FACULTÉ DE DROIT / Université de Fribourg
Chaire de droit privé et de droit romain
Cautionnement et garantie à première demande
Cours du 8 mars 2013
Prof. PASCAL PICHONNAZ (LL.M., Berkeley) Université de Fribourg (Suisse)
Le plan du cours
I. Introduction
1. La justification de traiter ces garanties personnelles ensemble
2. Les définitions respectives
II. Les caractéristiques du cautionnement suisse
1. Les sortes de cautionnement
2. Les conditions de validité du cautionnement en Suisse
3. Les droits spécifiques de la caution
4. Un cas intéressant : ATF 138/2012 III 451
III. Les caractéristiques de la garantie bancaire à première demande
1. Les types de garanties bancaires
2. Les conditions de validité
3. Le mécanisme tripartite
IV. Les critères de distinction selon le Tribunal fédéral (suisse)
1. La présomption
2. Les autres critères
Annexes :
I. Textes et extraits d’arrêts du Tribunal fédéral
II. Exemple de cautionnement solidaire
III: Exemple de consentements
IV. Exemple de garantie bancaire à 1ère
demande
Garantie de
paiement et
recouvrement
8.03.2013
www.unifr.ch/dpr
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ANNEXES :
I. Les définitions
CO 492 s.
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CO 111
II. Les caractéristiques du cautionnement suisse
1. Le cautionnement simple
2. Le cautionnement solidaire
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ATF 125/1998 III 131
Faits
A.- La banque X. a accordé une limite de crédit de 100'000 fr. à J. & S. S.A., qui disposait
auprès d'elle d'un compte courant. Parallèlement, J. et S., administrateurs de la société, ont
signé l'acte suivant:
«Acte en brevet no 1172 CAUTIONNEMENT SOLIDAIRE PAR DEVANT Y., notaire à Z. (...) se présentent: 1.- J. (...), 2.- S. (...), lesquels, après avoir pris connaissance des conditions générales de la banque X. et des conditions de l'acte de cautionnement ci-annexé, déclarent expressément les accepter sans réserve et se constituer conjointement et solidairement CAUTIONS SOLIDAIRES de J. & S. S.A., (...), envers la banque X. à Z., pour un montant total de CENT VINGT MILLE FRANCS (fr. 120'000.-) Il est ici consigné que J. et S. sont inscrits au Registre du Commerce de Z. en qualité d'administrateurs d'une société anonyme. DONT ACTE délivré en brevet, après avoir été lu par le notaire aux comparants qui l'ont approuvé et signé, avec lui, séance tenante, à Z, le vingt-six février mil neuf cent huitante-sept.»
La date du 26 février résulte d'une erreur; en réalité, l'acte a été signé devant notaire le 27
février 1987. L'acte de cautionnement annexé auquel l'acte en brevet se réfère est une
formule préimprimée de la banque X. J. et S. y déclarent notamment se constituer cautions
solidaires envers la banque et s'obliger à ce titre solidairement avec J. & S. S.A., débitrice
principale, pour la garantie de tous engagements pris ou à prendre par elle en vertu
d'ouverture de crédits, plus intérêts contractuels et légaux, commissions et frais, jusqu'à
concurrence de 120'000 fr. J. et S. ont signé l'acte préimprimé à Z. le 27 février 1987. Le
sceau du notaire est apposé à moitié sur le verso de la formule préimprimée et à moitié sur le
recto de l'acte en brevet.
La faillite de la société a été prononcée le 11 juin 1991. Le solde débiteur du compte courant
s'élevait alors à 98'938 fr., intérêts, commissions et frais compris. La banque a introduit une
poursuite contre S. Elle a obtenu la mainlevée provisoire de l'opposition formée par la caution.
[…]
Extrait des considérants: 4. a) Selon l'art. 493 al. 2 CO, une déclaration de cautionnement qui émane d'une personne
physique et dépasse la somme de 2000 fr. doit revêtir la forme authentique, conformément
aux règles en vigueur au lieu où l'acte est dressé. Avant d'aborder les autres moyens
soulevés par le demandeur, il convient de définir les éléments de la déclaration de la caution
qui revêtent la forme authentique en vertu du droit fédéral. En d'autres termes, il s'agit
d'examiner si, en l'espèce, les conditions insérées dans la formule préimprimée doivent être
couvertes par la forme authentique et si l'acte en brevet, dont la qualité d'acte authentique
n'est pas mise en cause, contient tous les éléments nécessaires de la déclaration de la
caution. En effet, si les points réglés exclusivement dans l'acte préimprimé ne sont pas
essentiels et si l'acte en brevet suffit à la perfection formelle du cautionnement, il ne sera pas
nécessaire d'examiner si la combinaison de la formule préimprimée et de l'acte en brevet est
conforme à la notion fédérale d'acte authentique. C'est le droit fédéral matériel qui détermine
le contenu minimal que la forme authentique doit recouvrir pour que l'acte soit valable (ATF
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113 II 402 consid. 2a p. 404; ATF 106 II 146 consid. 1 p. 147; BRÜCKNER, Der Umfang des
Formzwangs beim Grundstückkauf, in RNRF/ZBGR 1994, p. 2).
