversité culturelle comme un élément déterminant dans la
performance des organisations. Cependant, il semblerait qu’un élément particulier soit
commun à toutes les cultures. Il s’agit de la place de l’individu dans l’organisation. Si
l’organisation scientifique du travail a permis une forte industrialisation et une création de
richesse, elle a considéré l’individu comme un simple outil de travail. Les défenseurs de
l’école des ressources humaines sont venues nous dire dans les années 40 que la
performance et la productivité dépendait plus de l’individu que des machines. Sainsaulieu
nous rappelle à cet effet dans son livre « Identité au travail » de 1977 que l’individu est un
être social, sentimental et que la culture ne s’arrête pas aux porte de l’usine. La
mondialisation des années 90 et 2000 et tous ses dérivés (globalisation, standardisation) a
essayé à sa manière de dépersonnaliser les relations au travail en créant des systèmes de
gestion standardisés. Les entreprises multinationales exportaient leur façon de faire, souvent
sans aucun effort d’adaptation. Il s’en est suivi des échecs retentissants. Le management
comparé est venu à son tour, dès le début des années 80, replacé l’individu au centre des
organisations pour mieux nous signaler que la performance et la productivité ne sont pas
qu’affaire de technologie, de processus et d’incitation financière.
Les éléments de cette étude tendent à identifier le même effet. Les bonnes pratiques de
gestion ne sont pas transférables sans un effort d’adaptation dépendamment de la culture
locale mais également de l’entreprise dans laquelle le manager évolue.
L’environnement culturel des PME marocaines est certes fortement imprégné des pratiques
managériales occidentales, des milliers de marocains partent étudier en Occident et
retournent pour exercer au Maroc. Des centaines d’entreprises internationales pratiquent
dans le pays et ce depuis plus de 40 ans. Cependant, il serait imprudent de croire que
l’environnement culturel évolue lui aussi dans le même sens que les valeurs managériales
classiques et qu’un simple « copier-coller » des méthodes managériales universelles suffirait
à assurer le succès. On pourrait certainement aujourd’hui répondre à Fayol (1918) qui
affirma que « si l’on pouvait faire abstraction du facteur humain, il serait assez facile de
constituer un organisme social » que « si l’on pouvait faire abstraction de nos convictions
dogmatiques sur le facteur humain, il serait assez facile de constituer une organisation
socialement et économiquement performante ». Autrement dit, réduire l’individu à un simple
levier d’ajustement ou à une simple courroie de transmission pour améliorer la performance
aurait paradoxalement l’effet inverse que celui recherché.
109
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WOODWARD, J., Industrial organization: Theory and practice, Londen 1965
Définitions des variables selon les indicateurs utilisés dans le questionnaire
Variable Indicateurs Autorité du manager sur ses équipes è 4 questions
28. Vous avez eu de la difficulté à faire exécuter des tâches
24. Certains membres de votre équipe considèrent qu’ils n’ont pas de compte
à vous rendre
10. L’entreprise a tendance à imposer les décisions de la hiérarchie
supérieure
Organisation administrative è 6 questions
2. L’entreprise possède des départements et services clairement définis
6. L’entreprise possède des définitions de poste claires et précises
11. L’entreprise a un processus clair et précis pour le recrutement
14. L’entreprise fait respecter les procédures mises en place
17. L’entreprise organise de façon régulière des réunions de travail
20. L’entreprise considère la qualité comme une priorité Autonomie du manager è 3 questions
8. L’entreprise vous permet de sélectionner les membres de votre équipe
31. Vous avez toute la latitude pour refuser un recrutement dans votre équipe
29. Vous dirigez votre équipe sans l’intervention de vos supérieurs
hiérarchiques Communication è 6 questions
23. Vous avez trouvé des difficultés à communiquer avec vos équipes
7. Vous arrivez à partager avec vos équipes les plans d’affaire et les objectifs
de vos projets
15. Vous utilisez le dialecte local pour expliquer vos méthodes de gestion
18. Vous arrivez à traduire de façon claire les concepts de management
19. Vous pensez que les membres de votre équipe communiquent avec
vous pour tout problème professionnel ?
Compréhension des Techniques managériales par les membres de l’équipe è 3 questions
32. Vous arrivez à appliquer les méthodes de management apprises au cours
de votre formation
33. Votre équipe comprend facilement les méthodes de management que vous
voulez utiliser
40. Vous pensez que vos équipes comprennent clairement des notions de
performance (productivité, optimisation, ..)
Adaptation è 9 questions
è Changement Comportement
34. Vous cherchez à adapter vos méthodes de gestion aux contraintes de vos
équipes
43. Vous avez du changer de comportement envers vos équipes pour en
améliorer la performance
è Changement Communication
37. Vous facilitez la communication avec vos équipes
42. Pensez-vous que cette adaptation s’est faite sur le plan du langage que
vous utilisez ?
