Transcript
Page 1: IV. Les limites de la politique monétaire - bis.org · PDF file82e Rapport annuel BRI 39 IV. Les limites de la politique monétaire Dans les principales économies avancées, les

3982e Rapport annuel BRI

IV. Les limites de la politique monétaire

Dans les principales Ă©conomies avancĂ©es, les taux directeurs demeurent Ă  un niveau trĂšs bas et l’expansion du bilan des banques centrales se poursuit, sous l’effet de nouvelles sĂ©ries de mesures non conventionnelles. Ces conditions monĂ©taires extrĂȘmement accommodantes se transmettent aux Ă©conomies Ă©mergentes (ÉcÉm), notamment par le biais de leur rĂ©sistance Ă  deux effets non bienvenus – la volatilitĂ© du change et des flux de capitaux. Par voie de consĂ©quence, la politique monĂ©taire est trĂšs accommodante Ă  l’échelle mondiale.

L’action vigoureuse des banques centrales pour contenir la crise a Ă©tĂ© dĂ©cisive pour Ă©viter la dĂ©bĂącle financiĂšre et soutenir des Ă©conomies fragiles. Mais la politique monĂ©taire a ses limites. Elle peut certes fournir des liquiditĂ©s, mais elle ne peut pas rĂ©soudre les problĂšmes sous-jacents de solvabilitĂ©. Si les limites de la politique monĂ©taire ne sont pas reconnues, les banques centrales se trouveront excessivement mises Ă  contribution, ce qui pourrait avoir des consĂ©quences nĂ©fastes potentiellement graves. Une dĂ©tente monĂ©taire marquĂ©e et prolongĂ©e s’accompagne d’effets secondaires qui peuvent retarder le retour Ă  une croissance autonome et poser des risques pour la stabilitĂ© financiĂšre et des prix Ă  l’échelle mondiale. Le dĂ©calage croissant entre ce que l’on attend des banques centrales et ce qu’elles peuvent effectivement accomplir pourrait, Ă  long terme, entamer leur crĂ©dibilitĂ© et restreindre leur autonomie opĂ©rationnelle.

Le prĂ©sent chapitre examine tout d’abord les principales mesures de politique monĂ©taire adoptĂ©es pendant l’annĂ©e Ă©coulĂ©e par les banques centrales des Ă©conomies avancĂ©es et Ă©mergentes et Ă©value leur orientation gĂ©nĂ©rale. Il Ă©tudie ensuite la portĂ©e et les limites d’une dĂ©tente monĂ©taire marquĂ©e et prolongĂ©e : implications pour l’assainissement des bilans dans les Ă©conomies avancĂ©es ; rĂ©percussions sur les ÉcÉm ; et risques Ă  long terme pour les banques centrales.

Politique monétaire dans les économies avancées et émergentes

Mesures prises au cours de l’annĂ©e Ă©coulĂ©e

Entre juin 2011 et dĂ©but juin 2012, dans nombre d’économies avancĂ©es et Ă©mergentes, la banque centrale a mis fin au relĂšvement du taux directeur qui Ă©tait en cours au premier semestre 2011, et, dans certains cas, l’a mĂȘme abaissĂ© (graphique IV.1), dans un contexte marquĂ© par une dĂ©cĂ©lĂ©ration de la croissance et par une attĂ©nuation des tensions inflationnistes. La Banque centrale europĂ©enne (BCE) a ramenĂ© Ă  1 % le taux de ses opĂ©rations principales de refinancement, tout en permettant au taux au jour le jour de tomber jusqu’à un niveau proche du taux de sa facilitĂ© de dĂ©pĂŽt, lui-mĂȘme rĂ©duit Ă  0,25 %. Dans les autres grandes Ă©conomies avancĂ©es, les taux ont

Page 2: IV. Les limites de la politique monétaire - bis.org · PDF file82e Rapport annuel BRI 39 IV. Les limites de la politique monétaire Dans les principales économies avancées, les

40 82e Rapport annuel BRI

Ă©tĂ© maintenus Ă  leur plancher effectif. Dans les ÉcÉm, la Banque centrale du BrĂ©sil a comprimĂ© le sien de 400 pb depuis aoĂ»t dernier, la Banque de RĂ©serve de l’Inde, de 50 pb en avril 2012, et la Banque populaire de Chine, de 25 pb (prĂȘts 1 an) dĂ©but juin. Dans certains cas, mĂȘme, notamment en Chine et en Inde, la banque centrale a Ă©galement diminuĂ© le coefficient de rĂ©serves obligatoires.

DĂ©but juin 2012, les marchĂ©s s’attendaient, dans l’annĂ©e, Ă  des baisses supplĂ©mentaires des taux directeurs dans la zone euro, en Chine et au BrĂ©sil, et Ă  un statu quo aux États-Unis, au Royaume-Uni, au Japon et en Inde (graphique IV.1, points). Les courbes des taux Ă  terme indiquent que, pour les deux prochaines annĂ©es, les marchĂ©s anticipent des taux directeurs bas dans les grandes Ă©conomies avancĂ©es (graphique IV.2). Ces anticipations reflĂštent, au moins en partie, les orientations annoncĂ©es par les banques centrales. Aux États-Unis, le ComitĂ© fĂ©dĂ©ral de l’open market a annoncĂ©, en avril, que les taux des fonds fĂ©dĂ©raux resteraient vraisemblablement Ă  des niveaux exceptionnellement bas au moins jusqu’à fin 2014, Ă©tant donnĂ© les perspectives macroĂ©conomiques.

Sur la pĂ©riode considĂ©rĂ©e, les banques centrales des principales Ă©conomies avancĂ©es ont pris de nouvelles mesures dans le cadre de leur politique de bilan. La RĂ©serve fĂ©dĂ©rale, la Banque d’Angleterre et la Banque du Japon ont mis en place ou renforcĂ© des programmes d’achat massif d’actifs pour faire baisser les taux d’intĂ©rĂȘt Ă  long terme, et les primes de risque en gĂ©nĂ©ral, afin d’opĂ©rer un assouplissement monĂ©taire supplĂ©mentaire. En septembre 2011, la RĂ©serve fĂ©dĂ©rale a lancĂ© le Maturity

Taux directeur1

En %

Économies avancĂ©es Économies Ă©mergentes

États-UnisZone euroJaponRoyaume-UniAutres2

Asie (autres)3

Amériquelatine (autres)4

BrésilChineInde

0

1

2

3

4

5

3

6

9

12

15

2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013

1 États-Unis : taux cible des fonds fĂ©dĂ©raux (Ă  partir de mi-dĂ©cembre 2008 : point mĂ©dian du corridor du taux cible, 0–0,25 %) ; zone euro : taux de soumission minimal jusqu’à octobre 2008, puis taux de l’appel d’offres, opĂ©rations principales de refinancement Ă  taux fixe ; Japon : taux cible des prĂȘts en blanc au jour le jour (Ă  partir d’octobre 2009 : point mĂ©dian de la fourchette cible, 0–0,1 %) ; Royaume-Uni : taux de la Banque ; BrĂ©sil : taux cible SELIC au jour le jour ; Chine : taux de rĂ©fĂ©rence des prĂȘts 1 an ; Inde : taux des prises en pension. Points : prĂ©visions de JPMorgan Chase au 8 juin 2012 pour le taux directeur en septembre 2012, dĂ©cembre 2012, mars 2013 et juin 2013. Chiffres agrĂ©gĂ©s : moyennes pondĂ©rĂ©es sur la base des PIB et PPA de 2005. 2 Australie, Canada, NorvĂšge, Nouvelle-ZĂ©lande, SuĂšde et Suisse. 3 CorĂ©e, Hong-Kong RAS, IndonĂ©sie, Malaisie, Philippines, TaĂŻpei chinois et ThaĂŻlande. 4 Chili, Colombie, Mexique et PĂ©rou.

Sources : Bloomberg ; Datastream ; JPMorgan Chase. Graphique IV.1

Page 3: IV. Les limites de la politique monétaire - bis.org · PDF file82e Rapport annuel BRI 39 IV. Les limites de la politique monétaire Dans les principales économies avancées, les

4182e Rapport annuel BRI

Extension Program (MEP), qui a pour objectif de cĂ©der $400 milliards de titres du TrĂ©sor Ă  court terme avant fin juin 2012 et d’utiliser le produit de cette vente pour acquĂ©rir des valeurs du TrĂ©sor de durĂ©e plus longue. La Banque d’Angleterre et la Banque du Japon ont toutes deux Ă©toffĂ© leur programme d’acquisition d’actifs, Ă  hauteur, respectivement, de ÂŁ125 milliards et „30 000 milliards.

