3982e Rapport annuel BRI
IV. Les limites de la politique monétaire
Dans les principales Ă©conomies avancĂ©es, les taux directeurs demeurent Ă un niveau trĂšs bas et lâexpansion du bilan des banques centrales se poursuit, sous lâeffet de nouvelles sĂ©ries de mesures non conventionnelles. Ces conditions monĂ©taires extrĂȘmement accommodantes se transmettent aux Ă©conomies Ă©mergentes (ĂcĂm), notamment par le biais de leur rĂ©sistance Ă deux effets non bienvenus â la volatilitĂ© du change et des flux de capitaux. Par voie de consĂ©quence, la politique monĂ©taire est trĂšs accommodante Ă lâĂ©chelle mondiale.
Lâaction vigoureuse des banques centrales pour contenir la crise a Ă©tĂ© dĂ©cisive pour Ă©viter la dĂ©bĂącle financiĂšre et soutenir des Ă©conomies fragiles. Mais la politique monĂ©taire a ses limites. Elle peut certes fournir des liquiditĂ©s, mais elle ne peut pas rĂ©soudre les problĂšmes sous-jacents de solvabilitĂ©. Si les limites de la politique monĂ©taire ne sont pas reconnues, les banques centrales se trouveront excessivement mises Ă contribution, ce qui pourrait avoir des consĂ©quences nĂ©fastes potentiellement graves. Une dĂ©tente monĂ©taire marquĂ©e et prolongĂ©e sâaccompagne dâeffets secondaires qui peuvent retarder le retour Ă une croissance autonome et poser des risques pour la stabilitĂ© financiĂšre et des prix Ă lâĂ©chelle mondiale. Le dĂ©calage croissant entre ce que lâon attend des banques centrales et ce quâelles peuvent effectivement accomplir pourrait, Ă long terme, entamer leur crĂ©dibilitĂ© et restreindre leur autonomie opĂ©rationnelle.
Le prĂ©sent chapitre examine tout dâabord les principales mesures de politique monĂ©taire adoptĂ©es pendant lâannĂ©e Ă©coulĂ©e par les banques centrales des Ă©conomies avancĂ©es et Ă©mergentes et Ă©value leur orientation gĂ©nĂ©rale. Il Ă©tudie ensuite la portĂ©e et les limites dâune dĂ©tente monĂ©taire marquĂ©e et prolongĂ©e : implications pour lâassainissement des bilans dans les Ă©conomies avancĂ©es ; rĂ©percussions sur les ĂcĂm ; et risques Ă long terme pour les banques centrales.
Politique monétaire dans les économies avancées et émergentes
Mesures prises au cours de lâannĂ©e Ă©coulĂ©e
Entre juin 2011 et dĂ©but juin 2012, dans nombre dâĂ©conomies avancĂ©es et Ă©mergentes, la banque centrale a mis fin au relĂšvement du taux directeur qui Ă©tait en cours au premier semestre 2011, et, dans certains cas, lâa mĂȘme abaissĂ© (graphique IV.1), dans un contexte marquĂ© par une dĂ©cĂ©lĂ©ration de la croissance et par une attĂ©nuation des tensions inflationnistes. La Banque centrale europĂ©enne (BCE) a ramenĂ© Ă 1 % le taux de ses opĂ©rations principales de refinancement, tout en permettant au taux au jour le jour de tomber jusquâĂ un niveau proche du taux de sa facilitĂ© de dĂ©pĂŽt, lui-mĂȘme rĂ©duit Ă 0,25 %. Dans les autres grandes Ă©conomies avancĂ©es, les taux ont
40 82e Rapport annuel BRI
Ă©tĂ© maintenus Ă leur plancher effectif. Dans les ĂcĂm, la Banque centrale du BrĂ©sil a comprimĂ© le sien de 400 pb depuis aoĂ»t dernier, la Banque de RĂ©serve de lâInde, de 50 pb en avril 2012, et la Banque populaire de Chine, de 25 pb (prĂȘts 1 an) dĂ©but juin. Dans certains cas, mĂȘme, notamment en Chine et en Inde, la banque centrale a Ă©galement diminuĂ© le coefficient de rĂ©serves obligatoires.
DĂ©but juin 2012, les marchĂ©s sâattendaient, dans lâannĂ©e, Ă des baisses supplĂ©mentaires des taux directeurs dans la zone euro, en Chine et au BrĂ©sil, et Ă un statu quo aux Ătats-Unis, au Royaume-Uni, au Japon et en Inde (graphique IV.1, points). Les courbes des taux Ă terme indiquent que, pour les deux prochaines annĂ©es, les marchĂ©s anticipent des taux directeurs bas dans les grandes Ă©conomies avancĂ©es (graphique IV.2). Ces anticipations reflĂštent, au moins en partie, les orientations annoncĂ©es par les banques centrales. Aux Ătats-Unis, le ComitĂ© fĂ©dĂ©ral de lâopen market a annoncĂ©, en avril, que les taux des fonds fĂ©dĂ©raux resteraient vraisemblablement Ă des niveaux exceptionnellement bas au moins jusquâĂ fin 2014, Ă©tant donnĂ© les perspectives macroĂ©conomiques.
Sur la pĂ©riode considĂ©rĂ©e, les banques centrales des principales Ă©conomies avancĂ©es ont pris de nouvelles mesures dans le cadre de leur politique de bilan. La RĂ©serve fĂ©dĂ©rale, la Banque dâAngleterre et la Banque du Japon ont mis en place ou renforcĂ© des programmes dâachat massif dâactifs pour faire baisser les taux dâintĂ©rĂȘt Ă long terme, et les primes de risque en gĂ©nĂ©ral, afin dâopĂ©rer un assouplissement monĂ©taire supplĂ©mentaire. En septembre 2011, la RĂ©serve fĂ©dĂ©rale a lancĂ© le Maturity
Taux directeur1
En %
Ăconomies avancĂ©es Ăconomies Ă©mergentes
Ătats-UnisZone euroJaponRoyaume-UniAutres2
Asie (autres)3
Amériquelatine (autres)4
BrésilChineInde
0
1
2
3
4
5
3
6
9
12
15
2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013
1 Ătats-Unis : taux cible des fonds fĂ©dĂ©raux (Ă partir de mi-dĂ©cembre 2008 : point mĂ©dian du corridor du taux cible, 0â0,25 %) ; zone euro : taux de soumission minimal jusquâĂ octobre 2008, puis taux de lâappel dâoffres, opĂ©rations principales de refinancement Ă taux fixe ; Japon : taux cible des prĂȘts en blanc au jour le jour (Ă partir dâoctobre 2009 : point mĂ©dian de la fourchette cible, 0â0,1 %) ; Royaume-Uni : taux de la Banque ; BrĂ©sil : taux cible SELIC au jour le jour ; Chine : taux de rĂ©fĂ©rence des prĂȘts 1 an ; Inde : taux des prises en pension. Points : prĂ©visions de JPMorgan Chase au 8 juin 2012 pour le taux directeur en septembre 2012, dĂ©cembre 2012, mars 2013 et juin 2013. Chiffres agrĂ©gĂ©s : moyennes pondĂ©rĂ©es sur la base des PIB et PPA de 2005. 2 Australie, Canada, NorvĂšge, Nouvelle-ZĂ©lande, SuĂšde et Suisse. 3 CorĂ©e, Hong-Kong RAS, IndonĂ©sie, Malaisie, Philippines, TaĂŻpei chinois et ThaĂŻlande. 4 Chili, Colombie, Mexique et PĂ©rou.
Sources : Bloomberg ; Datastream ; JPMorgan Chase. Graphique IV.1
4182e Rapport annuel BRI
Extension Program (MEP), qui a pour objectif de cĂ©der $400 milliards de titres du TrĂ©sor Ă court terme avant fin juin 2012 et dâutiliser le produit de cette vente pour acquĂ©rir des valeurs du TrĂ©sor de durĂ©e plus longue. La Banque dâAngleterre et la Banque du Japon ont toutes deux Ă©toffĂ© leur programme dâacquisition dâactifs, Ă hauteur, respectivement, de ÂŁ125 milliards et „30 000 milliards.
Les achats effectuĂ©s par ces trois banques centrales depuis fin 2008 ont considĂ©rablement gonflĂ© les portefeuilles de titres Ă long terme â tout particuliĂšrement dâobligations dâĂtat â quâelles dĂ©tiennent ferme (graphique IV.3, trois premiers cadres). Ils ont ainsi contribuĂ© Ă faire retomber les taux longs Ă des niveaux trĂšs bas (graphique IV.4, cadre de gauche)1.