b) Selon la jurisprudence, la forme légale sera observée pour tous les points objectivement et
subjectivement essentiels de la déclaration de la caution (ATF ATF 119 Ia 441 consid. 2c p.
442; cf. également pour d'autres contrats, ATF 113 II 402 consid. 2a p. 404; ATF 106 II 146
consid. 1 p. 148 et les arrêts cités). Est objectivement essentiel l'engagement exprimé par la
caution de garantir à titre accessoire la dette d'autrui d'un montant déterminé (TERCIER, Les
contrats spéciaux, 2e éd., n. 5064, p. 619; JÖRG SCHMID, Die öffentliche Beurkundung von
Schuldverträgen, n. 494 ss, p. 141 ss; SCYBOZ, Le contrat de garantie et le cautionnement,
in Traité de droit privé suisse, tome VII, 2, p. 85). En ce qui concerne les points
subjectivement essentiels, la forme spéciale n'est toutefois requise que pour les clauses qui
aggravent la position de la caution, mais non pour celles qui améliorent sa situation dans son
intérêt exclusif ni pour celles qui complètent le contrat sur un point accessoire (ATF 119 Ia
441 consid. 2c et les arrêts cités; PESTALOZZI, Kommentar zum schweizerischen
Privatrecht, Obligationenrecht I, 2e éd., n. 8 ad art. 493 CO, p. 2510/2511; TERCIER, op.cit.,
n. 5064, p. 619; SCHMID, op.cit., n. 502 ss, p. 143 ss; SCYBOZ, op.cit., p. 85/86;
GIOVANOLI, Berner Kommentar, n. 17 ad art. 493 CO).
c) En l'espèce, la désignation de la dette garantie - indépendamment de son caractère
suffisamment précis ou non (cf. ATF 120 II 35 consid. 3; TERCIER, op.cit., n. 5067, p. 620) -
figure exclusivement dans la formule préimprimée. En outre, celle-ci comprend des clauses en
défaveur de la caution, ainsi lorsque l'obligé renonce à la réalisation préalable des gages sur
les meubles et créances (ch. 2; art. 496 al. 2 CO) ou à la réduction légale de la garantie
prévue à l'art. 500 al. 1 CO (ch. 3) (cf. SCHMID, op.cit., n. 506 et 510, p. 144; GIOVANOLI,
op.cit., n. 17 ad art. 493 CO; voir également DENIS PIOTET, La forme authentique simplifiée
du cautionnement dans la loi vaudoise et le droit privé fédéral, in JdT 1996 III [ci-après: op.cit.
1996], p. 3). Il s'ensuit que la cour de céans ne peut se dispenser d'examiner si l'acte de
cautionnement en deux parties du 27 février 1987 respecte la notion fédérale de forme
authentique.
5. a) Dans le second volet de son argumentation, le demandeur reproche précisément à la
cour cantonale d'avoir méconnu les conditions posées par le droit fédéral en matière de forme
authentique. La seule mention des conditions préimprimées dans l'acte en brevet et leur
annexion ne constitueraient pas un lien matériel suffisant entre le document externe et l'acte
authentique. Invoquant l'avis de PIOTET (op.cit. 1996, p. 2 ss), le demandeur critique la
jurisprudence appliquée en l'espèce par la Chambre des recours, selon laquelle le droit
cantonal doit, pour satisfaire aux exigences du droit fédéral, garantir une prise de
connaissance du contenu de l'acte, et non assurer que le notaire lise effectivement l'acte aux
parties ou le leur donne à lire. A suivre le demandeur, la participation du notaire à l'adhésion
de la caution aux clauses préimprimées n'a pas été assurée en l'occurrence, du moment que
l'acte en brevet ne fait état ni d'une lecture de la formule préétablie par l'officier public à la
caution, ni d'aucune authentification de l'adhésion de la caution aux conditions préimprimées
essentielles. Au demeurant, l'acte en brevet n'indiquerait pas expressément que la prise de
connaissance dont il fait état a eu lieu en présence du notaire. Pour le demandeur, la validité
formelle du cautionnement de février 1987 ne saurait être admise.