Les achats effectuĂ©s par ces trois banques centrales depuis fin 2008 ont considĂ©rablement gonflĂ© les portefeuilles de titres Ă  long terme – tout particuliĂšrement d’obligations d’État – qu’elles dĂ©tiennent ferme (graphique IV.3, trois premiers cadres). Ils ont ainsi contribuĂ© Ă  faire retomber les taux longs Ă  des niveaux trĂšs bas (graphique IV.4, cadre de gauche)1.

La politique de bilan adoptĂ©e par la BCE sur la pĂ©riode considĂ©rĂ©e visait Ă  remĂ©dier aux dysfonctionnements du mĂ©canisme de transmission monĂ©taire, au sein de la zone euro, rĂ©sultant de la dĂ©gradation des conditions de financement des États et des banques. En aoĂ»t 2011, devant la rapide hausse du rendement de certains emprunts souverains (graphique IV.4, cadre de droite), la BCE a rĂ©activĂ© les achats d’obligations d’État dans le cadre de son programme pour les marchĂ©s de titres (PMT). Pour enrayer la dĂ©tĂ©rioration rapide des conditions de financement bancaire sur les marchĂ©s de la zone euro, elle a menĂ© deux opĂ©rations de refinancement Ă  3 ans, l’une en dĂ©cembre 2011 et l’autre en fĂ©vrier 2012, servant intĂ©gralement les appels d’offres. ParallĂšlement, elle a Ă©largi la gamme des actifs qu’elle accepte comme sĂ»retĂ©s et rĂ©duit de moitiĂ© le coefficient de rĂ©serves obligatoires.

1 Pour une vue d’ensemble et des Ă©lĂ©ments nouveaux concernant l’effet des programmes d’achat d’obligations par les banques centrales sur les rendements des obligations d’État Ă  long terme, voir J. Meaning et F. Zhu, « The impact of recent central bank asset purchase programmes », Rapport trimestriel BRI, dĂ©cembre 2011, pp. 73–83, ainsi que J. Meaning et F. Zhu, « The impact of Federal Reserve asset purchase programmes: another twist ? », Rapport trimestriel BRI, mars 2012, pp. 23–32. Cette seconde Ă©tude conclut que, fin 2011, les achats d’obligations par la RĂ©serve fĂ©dĂ©rale avaient peut-ĂȘtre rĂ©duit de plus de 150 pb le rendement de l’obligation d’État 10 ans.

Courbes des taux Ă  terme1

En %

États-Unis

0

1

2

3

4

5

0

1

2

3

4

5

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10

30 mai 201130 décembre 2011 8 juin 2012

Zone euro Royaume-Uni

0

1

2

3

4

5

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10

1 Taux Ă  terme instantanĂ©s obtenus Ă  partir des courbes Libor/swaps de taux. En abscisse : horizon (en nombre d’annĂ©es).

Sources : Datastream ; calculs BRI. Graphique IV.2

Page 4: IV. Les limites de la politique monétaire - bis.org · PDF file82e Rapport annuel BRI 39 IV. Les limites de la politique monétaire Dans les principales économies avancées, les

42 82e Rapport annuel BRI

Toutes ces dĂ©cisions ont attĂ©nuĂ© les pressions qui s’exerçaient sur les banques et sur les États, mais cet effet n’a Ă©tĂ© que temporaire : Ă  compter de mars 2012, les tensions se sont de nouveau intensifiĂ©es (chapitre II).

Ces mesures ont sensiblement accru le volume et la durĂ©e des actifs dĂ©tenus par l’EurosystĂšme (graphique IV.3, dernier cadre). Fin mai 2012, les titres acquis ferme dans le cadre du PMT totalisaient €212 milliards, et ceux achetĂ©s dans le cadre des programmes d’achat d’obligations sĂ©curisĂ©es (PAOS) avoisinaient €69 milliards. Les deux opĂ©rations de refinancement Ă  3 ans ont permis d’allouer un total d’environ €1 000 milliards. Le bilan de l’EurosystĂšme s’est ainsi accru de quelque €500 milliards en termes nets, d’autres opĂ©rations de refinancement Ă  plus court terme ayant diminuĂ© dans le mĂȘme temps.

1 Banque d’Angleterre et RĂ©serve fĂ©dĂ©rale : par Ă©chĂ©ance rĂ©siduelle ; EurosystĂšme : encours des opĂ©rations de pension, par Ă©chĂ©ance initiale. 2 Valeur faciale. MBS = titres adossĂ©s Ă  des hypothĂšques (mortgage-backed securities). 3 DĂ©tenus au titre de l’Asset Purchase Facility. 4 Papier commercial, obligations d’entreprise, ETF (exchange-traded funds, fonds cotĂ©s), titres cotĂ©s des fonds de placement immobilier et bons du TrĂ©sor Ă  intĂ©rĂȘts prĂ©comptĂ©s dĂ©tenus au titre du programme d’achat d’actifs (PAA). 5 Obligations sĂ©curisĂ©es dĂ©tenues au titre des 1er et 2e programmes d’achat d’obligations sĂ©curisĂ©es (PAOS). 6 Titres dĂ©tenus au titre du programme pour les marchĂ©s de titres (PMT).

Sources : Datastream ; données nationales. Graphique IV.3

Banques centrales : taille et composition du bilan1

En milliers de milliards de la monnaie d’émission

Réserve fédérale

0

1

2

3

4

07 08 09 10 11 12

Titres du TrĂ©sor2 : ≀ 1 an 1–5 ans5–10 ans > 10 ans

≀ 1 an 1–5 ans5–10 ans > 10 ans

MBS et titres desagences2

0,0

0,1

0,2

0,3

0,4

Fonds d’État3 :

0

40

80

120

160

Obligations d’État

Total de l’actif

0

1

2

3

4

Pensions :

PAOS5

PMT6

≀ 6 mois 1 an 3 ans

Banque d’Angleterre Banque du Japon Eurosystùme

Actifs PAA4

07 08 09 10 11 12 07 08 09 10 11 12 07 08 09 10 11 12

Taux longs Rendement des obligations d’État 10 ans, en %

–2

0

2

4

2007 2008 2009 2010 2011 2012

États-UnisJaponRoyaume-Uni

États-Unis : prime d’éch. (10 ans)0

10

20

30

0

5

10

15

2007 2008 2009 2010 2011 2012

France (d)Allemagne (d)

Irlande (d)Italie (d)Portugal (d)Espagne (d)

GrĂšce (g)

Sources : Bloomberg ; calculs BRI. Graphique IV.4

Page 5: IV. Les limites de la politique monétaire - bis.org · PDF file82e Rapport annuel BRI 39 IV. Les limites de la politique monétaire Dans les principales économies avancées, les

4382e Rapport annuel BRI

Les autoritĂ©s japonaises et la Banque nationale suisse (BNS) sont intervenues sur les changes face Ă  la vive apprĂ©ciation de leur monnaie, utilisĂ©e comme valeur refuge. Les rĂ©serves de change du Japon ont augmentĂ© de $185 milliards en 2011, Ă  $1 221 milliards (tableau IV.1). La BNS a fixĂ© un cours minimum de 1,20 franc pour 1 euro en septembre. Les rĂ©serves de change de la Suisse ont, au demeurant, moins progressĂ© en 2011 que durant l’annĂ©e prĂ©cĂ©dente (tableau IV.1). NĂ©anmoins, leur progression a Ă©tĂ© vive en mai 2012 (plus de 25 %), en raison de tensions croissantes sur le taux plancher vis-Ă -vis de l’euro.

Dans les ÉcÉm, et tout particuliĂšrement en Asie, l’accumulation de rĂ©serves de change a ralenti en 2011 (tableau IV.1). Cette tendance reflĂšte en partie l’attĂ©nuation des tensions Ă  la hausse sur les cours de change au second semestre, l’accroissement de l’aversion mondiale pour le risque ayant

RĂ©serves de change : variation annuelleEn milliards de dollars

À cours de change courants En cours (dĂ©c. 2011)2006 2007 2008 2009 2010 2011

Monde 933 1 449 639 829 1 099 935 10 204 Économies avancĂ©es 91 99 61 83 194 269 2 037

États-Unis 3 5 4 1 2 –0 52

Japon 46 73 55 –7 39 185 1 221

Suisse 2 7 0 47 126 54 271

Zone euro 17 19 –1 –8 13 1 208 Asie 396 695 410 715 651 424 5 112

Chine 247 462 418 453 448 334 3 181

CorĂ©e 28 23 –61 65 22 11 298

Hong-Kong RAS 9 19 30 73 13 17 285

Inde 39 96 –20 12 9 –5 263

IndonĂ©sie 8 14 –5 11 29 14 104

Malaisie 12 19 –10 2 9 27 129

Philippines 4 10 3 4 16 12 66

Singapour 20 27 11 12 38 12 235

TaĂŻpei chinois 13 4 21 56 34 4 386

ThaĂŻlande 15 20 23 25 32 –0 165 AmĂ©rique latine1 54 127 42 25 81 97 642

Argentine 8 14 0 –1 4 –7 40

Brésil 32 94 13 39 49 63 343

Chili 3 –3 6 1 2 14 40

Mexique 2 11 8 0 21 23 137

Venezuela 5 –5 9 –15 –8 –3 6 PECO2 26 42 6 13 14 3 260 Moyen-Orient3 96 108 150 –29 50 84 661 Russie 120 171 –56 –5 27 8 441

Exportateurs nets de pĂ©trole4 286 331 144 –62 107 135 1 556

1 Économies citĂ©es plus Colombie et PĂ©rou. 2 Pays d’Europe centrale et orientale : Bulgarie, Croatie, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Pologne, Roumanie, Slovaquie, SlovĂ©nie et RĂ©publique tchĂšque. 3 Arabie Saoudite, KoweĂŻt, Libye et Qatar. 4 AlgĂ©rie, Angola, Kazakhstan, Mexique, NigĂ©ria, NorvĂšge, Russie, Venezuela et Moyen-Orient.

