MALABO BULLETIN • 13 JUIN 2019 1
BULLETIN DES ASSEMBLÉES ANNUELLESDU GROUPE DE LA BANQUE AFRICAINE DE DÉVELOPPEMENT • 12 JUIN, 2019
Les dirigeants africains ont souligné, mer-
credi 12 juin, l’urgence d’activer le proces-
sus d’intégration régionale pour accélérer
la transformation économique du continent.
Cet appel commun a été lancé lors de la cé-
rémonie d’ouverture des Assemblées annuelles
de la Banque africaine de développement à
Malabo, en Guinée équatoriale, placées sous le
thème de « L’intégration régionale pour la pros-
périté économique de l’Afrique ».
« Séparée et divisée, l’Afrique est affaiblie. Ras-
semblée et unie, l’Afrique est inarrêtable », a
déclaré Akinwumi Adesina, président de la
Banque, dans l’auditorium bondé du Centre de
conférence de Sipopo.
Il a instamment invité les gouvernements afri-
cains à œuvrer à la suppression des barrières
non tarifaires. « La suppression de ces barrières
suffira, à elle seule, à accroître le commerce in-
tra-africain d’au moins 53%, et potentiellement
de le doubler », a-t-il poursuivi.
La cérémonie d’ouverture était présidée par le
chef d’État du pays d’accueil des Assemblées,
Teodoro Obiang Nguema Mbasogo. Étaient no-
tamment présents le roi Letsie III du Lesotho, le
président Félix Antoine Tshisekedi de la Répu-
blique démocratique du Congo et le Premier mi-
nistre de l’Eswatini, Ambrose Mandvulo Dlamini.
Dans son allocution d’ouverture, le président
Obiang Nguema Mbasogo a rappelé que la Gui-
née équatoriale, autrefois l’un des pays les plus
pauvres du monde, s’était radicalement trans-
formée pour devenir l’un des pays au revenu par
habitant les plus élevés du continent.
« Le développement ne relève pas du revenu
par habitant, mais plutôt de l’accroissement
des opportunités offertes aux personnes pour
qu’elles puissent mener une vie plus digne », a
tenu à souligner le président équato-guinéen.
« La Guinée équatoriale est prête à faire des af-
faires. Nous sommes engagés dans la cause
de l’intégration régionale au nom de la prospé-
rité partagée. Nous comptons sur la Banque
africaine de développement pour nous aider à
réaliser notre diversification économique et la
consolidation de l’égalité sociale », a-t-il pour-
suivi.
L’intégration régionale constitue l’une des cinq
grandes priorités stratégiques, « High 5 », de la
Banque pour accélérer la transformation éco-
nomique de l’Afrique.
Ces dernières années, la Banque africaine de
développement a investi plus de 13 milliards
de dollars américains en Afrique centrale. « Et
pour chaque dollar que nous y avons investi, la
région a généré 36 dollars, un taux de rende-
ment incroyable de 36 ! », s’est félicité Akinwu-
mi Adesina. •••
Faire tomber les murs pour intégrer l’Afrique
La Banque africaine de développement et ses partenaires ont procédé hier au lancement officiel du Mécanisme africain d’inclusion
financière numérique (ADFI), conçu pour contribuer à la sécurité et au développement des transactions financières numériques en Afrique. Le Fonds, dont le lancement officiel a eu lieu lors des Assemblées annuelles de la Banque à Malabo, en Guinée équatoriale, est parrainé la Fondation Bill et Melinda Gates, l’Agence française de développement (AFD) et le gouvernement du Luxembourg, qui en sont les premiers donateurs.
Son objectif consiste à donner accès aux services financiers numériques à quelque 332 millions d’Africains de plus, dont 60 % de femmes. Le fonds mobilisera 100 millions de dollars américains en dons et 300 millions de dollars sous forme de dette sur les ressources en ordinaires en capital de la Banque d’ici à 2030, afin de développer les services financiers électroniques pour les communautés à faible revenu.
« Avec les bons investissements dans l’innovation et une croissance numérique menée intelligemment, les obstacles à l’inclusion financière pourront être •••
Nouveau fonds pour le renforcementDANS CE NUMÉRO
Éditorial Emmanuel Nnadozie
DossierAgrobusiness
Points de vue des GouverneursJeunesseGrand entretien
Femmes
afdb.org
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Beaucoup a été accompli à ce jour pour la promotion de l’intégration en Afrique,
en témoignent les progrès réalisés dans la mise sur pied de la Zone de libre-échange continentale africaine. Pourtant, le rythme global du processus d’intégration est lent, notamment parce
que ses vecteurs et facilitateurs les plus indispensables, particulièrement les institutions solides et les dirigeants efficaces, n’ont manifestement pas bénéficié d’une attention adéquate.
Trois types d’institutions clés nécessitent une sérieuse attention pour que les objectifs de l’Afrique en matière d’intégration soient atteints. Il s’agit, en premier lieu, des institutions qui établissent un programme et définissent des politiques et des lois, y compris les traités ou le cadre juridique qui arrêtent les règles du jeu, que ce soit au niveau continental ou régional, telle l’Assemblée des chefs d’État et de gouvernement. Un bon traité devrait permettre à l’Union africaine (UA) et aux Communautés économiques régionales (CER) de faire respecter leur volonté par l’intermédiaire des pays membres, alors qu’un cadre juridique approprié devrait rendre les mesures politiques prises en faveur des citoyens pertinentes pour eux et obliger les gouvernements à adapter les lois au cadre local et à faciliter l’adoption de ces lois par des assemblées législatives nationales.
Il s’agit, en deuxième lieu, des différentes organisations, supranationales et nationales, qui appliquent des politiques et des programmes en faveur de l’intégration régionale. Elles comprennent des institutions continentales, régionales et nationales telles que l’UA et ses organes, ainsi que les CER, qui traitent de facteurs d’intégration régionale. Les organismes chargés de la conformité et de la mise en œuvre comprennent également des groupes de suivi officiels et informels indépendants qui contrôlent le respect des lois, l’application des décisions et la mobilisation permettant
d’assurer la prise de mesures à divers niveaux.
Une troisième catégorie est constituée d’institutions continentales et panafricaines telles que la Banque africaine de développement, la Fondation africaine pour le renforcement des capacités et la Commission économique pour l’Afrique, qui soutiennent le processus et dont le rôle est également crucial.
La réalité est que la performance de ces institutions n’a pas été optimale dans l’avancement de l’intégration et que les synergies sont souvent insuffisantes. L’amélioration de la performance institutionnelle nécessitera un renforcement des cadres juridiques, l’identification, le renforcement et la rationalisation des institutions d’intégration globales, la mise en place d’institutions plus fonctionnelles et la création d’institutions essentielles telles que la Banque centrale africaine, le Fonds monétaire africain et la Banque africaine d’investissement. Pourtant, l’élément clé capable d’accélérer et d’optimiser les avantages de l’intégration est avant tout un leadership efficace à tous les niveaux, surtout dans les pays où la mise en œuvre se produit. Pour s’attaquer aux faiblesses institutionnelles, pour inspirer et dessiner une orientation précise qui garantisse l’application des décisions, pour encourager l’adoption de valeurs communes en faveur de la solidarité africaine et d’une éthique panafricaine, la présence d’un leadership visionnaire et efficace s’avère essentielle. Un processus d’intégration conduit par les citoyens exige de toute évidence un renforcement des capacités appropriées et un changement d’attitude de la part de tous les acteurs clés.