b) Il appartient aux cantons de déterminer les modalités de la forme authentique (art. 55 al. 1
Tit. fin. CC). Mais la notion même de forme authentique et les conditions minimales
auxquelles elle doit satisfaire relèvent du droit fédéral (ATF 113 II 402 consid. 2a p. 404; ATF
106 II 146 consid. 1 p. 147 et les arrêts cités). Ces conditions résultent du but que le droit
matériel fédéral assigne à la forme authentique (ATF 106 II 146 consid. 1 p. 147 et les arrêts
cités; arrêt non publié du 23 août 1994 dans la cause 4P.83/1994, consid. 1, reproduit in
RNRF/ZBGR 1997, p. 281 ss). Faute de définition dans le code civil, il appartient à la
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jurisprudence et à la doctrine de délimiter les contours de la notion fédérale de forme
authentique (Hans Huber, Die öffentliche Beurkundung als Begriff des Bundesrechtes, in
RNRF/ZBGR 1988, p. 229). Ainsi, le fait pour la personne chargée de dresser l'acte
d'authentifier une constatation dont elle connaît l'inexactitude a été tenu pour incompatible
avec la nature même de la forme authentique (ATF 90 II 274 consid. 6 p. 282). De même, le
droit fédéral exige que l'identité de l'officier public résulte sans équivoque de l'acte lui-même
(arrêt non publié du 23 août 1994 dans la cause 4C.119/1994, consid. 1, reproduit in
RNRF/ZBGR 1997, p. 285 ss).
La recherche des éléments essentiels de la forme authentique selon le droit fédéral a
également occupé les auteurs (cf. les listes de conditions minimales dressées par PETER
RUF, Notariatsrecht - Skriptum, p. 46 ss et par Denis Piotet, La notion fédérale de l'acte
authentique à l'épreuve de la doctrine, in Mélanges en l'honneur de JACQUES-MICHEL
GROSSEN [ci-après: op.cit. 1992], p. 21 ss). En général, la participation active de l'officier
public à l'élaboration de l'acte est considérée comme une exigence fondamentale de la forme
authentique (PIOTET, op.cit. 1996, p. 4 et 1992, p. 21); cette participation ne peut consister
uniquement en la légalisation de la signature des parties, sans que l'officier public ne se
préoccupe du contenu matériel de l'acte (RUF, op.cit., p. 47; PIOTET, op. cit. 1992, p. 21;
HANS HUBER, Die öffentliche Beurkundung als Begriff des Bundesrechtes, in RJB/ZBJV
1967, p. 267 ss; LIVER, in RJB/ZBJV 1959, p. 435; BECK, Berner Kommentar, n. 11 ad art.
55 Tit. fin. CC).
c) Aux termes de l'art. 1er al. 2 de la loi d'application dans le canton de Vaud de la loi fédérale
révisant le titre vingtième du CO (RSV 3.5 B; ci-après: la loi d'application), l'acte de
cautionnement pour lequel la législation fédérale exige la forme authentique est délivré en
brevet; il peut être dressé sur une formule imprimée et se référer aux clauses de celle-ci. En
l'espèce, le notaire a rédigé l'acte en brevet sur une feuille séparée qu'il a jointe à l'acte
préimprimé par l'apposition de son sceau chevauchant les deux documents. Selon la cour
cantonale, cette manière de procéder garantit l'unité matérielle de l'acte et n'est pas contraire
à la loi d'application. Il convient d'examiner au surplus si, comme les juges précédents l'ont
également admis, elle est conforme aux exigences minimales du droit fédéral en matière de
forme authentique.
A cet égard, il faut distinguer le document simplement annexé à la suite de l'acte authentique
(par exemple, un plan à un pacte d'emption; cf. ATF 106 II 146) de celui incorporé à l'acte
principal avant la signature des parties (BRÜCKNER, Schweizerisches Beurkundungsrecht, n.
1360, p. 388). En l'espèce, l'acte en brevet se réfère expressément aux conditions
préimprimées; matériellement, ces dernières précèdent l'acte en brevet, comme la position du
sceau notarial le démontre. Par ailleurs, l'arrêt attaqué ne laisse apparaître aucun indice
donnant à penser que le notaire aurait failli à son devoir de véracité (cf. PIOTET, op.cit. 1992,
p. 26), en citant dans l'acte en brevet une formule préimprimée dont il n'aurait pas eu
connaissance au moment de l'instrumentation et en reliant les deux documents par la suite.