è Changement rapprochement
38. Vous essayez de vous rapprocher des membres de vos équipes les moins
favorables à vos méthodes de gestion
44. Vous essayer de partager plus de temps avec vos équipes
è Utilisation de références religieuses
35. Vous utilisez des références religieuses pour faire comprendre à vos
équipes des notions de management
47. Les membres de votre équipe sont plus attentifs lorsque vous présentez
un concept managérial et que vous y associez un devoir religieux ?
è Utilisation de l’embauche des jeunes
46. Les jeunes membres de votre équipe appliquent plus facilement sur le
terrain les méthodes que vous voulez appliquer ?
45. Y a t’il d’autres aspects dans la manière dont vous gérez vos équipes qui
ont pu à un moment ou un autre améliorer la performance dans la réalisation
de vos projets ?
Si oui, laquelle ?
Performance des équipes sous la direction du manager è 6 questions
41. Jugeriez-vous que vous avez amélioré la performance de vos équipes en
adaptant vos méthodes de gestion
36. Jugeriez-vous que vos équipes appliquent vos méthodes de management
plus facilement ?
« 49. La performance de votre service s’est améliorée depuis que vous en avez
la responsabilité ? Si oui, comment l’avez-vous mesurez ? »
52. Utilisez-vous un outil de mesure qui vous permet de mesurer le
rendement de vos équipes ? Si Oui, lequel ?
50. Les membres de votre équipe utilisent des outils de pilotage (tableaux de
bord, reporting, mémoire de projet, ..)?
53. Les membres de votre équipe se conforment aux exigences de productivité
1
Management et cultureManagement et culture
Ressources inattendues et paradoxes Ressources inattendues et paradoxes dans le management des organisations : dans le management des organisations :
Cas des PME marocainesCas des PME marocaines
Travaux de recherches dans le cadre de l�Executive DBA Université Paris Daupine � London School of Economics
Thesis présentée par Rachid Alami
La problématiqueLa problématique
èè Pourquoi les méthodes classiques de managementPourquoi les méthodes classiques de managementèè ProductivitéProductivitéèè Concepts organisationnelsConcepts organisationnelsèè PlanificationPlanificationèè OptimisationOptimisationèè Logique rationnelleLogique rationnelle
Ne donnent pas les résultats prévus ?èè PerformancePerformanceèè CommunicationCommunicationèè RésultatsRésultats
ONE BEST WAY
2
La problématiqueLa problématique
Améliorer la productivité
Mise à niveau des compétencesPiste infructueuse
La gestion comparéeLa gestion comparée
Source : HEC Montréal - Dupuis 2007
Quelles sont les conditions de
la gestion de projet ?
è Les évènements(pilotage, budget, risques, reporting)
è Les hommes (matrice de responsabilité, RBS)
è Le temps (« time ismoney » - échéances)
è Les tâches(systématisation, découpage, WBS)
Ces conditions ne sont pas toujours présentes au Maroc
FORTE VOLONTE DE CONTROLE
3
motivation par objectifs ?
L’employé cherche à s’accomplir et à grandir dans
le travail
Le patron accorde sa confiance à l’employé
Bonne planification des tâches annuelles
Ces conditions ne sont pas toutes présentes en Indonésie !
Quelles sont les conditions de la
La gestion comparéeLa gestion comparée
Source : HEC Montréal - Dupuis 2007
La gestion comparéeLa gestion comparée
leadership participatif(coaching) ?
Faible distance hiérarchique entre patron
et employé
Forte autonomisation de l’employé
Excellente circulation de l’information
Ces conditions ne sont pas toutes présentes en Russie !
Quelles sont les conditions du
Source : HEC Montréal - Dupuis 2007
4
La question de rechercheLa question de recherche
èè Comment les Comment les managersmanagers, formés aux, formés aux concepts concepts classiques du management occidentalclassiques du management occidental, arrivent, arrivent--ils à ils à gérer les défisgérer les défis managériaux dans un managériaux dans un contexte contexte culturel DIFFERENTculturel DIFFERENT ??
QUELS SONT LES RESSORTS A ACTIONNER POUR QUELS SONT LES RESSORTS A ACTIONNER POUR AMELIORER LA PERFORMANCE ?AMELIORER LA PERFORMANCE ?
1. Diversité culturelle1. Diversité culturelle
2. Valeurs managériales occidentales2. Valeurs managériales occidentales
Culture et managementCulture et managementFacteur critique : Depuis quand ?