Sources : FMI ; Datastream ; données nationales. Tableau IV.1

Page 6: IV. Les limites de la politique monétaire - bis.org · PDF file82e Rapport annuel BRI 39 IV. Les limites de la politique monétaire Dans les principales économies avancées, les

44 82e Rapport annuel BRI

entraĂźnĂ© des sorties de flux de portefeuille (graphique II.6, cadre de gauche). NĂ©anmoins, les rĂ©serves de change d’Asie Ă©mergente restent trĂšs substantielles : Ă  $5 000 milliards, soit la moitiĂ© du total mondial en dĂ©cembre 2011. La Chine dĂ©tient Ă  elle seule un peu moins d’un tiers des rĂ©serves mondiales de change (plus de $3 000 milliards).

Évaluation de l’orientation monĂ©taire

À l’échelle planĂ©taire, les taux directeurs rĂ©els (corrigĂ©s de l’inflation) tĂ©moignent d’une politique monĂ©taire trĂšs accommodante, quel que soit le dĂ©flateur (inflation sous-jacente ou IPC) appliquĂ© (graphique IV.5). DĂ©but 2012, les taux rĂ©els oscillaient autour de zĂ©ro en moyenne et demeuraient rĂ©solument nĂ©gatifs dans les grandes Ă©conomies avancĂ©es. Ils ont lĂ©gĂšrement progressĂ© dans les ÉcÉm, mais apparaissent encore trĂšs faibles par rapport Ă  la croissance tendancielle de la production de ces Ă©conomies au cours des derniĂšres annĂ©es.

Un constat trĂšs similaire se dĂ©gage des taux directeurs calculĂ©s selon la rĂšgle de Taylor, laquelle relie mĂ©caniquement le niveau des taux directeurs au taux d’inflation et Ă  l’écart de production (graphique IV.6). Certes, cette mesure pĂątit inĂ©vitablement de la forte incertitude qui entoure le niveau et le taux de croissance du potentiel de production. Cependant, si l’on tient compte de toutes les combinaisons des diffĂ©rentes mesures de l’inflation (IPC et sous-jacente) et estimations de l’écart de production (tendance variable dans le temps et tendance linĂ©aire constante), il apparaĂźt que les taux directeurs sont exceptionnellement accommodants Ă  fin 2011 (graphique IV.6, cadre de gauche). Ce rĂ©sultat tient principalement aux ÉcÉm (graphique IV.6, cadre de droite), ce qui reflĂšte le poids des facteurs extĂ©rieurs (notamment des prĂ©occupations suscitĂ©es par la volatilitĂ© des cours de change et des flux de capitaux) dans la conduite de la politique monĂ©taire de ces Ă©conomies. Dans les Ă©conomies avancĂ©es, les taux directeurs se situent juste au-dessous

–2

0

2

4

2007 2008 2009 2010 2011 2012

Taux nominal corrigĂ©de l’inflation IPCTaux nominal corrigĂ©de l’inflation IPSJ

Projection –2

0

2

4

–2

0

2

4

Taux directeur réel En %

Économies Ă©mergentesÉconomies avancĂ©esMonde

2007 2008 2009 2010 2011 2012 2007 2008 2009 2010 2011 2012

Moyenne pondérée sur la base des PIB et PPA de 2005. Monde : économies avancées (voir graphique IV.1) et économies émergentes (économies citées au graphique IV.1 plus Afrique du Sud, Hongrie, Pologne et République tchÚque). Les projections sont fondées sur les prévisions de JPMorgan Chase et de Consensus Economics.

Sources : Bloomberg ; © Consensus Economics ; données nationales ; calculs BRI. Graphique IV.5

Page 7: IV. Les limites de la politique monétaire - bis.org · PDF file82e Rapport annuel BRI 39 IV. Les limites de la politique monétaire Dans les principales économies avancées, les

4582e Rapport annuel BRI

de la plage des taux donnĂ©s par la rĂšgle de Taylor, alors qu’ils Ă©taient restĂ©s Ă  l’intĂ©rieur de cette fourchette pendant la majeure partie de la pĂ©riode qui a suivi l’éclatement de la crise (graphique IV.6, cadre du milieu).

Certes, le niveau rĂ©el du taux directeur et la rĂšgle de Taylor ne peuvent pas mesurer exactement l’orientation de la politique monĂ©taire. L’assouplissement pourrait ĂȘtre surestimĂ© dans la mesure oĂč l’approche nĂ©glige plusieurs facteurs qui sont importants dans le contexte actuel : risque

Banques centrales : actif

Total de l’actif, en milliers de milliards de dollars courants

Total de l’actif, en % du PIB

2

4

6

8

10

2007 2008 2009 2010 2011 2007 2008 2009 2010 2011

Économies avancĂ©es1

Économies Ă©mergentes2

0

10

20

30

40

1 Grandes économies avancées (voir graphique IV.6). 2 Grandes économies émergentes (voir graphique IV.6).

Sources : FMI, Statistiques financiÚres internationales ; Datastream ; données nationales. Graphique IV.7

Taux directeur et rĂšgle de Taylor1

En %

0

2

4

6

8

10

2007 2008 2009 2010 2011

Taux directeurRĂšgle de Taylor :estimationcentrale

–4

–2

0

2

4

6RĂšgle de Taylor :estimation basse/haute

0

3

6

9

12

15

Économies Ă©mergentesÉconomies avancĂ©esMonde

2007 2008 2009 2010 2011 2007 2008 2009 2010 2011

RĂšgle de Taylor : i = c + 1,5(π − π*) + 0,5y, oĂč π est une mesure de l’inflation et y, une mesure de l’écart de PIB. La constante c est dĂ©finie comme la somme du taux d’inflation moyen et de la croissance du PIB rĂ©el depuis T1 2000. π* est calculĂ© comme le niveau moyen du taux d’inflation depuis T1 2000. La rĂšgle de Taylor a Ă©tĂ© appliquĂ©e en combinant successivement 3 mesures de l’inflation (inflation IPC, taux sous-jacent et prĂ©visions consensuelles de l’inflation IPC) avec les mesures de l’écart de PIB obtenues selon 3 mĂ©thodes d’estimation du PIB potentiel (filtre Hodrick-Prescott, tendance linĂ©aire et composantes non observables). Le cadre reprĂ©sente les estimations centrale, basse et haute des 9 combinaisons.

1 Moyenne pondĂ©rĂ©e sur la base des PPA de 2005. Monde : Ă©conomies avancĂ©es et Ă©conomies Ă©mergentes citĂ©es ci-aprĂšs. Économies avancĂ©es : Australie, Canada, Danemark, États-Unis, Japon, NorvĂšge, Nouvelle-ZĂ©lande, Royaume-Uni, SuĂšde, Suisse et zone euro. Économies Ă©mergentes : Afrique du Sud, Argentine, BrĂ©sil, Chine, CorĂ©e, Hong-Kong RAS, Hongrie, Inde, IndonĂ©sie, Malaisie, Mexique, PĂ©rou, Pologne, Singapour, TaĂŻpei chinois, RĂ©publique tchĂšque, ThaĂŻlande et Turquie.

Sources : Bloomberg ; CEIC ; © Consensus Economics ; Datastream ; données nationales ; calculs BRI. Graphique IV.6

Page 8: IV. Les limites de la politique monétaire - bis.org · PDF file82e Rapport annuel BRI 39 IV. Les limites de la politique monétaire Dans les principales économies avancées, les

46 82e Rapport annuel BRI

de déstabilisation induit par les entrées de capitaux, séquelles de la crise financiÚre et modulation des réserves obligatoires.