Au contraire, il ressort des constatations de la Cour civile, reprises par la Chambre des
recours, que le notaire disposait bien de la formule préimprimée lors de l'instrumentation de
l'acte. L'incorporation a donc bel et bien eu lieu lors de l'instrumentation du cautionnement. Au
surplus, on ne voit pas quel principe fondamental régissant la forme authentique s'opposerait,
en soi, à une telle intégration matérielle d'un acte préimprimé à un acte en brevet.
d) Il reste à déterminer si le mode de procéder choisi par le notaire et tenu pour conforme au
droit cantonal assure, au regard du droit fédéral, une participation suffisante de l'officier public
à l'adoption des clauses essentielles de l'acte de cautionnement par la caution.
Sur la base de témoignages, la cour cantonale a retenu en fait que tout l'acte de
cautionnement - formule préimprimée et acte en brevet - avait été lu aux parties par le notaire.
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Cette constatation est sans pertinence pour juger si l'acte du 27 février 1987 respecte les
exigences minimales du droit fédéral en matière de forme authentique. A supposer que la
lecture de l'acte en entier par le notaire soit l'une de ces conditions, encore faudrait-il que
cette opération soit attestée dans l'acte lui-même pour que la forme authentique soit
respectée (arrêt non publié du 31 mai 1994 dans la cause 4C.367/1993, consid. 3a). Or, en
l'espèce, la formule utilisée dans l'acte en brevet - «Dont acte délivré en brevet, après avoir
été lu par le notaire aux comparants...» - atteste uniquement une lecture de l'acte en brevet
par le notaire et n'authentifie en aucune manière que les clauses préimprimées ont également
été lues aux cautions.
Cela étant, le droit fédéral n'impose pas la lecture par le notaire des conditions préimprimées,
même PIOTET, pourtant critique à l'égard de la jurisprudence vaudoise, en convient (op.cit.
1996, p. 3). S'il a rangé la lecture de l'acte parmi les exigences raisonnables que les cantons
pouvaient ériger en éléments essentiels de la forme authentique, le Tribunal fédéral ne l'a pas
qualifiée de condition indispensable participant de la notion même de forme authentique (arrêt
non publié du 26 janvier 1981 dans la cause C 328/80, consid. 2c).
En définitive, la question est de savoir si la mention, dans l'acte en brevet, selon laquelle les
cautions déclarent accepter les conditions préimprimées «après [en] avoir pris connaissance»
constitue une formule garantissant une participation suffisante du notaire à l'adhésion de la
caution aux clauses préétablies. En soumettant le cautionnement à la forme authentique, le
législateur fédéral a cherché à préserver la caution de décisions irréfléchies, à lui faire prendre
conscience de la portée de son engagement et à assurer une expression claire et complète
de sa volonté (ATF 93 II 379 consid. 4b p. 383; ATF 90 II 274 consid. 6 p. 281 ss). Selon
PIOTET, ce but n'est garanti que si, pour le moins, le notaire a donné la formule préimprimée
à lire à la caution et a attesté de cette lecture, qui doit porter sur chacune des clauses
essentielles auxquelles il est fait renvoi (op.cit. 1996, p. 3). En l'espèce, la formule critiquée
par le demandeur diffère quelque peu puisque le notaire certifie que les cautions ont pris
connaissance du contenu de l'acte préimprimé. Même si elle est un peu moins précise que
celle préconisée par Piotet, la formule utilisée dans l'acte en brevet suppose que cette lecture
silencieuse s'est déroulée en présence du notaire, comme la cour cantonale le relève à juste
titre. On ne voit pas au surplus que l'officier public doive s'enquérir auprès de la caution, après
la lecture de chaque paragraphe de la formule préimprimée, si elle en a bien saisi le sens.
Dans ces conditions, il faut admettre que le but de protection de la caution visé par la forme
authentique est suffisamment garanti par la formule choisie en l'occurrence.
ATF 113 II 434, JdT 1988 I 185
Résumé : Cautionnement ou contrat de garantie? Caractère accessoire en tant que critère de
distinction (consid. 2b). Interprétation de l'engagement: désignation du contrat (consid. 3a),
connexité entre l'engagement et l'obligation contractuelle assumée par un tiers (consid. 3b),
importance respective de la description de la prestation (consid. 3c), de la renonciation aux
exceptions (consid. 3d) et de l'intérêt personnel (consid. 3g). Présomption en faveur du
cautionnement (consid. 2c et 3g).