• Les ressorts de l’action humaine• Les motivations qui se cachent derrière toute action individuelle• La lutte de pouvoir• Les croyances, traditions, religions, relations aux éléments
Encastrement culturel dans les organisationsDurkheim, Weber Mayo, Maslow, McGregor,Herzberg, Lewin, Likert, Crozier,Sainsaulieu, Hofstede, D’Iribarne
L’organisation et la gestion optimale des ressources (inputs) dans le but de maximiser la rentabilité (outputs)
Productivité, OST, bureaucratie, administrationSmith, Weber, Taylor, Gilbert, Gantt, Fayol, Emerson, Follett, Barnard, Simon
5
Culture et managementCulture et managementMoyen-âge en Occident
Autocratie, féodalisme, poids de l’église, souffrance, privilèges, centralisationdomination des seigneurs, la vie est régie par ordre, liberté limitéePaysan en tant qu’outil de production
Modernité XVII, XVIII- Remise en question des valeurs religieuses - Liberté et démocratie- Progrès- Révolution scientifique
Révolution industrielle XIX, XX- Capital- Organisation du travail - Application de la science àl’industrie- Fordisme
Nouvel ordre social, XX, XXI- Puissance des organisations- Mondialisation - Chocs culturels
SOCIOLOGIE DES ORGANISATIONS
SOCIOLOGIE
Auguste Conte, Marx, Durkheim, Weber, Pareto
Etzioni, Crozier, Sainsaulieu, Hofstede, D’Iribarne, Chanlat
Évolution au MarocÉvolution au MarocCulture traditionnelle et tribale
Le Maroc du 18eme et 19eme siècle
ProtectoratForme d’introduction
de la modernité(source extérieure)Influence multiple
20eme siècle
Introduction des méthodes de management occidentales issues en partie des écoles américainesArrivée d’entreprises françaises et américaines (P&G,Unilever,…)
MondialisationConfrontation entre
logique d’efficacité et réalité marocaine
(différences culturelles - Transition)
Culture et management
au Maroc
6
Evolution des théories
I. 1900-1930Organiser
pour produireefficacement
IV. 1970 - ...Mobiliser
par la culture
II. 1930-1960Motiver l�individu
Dynamique d�équipe
III. 1960-1970Adapter la structure
Contingence
Une approcherationnnelle
Uneapprochesociale
L’or
gani
satio
n- s
yst è
me
ferm
é
L’organisation- systèm
eouvert
« L’Allemand vit en Allemagnele Parisien vit à Paris,le Turc vit en Turquie, mais l’Anglais vit chez lui »
Goring (1909).
« Si l’on pouvait faire abstraction du facteur humain, il serait assez facile de constituer un organisme social »
Fayol (1918)
Universalité vs diversitéUniversalité vs diversité
?" Culture is more often a source of conflict thanof synergy. Cultural differences are a nuisance atbest and often a disaster."
Geert Hofstede.
7
La gestion comparéeLa gestion comparéeLe modèle de gestion comparée : Issu du relativisme culturel, le courant de gestion comparée (Hofstede, 1976) vise à décrire les pratiques de gestion et les comportements au travail propres à chaque pays
CollectivismeCollectivismeMasculinité
Féminité
§POINTS FORTS§Simple et quantifié§Étude très large§183 questions, 50 pays et 3 régions, 5
langues§120 000 quest.
(73 267 exploitables)
§POINTS FAIBLES§Méthodologie contestable§Résultats vieux de 30 ans§Nombreux pays absents
Individualisme
Contrôle del’incertitude
Distancehiérarchique
CollectivismeCollectivismeIndividualisme
Dans les cultures collectivistes, le groupe est plus important que l’individu –Dépendance du groupe
La gestion comparéeLa gestion comparée
PourcentageCollectivisme
MarocEtats-Unis
Source : Dupuis (2005)
8
Distancehiérarchique
La distance hiérarchique ou « power distance » est définit comme « le niveau auquel les individus membres d’institutions ou d’organisations d’un pays sont prêt à accepter la distribution inégalitaire du pouvoir » (Hofstede, 2001) 4L’INÉGALITÉ entre les individus est-elle perçue
comme naturelle ?
Forte distance hiérarchiqueFaible distance hiérarchique
NON OUI
Scandinavie
États-Unis
FranceEspagne
SénégalMaroc Pérou
ThaïlandeRussie
Allemagne Mexique
Japon
ChineCanadaQuébec
1. Autorité statutaire2. Autorité morale
Maroc
La gestion comparéeLa gestion comparée
États-unis
Source : Dupuis (2005)
Les Les éétudes sur les styles de leadershiptudes sur les styles de leadership
RRéésultat : le comportement dsultat : le comportement d’’un leader varie selon deux dimensionsun leader varie selon deux dimensions
un style orientun style orientéé vers la tâche VS un style orientvers la tâche VS un style orientéé vers lvers l’’employemployéé
OrientOrientééversvers
ll’’individuindividu
++
--++-- OrientOrientéé vers la tâchevers la tâche
OrientOrientéé vers lvers l’’individuindividu
LaisserLaisser--fairefaire
OrientOrientéé vers lvers l’’individu et la tâcheindividu et la tâche
OrientOrientéé vers la productionvers la production
Résultats de recherche de l’Université d’OHIO
9
Contrôle del’incertitude
4La société tolère-t-elle l’INCERTITUDE et les COMPORTEMENTS DÉVIANTS ?
OUI NON
Scandinavie
États-Unis
France
Espagne SénégalMaroc
PérouThaïlande
Russie
AllemagneMexique
Japon
ChineCanada Québec
Principes généraux
Diversité, faible contrôle
Règles précises et nombreuses
Homogénéité fort contrôle
Maroc
La gestion comparéeLa gestion comparée
Etats-Unis
Source : Dupuis (2005)
MasculinitéFéminité
4Les RÔLES entre hommes et femmes sont-ils INTERCHANGEABLES ?