La politique monĂ©taire apparaĂźt bien plus accommodante dĂšs lors que l’on prend aussi en considĂ©ration l’expansion sans prĂ©cĂ©dent du bilan des banques centrales. Le total des actifs dĂ©tenus par ces institutions a plus que doublĂ© au cours des quatre derniĂšres annĂ©es et s’établissait Ă  environ $18 000 milliards fin 2011 (graphique IV.7, cadre de gauche). Dans les Ă©conomies avancĂ©es, la part de ces actifs a atteint environ 25 % du PIB sous l’effet de la politique de bilan mise en place pour surmonter la crise financiĂšre mondiale (graphique IV.7, cadre de droite). Cette Ă©volution a rendu les conditions monĂ©taires encore plus accommodantes en contribuant, par exemple, Ă  l’abaissement des rendements obligataires Ă  long terme2. Dans les principales ÉcÉm, les actifs des banques centrales reprĂ©sentaient quelque 40 % du PIB fin 2011, reflĂ©tant l’encours substantiel des rĂ©serves de change accumulĂ©es sur la derniĂšre dĂ©cennie, en particulier en Asie. Cette situation a certainement modĂ©rĂ© la hausse des cours de change et, par lĂ , accĂ©lĂ©rĂ© la croissance.

PortĂ©e et limites d’une dĂ©tente monĂ©taire prolongĂ©e

L’action dĂ©cisive des banques centrales pendant la crise financiĂšre mondiale a probablement jouĂ© un rĂŽle dĂ©cisif pour Ă©viter une rĂ©Ă©dition de la Grande DĂ©pression. C’est ce que laisse penser la comparaison des dynamiques de crise (graphique IV.8, cadre de droite) et des politiques monĂ©taires

2 Pour une prĂ©sentation des rĂ©percussions sur les marchĂ©s financiers et des effets macroĂ©conomiques de la politique de bilan dĂ©ployĂ©e par les banques centrales dans les grandes Ă©conomies avancĂ©es, voir M. Cecioni, G. Ferrero et A. Secchi, Unconventional monetary policy in theory and in practice, Banque d’Italie, Questioni di Economia e Finanza (Occasional Papers), no 102, septembre 2011. Pour des donnĂ©es plus rĂ©centes sur les effets des achats d’obligations par les banques centrales, se reporter aux rĂ©fĂ©rences citĂ©es dans la note 1 ci-avant.

Réponse de la politique monétaire

0

2

4

6

8

100

200

300

400

500

20081929

20091930

20101931

20111932

20121933

20081929

20091930

20101931

20111932

20121933

Taux directeur (g)1

Base monétaire (d)2

50

75

100

125

150Production3

IPC

M2

Crédit4

Dynamique de la crise2

Lignes discontinues : Grande Dépression (années en italique) ; lignes continues : crise financiÚre actuelle.

1 En %. Grande DĂ©pression : taux d’escompte ; crise actuelle : taux cible des fonds fĂ©dĂ©raux. 2 Grande DĂ©pression : T1 1929 = 100 ; crise actuelle : T1 2008 = 100. 3 Grande DĂ©pression : PNB rĂ©el ; crise actuelle : PIB rĂ©el. 4 Grande DĂ©pression : prĂȘts bancaires en valeur nominale ; crise actuelle : dette du secteur privĂ© non financier.

Sources : Bloomberg ; Global Financial Data ; NBER ; données nationales. Graphique IV.8

États-Unis : politique monĂ©taire et dynamique de la criseComparaison entre la Grande DĂ©pression et la crise financiĂšre actuelle

Page 9: IV. Les limites de la politique monétaire - bis.org · PDF file82e Rapport annuel BRI 39 IV. Les limites de la politique monétaire Dans les principales économies avancées, les

4782e Rapport annuel BRI

(graphique IV.8, cadre de gauche) lors de la Grande DĂ©pression (lignes discontinues) et de la crise actuelle (lignes continues) aux États-Unis.

Cependant, alors qu’il est largement admis que le vigoureux assouplissement de la politique monĂ©taire dans les grandes Ă©conomies avancĂ©es a Ă©tĂ© essentiel pour empĂȘcher une dĂ©bĂącle financiĂšre, les bienfaits d’une dĂ©tente monĂ©taire prolongĂ©e sont davantage controversĂ©s. Le dĂ©bat porte en particulier sur ses implications pour l’assainissement des bilans (condition prĂ©alable Ă  une croissance soutenue), sur les risques d’instabilitĂ© financiĂšre et des prix au niveau planĂ©taire, ainsi que sur les consĂ©quences Ă  plus long terme pour la crĂ©dibilitĂ© et l’autonomie opĂ©rationnelle des banques centrales.

Assouplissement monétaire et assainissement des bilans

À court terme, une politique monĂ©taire accommodante peut faciliter l’assainissement des bilans des secteurs public et privĂ©. En offrant aux banques et aux pouvoirs publics davantage de temps pour remĂ©dier aux problĂšmes d’insolvabilitĂ©, elle peut Ă©viter des opĂ©rations de dĂ©sendettement prĂ©cipitĂ©es et des dĂ©faillances. Elle peut aussi abaisser le coĂ»t du service de la dette, soutenir les prix des actifs, et dynamiser la production et l’emploi.

NĂ©anmoins, durant la phase de rĂ©tablissement aprĂšs une crise financiĂšre, la politique monĂ©taire pourrait s’avĂ©rer moins efficace dans son rĂŽle de stimulation de l’économie. Les agents Ă©conomiques surendettĂ©s ne souhaitent pas emprunter pour dĂ©penser, et le systĂšme financier fragilisĂ© transmet moins bien l’orientation de la politique monĂ©taire au reste de l’économie. Par consĂ©quent, si l’on veut que la dĂ©tente monĂ©taire exerce le mĂȘme effet Ă  court terme sur la demande globale, elle devra naturellement ĂȘtre plus marquĂ©e. Mais elle ne saurait remplacer une action corrective directe pour maĂźtriser l’endettement et rĂ©Ă©quilibrer les bilans. Au bout du compte, une dĂ©tente monĂ©taire prolongĂ©e risque mĂȘme, via diffĂ©rents canaux, de retarder l’assainissement des bilans et le retour Ă  une reprise autonome.

PremiĂšrement, des conditions monĂ©taires inhabituellement accommodantes sur une pĂ©riode prolongĂ©e masquent des problĂšmes sous-jacents au niveau des bilans et incitent moins Ă  s’y attaquer de front. L’assainissement et les rĂ©formes structurelles nĂ©cessaires au rĂ©tablissement de la viabilitĂ© budgĂ©taire peuvent donc ĂȘtre diffĂ©rĂ©s. Comme le montre en dĂ©tail le chapitre V, les États doivent agir plus rĂ©solument afin de retrouver leur statut d’emprunteurs sans risque, ce qui est essentiel Ă  la fois pour la stabilitĂ© macroĂ©conomique et pour la stabilitĂ© financiĂšre Ă  plus long terme.

De mĂȘme, les achats massifs d’actifs et les soutiens inconditionnels de liquiditĂ© peuvent faire paraĂźtre moins nĂ©cessaire le traitement des actifs dĂ©prĂ©ciĂ©s des banques. Ces derniĂšres sont encore aux prises avec les rĂ©percussions de la crise financiĂšre mondiale et, souvent, elles dĂ©pendent fortement des financements apportĂ©s par les banques centrales (chapitre VI). Et, en prĂ©sence de taux d’intĂ©rĂȘt bas, le coĂ»t d’opportunitĂ© associĂ© Ă  la dĂ©tention de prĂȘts improductifs est rĂ©duit et les banques risquent de surestimer les capacitĂ©s de remboursement de leurs dĂ©biteurs. Tous ces facteurs pourraient perpĂ©tuer la fragilitĂ© des bilans et induire une mauvaise

Page 10: IV. Les limites de la politique monétaire - bis.org · PDF file82e Rapport annuel BRI 39 IV. Les limites de la politique monétaire Dans les principales économies avancées, les

48 82e Rapport annuel BRI

allocation du crĂ©dit3. Le fait, avĂ©rĂ©, que le dĂ©sendettement des mĂ©nages amĂ©ricains a rĂ©sultĂ© d’une rĂ©duction de l’octroi de prĂȘts plutĂŽt que de passations en pertes de crĂ©dits non viables (chapitre III) montre que ces pratiques pourraient se dĂ©velopper dans le contexte actuel. En outre, on constate, d’une part, que le ratio valeur de marchĂ©/valeur comptable des actifs des banques est trĂšs faible (dans l’ensemble trĂšs infĂ©rieur Ă  1) et, d’autre part, que les provisions pour pertes sur prĂȘts sont maigres alors que les conditions macroĂ©conomiques sont peu favorables (tableau VI.1), ce qui est peut-ĂȘtre l’indice de pratiques de renouvellement systĂ©matique des prĂȘts improductifs.