La politique de bilan adoptĂ©e par la BCE sur la pĂ©riode considĂ©rĂ©e visait Ă remĂ©dier aux dysfonctionnements du mĂ©canisme de transmission monĂ©taire, au sein de la zone euro, rĂ©sultant de la dĂ©gradation des conditions de financement des Ătats et des banques. En aoĂ»t 2011, devant la rapide hausse du rendement de certains emprunts souverains (graphique IV.4, cadre de droite), la BCE a rĂ©activĂ© les achats dâobligations dâĂtat dans le cadre de son programme pour les marchĂ©s de titres (PMT). Pour enrayer la dĂ©tĂ©rioration rapide des conditions de financement bancaire sur les marchĂ©s de la zone euro, elle a menĂ© deux opĂ©rations de refinancement Ă 3 ans, lâune en dĂ©cembre 2011 et lâautre en fĂ©vrier 2012, servant intĂ©gralement les appels dâoffres. ParallĂšlement, elle a Ă©largi la gamme des actifs quâelle accepte comme sĂ»retĂ©s et rĂ©duit de moitiĂ© le coefficient de rĂ©serves obligatoires.
1 Pour une vue dâensemble et des Ă©lĂ©ments nouveaux concernant lâeffet des programmes dâachat dâobligations par les banques centrales sur les rendements des obligations dâĂtat Ă long terme, voir J. Meaning et F. Zhu, « The impact of recent central bank asset purchase programmes », Rapport trimestriel BRI, dĂ©cembre 2011, pp. 73â83, ainsi que J. Meaning et F. Zhu, « The impact of Federal Reserve asset purchase programmes: another twist ? », Rapport trimestriel BRI, mars 2012, pp. 23â32. Cette seconde Ă©tude conclut que, fin 2011, les achats dâobligations par la RĂ©serve fĂ©dĂ©rale avaient peut-ĂȘtre rĂ©duit de plus de 150 pb le rendement de lâobligation dâĂtat 10 ans.
Courbes des taux Ă terme1
En %
Ătats-Unis
0
1
2
3
4
5
0
1
2
3
4
5
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
30 mai 201130 décembre 2011 8 juin 2012
Zone euro Royaume-Uni
0
1
2
3
4
5
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
1 Taux Ă terme instantanĂ©s obtenus Ă partir des courbes Libor/swaps de taux. En abscisse : horizon (en nombre dâannĂ©es).
Sources : Datastream ; calculs BRI. Graphique IV.2
42 82e Rapport annuel BRI
Toutes ces dĂ©cisions ont attĂ©nuĂ© les pressions qui sâexerçaient sur les banques et sur les Ătats, mais cet effet nâa Ă©tĂ© que temporaire : Ă compter de mars 2012, les tensions se sont de nouveau intensifiĂ©es (chapitre II).
Ces mesures ont sensiblement accru le volume et la durĂ©e des actifs dĂ©tenus par lâEurosystĂšme (graphique IV.3, dernier cadre). Fin mai 2012, les titres acquis ferme dans le cadre du PMT totalisaient âŹ212 milliards, et ceux achetĂ©s dans le cadre des programmes dâachat dâobligations sĂ©curisĂ©es (PAOS) avoisinaient âŹ69 milliards. Les deux opĂ©rations de refinancement Ă 3 ans ont permis dâallouer un total dâenviron âŹ1 000 milliards. Le bilan de lâEurosystĂšme sâest ainsi accru de quelque âŹ500 milliards en termes nets, dâautres opĂ©rations de refinancement Ă plus court terme ayant diminuĂ© dans le mĂȘme temps.
1 Banque dâAngleterre et RĂ©serve fĂ©dĂ©rale : par Ă©chĂ©ance rĂ©siduelle ; EurosystĂšme : encours des opĂ©rations de pension, par Ă©chĂ©ance initiale. 2 Valeur faciale. MBS = titres adossĂ©s Ă des hypothĂšques (mortgage-backed securities). 3 DĂ©tenus au titre de lâAsset Purchase Facility. 4 Papier commercial, obligations dâentreprise, ETF (exchange-traded funds, fonds cotĂ©s), titres cotĂ©s des fonds de placement immobilier et bons du TrĂ©sor Ă intĂ©rĂȘts prĂ©comptĂ©s dĂ©tenus au titre du programme dâachat dâactifs (PAA). 5 Obligations sĂ©curisĂ©es dĂ©tenues au titre des 1er et 2e programmes dâachat dâobligations sĂ©curisĂ©es (PAOS). 6 Titres dĂ©tenus au titre du programme pour les marchĂ©s de titres (PMT).
Sources : Datastream ; données nationales. Graphique IV.3
Banques centrales : taille et composition du bilan1
En milliers de milliards de la monnaie dâĂ©mission
Réserve fédérale
0
1
2
3
4
07 08 09 10 11 12
Titres du TrĂ©sor2 : †1 an 1â5 ans5â10 ans > 10 ans
†1 an 1â5 ans5â10 ans > 10 ans
MBS et titres desagences2
0,0
0,1
0,2
0,3
0,4
Fonds dâĂtat3 :
0
40
80
120
160
Obligations dâĂtat
Total de lâactif
0
1
2
3
4
Pensions :
PAOS5
PMT6
†6 mois 1 an 3 ans
Banque dâAngleterre Banque du Japon EurosystĂšme
Actifs PAA4
07 08 09 10 11 12 07 08 09 10 11 12 07 08 09 10 11 12
Taux longs Rendement des obligations dâĂtat 10 ans, en %
â2
0
2
4
2007 2008 2009 2010 2011 2012
Ătats-UnisJaponRoyaume-Uni
Ătats-Unis : prime dâĂ©ch. (10 ans)0
10
20
30
0
5
10
15
2007 2008 2009 2010 2011 2012
France (d)Allemagne (d)
Irlande (d)Italie (d)Portugal (d)Espagne (d)
GrĂšce (g)
Sources : Bloomberg ; calculs BRI. Graphique IV.4
4382e Rapport annuel BRI
Les autoritĂ©s japonaises et la Banque nationale suisse (BNS) sont intervenues sur les changes face Ă la vive apprĂ©ciation de leur monnaie, utilisĂ©e comme valeur refuge. Les rĂ©serves de change du Japon ont augmentĂ© de $185 milliards en 2011, Ă $1 221 milliards (tableau IV.1). La BNS a fixĂ© un cours minimum de 1,20 franc pour 1 euro en septembre. Les rĂ©serves de change de la Suisse ont, au demeurant, moins progressĂ© en 2011 que durant lâannĂ©e prĂ©cĂ©dente (tableau IV.1). NĂ©anmoins, leur progression a Ă©tĂ© vive en mai 2012 (plus de 25 %), en raison de tensions croissantes sur le taux plancher vis-Ă -vis de lâeuro.
Dans les ĂcĂm, et tout particuliĂšrement en Asie, lâaccumulation de rĂ©serves de change a ralenti en 2011 (tableau IV.1). Cette tendance reflĂšte en partie lâattĂ©nuation des tensions Ă la hausse sur les cours de change au second semestre, lâaccroissement de lâaversion mondiale pour le risque ayant
RĂ©serves de change : variation annuelleEn milliards de dollars
à cours de change courants En cours (déc. 2011)2006 2007 2008 2009 2010 2011
Monde 933 1 449 639 829 1 099 935 10 204 Ăconomies avancĂ©es 91 99 61 83 194 269 2 037
Ătats-Unis 3 5 4 1 2 â0 52
Japon 46 73 55 â7 39 185 1 221
Suisse 2 7 0 47 126 54 271
Zone euro 17 19 â1 â8 13 1 208 Asie 396 695 410 715 651 424 5 112
Chine 247 462 418 453 448 334 3 181
CorĂ©e 28 23 â61 65 22 11 298
Hong-Kong RAS 9 19 30 73 13 17 285
Inde 39 96 â20 12 9 â5 263
IndonĂ©sie 8 14 â5 11 29 14 104
Malaisie 12 19 â10 2 9 27 129
Philippines 4 10 3 4 16 12 66
Singapour 20 27 11 12 38 12 235
TaĂŻpei chinois 13 4 21 56 34 4 386
ThaĂŻlande 15 20 23 25 32 â0 165 AmĂ©rique latine1 54 127 42 25 81 97 642
Argentine 8 14 0 â1 4 â7 40
Brésil 32 94 13 39 49 63 343
Chili 3 â3 6 1 2 14 40
Mexique 2 11 8 0 21 23 137
Venezuela 5 â5 9 â15 â8 â3 6 PECO2 26 42 6 13 14 3 260 Moyen-Orient3 96 108 150 â29 50 84 661 Russie 120 171 â56 â5 27 8 441
Exportateurs nets de pĂ©trole4 286 331 144 â62 107 135 1 556
1 Ăconomies citĂ©es plus Colombie et PĂ©rou. 2 Pays dâEurope centrale et orientale : Bulgarie, Croatie, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Pologne, Roumanie, Slovaquie, SlovĂ©nie et RĂ©publique tchĂšque. 3 Arabie Saoudite, KoweĂŻt, Libye et Qatar. 4 AlgĂ©rie, Angola, Kazakhstan, Mexique, NigĂ©ria, NorvĂšge, Russie, Venezuela et Moyen-Orient.