Scandinavie
États-Unis
France
Espagne Sénégal
MarocPérou
Thaïlande
Russie
AllemagneMexique
Japon
ChineCanadaQuébec
OUI NON
Mobilité des rôles, valeurs féminines dominantes
= •
Rôles traditionnels, valeurs masculines dominantes
Maroc
La gestion comparéeLa gestion comparée
Etats-Unis
Source : Dupuis (2005)
10
NON OUI
Scandinavie
États-Unis
France
Sénégal
MarocPérou
Thaïlande
RussieAllemagne
Mexique JaponChine
Canada Québec
Factuelle, froide Contextuelle, chaude
Espagne
4La communication est-elle RICHE et AMBIGUË ?
ABC
0010101
CommunicationLa gestion comparéeLa gestion comparée
Maroc
Etats-Unis
Source : Dupuis (2005)
4Le temps est-il PRÉCIEUX, tourné vers le FUTUR ?
Scandinavie
États-Unis
France
Sénégal
MarocPérou
Thaïlande
Russie
Allemagne Mexique
Japon
ChineCanada Québec
OUI NON
Le temps c’est de l’argent, planification, échéance, une
chose à la foisTemps élastique, un jour à la
fois, destin, tradition garante du futur
$$ $ $ ?
Espagne
Relation au tempsRelation au tempsLa gestion comparéeLa gestion comparée
MarocEtats-Unis
Source : Dupuis (2005)
11
Culture et managementCulture et management
CollectivismeCollectivisme
MasculinitéFéminité
Individualisme
Contrôle del’incertitude
Distancehiérarchique
Pays scandinaves �Canada � États-unis -France
Ségénal � Pérou �Thaïlande � Japon -Mexique
Pays scandinaves �Canada � États-unis -France
Ségénal � Pérou �Russie � Japon -Chine
Pays scandinaves �Canada � États-unis
Ségénal � Pérou �Japon - France
France � Canada �États-unis
Ségénal � Chine �Pérou � Japon
Les pays les plus éloignésLes pays les plus proches
Culture et managementCulture et management
Communication ambiguë
Relation au temps
États-unis � Pays scandinaves - Canada
Ségénal � Chine �Pérou � Thaïlande
Allemagne � États-unis � Pays scandinaves - Canada
Sénégal � Chine �Thaïlande - Espagne
Les pays les plus éloignésLes pays les plus proches
Les managers formés aux valeurs managériales occidentales : è Impersonnalité de la fonction (orienté vers la tâche)
è Mesurabilité du travail (indicateurs de performance)
è Optimisation des tâches (ingénierie des processus)
è Contractualisation de la relation (vs individualisation de la relation)
è Compétition individuelle (le « winner »)
risquent certainement de se confronter à des difficultés de mise en oeuvre
12
Islam et managementIslam et managementTravail
Communication
Responsabilité
Incitatifs
- Exploiter les capacités et les talents reçus (Don de Dieu) [1]- Esprit communautaire, solidarité [2]- Très fortes relations sociales- La réussite par l’entraide sociale et la bienfaisance [3]
- Égalité des opportunités- La réussite par le mérite- Individualisme
Valeurs islamiquesApproche managériale classique
Orale è Système de communication informel. Règles non écrites, donc difficilement réfutables
Écrite è Règles écrites et donc applicables et réfutables
- Plaire à Dieu en travaillant fort [4]- Plaire à ses parents [5]- Utiliser rationnellement les ressources- Recherche de la connaissance [6]- Rémunération et épargne [7]
- Rémunération- Satisfaction au travail- Avancement professionnel- Réussite matérielle
Individuelle et collectiveIndividuelle
A priori, on devrait donc retrouver ces valeurs encastrées dans le quotidien des entreprises et des pratiques d’affaires
Conclusion
La gestion comparéeLa gestion comparée
Les pratiques organisationnelles, Les actions managériales,
Les comportements interpersonnels,
peuvent–ils être transférés dans une autre culture ?
Si oui, comment ?
è Quel style de management adopté ?
è Quel style de pouvoir appliqué ?
è Quel style de leadership?
èComment tirer le meilleur partie de la richesse culturelle ?
è Comment fixer les critères d’embauche ?
COMMENT DEPASSER OU CONTOURNER LES DIFFERENCES CULTURELLES ?
13
Islam et managementIslam et management
è La culture est une dimension déterminante dans la performance des organisations dans un contexte religieux intense
è Les différences culturelles sont compatibles avec les concepts modernes de management s’il y a résonance et rapprochement des valeurs
è Il n’y a pas de « one best way » pour appréhender les différences culturelles
Faits et expérience du terrainFaits et expérience du terrain
6 années d’expérience au Maroc
Difficultés rencontrées au Maroc :
è Communication
è Application des concepts de management appris dans les écoles et universités occidentales (Canada, France)
è Gestion d’équipe et de performance
6 autres années en Europe et au Canada
Entreprise familialeMultinationaleEnseignant
Fond d’investissementBanqueCentre de recherche
14
Les difficultés rencontréesLes difficultés rencontréesLa problématique du linguocentrisme (Geoffroy, 2002,Davel, Dupuis et Chanlat, 2008): Maîtrise de la langue
Signification des mots tels que :
• Rendement
• Productivité
• Succès « Al-Taraquî » ou « Al Najah »
• Qualité « Al Gawda » ou « Al Itquân »
• Temps « Al Tarhib »
• Réalisation « Bien sûr nous le pouvons » « Bien sûr, nous le pouvons…..si Dieu le veut ».