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ATF 138 III 451
Renonciation à la compensation (CO 121, ATF 138 III 4531). Une banque accorde un prêt à
une Holding (« débitrice principale ») pour 3'000'000 fr. Celle-ci renonce par la signature des
documents contractuels à faire valoir la compensation. Toutefois, cette signature est le fait de
la caution (A.), qui agissait comme membre unique du conseil d’administration de la Holding.
En effet, A. s’est aussi porté caution pour un montant maximum de 2'400'000 fr. La Holding
étant tombée en faillite, la banque a réclamé le paiement de la dette à la caution A. La caution
s’oppose au paiement affirmant que, en l’absence de renonciation à la compensation, la
Holding aurait pu compenser, éteignant la dette et, partant, l’obligation de payer de la caution.
Devant le Tribunal fédéral, l’une des questions intéressantes est la relation entre l’art. 121 CO et l’art. 502 al. 2 CO, question laissée indécise par le Tribunal fédéral jusqu’à présent2.
En effet, l’art. 502 al. 2 CO permet à la caution d’opposer au créancier des exceptions
auxquelles le débiteur principal a renoncé ; c’est l’une des expressions du caractère
accessoire du cautionnement, qui vise à protéger la caution. L’art. 121 CO permet à la caution
de refuser de désintéresser le créancier si le débiteur principal a le droit d’invoquer la
compensation, mais qu’il ne le fait pas ; la disposition ne permet toutefois pas à la caution d’invoquer le droit formateur de compensation3. L’article peut signifier toutefois a contrario que
si le débiteur principal n’a pas le droit d’invoquer la compensation, la caution ne peut invoquer
l’exception dilatoire de l’art. 121 CO et doit payer.
Retenant, avec une partie de la doctrine4, que même si l’art. 502 al. 2 CO porte sur la
renonciation du débiteur à soulever une exception, il faut l’étendre à la renonciation à exercer
un droit formateur (in casu celui d’opérer la compensation). Cela ne signifie toutefois pas que
la caution puisse invoquer la compensation à la place du débiteur principal, mais qu’elle peut
faire comme si la compensation était encore possible. Partant, la compensation étant encore
possible, la caution peut soulever l’exception dilatoire de l’art. 121 CO et refuser de payer tant
que la compensation n’est pas opérée. Comme la compensation ne pourra jamais être opérée
par le débiteur (qui a renoncé à ce droit), le refus (provisoire) de payer, devient donc définitif.
Tout comme à l’ATF 126 II 25, le Tribunal fédéral n’aurait toutefois pas été obligé de trancher
la question présentée ci-dessus, puisqu’il constate que la caution avait connaissance de la
renonciation à compenser au moment de son engagement (consid. 2.2.3) ; or, selon la
jurisprudence, une telle connaissance antérieure au cautionnement exclut d’appliquer l’art.
502 al. 2 CO. La tentation de trancher était donc trop grande. Il nous semble toutefois que la
solution apportée est correcte. Enfin, la deuxième partie de l’arrêt examine la question de
savoir si l’art. 492 al. 4 CO empêche la caution de garantir l’exécution d’une dette pour
laquelle le débiteur a renoncé à des objections ou exceptions. Le Tribunal fédéral répond par
la négative. En effet, seuls les droits auxquels la caution renonce elle-même et qui ont pour
but de la protéger sont visés par cette disposition.
_______________ 1 Les faits sont tirés de la partie non publiée, cf. TF, 4A_678/2011.
2 ATF 126 III 25.
3 cf. c. 2.2.1, et déjà ATF 126 III 25, c. 3b.
4 Cf. auteurs cités c. 2.2.2.
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III. Les caractéristiques de la garantie bancaire à première demande
TF, 4A_290/2007 (10 décembre 2007)
6.1 Celui qui se porte fort promet au bénéficiaire (ou stipulant) le fait d'un tiers et s'engage à
lui payer des dommages-intérêts si ce tiers ne s'exécute pas (art. 111 CO). Il assume une
obligation indépendante qui peut exister même si le tiers n'est pas débiteur du bénéficiaire ou
si son obligation est nulle ou invalidée (ATF 125 III 305 consid. 2 p. 306 et les références).
Sauf convention contraire, la garantie est exigible dès que la prestation du tiers n'est pas
effectuée au moment convenu. Le bénéficiaire de la promesse n'est pas tenu de mettre le
tiers en demeure, ni de le rechercher (ATF 131 III 606 consid. 4.2.2 et les auteurs cités).