Sources : FMI ; Datastream ; données nationales. Tableau IV.1
44 82e Rapport annuel BRI
entraĂźnĂ© des sorties de flux de portefeuille (graphique II.6, cadre de gauche). NĂ©anmoins, les rĂ©serves de change dâAsie Ă©mergente restent trĂšs substantielles : Ă $5 000 milliards, soit la moitiĂ© du total mondial en dĂ©cembre 2011. La Chine dĂ©tient Ă elle seule un peu moins dâun tiers des rĂ©serves mondiales de change (plus de $3 000 milliards).
Ăvaluation de lâorientation monĂ©taire
Ă lâĂ©chelle planĂ©taire, les taux directeurs rĂ©els (corrigĂ©s de lâinflation) tĂ©moignent dâune politique monĂ©taire trĂšs accommodante, quel que soit le dĂ©flateur (inflation sous-jacente ou IPC) appliquĂ© (graphique IV.5). DĂ©but 2012, les taux rĂ©els oscillaient autour de zĂ©ro en moyenne et demeuraient rĂ©solument nĂ©gatifs dans les grandes Ă©conomies avancĂ©es. Ils ont lĂ©gĂšrement progressĂ© dans les ĂcĂm, mais apparaissent encore trĂšs faibles par rapport Ă la croissance tendancielle de la production de ces Ă©conomies au cours des derniĂšres annĂ©es.
Un constat trĂšs similaire se dĂ©gage des taux directeurs calculĂ©s selon la rĂšgle de Taylor, laquelle relie mĂ©caniquement le niveau des taux directeurs au taux dâinflation et Ă lâĂ©cart de production (graphique IV.6). Certes, cette mesure pĂątit inĂ©vitablement de la forte incertitude qui entoure le niveau et le taux de croissance du potentiel de production. Cependant, si lâon tient compte de toutes les combinaisons des diffĂ©rentes mesures de lâinflation (IPC et sous-jacente) et estimations de lâĂ©cart de production (tendance variable dans le temps et tendance linĂ©aire constante), il apparaĂźt que les taux directeurs sont exceptionnellement accommodants Ă fin 2011 (graphique IV.6, cadre de gauche). Ce rĂ©sultat tient principalement aux ĂcĂm (graphique IV.6, cadre de droite), ce qui reflĂšte le poids des facteurs extĂ©rieurs (notamment des prĂ©occupations suscitĂ©es par la volatilitĂ© des cours de change et des flux de capitaux) dans la conduite de la politique monĂ©taire de ces Ă©conomies. Dans les Ă©conomies avancĂ©es, les taux directeurs se situent juste au-dessous
â2
0
2
4
2007 2008 2009 2010 2011 2012
Taux nominal corrigĂ©de lâinflation IPCTaux nominal corrigĂ©de lâinflation IPSJ
Projection â2
0
2
4
â2
0
2
4
Taux directeur réel En %
Ăconomies Ă©mergentesĂconomies avancĂ©esMonde
2007 2008 2009 2010 2011 2012 2007 2008 2009 2010 2011 2012
Moyenne pondérée sur la base des PIB et PPA de 2005. Monde : économies avancées (voir graphique IV.1) et économies émergentes (économies citées au graphique IV.1 plus Afrique du Sud, Hongrie, Pologne et République tchÚque). Les projections sont fondées sur les prévisions de JPMorgan Chase et de Consensus Economics.
Sources : Bloomberg ; © Consensus Economics ; données nationales ; calculs BRI. Graphique IV.5
4582e Rapport annuel BRI
de la plage des taux donnĂ©s par la rĂšgle de Taylor, alors quâils Ă©taient restĂ©s Ă lâintĂ©rieur de cette fourchette pendant la majeure partie de la pĂ©riode qui a suivi lâĂ©clatement de la crise (graphique IV.6, cadre du milieu).
Certes, le niveau rĂ©el du taux directeur et la rĂšgle de Taylor ne peuvent pas mesurer exactement lâorientation de la politique monĂ©taire. Lâassouplissement pourrait ĂȘtre surestimĂ© dans la mesure oĂč lâapproche nĂ©glige plusieurs facteurs qui sont importants dans le contexte actuel : risque
Banques centrales : actif
Total de lâactif, en milliers de milliards de dollars courants
Total de lâactif, en % du PIB
2
4
6
8
10
2007 2008 2009 2010 2011 2007 2008 2009 2010 2011
Ăconomies avancĂ©es1
Ăconomies Ă©mergentes2
0
10
20
30
40
1 Grandes économies avancées (voir graphique IV.6). 2 Grandes économies émergentes (voir graphique IV.6).
Sources : FMI, Statistiques financiÚres internationales ; Datastream ; données nationales. Graphique IV.7
Taux directeur et rĂšgle de Taylor1
En %
0
2
4
6
8
10
2007 2008 2009 2010 2011
Taux directeurRĂšgle de Taylor :estimationcentrale
â4
â2
0
2
4
6RĂšgle de Taylor :estimation basse/haute
0
3
6
9
12
15
Ăconomies Ă©mergentesĂconomies avancĂ©esMonde
2007 2008 2009 2010 2011 2007 2008 2009 2010 2011
RĂšgle de Taylor : i = c + 1,5(Ï â Ï*) + 0,5y, oĂč Ï est une mesure de lâinflation et y, une mesure de lâĂ©cart de PIB. La constante c est dĂ©finie comme la somme du taux dâinflation moyen et de la croissance du PIB rĂ©el depuis T1 2000. Ï* est calculĂ© comme le niveau moyen du taux dâinflation depuis T1 2000. La rĂšgle de Taylor a Ă©tĂ© appliquĂ©e en combinant successivement 3 mesures de lâinflation (inflation IPC, taux sous-jacent et prĂ©visions consensuelles de lâinflation IPC) avec les mesures de lâĂ©cart de PIB obtenues selon 3 mĂ©thodes dâestimation du PIB potentiel (filtre Hodrick-Prescott, tendance linĂ©aire et composantes non observables). Le cadre reprĂ©sente les estimations centrale, basse et haute des 9 combinaisons.
1 Moyenne pondĂ©rĂ©e sur la base des PPA de 2005. Monde : Ă©conomies avancĂ©es et Ă©conomies Ă©mergentes citĂ©es ci-aprĂšs. Ăconomies avancĂ©es : Australie, Canada, Danemark, Ătats-Unis, Japon, NorvĂšge, Nouvelle-ZĂ©lande, Royaume-Uni, SuĂšde, Suisse et zone euro. Ăconomies Ă©mergentes : Afrique du Sud, Argentine, BrĂ©sil, Chine, CorĂ©e, Hong-Kong RAS, Hongrie, Inde, IndonĂ©sie, Malaisie, Mexique, PĂ©rou, Pologne, Singapour, TaĂŻpei chinois, RĂ©publique tchĂšque, ThaĂŻlande et Turquie.
Sources : Bloomberg ; CEIC ; © Consensus Economics ; Datastream ; données nationales ; calculs BRI. Graphique IV.6
46 82e Rapport annuel BRI
de déstabilisation induit par les entrées de capitaux, séquelles de la crise financiÚre et modulation des réserves obligatoires.