Décalage entre :
èApproche scientifique, rationnelle et orientée vers l’optimisation des ressources et la maximisation du retour sur investissement
è Insensibilité aux enjeux économiques et managériaux des organisations
Management interculturel et performance
T H E M E
S U J E T Amélioration de la performance
des PME marocaines
P R O B L E M E Inadéquation des méthodes de
management occidentales
QUESTION
Quels sont les ressorts à utiliser pour rendre intelligible les
concepts de management ?
Décalage
Univers de sens différents
15
HYPOTHESE PRINCIPALE 1 : qu’un nombre important de managers marocains et étrangers formés dans les écoles de management occidentales font face aux mêmes difficultés d’adaptation culturelle
HYPOTHESE PRINCIPALE 2 : qu’il existe des ressources inattendues dans la performance des PME marocaines en dehors des schémas classiques d’amélioration de la performance appris dans les écoles de managements françaises et américaines.
(Mace,1989 ; Lefrançois, 1991)
Les hypothèsesLes hypothèses
Les solutionsConnexion des concepts managériaux avec des valeurs religieuses
L�image de jeunes
Rapprochement des équipes
Adaptation de la communication
Adaptation comportementale
PERFORMANCE DES EQUIPES
IMPACT
Les hypothèsesLes hypothèses
16
Caractéristiques et contexte de l’objet de recherche
-PME marocaines représentent plus de 80% des entreprises-Très peu d’accès aux connaissances occidentales de management-Grand Nombre de managers étrangers et marocains formés àl’étranger qui exercent au Maroc ?????-Politiques de modernisation tout azimut lancées par le gouvernement marocain pour améliorer les pratiques de gestion-Ampleurs des prêts européens (programme MEDA, PAAP, Agence française de développement …) d’aide aux entreprises marocaines pour améliorer qualité, productivité et niveau de formation professionnelle
Quelle est l’ampleur de l’objet ?
Source : Jeannin (2000)
Perspective théoriquePerspective théorique
Managers marocains ou étrangers formés dans les écoles de mangement occidentales et exerçant dans des PME marocaines
Quels sont les protagonistes et la population étudiée ?
Expliquer le phénomène de distorsion culturelle dans une optique non moralisatrice ou philosophique. Réduire le décalage culturel des managers immigrés et améliorer leur rendement
Quelle est la signification sociale de l’objet ?
-Largement étudié depuis l’école des ressources humaines jusqu’aux études les plus récentes sur le management interculturel-N’apportent que des réponses au « pourquoi » mais peu de réponses au « comment »
Quelle est la situation dans le champ des connaissances ?
Caractéristiques et contexte de l’objet de recherche
Source : Jeannin (2000)
Perspective théoriquePerspective théorique
17
è Recueil d’informations : Méthodologie quantitative et qualitative
è Positionnement épistémologique : Constructiviste
è Population cible (Potvin, 1990) échantillon représentatif d’entreprises marocaines où des managers ayant fait des études à l’étranger.
è La zone géographique étudiée est limitée aux villes de Casablanca et Rabat.
Approche paradigmatique
Limites de la recherche
è Étude exploratoire è Nombre de cas limités
è Un nombre assez restreint d’entreprise (échantillon de 60)
è Limite de temps (Executive DBA) – En moyenne 25% du temps consacré à la recherche (responsabilités professionnelles) è Impossibilitéd’interviewé 60 personnes è Questionnaire dirigé profitant de réunion d’association de professionnels (présentation du questionnaire et explication des questions) Limite du EDBA
Perspective théoriquePerspective théorique
è La méthode de recueil de données choisie est celle du questionnaire auto-administré (Lefrançois, 1992) accompagné d’un entretien semi-dirigé
Taux de réponse faible (50%)Réponse partielle (60%)Qui a répondu au questionnaireRéponses de convenance
Facile d�utilisation, pratique par son coté neutre (le chercheur n�intervient pas de façon active sauf sur demande pour éclaircissement de certaines questions), il permet une diffusion large, rapide et peu coûteuse � Cible plus large
InconvénientsAvantages
Fenneteau (2002)
Questionnaire auto-administré
Perspective théoriquePerspective théorique
18
è Les types de questions utilisées dans le questionnaire sont des questions fermées (90%) et des questions ouverte
è Simplifications réductrices è La nature des mots utilisés et l�ordre de présentations des modalités peuvent exercer une influence sur les réponsesè Pas d�indication sur la façon dont la question a été compriseè Peut exclure des aspects souvent importants que le chercheur ignore ou qu�il a négligé d�intégrer dans son choix de réponses.