Emmanuel NnadozieSecrétaire exécutif
Fondation africaine
pour le renforcement
des capacités
Éditorial
Directeur de la publicationVictor Oladokun
Rédactrices en chefNafi Diouf
Mina Mammeri
Coordination de la productionDavid Maingi
Chawki Chahed
Contributeurrs (par ordre alphabétique)Alexis Adele
Aristide Ahouassou
Cecilia Amaral
Emeka Anuforo
Bi Gohe Botty
Alkassoum Diallo
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François Lacombe
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Lionel-Clement Stanbrook
Gershwin Douglas
Wanneburg
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Tossou
PhotoGuy-Roland Tayoro, IDC
Version numériqueSimon Adjatan
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Design et mise en pagesYattien-Amiguet L.
Justin Kabasele
Guy-Ange Gnabro
Philippe Mutombo Uhata
Selom-Dossou-Yovo
© Banque africaine
de développement/PCER,
juin 2019
Équipe du Malabo Bulletin
ProverbeNe prenez pas la mer en suivant l’étoile
de quelqu’un d’autre.
Ce qui signifie : Évitez de copier les autres. Ce n’est
pas parce quelqu’un a du succès en entreprenant
quelque chose que vous devez l’imiter et vous
attendre à réussir également.
sont d'une importance cruciale pour l’intégration en Afrique
MALABO BULLETIN • 13 JUIN 2019 3
News••• Parmi ces investissements figure la réali-
sation du réseau à fibre optique de la région
d’Afrique centrale. Reliant ses populations au
moyen d’un accès plus rapide et moins oné-
reux à l’Internet, ce réseau a donné un coup
de fouet à l’activité économique et à l’intégra-
tion régionale.
Selon le ministre des Finances de Guinée
équatoriale, Cesar Mba Abogo, « le progrès
revient à réaliser le rêve de l’utopie. Notre
pays est un pays d’utopie en Afrique, jouis-
sant de l’indépendance et de la capacité pour
contrôler notre destinée. Cela nous paraissait
initialement impossible, au siècle dernier,
mais le rêve a été réalisé. Notre utopie est
désormais celle de l’intégration régionale ».
Plus de 2 000 participants assistent cette
semaine à ces Assemblées annuelles, qui
offrent à la Banque une occasion unique de
faire connaître ses points de vue sur l’état de
l’économie africaine. Elles lui permettent éga-
lement de présenter un état des lieux de ses
travaux et constituent une tribune permettant
de diffuser ses vues sur les questions émer-
gentes qui sont en train de façonner l’avenir
du continent.
Le Premier ministre, le président du Sénat,
des membres du gouvernement et ceux du
corps diplomatique de Guinée équatoriale,
ainsi que les gouverneurs et administrateurs
de la Banque africaine de développement et
d’autres dignitaires, ont assisté à la cérémo-
nie d’ouverture.
« Les opportunités économiques de
l’Afrique, qui sont illimitées, suscitent par-
tout un grand enthousiasme. La zone de
libre-échange continentale en Afrique, qui
vient d’être ratifiée, fera du continent la
plus grande zone de libre-échange dans le
monde, avec un PIB combiné de plus de
3 300 milliards de dollars américains », a
conclu le président Adesina.
••• surmontés et de meilleures perspectives économiques se présenteront pour tous », a déclaré Akinwunmi Adesina, président de la Banque africaine de développement.
Les interventions reposeront sur quatre éléments centraux : les infrastructures, dont des dispositifs de paiement numérisés et interopérables, des produits et des innovations numériques, la réforme et l’harmonisation des politiques et des réglementations, ainsi que le renforcement des capacités. Elles contribueront à la réduction de l’écart entre hommes et femmes en matière de transactions financières.
L’Afrique a connu une forte croissance du nombre d’utilisateurs de téléphones mobiles au cours de la première moitié de la décennie, ce qui a entraîné une brutale progression de la quantité d’outils et de services numériques innovants disponibles sur tout le continent. Et pourtant, les retombées ne sont pas également partagées. On estime qu’en Afrique, seulement 43 % des adultes possèdent un compte bancaire.
« L’inclusion financière, réalisée au moyen de modèles de services financiers numériques, est à la fois une puissante stratégie de lutte contre la pauvreté et un moyen de dynamiser le développement économique durable pour les économies nationales et régionales », a déclaré Michael Wiegand, directeur du programme Services financiers pour les personnes démunies au sein de la Fondation Bill et Melinda Gates.
Le projet inaugural et pilote de l’ADFI consiste en une subvention de 11,3 millions de dollars de la Fondation Bill et Melinda Gates à la Banque et à la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest. Cette subvention permettra la création d’un système de paiement numérique interopérable grâce auquel les usagers pourront envoyer et recevoir de l’argent à partir de portefeuilles mobiles, et de ces portefeuilles vers d’autres comptes numériques et bancaires.
« Avec l’ADFI, nous sommes convaincus que nos efforts communs contribueront efficacement à l’élimination des obstacles au développement du plein potentiel des services financiers numériques en Afrique. Clé de voûte des systèmes financiers inclusifs et durables, il permettra le développement de la prestation de services financiers numériques responsables de qualité auprès des populations mal desservies. L’AFD se félicite de l’attention particulière portée à l’inclusion financière numérique des femmes lors de l’évaluation des projets que nous devons épauler », a déclaré Sébastien Minot, responsable adjoint pour l’Afrique de l’AFD.
L’ADFI collaborera avec des banques et des institutions financières non bancaires, des opérateurs de réseaux mobiles, des prestataires de services de paiements et de virements, des sociétés de technologie financière, des ministères, des organismes de réglementation et des organisations économiques régionales.
« Le Luxembourg estime que la réduction de la pauvreté et la cohésion sociale vont de pair avec l’autonomisation économique et l’inclusion financière. L’ADFI apporte au Luxembourg une excellente plateforme pour lui permettre de combiner son orientation vers l’inclusion économique avec son orientation Fintech au profit des populations démunies en Afrique », a affirmé Georges Heine, gouverneur suppléant de la Banque africaine de développement représentant le ministre des Finances du Luxembourg.
Un panel de trois membres comprenant Pierre Guislain, vice-président de la Banque en charge du secteur privé, des infrastructures et de l’industrialisation, a discuté des modalités, des politiques nécessaires et des défis pour le fonds. Vanessa Moungar, directrice du département du Genre, des femmes et de la société civile de la Banque, et Konstantin Peric, directeur adjoint des services financiers pour les personnes démunies à la Fondation Bill et Melinda Gates, complétaient ce panel.