Le dommage à réparer consiste dans la différence entre la situation patrimoniale du
bénéficiaire telle qu'elle est et telle qu'elle serait si le tiers avait eu le comportement promis;
sauf convention contraire, les dommages-intérêts doivent être fixés conformément aux règles
usuelles régissant l'inexécution des obligations (Silvia Tevini Du Pasquier, Commentaire
romand, n. 12 ad art. 111 CO; Christoph M. Pestalozzi, Commentaire bâlois,
Obligationenrecht I, 4e éd., n. 14 ad art. 111 CO; Pierre Engel, Traité des obligations en droit
suisse, 2e éd., p. 435; Edouard Béguelin, Porte-fort, FJS n° 769 p. 6 ch. 3).
D'une manière générale, lorsqu'une garantie indépendante est délivrée, le garant appelé à
exécuter son engagement ne peut pas opposer au bénéficiaire d'autres exceptions que celles
tirées du contrat de garantie (ATF 122 III 321 consid. 4a p. 322). Seul un abus de droit de la
part du bénéficiaire peut rendre l'appel à la garantie inopérant (ATF 131 III 511 consid. 4.6).
En matière de porte-fort, le promettant ne peut donc pas se prévaloir des exceptions, fondées
sur le rapport de valeur, que le tiers serait en droit d'opposer au bénéficiaire (exceptiones de
iure tertii; Tevini Du Pasquier, op. cit., n. 15 ad art. 111 CO; Pestalozzi, op. cit., n. 14 in fine ad
art. 111 CO). Cependant, les règles de la bonne foi peuvent justifier des dérogations. Ainsi, il
serait contraire à ces règles que le bénéficiaire conservât sa créance, alors que le risque s'est
réalisé par sa faute, à plus forte raison si elle est intentionnelle. De même, l'obligation du
promettant devrait cesser si le bénéficiaire refuse sans raison la prestation du tiers ou omet
d'accomplir les actes préparatoires nécessaires (Georges Scyboz, Le contrat de garantie et le
cautionnement, Traité de droit privé suisse, tome VII/2, p. 20; Rolf H. Weber, Commentaire
bernois, n. 152 ad art. 111 CO; Tevini Du Pasquier, ibid.).
6.2 Dans la promesse de porte-fort analogue au cautionnement (die bürgschaftsähnliche
Garantie) - figure juridique qui correspond à l'engagement examiné ici -, le fait promis consiste
en l'exécution d'une obligation du tiers envers le stipulant (ATF 113 II 434 consid. 2a).
Lorsque le cas de garantie se réalise, le bénéficiaire obtient alors deux créances: l'une contre
le tiers pour inexécution et l'autre contre le promettant au titre du porte-fort. Il n'y a pas de
solidarité entre les débiteurs (art. 143 CO) ni de subsidiarité entre les deux dettes, mais un
concours de prétentions contractuelles. Le stipulant peut agir à son gré contre le tiers ou
contre le promettant. Il ne saurait toutefois cumuler les indemnités au-delà de son dommage
(Scyboz, op. cit., p. 21 in fine; Tevini Du Pasquier, op. cit., n. 14 ad art. 111 CO; Pestalozzi,
op. cit., n. 11 ad art. 111 CO). S'il s'est adressé utilement au tiers, il perd, dans la mesure de
la réparation qu'il en obtient, le droit de rechercher encore le porte-fort (Béguelin, op. cit., p. 7
in fine).
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ATF 138 III 241, SJ 2012 I 365 (4A_505/2011 [13.2.2012])
CO 111 : Dans le cas d’une garantie à première demande excluant toute objection ou
exception découlant du contrat de base, le garant ne peut exiger, avant de payer, que les
documents et renseignements prévus dans le libellé de la garantie; il ne peut pas demander
davantage d’informations dans l’idée de détecter, le cas échéant, un appel abusif à la
garantie.
Faits (résumé):
A. - a) Les sociétés X. SA (demanderesse et recourante) et Y. SA (défenderesse et intimée)
ont conclu les 12 et 13 avril 2006 un contrat d’assurance de garantie de construction. Sur la
base de ce contrat, la demanderesse s’est engagée vis-à-vis de la société Z. SA, par
promesse de garantie du 13 avril 2006, à lui payer à première demande tout montant à
concurrence de 145'286 fr. 90, ceci, indépendamment de la validité et des effets juridiques du
contrat d’entreprise liant la défenderesse et la bénéficiaire et en renonçant à faire valoir toute
objection ou exception tirée de celui-ci. L’appel à la garantie était conditionné à la
présentation d’une demande de paiement écrite de Z. SA et d’une confirmation écrite que la
défenderesse n’avait pas respecté ses obligations contractuelles. L’échéance de la garantie a
été fixée au 30 juin 2007.
b) Par courrier du 19 décembre 2006, Z. SA a réclamé de la demanderesse le paiement de la
somme garantie de 145'286 fr. 90, au motif que la défenderesse n’avait pas respecté ses
obligations contractuelles.