La politique monĂ©taire apparaĂźt bien plus accommodante dĂšs lors que lâon prend aussi en considĂ©ration lâexpansion sans prĂ©cĂ©dent du bilan des banques centrales. Le total des actifs dĂ©tenus par ces institutions a plus que doublĂ© au cours des quatre derniĂšres annĂ©es et sâĂ©tablissait Ă environ $18 000 milliards fin 2011 (graphique IV.7, cadre de gauche). Dans les Ă©conomies avancĂ©es, la part de ces actifs a atteint environ 25 % du PIB sous lâeffet de la politique de bilan mise en place pour surmonter la crise financiĂšre mondiale (graphique IV.7, cadre de droite). Cette Ă©volution a rendu les conditions monĂ©taires encore plus accommodantes en contribuant, par exemple, Ă lâabaissement des rendements obligataires Ă long terme2. Dans les principales ĂcĂm, les actifs des banques centrales reprĂ©sentaient quelque 40 % du PIB fin 2011, reflĂ©tant lâencours substantiel des rĂ©serves de change accumulĂ©es sur la derniĂšre dĂ©cennie, en particulier en Asie. Cette situation a certainement modĂ©rĂ© la hausse des cours de change et, par lĂ , accĂ©lĂ©rĂ© la croissance.
PortĂ©e et limites dâune dĂ©tente monĂ©taire prolongĂ©e
Lâaction dĂ©cisive des banques centrales pendant la crise financiĂšre mondiale a probablement jouĂ© un rĂŽle dĂ©cisif pour Ă©viter une rĂ©Ă©dition de la Grande DĂ©pression. Câest ce que laisse penser la comparaison des dynamiques de crise (graphique IV.8, cadre de droite) et des politiques monĂ©taires
2 Pour une prĂ©sentation des rĂ©percussions sur les marchĂ©s financiers et des effets macroĂ©conomiques de la politique de bilan dĂ©ployĂ©e par les banques centrales dans les grandes Ă©conomies avancĂ©es, voir M. Cecioni, G. Ferrero et A. Secchi, Unconventional monetary policy in theory and in practice, Banque dâItalie, Questioni di Economia e Finanza (Occasional Papers), no 102, septembre 2011. Pour des donnĂ©es plus rĂ©centes sur les effets des achats dâobligations par les banques centrales, se reporter aux rĂ©fĂ©rences citĂ©es dans la note 1 ci-avant.
Réponse de la politique monétaire
0
2
4
6
8
100
200
300
400
500
20081929
20091930
20101931
20111932
20121933
20081929
20091930
20101931
20111932
20121933
Taux directeur (g)1
Base monétaire (d)2
50
75
100
125
150Production3
IPC
M2
Crédit4
Dynamique de la crise2
Lignes discontinues : Grande Dépression (années en italique) ; lignes continues : crise financiÚre actuelle.
1 En %. Grande DĂ©pression : taux dâescompte ; crise actuelle : taux cible des fonds fĂ©dĂ©raux. 2 Grande DĂ©pression : T1 1929 = 100 ; crise actuelle : T1 2008 = 100. 3 Grande DĂ©pression : PNB rĂ©el ; crise actuelle : PIB rĂ©el. 4 Grande DĂ©pression : prĂȘts bancaires en valeur nominale ; crise actuelle : dette du secteur privĂ© non financier.
Sources : Bloomberg ; Global Financial Data ; NBER ; données nationales. Graphique IV.8
Ătats-Unis : politique monĂ©taire et dynamique de la criseComparaison entre la Grande DĂ©pression et la crise financiĂšre actuelle
4782e Rapport annuel BRI
(graphique IV.8, cadre de gauche) lors de la Grande DĂ©pression (lignes discontinues) et de la crise actuelle (lignes continues) aux Ătats-Unis.
Cependant, alors quâil est largement admis que le vigoureux assouplissement de la politique monĂ©taire dans les grandes Ă©conomies avancĂ©es a Ă©tĂ© essentiel pour empĂȘcher une dĂ©bĂącle financiĂšre, les bienfaits dâune dĂ©tente monĂ©taire prolongĂ©e sont davantage controversĂ©s. Le dĂ©bat porte en particulier sur ses implications pour lâassainissement des bilans (condition prĂ©alable Ă une croissance soutenue), sur les risques dâinstabilitĂ© financiĂšre et des prix au niveau planĂ©taire, ainsi que sur les consĂ©quences Ă plus long terme pour la crĂ©dibilitĂ© et lâautonomie opĂ©rationnelle des banques centrales.
Assouplissement monétaire et assainissement des bilans
Ă court terme, une politique monĂ©taire accommodante peut faciliter lâassainissement des bilans des secteurs public et privĂ©. En offrant aux banques et aux pouvoirs publics davantage de temps pour remĂ©dier aux problĂšmes dâinsolvabilitĂ©, elle peut Ă©viter des opĂ©rations de dĂ©sendettement prĂ©cipitĂ©es et des dĂ©faillances. Elle peut aussi abaisser le coĂ»t du service de la dette, soutenir les prix des actifs, et dynamiser la production et lâemploi.
NĂ©anmoins, durant la phase de rĂ©tablissement aprĂšs une crise financiĂšre, la politique monĂ©taire pourrait sâavĂ©rer moins efficace dans son rĂŽle de stimulation de lâĂ©conomie. Les agents Ă©conomiques surendettĂ©s ne souhaitent pas emprunter pour dĂ©penser, et le systĂšme financier fragilisĂ© transmet moins bien lâorientation de la politique monĂ©taire au reste de lâĂ©conomie. Par consĂ©quent, si lâon veut que la dĂ©tente monĂ©taire exerce le mĂȘme effet Ă court terme sur la demande globale, elle devra naturellement ĂȘtre plus marquĂ©e. Mais elle ne saurait remplacer une action corrective directe pour maĂźtriser lâendettement et rĂ©Ă©quilibrer les bilans. Au bout du compte, une dĂ©tente monĂ©taire prolongĂ©e risque mĂȘme, via diffĂ©rents canaux, de retarder lâassainissement des bilans et le retour Ă une reprise autonome.
PremiĂšrement, des conditions monĂ©taires inhabituellement accommodantes sur une pĂ©riode prolongĂ©e masquent des problĂšmes sous-jacents au niveau des bilans et incitent moins Ă sây attaquer de front. Lâassainissement et les rĂ©formes structurelles nĂ©cessaires au rĂ©tablissement de la viabilitĂ© budgĂ©taire peuvent donc ĂȘtre diffĂ©rĂ©s. Comme le montre en dĂ©tail le chapitre V, les Ătats doivent agir plus rĂ©solument afin de retrouver leur statut dâemprunteurs sans risque, ce qui est essentiel Ă la fois pour la stabilitĂ© macroĂ©conomique et pour la stabilitĂ© financiĂšre Ă plus long terme.
De mĂȘme, les achats massifs dâactifs et les soutiens inconditionnels de liquiditĂ© peuvent faire paraĂźtre moins nĂ©cessaire le traitement des actifs dĂ©prĂ©ciĂ©s des banques. Ces derniĂšres sont encore aux prises avec les rĂ©percussions de la crise financiĂšre mondiale et, souvent, elles dĂ©pendent fortement des financements apportĂ©s par les banques centrales (chapitre VI). Et, en prĂ©sence de taux dâintĂ©rĂȘt bas, le coĂ»t dâopportunitĂ© associĂ© Ă la dĂ©tention de prĂȘts improductifs est rĂ©duit et les banques risquent de surestimer les capacitĂ©s de remboursement de leurs dĂ©biteurs. Tous ces facteurs pourraient perpĂ©tuer la fragilitĂ© des bilans et induire une mauvaise
48 82e Rapport annuel BRI
allocation du crĂ©dit3. Le fait, avĂ©rĂ©, que le dĂ©sendettement des mĂ©nages amĂ©ricains a rĂ©sultĂ© dâune rĂ©duction de lâoctroi de prĂȘts plutĂŽt que de passations en pertes de crĂ©dits non viables (chapitre III) montre que ces pratiques pourraient se dĂ©velopper dans le contexte actuel. En outre, on constate, dâune part, que le ratio valeur de marchĂ©/valeur comptable des actifs des banques est trĂšs faible (dans lâensemble trĂšs infĂ©rieur Ă 1) et, dâautre part, que les provisions pour pertes sur prĂȘts sont maigres alors que les conditions macroĂ©conomiques sont peu favorables (tableau VI.1), ce qui est peut-ĂȘtre lâindice de pratiques de renouvellement systĂ©matique des prĂȘts improductifs.