Suite de l'article Cérémonie d'ouverture
Suite de l'article ADFI
« Dans nos efforts pour parvenir à l’intégration régionale, vous devez être les partenaires qui portent la flamme », a déclaré aux banquiers africains Pierre Guislain, vice-président de la Banque africaine de développement
• L’Éthiopien Admassu Tadesse élu « Banquier afri-cain de l’année » ;
• Afreximbank, un prêteur multilatéral panafricain basé au Caire, remporte le prix « Banque de l’année ».
Le groupe de la Banque africaine de développement a appelé mardi les institutions financières africaines à recourir d’urgence à leurs investissements et autres portefeuilles commerciaux pour renforcer les efforts d’intégration régionale visant à la mutation écono-mique du continent.
« Nous avons besoin de vous, banquiers africains et institutions financières africaines, pour être les acteurs de ce développement régional, pour investir au-delà des frontières, pour financer le commerce et les in-vestissements et pour faire de l’intégration régionale une réalité », a affirmé Pierre Guislain, vice-président de la Banque pour le secteur privé, les infrastructures et l’industrialisation lors de la remise des Prix des ban-quiers africains de cette année, à Malabo, en Guinée équatoriale.
Les prix, dont la remise se déroule chaque année en marge des Assemblées annuelles de la Banque, sont devenus pour le secteur bancaire africain ce que les Oscars sont pour le cinéma, et récompensent l’excel-lence en matière de services bancaires et financiers sur le continent. La 54e assemblée annuelle de la Banque mondiale se déroule dans ce pays d’Afrique centrale sur le thème : « L’intégration régionale au ser-vice de la prospérité économique de l’Afrique ».
Les deux grands prix de la soirée ont été remis à des institutions financières de développement. Le président de la Banque du commerce et du déve-loppement (TDB), l’Éthiopien Admassu Tadesse, a été nommé « banquier africain de l’année », tandis qu’Afreximbank, institution de prêt multilatérale pa-nafricaine basée au Caire, a été élue « banque de l’année ».
Depuis qu’Admassu Tadesse a pris ses fonctions de président, la TDB a multiplié son portefeuille par cinq, renforçant ainsi sa présence en Afrique de l’Est et australe. Au cours des dix-huit derniers mois, Afreximbank a lancé toute une gamme de produits novateurs.
Les hauts dirigeants des secteurs bancaire et finan-cier, les chefs d’entreprise ainsi que les gouverneurs et les cadres supérieurs de la Banque ont assisté à la cérémonie de remise des prix, organisée par un consortium dirigé par le magazine « African Banker ».
Dans son allocution de bienvenue, Omar Ben Yed-der, directeur de la publication « African Banker », a souligné la nécessité pour les banques de veiller à ce que les investissements de capitaux soient déployés efficacement et plus rapidement pour aider à créer des entreprises et des produits africains rentables. « Nous devons faire se réaliser plus rapidement les rêves de nos millions d’entrepreneurs afin que la mu-tation que nous souhaitons se produise. »
MALABO BULLETIN • 13 JUIN 20194
Ils ont dit
MALEK AL-SHERIF, consultant bancaire,
Libéria, 1ère participation
aux Assemblées annuelles
Je suis venu à Malabo
notamment pour le lancement
de la Facilité d’inclusion
financière numérique en
Afrique (AFDI). J’ai été séduit
par le discours du président
Adesina en direction des
jeunes leaders africains et sur
l’unité nécessaire des pays du
continent.
JEAN-PAUL COUVREUR, consultant
international, Belgique, 4ème participation
aux Assemblées annuelles
J’ai découvert ce pays et j’ai
eu une impression très positive
du niveau de développement
de Malabo. La Banque, par
son niveau de ressources
mobilisables, joue un rôle
clé pour stimuler toutes les
énergies sur le continent.
L’intégration régionale se fait
par étapes.
DAYO GAWATI, exploitant agricole, Nigéria
3ème participation aux Assemblées
annuelles
Je suis très intéressé par
la stratégie de la Banque
concernant les chaînes de
valeur dans l’agriculture
et par les programmes
de formation des jeunes
agriculteurs. Je compte visiter
des exploitations agricoles
autour de Malabo. Le niveau
d’infrastructure est élevé ici.
DELPHINE ADI, commerçante, Cameroun
1ère participation aux assemblées
annuelles
La Guinée équatoriale est
un beau pays, les gens sont
accueillants. Je suis allée
faire le marché à Malabo et
j’ai vu de beaux produits à
des prix abordables. Profitons
de ces Assemblées pour
(ré)affirmer que les femmes
sont un maillon essentiel du
développement du continent.
ASABA KAE, responsable administrative,
ambassade du Japon au Gabon
1ère participation aux assemblées annuelles
Quand j’ai vu le centre de
conférence de Sipopo, je ne
pensais pas être en Afrique
mais plutôt au Japon ! La
structure est spacieuse et avec
un design moderne. Notre
vœu, c’est de voir une Afrique
de plus en plus développée.
Nous pensons qu’elle est sur
le bon chemin.
PROSPER ZE OMBAME, juriste, Gabon
1ère participation aux assemblées
annuelles
Ces Assemblées sont très
importantes. Elles sont un forum
ouvert sur les potentialités de
chaque pays et sur l’importance
de la coopération sud-sud. La
Banque a une forte volonté de
les accompagner dans leur
développement, notamment
par l’éducation et la formation.
J’habite en Guinée depuis 2005,
le pays s’est métamorphosé,
c’est impressionnant !
Le rapport de la Banque africainede développement intitulé « Création d’emplois décents. Stratégies, politiques et instruments ». Ses auteurs sont : Célestin Monga, économiste en chef, vice-président chargé de la Gouvernance
économique et de la gestion du savoir, Abele Shimeles, directeur de la politique macroéconomique, des prévisions et de la recherche, et Andinet Woldemichael, économiste principal.
L’objectif de ce rapport stratégique est de contribuer aux efforts de la Banque pour promouvoir le savoir et l’enseignement, le partage des idées, mais aussi de donner accès à ses travaux de recherche et d’apporter sa contribution aux politiques de développement dans le cadre des cinq grandes priorités stratégiques de la Banque : Éclairer et alimenter l’énergie à l’Afrique, Nourrir l’Afrique, Industrialiser l’Afrique, Intégrer l’Afrique, Améliorer la qualité de vie
des populations d’Afrique.« La plus grande ressource de l’Afrique est la jeunesse de sa population », affirme le président de la Banque, Akinwumi Adesina. Le continent compte actuellement 250 millions de jeunes. D’ici à 2050, ils devraient être environ 840 millions, ce qui fera de l’Afrique le continent le plus jeune de la planète. « Ce que nous faisons aujourd’hui de notre jeunesse conditionnera la future répartition du travail à l’échelle mondiale. L’Afrique doit devenir le grand atelier du monde, avec une main d’œuvre bien informée et hautement qualifiée, capable de propulser le continent dans la quatrième révolution industrielle », estime le président de la Banque.