DeuxiĂšmement, sur la durĂ©e, la dĂ©tente monĂ©taire peut Ă©roder la rentabilitĂ© des banques. Le niveau des taux Ă  court terme et la pente de la courbe des rendements prĂ©sentent une corrĂ©lation positive avec les revenus d’intĂ©rĂȘts nets des banques, car ils exercent une influence favorable, respectivement sur les marges sur dĂ©pĂŽts et sur les rendements de la transformation des Ă©chĂ©ances4. Il a Ă©tĂ© montrĂ© que, sur la pĂ©riode 2008–2010, l’assouplissement monĂ©taire a amĂ©liorĂ© la rentabilitĂ© des grandes banques internationales en facilitant la reconstitution de leurs fonds propres (encadrĂ© IV.A). Les effets nĂ©gatifs associĂ©s Ă  l’abaissement des taux directeurs ont Ă©tĂ© plus largement compensĂ©s par l’accentuation de la pente de la courbe des rendements. Cependant, en pĂ©riode caractĂ©risĂ©e Ă  la fois par des taux courts bas et par une courbe des rendements aplatie, les revenus d’intĂ©rĂȘts des banques finiraient par ĂȘtre Ă©rodĂ©s. On perçoit d’ores et dĂ©jĂ  les premiers signes d’une telle Ă©volution, puisque le dernier aplatissement en date de la courbe des taux aux États-Unis et au Royaume-Uni s’est accompagnĂ© d’une chute des marges nettes des banques (tableau VI.1).

La faiblesse des rendements obligataires engendre Ă©galement des difficultĂ©s pour les entreprises d’assurance vie et les fonds de pension. Cela avait Ă©tĂ© le cas Ă  la fin des annĂ©es 1990 et au dĂ©but des annĂ©es 2000, au Japon, oĂč elle avait en effet provoquĂ© de graves problĂšmes de marges bĂ©nĂ©ficiaires nĂ©gatives, qui ont conduit Ă  la faillite un certain nombre d’entreprises d’assurance vie. Aujourd’hui, entreprises d’assurance et fonds de pension se sont en partie mis Ă  l’abri, soit en couvrant leur risque de taux, soit

en offrant des produits d’assurance en unitĂ©s de compte ou des rĂ©gimes

à cotisations déterminées5. Cependant, bien souvent, ces mesures ne font que

transfĂ©rer les risques ultimes sur les mĂ©nages et d’autres Ă©tablissements

financiers.

3 On a constatĂ© que les pratiques de perpĂ©tuation des prĂȘts improductifs Ă©taient trĂšs rĂ©pandues au Japon dans les annĂ©es 1990, pendant la longue pĂ©riode de taux nominaux bas. Des pratiques similaires ont Ă©tĂ© observĂ©es en Italie durant les premiĂšres annĂ©es de la crise financiĂšre mondiale. Voir R. Caballero, T. Hoshi et A. Kashyap, « Zombie lending and depressed restructuring in Japan », American Economic Review, vol. 98, dĂ©cembre 2008, pp. 1943–1977, ainsi que U. Albertazzi et D. Marchetti, Credit supply, flight to quality and evergreening : an analysis of bank-firm relationships after Lehman, Banque d’Italie, Temi di Discussione (Working Papers), no 756, avril 2010.

4 U. Albertazzi et L. Gambacorta, « Bank profitability and the business cycle », Journal of Financial Stability, vol. 5, dĂ©cembre 2009, pp. 393–409.

5 Pour de plus amples informations, voir Comité sur le systÚme financier mondial, Fixed income strategies of insurance companies and pension funds, CGFS Papers, no 44, juillet 2011.

Page 11: IV. Les limites de la politique monétaire - bis.org · PDF file82e Rapport annuel BRI 39 IV. Les limites de la politique monétaire Dans les principales économies avancées, les

4982e Rapport annuel BRI

EncadrĂ© IV.A – Politique monĂ©taire et rentabilitĂ© des banques, 2008–2010

Pour analyser le lien entre variation de la structure par Ă©chĂ©ance des taux d’intĂ©rĂȘt et rentabilitĂ© des banques aprĂšs la faillite de Lehman Brothers, les auteurs utilisent les donnĂ©es de bilan de 107 grandes banques internationales de 14 grands pays avancĂ©s opĂ©rant dans diffĂ©rentes juridictions. Les indicateurs macroĂ©conomiques ont, pour cette raison, tous Ă©tĂ© construits comme moyennes pondĂ©rĂ©es sur l’ensemble des juridictions oĂč opĂšre chaque banque ; les donnĂ©es relatives aux crĂ©ances Ă©trangĂšres proviennent des statistiques bancaires consolidĂ©es de la BRI.

Le tableau ci-dessous prĂ©sente les rĂ©sultats de rĂ©gressions transversales simples sur ces valeurs moyennes, pendant la pĂ©riode 2008–2010, concernant trois ratios : i) marge d’intĂ©rĂȘt (MI) ; ii) crĂ©ances dĂ©prĂ©ciĂ©es/total de l’actif (CD) ; iii) rendement des actifs (RA). Une diminution du niveau des taux d’intĂ©rĂȘt Ă  court terme et de la pente de la courbe des rendements (pour les deux segments 0–2 ans et 2–10 ans) a une incidence nĂ©gative sur le revenu d’intĂ©rĂȘts net des banques. Toutefois, si les taux courts ont diminuĂ© entre 2008 et 2010 dans les 14 pays analysĂ©s (de 2,44 points de pourcentage en moyenne), les deux segments de la courbe se sont pentifiĂ©s (de 0,35 point et 1,33 point respectivement). Globalement, ces variations ont eu une incidence positive sur le MI (0,69 point). Celles de la structure des taux ont, pour leur part, abaissĂ© le ratio CD (de 0,17 point), ce qui a limitĂ© la dĂ©gradation de la qualitĂ© du portefeuille de crĂ©dits pendant le ralentissement conjoncturel. Ces rĂ©sultats restent valides si l’on tient compte de l’expansion du bilan des banques centrales, de la situation conjoncturelle et des caractĂ©ristiques propres Ă  chaque banque – taille, liquiditĂ©, importance des financements de marchĂ© et (par inclusion d’une variable muette) bĂ©nĂ©fice d’un plan de sauvetage.

Variable explicative(i)

NIM(ii) CD

(iii) RA

Coeff. Sign. Coeff. Sign Coeff. Sign.

Taux d’intĂ©rĂȘt Ă  court terme 0,258 ** 1,651 *** 0,034

(0,107) (0,486) (0,226)

Pente de la courbe des rendements 0–2 ans 0,641 *** 1,287 1,321 ***

(0,206) (0,914) (0,272)

Pente de la courbe des rendements 2–10 ans 0,820 *** 2,562 *** 0,253

(0,190) (0,993) (0,354)

Ratio total de l’actif banque centrale/PIB 0,002 –0,024 0,005

(0,006) (0,033) (0,011)

Croissance nominale du PIB 0,019 –0,787 *** 0,151 *

(0,039) (0,180) (0,080)

Ratio de financement sur le marchĂ© –0,021 *** 0,057 –0,023 ***

(0,003) (0,037) (0,006)

Taille de la banque –0,01 –0,899 *** 0,297 ***

(0,041) (0,323) (0,097)

Ratio de liquiditĂ© de la banque –0,014 ** –0,019 –0,001

(0,006) (0,029) (0,013)

Nombre d’observations 107 107 107

R2 0,635 0,411 0,311

Valeur moyenne des variables explicatives, 2008–2010 1,57 % 2,40 % 0,45 %

Coeff. = coefficient de corrélation ; Sign. = significativité statistique.

Toutes les variables sont calculĂ©es en moyenne arithmĂ©tique sur la pĂ©riode 2008–2010. Taille de la banque : logarithme du total de l’actif ; liquiditĂ© de la banque : ratio encaisse + liquiditĂ©s/total de l’actif ; financement sur le marchĂ© : part de l’actif financĂ© sur ressources autres que les dĂ©pĂŽts. Le tableau ne montre pas les coefficients de corrĂ©lation pour la variable muette des banques ayant bĂ©nĂ©ficiĂ© d’un plan de sauvetage. Ratios en %. Entre parenthĂšses : erreurs types robustes. *, ** et *** : significatif au niveau de 10 %, 5 % et 1 % respectivement. Pour de plus amples renseignements sur la base de donnĂ©es, voir M. Brei, L. Gambacorta et G. von Peter, Rescue packages and bank lending, BIS Working Papers, no 357, novembre 2011.