DeuxiĂšmement, sur la durĂ©e, la dĂ©tente monĂ©taire peut Ă©roder la rentabilitĂ© des banques. Le niveau des taux Ă court terme et la pente de la courbe des rendements prĂ©sentent une corrĂ©lation positive avec les revenus dâintĂ©rĂȘts nets des banques, car ils exercent une influence favorable, respectivement sur les marges sur dĂ©pĂŽts et sur les rendements de la transformation des Ă©chĂ©ances4. Il a Ă©tĂ© montrĂ© que, sur la pĂ©riode 2008â2010, lâassouplissement monĂ©taire a amĂ©liorĂ© la rentabilitĂ© des grandes banques internationales en facilitant la reconstitution de leurs fonds propres (encadrĂ© IV.A). Les effets nĂ©gatifs associĂ©s Ă lâabaissement des taux directeurs ont Ă©tĂ© plus largement compensĂ©s par lâaccentuation de la pente de la courbe des rendements. Cependant, en pĂ©riode caractĂ©risĂ©e Ă la fois par des taux courts bas et par une courbe des rendements aplatie, les revenus dâintĂ©rĂȘts des banques finiraient par ĂȘtre Ă©rodĂ©s. On perçoit dâores et dĂ©jĂ les premiers signes dâune telle Ă©volution, puisque le dernier aplatissement en date de la courbe des taux aux Ătats-Unis et au Royaume-Uni sâest accompagnĂ© dâune chute des marges nettes des banques (tableau VI.1).
La faiblesse des rendements obligataires engendre Ă©galement des difficultĂ©s pour les entreprises dâassurance vie et les fonds de pension. Cela avait Ă©tĂ© le cas Ă la fin des annĂ©es 1990 et au dĂ©but des annĂ©es 2000, au Japon, oĂč elle avait en effet provoquĂ© de graves problĂšmes de marges bĂ©nĂ©ficiaires nĂ©gatives, qui ont conduit Ă la faillite un certain nombre dâentreprises dâassurance vie. Aujourdâhui, entreprises dâassurance et fonds de pension se sont en partie mis Ă lâabri, soit en couvrant leur risque de taux, soit
en offrant des produits dâassurance en unitĂ©s de compte ou des rĂ©gimes
à cotisations déterminées5. Cependant, bien souvent, ces mesures ne font que
transfĂ©rer les risques ultimes sur les mĂ©nages et dâautres Ă©tablissements
financiers.
3 On a constatĂ© que les pratiques de perpĂ©tuation des prĂȘts improductifs Ă©taient trĂšs rĂ©pandues au Japon dans les annĂ©es 1990, pendant la longue pĂ©riode de taux nominaux bas. Des pratiques similaires ont Ă©tĂ© observĂ©es en Italie durant les premiĂšres annĂ©es de la crise financiĂšre mondiale. Voir R. Caballero, T. Hoshi et A. Kashyap, « Zombie lending and depressed restructuring in Japan », American Economic Review, vol. 98, dĂ©cembre 2008, pp. 1943â1977, ainsi que U. Albertazzi et D. Marchetti, Credit supply, flight to quality and evergreening : an analysis of bank-firm relationships after Lehman, Banque dâItalie, Temi di Discussione (Working Papers), no 756, avril 2010.
4 U. Albertazzi et L. Gambacorta, « Bank profitability and the business cycle », Journal of Financial Stability, vol. 5, dĂ©cembre 2009, pp. 393â409.
5 Pour de plus amples informations, voir Comité sur le systÚme financier mondial, Fixed income strategies of insurance companies and pension funds, CGFS Papers, no 44, juillet 2011.
4982e Rapport annuel BRI
EncadrĂ© IV.A â Politique monĂ©taire et rentabilitĂ© des banques, 2008â2010
Pour analyser le lien entre variation de la structure par Ă©chĂ©ance des taux dâintĂ©rĂȘt et rentabilitĂ© des banques aprĂšs la faillite de Lehman Brothers, les auteurs utilisent les donnĂ©es de bilan de 107 grandes banques internationales de 14 grands pays avancĂ©s opĂ©rant dans diffĂ©rentes juridictions. Les indicateurs macroĂ©conomiques ont, pour cette raison, tous Ă©tĂ© construits comme moyennes pondĂ©rĂ©es sur lâensemble des juridictions oĂč opĂšre chaque banque ; les donnĂ©es relatives aux crĂ©ances Ă©trangĂšres proviennent des statistiques bancaires consolidĂ©es de la BRI.
Le tableau ci-dessous prĂ©sente les rĂ©sultats de rĂ©gressions transversales simples sur ces valeurs moyennes, pendant la pĂ©riode 2008â2010, concernant trois ratios : i) marge dâintĂ©rĂȘt (MI) ; ii) crĂ©ances dĂ©prĂ©ciĂ©es/total de lâactif (CD) ; iii) rendement des actifs (RA). Une diminution du niveau des taux dâintĂ©rĂȘt Ă court terme et de la pente de la courbe des rendements (pour les deux segments 0â2 ans et 2â10 ans) a une incidence nĂ©gative sur le revenu dâintĂ©rĂȘts net des banques. Toutefois, si les taux courts ont diminuĂ© entre 2008 et 2010 dans les 14 pays analysĂ©s (de 2,44 points de pourcentage en moyenne), les deux segments de la courbe se sont pentifiĂ©s (de 0,35 point et 1,33 point respectivement). Globalement, ces variations ont eu une incidence positive sur le MI (0,69 point). Celles de la structure des taux ont, pour leur part, abaissĂ© le ratio CD (de 0,17 point), ce qui a limitĂ© la dĂ©gradation de la qualitĂ© du portefeuille de crĂ©dits pendant le ralentissement conjoncturel. Ces rĂ©sultats restent valides si lâon tient compte de lâexpansion du bilan des banques centrales, de la situation conjoncturelle et des caractĂ©ristiques propres Ă chaque banque â taille, liquiditĂ©, importance des financements de marchĂ© et (par inclusion dâune variable muette) bĂ©nĂ©fice dâun plan de sauvetage.
Variable explicative(i)
NIM(ii) CD
(iii) RA
Coeff. Sign. Coeff. Sign Coeff. Sign.
Taux dâintĂ©rĂȘt Ă court terme 0,258 ** 1,651 *** 0,034
(0,107) (0,486) (0,226)
Pente de la courbe des rendements 0â2 ans 0,641 *** 1,287 1,321 ***
(0,206) (0,914) (0,272)
Pente de la courbe des rendements 2â10 ans 0,820 *** 2,562 *** 0,253
(0,190) (0,993) (0,354)
Ratio total de lâactif banque centrale/PIB 0,002 â0,024 0,005
(0,006) (0,033) (0,011)
Croissance nominale du PIB 0,019 â0,787 *** 0,151 *
(0,039) (0,180) (0,080)
Ratio de financement sur le marchĂ© â0,021 *** 0,057 â0,023 ***
(0,003) (0,037) (0,006)
Taille de la banque â0,01 â0,899 *** 0,297 ***
(0,041) (0,323) (0,097)
Ratio de liquiditĂ© de la banque â0,014 ** â0,019 â0,001
(0,006) (0,029) (0,013)
Nombre dâobservations 107 107 107
R2 0,635 0,411 0,311
Valeur moyenne des variables explicatives, 2008â2010 1,57 % 2,40 % 0,45 %
Coeff. = coefficient de corrélation ; Sign. = significativité statistique.
Toutes les variables sont calculĂ©es en moyenne arithmĂ©tique sur la pĂ©riode 2008â2010. Taille de la banque : logarithme du total de lâactif ; liquiditĂ© de la banque : ratio encaisse + liquiditĂ©s/total de lâactif ; financement sur le marchĂ© : part de lâactif financĂ© sur ressources autres que les dĂ©pĂŽts. Le tableau ne montre pas les coefficients de corrĂ©lation pour la variable muette des banques ayant bĂ©nĂ©ficiĂ© dâun plan de sauvetage. Ratios en %. Entre parenthĂšses : erreurs types robustes. *, ** et *** : significatif au niveau de 10 %, 5 % et 1 % respectivement. Pour de plus amples renseignements sur la base de donnĂ©es, voir M. Brei, L. Gambacorta et G. von Peter, Rescue packages and bank lending, BIS Working Papers, no 357, novembre 2011.