À lire
CRÉATION D’EMPLOIS DÉCENTSSTRATÉGIES, POLITIQUES ET INSTRUMENTSDOCUMENT DE RECHERCHE SUR LES POLITIQUES 2
CÉLESTIN MONGA
ABEBE SHIMELES
ANDINET WOLDEMICHAEL
Éditeurs
MALABO BULLETIN • 13 JUIN 2019 5
La Banque africaine de développement épaule les gouvernements nationaux et locaux et investit.
Transports durables
Gestion des déchetsLutte contre la pollution
Energie
Eau
au changement climatique
Plus de 80 % de la croissance de l’Afrique se produira dans les villes au cours des 30 prochaines années
20-25 milliards USDpar an doivent être investis dans les infrastructures urbaines
20 milliards USDsupplémentaires chaque année pour le logement pour faire face à la croissance de la population urbaine
Transport et villes
MALABO BULLETIN • 13 JUIN 2019 7
Dossier
La prochaine révolution africaine sera agricole.
Dans son rapport publié en septembre 2017 lors
du Forum d’Abidjan sur la révolution verte en
Afrique, l’AGRA (Alliance for a Green Revolution
in Africa) rejoint l’une des ambitions majeures
de la Banque africaine de développement :
aider à l’émergence d’agro-entrepreneurs de
PME et petites exploitations, afin de générer,
dès 2030, jusqu’à 1.000 milliards de dollars de
revenus annuels sur le continent en substituant
leurs propres productions aux importations
alimentaires, grâce à la montée en puissance
d’industries de transformation au niveau local.
L’enjeu de l’agrobusiness en Afrique est de
taille. Il est à l’échelle du continent, dont le
grand atout compétitif n’est autre que lui-
même par la création d’un marché intérieur
de deux milliards d’habitants à
l’horizon de 2050. L’Afrique a les
ressources, les compétences et
la capacité humaine pour devenir
consommateur et exportateur
d’aliments produits sur son sol.
Mais pour l’heure, son solde
agricole est lourdement déficitaire,
les importations dépassant 65
milliards de dollars par an. Si rien
n’est fait pour changer la donne en
matière de compétitivité, la facture
pourrait s’alourdir à 110 milliards
de dollars en 2025. C’est tout le
paradoxe de la situation : avec
un secteur agricole qui concentre
plus de 60 % de sa population
active, dont la moitié de femmes,
ainsi que les deux tiers des terres
arables non cultivées dans le
monde, l’agrobusiness est un filon
encore sous-exploité à ce jour.
Pour faire du continent le grenier
du monde, le principal défi à
relever est celui de la compétitivité,
qui passe par le développement
de financements agricoles
inédits (outils mixtes combinant
acteurs publics et privés), un
meilleur accompagnement des
petits exploitants (assistance
technique pour augmenter les
rendements) et un appui sur des
technologies innovantes. Il existe
une forte corrélation entre le taux
d’utilisation des engrais et le taux
de rendement agricole, comme l’ont montré par
exemple les résultats obtenus dans la culture
du maïs et la floriculture en Ethiopie. Autant
d’efforts de productivité, qui doivent s’appuyer
sur un environnement d’infrastructures fiables
(routes, ports, lignes ferroviaires), un des cinq
piliers, High 5, de la politique de financement de
la Banque africaine de développement.
Force est de constater que les investissements
privés prennent de l’ampleur sur le continent.
Cependant, beaucoup reste à faire. En
novembre dernier à Johannesburg, le Forum
africain pour l’investissement, organisé sous
l’égide de la Banque, a mis en lumière la
nécessité d’investir 45 milliards de dollars par
an (contre sept actuellement) pour répondre
aux besoins de l’agrobusiness, secteur clé
du développement. L’engagement d’acteurs
privés a déjà permis la création de filières
rentables et intégrées. C’est le cas par
exemple du secteur avicole en Côte d’Ivoire, au
Sénégal et au Maroc : hausse de la demande
intérieure, investissements massifs, maîtrise
de l’ensemble de la chaîne de valeur dans un
marché de mieux et mieux structuré.
Face à une concurrence internationale élevée,
l’agriculture, qui compte pour un petit quart du
PIB continental, est loin d’avoir atteint son plein
potentiel. En raison notamment de difficultés
d’accès aux financements et du prix des intrants,
les pays africains peinent à trouver le modèle
économique de référence pour augmenter leur
productivité et transformer l’agriculture en une
activité commerciale répondant aux standards
internationaux. Pour la Banque,
tous les efforts doivent être menés
pour transformer radicalement
les modes de production et de
distribution et faire émerger un
secteur compétitif et inclusif,
créateur de richesse et protecteur
de l’environnement.
Pour « Nourrir l’Afrique », une
de ses cinq priorités, la Banque
déploie son aide financière sur
tout le continent à travers la
création de chaînes de valeur et de
pôles agricoles ou « agropoles »
via des investissements de
long terme venant de groupes
agroalimentaires internationaux.
Ces financements favorisent la
diffusion des technologies et
améliorent l’accès à l’eau et à
l’irrigation. La transformation
économique de l’Afrique ne
peut se produire qu’avec
une agriculture axée sur ces
nouvelles technologies pour
faire face aux changements
climatiques, créer des emplois et
des richesses et promouvoir la
sécurité alimentaire et la santé.
La Banque soutient et forme les
jeunes Africains, qui symbolisent
la révolution entrepreneuriale sur
la quasi-totalité du continent.
Ils sont déjà les artisans d’une
révolution en plein devenir dans
l’agrobusiness africain.
Gouverneurs
MALABO BULLETIN • 13 JUIN, 20198
Cabo VerdeOlavo Correia La bureaucratie aux frontières
représente un coût énorme pour nos
pays. Cela ne profite à personne.
Un marché et une circulation
libres offriront des occasions plus
d’opportunités aux entreprises
africaines, nous aurons ainsi plus de
consommateurs, un marché plus
vaste et plus de possibilités.
TchadIssa Doubragne L’intégration est la seule issue contre
l’immigration incontrôlée à laquelle
se livrent les jeunes Africains à la
recherche de l’Eldorado européen.
Tout ce qui brille n’est pas or, dit-on.
Ces jeunes Africains qui partent par
dizaines de milliers vers l’Europe,
alors que les Européens viennent en
Afrique à la recherche de matières
premières, ou en Asie, en Amérique,
pour de nouvelles opportunités,
devraient se tourner vers des secteurs
comme l’agriculture ou l’élevage.
MadagascarRichard J.
Randriamadrato Une intégration régionale qui s’appuie
sur des politiques institutionnelles
et financières communes est
insuffisante. L’obtention de l’adhésion
des citoyens est primordiale car il faut
que ceux-ci soient convaincus du
processus.
KenyaHenry RotichLe Kenya est un leader du
développement d’énergies
renouvelables, principalement les
énergies géothermiques, éoliennes
et hydroélectriques qui représentent
aujourd’hui environ 80 %
du bouquet énergétique du pays.
Je me réjouis que la mise en valeur
de ces ressources se soit faite en
partenariat avec la Banque africaine
de développement.