Page 12: IV. Les limites de la politique monétaire - bis.org · PDF file82e Rapport annuel BRI 39 IV. Les limites de la politique monétaire Dans les principales économies avancées, les

50 82e Rapport annuel BRI

TroisiĂšmement, la faiblesse des taux courts et longs peut provoquer le retour d’une prise de risque excessive. La souplesse monĂ©taire exceptionnelle dont ont fait preuve les banques centrales face Ă  la crise financiĂšre mondiale avait notamment pour finalitĂ© de lutter contre l’aversion gĂ©nĂ©ralisĂ©e pour le risque. Cependant, sur la durĂ©e, des taux bas peuvent favoriser la formation de vulnĂ©rabilitĂ©s financiĂšres en incitant Ă  une quĂȘte du rendement inopportune dans certains compartiments. D’abondantes donnĂ©es empiriques indiquent que ce facteur a jouĂ© un rĂŽle important dans la pĂ©riode qui a prĂ©cĂ©dĂ© la crise financiĂšre6. Les lourdes pertes sur transactions rĂ©cemment essuyĂ©es par des institutions financiĂšres pourraient indiquer que, dans certains secteurs, la prise de risque est excessive, ce qui appelle Ă  la vigilance.

QuatriĂšmement, une dĂ©tente monĂ©taire marquĂ©e et prolongĂ©e peut ĂȘtre source de distorsions sur les marchĂ©s financiers. Le faible niveau des taux d’intĂ©rĂȘt et la politique de bilan des banques centrales ont inflĂ©chi la dynamique des marchĂ©s au jour le jour. De ce fait, il pourrait ĂȘtre plus compliquĂ© de mettre fin Ă  la politique de dĂ©tente monĂ©taire (encadrĂ© IV.B). Les rachats d’actifs Ă  grande Ă©chelle, destinĂ©s Ă  abaisser les taux longs et les primes de risque, finissent aussi par attĂ©nuer les signaux envoyĂ©s aux marchĂ©s. Les rendements Ă  long terme des principales obligations d’État constituent une rĂ©fĂ©rence de premier plan pour l’intermĂ©diation financiĂšre. Leur niveau exceptionnellement bas (graphique IV.4) pourrait donc, de maniĂšre plus gĂ©nĂ©rale, fausser les prix sur les marchĂ©s financiers et empĂȘcher ces marchĂ©s de remplir efficacement leur fonction d’allocation des ressources dans le temps.

Étant donnĂ© que, dans les principales Ă©conomies avancĂ©es, les taux directeurs se maintiennent Ă  leur plancher effectif depuis plus de trois ans et que le bilan des banques centrales continue de croĂźtre, il convient d’ĂȘtre vigilant Ă  l’égard de l’éventualitĂ© de tels effets indĂ©sirables. De fait, comme l’indiquent les chapitres III, V et VI, la reprise reste fragile Ă  cause du poids de la dette et des dĂ©sĂ©quilibres structurels persistants, alors que les mesures visant Ă  assurer la viabilitĂ© budgĂ©taire et Ă  assainir les bilans bancaires n’ont pas Ă©tĂ© appliquĂ©es avec la vigueur nĂ©cessaire.

Impact mondial de la politique monétaire

Si cette pĂ©riode prolongĂ©e de politique monĂ©taire accommodante n’a probablement qu’une capacitĂ© limitĂ©e Ă  assurer une croissance durable dans les Ă©conomies avancĂ©es, elle peut sans doute avoir un large impact Ă  l’échelle mondiale. Les importants diffĂ©rentiels de taux d’intĂ©rĂȘt (graphique IV.1) drainent des flux de capitaux et de crĂ©dit vers les ÉcÉm en croissance rapide, oĂč ils exercent des pressions Ă  la hausse sur le cours de change. Les banques centrales des ÉcÉm ont ainsi davantage de difficultĂ©s Ă  atteindre leurs objectifs de stabilisation intĂ©rieure. Elles n’ont relevĂ©

6 Pour un examen des Ă©tudes empiriques sur le rĂŽle de la prise de risque, voir entre autres A. Maddaloni et J.-L. PeydrĂł, « Bank risk-taking, securitization, supervision, and low interest rates : evidence from the euro-area and the U.S. lending standards », Review of Financial Studies, vol. 24, juin 2011, pp. 2121–2165, et Y. Altunbas, L. Gambacorta et D. MarquĂ©s, « Do bank characteristics influence the effect of monetary policy on bank risk ? », Economic Letters, 2012, Ă  paraĂźtre.

Page 13: IV. Les limites de la politique monétaire - bis.org · PDF file82e Rapport annuel BRI 39 IV. Les limites de la politique monétaire Dans les principales économies avancées, les

5182e Rapport annuel BRI

leurs taux d’intĂ©rĂȘt qu’avec rĂ©ticence face au dynamisme de leurs Ă©conomie et marchĂ© financier, craignant qu’un creusement du diffĂ©rentiel de taux renforce les entrĂ©es de capitaux. Il n’est donc pas impossible que la politique monĂ©taire des ÉcÉm soit systĂ©matiquement trop souple, comme le suggĂšre l’écart substantiel entre taux directeur et rĂšgle de Taylor (graphique IV.6).

EncadrĂ© IV.B – Évolution des marchĂ©s monĂ©taires au jour le jour

Les banques centrales ont pour coutume de recourir aux opĂ©rations au jour le jour (j/j) en blanc pour mettre en Ɠuvre leur politique monĂ©taire. Toutefois, les politiques de bilan appliquĂ©es dans de nombreuses juridictions ont notablement modifiĂ© la dynamique des marchĂ©s. Dans la mesure oĂč ils sont mĂ©connus ou pourraient ĂȘtre incapables de s’inverser, les nouveaux mĂ©canismes posent des dĂ©fis aux autoritĂ©s en termes de stratĂ©gie et de modification du cadre opĂ©rationnel.

L’expansion de l’actif des banques centrales s’est traduite par une forte hausse des avoirs de rĂ©serve des banques au passif (graphique IV.B, cadre de gauche), ce qui a abaissĂ© les taux interbancaires j/j Ă  leur niveau plancher, Ă  savoir le taux auquel la banque centrale rĂ©munĂšre les dĂ©pĂŽts (graphique IV.B, cadre de droite). En d’autres termes, les banques centrales ont abandonnĂ© leur pratique coutumiĂšre qui consistait Ă  maintenir le taux j/j proche d’un objectif – souvent le point mĂ©dian de la fourchette dĂ©finie par les taux auxquels les banques peuvent emprunter/prĂȘter Ă  la banque centrale. Aux États-Unis et au Royaume-Uni, le taux j/j s’est mĂȘme situĂ© au-dessous de la rĂ©munĂ©ration des rĂ©serves. Dans ces deux pays, des agents non bancaires n’ayant pas d’accĂšs direct Ă  la facilitĂ© de dĂ©pĂŽt de la banque centrale participent au marchĂ© monĂ©taire. Cette segmentation du marchĂ©, ainsi que des possibilitĂ©s limitĂ©es d’arbitrage, permettent aux banques (qui bĂ©nĂ©ficient d’un accĂšs direct) d’emprunter Ă  taux bas auprĂšs de ces agents, et de ramener ainsi les taux du marchĂ© au-dessous de ceux qu’offre la banque centrale.

En outre, le volume des opĂ©rations en blanc a diminuĂ©, car les banques sont moins contraintes de s’emprunter mutuellement des rĂ©serves pour couvrir leurs besoins de liquiditĂ© journaliers (graphique IV.B, cadre du milieu). Au Royaume-Uni, par exemple, ce volume (qui sert d’assiette Ă  la dĂ©termination du taux SONIA) s’est contractĂ© de plus de moitiĂ© depuis 2008. Dans la zone euro, le volume correspondant Ă  EONIA s’est rĂ©duit de mĂȘme. De plus, des prĂ©occupations relatives aux contreparties et des modifications rĂ©glementaires ont rendu plus attractives les opĂ©rations garanties : ainsi, le volume liĂ© Ă  RONIA (taux des pensions), au Royaume-Uni, est, en moyenne, demeurĂ© aux alentours de son niveau de 2008 ; des tendances semblables s’observent dans d’autres juridictions.

Il apparaĂźt, par ailleurs, que la dynamique des taux j/j se modifie. Aux États-Unis, l’incidence des taux j/j des prĂȘts en blanc sur les taux des opĂ©rations garanties – Ă©lĂ©ment essentiel du mĂ©canisme de transmission de la politique monĂ©taire – s’est affaiblie en pĂ©riode de taux proches de zĂ©ro. En SuĂšde, suite Ă  l’abandon de la politique de bilan par la Banque de SuĂšde, la volatilitĂ© du j/j (Tom/Next) est plus marquĂ©e qu’avant la crise.

Dans l’optique d’un contrĂŽle du taux j/j dans un scĂ©nario de sortie, les banques centrales doivent, afin de rĂ©guler le niveau des rĂ©serves, disposer d’outils convenablement testĂ©s. Elles peuvent aussi, pour l’avenir, se demander si le ciblage d’un taux court sur prĂȘts en blanc, qu’elles pratiquaient avant la crise, reste le plus efficace.