è La collecte d�information est simple et fiable è Les informations ainsi obtenues sont standardisées, facilement codifiables et statistiquement comparablesè Plus de facilité à répondre sans effort supplémentaire de mémorisationè Intimité et sincérité
InconvénientsAvantages
Fenneteau (2002)
Perspective théoriquePerspective théorique
è La méthode de recueil de données choisie est celle du questionnaire auto-administré (Lefrançois, 1992) accompagné d’un entretien semi-dirigé
InconvénientsAvantages
Fenneteau (2002)
Entretien semi-dirigé
Perspective théoriquePerspective théorique
19
L’enquête : è Les managers interrogés vivent-ils les mêmes difficultés / différences culturelles ?
è La nature des entreprises est-elle un facteur qui favorise l’adaptation des managers aux différences culturelles ?
èLe manager : Qu’a fait le dirigeant face à ces difficultés de RH ?
è Les solutions : Quelles sont celles qui ont été implantées ? Quels sont les résultats obtenues ? Quel est l’impact sur la performance des équipes ?
Résumé de la démarche de recherche
La démarcheLa démarche
Les managers interrogés vivent-ils les mêmes difficultés / différences culturelles ?
Difficultés
100,0Total
100,01,7Pas du tout d’accord
98,315,0Pas d’accord
83,316,7Ni d’accord ni pas d’accord
66,750,0D’accord
16,716,7Tout à fait d’accord
% cumulé%
Vous avez rencontré des difficultés à faire exécuter des tâches
Votre équipe comprend facilement les méthodes de management que vous voulez utiliser
100,0Total
100,06,7Pas du tout d’accord
93,36,7Pas d’accord
86,730,0Ni d’accord ni pas d’accord
56,746,7D’accord
10,010,0Tout à fait d’accord
% Cumulé%
20
Les managers interrogés vivent-ils les mêmes difficultés / différences culturelles ?
Vous arrivez à appliquer les méthodes de management apprises au cours de votre formation
100,0Total
100,013,3Pas du tout d’accord
86,736,7Pas d’accord
50,026,7Ni d’accord ni pas d’accord
23,316,7D’accord
6,76,7Tout à fait d’accord
% cumulé%
Difficultés
Vous avez trouvé des difficultés à communiquer avec vos équipes
100,0Total
100,03,3Pas du tout d’accord
96,710,0Pas d’accord
86,716,7Ni d’accord ni pas d’accord
70,051,7D’accord
18,318,3Tout à fait d’accord
% cumuléPercent
Les résultats de la recherche :
N Moyenne Déviation standard
Pbrl_Autorite Service+Informatique+R&D+Conseil 41 3,7805 ,93574
Textile+Travaux Publics+Industrie 19 3,2632 ,83945
Total 60 3,6167 ,93140Prbl_Com Service+Informatique+R&D
+Conseil 41 3,8780 ,55656
Textile+Travaux Publics+Industrie 19 3,3158 1,05686
Total 60 3,7000 ,78762
Difficultés
Problèmes d’autorité et de communication sont plus présents dans les secteurs des services
21
Les managers interrogés vivent-ils les mêmes difficultés / différences culturelles ?
Vous dirigez votre équipe sans l’intervention de la hiérarchie supérieure
100,0Total
100,06,7Pas du tout d’accord
93,313,3Pas d’accord
80,030,0Ni d’accord ni pas d’accord
50,030,0D’accord
20,020,0Tout à fait d’accord
% Cumulé%
Difficultés
Communication (langage, traduction)
Autorité (crédibilité)
Autonomie (hiérarchie)
Autorité(hiérarchie)
Confiance
Respect Vous pensez que les membres de votre équipe ont confiance en vous
100,0Total
100,016,7Ni d’accord, ni pas d’accord
83,330,0D’accord
53,353,3Tout à fait d’accord
% cumulé%
Votre équipe vous montre le respect auquel vous pensez avoir droit
100,0Total
100,040,0D’accord
60,060,0Tout à fait d’accord
% cumulé%
Les managers interrogés vivent-ils les mêmes difficultés / différences culturelles ?
22
Les résultats des travaux de recherche
Correlations
1 ,314*,015
60 60,314* 1,015
60 60
Pearson CorrelationSig. (2-tailed)NPearson CorrelationSig. (2-tailed)N
Prbl_Manager
Secteur d'acticité
Prbl_ManagerSecteurd'acticité
Correlation is significant at the 0.05 level (2-tailed).*.
les difficultés du manager sont liés au secteur d’activité de l’entreprise
N Moyenne
Déviation standard
Service+Informatique+R&D+Conseil (main d’œuvre qualifiée)
41 2,3767 ,82323
Textile+Travaux Publics+Industrie (main d’oeuvre peu qualifiée)
19 2,9942 1,00443
Total 60 2,5722 ,92258
Les résultats des travaux de recherche
les difficultés du manager sont fortement corrélées avec les entreprises mal organisées
les problèmes d’organisations et les difficultés du manager évoluent dans le même sens
23
L’adaptation du manager
Adaptation de la communication et du rapprochement vers les équipes sont les deux facteurs explicatifs de l’amélioration de
la performance des équipes
Adapat_Com 551 0,03Adapat_Rapproch 251 0,58
Communication
Pensez-vous que cette adaptation s’est faite sur le plan du langage (dialecte) que vous utilisez ?