50 82e Rapport annuel BRI
TroisiĂšmement, la faiblesse des taux courts et longs peut provoquer le retour dâune prise de risque excessive. La souplesse monĂ©taire exceptionnelle dont ont fait preuve les banques centrales face Ă la crise financiĂšre mondiale avait notamment pour finalitĂ© de lutter contre lâaversion gĂ©nĂ©ralisĂ©e pour le risque. Cependant, sur la durĂ©e, des taux bas peuvent favoriser la formation de vulnĂ©rabilitĂ©s financiĂšres en incitant Ă une quĂȘte du rendement inopportune dans certains compartiments. Dâabondantes donnĂ©es empiriques indiquent que ce facteur a jouĂ© un rĂŽle important dans la pĂ©riode qui a prĂ©cĂ©dĂ© la crise financiĂšre6. Les lourdes pertes sur transactions rĂ©cemment essuyĂ©es par des institutions financiĂšres pourraient indiquer que, dans certains secteurs, la prise de risque est excessive, ce qui appelle Ă la vigilance.
QuatriĂšmement, une dĂ©tente monĂ©taire marquĂ©e et prolongĂ©e peut ĂȘtre source de distorsions sur les marchĂ©s financiers. Le faible niveau des taux dâintĂ©rĂȘt et la politique de bilan des banques centrales ont inflĂ©chi la dynamique des marchĂ©s au jour le jour. De ce fait, il pourrait ĂȘtre plus compliquĂ© de mettre fin Ă la politique de dĂ©tente monĂ©taire (encadrĂ© IV.B). Les rachats dâactifs Ă grande Ă©chelle, destinĂ©s Ă abaisser les taux longs et les primes de risque, finissent aussi par attĂ©nuer les signaux envoyĂ©s aux marchĂ©s. Les rendements Ă long terme des principales obligations dâĂtat constituent une rĂ©fĂ©rence de premier plan pour lâintermĂ©diation financiĂšre. Leur niveau exceptionnellement bas (graphique IV.4) pourrait donc, de maniĂšre plus gĂ©nĂ©rale, fausser les prix sur les marchĂ©s financiers et empĂȘcher ces marchĂ©s de remplir efficacement leur fonction dâallocation des ressources dans le temps.
Ătant donnĂ© que, dans les principales Ă©conomies avancĂ©es, les taux directeurs se maintiennent Ă leur plancher effectif depuis plus de trois ans et que le bilan des banques centrales continue de croĂźtre, il convient dâĂȘtre vigilant Ă lâĂ©gard de lâĂ©ventualitĂ© de tels effets indĂ©sirables. De fait, comme lâindiquent les chapitres III, V et VI, la reprise reste fragile Ă cause du poids de la dette et des dĂ©sĂ©quilibres structurels persistants, alors que les mesures visant Ă assurer la viabilitĂ© budgĂ©taire et Ă assainir les bilans bancaires nâont pas Ă©tĂ© appliquĂ©es avec la vigueur nĂ©cessaire.
Impact mondial de la politique monétaire
Si cette pĂ©riode prolongĂ©e de politique monĂ©taire accommodante nâa probablement quâune capacitĂ© limitĂ©e Ă assurer une croissance durable dans les Ă©conomies avancĂ©es, elle peut sans doute avoir un large impact Ă lâĂ©chelle mondiale. Les importants diffĂ©rentiels de taux dâintĂ©rĂȘt (graphique IV.1) drainent des flux de capitaux et de crĂ©dit vers les ĂcĂm en croissance rapide, oĂč ils exercent des pressions Ă la hausse sur le cours de change. Les banques centrales des ĂcĂm ont ainsi davantage de difficultĂ©s Ă atteindre leurs objectifs de stabilisation intĂ©rieure. Elles nâont relevĂ©
6 Pour un examen des Ă©tudes empiriques sur le rĂŽle de la prise de risque, voir entre autres A. Maddaloni et J.-L. PeydrĂł, « Bank risk-taking, securitization, supervision, and low interest rates : evidence from the euro-area and the U.S. lending standards », Review of Financial Studies, vol. 24, juin 2011, pp. 2121â2165, et Y. Altunbas, L. Gambacorta et D. MarquĂ©s, « Do bank characteristics influence the effect of monetary policy on bank risk ? », Economic Letters, 2012, Ă paraĂźtre.
5182e Rapport annuel BRI
leurs taux dâintĂ©rĂȘt quâavec rĂ©ticence face au dynamisme de leurs Ă©conomie et marchĂ© financier, craignant quâun creusement du diffĂ©rentiel de taux renforce les entrĂ©es de capitaux. Il nâest donc pas impossible que la politique monĂ©taire des ĂcĂm soit systĂ©matiquement trop souple, comme le suggĂšre lâĂ©cart substantiel entre taux directeur et rĂšgle de Taylor (graphique IV.6).
EncadrĂ© IV.B â Ăvolution des marchĂ©s monĂ©taires au jour le jour
Les banques centrales ont pour coutume de recourir aux opĂ©rations au jour le jour (j/j) en blanc pour mettre en Ćuvre leur politique monĂ©taire. Toutefois, les politiques de bilan appliquĂ©es dans de nombreuses juridictions ont notablement modifiĂ© la dynamique des marchĂ©s. Dans la mesure oĂč ils sont mĂ©connus ou pourraient ĂȘtre incapables de sâinverser, les nouveaux mĂ©canismes posent des dĂ©fis aux autoritĂ©s en termes de stratĂ©gie et de modification du cadre opĂ©rationnel.
Lâexpansion de lâactif des banques centrales sâest traduite par une forte hausse des avoirs de rĂ©serve des banques au passif (graphique IV.B, cadre de gauche), ce qui a abaissĂ© les taux interbancaires j/j Ă leur niveau plancher, Ă savoir le taux auquel la banque centrale rĂ©munĂšre les dĂ©pĂŽts (graphique IV.B, cadre de droite). En dâautres termes, les banques centrales ont abandonnĂ© leur pratique coutumiĂšre qui consistait Ă maintenir le taux j/j proche dâun objectif â souvent le point mĂ©dian de la fourchette dĂ©finie par les taux auxquels les banques peuvent emprunter/prĂȘter Ă la banque centrale. Aux Ătats-Unis et au Royaume-Uni, le taux j/j sâest mĂȘme situĂ© au-dessous de la rĂ©munĂ©ration des rĂ©serves. Dans ces deux pays, des agents non bancaires nâayant pas dâaccĂšs direct Ă la facilitĂ© de dĂ©pĂŽt de la banque centrale participent au marchĂ© monĂ©taire. Cette segmentation du marchĂ©, ainsi que des possibilitĂ©s limitĂ©es dâarbitrage, permettent aux banques (qui bĂ©nĂ©ficient dâun accĂšs direct) dâemprunter Ă taux bas auprĂšs de ces agents, et de ramener ainsi les taux du marchĂ© au-dessous de ceux quâoffre la banque centrale.
En outre, le volume des opĂ©rations en blanc a diminuĂ©, car les banques sont moins contraintes de sâemprunter mutuellement des rĂ©serves pour couvrir leurs besoins de liquiditĂ© journaliers (graphique IV.B, cadre du milieu). Au Royaume-Uni, par exemple, ce volume (qui sert dâassiette Ă la dĂ©termination du taux SONIA) sâest contractĂ© de plus de moitiĂ© depuis 2008. Dans la zone euro, le volume correspondant Ă EONIA sâest rĂ©duit de mĂȘme. De plus, des prĂ©occupations relatives aux contreparties et des modifications rĂ©glementaires ont rendu plus attractives les opĂ©rations garanties : ainsi, le volume liĂ© Ă RONIA (taux des pensions), au Royaume-Uni, est, en moyenne, demeurĂ© aux alentours de son niveau de 2008 ; des tendances semblables sâobservent dans dâautres juridictions.
Il apparaĂźt, par ailleurs, que la dynamique des taux j/j se modifie. Aux Ătats-Unis, lâincidence des taux j/j des prĂȘts en blanc sur les taux des opĂ©rations garanties â Ă©lĂ©ment essentiel du mĂ©canisme de transmission de la politique monĂ©taire â sâest affaiblie en pĂ©riode de taux proches de zĂ©ro. En SuĂšde, suite Ă lâabandon de la politique de bilan par la Banque de SuĂšde, la volatilitĂ© du j/j (Tom/Next) est plus marquĂ©e quâavant la crise.