M. Bech et E. Klee, « The mechanics of a graceful exit : interest on reserves and segmentation in the federal funds market », Journal of Monetary Economics, 58(5), juillet 2011, pp. 415–431. Banque d’Angleterre, Quarterly Bulletin, T2 2011. SONIA est la moyenne pondĂ©rĂ©e des taux de toutes les opĂ©rations j/j en livres sterling en blanc nĂ©gociĂ©es Ă  Londres par les membres de la Wholesale Markets Brokers’ Association (WMBA). EONIA (Euro OverNight Index Average) est la moyenne pondĂ©rĂ©e des taux de toutes les opĂ©rations j/j en blanc sur le marchĂ© interbancaire au sein de la zone euro par les banques participantes. RONIA est la moyenne pondĂ©rĂ©e des taux de toutes les opĂ©rations j/j garanties (liquiditĂ©s contre pensions sur titres d’État) en livres sterling nĂ©gociĂ©es par les courtiers utilisant le systĂšme de livraison-rĂšglement de CREST (CREST Ă©tant un dĂ©positaire central de titres au Royaume-Uni). M. Bech, E. Klee et V. Stebunovs, Arbitrage, liquidity and exit : the repo and federal funds markets before, during, and emerging from the financial crisis, Conseil de la RĂ©serve fĂ©dĂ©rale, Finance and Economics Discussion Series, no 2012-21. P. Sellin et P. Sommar, « The Riksbank’s operational framework for the implementation of monetary policy – a review », Banque de SuĂšde, Economic Review, 2012:2. Voir, par exemple, l’allocution de bienvenue prononcĂ©e par JĂŒrgen Stark Ă  l’atelier organisĂ© par la BCE sur le sujet : « The post-crisis design of the operational framework for the implementation of monetary policy », Francfort, 10 octobre 2011.

Page 14: IV. Les limites de la politique monétaire - bis.org · PDF file82e Rapport annuel BRI 39 IV. Les limites de la politique monétaire Dans les principales économies avancées, les

52 82e Rapport annuel BRI

Marché monétaire : dynamique

RĂ©serves excĂ©dentaires1 Volume du jour le jour (j/j)1 Écart entre taux j/j et taux de la facilitĂ© de dĂ©pĂŽt2

0

300

600

900

1 200

1 500

0

150

300

450

600

750

0807 09 10 11 12 08 09 10 11 12 08 09 10 11 12

Fed (g)Eurosystùme (d)Banqued’Angleterre (d)

10

20

30

40

50

60

5

10

15

20

25

30EONIA (g)RONIA (d)SONIA (d)

–100

–50

0

50

100

150États-UnisZone euroRoyaume-Uni

1 Moyenne mobile sur 28 jours ; en milliards de la monnaie d’émission. 2 États-Unis : taux appliquĂ© aux rĂ©serves excĂ©dentaires ; zone euro : taux de la facilitĂ© de dĂ©pĂŽt ; Royaume-Uni : taux des dĂ©pĂŽts jusqu’au 4 mars 2009, puis taux de la Banque ; en pb.

Sources : Bloomberg ; Datastream ; données nationales. Graphique IV.B

Ces conditions monĂ©taires accommodantes ont, depuis quelque temps dĂ©jĂ , alimentĂ© l’essor du crĂ©dit et des prix des actifs dans certaines ÉcÉm (chapitre III), oĂč elles risquent de dĂ©velopper des dĂ©sĂ©quilibres financiers analogues Ă  ceux qu’ont connus les Ă©conomies avancĂ©es dans les annĂ©es qui ont immĂ©diatement prĂ©cĂ©dĂ© la crise mondiale. La correction de ces dĂ©sĂ©quilibres produirait des effets nĂ©gatifs significatifs, Ă  l’échelle planĂ©taire Ă©galement, du fait du poids croissant de ces ÉcÉm dans l’économie mondiale et dans les portefeuilles d’investissement.

Cours des produits de base, prix Ă  la consommation et coĂ»ts unitaires de main-d’Ɠuvre

Cours des produits de base1, 2007 = 100

Économies avancĂ©es2 Économies Ă©mergentes7

60

80

100

120

140

160

2007 2008 2009 2010 2011 2012 2007 2008 2009 2010 2011 20122007 2008 2009 2010 2011 2012

Composite

–3,0

–1,5

0,0

1,5

3,0

4,5IPC3,4

IPSJ3,5

CUM3,6

0

2

4

6

8

10

1 Indice Standard & Poor’s Goldman Sachs Commodity ; en termes de dollar. 2 Voir graphique IV.1. 3 Variation sur 1 an, en %. Moyenne pondĂ©rĂ©e sur la base des PIB et PPA de 2005. 4 Point : prĂ©vision consensuelle de mai 2012 pour l’inflation moyenne en 2012 ou en glissement de dĂ©cembre Ă  dĂ©cembre. 5 Inflation sous-jacente : IPC hors alimentation et Ă©nergie. 6 CoĂ»ts unitaires de main-d’Ɠuvre pour l’ensemble de l’économie, le secteur des entreprises ou les industries manufacturiĂšres, selon les donnĂ©es disponibles ; hors Inde. Certaines donnĂ©es sont des estimations fondĂ©es sur le ratio total des salaires et traitements des employĂ©s/PIB rĂ©el. 7 Afrique du Sud, BrĂ©sil, Chili, Chine, CorĂ©e, Hong-Kong RAS, Hongrie, Inde, IndonĂ©sie, Mexique, Pologne, Singapour, RĂ©publique tchĂšque, ThaĂŻlande et Turquie.

Sources : OCDE, Perspectives économiques ; © Consensus Economics ; Datastream ; données nationales ; calculs BRI. Graphique IV.9

Page 15: IV. Les limites de la politique monétaire - bis.org · PDF file82e Rapport annuel BRI 39 IV. Les limites de la politique monétaire Dans les principales économies avancées, les

5382e Rapport annuel BRI

La politique monĂ©taire accommodante gĂ©nĂ©ralisĂ©e a probablement contribuĂ©, par ailleurs, Ă  la vigueur des cours des produits de base depuis 2009 (graphique IV.9, cadre de gauche). Ces cours, dĂ©terminĂ©s par l’offre et la demande Ă  l’échelle planĂ©taire, sont trĂšs sensibles aux conditions de la demande, lesquelles sont elles-mĂȘmes influencĂ©es par l’orientation des politiques monĂ©taires. Le rĂŽle croissant des investisseurs financiers sur les marchĂ©s des produits de base a peut-ĂȘtre exacerbĂ© cette sensibilitĂ© aux conditions monĂ©taires7.

Ce renchĂ©rissement des produits de base s’est fait particuliĂšrement sentir dans les ÉcÉm. Il y a Ă©tĂ© Ă  l’origine de deux poussĂ©es d’inflation aprĂšs 2006 (graphique IV.9, cadre de droite). L’inflation a reculĂ© Ă  partir du second semestre 2011, aprĂšs que les prix des produits de base eurent amorcĂ© un recul. Ils se situaient, dĂ©but 2012, Ă  l’intĂ©rieur des fourchettes cibles dĂ©finies par les banques centrales dans la plupart des ÉcÉm, et les marchĂ©s estiment qu’ils devraient continuer Ă  refluer lĂ©gĂšrement pendant le reste de l’annĂ©e (graphique IV.9, cadre de droite, point). Cependant, des effets de second tour pourraient encore se concrĂ©tiser, car les coĂ»ts unitaires de main-d’Ɠuvre ont progressĂ© au quatriĂšme trimestre 2011 (graphique IV.9, cadre de droite, courbe bleue). Compte tenu de l’importance croissante des ÉcÉm dans les chaĂźnes d’approvisionnement mondiales, ces Ă©volutions pourraient aussi avoir des rĂ©percussions sur l’inflation dans les Ă©conomies avancĂ©es. Cela Ă©tant, au dĂ©but 2012, les augmentations des prix et des salaires dans le monde industrialisĂ© restaient modĂ©rĂ©es, et l’inflation IPC devrait continuer sa dĂ©crue dans le courant de l’annĂ©e (graphique IV.9, cadre du milieu).

Étant donnĂ© que la politique monĂ©taire a un impact de plus en plus sensible, les banques centrales doivent davantage tenir compte des consĂ©quences mondiales de leur action. À l’heure de la mondialisation, il convient Ă©galement d’adopter une perspective plus universelle pour la politique monĂ©taire si l’on veut stabiliser durablement les prix et les marchĂ©s financiers8.