Par courrier du 2 janvier 2007, la demanderesse a, en substance, demandé à Z. SA
d’expliciter le cas de garantie. Par réponse du 8 janvier 2007, Z. SA a persisté, se référant au
caractère abstrait de la garantie s’agissant du paiement. Ce n’est que par courrier du 25 juillet
2007 que Z. SA a exposé plus en détail les violations contractuelles de la défenderesse. Le 2
août 2007, la demanderesse a finalement payé la somme garantie de 145'286 fr. 90.
Par la suite, la demanderesse a réclamé à la défenderesse le remboursement du montant de
145'286 fr. 90. Celle-ci a refusé de payer.
B. - a) Par demande du 11 août 2009, déposée auprès du Tribunal de district d’Arlesheim, la
demanderesse a assigné la défenderesse en paiement d’un montant de 145'286 fr. 90, ainsi
que des frais de justice de paix à hauteur de 250 fr.
Par jugement du 12 août 2010, le Tribunal de district d’Arlesheim a rejeté la demande.
b) L’appel interjeté par la demanderesse à l’encontre de ce jugement a été rejeté le 14 juin
2011 par arrêt du Tribunal cantonal de Bâle-Campagne.
C. - La demanderesse interjette un recours en matière civile contre cet arrêt. Le Tribunal
fédéral admet le recours, annule l’arrêt du Tribunal cantonal de Bâle-Campagne et renvoie la
cause à l’instance précédente pour nouvelle décision.
Droit (extraits):
3. - La recourante allègue que l’instance précédente aurait violé le droit fédéral, dans la
mesure où elle se serait fondée sur une obligation de justification de la bénéficiaire alors
même que la promesse de garantie n’en prévoyait pas. D’après la jurisprudence constante du
Tribunal fédéral, le garant ne pouvait opposer à la bénéficiaire d’autres exceptions que celles
résultant du contrat de garantie. Il fallait pour cela se baser sur le libellé de la clause
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correspondante. Ce principe du respect strict de la garantie découlait de l’indépendance de la
garantie par rapport aux relations juridiques qui étaient à sa base. Si la bénéficiaire était,
nonobstant le libellé de la promesse de garantie, soumise à une obligation de justification,
alors le principe du respect strict de la garantie perdrait toute sa signification. Des objections
tirées du rapport de base ne pourraient être transposées au rapport de garantie que si l’appel
à la garantie était abusif.
3.1 - L’instance précédente a exposé que la doctrine était divisée sur la question de savoir si,
lors de l’appel à la garantie, le bénéficiaire devait décrire plus précisément l’événement qui
ouvrait le cas de garantie, alors même que le texte de la garantie n’exigeait aucune
explication ou une explication formulée seulement de manière générale. L’usage abusif d’une
position juridique n’était pas admissible, raison pour laquelle on ne pouvait renoncer à un
devoir du bénéficiaire de justifier le cas de garantie, même en présence d’une promesse de
garantie avec clause de paiement à première demande et exclusion d’objections et
d’exceptions. Dans le cas contraire, la preuve de l’abus de droit se révélerait à ce point difficile
à apporter que le garant ne pourrait guère opposer au bénéficiaire un appel abusif à la
garantie. Toutefois, il n’était pas nécessaire d’avoir de trop grandes exigences à l’égard de la
justification. Il suffisait que le bénéficiaire décrive brièvement l’état de fait ouvrant le cas de
garantie, en indiquant par exemple, en présence d’une garantie de bonne exécution, qu’il
faisait appel à elle en raison d’une exécution défectueuse ou tardive de l’ouvrage.
Dans le cas présent, la bénéficiaire s’était bornée à faire appel à la garantie et à transmettre
une déclaration formelle de violation du contrat par l’intimée. Cela n’était en rien suffisant pour
permettre à la recourante d’examiner sommairement si l’appel à la garantie était abusif. Une
justification plus précise n’aurait été apportée que le 25 juillet 2007, soit après l’échéance de
la garantie. Dans la mesure où la recourante, quand bien même elle était en droit de refuser
de le faire, avait payé la somme garantie en violation de son obligation contractuelle de
diligence, elle ne disposait à l’encontre de la défenderesse d’aucun droit de recours.