Dans lâoptique dâun contrĂŽle du taux j/j dans un scĂ©nario de sortie, les banques centrales doivent, afin de rĂ©guler le niveau des rĂ©serves, disposer dâoutils convenablement testĂ©s. Elles peuvent aussi, pour lâavenir, se demander si le ciblage dâun taux court sur prĂȘts en blanc, quâelles pratiquaient avant la crise, reste le plus efficace.
M. Bech et E. Klee, « The mechanics of a graceful exit : interest on reserves and segmentation in the federal funds market », Journal of Monetary Economics, 58(5), juillet 2011, pp. 415â431. Banque dâAngleterre, Quarterly Bulletin, T2 2011. SONIA est la moyenne pondĂ©rĂ©e des taux de toutes les opĂ©rations j/j en livres sterling en blanc nĂ©gociĂ©es Ă Londres par les membres de la Wholesale Markets Brokersâ Association (WMBA). EONIA (Euro OverNight Index Average) est la moyenne pondĂ©rĂ©e des taux de toutes les opĂ©rations j/j en blanc sur le marchĂ© interbancaire au sein de la zone euro par les banques participantes. RONIA est la moyenne pondĂ©rĂ©e des taux de toutes les opĂ©rations j/j garanties (liquiditĂ©s contre pensions sur titres dâĂtat) en livres sterling nĂ©gociĂ©es par les courtiers utilisant le systĂšme de livraison-rĂšglement de CREST (CREST Ă©tant un dĂ©positaire central de titres au Royaume-Uni). M. Bech, E. Klee et V. Stebunovs, Arbitrage, liquidity and exit : the repo and federal funds markets before, during, and emerging from the financial crisis, Conseil de la RĂ©serve fĂ©dĂ©rale, Finance and Economics Discussion Series, no 2012-21. P. Sellin et P. Sommar, « The Riksbankâs operational framework for the implementation of monetary policy â a review », Banque de SuĂšde, Economic Review, 2012:2. Voir, par exemple, lâallocution de bienvenue prononcĂ©e par JĂŒrgen Stark Ă lâatelier organisĂ© par la BCE sur le sujet : « The post-crisis design of the operational framework for the implementation of monetary policy », Francfort, 10 octobre 2011.
52 82e Rapport annuel BRI
Marché monétaire : dynamique
RĂ©serves excĂ©dentaires1 Volume du jour le jour (j/j)1 Ăcart entre taux j/j et taux de la facilitĂ© de dĂ©pĂŽt2
0
300
600
900
1 200
1 500
0
150
300
450
600
750
0807 09 10 11 12 08 09 10 11 12 08 09 10 11 12
Fed (g)EurosystĂšme (d)BanquedâAngleterre (d)
10
20
30
40
50
60
5
10
15
20
25
30EONIA (g)RONIA (d)SONIA (d)
â100
â50
0
50
100
150Ătats-UnisZone euroRoyaume-Uni
1 Moyenne mobile sur 28 jours ; en milliards de la monnaie dâĂ©mission. 2 Ătats-Unis : taux appliquĂ© aux rĂ©serves excĂ©dentaires ; zone euro : taux de la facilitĂ© de dĂ©pĂŽt ; Royaume-Uni : taux des dĂ©pĂŽts jusquâau 4 mars 2009, puis taux de la Banque ; en pb.
Sources : Bloomberg ; Datastream ; données nationales. Graphique IV.B
Ces conditions monĂ©taires accommodantes ont, depuis quelque temps dĂ©jĂ , alimentĂ© lâessor du crĂ©dit et des prix des actifs dans certaines ĂcĂm (chapitre III), oĂč elles risquent de dĂ©velopper des dĂ©sĂ©quilibres financiers analogues Ă ceux quâont connus les Ă©conomies avancĂ©es dans les annĂ©es qui ont immĂ©diatement prĂ©cĂ©dĂ© la crise mondiale. La correction de ces dĂ©sĂ©quilibres produirait des effets nĂ©gatifs significatifs, Ă lâĂ©chelle planĂ©taire Ă©galement, du fait du poids croissant de ces ĂcĂm dans lâĂ©conomie mondiale et dans les portefeuilles dâinvestissement.
Cours des produits de base, prix Ă la consommation et coĂ»ts unitaires de main-dâĆuvre
Cours des produits de base1, 2007 = 100
Ăconomies avancĂ©es2 Ăconomies Ă©mergentes7
60
80
100
120
140
160
2007 2008 2009 2010 2011 2012 2007 2008 2009 2010 2011 20122007 2008 2009 2010 2011 2012
Composite
â3,0
â1,5
0,0
1,5
3,0
4,5IPC3,4
IPSJ3,5
CUM3,6
0
2
4
6
8
10
1 Indice Standard & Poorâs Goldman Sachs Commodity ; en termes de dollar. 2 Voir graphique IV.1. 3 Variation sur 1 an, en %. Moyenne pondĂ©rĂ©e sur la base des PIB et PPA de 2005. 4 Point : prĂ©vision consensuelle de mai 2012 pour lâinflation moyenne en 2012 ou en glissement de dĂ©cembre Ă dĂ©cembre. 5 Inflation sous-jacente : IPC hors alimentation et Ă©nergie. 6 CoĂ»ts unitaires de main-dâĆuvre pour lâensemble de lâĂ©conomie, le secteur des entreprises ou les industries manufacturiĂšres, selon les donnĂ©es disponibles ; hors Inde. Certaines donnĂ©es sont des estimations fondĂ©es sur le ratio total des salaires et traitements des employĂ©s/PIB rĂ©el. 7 Afrique du Sud, BrĂ©sil, Chili, Chine, CorĂ©e, Hong-Kong RAS, Hongrie, Inde, IndonĂ©sie, Mexique, Pologne, Singapour, RĂ©publique tchĂšque, ThaĂŻlande et Turquie.
Sources : OCDE, Perspectives économiques ; © Consensus Economics ; Datastream ; données nationales ; calculs BRI. Graphique IV.9
5382e Rapport annuel BRI
La politique monĂ©taire accommodante gĂ©nĂ©ralisĂ©e a probablement contribuĂ©, par ailleurs, Ă la vigueur des cours des produits de base depuis 2009 (graphique IV.9, cadre de gauche). Ces cours, dĂ©terminĂ©s par lâoffre et la demande Ă lâĂ©chelle planĂ©taire, sont trĂšs sensibles aux conditions de la demande, lesquelles sont elles-mĂȘmes influencĂ©es par lâorientation des politiques monĂ©taires. Le rĂŽle croissant des investisseurs financiers sur les marchĂ©s des produits de base a peut-ĂȘtre exacerbĂ© cette sensibilitĂ© aux conditions monĂ©taires7.
Ce renchĂ©rissement des produits de base sâest fait particuliĂšrement sentir dans les ĂcĂm. Il y a Ă©tĂ© Ă lâorigine de deux poussĂ©es dâinflation aprĂšs 2006 (graphique IV.9, cadre de droite). Lâinflation a reculĂ© Ă partir du second semestre 2011, aprĂšs que les prix des produits de base eurent amorcĂ© un recul. Ils se situaient, dĂ©but 2012, Ă lâintĂ©rieur des fourchettes cibles dĂ©finies par les banques centrales dans la plupart des ĂcĂm, et les marchĂ©s estiment quâils devraient continuer Ă refluer lĂ©gĂšrement pendant le reste de lâannĂ©e (graphique IV.9, cadre de droite, point). Cependant, des effets de second tour pourraient encore se concrĂ©tiser, car les coĂ»ts unitaires de main-dâĆuvre ont progressĂ© au quatriĂšme trimestre 2011 (graphique IV.9, cadre de droite, courbe bleue). Compte tenu de lâimportance croissante des ĂcĂm dans les chaĂźnes dâapprovisionnement mondiales, ces Ă©volutions pourraient aussi avoir des rĂ©percussions sur lâinflation dans les Ă©conomies avancĂ©es. Cela Ă©tant, au dĂ©but 2012, les augmentations des prix et des salaires dans le monde industrialisĂ© restaient modĂ©rĂ©es, et lâinflation IPC devrait continuer sa dĂ©crue dans le courant de lâannĂ©e (graphique IV.9, cadre du milieu).
Ătant donnĂ© que la politique monĂ©taire a un impact de plus en plus sensible, les banques centrales doivent davantage tenir compte des consĂ©quences mondiales de leur action. Ă lâheure de la mondialisation, il convient Ă©galement dâadopter une perspective plus universelle pour la politique monĂ©taire si lâon veut stabiliser durablement les prix et les marchĂ©s financiers8.