Risques Ă  long terme pour les banques centrales

Actuellement, les anticipations Ă  long terme ne signalent pas la perception d’une accentuation des risques d’inflation dans les principales Ă©conomies avancĂ©es et Ă©mergentes. De maniĂšre gĂ©nĂ©rale, les indicateurs de marchĂ© et rĂ©sultant d’enquĂȘtes restent stables et proches des objectifs d’inflation des banques centrales (graphique IV.10).

La stabilitĂ© des anticipations d’inflation Ă  long terme indique que les banques centrales conservent une grande crĂ©dibilitĂ©. On pourrait en dĂ©duire qu’elles disposent d’une certaine marge de manƓuvre pour poursuivre la relance monĂ©taire. Cependant, il faut se garder de tenir cette crĂ©dibilitĂ© pour acquise. Dans les grandes Ă©conomies avancĂ©es, si la faiblesse Ă©conomique se confirme et si les questions fondamentales liĂ©es Ă  la solvabilitĂ© et aux

7 Pour une analyse plus détaillée de la financiarisation des produits de base et de ses conséquences, voir BRI, 81e Rapport annuel, juin 2011, encadré IV.B.

8 C. Borio, Central banking post-crisis : what compass for uncharted waters ?, BIS Working Papers, no 353, septembre 2011.

Page 16: IV. Les limites de la politique monétaire - bis.org · PDF file82e Rapport annuel BRI 39 IV. Les limites de la politique monétaire Dans les principales économies avancées, les

54 82e Rapport annuel BRI

Anticipations d’inflation à long termeEn %

Sur la base de données du marché1

Sur la base d’enquĂȘtes : Ă©conomies avancĂ©es2

Sur la base d’enquĂȘtes : Ă©conomies Ă©mergentes2

1

2

3

4

5

2007 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2007 2008 2009 2010 2011 20122008 2009 2010 2011 2012

États-UnisZone euroRoyaume-Uni

1,0

1,5

2,0

2,5

3,0

Japon

2

3

4

5

6BrésilChineInde

CoréeMexique

1 Anticipations d’inflation 5 ans Ă  horizon 5 ans ; moyenne mensuelle. 2 PrĂ©vision consensuelle centrale de l’IPC Ă  horizon 6–10 ans. Observations semestrielles (avril et octobre) converties en observations trimestrielles au moyen d’une interpolation pas Ă  pas.

Sources : Bloomberg ; © Consensus Economics ; calculs BRI. Graphique IV.10

États-UnisZone euroRoyaume-Uni

problĂšmes structurels ne sont pas rĂ©solues, les banques centrales pourraient ĂȘtre invitĂ©es de maniĂšre plus pressante Ă  en faire davantage. Un cercle vicieux pourrait s’instaurer, et le fossĂ© se creuser entre ce qui est attendu des banques centrales et ce qu’elles peuvent rĂ©ellement accomplir. Il leur serait alors plus difficile de sortir des politiques monĂ©taires accommodantes, et leur crĂ©dibilitĂ© pourrait s’en trouver menacĂ©e. De mĂȘme, dans les ÉcÉm, la poursuite de stratĂ©gies de croissance tirĂ©e par les exportations pourrait faire planer des doutes sur la volontĂ© des banques centrales de suivre une politique de stabilitĂ© des prix et de mettre un terme Ă  leurs interventions massives sur les changes. Sur la durĂ©e, ces doutes pourraient progressivement priver de leur point d’ancrage les anticipations d’inflation Ă  l’échelle mondiale.

La montĂ©e des risques de nature politico-Ă©conomique exacerbe cette crainte. La politique de bilan des banques centrales a brouillĂ© la frontiĂšre entre politique monĂ©taire et politique budgĂ©taire. Ses effets ne peuvent ĂȘtre convenablement Ă©valuĂ©s que dans le cadre du bilan consolidĂ© du secteur public. Sa mise en Ɠuvre pourrait aussi bien, pour l’essentiel, relever du gouvernement. C’est, par consĂ©quent, la notion mĂȘme d’indĂ©pendance des instruments qui devient moins nette lorsque les banques centrales mĂšnent une politique de bilan Ă  grande Ă©chelle. Le recours prolongĂ© Ă  une telle politique fait ainsi craindre une Ă©ventuelle Ă©rosion de l’autonomie opĂ©rationnelle des banques centrales, d’autant que la dette publique s’inscrit sur une trajectoire non tenable dans de nombreux pays (chapitre V).

Le risque financier croissant, consĂ©cutif au gonflement du bilan des banques centrales, pourrait, qui plus est, nuire Ă  leur indĂ©pendance financiĂšre. Si des pertes financiĂšres n’entravent pas ipso facto les capacitĂ©s opĂ©rationnelles, elles peuvent toutefois porter atteinte Ă  l’autonomie si les banques centrales ne sont plus en mesure de poursuivre leurs objectifs sans recourir aux ressources financiĂšres de l’État9.

9 P. Stella, Minimising monetary policy, BIS Working Papers, no 330, novembre 2010.

Page 17: IV. Les limites de la politique monétaire - bis.org · PDF file82e Rapport annuel BRI 39 IV. Les limites de la politique monétaire Dans les principales économies avancées, les

5582e Rapport annuel BRI

En dĂ©pit de la stabilitĂ© actuelle des anticipations d’inflation Ă  long terme, la montĂ©e de ces risques Ă  plus longue Ă©chĂ©ance pour les banques centrales appelle Ă  la vigilance. Si la crĂ©dibilitĂ© des banques centrales Ă©tait mise Ă  mal et si les anticipations d’inflation repartaient Ă  la hausse, la restauration de la stabilitĂ© des prix se rĂ©vĂšlerait trĂšs ardue et trĂšs coĂ»teuse, comme ce fut le cas dans les annĂ©es 1970.

SynthĂšse

À l’échelle mondiale, la politique monĂ©taire est exceptionnellement accommodante. Les taux directeurs sont bien infĂ©rieurs aux indicateurs de rĂ©fĂ©rence traditionnels. Dans le mĂȘme temps, le bilan des banques centrales affiche une taille sans prĂ©cĂ©dent et continue d’augmenter.

Dans un environnement de croissance atone et de chĂŽmage Ă©levĂ© dans de nombreuses Ă©conomies avancĂ©es, le recours Ă  un assouplissement monĂ©taire soutenu va de soi. Cependant, le risque, de plus en plus prĂ©sent, est de faire porter un fardeau excessif Ă  la politique monĂ©taire. Par elle-mĂȘme, une politique monĂ©taire accommodante n’a pas les moyens de rĂ©soudre les difficultĂ©s fondamentales liĂ©es Ă  la solvabilitĂ© ou aux problĂšmes structurels. Elle offre un dĂ©lai supplĂ©mentaire, mais si ce dĂ©lai n’est pas mis Ă  profit, le retour Ă  une reprise autonome en sera retardĂ© d’autant. Les banques centrales doivent admettre et faire reconnaĂźtre les limites de la politique monĂ©taire, en prĂ©cisant clairement qu’elle ne saurait se substituer Ă  une action qui s’attaquerait aux causes de la fragilitĂ© financiĂšre et de la faiblesse Ă©conomique.

La conjonction, d’une part, d’une croissance atone et de taux d’intĂ©rĂȘt exceptionnellement bas dans les grandes Ă©conomies avancĂ©es et, d’autre part, d’efforts visant Ă  en limiter les rĂ©percussions dans les ÉcÉm a contribuĂ© Ă  propager la dĂ©tente monĂ©taire au monde entier. Les risques d’accumulation de dĂ©sĂ©quilibres financiers et de montĂ©e des tensions inflationnistes qui en rĂ©sultent dans les ÉcÉm pourraient avoir des effets nĂ©gatifs marquĂ©s sur l’économie mondiale. Les banques centrales doivent donc mieux tenir compte de l’impact mondial de leur politique monĂ©taire si elles veulent instaurer une stabilitĂ© durable des marchĂ©s financiers et des prix.

Enfin, les banques centrales doivent rester vigilantes quant aux risques Ă  long terme pour leur crĂ©dibilitĂ© et leur indĂ©pendance opĂ©rationnelle. Faute de bien cerner les limites de la politique monĂ©taire, le fossĂ© entre ce qui est attendu des banques centrales et ce qu’elles peuvent effectivement accomplir pourrait se creuser. Cette situation pourrait compliquer la sortie de la politique monĂ©taire accommodante et, en fin de compte, menacer la crĂ©dibilitĂ© et l’autonomie opĂ©rationnelle des banques centrales. Cette prĂ©occupation est exacerbĂ©e par les risques de nature politico-Ă©conomique dĂ©coulant de la conjonction de politiques de bilan, qui brouillent la frontiĂšre entre politique monĂ©taire et politique budgĂ©taire, et de difficultĂ©s rĂ©sultant de situations budgĂ©taires non tenables.


Recommended