SuisseRaymund Furrer L’Afrique est le leader mondial
des services de transfert d’argent
mobile. L’expansion rapide de
l’accès à Internet a permis d’étendre
l’accessibilité des services financiers
pour le grand public et les entreprises.
Les systèmes de paiement régionaux
peuvent améliorer la performance de
l’argent mobile. La Banque africaine
de développement soutient les
plateformes de paiement qui sont
transfrontières.
GhanaKenneth Ofori-AttaNous devons instaurer le cadre de
l’intégration jusqu’à sa réalisation
complète. Nous sommes conscients
de toute l’importance des réseaux
institutionnels, infrastructurels et
informationnels dans la mise en place
d’un tel cadre à l’échelle continentale.
Il nous incombe de relancer nos
efforts au niveau sous-régional, étant
donné qu’ils serviront de fondement
à l’intégration continentale. Nous
devrons également promouvoir le
commerce intra-africain.
LE
VOUS ? La Guinée équatoriale est le seul pays hispanophone d’Afrique.
Le français été adopté en 1997 comme seconde langue officielle
du pays, et la présidence utilise aussi bien le français que l’espagnol.
Le français est donc devenu une langue d’apprentissage obligatoire
dans le secondaire.
GouverneursPOINTS DE VUE
Intégration
MALABO BULLETIN • 13 JUIN 2019 9
Valoriser les jeunes talents
Oley Dibba-WaddaDirectrice du capital humain, jeunesse
et développement des compétences
Quand les jeunes sont autonomisés et dotés des compétences nécessaires à
la réussite, leurs pays en bénéficient et le continent y gagne. La population des jeunes de l’Afrique est en pleine croissance et devrait doubler, pour dépasser les 850 millions de personnes à l’horizon 2050. Alors que le continent se prépare à mettre en œuvre l’Accord de libre-échange continental (ALEC), nous ne pouvons laisser les fils et filles africains en arrière. La vision inhérente à cet accord historique ne se concrétisera qu’avec le concours d’une force de travail compétente et adéquatement formée.
Une fois ratifié, l’ALEC créera la zone de libre-échange la plus étendue de la planète. Elle comprendra 55 pays constituant un marché de 1,2 milliard de personnes. Avec un PIB combiné de 2 500 milliards de dollars US, cet espace économique continental aura le potentiel de générer des emplois, d’affronter les inégalités et de conduire à une croissance économique accélérée. Toutefois, l’absence de compétences et l’insuffisance des investissements publics sur les plans de l’entrepreneuriat, de l’éducation et de la création de compétences parmi les jeunes, ont freiné les progrès sur la voie de l’intégration régionale en Afrique.
Les investissements de la Banque en capital humain, à savoir, l’Initiative pour l’emploi des jeunes et des projets en matière d’éducation et de création de compétences, ont commencé à faire face à ces défis. D’ici à 2025, cette Initiative devrait créer 25 millions d’emplois dans l’agriculture, dans les industries technologiques et dans d’autres secteurs clés à travers l’Afrique, tout en équipant 50 millions de jeunes en compétences devant leur permettre participer à l’économie numérique. Depuis qu’elle a lancé l’Initiative en 2016, la Banque a créé 3,1
millions d’emplois directs et investi plus de 11 milliards de dollars dans 175 projets axés sur la création d’emplois, de micro, petites et moyennes entreprises, et l’entrepreneuriat parmi les jeunes. L’Initiative Emplois pour les jeunes en Afrique de la Banque vise également à créer un environnement favorable à l’instauration d’un écosystème capable d’alimenter l’esprit d’entreprise chez les jeunes grâce à la création d’une nouvelle facilité : le Fonds fiduciaire multi-donateur pour l’entrepreneuriat et l’innovation parmi les jeunes. Avec le soutien de partenaires, tels que le Danemark, la Norvège, l’Italie, la Suède et les Pays-Bas, la Banque a porté le financement de ce Fonds de 4,5 à 40 millions de dollars US. Le Fonds appuie les organisations de soutien à l’entreprise, telles que les institutions financières, les incubateurs, et d’autres agences prêtant assistance au lancement de nouvelles affaires et au succès de petites et moyennes entreprises.
Au-delà du soutien de l’entrepreneuriat parmi les jeunes, la Banque a consenti des investissements en éducation supérieure afin de former des jeunes des deux sexes dans les domaines des STEM (science, technologie, ingénierie et mathématiques). Bénéficiant d’un mentorat et d’un soutien appropriés, les jeunes pourront ainsi acquérir les aptitudes requises pour réussir dans la science, la recherche et l’innovation. Pour faire progresser les disciplines des STEM au sein de l’éducation supérieure en Afrique, la Banque s’est associée avec le secteur privé, des établissements de recherche et des décideurs politiques en vue de soutenir les centres d’excellence. Ces centres jouent un rôle critique dans la mise en rapport de jeunes innovateurs africains avec des universités, des établissements de formation et des incubateurs d’entreprises.
Un autre aspect important du travail de développement de la Banque en matière d’éducation et de compétences tient à l’amélioration des systèmes d’éducation et de formation techniques et professionnelles dans le sens d’un renforcement des programmes d’études de STEM et d’un relèvement des capacités des enseignants à former la prochaine génération de jeunes innovateurs. Pour appuyer ces investissements en capital humain, il faudra que, dans le contexte de l’ALEC, les décideurs politiques harmonisent leurs politiques en matière d’éducation et de formation de compétences à travers l’Afrique. L’harmonisation de ces politiques en Afrique contribuera à la création des compétences requises pour répondre aux opportunités d’emploi que l’intégration régionale ne manquera pas de créer. En deuxième lieu, il faudra que l’intégration régionale de l’Afrique facilite la circulation d’une force de travail compétente. Un cadre de politique continental dans ce domaine permettrait à un ingénieur formé au Ghana, au Rwanda ou à Maurice d’obtenir un emploi en Zambie, au Sénégal ou en Égypte. En s’engageant dans une coopération et une collaboration régionales, les pays concernés pourraient réunir leurs ressources limitées en vue d’accélérer les investissements en science, en technologie et en innovation. Ils pourraient collaborer à la mise en place de centres régionaux d’excellence axés sur des domaines de compétences critiques, tels que les STEM, ce qui contribuerait au développement du commerce et de la compétitivité de l’Afrique.
Ces centres d’excellence constitueraient également de très utiles laboratoires devant permettre à des jeunes de mettre au point, de tester et de lancer leurs innovations.
Au Mali, en Ouganda et au Rwanda, la Banque a investi plus de 124 millions de dollars EU dans des centres d’excellence en matière de TIC au niveau de l’éducation supérieure. Ces centres entendent instaurer un nouveau modèle d’éducation supérieure dans les trois pays. Ils brisent les barrières qui séparent le domaine de l’éducation de celui des affaires en mettant les universités et les établissements de formation en rapport avec des incubateurs d’entreprise et en recourant à l’apprentissage par voie numérique (technologies nouvelles) pour améliorer les résultats de l’apprentissage. Les objectifs principaux sont d’imprimer un nouvel élan à l’étude des sciences et de la technologie ainsi qu’à la création d’emplois, afin de préparer les jeunes à la 4e révolution industrielle.