Risques Ă long terme pour les banques centrales
Actuellement, les anticipations Ă long terme ne signalent pas la perception dâune accentuation des risques dâinflation dans les principales Ă©conomies avancĂ©es et Ă©mergentes. De maniĂšre gĂ©nĂ©rale, les indicateurs de marchĂ© et rĂ©sultant dâenquĂȘtes restent stables et proches des objectifs dâinflation des banques centrales (graphique IV.10).
La stabilitĂ© des anticipations dâinflation Ă long terme indique que les banques centrales conservent une grande crĂ©dibilitĂ©. On pourrait en dĂ©duire quâelles disposent dâune certaine marge de manĆuvre pour poursuivre la relance monĂ©taire. Cependant, il faut se garder de tenir cette crĂ©dibilitĂ© pour acquise. Dans les grandes Ă©conomies avancĂ©es, si la faiblesse Ă©conomique se confirme et si les questions fondamentales liĂ©es Ă la solvabilitĂ© et aux
7 Pour une analyse plus détaillée de la financiarisation des produits de base et de ses conséquences, voir BRI, 81e Rapport annuel, juin 2011, encadré IV.B.
8 C. Borio, Central banking post-crisis : what compass for uncharted waters ?, BIS Working Papers, no 353, septembre 2011.
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Anticipations dâinflation Ă long termeEn %
Sur la base de données du marché1
Sur la base dâenquĂȘtes : Ă©conomies avancĂ©es2
Sur la base dâenquĂȘtes : Ă©conomies Ă©mergentes2
1
2
3
4
5
2007 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2007 2008 2009 2010 2011 20122008 2009 2010 2011 2012
Ătats-UnisZone euroRoyaume-Uni
1,0
1,5
2,0
2,5
3,0
Japon
2
3
4
5
6BrésilChineInde
CoréeMexique
1 Anticipations dâinflation 5 ans Ă horizon 5 ans ; moyenne mensuelle. 2 PrĂ©vision consensuelle centrale de lâIPC Ă horizon 6â10 ans. Observations semestrielles (avril et octobre) converties en observations trimestrielles au moyen dâune interpolation pas Ă pas.
Sources : Bloomberg ; © Consensus Economics ; calculs BRI. Graphique IV.10
Ătats-UnisZone euroRoyaume-Uni
problĂšmes structurels ne sont pas rĂ©solues, les banques centrales pourraient ĂȘtre invitĂ©es de maniĂšre plus pressante Ă en faire davantage. Un cercle vicieux pourrait sâinstaurer, et le fossĂ© se creuser entre ce qui est attendu des banques centrales et ce quâelles peuvent rĂ©ellement accomplir. Il leur serait alors plus difficile de sortir des politiques monĂ©taires accommodantes, et leur crĂ©dibilitĂ© pourrait sâen trouver menacĂ©e. De mĂȘme, dans les ĂcĂm, la poursuite de stratĂ©gies de croissance tirĂ©e par les exportations pourrait faire planer des doutes sur la volontĂ© des banques centrales de suivre une politique de stabilitĂ© des prix et de mettre un terme Ă leurs interventions massives sur les changes. Sur la durĂ©e, ces doutes pourraient progressivement priver de leur point dâancrage les anticipations dâinflation Ă lâĂ©chelle mondiale.
La montĂ©e des risques de nature politico-Ă©conomique exacerbe cette crainte. La politique de bilan des banques centrales a brouillĂ© la frontiĂšre entre politique monĂ©taire et politique budgĂ©taire. Ses effets ne peuvent ĂȘtre convenablement Ă©valuĂ©s que dans le cadre du bilan consolidĂ© du secteur public. Sa mise en Ćuvre pourrait aussi bien, pour lâessentiel, relever du gouvernement. Câest, par consĂ©quent, la notion mĂȘme dâindĂ©pendance des instruments qui devient moins nette lorsque les banques centrales mĂšnent une politique de bilan Ă grande Ă©chelle. Le recours prolongĂ© Ă une telle politique fait ainsi craindre une Ă©ventuelle Ă©rosion de lâautonomie opĂ©rationnelle des banques centrales, dâautant que la dette publique sâinscrit sur une trajectoire non tenable dans de nombreux pays (chapitre V).
Le risque financier croissant, consĂ©cutif au gonflement du bilan des banques centrales, pourrait, qui plus est, nuire Ă leur indĂ©pendance financiĂšre. Si des pertes financiĂšres nâentravent pas ipso facto les capacitĂ©s opĂ©rationnelles, elles peuvent toutefois porter atteinte Ă lâautonomie si les banques centrales ne sont plus en mesure de poursuivre leurs objectifs sans recourir aux ressources financiĂšres de lâĂtat9.
9 P. Stella, Minimising monetary policy, BIS Working Papers, no 330, novembre 2010.
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En dĂ©pit de la stabilitĂ© actuelle des anticipations dâinflation Ă long terme, la montĂ©e de ces risques Ă plus longue Ă©chĂ©ance pour les banques centrales appelle Ă la vigilance. Si la crĂ©dibilitĂ© des banques centrales Ă©tait mise Ă mal et si les anticipations dâinflation repartaient Ă la hausse, la restauration de la stabilitĂ© des prix se rĂ©vĂšlerait trĂšs ardue et trĂšs coĂ»teuse, comme ce fut le cas dans les annĂ©es 1970.
SynthĂšse
Ă lâĂ©chelle mondiale, la politique monĂ©taire est exceptionnellement accommodante. Les taux directeurs sont bien infĂ©rieurs aux indicateurs de rĂ©fĂ©rence traditionnels. Dans le mĂȘme temps, le bilan des banques centrales affiche une taille sans prĂ©cĂ©dent et continue dâaugmenter.
Dans un environnement de croissance atone et de chĂŽmage Ă©levĂ© dans de nombreuses Ă©conomies avancĂ©es, le recours Ă un assouplissement monĂ©taire soutenu va de soi. Cependant, le risque, de plus en plus prĂ©sent, est de faire porter un fardeau excessif Ă la politique monĂ©taire. Par elle-mĂȘme, une politique monĂ©taire accommodante nâa pas les moyens de rĂ©soudre les difficultĂ©s fondamentales liĂ©es Ă la solvabilitĂ© ou aux problĂšmes structurels. Elle offre un dĂ©lai supplĂ©mentaire, mais si ce dĂ©lai nâest pas mis Ă profit, le retour Ă une reprise autonome en sera retardĂ© dâautant. Les banques centrales doivent admettre et faire reconnaĂźtre les limites de la politique monĂ©taire, en prĂ©cisant clairement quâelle ne saurait se substituer Ă une action qui sâattaquerait aux causes de la fragilitĂ© financiĂšre et de la faiblesse Ă©conomique.
La conjonction, dâune part, dâune croissance atone et de taux dâintĂ©rĂȘt exceptionnellement bas dans les grandes Ă©conomies avancĂ©es et, dâautre part, dâefforts visant Ă en limiter les rĂ©percussions dans les ĂcĂm a contribuĂ© Ă propager la dĂ©tente monĂ©taire au monde entier. Les risques dâaccumulation de dĂ©sĂ©quilibres financiers et de montĂ©e des tensions inflationnistes qui en rĂ©sultent dans les ĂcĂm pourraient avoir des effets nĂ©gatifs marquĂ©s sur lâĂ©conomie mondiale. Les banques centrales doivent donc mieux tenir compte de lâimpact mondial de leur politique monĂ©taire si elles veulent instaurer une stabilitĂ© durable des marchĂ©s financiers et des prix.
Enfin, les banques centrales doivent rester vigilantes quant aux risques Ă long terme pour leur crĂ©dibilitĂ© et leur indĂ©pendance opĂ©rationnelle. Faute de bien cerner les limites de la politique monĂ©taire, le fossĂ© entre ce qui est attendu des banques centrales et ce quâelles peuvent effectivement accomplir pourrait se creuser. Cette situation pourrait compliquer la sortie de la politique monĂ©taire accommodante et, en fin de compte, menacer la crĂ©dibilitĂ© et lâautonomie opĂ©rationnelle des banques centrales. Cette prĂ©occupation est exacerbĂ©e par les risques de nature politico-Ă©conomique dĂ©coulant de la conjonction de politiques de bilan, qui brouillent la frontiĂšre entre politique monĂ©taire et politique budgĂ©taire, et de difficultĂ©s rĂ©sultant de situations budgĂ©taires non tenables.