Vous essayez de vous rapprocher des membres de vos équipes les moins favorables à vos méthodes de gestion
L’adaptation du manager
Rapprochement
Vous essayer de partager plus de temps avec vos équipes
Vous facilitez la communication avec vos équipes
24
Les résultats de la recherche :
Correlations
1 -,288*,026
60 60-,288* 1,026
60 60
Pearson CorrelationSig. (2-tailed)NPearson CorrelationSig. (2-tailed)N
Perf_Outil_Mgt
Perf_Global
Perf_Outil_Mgt Perf_Global
Correlation is significant at the 0.05 level (2-tailed).*.
Coefficients a
,018 ,381 ,047 ,963,101 ,098 ,171 1,033 ,307
-,075 ,129 -,112 -,578 ,566,029 ,067 ,073 ,442 ,661,434 ,218 ,329 1,992 ,053,104 ,187 ,098 ,558 ,580
(Constant)Adapt_ComportAdapt_ComAdapt_RapprochAdapt_ReligAdapt_Jeunes
Model1
B Std. Error
UnstandardizedCoefficients
Beta
StandardizedCoefficients
t Sig.
Dependent Variable: Perf_Outil_Mgta.
Le facteur religieux explique l’utilisation des outils de management mais les deux performances sont négativement corrélées ??
Les résultats de la recherche :
Adaptation Vous facilitez la communication avec vos équipes
Frequency Percent Valid Percent Cumulative
Percent 1,00 5 41,7 41,7 41,7 2,00 6 50,0 50,0 91,7 3,00 1 8,3 8,3 100,0
Valid
Total 12 100,0 100,0
Vous essayez de vous rapprocher des membres de vos équipes les moins favorables à vos méthodes de
gestion
Frequency Percent Valid Percent Cumulative
Percent 1,00 2 16,7 16,7 16,7 2,00 8 66,7 66,7 83,3 4,00 2 16,7 16,7 100,0
Valid
Total 12 100,0 100,0
25
La gestion comparéeLa gestion comparéeLes travaux de P. DLes travaux de P. D’’IribarneIribarne sur lsur l’’adaptation culturelleadaptation culturelle
SGS-Thomson au Maroc à Casablanca.
è Excellentes performances de l'usine
è Élucider les conditions de ce succès au regard son rendement exceptionnel.
L'élément principal qui ressort de cette étude est l'instauration de la démarche TQM (Total Quality Management) affectée à toutes les
composantes de l'usine.
Oui, mais……
è TQM existe ailleurs sans donné des résultats aussi spectaculaires
è TQM orienté fortement optimisation du profit (orienté production)
TransparenceRétention d�information et manipulation
Responsabilisation et partage des objectifs
Climat de peur et de méfiance � Contrôle « policier »
Légitimité par l�action et non plus par la position ou l�appartenance
Discours non suivi d�effets (légitimité basée sur la position et l�appartenance non pas sur les compétences)
Directeur fait la queue comme tout le monde et mange à la cantine avec tous les salariés �Sentiment d�égalité et d�équité
Relation distancée et fort exercice de l�autorité
Remise en question des dirigeants et de leur rôle
Rigidité des cadres (pouvoir d�influence et de contrôle)
APRES LE TQMAVANT LE TQM
Pour l’auteur, Le TQM a résonné avec certaines valeurs culturelles religieuses comme : L’équité, l’égalité, la transparence, la compétence, la responsabilisation, l’exploitation des talents reçus par Dieu
La gestion comparéeLa gestion comparée
26
La gestion comparéeLa gestion comparée
Rétention d�information et manipulation � Aucune initiative n�est permis
Climat de peur et de méfiance �Contrôle « policier »
Discours non suivi d�effets (légitimité basée sur la position et l�appartenance non pas sur les compétences)
Relation distancée et fort exercice de l�autorité
Rigidité des cadres (pouvoir d�influence et de contrôle)
AVANT LE TQM
Forte distance hiérarchique
Distribution inégalitaire du pouvoir
Contrôle de l’incertitude
Comportement déviant inacceptable
CHARACTERISTIQUE TYPIQUES DES PAYS A
FORTE DISTANCE HIERARCHIQUE
La gestion comparéeLa gestion comparée
Transparence
Responsabilisation et partage des objectifs
Légitimité par l�action et non plus par la position ou l�appartenance
Directeur fait la queue comme tout le monde et mange à la cantine avec tous les salariés �Sentiment d�égalité et d�équité
Remise en question des dirigeants et de leur rôle
APRES LE TQMRéduction de la distance
hiérarchique
Légitimité du pouvoir
Contrôle de l’incertitude
Comportement déviant acceptable
CHARACTERISTIQUE TYPIQUES DES PAYS A
FAIBLE DISTANCE HIERARCIQUE
27
4L’INÉGALITÉ entre les individus est-elle perçue comme naturelle ?