D’innombrables jeunes entrepreneurs et innovateurs tracent la voie vers une Afrique nouvelle. Ange Frederick Balma, jeune entrepreneur technologique de Côte d’Ivoire, en offre un bel exemple. Il a fondé une entreprise de communication sans fil active en Côte d’Ivoire, mais également au Ghana, au Nigeria, en Afrique du Sud, en Tanzanie et en Zambie. Il a remporté le prix de la meilleure entreprise technologique lors de l’Africa Investment Forum organisé par la Banque l’année dernière. « L’Africa Investment Forum m’a permis de me faire connaître et m’a apporté assez de confiance en moi pour aller à la conquête du territoire africain. Il m’a donné une occasion unique de bénéficier d’un mentorat et d’une formation de haute qualité sur la manière d’aborder les investisseurs », explique-t-il. Ange Frederick Balma est la parfaite illustration du fait que les jeunes Africains peuvent assurément contribuer à l’accélération de l’intégration régionale si on leur en donne la formation et les opportunités.
MALABO BULLETIN • 13 JUIN 201910
Grand entretien
Pourquoi la Banque africaine de développement œuvre-t-elle en faveur des questions d’égalité entre les genres et d’autonomisation des femmes ?
La mission de la Banque africaine de développement est de faire avancer le progrès social et le développement économique des pays membres régionaux de façon durable. Nous savons que les femmes peuvent être de puissantes agentes du changement et de la croissance inclusive sur le continent. En effet, l’impact des femmes sur le développement est important : les recherches effectuées indiquent que les femmes réinvestissent jusqu’à 90 % de leurs revenus dans l’éducation, la santé et l’alimentation de leur famille et de leur communauté – contre 30 à 40 % pour les hommes. Par conséquent, l’autonomisation des femmes n’est pas seulement une question de justice sociale et d’impératif moral ; il y a également un fort argument socio-économique, pour faire advenir la prospérité à long terme des sociétés africaines. C’est la raison pour laquelle la Banque africaine de développement s’est engagée à faire avancer la question d’égalité entre les genres par le biais de sa Stratégie décennale 2013-2023 et de son programme High 5. Il existe là une occasion extraordinaire d’autonomiser les femmes à travers nos opérations, nos processus et nos politiques, et de dégager un impact plus important dans les domaines des infrastructures, de l’énergie, de l’agriculture, de la santé, etc.
Au-delà de l’intégration de la dimension de genre, nous nous concentrons aussi sur les questions à fort impact, avec des interventions ciblant les femmes. Dans le cadre de l’accent que nous plaçons sur le développement du secteur privé en Afrique, nous sommes dans une position unique pour soutenir et libérer l’entrepreneuriat des femmes. Le plus grand pourcentage de femmes entrepreneures au monde se trouve sur le continent africain : une femme sur quatre lance ou gère une nouvelle entreprise. Cela signifie qu’il existe une masse
critique d’innovatrices et une tendance positive sur laquelle capitaliser.
Comment pouvons-nous soutenir les femmes entrepreneures le mieux possible ?
Nous savons que les règles du jeu ne sont pas équitables : les femmes entrepreneures doivent affronter de multiples défis dans l’accès aux mêmes possibilités que les hommes. La différence d’accès aux financements est particulièrement frappante, l’écart entre les femmes et les hommes étant estimé à 42 milliards de dollars EU. Les causes sous-jacentes de cet écart sont liées à la perception du risque et à l’absence de garanties : les banques et les institutions financières perçoivent le risque lié aux prêts aux femmes comme plus grand que celui associé aux prêts aux hommes. Ces discriminations sont amplifiées par les coutumes et les systèmes de droit positif qui ne permettent pas aux femmes de présenter des garanties ou des cautions lorsqu’elles veulent créer ou agrandir leur activité.
Par conséquent, le véritable défi est le suivant : comment peut-on réduire les risques associés aux prêts aux femmes pour combler le déficit de financement et libérer les capacités entrepreneuriales des femmes ?
L’initiative pour favoriser l’accès des femmes au financement en Afrique (AFAWA) de la Banque africaine de développement a l’intention de combler cette différence entre les genres dans l’accès aux financements. Depuis son lancement, la Banque a accéléré l’octroi de prêts aux femmes.
De plus, AFAWA propose une solution novatrice : un mécanisme panafricain de partage des risques qui vise à transformer radicalement le paysage bancaire et financier africain en garantissant les prêts aux femmes entrepreneures. Ce mécanisme fera effet de levier sur les fonds des donateurs, ce qui
permettra de catalyser dix fois le montant en garanties à travers la Banque africaine de développement et le Fonds africain de garantie. Par le biais de ce mécanisme de partage des risques couvrant les entreprises détenues et dirigées par des femmes, AFAWA aspire à mobiliser 300 millions de dollars EU afin de catalyser 3 milliards de dollars EU au cours des cinq prochaines années.
Au-delà du mécanisme de financement, la force d’AFAWA se trouve dans son approche intégrée composée de trois piliers : l’accès aux financements, l’assistance technique et l’environnement propice aux affaires. La plupart des banques commerciales ne comprennent pas les besoins spécifiques des femmes entrepreneures, et elles ne possèdent souvent pas de stratégies, de processus et d’instruments financiers adéquats s’adressant à ce segment de marché. Avec sa composante d’assistance technique, AFAWA vise à aider les banques à mettre sur pied des programmes, des produits et des services destinés spécifiquement aux femmes entrepreneures, avec des indicateurs ventilés par sexe permettant de suivre et d’améliorer l’impact grâce à l’affectation d’experts à long terme dans les banques commerciales. Une assistance directe aux femmes entrepreneures est également comprise, dans le but de renforcer leurs capacités à présenter leurs projets sous une forme « bancable » et à satisfaire aux exigences des institutions financières. Enfin, pour assurer le changement systémique à long terme, le troisième pilier d’AFAWA consiste à engager un plaidoyer auprès des gouvernements africains visant à améliorer l’environnement juridique et réglementaire de l’entrepreneuriat des femmes – en accordant une attention particulière aux droits de propriété et d’héritage.
Par le biais de cette approche à plusieurs volets qui réunit de multiples parties prenantes, AFAWA vise à bousculer le statu quo grâce à un impact transformationnel en faveur des femmes entrepreneures d’Afrique.
Libérer le potentiel des femmes
Vanessa Moungar Directrice chargée du genre,
des femmes et de la société civile
MALABO BULLETIN • 13 JUIN 2019 11
Quels sont les domaines précis où l’autonomisation des femmes peut avoir le plus d’impact et est la plus nécessaire ?
L’appui à l’autonomisation des femmes et la réduction des écarts entre les genres sont cruciaux pour notre travail, surtout dans des créneaux spécifiques. Par exemple, à travers la discrimination positive en matière de passation de marchés, nous étudions la façon dont les processus d’approvisionnement publics peuvent être utilisés de façon stratégique pour accroître l’accès des femmes entrepreneures aux opportunités d’affaires.