3.2 - S’il émet une garantie au sens de l’art. 111 CO, le garant est tenu au paiement
indépendamment d’un éventuel litige relatif au contrat de base, pour autant que les conditions
décrites dans la promesse de garantie soient remplies (ATF 131 III 511 c. 4.2 p. 524; 122 III
321 c. 4a p. 322; 122 III 273 c. 3a/aa p. 275). Le caractère indépendant de la garantie trouve
ses limites là où il y est visiblement fait appel de manière abusive (ATF 131 III 511 c. 4.6).
Dans ce cas, le garant auquel il est fait appel n’est pas seulement en droit, mais également
dans l’obligation vis-à-vis du donneur d’ordre, de refuser le paiement (ATF 122 III 321 c. 4a
pp. 322 s.).
3.3 - Une partie de la doctrine soutient que, lors de l’appel à la garantie, le bénéficiaire d’une
garantie avec clause de paiement immédiat ("à première demande") doit décrire plus
précisément l’événement qui ouvre le cas de garantie, alors même que le texte de la garantie
n’exige aucune explication ou une explication formulée seulement de manière générale
(Mauro Spaini, Die Bankgarantie und ihre Erscheinungsformen bei Bauarbeiten, 2000, p. 102;
Claus-Wilhelm Canaris, Grosskommentar HGB, Bankvertragsrecht, première partie, 4e éd.
1988, N. 1130 et les références citées). Cette position est motivée par le fait que l’usage
abusif d’une position juridique ne saurait être admis (Mauro Spaini, op. cit., p. 102). Sans une
certaine motivation, la banque ne peut procéder à l’examen de la pertinence et n’a, par
ailleurs, aucun moyen de reconnaître un éventuel abus de droit (Claus-Wilhelm Canaris, op.
cit., N. 1130, p. 767).
A cela est opposé qu’une obligation de justification contredit l’examen strictement formel, qui
ne se base que sur le texte de la clause de garantie (Carlo Lombardini, Droit bancaire suisse,
2e éd. 2008, N. 96 p. 600; Jürgen Dohm, Bankgarantien im internationalen Handel, 1985, N.
198 s.). Les conditions pour un appel à la garantie seraient fixées uniquement par la
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promesse de garantie (Andres Büsser, Einreden und Einwendungen der Bank als Garantin
gegenüber dem Zahlungsanspruch des Begünstigten, 1997, N. 896 ss; Beat Kleiner,
Bankgarantie, 4e éd. 1990, N. 21.04 s., N. 21.09; Daniel Guggenheim, Les contrats de la
pratique bancaire suisse, 4e éd. 2000, p. 341). En l’absence d’autre condition au paiement et
d’exigences de forme, l’obligation de paiement de la garante naissait avec la réception de la
seule déclaration d’appel à la garantie (Dieter Zobl, Die Bankgarantie im schweizerischen
Recht, in: Berner Bankrechtstag, Personalsicherheiten, 2007, pp. 45 s.).
3.4 - En relation avec la survenance du cas de garantie, il convient, selon la jurisprudence du
Tribunal fédéral, de procéder à un examen strictement formel, qui ne se base que sur le libellé
de la clause de garantie. Le bénéficiaire doit remplir à l’égard du garant uniquement (mais
également toutes) les conditions que la clause de garantie lui fixe pour la naissance de
l’obligation de paiement du garant (ATF 122 III 321 c. 4a p. 322; 122 III 273 c. 3a). Ainsi, le
garant ne peut exiger aucune prestation préalable qui ne ressortirait pas explicitement du
texte de la garantie (arrêt 4C.144/2003 du 10 septembre 2003 c. 2.2).
3.5 - Ces principes ne sont pas compatibles avec une obligation du bénéficiaire de justifier la
survenance du cas de garantie au-delà du libellé de la garantie. Il est au contraire de la
responsabilité de la garante d’énumérer dans la promesse de garantie toutes les conditions
au paiement de la somme garantie. Dans cette mesure, le bénéficiaire doit être protégé dans
la confiance qu’il peut placer dans le contenu de la promesse de garantie (voir arrêt
4C.144/2003 du 10 septembre 2003 c. 2.2). En l’espèce, l’appel à la garantie a été
conditionné à une demande en paiement écrite de Z. SA ainsi qu’à une confirmation écrite
que l’intimée n’a pas respecté ses obligations contractuelles. Contrairement à ce qu’a retenu
l’instance précédente, la recourante ne pouvait exiger de Z. SA une justification de l’étendue
des violations contractuelles allant au-delà du texte de la promesse de garantie. En admettant
sur cette base une violation, par la recourante, de son obligation contractuelle de diligence et
en niant par conséquent son droit de recours, l’instance précédente a violé le droit fédéral.