Forte distance hiérarchiqueFaible distance hiérarchique
NON OUI
Scandinavie
États-Unis
FranceEspagne
SénégalMaroc Pérou
ThaïlandeRussie
Allemagne Mexique
Japon
ChineCanadaQuébec
1. Autorité statutaire2. Autorité morale
Maroc
La gestion comparéeLa gestion comparée
Source : Dupuis (2005)
Les résultats de la recherche :
Effort d’adaptation du manager
Faible Fort
Organisation de l’entreprise
Fort
Faible
Évolution de l’effort d’adaptation du manager
28
Les résultats de la recherche :
Effort relationnel du manager
Faible Fort
Qualification de la main d’oeuvre
Fort
Faible
Évolution de l’effort relationnel du manager
Conclusion de la recherche terrain
è Les concepts religieux ne sont que modérément utilisé comme incitation à l’amélioration de la performance et de la productivité
è L’adaptation des méthodes de gestion par les managers a sensiblement amélioré la performance des équipes
è L’incitation matérielle reste la seule véritable variable qui influe la productivité dans les entreprises
è L’utilisation d’outils d’évaluation de la performance des équipes n’est que peu répandue rendant difficile la mesure des résultas et les concordance avec les objectifs
è Les managers ayant été formés dans les écoles occidentales rencontrent les mêmes difficultés dans la gestion de leur équipe
29
èUne recherche ne peut a elle seule faire le tour d’un domaine d’investigation
è Comment éviter la paralysie induite par un regard trop analytique ?
èConcordance statistique ne veut pas dire forcément relation de causalité
è L’échantillon étudié devra être plus large pour asseoir la légitimitéde ces travaux de façon plus tranchante
èLes biais possibles du à la méthodologie utilisé pour la collecte des données
è Un regard de l’intérieur fait par un marocain travailler au Maroc (cependant il y a beaucoup d’étrangers parmi les répondants)
Discussion des résultats
Conclusion générale
è Si les concepts religieux ont certainement influencé le succès du TQM dans le cas étudié par D’Iribarne, je constate que le religieux n’est que très peu solliciter
è Il s’agirai selon moi plus d’un aspect éthique : Redonner l’estime aux travailleurs, les replacer au centre de l’organisation
èQu’est qu’un bon chef au Maroc?
• Celui qui se compote de façon équitable
• Qui respect ses subordonnés
• Qui se rapproche et qui s’intéresse à ses équipes
• Parle le même langage
•
30
Conclusion générale
è Catégorisation de Hofstede et les données du terrain (IDH)è Culture religieuse intense mais ne constitue pas un levier de motivation ni un ressort d�actionè Problèmes d�autorité dépendent de la nature de l�entrepriseè Utilisation des outils de contrôle de gestion ne garantie pas l�efficacité des processusè Confiance et respect ne garantissent nullement l�application des règles de travail
è Embauche des jeunesè Une gestion « rapprochée » des ressources humainesè Le succès ne s�explique pas uniquement par les méthodes de gestion ou la compétitivité de l�entreprise
ParadoxesRessources inattendues
Ressources inattendues et paradoxes dans le management Ressources inattendues et paradoxes dans le management des organisations : des organisations :
Cas des PME marocainesCas des PME marocaines
Apports managériaux de la recherche
è Oui, les différences culturelles sont un des facteurs déterminants dans la performance des organisations (D’Iribarne, Hofstede)
è Le relationnel est essentiel dans la recherche de la performance (rapprochement)
è Traduction des concepts selon l’univers linguistique local (langage intelligible) – Il ne suffit pas de former les individus, il faut leur « parler » mais il faut également qu’ils vous « parlent »
è Le référencement à des concepts religieux dans un pays à culture religieuse intense n’est pas garant de la compréhension ou de l’amélioration de la performance – Qu’est ce qui donne du sens à la parole?
è L’élément essentiel qui semble le plus contribuer à améliorer la performance est « redonner l’estime aux individus »
è Les difficultés culturelles ont tendance à se démultipliées dans les organisation mal structurées
è La performance est plurifactorielle
31
Ouverture de la recherche
èLe Maroc est un pays influencé par 3 courants culturels bien différents :
• France (Centre) Zone étudiée
• Espagne (Nord)
• Berbères (sud)
Champs d’étude plus large – Ouverture de la recherche vers les
autres contextes culturelles
è Récolter les avis de l’autre partie : « Les employés », pour comparer les résultats (perception des managers)
è Il serait intéressant de comparer avec d’autres pays à culture et influences similaires (Algérie, Tunisie)
è Comprendre les mécanismes de réflexion « ce qui a du sens » -Pourquoi les individus n’appliquent pas les règles
Culture et managementCulture et management
Optimum de la performance
Valeurs managériales universelles
Spécificités culturelles locales
« Apprentissage» des concepts « Culturalisation » des concepts
Serait-il possible de concilier la diversité des cultures avec l’universalité des valeurs managériales ?