Grâce à Fashionomics Africa, nous appuyons la croissance de l’industrie africaine du textile et de la mode afin de libérer son potentiel de création d’emplois et de revenus, surtout pour les femmes et les jeunes. À travers notre travail sur l’inclusion des femmes dans le secteur des technologies de l’information et de la communication, notre objectif est de combler le fossé numérique entre les genres pour nous assurer que les femmes et les filles participent à l’économie numérique.
Le changement climatique est un autre secteur prioritaire : nous savons que le changement climatique n’affecte pas les femmes et les hommes de la même façon, en raison des rôles différents qu’ils jouent dans la société et de leur accès différent aux ressources. Les femmes sont plus vulnérables aux effets des catastrophes naturelles, surtout à cause du fait qu’elles constituent la majorité des populations pauvres dans le monde. Elles dépendent également davantage pour leurs moyens d’existence des ressources naturelles qui sont menacées par le changement climatique. C’est la raison pour laquelle l’initiative Inclusive Climate Action (ICA) est axée sur la nécessité d’apporter des changements transformationnels pour avancer vers un développement à faible émission de carbone, résistant au climat,
inclusif et durable, avec une perspective favorable à l’égalité des genres. Grâce au programme d’adaptation inclusive au changement climatique pour l’Afrique durable, la Banque organise également des activités de gestion des connaissances et de renforcement des capacités pour le groupe de négociateurs africains sur le genre.
Nous nous assurons également que nous soutenons les femmes dans les environnements les plus fragiles. En tant qu’acteurs du développement, nous avons la responsabilité de faire plus pour les populations les plus vulnérables qui vivent dans des zones reculées et difficiles. Récemment, j’ai participé à une visite au Niger organisée par le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), et j’ai pu observer directement les multiples défis auxquels se heurtent les populations déplacées dans le Sahel, surtout les femmes. Au cours de mes conversations avec les femmes déplacées rencontrées là-bas, je les ai entendues souligner la nécessité pour elles d’obtenir davantage qu’une aide humanitaire – des femmes m’ont dit qu’elles ont besoin de soutien pour pouvoir accéder aux moyens de se prendre en charge elles-mêmes. Elles sont désireuses de relancer les activités économiques qui vont reconstruire les sociétés dans le long terme.
Des partenariats novateurs avec des institutions partageant les mêmes valeurs et possédant des atouts complémentaires, comme le CICR, nous aideront à atteindre les populations qui sont dans le plus grand besoin en combinant notre expérience en matière d’autonomisation économique et leur présence dans les contextes les plus fragiles. Les femmes sont les principaux moteurs du changement et de l’innovation, et travailler dans de nombreux domaines pour relever les défis auxquels elles font face doit être la priorité de tous, afin que l’on puisse s’assurer qu’elles jouent pleinement leur rôle dans la transformation de l’Afrique.
MALABO BULLETIN • 13 JUIN 201912
Initiative
La Banque africaine de développement
s’est associée l’an dernier à la Fondation
Rockefeller et aux géants américains du
numérique, Microsoft et Facebook, pour lancer
le programme « Coding for Employment »
(“Codage pour l’Emploi”) qui vise à former
les jeunes Africains aux technologies de
l’information et de la communication (TIC) et à
mettre les diplômés en relation directe avec les
employeurs du secteur.
Présenté en juin 2018 lors du 2ème Sommet
africain de l’innovation à Kigali (Rwanda), ce
nouveau programme de formation a démar-
ré en septembre dernier pour une période de
deux ans. Il concerne des millions de jeunes,
en particulier des femmes, et ambitionne, à
terme, de créer plus de 9 millions d’emplois
sur tout le continent.
La Banque a mis en œuvre la première phase
du programme dans cinq pays pilotes (Kenya,
Nigéria, Rwanda, Côte d’Ivoire et Sénégal) en
ouvrant 14 centres d’excellence pour l’inno-
vation, destinés à former, chacun, au moins
1.800 jeunes d’ici à septembre 2020. La
Fondation Rockefeller a apporté son soutien
financier à hauteur de deux millions de dol-
lars. Dans dix ans, 130 centres d’excellence
seront opérationnels en Afrique.
La directrice chargée du Capital humain, de
la jeunesse et du développement des compé-
tences à la Banque africaine de développement,
Mme Oley Dibba-Wadda, précise les ambitions
du programme : « Nous voulons préparer la future
génération d’innovateurs et permettre aux jeunes
femmes de mener la révolution numérique sur le
continent. Investir dans la jeunesse grâce à des
programmes comme « Coding for Employment
» peut stimuler une croissance économique in-
clusive, mettre l’Afrique et ses jeunes à la pointe
de l’innovation technologique et faire en sorte
que la transformation numérique soit dirigée et
gérée par les jeunes Africains, et ce au profit
des Africains ».
Selon le directeur général pour l’Afrique de
la Fondation Rockefeller, Mamadou Biteye,
le programme « favorise l’accélération des in-
vestissements dans la ressource la plus pré-
cieuse de l’Afrique : ses jeunes, femmes et
hommes. C’est la raison pour laquelle la Fon-
dation Rockefeller est ravie de s’associer à la
Banque africaine de développement, pour ai-
der chaque jeune Africain à réaliser son plein
potentiel ».
Le programme « Coding for Employment » se
trouve au cœur de l’initiative de la Banque ap-
pelée « Emplois pour les jeunes en Afrique ».
D’ici à 2025, cette initiative aura doté 50 mil-
lions de jeunes Africains de qualifications ré-
pondant aux besoins du marché du travail et
aura créé 25 millions d’emplois dans l’agri-
culture et les TIC, entre autres secteurs clés
du développement économique du continent.
Depuis une quinzaine d’années, la Banque
africaine de développement a investi 1,64
milliard de dollars dans divers programmes
de formation des jeunes en science, techno-
logie et innovation. Les jeunes sont au cœur
de son programme de croissance inclusive
en Afrique à travers ses priorités « High 5 ».
D’ici à 2050, l’Afrique comptera plus de 800
millions de jeunes, d’où l’urgence de les do-
ter de compétences professionnelles, notam-
ment dans le numérique.
« Les qualifications dans le numérique de-
viennent vite cruciales pour les emplois d’au-
jourd’hui et de demain, observe la directrice
de Microsoft Philanthropies pour le Moyen-
Orient et l’Afrique, Mme Ghada Khalifa. Le
partenariat entre Microsoft et la Banque va
aider les jeunes et les femmes défavorisés
et les doter des qualifications requises pour
occuper les emplois d’aujourd’hui et de de-
main ».
Même constat pour la responsable des pro-
grammes de Facebook relatifs aux politiques,
Mme Sherry Dzinoreva : « Coding for Em-
ployment permet aux jeunes d’accéder à des
qualifications dans le numérique et leur offre
de réelles opportunités d’exercer leurs ta-
lents, leurs idées et leur savoir-faire pour faire
progresser le développement économique et
social du continent ».
Coding for EmploymentLa Banque africaine de développement et ses partenaires forment
L'agriculture, la pêche et le tourisme sont florissants
dans le sud-ouest de Madagascar. Cependant, la
région était pratiquement inaccessible en raison du
mauvais état des routes et de la quasi-impossibilité de fran-
chir les rivières pendant la saison des pluies.
Aujourd'hui, grâce à un financement de la Banque africaine
de développement d'environ 70 millions de dollars US, des
routes et des ponts ont été construits, permettant ainsi de
développer le commerce et le tourisme, de réduire la pau-
vreté et de sauver des vies.
Des travaux de réhabilitation financés par le Fonds africain
de développement ont permis le désenclavement de la
partie sud-ouest de Madagascar par l’aménagement et le
bitumage de 107 km de route entre Toliara et Analamisam-
py, ainsi que la construction du pont de Befandriana.
L’objectif du projet, améliorer les infrastructures de trans-
port routier et promouvoir les échanges commerciaux entre
cette région et le reste du pays, a largement été atteint.
Le projet a ainsi permis de désenclaver et d’améliorer les
conditions de desserte de la région en offrant une liaison
pérenne et des conditions de circulation sécurisées des
personnes et des marchandises. Le potentiel touristique et
agricole a également été valorisé et l’accès aux services et
infrastructures socioéconomiques de base facilité.
Les échanges commerciaux se sont accrus et la produc-
tion agricole dans la région a enregistré un bond de 15 %.
Juliette et Blaise Retrama Agriculteurs, grossistes et
propriétaires d'un hôtel à
Ankililoake, Toliara
« Nous sommes grossistes et
agriculteurs depuis 16 ans et nous
gérons un hôtel depuis 10 ans.
Avant les travaux routiers, l'hôtel
recevait peu de clients et nous
avions du mal à écouler nos produits
agricoles. Aujourd’hui, la clientèle
a augmenté et nous souhaitons
agrandir notre établissement. »
Madame Lydia Agricultrice et présidente
de l'Association des
femmes, Tsianisiha
« Grâce à un don de matériel du
gouvernement, on a pu améliorer
nos revenus. Avant le bitumage de
la route, on n'avait aucun moyen
d'acheminement de nos produits
hors de la région. Maintenant, on
peut facilement se déplacer.
Les bénéfices dégagés nous
permettent de payer les frais
scolaires de nos enfants. »
Razay Zanabaindrano Pharmacienne
et sage-femme à
Ankaraobato, Toliara
« Quand la route n'était pas
bitumée, il était difficile de transférer
les malades à l'hôpital de Toliara.
Un jour, on en a transporté un dans
une charrette pour rejoindre un
véhicule. Il est mort en chemin. La
nouvelle route a déjà sauvé la vie de
plusieurs personnes. »
MadagascarDes routes et des ponts
sauvent des vies
13MALABO BULLETIN • 13 JUIN 2019
MALABO BULLETIN • 13 JUIN 2019 15
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6 Déjeuner de haut niveau: le Président de la Banque a offert
tune surprise à l’occasion de l’anniversaire de S.E. Felix
Tshisekedi
9 Dialogue présidentiel de haut niveau: S.E. Teodoro Obiang
Nguema Mbasogo, Président de la Guinée équatoriale
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Déjeuner de haut niveau : Toast d’honneur à l’occasion de
l’anniversaire de S.E. Felix Tshisekedi
1 Cérémonie d’ouverture officielle – Photo de famille
3 Cérémonie d’ouverture officielle – S.E. Teodoro Obiang
Nguema Mbasogo, Président de la Guinée équatoriale
et Dr. Akinwumi A. Adesina, Président du Groupe de la
Banque africaine de développement
4 Dialogue présidentiel de haut niveau – Les panélistes :
Sa Majesté le roi Letsie III, roi du Royaume du Lesotho,
Dr. Akinwumi A. Adesina, Président du Groupe de la
Banque africaine de développement, S.E. Teodoro Obiang
Nguema Mbasogo, Président de la Guinée équatoriale,
S.E. Felix Tshisekedi, Président de la RDC, le Premier
Ministre d’eSwatini, Mandvulo Dlamini, et la modératrice,
Bronwyn Nielsen.
5 Dialogue présidentiel de haut niveau: S.E. Felix Tshisekedi,
Président de la RDC
2 De gauche à droite: Sa Majesté le roi Letsie III, roi du
Royaume du Lesotho, Dr. Akinwumi A. Adesina, Président
du Groupe de la Banque africaine de développement, S.E.
Felix Tshisekedi, Président de la RDC, et S.E. Teodoro Obiang
Nguema Mbasogo, Président de la Guinée équatoriale
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19
15 High-Level Presidential Dialogue: Boosting Africa’s Economic
Integration
Dialogue présidentiel de haut niveau : Stimuler l’intégration de
l’Afrique
17 Formal Opening Ceremony - the Governor of Cameroon,
Alamine Ousmane Mey chats with a participant
Cérémonie d’ouverture officielle - le Gouverneur du
Cameroun, Alamine Ousmane Mey, en pleine discussion avec
un participant
18 Winners of the 2019 African Banker Awards
Les gagnants de l’édition 2019 de l’African Banker Awards
16 Launch of the Africa Digital Financial Inclusion Facility- From
left to right: Bilkisu Labaran, BBC, Pierre Guislain Vice-
president, Private Sector, Infrastructure and Industrialization
of the African Development Bank; Vanessa Moungar,
Director of Gender, Women and Civil Society of the Bank and
Konstantin Peric, Deputy Director, Financial Services for the
Poor at Bill & Melinda Gates Foundation.
Lancement du Fonds d’inclusion financière numérique pour
l’Afrique – de gauche à droite: Bilkisu Labaran de BBC, Pierre
Guislain Vice-président, en charge du Secteur privé, des
Infrastructures et de l’Industrialisation à la Banque africaine
de développement; Vanessa Moungar, Directrice du Genre,
Femmes et Société civile à la Banque et Konstantin Peric,
Directeur adjoint des Services financiers, à la Fondation Bill &
Melinda Gates.
10 High-Level Presidential Dialogue: His Majesty King Letsie III,
King of the Kingdom of Lesotho
Dialogue présidentiel de haut niveau: Sa Majesté le roi
Letsie III, roi du Royaume du Lesotho
12 Delegates looking sharp in made-in-Africa outfits
L’authenticité africaine
13 High-Level Presidential Dialogue: Boosting Africa’s Economic
Integration
Dialogue présidentiel de haut niveau : Stimuler l’intégration de
l’Afrique
14 In the foreground on the right: First Lady Constancia Mangue
de Obiang
Au premier plan, à droite, la première Dame Constancia
Mangue de Obiang
11 High-Level Presidential Dialogue: eSwatini Prime Minister,
Mandvulo Dlamini
Dialogue présidentiel de haut niveau: le Premier Ministre
d’eSwatini, Mandvulo Dlamini
19 Fapa signing ceremony – Group photo
Cérémonie de signature Fapa - Photo de famille
MALABO BULLETIN • 13 JUIN 201916